GRAIN DE SABLE

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grain de sable



photographies patrick chatelier poĂŠsies souĂŠloum diagho



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Le ciel était bleu

Fais silence

Bleu des guandouras* gonflés comme des voiles, froissement du vent dans l’herbe rare qui fait le va-et-vient des nageoires d’un poisson luttant contre le courant.

Arrête le gémissement de ton cœur, ne fais pas de bruit, prend le silence de la nuit dans ses heures de minuit. As-tu connu le désert ? Alors le silence est là, depuis toujours.

Le jour était tiède. La nuit froide s’écoulait au murmure des pas foulant le sable. En caressant les dunes de mains agiles, quelques sages autour du feu contaient des histoires, des légendes passées. Ils se couvraient les épaules des pagnes indigo, leur nez suintaient et leurs yeux pleuraient, traçant des signes pour leur sage vie.

Ne cherche pas le vide car le silence est lui-même vide. Ne pense plus. Ne cherche pas à conquérir les grandes étendues, cherche plutôt à connaître ton piétinement intérieur. C’est celui-là qui est ton repos, ta marche vers un silence nouveau. Ne prends pas le silence du désert si ton cœur fait des sauts, des bonds à travers ce paysage déjà connu.

Les jeunes gens écoutaient, les filles se trémoussaient dans des voiles bleu ciel et les femmes déjà adultes racontaient les souvenirs dans le temps, empreinte de l’homme mythique. Ils regardaient l’azur sans rien chercher sauf le fil de l’horizon qui les invite passionnément, et la nuit des étoiles des galaxies qui passaient en des traînées de feux incandescents.

Laisse tes pensées s’envoler au gré du vent vers ces nuées muettes là-bas au fond des cieux. Offre tes cogitations, tes cris, tes peurs comme cadeau de nouvel an. Oui, le silence est reposant, mais il faut qu’il se taise dans le sas même du contenant. Alors il devient beau et grand, il rappelle un fluide parcourant les yeux.

Encore les yeux ouverts sur des paysages reconquis de gré ou de force, ils révélaient leur secret des années oubliées, des cris, des chants emprisonnés dans un néant absorbant.

Quand on veut apprécier le silence, on marche. On n’entend plus que le battement de son cœur comme une machine parcourant le temps. Alors, à ce moment, toutes les questions tombent en poussière que la tempête emporte vers les plages du néant.

*Guandouras : tunique ample des touaregs.

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Un roc majestueux

L’isolement

Il dresse son corps comme un guerrier, toi, visible à l’ombre élancée, mais tu restes humble et secret. Le vent te dit aux yeux, le soleil murmure à tes oreilles, la pluie suinte de ton corps rugueux. Comme un solitaire, tu traînes tes années. La plaine t’obéit, la poussière s’entasse à tes pieds. Tu pries le ciel d’une moue de chef de groupe fatigué. L’hiver, tu le connais et l’été, tu t’en tapes le dos, comme un boudeur paresseux. La saison peut défiler. La mort peut arriver sous la lumière blanche de la lune la nudité de la nuit couvre l’aurore. L’habit du jour fait des rayons et toi tu restes inerte, impassible comme un mort songeur, l’âme évadée, et l’esprit du vautour vient se poser sur la cime de ta tête. Seul te donne raison le berger qui vient prendre de l’aisance à ton ombre quand il s’adosse le dos sur ton corps ferme et immobile. Tu lui murmures des contes du passé, des légendes des anciens, des histoires des voyageurs qui t’ont admiré, des témoignages présents, des noms inscrits, des dates et des jours, des signatures apposées sur ton buste. Tu ressembles à un livre de souvenirs où chacun se reconnaît, le passé et le présent sont là. Le berger dans sa somnolence te voit des jours avant des années jadis où entourés d’herbe, des arbres aux branches dansantes. Et tu es toujours le même traversant le temps, la tempête, la pluie, les sèches saisons. Tu restes paisible comme un sage et tu attends le retour des oiseaux migrateurs pour te tenir compagnie, pour un jour et une nuit. Tu es le grand témoin, tandis que tu vois hommes et oiseaux en leur passage. Ton grand secret, tu le gardes, sans mot dire, dans ta noire forme qui gît et tu restes. Tu te dresses sous la volonté de Dieu, en implorant la voûte des cieux.

