Édition Spéciale 2002 - 2005

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La FAPESP et la divulgation scientifique

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a Fondation d’Appui à la Recherche de l’État de São Paulo, FAPESP, a été créée en 1962 et est, depuis, devenue le principal mécanisme institutionnel d’aide à la recherche dans l’État. Elle se détache sur la scène nationale, non seulement par le fait d’être prévue dans la constitution de l’État de São Paulo, mais par l’ampleur des domaines de connaissances dans lesquels elle agit, le volume de ressources qu’elle accorde aux divers programmes offerts à la communauté culturelle, scientifique et technologique, et par sa capacité à maintenir ces programmes par des versements nécessaires et réguliers et sa capacité de gestion et de planification, son autonomie et sa politique de transfert de ressources pratiquée de façon systématique par le gouvernement de l’État. Le budget annuel de la FAPESP, de l’ordre de 135 millions d’euros, est le fruit de sa participation à 1% des recettes totales de l’État de São Paulo, des apports financiers correspondants aux revenus des placements de son patrimoine liquide et d’autres recettes qui proviennent des immeubles qui lui appartiennent et des accords de coopération avec des institutions consœurs au Brésil et à l’étranger. La répartition des investissements dans les différents programmes offerts par la FAPESP, qui vont de la science de base et la formation de personnel à l’innovation technologique, a correspondu, cette année, aux pourcentages suivants: 78% pour les programmes réguliers, 13% pour les programmes d’innovation technologique et 9% pour les programmes spéciaux. Outre ses actions d’aide à la recherche, la FAPESP a, depuis sa création et suivant son statut, pour but de “promouvoir ou de subventionner la publication des résultats des recherches”. C’est dans le cadre de ces attributions et à partir de l’expérience de la première publication, en 1995, d’un bulletin informatif, qu’a été créée, en octobre 1999, la revue Pesquisa FAPESP, dans la série de laquelle s’inscrit ce numéro spécial en français. Les reportages sélectionnés peuvent donner au

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lecteur un bon aperçu de la variété de la production culturelle, scientifique et technologique développée par les chercheurs dans l’État de São Paulo et au Brésil. Ces articles donnent également une idée de l’importance que la Fondation accorde à la divulgation dans la société de cette activité de recherche, riche et systématique. Le revue Pesquisa FAPESP est une publication mensuelle, tirée aujourd’hui à 36 mille exemplaires, parmi lesquels 13 mille sont écoulés par vente ou abonnement et 23 mille distribués institutionnellement. Il existe également une édition électronique qui peut être visitée sur le site www.revista pesquisa.fapesp.br. En 2003, l’Agência FAPESP (Agence FAPESP) de presse (www.agencia.fapesp.br) a été créée. Son slogan “Divulguant la culture scientifique” traduit sa fidélité à la dynamique des relations entre la science, la technologie et la société par les nouvelles et les informations nationales et internationales sur la production et les politiques dans ce secteur. Actuellement, l’Agência FAPESP possède plus de 47 mille abonnés et reçoit plus de 8 mille visites quotidiennes. Grâce à un système bien structuré d’enseignement supérieur et de recherche dans lequel, du point de vue de l’appui à la recherche, la FAPESP joue un rôle déterminant, São Paulo se détache sur la scène nationale et internationale de la production scientifique et technologique, avec des indicateurs qui confirment la réussite des politiques adoptées et consolidées durant des décennies par le gouvernement de l’État. La revue Pesquisa FAPESP est également le résultat de la consistance de ces initiatives, qui font partie de sa mission d’interlocuteur entre la science et la société. Ce numéro, dédié au public francophone, augmente ce dialogue et fait, ainsi, croître sa responsabilité de source digne de foi de la communication simple, facile et rigoureuse des voies complexes du savoir dans le parcours quotidien du citoyen commun. CARLOS VOGT Président de la FAPESP











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j’ai fondé l’Association Brésilienne de Dystrophie Musculaire. Comment avez-vous réussi à mobiliser votre personnel? Qui vous a soutenu? —Frota était à l’époque directeur scientifique de l’association et Maria Rita Passos-Bueno, si mes souvenirs sont bons, a également été une des directrices. Nous avons commencé à mobiliser les gens, j’ai payé de ma poche pour élaborer les statuts de l’association, payer un avocat... Le siège de l’association était dans ma salle. Nous avons ensuite commencé à vendre des objets, des billets de loterie, jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Pedro Moreira Salles, Président de la banque Unibanco, à qui j’ai demandé un soutien plus substantiel pour pouvoir aider les enfants. ■

■ Il

souffrait déjà de dystrophie? — Oui. Nous avons loué une maison à l’entrée de l’USP qui serait le siège de l’association. Pedro nous a soutenu durant toute cette période. Nous n’avons réussi à percevoir des subventions importantes qu’un an plus tard, grâce à un partenariat établit avec le Secrétariat d’État de la Santé qui, outre le soutien apporté à l’Abdim, paie également les tests génétiques des affections neuromusculaires. taux d’incidence est élevé? — Un enfant sur mille est affecté. Ces affections sont peut-être les plus communes parmi les maladies génétiques qui affectent 3% des enfants. Elles sont importantes car la plupart sont très graves et progressives.

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cette époque personne ne faisait rien à ce sujet. En collaboration avec Frota, j’ai découvert une étude, qui avait déjà été publiée, sur un enzyme pouvant détecter cette affection. J’ai donc mené des recherches sur mille personnes durant ma maîtrise et mon doctorat. ■ Comment a évolué votre travail jusqu’à

la découverte des premiers gènes de la dystrophie de la ceinture? — Nous menions des recherches sur les enzymes, jusqu’à ce que la biologie moléculaire commence à se développer à l’étranger dans les années 80. Nous avions pris du retard car nous ne faisions rien dans ce domaine. C’est alors que Rita, qui venait de terminer son doctorat, a décidé d’aller à l’étranger pour étudier ce domaine. J’ai contacté le groupe de Kay Davies, qui était une sommité à l’époque à Oxford, et elle s’est donc rendue en Angleterre. Mariz Vainzof, une de mes amies qui travaillait sur les protéines et les muscles, a également décidé d’aller au Canada étudier les protéines musculaires. Dès leur retour, nous avons monté le secteur de biologie moléculaire des affections neuromusculaires. Rita s’est occupée de l’étude des gènes et Mariz de l’étude des protéines du muscle. Nous avons publié de nombreux travaux, découvert de nouveaux gènes et réalisé un grand bond qualitatif.

■ Le

■ Vous voulez dire qu’elles mettent très tôt les porteurs en danger de mort? — Oui. Il y a quelques formes adultes mais la plupart sont des maladies infantiles ou qui tuent de jeunes adolescents. Je dis toujours que ce ne sont pas les enfants ou les adolescents qui sont affectés, mais la famille entière.

Comment vous êtes vous orientée vers les dystrophies? — La première patiente qui a attiré mon attention était une jeune fille qui recherchait un conseil génétique car elle avait trois neveux affectés par la dystrophie de Duchenne. À l’époque j’étais encore étudiante. Elle allait se marier et craignait d’avoir des enfants affectés. À ■

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me souviens d’un de vos rapports sur les conseils génétiques et des secrets de paternité qui font parfois l’objet de craintes non fondées. Comment gérez vous ce genre de situation dans les cas les plus complexes? — Nous ne les gérons pas toujours car chaque cas est particulier, mais fréquemment les tests de DNA révèlent une paternité non attendue.

■ Devez-vous faire face à de nombreux cas de ce type? — Oui, et quand les gens commencent à discuter de questions éthiques, échafaudant de nombreuses théories, je pense qu’il vaut mieux parler de cas pratiques qui sont complexes. Je me souviens du cas d’un couple dont l’enfant souffrait d’une affection neuromusculaire. Le père se sentait coupable car il pensait l’avoir transmise à son fils. Grâce à un examen de DNA on a découvert qu’il n’était pas le père. La question est angoissante: doit-on lui dire ou non ? J’ai rapporté cette histoire durant un congrès de bioéthique uniquement composé d’avocats, qui ont déclaré: “vous pouviez être poursuivie judiciairement dans les deux situations, que vous lui racontiez ou non”. ■ Au

final, le supposé père l’a appris? — Il n’est plus jamais revenu ici.

■ Je

■ Vous dites que cela concerne plus ou moins 10% des cas. — Oui, 10%. Alors que faisons nous? Si cela ne crée pas d’interférences dans le conseil génétique, cela ne nous concerne pas. Dans le cas contraire nous devons en discuter. Cela me rappelle le cas d’une jeune fille qui était enceinte et dont le père était hémophile. Si elle était porteuse de cette maladie, qui ne se déclare pas chez les femmes, elle aurait 50% de chances d’avoir un enfant hémophile. Elle est donc venue ici se faire examiner. C’est ainsi que nous nous

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sommes aperçus qu’il ne s’agissait pas de son père biologique. Elle ne courait donc aucun risque pour cette grossesse et les prochaines. Mais elle avait énormément d’affection pour son père et raconter la vérité pouvait détruire sa famille. Nous étions donc en face d’un dilemme. Nous avons donc décidé de discuter avec sa mère qui bien entendu était au courant. La mère s’est ensuite entretenue avec sa fille, c’était la meilleure solution.

