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thérapeutique

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Le diabète de l’enfant et de l’adolescent

L’incidence annuelle du diabète de type 1 était estimée en 2010 à 13,7 nouveaux cas pour 100 000 sujets de moins de 15 ans ; un chiffre en hausse constante. Si les nouvelles insulines permettent une plus grande liberté, la prise en charge du jeune diabétique reste délicate.

C

liniquement, le diabète de type 1 est bien plus « bruyant » que celui de type 2. Ses principaux symptômes sont une asthénie généralisée, une polyurie, une polydipsie, une faim constante avec, paradoxalement, un amaigrissement. Ainsi il ne faut pas hésiter, en pharmacie, à effectuer une glycémie chez un enfant affichant ces signes. Une seule glycémie au-dessus de 2 g/L à n’importe quel moment de la journée suffit pour poser le diagnostic en présence de symptômes. Le diagnostic de certitude sera établi

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par la glycémie à jeun : deux chiffres supérieurs à 1,26 g/L permettent de poser avec certitude le diagnostic de diabète ; diagnostic qui sera ensuite affiné par le dosage de l’hémoglobine glyquée, reflétant les glycémies des trois derniers mois. À court terme, le principal risque chez le diabétique de type 1 – et non le moindre puisque c’est la première cause de décès – est la survenue d’un coma acidocétosique. Celui-ci est dû à une dose d’insuline inadaptée. Les conséquences à long terme sont identiques à celles du diabète de type 2, puisque liées à une hyperglycémie chronique. Il

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C’est, en millions, le nombre de diabétiques dans le monde.

peut s’agir de micro-angiopathies diabétiques (atteintes oculaire, rénale et neurologique), de macro-angiopathies (atteintes coronaire, insuffisance cardiaque, AOMI) ou encore de complications infectieuses et cutanées. Le diabétique et son entourage doivent connaître la symptomatologie d’une hypoglycémie et savoir y faire face. Devant des sueurs, une tachycardie, une pâleur, des tremblements, une asthénie, une sensation de fringale, un malaise lipothymique ou des complications plus sévères du type déficit moteur, diplopie… le patient doit ingérer un à trois morceaux de sucre


(saccharose, dilué ou non dans un verre d’eau) et contrôler sa glycémie au décours. Il est également indispensable de rechercher la cause de l’hypoglycémie – erreur de dose, exercice physique imprévu, prise d’alcool… – pour ensuite agir en conséquence. La prise d’une tartine de pain avec confiture, ou d’un féculent complémentaire, est en général conseillée, notamment lorsque l’hypoglycémie a lieu à distance des repas. À noter : le recours à des jus de fruits ou à du chocolat n’est pas indiqué.

Apprendre à adapter l’alimentation

Malgré la recherche qui avance, le diabète de type 1 est une maladie chronique et il n’existe pas de traitement permettant de le guérir. On peut toutefois le soigner en adaptant l’alimentation de l’enfant, mais aussi en apportant de l’insuline par voie sous-cutanée. Concernant l’alimentation, il ne s’agit pas d’un régime à proprement parler mais plutôt d’une adaptation des repas en privilégiant les sucres lents au détriment des sucres rapides. Les apports quotidiens doivent être variés. Ils sont définis selon le poids, les habitudes alimentaires, le profil glycémique et le schéma insulinique des patients. Ceuxci doivent prendre les trois principaux repas à heure fixe, complétés si besoin par une à deux collations. De même, les jeunes diabétiques doivent pouvoir boire à leur soif. Attention toutefois à bien sensibiliser les parents à signaler une consommation excessive d’eau. En cas d’activité physique, il est recommandé de prendre une collation, qui doit correspondre à un fractionnement du repas et non à un apport supplémentaire. Il faut toujours prévoir des sucres rapides à portée de main et ne pas hésiter à en donner dès que les premiers symptômes de l’hypoglycémie apparaissent. Bien préciser aux patients que certains sports comme la boxe ne sont pas indiqués (menace du pronostic oculaire). En classe, l’enfant doit pouvoir absorber des sucres, même pendant les cours, s’il est en hypoglycémie. Il est conseillé à certains enfants diabétiques de prendre une collation le matin. Enfin, en cas d’anniversaire, il est préférable de le fêter le matin et ainsi de donner une part de gâteau à la place de la collation. Pour ne pas frustrer l’enfant, les boissons et bonbons light sont autorisés. Bon à savoir : l’Association française des diabétiques publie des recettes adaptées (www.afd.asso.fr/recettes).

