transaction
SPFPL, mode d’emploi
C
’est un décret qui, longtemps, a joué l’arlésienne. « Je l’attendais depuis 2001, confie Jérôme Paresys-Barbier, le président de la section D (adjoints) de l’ordre des pharmaciens. On peut aujourd’hui acter le fait que, si l’on était allé plus vite, on aurait évité à certaines officines de souffrir… » Seulement, les instances représentatives de la profession ont mis longtemps à se mettre d’accord. « Ils leur appartenaient de présenter un projet de
30 • Pharma N°104 • septembre 2013
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Après douze ans d’attente, la parution du décret relatif aux sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) – ou holdings – offre enfin aux pharmaciens un cadre réglementaire, gage d’indépendance et, surtout, de nouvelles opportunités. L’avis de nos experts.
décret, au même titre que les autres professions libérales autorisées par la loi Murcef de 2001 à détenir des parts de capital dans des holdings, rappelle Maître Éric Thiébaut, avocat à la cour de Paris et gérant du cabinet Juris Pharma. Ce sont principalement les Selas – sociétés d’exercice libéral par actions simplifiée – qui ont fait débat et divisé deux courants, l’un se prononçant en faveur de la dissociation du droit de vote et du capital, l’autre refusant cette exclusion, jugée anormale en termes d’indépendance, ce qui était assez juste ».
Pour mettre un terme à ces désaccords, le Conseil d’État a finalement rendu, en mars 2012, une décision ouvrant droit à la constitution de SPFPL en l’absence de décret d’application, tout en fixant un terme de six mois au gouvernement pour rédiger un texte. « Sans décret, on pouvait monter une holding de droit, mais sans cadre », relève l’avocat. « C’est tout l’objet du décret du 4 juin 2013, publié dans le Journal officiel du 6 juin : poser un cadre », ajoute sa consœur et associée, Sophie Soustre.
Ce décret fixe, d’une part, les règles de constitution et de fonctionnement des SPFPL et redéfinit, d’autre part, les nombres de participations. Trois cas de figure sont admis : un pharmacien peut détenir quatre participations directes ou indirectes dans quatre sociétés d’exercice libéral (SEL), en plus de son officine ; une SPFPL peut posséder trois participations dans une SEL ; une SEL peut avoir des participations directes ou indirectes dans quatre SEL. « En clair, le décret a introduit la notion de participation ‘‘directe’’ et ‘‘indirecte’’ pour limiter la constitution de groupes de pharmaciens, explique Maître Soustre. En d’autres termes, il restreint considérablement le nombre de participations que peut prendre un pharmacien ». « La contrainte stricte sur le nombre de détentions est le vrai changement, juge aussi Jean-Christophe Chanjou, directeur d’Achat de pharmacie. Elle va créer du mouvement, inciter à une mise en commun rationnelle et structurée des moyens ». Le second apport majeur de ce décret est d’interdire les Selas au sein desquelles l’associé exploitant est minoritaire en capital. « Là encore, cette décision a été prise pour réduire la possibilité de créer des groupes de pharmaciens, reprend Sophie Soustre. Les restrictions à l’accueil d’associés-tiers investisseurs au capital des SPFPL ont été prises dans l’esprit de vérifier la protection et l’indépendance des pharmaciens exerçants, confirme Olivier Delétoille, expert-comptable et commissaire aux comptes. Concernant la SPFPL, il s’agit d’un outil juridique supplémentaire mis à la disposition des pharmaciens depuis le 29 septembre 2012. Ce n’est pas une révolution. Simplement, elle a vocation à
rapprocher les professionnels, et permettra de fluidifier le marché de la négociation des sociétés de pharmacies, notamment dans des conditions patrimoniales et fiscales un peu plus normales, à l’instar d’autres secteurs de la vie des entreprises ».