J’aimerais que vous nous parliez de vos récompenses internationales et nationales. — J’ai reçu le prix des Femmes dans les Sciences, Women in Science, de l’Unesco et de l’Oréal, en 2001. Ce prix m’a ouvert beaucoup de portes, je ne savais pas que je pouvais avoir autant d’importance. J’ai ensuite gagné le prix des Sciences Médicales de Base de l’Académie du Tiers-monde, en 2003. C’est très agréable d’être récompensée. En ce qui concerne le prix Femmes dans les Sciences avec L’Oréal, il y avait beaucoup de moyens et on a fait une belle fête émouvante à Paris au siège de l’Unesco. ■

■ Et

les prix nationaux? — J’ai reçu le prix Claudia, le prix du Rotary ainsi que d’autres. Avant de parler des cellules souches, j’aimerais que vous nous parliez un peu des Cepids (Centres de Recherche, Inno-



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■ Avez-vous craqué en vous disant “nous allons devoir monter au front” — Oui, en 2004, quand j’ai vu que le premier projet présenté par le député Aldo Rebelo (PC do B) autorisant les recherches sur les cellules souches embryonnaires n’allait pas être approuvé. Le projet était étrange car il recouvrait en même temps les cellules souches et les transgéniques. Mais bon, tout allait être autorisé et tout le monde serait content. C’est alors que la proposition a été modifiée. Ce fut pour moi une grande déception. Nous avons donc commencé à nous mobiliser. Nous avons repris le projet, un groupe a réécrit la partie concernant les cellules souches, l’autre s’est occupé des transgéniques et nous sommes allés à Brasilia pour rechercher le soutien des sénateurs. À cette époque j’ai fait la connaissance de Drauzio Varella et je lui ai demandé de m’aider: “Vous devez nous aider dans cette cause en utilisant Globo (principale chaîne de télévision brésilienne)”. Il a acquiescé. Nous avons ensuite réalisé une audience publique qui s’est révélée déterminante. ■ Que retirez vous de vos nuits blanches passées au Parlement? — Ce fut une expérience très riche. Tout d’abord, j’ai compris comment fonctionnait le Parlement car je n’en avais aucune idée. Deuxièmement, nous avons réussi à démystifier certains concepts durant ces audiences publiques. L’Église parlait d’avortement (quand elle se référait à la recherche sur les embryons). ■ Comme il est admis légalement que la mort est cérébrale, vous défendez le fait que la vie commence quand se forme le système nerveux. — Oui. Mais même en ce qui concerne l’avortement, il y a une différence fondamentale et j’en ai d’ailleurs déjà discuté avec un prêtre. Si vous n’intervenez pas dans une grossesse non désirée, la vie continue. Elle n’est interrompue que par l’avortement. En ce qui concerne la recherche sur les embryons dans les cliniques de fécondation, c’est tout à fait le contraire. En effet, ils n’existeraient pas sans l’intervention de l’homme. Ils ont été créés par l’homme car le couple ne parvenait pas à procréer naturellement. S’ils ne sont pas introduits dans l’utérus, il ne se passera rien. Même quand ils sont introduits dans l’uté-

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rus leur chance de donner la vie est de 10%. Des embryons congelés depuis trois ou quatre ans ont une chance de donner la vie de 2% à 3%. Dire que nous tuons des vies en défendant la recherche sur les embryons est exagéré. Nous avons été très critiqués par l’Église Catholique. Les évangéliques sont divisés sur la question. ■ Durant cette lutte, vous êtes vous sentie soutenue par la communauté scientifique? — Oui. J’ai reçu le soutien de l’Académie des Sciences Brésilienne et de la FAPESP. Mais je pense que la communauté scientifique aurait pu s’engager davantage. ■ Comment réagissez-vous face aux critiques de certains sur la présence de patients en fauteuils roulants à la chambre de Députés pour influencer le vote? — Ces personnes en chaises roulantes ont demandé à être entendues et je pense que c’est leur droit. Ce sont elles qui souffrent le plus, c’est mon leitmotiv. Nous n’avons obligé personne à se rendre à Brasilia. Au contraire, ces personnes nous disaient: “pour l’amour de Dieu, laissez-nous parler aux députés, ils doivent nous voir”. Cette mobilisation était différente car il s’agissait également de jeunes et d’enfants en fauteuils roulants. La recherche peut également aider les patients atteints de la maladie de Parkinson et d’Alzheimer. Un individu souffrant de la maladie de Parkinson, comme le pape, est âgé de 80 ans et a déjà vécu, bien ou mal. Par contre, il est triste de voir un enfant souffrir d’affections neuromusculaires. Je pense que cela sensibilise énormément. ■ Quand

sera-t-il possible d’initier les recherches sur les cellules souches embryonnaires? — Cette année, j’espère. Nous allons mettre tous les moyens en oeuvre pour cela. Nous ne voulons pas trop attendre. Je pense que la recherche doit être réglementée et très bien contrôlée. Je suis inquiète car il y a de nombreux individus malhonnêtes proposant des traitements à base de cellules souches embryonnaires qui n’existent pas. Maintenant il faut être vigilant. De nombreuses personnes nous téléphonent pour s’offrir comme cobaye dans des traitements expérimentaux. Nous n’acceptons pas ce genre de demande. C’est alors qu’apparaissent

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des escrocs annonçant qu’ils réalisent des traitements à partir de cellules souches embryonnaires importées. D’ici peu ils vont dire qu’ils réalisent ces traitements avec des cellules nationales. ■ Pensez-vous travailler longtemps sur les animaux avant de commencer les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines? — J’espère que non. Nous travaillons déjà sur les cellules souches du cordon ombilical sur un modèle canin de dystrophie. Nous allons commencer à travailler sur des souris immunodéficitaires. La recherche sur les animaux n’avait pas besoin de la loi de Biosécurité pour être autorisée. Travailler avec des souris est plus facile bien qu’il s’agisse d’un modèle très éloigné de l’homme. Le chien est plus proche de l’homme, mais nous n’arrivons pas à réaliser de fécondation in vitro. Il est très difficile d’obtenir des cellules souches embryonnaires du chien. ■ Pourquoi?

— Parce que l’embryon ne se loge dans l’utérus que 14 ou 15 jours après la fécondation. Vous ne savez qu’elle attend des petits qu’à partir du deuxième mois. En collaboration avec le professeur Maria Angelica Miglino (de la Faculté de Médecine Vétérinaire et de Zootechnie de l’USP), nous essayons de croiser une chienne pour réaliser ensuite un lavage utérin afin d’obtenir des embryons. Mais il est très difficile d’obtenir une lignée de cellules souches à partir de ces embryons. Jusqu’à présent, personne n’y est parvenu car, quand les embryons de la chienne se logent dans l’utérus, ils se trouvent déjà à un stade bien plus avancé que les embryons humains, et ne représentent qu’une dizaine de cellules. Les cellules souches sont un sujet complexe. Ne pensez-vous pas que les gens confondent les récentes études menées sur les cellules embryonnaires humaines dans le pays, avec les essais cliniques déjà réalisés sur les cellules souches adultes? — C’est une question très importante. L’unique certitude que nous avons en matière de thérapie est que nous pouvons utiliser des cellules souches adultes de la moelle osseuse et du cordon ombilical pour traiter les affections hématologiques, comme les anémies et la leucémie. Nous avons déjà la certitude que les cellules souches du cordon ombilical ■





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plasma existe, certaines particules doivent être produites avec une certaine probabilité et doivent sortir avec certaines propriétés d’énergie. Il s’agit d’un processus nucléaire extrêmement complexe. Supposons, alors, que l’on étudie une particule nommée A. Il existe d’autres processus nucléaires qui produisent également cette particule A. Ce n’est pas seulement le plasma. Cela signifie que, pour que nous puissions savoir si cette particule a été produite par le plasma, nous devons exclure tous les autres processus possibles. J’ai préparé un modèle théorique simple par lequel je démontre que certaines particules caractéristiques du plasma sont aussi produites avec les mêmes propriétés dans des processus nucléaires classiques qui n’ont rien à voir avec le plasma. Nous n’avons donc pas besoin du plasma pour expliquer sa production. ■ Et pourquoi est-ce que vous ne croyez pas que votre ancien groupe ait découvert la particule quark-gluon? — Parce qu’il y a plus d’une interprétation au phénomène. Un phénomène ne peut être considéré nouveau que s’il n’y a aucune autre interprétation possible. Mais s’il peut être expliqué par un processus classique, connu, nous n’avons pas besoin de lui. ■ Cette activité d’analyse d’expériences, vous la faite à Paris. Quand vous êtes ici au Brésil, que faites-vous? — Des choses bien différentes. Prenons l’exemple de ce voyage. Le Ministère des Sciences et de la Technologie a mis en place une commission pour choisir le nouveau directeur du CBPF. Carlos Henrique de Brito Cruz, recteur de l’Unicamp, José Roberto Leite, directeur de Développement Scientifique et Technologique du CNPq, Fernando Zawislak, de l’UFRGS, Marco Antônio Raupp, directeur du Laboratoire National d’Informatique Scientifique et moimême faisons partie de cette commission. Je suis ici car nous avons quatre candidats et nous aurons un entretien avec eux. ■ Dans quels projets êtes-vous le plus engagé au Brésil? — Je fais quelque chose qui m’intéresse beaucoup: travailler pour l’enseignement. Je suis un physicien retraité de l’École Polytechnique de Paris, qui est

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l’une des plus importantes au monde et, certainement, avec l’École Normale Supérieure, la plus importante en France. J’ai réussi à conclure un accord de coopération entre l’École Polytechnique, l’USP – incluant les campus de São Paulo et de São Carlos – et l’UFRJ. Par cet accord, les deux universités brésiliennes ont le droit d’envoyer à Polytechnique des étudiants de maîtrise. Ils étudient deux ans et demi à Polytechnique et reçoivent le diplôme d’ingénieur en France. Ils se retrouvent avec deux diplômes, le brésilien et le français. C’est le niveau le plus élevé qui existe au monde dans des cours universitaires de 2ème cycle.

■ Qui est-ce qui paye pour qu’ils restent à

Paris? — L’École Polytechnique. Et ce qui est beau en France c’est que tout le monde a les mêmes droits, il n’y a pas de discrimination. Les étudiants français ont une bourse d’environ 1.300 euros par mois (plus ou moins 5 mille réaux). Les étrangers aussi. Avec cet argent, ils payent leur logement, la cantine, les études, et il leur reste environ 400 euros par mois pour le cinéma, le métro, l’habillement etc.

accords? — L’École Polytechnique de Paris s’est ouverte à de nombreux pays. En Amérique latine elle collabore, actuellement, avec le Brésil, le Chili et le Mexique. En Europe, avec l’Allemagne, la Pologne, la Suède, la Russie, la Roumanie. En Asie, avec la Chine, la Corée du Sud, le Viêt-nam... Comme je suis brésilien, on m’a contacté pour savoir si j’étais intéressé à aider dans le contact avec les universités brésiliennes. Comme j’étais de l’USP et j’ai un contact constant avec l’UFRJ, je me suis occupé d’assurer ce rapprochement.