Souvent dans la plaine, sur les sommets, à l’ombre d’un arbre timidement je m’assieds quand le soleil va a l’opposé du levant. Je promène mes yeux sur la plaine dont le paysage changeant se déroule à mes pieds, à perte de vue des impressions. Ici gronde le vent dans la falaise. Là-bas, l’écumante brume suit la rivière asséchée et s’enfonce en un lointain obscur. Là, un lac de galets immobile étend ses silences. Dorment les rochers tatoués du reflet de l’astre couchant. L’azur aux couleurs de sang s’étend à l’horizon. Au sommet de ses montagnes couronnées de brume, de sombres voiles. Le crépuscule approche de ses nuits aux rayons étouffés dans un semblant de manteau. La nuit dans son ensemble monte ses chariots, et déjà les bords de l’horizon. L’isolement conduit mes dires vers de tristes pensées quand les montagnes disparaissent dans le vide comme des envies et des pensées d’amour inassouvies A la porte du crépuscule, des oiseaux de nuit sortent de leurs nids. Ils boivent les restes du jour en chantant des hymnes. Le frottement des ailes brisent la monotonie avant l’éclosion de la nuit. Voyant le jour tourné le dos aux masses immobiles des grands monts qui vont s’endormir pour encore quelques décennies. Mon isolement m’emporte avec lui dans ses déserts et mes yeux verraient partout le vide couronné de silence et le rien, le tout serait au rendez-vous. 68


C’est bien loin d’ici

Le nomade des grands espaces

Au pays bleu d’ailleurs où une fille targuie se pâme, très tranquille, parée de ses plus beaux bijoux, présente et préparée pour dire des gentils mots, d’un ton calme et le visage très serein.

Quand son esprit n’est plus qu’une rumeur d’exil, une trace de pas à travers les dunes, un froissement d’aubes où commence l’horizon et un sursaut de cœur dans une poitrine comme une loge secrète.

Noble et élégante dans sa tunique ample comme le côté de l’océan, elle écoute pleurer le murmure du vent dans les nattes aux grains serrés avec des lanières de cuir bien tannées.

Quand il sent monter en lui l’envie d’un espace ouvert, un tourbillon messager qui va vers l’évasion, un vertige allant à ce point précis où l’horizon semble se confondre à la terre.

C’est la tente de Seïma aux décors du printemps. Le vent cadence le chant des oiseaux, leur mélodie heurtant la dune pour bercer cette enfant aux désirs amoindris par le temps.

Quand il oublie son appartenance et que sa mémoire le trahit au moment où il est entre la peur et la joie, à ce moment où sa marche lui traduit des rêves éveillés, alors il n’est plus qu’une rumeur de pas dans le sable, des grains, des vents, des chaleurs et des pensées à l’envers.

En haut un ciel bleu, en bas le sable chaud. Avec grand soin, elle quitte sa tente et sa peau délicate brille au soleil. L’arôme des parfums sent l’orient et l’odeur des mimosas remplit les airs.

Ce fut une grande tradition au-dessus des plaines, des versants des dunes, des murmures d’un peuple agonisant vers son cheminement, vers le désert d’étoiles, vers l’abîme de solitude confirmée.

C’est bien loin d’ici que la jeune targuie aime jouer avec les formes des ombres de l’après midi sous le regard du soleil couchant quand le ciel met son henné et tous les nuages saignants courent à l’horizon pour un moment si délicat.

Cherchant la transhumance dans les temples de l’oubli, vers la naissance d’un secret, chacun portait la fin d’un monde, chacun disait tout bas dans son cœur : « allons boire le vide, les vertiges du néant. » Dans le film des pensées, des troupeaux, des chameliers déferlaient comme des réalités d’un temps passé et des cris inaudibles grondaient de joie ou de misère comme des bergers, tous en alerte devant un danger. 69


Connaissez-vous la saison sèche ?