Une formule qui devrait connaître un certain succès
Car l’un des avantages des SPFPL est d’ordre fiscal. En effet, lorsqu’un pharmacien acquiert des parts dans une SEL, il emprunte à titre personnel : les intérêts sont donc non déductibles. A contrario, si une holding rachète des parts et emprunte, les intérêts d’emprunt sont déductibles sous certaines conditions : c’est le régime dit de l’intégration fiscale, qui permet à une société mère, détenant directement ou indirectement 95 % au moins du capital, de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) du groupe. « Pour la holding, l’effet le plus évident de ce régime est de pouvoir imputer les intérêts d’emprunt sur les bénéfices de la SEL », précise Maître Thiébaut. « La formule devrait connaître un certain succès auprès des jeunes installés, dans une optique entrepreneuriale évidente à long terme, et notamment en cas de reprise d’un fonds par au moins deux associés », commente Olivier Delétoille. Illustration : les deux futurs partenaires créent chacun leur SPFPL, qui seront associées d’une nouvelle SEL. Cette dernière achète le fonds de commerce et supporte l’endettement professionnel. Les SPFPL sont en apparence inutiles : elles se sont simplement interposées entre les associés personnes physiques et la SEL. Elles ont enregistré les apports
La SPFPL a vocation à rapprocher les professionnels, et permettra de fluidifier le marché de la négociation des sociétés de pharmacies. Olivier Delétoille,
expert-comptable et commissaire aux comptes
des associés personnes physiques, réinvestis dans leur filiale SEL. Elles n’ont pas d’endettement. Mais dans l’hypothèse, toujours probable, d’une séparation des associés, la SPFPL de l’associé « sortant » réalisera la cession des titres de la SEL qu’elle détient et la plus-value sera peu taxée. Dans la perspective d’une réinstallation – rachat de titres d’une autre SEL ou d’un fonds si la SPFPL est transformée en SEL –, les capacités financières seront ainsi préservées. Quant à l’associé « restant » qui souhaiterait acquérir les titres de l’associé « sortant », il le fera par sa SPFPL déjà constituée. L’emprunt souscrit par cette dernière pour l’occasion sera remboursé après les remontées de dividendes de sa société fille, exonérées d’IS sous conditions.
Une restriction pour les adjoints
Les SPFPL étant ouvertes à tous les pharmaciens exerçant en officine, elles intègrent naturellement les adjoints. Une ouverture qui, de prime abord, peut légitimement réjouir Jérôme Paresys-Barbier : « S’engager dans cette voie, c’est favoriser l’association des salariés au capital des officines. Certains confrères y étaient très attachés. Si un Titulaires et titulaire peut accueillir ses adjoints adjoints ont dans sa holding, l’avenir de son entredésormais prise est assurée. Titulaires et adjoints la possibilité ont désormais la possibilité d’avancer d’avancer main main dans la main et de préparer la dans la main pharmacie d’officine de demain. » et de préparer la Sauf que si l’adjoint est invité au capipharmacie tal d’une SPFPL, il ne peut en aucun de demain. cas être majoritaire. « Il peut être assoJérôme cié et intéressé au bénéfice tout en resParesys-Barbier, tant salarié, mais il ne peut conserver président de la section D son contrat de travail qu’à hauteur de 49,9 % du capital de la holding, indique Me Thiébaut. Au-delà, il doit obligatoirement avoir le statut de titulaire ». Autrement dit, la majorité du capital des SPFPL est réservée aux seuls des structures ne doit être opéré que dans des pharmaciens inscrits à la section A de situations spécifiques tenant compte de nombreux l’Ordre. « Ce faisant, on pérennise poparamètres (endettement, rentabilité, perspectives, tentiellement le fait que, peut-être, la situation familiale…) et, dans ce contexte, chaque prochaine génération ne pourra pas accas est particulier. céder au rôle de titulaire, regrette Jean– Le marché de la transaction portera à l’avenir Christophe Chanjou. Sauf à prendre un massivement sur des sociétés plutôt que sur soin particulier aux conditions mises des fonds de pharmacie. C’est un autre univers en place pour permettre aux adjoints en apparence complexe sur le plan technique d’accéder à ce statut. De ce point de vue, (juridique, fiscal et économique). Les conseils le pacte d’associés prend ici tout son adapteront leurs discours, mais il appartient sens. Il n’en reste pas moins que l’on ne aux pharmaciens de se doter d’un minimum de devient pas généreux ou vertueux parce connaissances sur ces sujets. que la loi a changé… »
Quelques recommandations… Certaines zones d’ombres et interrogations subsistent, tant l’accumulation de textes rend le sujet complexe. Il est donc conseillé de se faire accompagner par des professionnels spécialisés afin de traiter au mieux des situations personnelles et toujours particulières. – Si la SPFPL peut désormais être utilisée par la profession, ce n’est pas pour autant que les pharmaciens exerçant dans des structures dont les résultats sont imposés à l’impôt sur le revenu (IR) devront tous passer « aveuglément » à l’impôt sur les sociétés (IS) par option, revente ou transformation de société. Comme avant, le choix
Anne Fellmann
septembre 2013 • Pharma N°104 • 31