Comment était votre travail à l’École Polytechnique de Paris? — De temps en temps je donnais des cours sur des sujets liés à mon thème de travail, mais mon activité principale était la recherche et diriger des groupes de recherche. Je suis physicien, mais aussi ingénieur. J’ai, d’abord, conclu mes études à l’École Polytechnique de l’USP et c’est pendant le cours d’ingénierie que j’ai commencé à aimer la physique, que j’enseignais dans des cours préparatoires et des collèges, comme le font beaucoup de jeunes aujourd’hui. Ma famille était pauvre et je devais gagner assez d’argent pour moi, mais aussi pour aider ma famille.

■ Comment

■ Cela

■ Comment

avez-vous travaillé pour ces

fonctionne cet accord? — Les professeurs brésiliens sélectionnent des étudiants d’ingénierie, de physique, de mathématique, de chimie, qui posent leur candidature. Disons, une trentaine, parmi 70 ou 80. Le premier critère est d’être bon en mathématique. Après la sélection brésilienne, une commission de professeurs de l’École Polytechnique vient pour un entretien avec ces étudiants. Et, à nouveau, un certain nombre est sélectionné. Le 2 avril dernier j’ai eu un immense plaisir car les premiers étudiants de l’USP qui sont allés en France en 2002, ont reçu leur diplôme. Ils étaient 11 étudiants, de l’École Polytechnique de São Paulo, de l’École d’Ingénierie de São Carlos et des Instituts de Physique et de Mathématique des deux campus. Deux autres groupes, de 14 étudiants chacun, sont déjà en France. Cette année 11 étudiants de l’USP et trois de l’UFRJ – car Rio présente encore peu de candidats – ont été sélectionnés. Mon objectif est de contri-

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buer à élever le niveau de l’enseignement des écoles brésiliennes d’ingénierie.

n’était pas très fréquent il y a 60, 70 ans, n’est-ce pas? Quelqu’un issu d’une famille humble, qui réussit à fréquenter de bonnes écoles publiques, qui arrive à l’université et qui a une progression comme la vôtre, tellement forte au sein de l’université. — J’ai eu énormément de chance dans ma vie. Je viens d’une famille d’ouvriers mais, cela peut paraître incroyable, tous avec un intérêt culturel immense. Ils lisaient beaucoup; ils étaient énormément politisés. J’étais un gamin à l’époque de la guerre en Espagne. Ils lisaient le journal tous les jours, et j’entendais quotidiennement des discussions sur ce qui était entrain de se passer. Je me souviens de cette époque avec mon père et mes oncles; ils étaient contre le général Franco, contre le fascisme, et solidaires avec la République Espagnole. Comment j’ai étudié l’ingénierie? Depuis tout petit, j’entendais mon père, mon grand-père maternel, dire: “Roberto sera ingénieur, il ne sera pas ouvrier”. Étudier



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n’avais même pas le temps pour ça. Puis, il y a eu un incident. Nous, les physiciens du CBPF, nous avons visité l’Arsenal de la Marine, à Rio, où il y avait des laboratoires de physique très bien structurés. Nous y avons passés plusieurs heures et nous avons déjeuné avec les officiers. L’amiral Álvaro Alberto, qui, à l’époque, était président du Conseil National de Développment Scientifique et Technologique/CNPq, participa à la visite et, pendant le déjeuner, par hasard, je me suis assis à côté de lui. Nous avons été photographiés et les photos sont apparues dans la revue de la Marine. J’ai su, par la suite, que le chef de la Police de Rio a téléphoné à l’amiral pour lui dire que j’étais de gauche. L’amiral était furieux... contre moi. À tel point, que je n’ai jamais pu obtenir une bourse d’études du CNPq. ■ Vous

avez fait une demande de bourse? — J’ai rencontré, par hasard, le professeur Costa Ribeiro, de Rio de Janeiro, qui était du conseil du CNPq. Je lui ai raconté que je voulais aller en Angleterre avec une bourse et il me conseilla de ne pas en demander une à ce moment là. C’était un signal, n’est-ce pas? Je pense qu’il a été sympa. Ça aurait été pire de voir ma demande refusée. ■ L’amiral vous en voulait simplement à cause de l’épisode de la photo? — Incroyable, n’est-ce pas? Peu de temps après, j’ai eu la preuve de la colère qu’il avait gardé contre moi. Cesar Lattes voulait obtenir un synchrotron pour Rio de Janeiro, identique à celui avec lequel il avait fait un travail très important à Berkeley, quand il a produit un meson-pi artificiellement. Des ingénieurs et des physiciens de l’Université de Chicago sont alors partis au CBPF, et ils ont passé quelque temps à Rio pour projeter le synchrotron. Pendant une certaine époque, ils ont logé dans un bâtiment du CBPF. L’amiral Álvaro Alberto a donné l’ordre de m’interdire d’entrer dans le bâtiment dans lequel travaillaient les américains. J’ai trouvé ça ridicule et inacceptable, et j’ai décidé de partir. Ce serait une immoralité commise contre moi-même que de me soumettre à cette condition. J’ai alors décidé de présenter ma démission au CBPF. À la même époque, j’ai appris que l’Unesco offrait des bourses d’études pour l’étranger. J’ai posé ma candi-

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dature et je l’ai obtenue. Je suis parti faire mon doctorat à l’Université de Manchester. C’était en 1953. ■ Dans le domaine des rayons cosmiques?

— Oui, dans les rayons cosmiques. J’ai choisi Manchester car je savais qu’il y avait là-bas le laboratoire de rayons cosmiques le plus important au monde. Et je savais que Patrick Blackett, le professeur directeur du laboratoire, prix Nobel de Physique, était le pape dans ce domaine. J’ai appris, par la suite, qu’il était également un grand leader scientifique, le meilleur administrateur des sciences que je n’ai jamais connu. Je vais vous donner un exemple de son incroyable vision de l’avenir. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les anglais se sont inscrits pour combattre aux forces armées. Cela incluait les universitaires et, naturellement, les universités étaient presque vides. Blackett a dit: “Ce n’est pas possible de continuer ainsi, car, un jour, la guerre va se terminer et nous devons penser à préparer les jeunes pour l’après-guerre”. Et il recommanda qu’un grand nombre de professeurs retourne à l’université. ■ Cela

a eu lieu? — Oui. Plusieurs universitaires ont été rappelés, mais ils travaillaient dans ce qui était appelé la défense civile. C’est-àdire: quand il y avait un bombardement, ils travaillaient comme pompiers, comme assistants d’infirmiers, ces choses là. Mais les cours ont continué. ■ C’est Blackett qui vous a indiqué au CERN? — Oui. Quand j’étais entrain d’écrire ma thèse et me préparai à rentrer au Brésil, Blackett m’a appelé et m’a demandé si j’aimerais rester plus de temps en Europe et travailler au CERN. Je ne savais même pas ce qu’était le CERN, qui venait d’être créé. Il m’a dit qu’il me ferait passer un an ou deux de plus en Europe. Je suis allé à Genève, j’ai parlé au directeur du CERN et j’ai fini par être embauché pour un an. C’était le tout début du CERN. En fait, il n’existait même pas. Nous travaillions dans des baraques en bois qui nous avaient été prêtées par l’aéroport de Genève. Quand j’y suis allé, nous étions moins de dix physiciens expérimentaux – j’ai été l’un des dix premiers physiciens expérimentaux embauchés par le CERN. Il n’y avait rien.

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■ Combien de temps êtes-vous resté là-bas?

— Je devais y rester un an. Mais je suis resté une deuxième année, une troisième, puis ils m’ont offert un contrat permanent. J’aurai pu avoir pris ma retraite là-bas. Pendant la première phase, je suis resté huit ans à Genève. ■ Le premier accélérateur était prêt au bout de combien de temps? — Le plus petit, en trois ans et demi – un record. L’autre, plus grand, avec lequel j’ai travaillé, au bout de cinq ans. C’était, à l’époque, le plus grand accélérateur au monde. Aujourd’hui, un grand accélérateur de protons est en construction – le Large Hadron Collider (LHC). Les protons passent par une association d’accélérateurs, plusieurs d’entre eux avant d’arriver au LHC. ■ Le LHC va remplacer le Large Electron Position (LEP), l’accélérateur d’électrons qui a été désactivé? — Exactement. C’est le même tunnel, de 27 kilomètres de circonférence. Mais c’est une autre machine, car les conditions pour l’accélérateur d’électrons sont très différentes des conditions pour un accélérateur de protons. ■ Quand vous êtes rentré au Brésil, vous êtes allé travailler directement au CERN pour l’UnB. Qui vous a invité? — Au fond, il n’y a pas eu d’invitation formelle. Je participais à des groupes de discussions sur la création de l’université avec des amis intéressés à améliorer l’enseignement supérieur. Mais l’homme qui a idéalisé la structure de l’UnB a été Anísio Teixeira, le plus grand éducateur que le Brésil n’ait jamais connu. Il avait conçu cette nouvelle structure pour l’ancienne Université du Brésil à Rio, actuellement l’UFRJ, bien avant que l’on ne songe à l’UnB. Il voulait introduire cette structure d’instituts et de facultés, comme c’est le cas dans toutes les universités brésiliennes aujourd’hui, lors du transfert de l’Université du Brésil vers la cité universitaire à l’Île du Fundão. Mais, à Brasília, nous avons commencé auparavant. ■ L’UnB

n’était pas comme ça avant? — Non, pas du tout. C’est ça qui a été l’originalité de l’UnB. La même structure a été adoptée à l’USP, l’UFRJ, dans toutes les universités. Ça a commencé à Brasília, en 1962. Mais, créer des ins-



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de leur expliquer ce qui se faisait. Parfois, le soir, ils m’invitaient à prendre un café pour se plaindre de l’université. L’ambiance était comme ça. Voyez-vous, la démission était inévitable. ■ La

solution a été de rentrer à Genève. — Quand j’ai démissionné, je suis resté cinq ou six mois au chômage et ça a été ma femme, Sonia, qui a pris en charge la famille, avec son travail de psychanalyste. Le directeur-général du CERN, Victor Weisskopf, a été au courant de ce qui se passait à l’UnB. Un beau jour, un secrétaire de l’Ambassade Française est apparu chez moi en disant qu’il avait une lettre du professeur Weisskopf qui devait m’être remise personnellement, en mains propres. C’était un contrat, signé, pour que je retourne au CERN. Je suis resté avec cette lettre trois mois avant de me décider à y aller. ■ Pourquoi?