Les progrès de l’insulinothérapie

De façon physiologique, les cellules bêta du pancréas fabriquent de l’insuline en petite quantité 24 heures sur 24 afin d’inhiber la production de glycogène par le foie. Lors de la prise d’aliments, l’augmentation du taux de sucre dans le sang et la présence d’aliments dans le tube digestif entraînent une stimulation des cellules bêta, et ainsi une hausse ponctuelle du taux d’insuline sanguin pouvant aller jusqu’à cinq fois le taux basal pour accroître la capture du glucose périphérique. Dans le diabète de type 1, la fabrication d’insuline par le pancréas étant insuffisante (voire presque inexistante), l’objectif du traitement consiste à recopier ce schéma le plus précisément possible par le biais de différents types d’insuline : lentes, retards, rapides (voir tableau page suivante). Cet apport d’insuline se fait par voie injectable par stylos ou seringues, mais aussi par des pompes destinées à administrer l’insuline en continu, permettant ainsi d’être au plus près des conditions physiologiques, à condition d’effectuer une autosurveillance glycémique régulière et répétée.

Un accueil scolaire individualisé Afin d’envisager au mieux l’intégration scolaire de l’enfant, il existe les projets d’accueil individualisés (PAI), dont l’objectif principal est de définir les modalités de la vie scolaire et de fixer les conditions d’intervention

10

C’est le pourcentage de diabétiques de type 1 parmi les diabétiques.

Surveillance annuelle minimale du jeune diabétique • 4 rendez-vous chez le diabétologue • 4 dosages d’HbA1 • 1 bilan avec l’équipe multidisciplinaire • 1 bilan dentaire

Temps 6h

12h

Repas

18h

Production basale

des partenaires. Ce projet n’est pas obligatoire mais fortement recommandé. Il est établi entre la famille et le directeur de l’école, sur demande de la famille ou de l’établissement si celui-ci perçoit des difficultés.

Le schéma d’injection se définit avec l’endocrinologue dans le but de s’approcher le plus possible de la physiologie. La dose quotidienne d’insuline dépend de nombreux facteurs : âge, poids, stade pubertaire, ancienneté du diabète, état des zones d’injection, répartition des apports nutritionnels, niveau d’activité physique, habitudes de vie, maladies intercurrentes. Elle doit être réévaluée régulièrement par l’autosurveillance glycémique. Il est indispensable de varier le site d’injection afin d’éviter la lipodystrophie. Pour les enfants de plus de 5 ans, l’abdomen (à distance d’au moins 1 cm du nombril) et la partie antéro-externe de la cuisse sont recommandés – ainsi que la partie supérieure des fesses en cas de lipodystrophie – et de façon exceptionnelle la face latérale des bras et le dessus de la taille. Pour les moins de 5 ans, il faudra privilégier les fesses et la face latéro-externe de la cuisse. Dans le cadre de la pompe à insuline, le changement du cathéter s’effectue tous les trois jours à la sortie de la douche

24h

6h

Pics prandiaux

• Profil de la sécrétion physiologique d’insuline sur 24 heures.

septembre 2013 • Pharma N°104 • 35


thérapeutique

Les différents types d’insuline Type d’insuline

Principe actif

Début d’action

Pic maximum

Durée d’action

Exemple (nom commercial)