Ma terre lointaine

C’est l’enfer où tous sont égaux, les bêtes, les hommes et la terre.

Ma terre, ma maison n’est à vendre ni pour de l’or ni pour des promesses.

Les chameaux râlent, les brebis restent dans les bergeries. La fournaise crache du feu, le vent cuit les visages. Toute la terre semble mourir comme le cataclysme du jour dernier. On a même plus la force de prier pour demander le secours du ciel, demander une goutte de pluie.

Ma terre, mon pays ne sont pas a louer. Ils ont l’espoir dans la mémoire des enfants qu’ils ont bercés dans leurs soirs mouvementés. Ma terre entrave de mon cœur et reine de ses souvenirs malgré les ruissellements de ces eaux salées qui font des rizières le long des joues, malgré ses voix, ses bras démembrés qui font des signes d’appels dans ses grandes plaines désertées.

L’espoir scandé au bout des lamentations n’est plus que lambeaux déchirés, une vapeur brûlante, un brouillard égarant dans la poussière que les vents raclent, la terre en dissolution et rupture des liens, des baves de douleurs en prime englouties dans la mélasse des mémoires.

Ô peuple, ma tribu, debout le long des oueds et tous ses pieds martelant le sol le long des falaises, ô jeunes à genoux dans ces terrasses aménagées pour le rassemblement de la honte à proximité du grand feu. Le soleil brûle, la soif fait le ménage et la faim contrôle les effectifs.

Perdue dans le torrent de larmes, souffrant des blessures aux mains, aux pieds, la peau ratatinée comme des vieilles pastèques abandonnées au soleil, la terre reste triste, désolée, ses fissures béantes. Le désir des hommes reste inassouvi, rêve d’une prairie fleurie, de mares miroitant au clair de lune. C’est comme une malédiction qui s’acharne sur l’ensemble du pays. Les quelques points d‘eau sont pris d’assaut par les hommes et les bêtes voulant vivre, une panique générale. Chaque nomade se sent coupable de ne pouvoir faire. La lâcheté de la saison sèche continu sa méprise et l’abandon qu’elle engendre, impuissants sont les bergers qui voient leur troupeau diminuer chaque jour.

Ô terre, ma terre et toutes les terres. J’ai vu ces côtes en râteau, j’ai vu ces yeux perdus, j’ai entendu ces cris mais rien n’est fait pour adoucir le temps, l’atmosphère qui monte en chaleur. Ô talon qui martèle le fil crépusculaire des saisons vers une nuit encore plus sombre, ô fissures lèvres cassantes, mains aux gerçures tu es toujours ma terre malgré ses longues listes de misère qui s’abattent sur ton échine. Ma terre, rumeurs des vents du désert, aux raclements des tourbillons fracassant les buissons et les robes imprimées d’indigo. Ô pleurs nomades, touareg en deuil dans les marécages d’un pays délaissé, que ta bravoure, ta santé te reviennent, ma terre aux cent mille yeux égarés.

La fournaise vient de la terre, du ciel, tout semble prendre feu. 70


Caprice de ma vie

A mon désert

J’aime les odeurs parfumées, les couleurs indigo, les satins soyeux et les châles bleus, les galaxies festonnées, le mauve des chèches brillants et la luminosité des pales violets. J’aime le noir des voiles auquel s’ajoutent des touches de velours, des broderies en relief, argent et cuivre et subtile marqueterie de diamant, la vie eût été brève, une ombre fugace, impression ailée.

Ô désert, grand pays ! Ton silence me colle à la peau. Ta grande désolation m’invite aux ballades motivées, et à découvrir encore combien tu es le mien. L’espace entre toi et mon cœur est le lieu idéal pour rêver. Je suis un fennec aux yeux ouverts. Je suis ton messager, je dis la lassitude de tes ergs. Je traduis les rides de tes terres, terres fertiles, terres des vautours, des oiseaux volant au-delà des limites.