— Parce que je ne voulais pas quitter le Brésil. J’ai essayé de trouver du travail dans des universités de Rio, de Minas et de Bahia, mais les rectorats ne s’y sont pas intéressés, probablement à cause du climat politique. Je suis alors retourné à Genève. Ça a été très dur. Au CERN, Weisskopf m’a donné le même poste à vie que j’avais avant, et qui était très élevé. Je suis alors resté encore un an et demi au CERN. À cette époque, j’ai également reçu des invitations pour travailler aux universités d’Oxford, en Angleterre, de Colombie, à New York, de Trieste, en Italie, et à l’École Polytechnique de Paris. Nous aurions pu rester à Genève jusqu’à ma retraite. La vie làbas était très bonne, l’éducation des enfants de haut niveau, l’université excellente. Mais, après plusieurs discussions avec ma femme, nous avons conclu: “Si nous devons éduquer nos enfants en dehors du Brésil, allons à Paris, car làbas les enfants se développeront dans un climat intellectuel unique au monde”. Malgré le fait que la physique était, à Paris, du plus haut niveau international, nous sommes partis pour Paris à cause des enfants et non à cause de la physique. Au CERN j’avais également de la physique de haut niveau. ■ Comment percevez-vous la physique au Brésil de nos jours? — La physique, comme toutes les sciences, a beaucoup progressé au Brésil,

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particulièrement au cours des 30 dernières années. Nous avons plusieurs physiciens d’une formation d’excellent niveau, très compétents. Mais peu de groupes avec un impact international. Cela est dû au manque d’une infrastructure qui permette trois conditions fondamentales à la recherche scientifique: une autorité qui définisse les priorités et qui soit respectée; de l’agilité pour que la décision à propos d’un projet puisse être prise en peu de temps; et la continuité dans le financement des projets. Il manque, également, plus d’années d’expérience de la communauté, avec un esprit critique aigu, dans un processus de mûrissement, pour que les personnes associées à un travail prennent l’habitude de plonger le plus profondément possible dans le problème spécifique qu’elles étudient, d’aller jusqu’aux dernières conséquences et de pouvoir s’imposer. La participation du Brésil dans des projets internationaux est également peu significative, malgré les professionnels que nous possédons, qui sont capables et préparés à participer à de tels projets. Il existe certains domaines de la physique sur lesquels l’on ne peut travailler qu’en collaboration internationale. Même dans des pays riches comme les États-Unis, la France, l’Angleterre, l’Italie et la Suède, il existe certains domaines dans lesquels aucun d’entre eux ne peut travailler seul. Pour deux raisons: la question financière et à cause du temps de travail. Il existe certains équipements qui, en collaboration internationale, mettent huit, dix ans à être construits, avec la participation de 10, 15, 20 pays. Si un pays veut le faire seul, quand il aura terminé, le sujet sera dépassé, ou peut-être qu’il ne pourra même pas le faire. La collaboration internationale est indispensable. Voici deux exemples: l’Observatoire Pierre Auger, en Argentine, et le Southern Observatory for Astrophysical Research (Soar), au Chili. Ces deux projets importants ont été approuvés car il a eu la participation déterminante de la FAPESP. Malheureusement, cela est rare au Brésil, car les décisions sont prises par des comités qui tendent à distribuer des petits budgets à plusieurs groupes et n’ont pas l’autorité qu’à eu la FAPESP, de prendre une décision, d’assumer la responsabilité, en aidant fortement au financement d’un grand projet. Il n’y a pas d’infrastructure pour les collabora-

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tions internationales au Brésil, en commençant par une restructuration des sources de financement. Quand il y a une collaboration internationale, le pays assume la responsabilité de construire des équipements. Cette construction dure plusieurs années, et il faut voyager constamment pour avoir des contacts avec tous les laboratoires qui y participent. Et, au Brésil, il n’existe pas de structure pour tout ça. ■ Donnez-nous

un exemple concret de ce manque de structure. — Je vais vous parler du cas spécifique de la physique de particules: si un groupe brésilien veut travailler au CERN il n’existe pas de structure au Brésil qui permette de financer les équipements et les voyages. C’est toujours une lutte pour obtenir des crédits pour chaque chose. Voyez un cas dramatique: il y a presqu’une centaine de physiciens brésiliens qui ont présenté des projets pour travailler dans les quatre expériences qui doivent être faites dans l’accélérateur de particules LHC, du CERN. Ces projets brésiliens ont été présentés voici des années, ils ont été approuvés au CERN, mais n’ont pas encore été approuvés au Brésil. Ce qui se passe c’est que, comme pour chaque partie du projet il y a un temps limité et le Brésil ne bouge pas, les responsabilités sont passées à d’autres pays. Par exemple, une des expériences demandait une grande pièce d’un électroaimant, ce qui, avec la qualité de notre industrie, peut facilement être fait au Brésil. Cela aurait même pu être fait dans un des laboratoires de la Commission Nationale de l’Énergie Nucléaire. Le groupe brésilien l’a proposé, le CERN l’a accepté et, pendant deux ou trois ans, rien ne s’est passé. Comme chaque pièce devait être terminée dans une période déterminée, le projet a été repassé au Pakistan. Le Brésil a déjà perdu cette collaboration. Et d’autres projets sur lesquels les brésiliens voulaient travailler sont entrain d’être repassés à d’autres pays. ■ Quand le Brésil participe de ces projets de collaboration au CERN, est-ce qu’il doit également s’engager avec une contre partie en argent? — Il doit fournir l’équipement, ce qui, pour nous, est excellent, c’est de l’avant-garde. Le CERN est grand, il coûte cher, et est financé par 20 pays (les











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terdits, les scientifiques brésiliens sont allés de l’avant. Ils ont développé ce que la législation leur permettait de faire, menant des recherches sur des cellules souches animales et des cellules souches humaines extraites de tissus adultes, en général de la moelle osseuse et du sang du cordon ombilical. La plupart des recherches sont des études biologiques de base. Leur objectif est de comprendre et de contrôler in vitro les mécanismes de division et de différenciation des cellules souches et, dans certains cas, de créer des modèles animaux pour traiter certaines affections. D’autres études plus appliquées concernent le traitement d’affections à l’aide de cellules souches adultes testées sur des animaux et sur des hommes. On ne sait pas à l’heure actuelle si les cellules souches adultes possèdent la même flexibilité que les cellules embryonnaires. Cependant, au fil du temps, on découvre qu’il est possible de les extraire de tissus plus mûrs qu’on ne le pensait (la graisse est une de ces sources) et de différencier une plus grande variété de tissus. Elles peuvent peut-être devenir la base du traitement de certaines affections comme les problèmes cardiaques, orthopédiques et dentaires. Moins versatiles que les cellules embryonnaires, les cellules souches adultes ont l’avantage d’être plus fiables. Durant les traitements expérimentaux, on injecte chez les patients des cellules souches extraites généralement de leur propre organisme. Ceci élimine le risque de rejet et réduit l’apparition d’autres problèmes. “De nombreuses études indiquent que l’injection de cellules souches embryonnaires non différenciées provoque des tumeurs chez les souris”, déclare Marco Antonio Zago, coordinateur du Centre de Thérapie Cellulaire de la Faculté de Médecine de l’Université de São Paulo (USP) à Ribeirão Preto. “Il serait insensé d’inoculer des cellules embryonnaires chez l’homme sans avoir appris à les différentier”, déclare la généticienne Mayana Zatz, coordinatrice du Centre d’Études du Génome Humain de l’USP et qui mène actuellement des recherches sur l’utilisation de la thérapie cellulaire dans les dystrophies musculaires (voir interview page 12).

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C’est pour cela qu’aucun groupe de recherche sérieux, brésilien ou étranger, n’envisage, à court terme, d’injecter une dose de cellules souches embryonnaires chez l’homme. D’ici deux ou trois ans, les résultats cliniques les plus encourageants devraient être appliqués avec prudence dans de possibles traitements à base de cellules souches adultes. Il y a un précédent qui justifie l’optimisme modéré de cet abordage. Jusqu’à présent un seul traitement cellulaire est devenu routinier dans les hôpitaux de pointe. Il s’agit de la greffe de moelle osseuse, utilisée depuis 40 ans pour soigner la leucémie, certains types de lymphome ainsi que d’autres désordres sanguins. Pour utiliser une métaphore, dans le “miracle” de la greffe, le “saint”, duquel on parlait si peu avant, est représenté par la population de cellules souches adultes dans ce tissu mou et spongieux situé dans les os. Il y a deux types de cellules souches dans la moelle: les cellules hématopoïétiques, qui produisent les globules rouges (hématies), les globules blancs, les plaquettes, et les mésenchymes qui produisent différents tissus, comme les os, le cartilage, les tendons, les muscles et la graisse.