Insulines rapides

Insuline humaine

35 à 60 minutes

2-4 heures

5-8 heures

Actrapid, Umuline rapide

Analogue rapides

Insuline Lispro 15-35 minutes

1-3 heures

3-5 heures

Insuline Asparte

Novorapid

Durée intermédiaire

NPH ou isophane

2-4 heures

Analogues lents

Insuline détémir Insuline glargine

2-4 heures

(en évitant le coucher) et en prenant bien soin de se laver les mains et de désinfecter le site de ponction. Ne pas oublier de contrôler la glycémie deux heures après la pose du cathéter. Le traitement par la pompe à insuline sous-cutanée permet la même flexibilité et un meilleur contrôle glycémique sans les contraintes liées aux injections mais permettant également, selon la majorité des études, une meilleure qualité de vie que sous injections répétées. Les bolus peuvent être délivrés instantanément, sur une durée déterminée ou en deux phases (bolus carré, bolus duo ou mixte). En cas de maladie, les adaptations temporaires du débit basal ont permis une meilleure gestion à domicile. À noter cependant que le cathéter doit être changé tous les deux à trois jours, après une anesthésie locale (Emla). La pompe peut être retirée ou débranchée, en principe pas plus d’une heure, lors d’activités physiques ou de baignades. Il s’agit uniquement d’insuline rapide en débit basal continue avec des bolus au moment des repas. En cas de sortie scolaire, il est indispensable de prévoir la trousse personnelle de l’enfant contenant le glucagon, l’insuline et le lecteur glycémique, ainsi qu’une photocopie du protocole d’urgence. Anne Champy, pharmacienne

Grippe et diabète La vaccination anti-grippe est recommandée non pas parce que le risque de grippe est plus élevé chez les diabétiques mais parce que, comme pour toute maladie fébrile, la grippe peut déséquilibrer le diabète.

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Apidra

4-12 heures

12-24 heures

Insulatard, Umuline NPH

12-24 heures

Levemir Lantus

Le rôle du pharmacien dans le diabète de type 1 • Savoir répondre aux éventuelles questions du patient/de sa famille sur sa pathologie et le rassurer. • Insister auprès du patient/de sa famille sur l’importance du traitement par insuline. Bien signifier qu’il ne doit pas être arrêté, même en cas de maladie. • Expliquer les techniques d’injection et l’intérêt du suivi : s’assurer que les objectifs glycémiques sont connus du patient/de sa famille.

• Connaître les recommandations diététiques de base. • Orienter le patient (ou sa famille) vers les associations dédiées, qui sont souvent utiles pour mieux comprendre et apprendre à bien vivre avec la maladie. • Expliquer l’intérêt d’avoir sur soi une carte de diabétique, qui peut s’avérer utile lors d’une prise en charge en urgence. • S’assurer de la bonne observance du traitement.

©© Dan Race – Fotolia

Insuline Glulisine

Humalog


Interview du Dr Denis Jozwiak

« Moi, médecin et diabétique »

Quelles mesures ont été prises ? À la maison, l’adaptation a été très simple. Nous avons continué à vivre comme avant à une exception près : comme je n’avais pas le droit aux gâteaux, mes parents ont arrêté d’en acheter, pour ne pas faire de jaloux. Ainsi, je ne sentais aucune différence avec mes frères et sœurs. Le vrai virage difficile a concerné la vie scolaire et le sport. J’ai d’ailleurs beaucoup regretté l’attitude de mon collège, stigmatisant ma maladie et m’obligeant à mentir et à me piquer en cachette. Comment adaptez-vous vos repas ? Tout le monde pense qu’un diabétique de type 1 doit manger à heures régulières, que son repas doit contenir une dose de féculents bien précise et qu’il faut éviter tout sucre rapide. Je vous arrête tout de suite, ça, c’était avant… J’ai découvert l’insulinothérapie fonctionnelle en 2004, et j’ai encore du mal à comprendre comment je faisais avant. Cette insulinothérapie est simple : le corps a besoin d’une dose de base d’insuline par jour, et ce même en dehors de tout repas. C’est le rôle rempli par l’insuline « basale » type Lantus. Pour le reste, il est possible de déterminer – après une brève hospitalisation – la dose d’insuline rapide nécessaire « par portion » de 20 g de glucides. Il suffit alors, à chaque repas, de calculer le nombre de portions de glucides, et d’injecter la dose d’insuline rapide en conséquence. Les équivalences painpâtes-pommes de terre-riz-fruits sont faciles à retenir, et pour le reste il suffit de lire l’emballage pour connaître la

©© D.R.