Terrasses fleuries, géométrie mesurée, habillement de forêt, elle bat des ailes. La place tenue par la floraison des acacias qui arrête le regard comme sur une prairie me dissimule la partie fissurée de la terre.

Ô désert, le Sahara t’a réduit à rien, un rien marquant, qui s’imprime dans la mémoire. Ta nuit, ton soleil, tes étoiles brillent et la lune, les dunes, un spectacle rêvé. Ce fil de l’horizon prolongeant ta fin de journée vers un état crépusculaire allégé comme des draps de voiles gonflés par le vent. Le vent, l’âme de ta solitude et le souffle de tes journées ensoleillées.

La beauté aux miroirs comme les multiples alouettes, des eaux qui appellent la lumière et soutiennent les vagues comme des marbres polis, perpétuel changement de saisons et de paysages sur les horizons.

A la pointe du jour, un caravanier surgi du néant, transporte ta marque vers d’autres terres, d’autres maisons ou la soif, la faim sont déjà au rendez-vous. Terre indienne, terre caucasienne, terre australienne, tous fils de la terre la mère mourante pour la cause des enfants.

Une âme innocente joue avec l’éternel changement. Un frais silence l’accompagne le long des plages, hors des oueds, un grésillement de vent gratine le ciel bleu indigo et les couleurs profondes vont vers l’infini. Un granit repose comme un éléphant inanimé. Un couloir de lumière éclaire les déserts, parmi des chauds moments agréables à la vie. Un trépied de pierres témoigne d’un passé, brûle le parfum des anciens.

Ô désert ! Mon désert, je chante pour toi mes vers, mes poèmes pour rendre hommage à ta grandeur, aux langueurs de tes soirées, à tes aurores nostalgiques dont le matin respire des mélodies mélancoliques pour appuyer encore ta profondeur revêtue. 71


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Un paysage désertique

La vie

Sur les collines, un côté à l’ombre, l’autre éclaircit par un soleil montant, tantôt noir, tantôt bleuit par des vagues de lumière et d’ombre, l’apparition du jour. Creusée par endroits de vallées que l’imagination adore remonter, redescendre et respirer, la plaine. Puis du sable et des dunes que l’étendue de leurs vastes bordures laisse entrevoir. Quelques acacias et un rameau dansant au vent dans le miroir du mirage qui ondule à travers la plaine. Le reflet d’un paysage désolé où l’image sombre des collines miroite au jour. Sur la transparence de ses fausses eaux, l’horizon habite. Et l’azur prononce sa couleur, un nuage égaré, un oiseau voyageur, et flotte la poussière. J’ai visité ces bords, ces paysages que l’asile de l’éternité a côtoyé. S’il faut choisir pour l’évasion, le repos ou pour des balades aisées, je ferais tout pour y rester, à l’ombre d’un épineux. Ces champs non cultivés que les yeux peuvent adorer. Mon cœur se souviendra toujours de ces endroits désertiques malgré les terres arides, les flancs des collines non boisées qui ne portent sur leurs dos ni terrasses aménagées, ni eaux limpides pour l’heure de midi quand le soleil est au zénith. Et par l’effort des ans, les sommets et les plateaux sont minés par l’inhospitalité. Sous leur poids sont inclinés comme des humbles majestueux et dépouillés des terres fertiles. Ils gardent l’écorce vieillis par la succession des jours. Un vieil arbre épineux et sec se monte par ses racines. Une cigale égarée chante ses mélodies et ses tristes chants de l’été. Ce paysage par sa chute a formé de jour en jour un plateau qui décroît, et de plaine en plaine, porte en son sein des façades dont il est décoré : un paysage lunaire ou étranger.

L’heure où je possède le mieux mon âme toute entière, c’est l’heure où, faible et heureux, je demeure sous la force de ton amour. Je me mets à prier, j’appuie sur ton cœur ma tête affolée, Et ton regard, comme une ondée, me verse la sérénité. Car je sens sa présence, je la vois sur moi se promener comme une sublime influence. Et j’en suis comme soulagé, te dirais-je mon rêve ? Le ciel a fui quand tu murmures mon nom, je m’éveille égaré, muet, ébloui par tes mots et la lumière de tes yeux. Et bien longtemps, l’âme chagrine, je regrette la nuit, La nuit amie, qui fait de ta poitrine mon refuge où je m’abandonnais dans l’amour, L’amour qui fait qu’on oublie demain, et le passé non plus n’existe plus.