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es avancées dans ce domaine seront dues aux recherches les plus variées, comme les travaux menés sur des cellules souches adultes d’origine humaine ou animale cultivées en laboratoire ou implantées sur des animaux et même chez l’homme, des études menées sur les cellules humaines embryonnaires in vitro ou injectées chez des animaux ainsi que des expériences menées sur les cellules embryonnaires d’animaux. Certaines applications élémentaires utilisées par la recherche brésilienne sont présentées ci-dessous. Au même titre que l’Allemagne, le Brésil est une des références internationales en matière de recherches cliniques utilisant les cellules souches de la moelle osseuse des propres patients pour traiter leurs problèmes cardiaques. En-

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couragé par les résultats positifs obtenus par les études pilotes menées sur un petit nombre de patients victimes d’infarctus aigu du myocarde, de cardiomyopathie dilatée, d’ischémie chronique et de maladie de Chagas, le Ministère de la Santé brésilien a lancé au mois de février un projet d’un montant de 13 millions de réaux au profit des recherches sur les cellules de la moelle osseuse visant à combattre ces affections qui provoquent une insuffisance cardiaque. Ce projet ambitieux appelé Étude Multicentrique Randomisé de Thérapie Cellulaire en Cardiopathie sera coordonné par l’Institut National de Cardiologie de Laranjeiras (INCL) à Rio de Janeiro et comptera sur la participation de près de 30 universités et hôpitaux du pays. Cette nouvelle approche sera testée sur 1.200 patients répartis en quatre groupes de 300 individus, classés selon leurs problèmes cardiaques. Tous les patients recevront un traitement conventionnel et seront suivis pendant un an. Pour vérifier les possibles effets bénéfiques de la thérapie cellulaire, la moitié des patients recevra une injection d’un placebo (matériel inoffensif, sans effets thérapeutiques) et l’autre moitié recevra une injection de cellules souches dans le coeur. L’étude aura un caractère confidentiel, car ni les médecins et ni les patients ne connaîtront le contenu des injections. Chaque pathologie dépendra d’un centre coordonnateur d’études. L’INCL s’occupera des travaux sur la cardiomyopathie dilatée (le coeur augmente de volume et pompe difficilement le sang). L’InCor coordonnera les études concernant l’ischémie chronique du coeur. L’Hôpital Santa Izabel de Salvador, en collaboration avec la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) à Bahia, supervisera une toute nouvelle recherche sur les individus souffrant de la maladie de Chagas. L’Institut de Sciences Biomédicales de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (ICB/UFRJ) et l’Hôpital Pro-Cardiaque coordonneront les expériences réalisées sur l’infarctus aigu du myocarde. Si à la fin de cette étude, certaines thérapies cellulaires se montrent plus efficaces que le traitement cardiaque actuel, elles seront adoptées dans le réseau des hôpitaux publics. “D’ici un an et demi, nous devrions connaître les premiers résultats concernant l’efficacité des cellules souches de la moelle os-







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devait élever ses deux filles Amanda et Mariana âgées de 5 et 2 ans, a dû choisir et a décidé de quitter l’USP. “Je n’avais plus le temps de tout faire correctement ”, déclare-t-elle. L’équipe qui a travaillé sur ce virus pendant deux ans et demi est également constituée de dix docteurs en biologie, de quatre chercheurs ayant leur maîtrise et de 12 étudiants universitaires en biologie. “Ce travail a été entièrement financé par le secteur privé, mais il n’a été rendu possible que grâce à l’université publique qui a formé ce personnel ”, déclare Reinach. L’équipe comprend également deux virologues qui possèdent une large expérience et qui ont travaillé en tant que consultants. Il s’agit de l’israélien Moshé Bar-Joseph, qui travaille actuellement au sein de l’Organisation de la Recherche Agricole en Israël et d’Elliot Kitajima de l’École Supérieure d’Agronomie Luiz de Queiroz (Esalq) de l’USP, une des plus grandes autorités brésiliennes en matière de virologie des plantes.

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à Sucre (CTC) à Piracicaba, contrôlée par la Coopérative des Producteurs de Canne à Sucre et d’Alcool de l’État de São Paulo (Copersucar), a publié un article dans une revue internationale et a participé à six études publiées dans des revues brésiliennes durant ces trois dernières années.

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Production limitée - Il est assez rare que des entreprises privées brésiliennes divulguent les résultats de leurs recherches dans des revues scientifiques. Généralement, les techniciens, les biologistes, les ingénieurs agricoles ou les vétérinaires qui travaillent au sein de ces entreprises ont le droit divulguer leurs découvertes dans des revues spécialisées. Toutefois on ne les encourage pas à le faire car s’agissant principalement de recherches concernant un produit qui sera vendu ou breveté, elles doivent dans un premier temps être tenues secrètes. Les centres de recherches travaillant pour différentes entreprises enrichissent facilement les bases de données des publications scientifiques. C’est le cas du Fonds de Défense de la Culture des Agrumes (Fundecitrus), une association de producteurs d’agrumes et d’entreprises de traitement d’agrumes dont les spécialistes ont déjà publié 51 articles scientifiques (33 nationaux et 18 internationaux) ces cinq dernières années, seuls ou en collaboration avec d’autres centres de recherche. L’équipe du Centre de Technologie de la Canne 40

es articles scientifiques signés par des chercheurs d’entreprises sont encore rares. Lors d’une recherche non exhaustive sur le PubMed, banque d’articles contrôlée par les Instituts Nationaux de la Santé (NIH) nord-américains, on ne trouve qu’un seul article provenant d’une entreprise brésilienne, signé par l’équipe de l’entreprise Natura Inovação e Tecnologia de Produtos (Nature, Innovation et Technologie de Produits), outre celui d’Alellyx. Cet article qui a été publié l’année dernière dans la revue Journal of Cosmetic Science, présente une méthode alternative pour calculer les dommages causés aux cheveux par l’utilisation continue de brosses à cheveux. La situation est identique dans la banque de données du Scielo qui regroupe les meilleurs articles scientifiques publiés au Brésil. L’entreprise Vallée de l’état de Minas Gerais, qui fabrique des médicaments à usage vétérinaire, a publié deux articles dont l’un écrit en collaboration avec l’USP et l’Institut Pasteur de São Paulo. L’entreprise Biobrás, achetée en 2002 par l’entreprise danoise Novo Nordisk et qui est l’unique producteur brésilien d’insuline, a également publié deux travaux réalisés en collaboration avec d’autres groupes de recherche. Brevets - La publication de cet article

sur le virus est une étape de plus dans la stratégie élaborée par Reinach. Ce dernier avait déjà participé à la coordination du séquencement et à l’analyse de génomes de bactéries qui attaquent les plantes et parrainés par la FAPESP, avant d’obtenir près de 30 millions de réaux de l’entreprise Votorantim afin de créer

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l’entreprise Alellyx en mars 2002. Dès le début, Reinach a exigé que les découvertes faites par son équipe débouchent tout d’abord sur des brevets, essentiels pour le développement de produits innovateurs et qu’ensuite ces résultats soient publiés afin de renforcer la crédibilité de l’entreprise auprès d’une communauté scientifique exigeante. Les séquences du génome du virus ont fait l’objet de trois brevets concédés en septembre 2003 par le gouvernement nord-américain à Walter Maccheroni et Ana Claudia Rasera da Silva qui sont les deux principaux auteurs de l’article publié dans la revue Journal of Virology. Ces séquences de gènes ont permis d’identifier le virus CSDaV grâce à deux types de tests, un moléculaire et l’autre avec des anticorps, en utilisant également les molécules de revêtement du virus sur des plantes résistantes à la mort subite. “Comme ces découvertes sont protégées par des brevets, plus personne ne peut réaliser de tests diagnostics basés sur ces séquences d’ici vingt ans”, déclare Reinach. L’entreprise Alellyx réalise déjà des centaines de tests par jour, principalement pour contrôler la santé des arbres fruitiers des nouveaux vergers. “Nous offrons déjà nos services aux grands producteurs d’agrumes qui cultivent un quart du total des orangers de l’état de São Paulo ”, déclare Reinach. Ces tests de diagnostic, développés tout d’abord pour répondre aux besoins des chercheurs de l’entreprise, peuvent même indiquer l’endroit où la maladie pourrait apparaître car ils détectent également des signaux du virus CSDaV dans les insectes vecteurs, comme les variétés de pucerons Aphis spiraecola et Aphis gossypii. C’est ainsi que ce type de test, développé actuellement par d’autres centres de recherche, peut compléter des mesures préventives comme l’élimination des plantes infectées avant que les autres ne soient contaminées. Pour l’entreprise Alellyx, conquérir le marché de ce type de test afin de couvrir les investissements réalisés et qui s’élèvent actuellement à près de 3 millions de réaux est une tâche aussi ardue que la propre identification du virus. Il ne s’agit évidemment pas d’un produit qui sera utilisé à grande échelle dans les cultures. Pour les producteurs d’oranges qui luttent pour réduire leurs coûts





























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Redécouvrant

SCIENCES

ARCHÉOLOGIE

Le Nouveau Monde Dix ossements de la préhistoire brésilienne suggèrent que les premiers habitants des Amériques n’avaient pas de traits mongoloïdes M ARCOS P IVET TA Publié en janvier 2005

PHOTOGRAPHIE: VERÔNICA WESOLOWSKY

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a plupart des archéologues nord américains ont l’habitude de dire que Luzia est une aberration, une exception et non pas une règle parmi les premiers habitants des Amériques, appelés paléo indiens, et normalement décrits comme mongoloïdes avec des traits orientaux semblables aux asiatiques et aux indigènes d’aujourd’hui. Luzia est le nom donné au crâne d’une jeune fille qui a vécu il y a environ 11 mille ans dans la région de Lagoa Santa, aux alentours de Belo Horizonte, région riche en sites préhistoriques. Ce crâne est polémique et dérange les traditionalistes car il ne possède pas les caractéristiques crâniennes des populations mongoloïdes et ses traits rappellent ceux des aborigènes australiens et des africains. Cette singularité a amené Walter Neves, chercheur au Laboratoire d’Etudes Evolutives Humaines de l’Université de São Paulo (USP), et Hector Pucciarelli, chercheur à l’Université de La Plata en Argentine, à proposer à la fin des années 80 une théorie alternative pour expliquer la colonisation des Amériques. Selon Neves et Pucciarelli, la première vague d’individus ressemblant à Luiza et venant d’Asie serait apparue dans le Nouveau Monde il y a environ 12 mille ans. Les mongoloïdes, également originaires d’Asie, et desquels descendent toutes les tribus indigènes que l’on retrouve encore de nos jours de la Patagonie à l’Alaska, n’auraient atteint le continent que quelques temps plus tard. Les deux populations ont utilisé la même voie d’entrée des Amériques qui est le détroit de Boering. Certains détracteurs déclarent que les sud-américains n’ont construit une thèse qu’à partir d’un seul crâne. Cependant de nouvelles études publiées par Neves et ses collaborateurs en 1999, démontrent que les populations humaines préhistoriques semblables à Luiza n’étaient pas rares dans les Amériques et que leur répartition géographique ne se limitait pas aux alentours de Belo-horizonte. Deux travaux récemment publiés soutiennent la théorie alternative sur la colonisation des Amériques. Dans un article publié dans la dernière édition de la revue britannique World Archaeology, une équipe de chercheurs coordonnée par Neves décrit neuf crânes découverts à Cerca Grande, un ensemble de sept sites



