Pharma. Comment avez-vous découvert que vous étiez diabétique ? Dr Denis Jozwiak. J’étais en classe de CM1 et je présentais depuis un mois les signes classiques du diabète de type 1 : polyurie, polydipsie et amaigrissement. Je m’en souviens très bien car je m’étais remis à faire pipi au lit, et j’en avais vraiment honte. Par chance, le diagnostic n’a pas été trop tardif, car ma mère était sensibilisée au sujet, travaillant dans le milieu médical.

quantité de glucides. Ainsi, plus besoin de s’inquiéter de la présence de féculents aux repas : pas de glucides, pas d’insuline rapide ! On mange ce qu’on veut, quand on veut… On est loin de l’image du malade diabétique de type 1 d’il y a quinze ans. Aujourd’hui, vous avez une pompe à insuline. Qu’en pensez-vous ? La pompe est une insuline rapide qui diffuse en continu (correspond à la basale), avec des bolus supplémentaires lors des repas. Ainsi, on peut régler plusieurs « débits de base » selon les besoins en insuline, qui diffèrent en fonction de l’activité ou du moment de la journée. Avec la pompe, je suis passé de quatre injections par jour – une basale et trois rapides – à une injection tous les trois jours. J’équilibre mieux mon diabète : l’insuline basale ne couvrait pas tout le nycthémère, et mes besoins en insuline basale n’étaient pas les mêmes la nuit et la journée. Soit j’augmentais la dose d’insuline basale et je faisais des hypoglycémies nocturnes, soit je la diminuais mais je présentais des hyperglycémies dans la journée. Mais surtout, la pompe m’a permis de me réconcilier avec le sport.

Justement, comment cela se passe-t-il avec le sport ? À l’annonce de mon diabète, j’avais tout arrêté, c’était trop contraignant. J’ai repris le foot cinq ans plus tard, pour jouer avec mes amis. Je me suis également mis à la planche à voile, puis au tennis. À cet âge-là, au moment de l’exercice physique, mon équilibre glycémique était catastrophique. Il fallait diminuer l’insuline lente la veille au soir, et donc bien anticiper l’activité sportive. Mais cela entraînait une hyperglycémie dans la journée, et si j’arrivais avec une glycémie correcte au moment de faire du sport, je faisais rapidement une hypoglycémie. Désespérant. Est arrivée la pompe à insuline : plus de problème d’insuline basale, puisqu’elle est remplacée par un débit continu d’une faible dose d’insuline rapide. Ainsi, il me suffit désormais de diminuer ce débit de base lors de l’effort : je peux débuter le sport avec une glycémie correcte, et éviter toute hypoglycémie. Le sport « bon pour la santé » prend alors tout son sens : du fait de l’exercice physique, je limite la prise de poids, et la sensibilité de mon corps à l’insuline est augmentée, me permettant de réduire toutes mes doses d’insuline. Désormais médecin généraliste, et diabétique depuis vingt ans, que dites-vous à vos jeunes patients diabétiques ? D’abord, je leur dis qu’avec les progrès de la médecine – insulinothérapie fonctionnelle, insulines ultrarapides, pompe à insuline –, on vit tout à fait normalement avec cette maladie. Ensuite, qu’il ne faut pas hésiter à en parler à son entourage, et ne pas avoir honte de son diabète. Il faut par contre garder à l’esprit que tout l’enjeu de cette maladie, ce sont les complications au long cours, nécessitant une surveillance rigoureuse quotidienne. Enfin, diabète et sport ne sont pas incompatibles, bien au contraire, mais nécessitent un temps d’adaptation pour connaître comment son corps réagit et adapter le traitement.

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