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‘Akal n’iba’ (1) A perte de vue l’homme néolithique a tracé sa route face à l’océan sans limite. ‘Akal n’iba’ se situe entre deux mondes, celui d’hier et celui de demain. Aucun des deux n’est certain, l’un est passé et l’autre nous attend.

A perte de vue se dessine la ligne de l’horizon dans ses grandes plaines qui forment le Sahara. A perte de vue la caravane perce le mystère qui fait peur aux initiés de cette atmosphère. A perte de vue les nomades errent dans ces terres hostiles et tristes comme la mort au premier abord. A perte de vue, dans le lointain infini, le vent ramène le temps dans le giron des collines agrémentées des dunes aux grains de sable fin. A perte de vue les branches d’un acacia aux épines dorées comme les pointes des épées des guerriers qui luisent au soleil et s’imposent à la vue de tous les voyageurs même aux gerboises qui jouent avec les crottes des brebis. A perte de vue le temps n’existe plus, rien que le mystère de l’oubli. Chante l’hymne endormi depuis la nuit, perdu dans le mirage qui fait office de mers englouties. A perte de vue s’élèvent les tourbillons au ciel comme si le message était parti des terres hostiles vers les cieux où tous les regards attendent une pluie qui donnerait vie à toute une flore et faune endormie. A perte de vue le temps chevauche le vent vers les cimes des horizons qui bercent l’espoir d’un jour meilleur. A perte de vue la soif et la faim ouvrent leurs portes à de nouvelles recrues qui ont signé leur arrêt de mort. A perte de vue le temps s’écoule englouti par les ténèbres des nuits qui sont toutes les mêmes.

(1) Akal n’iba : terre éloignée, terre à perte de vue

Chanson du désert Tes plaines infinies remplissent mes yeux, ô désert Comme ton soleil radieux plein de lumière. Et je te crains quand tu te perds dans l’horizon comme la mer. L’azur de tes zéphyrs comble mon cœur. C’est un lointain que je regarde, toujours le même : un ciel de mer Ton silence m’est cher, C’est un souffle de vie où je me sens à l’aise. L’air de la mer qui fortifie les humeurs. Ton absence remplit ma mémoire toujours de chants de cigales. Ô ma terre, je t’aime comme le vent de la mer. 75


Face à l’horizon

La magie de la vie

Je vais m’asseoir l’été devant les plaines nues, solitaire et humble. Arrosée de soleil, ma mémoire dans l’horizon, par d’insensibles moments, se vide. Et comme un gardien aux yeux ouverts, je dors étrangement. Et voici mon sommeil : Mon corps s’arrête et plus rien ne bouge. La volonté me quitte et je n’ai plus de voix. Il entre dans ce moment une autre vie : une vie solennelle. Ma figure demeure, ma personne mue. Je suis et je respire à la façon de l’air. Mon sang paraît couler comme une source isolée, la sève de la nature. Ce monde est suspendu. Quelque chose de grand me soulève. Le regard ailleurs, et tout le reste rêve. Ô nature, je sens ta vertu car je suis visité par le même génie que l’aurore qui court des montagnes, aux champs et vers les bois. Avec tes heures, je respire et communie. L’immense silence, havre de paix, je l’ai goûté. Ma mère me l’a dit et ne l’oublierai plus. Ô que j’avais besoin de te sentir, de t’embrasser ma mère Pour mêler à mon calme ton amour universel, Ton âme impérissable à mon désir, ton bonheur à ma libre misère Pour aimer par la nuit et penser par le ciel la douceur des étoiles.