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orie du Chaos intervient pour expliquer la destruction irrégulière de la couche d’ozone. Si la répartition de CFC était homogène et régulière, les atomes de chlore libérés dans la haute atmosphère auraient un impact sur une zone spécifique de la couche et le trou correspondrait à une zone à peu près circulaire. Les molécules de CFC ont cependant des trajectoires chaotiques et forment des filaments fractals identiques à ceux observés dans le plancton. La dispersion du gaz en filaments accroît la zone de contact entre les molécules de CFC et celles d’ozone, accélérant la destruction du gaz qui protège les êtres vivants de la radiation ultraviolette du soleil. Selon la règle générale, plus grande sera la surface de contact entre deux composants chimiques, plus grande sera la vitesse de réaction. Il suffit de comparer la rapidité avec laquelle se dissout un bloc de sel dans un verre d’eau par rapport à du sel en poudre. “Cette constatation nous permet d’orienter nos efforts afin de mieux comprendre la destruction de la couche d’ozone ”, déclare Moura. Ce chaos qui est une source de vie et un élément incontournable pour comprendre certains scénarios confus, peut parfois être indésirable. Dans certaines applications industrielles comme la production de peintures, les pigments doivent être mélangés de la manière la plus homogène possible. Le problème apparaît quand le mouvement chaotique des mélangeurs de pigments provoque la formation de filaments indésirables car non homogènes. “Si nous sommes capables d’éliminer le chaos, cette théorie pourrait s’appliquer à l’industrie”, déclare Grebogi. Son équipe étudie également les fluides turbulents qui ont un comportement aléatoire et extrêmement complexe, comme les tourbillons qui se forment dans un ruisseau ou les turbulences provoquées par le décollage d’un avion. Comme ces turbulences se produisent autant dans l’atmosphère que dans les océans ou dans d’autres situations où les fluides se déplacent à grande vitesse, il s’agit d’un phénomène d’une très grande importance pratique, principalement en matière d’aviation et de navigation. Moura suppose également que “l’effet catalyseur du chaos est peut-être encore plus puissant en ce qui concerne la turbulence des fluides”. • 102

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Neurones

Artificiels Un ordinateur remplace les cellules nerveuses de crabes et de langoustes Publié en janvier 2005

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e crabe bleu reste couvert de glace dans une caisse en polystyrène pendant une demi-heure dans le laboratoire du physicien Reynaldo Daniel Pinto de l’Université de São Paulo (USP). Quand on le retire de la caisse, il est déjà anesthésié par le froid. Sur sa table de travail, le chercheur ouvre la carapace du crustacé (Callinectes sapidus) et examine l’intérieur. Entre les yeux se trouve le cerveau et juste en dessous l’estomac. Daniel Pinto identifie les 30 neurones qui contrôlent le système digestif et la mastication du crabe, les isole avec précaution et commence une opération délicate. À l’aide d’un microscope, il implante dans une de ces cellules nerveuses une électrode en verre remplie d’une solution de chlorate de potassium dont la pointe est plus fine qu’un fil de cheveu. Des fils de cuivre connectent cette électrode à un circuit électronique qui convertit les impulsions nerveuses en chiffres numériques qui seront lus par un ordinateur classique, et qui maintenant jouera un rôle spécifique: remplacer une des cellules et agir comme un neurone artificiel. Voici un crabe bionique. Dans cette expérience, le physicien évalue la capacité d’exécution de l’ordinateur à reproduire la même fonction qu’un neurone appelé gâchette antérieure, une des 14 cellules nerveuses composant le circuit pylorique qui commande le transport des aliments de l’estomac vers l’intestin. Si un de ces neurones est détruit ou si la communication avec les centres nerveux du cerveau est interrompue, les autres neurones commencent à émettre des signaux électriques désordonnés et la digestion s’arrête. C’est à ce moment là que l’ordinateur dûment programmé entre en jeu en se transformant en neurone virtuel qui agit comme l’original, tel un simulateur cardiaque. Une autre électrode plantée dans le neurone envoie un courant d’ions (particules atomiques chargées électroniquement) de potassium et de chlore qui migrent vers la cellule. On recrée ainsi dans la cellule l’environnement chimique nécessaire à la transmission de l’impulsion nerveuse. Aussitôt stimulée, la cellule nerveuse du crabe réagit et transmet l’information aux neurones. En moins de deux secondes, un message arrive à l’estomac et les mouvements musculaires poussent l’aliment vers l’intestin. Avec cette même technique, il est possible de savoir comment différents types de synapses (connections entre les neurones) agissent dans la saisie d’information, comme cela est décrit dans un article publié en juin dans la revue Neurosciences. “C’est un jeu de questions et de réponses où nous essayons de

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TECHNOLOGIE

INGÉNIERIE NAVALE

Profonde Stabilité Des chercheurs de l’USP développent un projet inédit de plateforme pétrolière en haute mer E DUARD O G ERAQUE

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Publié en juin 2004

es mouvements provoqués par les vagues en haute mer peuvent être néfastes aux plateformes qui extraient le pétrole à des milliers de mètres en eau profonde et ultra-profonde. Ce phénomène se produit dans le bassin de Campos qui est le plus grand champ d’exploitation pétrolier brésilien, où les vagues de l’Océan Atlantique balancent excessivement des plateformes pétrolières de toutes tailles. Ce balancement est aussi néfaste pour la stabilité du système que pour la sécurité des travailleurs qui vivent en haute mer. Les particularités océanographiques des eaux du littoral brésilien où se trouvent certaines des plus grandes plateformes de forage en eau profonde du monde, ont amené les chercheurs du Département d’Ingénierie Océanique et Naval de l’École Polytechnique (Poli) de l’Université de São Paulo (USP) à développer un projet de

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plateforme innovateur. Le dessin de ce nouveau projet est surprenant car la plateforme repose sur une seule colonne et non pas sur plusieurs comme les plateformes semi-submersibles. “Toutes les simulations réalisées sur ce système inédit indiquent des gains importants en termes de stabilité et de sécurité”, déclare l’ingénieur naval Daniel Cueva, membre de l’équipe du professeur Kazuo Nishimoto de la Poli et coordinateur de la recherche menée en partenariat avec Petrobras dans le cadre du Centre d’Excellence en Ingénierie Navale et Océanique. Ce Centre d’Excellence comprend l’USP, l’Institut de Recherches Technologiques (IPT), l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) et le Centre de Recherche et de Développement de Petrobras (Cenpes). Selon le chercheur, ce projet de construction d’une plateforme possédant une unique colonne a déjà fait l’objet d’un dépôt de brevet aux États-Unis par Petrobras. L’entreprise a investi 1,2 millions de réaux dans ce projet en deux ans.

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Les moyens technologiques mis en œuvre, concernent la création d’une plateforme flottante ne possédant pas de compartiment de stockage d’huile. C’est une option offerte aux plateformes classiques semi-submersibles qui sont très utilisées dans le monde entier. Dans la catégorie unités flottantes, Petrobras possède également des navires FPSO (floating, production, storage and offloading ou support flottant de production, stockage et transfert). L’autre famille de plateforme est composée de plateformes reposant sur une structure fixée au fond de l’océan. “Le MonoBR (nom du nouveau projet de plateforme) correspond aux objectifs de Petrobras qui a choisi d’investir dans de grandes unités flottantes de production qui offrent davantage de sécurité et de meilleures caractéristiques opérationnelles”, déclare Isaías Quaresma Masetti, ingénieur du Cenpes et responsable du projet. Selon l’équipe technique, cette plateforme a déjà passé tous les tests de viabilité technique et écono-










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compétitif, l’idéal est que l’unité de production de plastiques biodégradables fonctionne auprès d’une usine sucrière”, déclare Ortega Filho. Malgré cette réduction des coûts de production, le plastique biodégradable est plus cher que le plastique classique. “Un kilo de polymère synthétique coûte environ 1 dollar US alors que le PHB coûte entre 4 et 5 dollars US selon son application”, déclare Ortega Filho. Il est quand même compétitif et principalement sur le marché international. En effet, les fabricants de polymères comme les États-Unis, le Japon et certains pays européens sont obligés de recycler leurs produits. Les dépenses de recyclage ne sont pas inclues dans le coût du plastique. Au Brésil, le calcul de ce coût ne considère que l’achat de la résine et sa transformation. Il n’y a aucune préoccupation à ce sujet ni de coûts effectifs de recyclage. Durant ces 60 prochaines années, l’Allemagne prétend remplacer au moins 60% de sa consommation de plastiques synthétiques par des polymères biodégradables. Cette mesure vise, entre autres choses, à soulager les décharges publiques du pays. La longue permanence des plastiques synthétiques dans ces décharges provoque de graves problèmes environnementaux car ils forment une couche imperméable bloquant le passage de liquides et de gaz issus de la fermentation des déchets et retardent ainsi la stabilisation de la matière organique. Le problème est inquiétant quand on sait qu’au Brésil ces plastiques représentent 20 % des déchets urbains. Selon Luiziana, ces résines plastiques biodégradables ont un autre avantage car elles sont produites à partir de ressources renouvelables contrairement aux plastiques classiques à base de pétrole

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PHOTOGRAPHIE: MIGUEL BOYAYAN

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PHB Industrial: en 2005, l’entreprise produira 10 mille tonnes de bioplastique par an