Je suis venu de je ne sais où, du ciel, de la terre, des étoiles, de la lune. La magie de la vie m’a transporté, néanmoins je suis venu. J’ai vu s’entendre la terre, la grande terre nourricière et un chemin m’a tendu la main. Il m’a conduit vers cette maison, cette tente qui a contenu mon premier cri. Et sur ce chemin, je franchis des cols, des gorges, des montagnes à la pente abrupte, des dunes au rose pâle de l’été. Est-ce que j’ai le choix ? La vie m’y a conduit, comment suis-je venu ? Quel jour a vu ma naissance ? Je l’ignore et cela m’importe peu. Suis-je un nouveau-né ou l’incarnation de plusieurs vies ? Suis-je libre sans contrainte ou dépendant d’un mystère qui est au-delà de mes pensées ? Suis-je conseiller de mon destin ou suis-je esclave de la vie ? Je voudrais le savoir, mais je l’ignore encore. Oui, ma route est-elle infinie ou un chemin sans issue, suis-je dans la bonne direction ou me suis-je égaré ? Est-ce moi qui guide mon destin ou est-ce la route qui emprunte mon chemin ? La magie de la vie m’interpelle dans mes balades et dans mes sommeils. Qu’étais-je avant la vie d’homme, un ver de terre, une falaise immobile, un néant ou un rayon naissant de son éclatement, je l’ignore.

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Conforme au désert

Toujours Tu seras éternelle, qu’on te nomme amour ou lumière. Cette vie est un court moment qu’il faut embellir. De l’existence, faisons un guide. Prends la nuit comme chemin, prends le jour comme phare. Dissous ta peur, ton chagrin par le clair de la lune, par l’étoile. Prends ton livre de la liberté, elle demeure l’arme du combattant. Les mots ne la tuent guère. En te perçant le cœur, la foi brille dans le soleil et l’âme reste immortelle. Toujours au ciel tatoué de mystère, sans maison dans l’infini. Tu ne peux mourir qu’une fois. Et ton esprit, tes sens, volatils, disparaissent dans l’aurore du temps.

De désert en désert, je suis devenu essouf* que le désert a soufflé. Plus que grains de sable, je suis devenu sable. Et plus conforme aux dunes qui bordent les plaines. Et je me sens déjà pauvre comme ces vents qui les sillonnent. Car ces vents emporteront le peu d’éternité au ciel pour couvrir ce que l’aurore des étendues a enfanté. Et enfin j’aurai des ailes pour voler loin, plus loin que le soleil Et encore plus loin que la terre où je reposerai dès demain. Mais peut-être demain, un printemps viendra me refleurir. Comme une prairie au gré des rosée. Conforme au désert, je suis désert. Mes tristesses, ces rocailles, mes souffrances, ces chaleurs, mes lourdes peines, ces montagnes. Il m’a engendré dans ses oueds aux rives aiguisées comme des cris des mourants. Et la pauvreté nous accompagne dans des traversées qui sont longues et agressive comme ces épines d’acacias tournés vers les côtés. *Essouf : Ténéré.

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Je suis enfant de sable, enfant de nuit

Le voile au désert

Je suis sombre et nu. Comme toi la nuit, je navigue au-delà de tes chemins diurnes, je cherche les sentiers flamboyants qui rythment la vie. Je suis silencieux et profond comme toi la nuit, comme le désert à l’approche de ta venue.

L’homme au désert est en éternel recommencement. Il est voilé pour cacher son visage du soleil, de la poussière, de la colère, de l’orgueil, de la souffrance et même de la mort, de l’amour et des misères. Il cache sa dignité, sa fierté.

Je suis enfant de sable, enfant de nuit. Mes yeux volent dans le noir qui t’a nourri. Mes oreilles bourdonnent de peur quand tes ondes frémissent. La brume et les ténèbres sont le fruit de ton travail assidu.

Et le voile lui donne cet air mystérieux, et de dire « je respecte Dieu et ses commandements ». Car au désert, Dieu voit à travers les yeux des hommes. Il est toujours en marche vers des nouvelles dunes, des nouvelles vallées, sinon il meurt asphyxié. Il perd ses repères qu’il doit toujours renouveler vers des sentiers escarpés, des néants oubliés.