Production de pellets - La production mondiale de plastique représente 200 millions de tonnes par an. Selon les prévisions de certains spécialistes, la part de marché des bioplastiques représentera environ 1% à 2% de cette production dans les dix prochaines années et le PHB compte bien y participer.“Mais pour que cela devienne possible nous devons tout d’abord conclure la mise au point de cette technologie afin de produire des pellets qui pourront être vendus aux industries de transformation”, déclare-t-elle. Les Pellets sont de petites pastilles cylindriques millimétriques obtenues à partir du mélange de résine granulée de PHB avec d’autres polymères ou des fibres naturelles. C’est la matière première qui est utilisée par les industries de transformation. “Les industries n’achètent pas le PHB pur. Elles veulent qu’il soit déjà préparé avant la transformation finale”, déclare Ortega Filho. Pour mettre au point ces pellets, l’entreprise PHB Industrial a signé un accord de coopération et de recherche avec le Département d’Ingénierie de Matériaux de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar) et a obtenu un financement de 338 mille réaux de la FAPESP. Ce projet qui a débuté en 2001 devrait encore s’étendre sur un an. Les fonds ont été utilisés pour acheter des équipements de base pour la fabrication des pellets. “Nous avons acheté un appareil permettant de mesurer l’indice de fluidité et un équipement

d’essai universel pour analyser la traction, la flexion et la compression”, déclare Ortega Filho. “D’ici la fin de l’année, nous allons recevoir une machine d’extrusion avec laquelle nous réaliserons des études visant à développer un produit possédant des caractéristiques répondant aux demandes du marché.” Les équipements seront installés dans un nouveau laboratoire au sein de l’UFSCar. “Le financement de la FAPESP est essentiel pour que le Biocycle (nom donné au PHB) devienne commercialement viable.”, déclare l’ingénieur en matériaux Jefter Fernandes do Nascimento, coordinateur du projet du PIPE. Pour l’instant, les 60 tonnes annuelles de Biocycle produites par l’entreprise PHB Industrial sont principalement envoyées dans des entreprises et des centres de recherche étrangers qui développent également des pellets. Ortega Filho déclare également: “Nous exportons vers des centres américains et européens, comme le Fraunhofer Institute, en Allemagne, et l’entreprise américaine Metabolix, dont les propriétaires étaient auparavant des chercheurs appartenant au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ils poursuivent les mêmes recherches que nous en essayant de découvrir le pellet idéal pour chaque application. Cependant le PHB a pris de l’avance sur ses concurrents et si tout se déroule comme prévu l’entreprise exportera d’ici peu des pellets de plastique biodégradables”. •

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tenu à São Carlos est de 1.800, soit plus de 250 fois celui d’un capaciteur (dispositif qui stocke la charge électrique dans un espace très réduit), utilisé dans les circuits intégrés. Les films actuels à base d’oxyde de silicium et de nitrate de silicium possèdent un effet diélectrique De petits isolants - Pour comprendre constant égal à sept. Dans d’autres prol’avancée des produits présentés par les duits mis au point par les chercheurs chercheurs il faut entrer dans le monde du CMDMC et par les nord américains des semi-conducteurs et de leurs éléet les japonais, les plus grandes consments. Ce nouveau matériel en forme tantes diélectriques obtenues atteigde pellicule, appelé films fins, à base de nent 700 avec des Titanate de baryum méthodes sophistiet de plomb (PbBaquées et onéreuses. TiO3), possède de “Les puces actuelles bonnes caractéristi■ d’une constance de ques pour pouvoir sept sont par exemintégrer un dispositif Matériaux pour ple capables de gérer de mémoire inforune mémoire d’un matique et son effet les générations Gigaoctet, alors que diélectrique constant le matériel que nous et élevé est de bonfutures de avons mis au point ne augure. Plus cette atteint 250 Gigaocconstance sera élemémoires tets”, déclare le provée, plus grande sera fesseur Elson Lonla quantité d’élecà accès go, coordinateur du trons stockée dans la Laboratoire Intermémoire. Ce paraaléatoire disciplinaire d’Elecmètre mesure la catrochimie et de Cépacité du matériel à ■ ramique (Liec) du permettre le déplaDépartement de cement de la charge Chimie de l’Univerélectrique à travers sa sité Fédérale de São surface vers les autres Carlos (UFScar) et du CMDMC. Ce couches internes des circuits. En vérité, dernier appelé également Cepid Cérail s’agit de matériaux isolants et incamique, est composé de l’Institut de pables de conduire un courant électriChimie (IQ) de l’Université d’État Pauque, contrairement aux matériaux conliste (Unesp) d’Araraquara, de l’Institut ducteurs dans lesquels le courant passe de Recherches Énergétiques et Nucléainormalement. Les semi-conducteurs res et de l’Institut de Chimie de l’Unisont des matériaux composés d’éléversité de São Paulo à São Carlos. ments chimiques comme le silicium, le “Actuellement il est possible de stogermanium ou des substances comme cker 1 mégaoctet d’informations dans l’arsénite de gallium, et possèdent une des pastilles semi-conductrices d’un cenconductivité électrique intermédiaire, timètre carré (cm2). Avec la nouvelle stockant moins d’électrons qu’un métal, mais favorisant un contrôle plus mémoire il sera possible de stocker 250 aisé et plus ordonnée de ces particules. mégaoctets dans le même espace”, déDans un matériel diélectrique la charge clare Longo.“La haute densité diélectriest déplacé vers un autre niveau dans que, outre le fait de représenter une des circuits électroniques, connu sous grande avancée pour le stockage de le le nom de puce (un sandwich de matémémoire des capaciteurs, est nécessaire riaux semi-conducteur et conducteur pour maintenir la concentration et le intercalés par des couches de films diéstockage de la charge électrique à des lectriques), sous la forme de décharges, niveaux exigées par les prochaines géégalement appelées inductions, quand nérations de mémoires à accès aléatoire la rigidité diélectrique est dépassée. dynamique, appelées Dram (Dynamic L’effet diélectrique constant du film Random Acess Memory), qui stockent de titanate de baryum et de plomb obles données et les informations du logidans les circuits intégrés. Toutes ces découvertes intéressent déjà une entreprise multinationale, que les chercheurs ne souhaitent pas pour l’instant citer en fonction des négociations en cours.

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ciel utilisé et favorisent également une économie d’électricité.” La recherche qui a débouché sur la découverte des films fins de titanate de baryum et de plomb fait partie d’une course mondiale initiée depuis plus de vingt ans pour résoudre un des problèmes de la microélectronique; la taille des cellules de mémoire. Cette pièce diminue chaque année afin d’augmenter le nombre de ces dispositifs et favoriser une plus grande capacité de stockage et de traitement des données. C’est une voie dictée par l’évolution des logiciels, chaque fois plus variée, répandue et sophistiquée. La diminution des dispositifs de mémoires favorise la miniaturisation et la création de nouveaux équipements électroniques ainsi que la multiplication des fonctions de ces appareils. Les recherches visant à augmenter la mémoire et l’espace dans les dispositifs semi-conducteurs sont permanentes depuis les années 70. La plus fameuse prédiction sur les progrès de l’informatique émane de l’ingénieur en électronique Gordon Moore, un des fondateurs d’Intel, principale fabrique de semi-conducteurs aux États-Unis. Il avait déclaré que la croissance de l’industrie informatique provoquerait une augmentation de la capacité de traitement des puces qui devrait doubler tous les deux ans. Cette prévision rédigée par ses propres soins dans un article publié dans la revue Eletronics en 1965 sera connue plus tard sous le nom de Loi de Moore. Depuis lors, l’industrie électronique a exactement suivi cette évolution parfois même avec davantage de rapidité. À titre d’exemple, la taille des mémoires RAM quadruple tous les trois ans. Il est cependant chaque fois plus difficile de maintenir la densité des électrons dans des capaciteurs utilisant les dérivés actuels du silicium. Le capaciteur qui est un élément essentiel pour ce type de dispositif diminue chaque année. Au début des années 1990, il mesurait 3,6 mm2 et actuellement il mesure 0,1 mm2. La prévision est qu’il atteigne la taille de 0,04 mm2 entre 2007 et 2010. Grâce à la miniaturisation, la quantité de transistors (amplificateurs de signaux électriques) a également augmenté dans les équipements électroniques. Les processeurs 8086, introduits sur le marché en 1978, possédaient 29 mil transistors. De nos jours










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Les feuilles d’un arbre d’Amazonie assurent la continuité de la production du parfum Chanel

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a phrase légendaire, prononcée par l’actrice Marilyn Monroe, suivant laquelle elle ne dormait habillée que de quelques gouttes de Chanel nº 5, conserve – qui l’aurait dit – une touche bien brésilienne. Le principal ingrédient du fameux parfum français, lancé par l’entreprise de mademoiselle Coco Chanel en 1921, est une huile essentielle extraite du bois de rose (le pau-rosa), un arbre originaire d’Amazonie. Des estimatives indiquent qu’environ 500 mille arbres de cette espèce ont déjà été abattus depuis le début de l’exploitation du bois de rose, ce qui a impliqué en son inscription, en avril 1992, par l’Institut Brésilien pour l’Environnement et les Ressources Naturelles Renouvelables (Ibama), sur la liste des espèces en danger d’extinction. Pour préserver ce bois précieux et garantir la livraison de la matière première à l’industrie du parfum, le professeur Lauro Barata, du Laboratoire de Chimie des Produits Naturels de l’Université d’État de Campinas (Unicamp), a commencé à développer, en 1998, un projet d’extraction de l’huile essentielle des feuilles qui résultait en une production et une qualité similaires à celle obtenue à partir du bois. “J’ai appris que l’huile pouvait être extrait des feuilles par des travaux publiés par le professeur Otto Gottlieb”, raconte Barata. Il se réfère à une étude publiée à la fin des années 1960 par le chimiste né en République Tchèque et naturalisé brésilien, professeur retraité de l’Université de São Paulo (USP) et dont le nom a été proposé par la communauté scientifique brésilienne pour concourir au Prix Nobel.“J’ai également appris avec l’expérience de Raul Alencar, un riverain de 80 ans qui a toujours vécu des produits de la forêt et est un producteur traditionnel de l’huile de bois

D INORAH E RENO Publié en mai 2004

de rose”, dit Barata. Ces deux références ont servit de base pour son projet, financé par la Banque de l’Amazonie (Basa), d’un montant de 25 mille réaux. L’intérêt du professeur de l’Unicamp d’étudier l’arbre amazonien est apparu en 1997, quand les écologistes français ont commencé une campagne pour boycotter les produits Chanel à cause de l’extraction du bois de rose – dont le nom scientifique est Aniba rosaeodora - et la conséquente dévastation de la forêt. En réponse, l’entreprise française a engagé l’organisation non gouvernementale Pro-Natura, d’origine franco-brésilienne, qui travaille en partenariat avec des entreprises, pour développer des programmes de développement durable. L’objectif était de trouver une solution qui calme les esprits des groupes d’environnementalistes. Barata a alors été appelé par l’ONG pour faire un diagnostique de la situation de l’extraction de l’huile de l’arbre amazonien. Dans son rapport final, il enseignait comment travailler avec la production durable du bois de rose, qui commençait avec la culture et la gestion, en passant par l’extraction des feuilles.“Nous avons fait un inventaire de la situation et l’entreprise s’est engagée à adopter le développement durable proposé dans notre rapport”, raconte Barata. “La solution indiquée a permis de stopper les manifestations qui étaient programmées.” Mais ils continuent, de nos jours, à acheter l’extrait obtenu des arbres coupés entièrement au milieu de la forêt. La pression internationale a provoqué une reprise des possibilités de gestion durable du bois de rose et, suite à une série de discussions avec la participation des producteurs, l’Ibama a publié, en 1998, un arrêté contenant des directives qui réglementent l’abattage de l’arbre. Extraction expérimentale - À partir de

l’étude commandée par Chanel et avec

le financement du projet par la Basa, Barata s’est rendu plusieures fois en Amazonie. Ces voyages ont résulté en un travail de culture du bois de rose en partenariat avec le producteur Raul Alencar. Une zone de capoeira – forêt qui naît suite au déboisement de la forêt originale – dans la commune de Nova Aripuanã, dans l’État de l’Amazone, a été choisie pour abriter les plants de bois de rose. Actuellement, la région possède 10 mille arbres âgés de trois ans et demi et qui sont prêts à être taillés pour commencer l’extraction expérimentale de l’huile. Pour l’exploration commerciale, la coupe peut commencer à cinq ans pour l’extraction du linalol, et, à la 25ème année, l’arbre peut être coupé et l’huile extraite du bois, suivant une gestion durable. L’huile pure du bois possède une tonalité jaune-dorée. Au début, elle possède un arôme fort, un peu citrique, qui se superpose aux autres arômes. Avec le temps, d’autres odeurs s’agrègent à la première, de façon à composer un mélange harmonieux, doux et boisé. Par contre, l’huile obtenue des feuilles est d’un jaune presque transparent, avec un parfum très doux, sans trop de gradations. Pour tester la qualité de l’huile, des feuilles de différents âges, entre cinq et trente cinq ans, ont été collectées aussi bien dans la forêt que dans les champs de culture pendant six mois. La première plantation expérimentale évaluée a été établie en 1990 par des chercheurs de l’Université Fédérale Rurale de l’Amazonie (Ufra), dans la commune de Benfica, à 27 kilomètres de Belém, dans l’État du Pará, en collaboration avec les chercheurs Selma Ohashi et Leonilde Rosa. Une autre plantation étudiée se situe à Curuá Una, dans le Pará, où il existe 300 arbres plantés depuis 1973. L’huile extraite des feuilles a présenté un rendement et une qualité similaires à ceux du bois. En ce qui concerne la

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HUMANITÉS

SOCIOLOGIE

La carte de l’exclusion Une étude révèle une aggravation de la qualité de vie dans 76 des 96 districts de la ville de São Paulo depuis ces 15 dernières années C LAUDIA I ZIQUE Publié en janvier 2003

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a ville de São Paulo compte 1 million d’exclus supplémentaires depuis ces dix dernières années. Actuellement, près de 8,9 millions de personnes sur les 10 millions habitant à São Paulo vivent en dessous d’un niveau de vie approprié, accèdent difficilement à l’éducation, aux services d’assainissement et au logement, entre autres services. Cette détérioration de la qualité de vie dans 76 des 96 districts de la ville est due à l’absence ou à l’inadéquation de politiques publiques et au manque d’équipements sociaux. La situation s’est aggravée car le manque de planification a accru les inégalités intra-urbaines. Vila Jacuí, par exemple, enregistre un déficit de plus de 27 mille places dans les crèches, ce qui est loin d’être le cas pour les districts de Jaguaré, Brás ou Bom Retiro. Pour chaque nouvel emploi créé à Aricanduva, 1.114 postes sont créés à Sé. Pour chaque SDF de Morumbi, il y en a 1 061 à Mooca, et le taux moyen des homicides du district du Jardim Ângela est 28 fois plus élevé que celui de Moema. Cette topographie sociale perverse apparaît sur la Carte de l’Exclusion/Inclusion sociale de la Ville de São Paulo, point central du projet de recherche Dynamique Sociale, Qualité Environnementale et Espaces Intra-Urbains à São Paulo. Il s’agit d’une analyse socio-spatiale développée

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dans le cadre du programme de Recherches en Politiques Publiques de la FAPESP. Cette carte est le fruit d’un partenariat entre l’Université Pontificale Catholique de São Paulo (PUC-SP), l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe) et l’Institut Polis. Elle en est à sa troisième édition et a été élaborée au moyen d’une comparaison des recensements réalisés par l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique (IBGE) en 1991, 1996 et 2000, les statistiques communales et les données de la recherche Origine/Destination de la Compagnie du Métro de São Paulo qui découpe la ville en 270 régions. La recherche utilise une méthode d’analyse géospatiale et un traitement mathématique informatisé appartenant au Système d’Information Géo référenciée (SIG), qui permet d’identifier le lieu exact des données recensées dans les différentes zones de la ville et d’élaborer d’un Indice d’Exclusion (IEX) permettant de classer les divers niveaux de qualité de vie des districts de São Paulo.”Les informations générées par la carte sont stratégiques pour définir des politiques publiques adaptées aux nécessités de chaque région”, déclare Aldaíza Sposati, coordinatrice du projet et assistante sociale de la commune de São Paulo. L’Indice d’Exclusion/Inclusion sociale (IEX), élaboré par les chercheurs du projet, ressemble à l’Indice de Développement Humain (IDH) utilisé par l’Organisation des Nations Unies




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vestissements que des améliorations. Ces zones dévalorisées sont maintenant envahies et dégradées. “Les indices d’exclusion compromettent l’avenir de la ville. Aucune mesure n’est prise en matière de politique environnementale ou de protection humaine” alerte Aldaíza. Planification urbaine - La carte de l’exclusion/Inclusion sociale permet de réaliser une radiographie détaillée de la topographie sociale de São Paulo et c’est un excellent outil de planification urbaine. La première carte, comparant les données du recensement de 1991 et les données de 1996, a été utilisée par le Secrétariat Municipal de l’Éducation durant le mandat du maire Celso Pitta afin d’évaluer la demande éducationnelle des différentes régions. La deuxième carte publiée en 2000, dans le cadre du programme de Politiques Publiques promu par la FAPESP, a été un outil stratégique pour définir des zones de mise en oeuvre de programmes sociaux durant le mandat de Marta Suplicy. “L’accent est mis sur les zones présentant un plus grand indice d’exclusion”, déclare Aldaíza. La troisième version qui inclut les données du recensement de 2000 n’est pas encore terminée mais les résultats préliminaires sont déjà utilisés dans les discussions menées sur le Budget Participatif de la mairie et la planification de programmes de santé. “Les politiques publiques profitent de cette spatialisation des données. Cette méthode d’analyse permet de comprendre les différences existantes entre les différents territoires d’une même commune”, déclare Gilberto Câmara, coordinateur général de l’Observation de la Terre de l’INPE et coordinateur adjoint du projet. “Les pauvres d’Itaim Paulista sont différents des pauvres du Jardim Ângela”. L’utilisation de la statistique spatiale est très sensible à l’analyse et elle complète les évaluations qualitatives. Elle augmente les chances d’identifier et de choisir “une cible” pour la définition de politiques publiques, augmentant ainsi les chances de succès de projets et de programme sociaux en évitant également le gaspillage des fonds publics. “La carte de l’exclusion sociale est un outil visant à améliorer la capacité de décision du maire”, déclare Câmara. À titre d’exemple, la méthode d’analyse utilisée dans le projet révèle qu’entre 1996 et 2001, la population de la ville a enregistré une croissance de 2%. Le nombre d’habitants du district d’Anhangüera a augmenté de 129,96%, alors que celui de Pari a diminué de 27,54%. Ces chiffres indiquent une grande migration intra-urbaine des districts du centre de la ville comme celui de Pari, vers la périphérie com-

me ceux d’Anhangüera, Grajaú et Cidade Tiradentes, entre autres. Cette migration est motivée par le manque d’équipements et de services publics qui ne répondent plus aux demandes d’une population croissante. Ce mouvement migratoire a compromis la qualité de vie des différents districts paulistes. L’indicateur Autonomie, par exemple, a révélé une impressionnante inégalité en ce qui concerne les offres d’emploi parmi les différents districts paulistes. Celui de Sé, d’une faible densité populationnelle, concentre le plus grand taux avec 6,80 emplois par habitants. La région d’Anhangüera, malgré l’explosion démographique de cette dernière décennie, conserve un taux de croissance stable en termes d’offres d’emploi, 0,18 emploi par habitant. Le manque de travail oblige les travailleurs/habitants à se déplacer quotidiennement vers d’autres zones plus favorables en matière d’emploi. “Cette situation devrait interpeller davantage les pouvoirs publics locaux, principalement en matière de transports en commun “, déclare Dirce Koga. Le cadre occupationnel s’aggrave quand on compare le nombre d’emplois offert à la population économiquement active (PEA) comprise entre 14 et 69 ans. Il n’y a que 64 % d’emplois disponibles par rapport à la PEA de la ville. Selon les statistiques, les 36% restants ne font pas partie du marché du travail. La situation la plus critique est celle de Cidade Tiradentes où moins de deux habitants (1,8) sur 10 ont un emploi dans le même district. Le plus faible revenu familial, correspondant à 4,64 salaires minimums, se trouve dans le district de José Bonifácio, et le plus élevé, environ 41 salaires minimums, à Moema. Le niveau de base de l’Indice d’ Exclusion du revenu familial correspond à 14 salaires minimums, comme à Bom Retiro. En utilisant ce critère, 20 districts ont reçu des notes positives et 54 des notes négatives. Services déficitaires - Le manque de place

dans les crèches publiques et privées de São Paulo a augmenté de 34% depuis 1995. Il est vrai que durant cette période, la population comprise dans une tranche d’âge se situant entre 0 e 4 ans a chuté de 12%, cependant le nombre de places est toujours insuffisant. Le problème est particulièrement grave à Vila Jacuí où ce déficit est passé de 540 à 10.014 places, situation 2 mille fois plus grave que celle de Jaguaré. Il manque également des places dans les écoles maternelles pour les enfants âgés entre 5 et 6 ans dans 85 des 96 districts paulistes. Dans certaines zones comme Pari, qui a vu sa population diminuer, on enregistre PESQUISA FAPESP ÉDITION SPÉCIALE MARS 2002/MAI 2005 ■

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