A l’approche de la nuit, les guerriers qui luttent pour les nations perdues crient leur désespoir. Comme les cris des loups qui se rassemblent pour la fête de minuit, sauvages et terribles, ils sont quand même dans l’oubli.

Les sens, il faut les aiguiser tous les matins. Ce n’est jamais une chose à matérialiser. Ce n’est qu’une image d’un instant, comme le temps d’un thé, comme l’odeur des braises incandescentes que le vent allume à sa guise.

Enfant, j’ai grandi dans le sable loin des villes en écoutant les berceuses des nomades qui évoluent vers les frontières de l’oubli. Comme seul repère, le clair de lune et ses rayons d’argent éclairant les terres qui ont contenu la misère de l’enfant sans patrie, sable mouvant étendu comme une page sans écriture.

Le voile est cette marque déposée d’un peuple errant, changeant de lieus et de caps toutes les lunes. Il dicte l’appartenance d’une famille, d’un enfant, d’un homme nomade à une maison sans fondation fixe mais d’une tente et de quelques piquets qui sont faciles à transporter.

La trace des chercheurs reste inscrite comme un graffiti que fait le poète en commençant sa poésie. Enfant, le jouais à cache-cache dans la nuit avec mes amis. Le souvenir reste encore soutenu dans la part innocente de ma vie.

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Moul N’Aga / Tadrart / Algérie Le Cirque / Tadrart / Algérie Arche Tihak / Tadrart / Algérie «Karzou» / Alidema / Algérie «Karzou» / Moul N’Aga / Algérie «Larbi», joueur d’oud oriental / Algérie Portraits d’amis / Libye et Algérie Erg Oubari / Oum-el-Ma / Libye «Bilal», guide algérien Vallée des Bouddhas / Algérie Tin Merzouga / Tadrart / Algérie Tassili du Hoggar / Algérie Oued Tin Tarabine / Algérie Moul N’Aga / Tadrart / Algérie Erg Oubari / Libye Erg Admar / Algérie Moul N’Aga / Tadrart / Algérie Erg Issaouane / Algérie Tin Akacheker / Tassili du Hoggar / Algérie Erg Amga / Adrar N’Aneth / Algérie Moul N’Aga / Tadrart / Algérie Tin Merzouga / Tadrart / Algérie Tin Akacheker / Tassili du Hoggar / Algérie Tahaggart / Tassili du Hoggar / Algérie Le Cirque / Tadrart / Algérie Tin Akacheker / Tassili du Hoggar / Algérie Oued Tin Tarabine / Tassili du Hoggar / Algérie Traces diverses / Algérie Erg Admer / Algérie Moul N’Aga / Tadrart / Algérie Erg Admer / Algérie Assekrem / Hoggar / Algérie Mont Ilamane / Hoggar / Algérie Le Hoggar / Algérie Tahaggart / Tassili du Hoggar / Algérie Le Hoggar / Algérie Tahaggart / Tassili du Hoggar / Algérie Le Hoggar / Algérie Oued Tetrit / Tassili N’Ajjer / Algérie Erg Admer / Algérie Lac Oum-el-Ma / Erg Oubari / Libye


les auteurs

PATRICK CHATELIER

Avec un sentiment de l’Eternité, le photographe Patrick Chatelier témoigne et fixe. Il sculpte la lumière nous offrant des images de la réalité qui déborde le regard. Du pittoresque à la poésie, de l’ethnologie à la sociologie, ce promeneur solitaire observe le monde, traitant les plans et l’espace avec une grande sensibilité. Sa passion des voyages et de la photo, la recherche obstinée des émotions que donne la rencontre avec la beauté, ont amené Patrick Chatelier dans de nombreuses régions du monde. Il nous offre un regard sensible, subtil et merveilleux sur la beauté de notre terre, beauté des paysages, mais également d’un geste ou d’un regard vivement saisi. Les déserts constituent une source d’inspiration inépuisable pour les passionnés d’images. Patrick Chatelier en a fait son sujet de prédilection. Voilà plusieurs années qu’il organise à leur intention des voyages photographiques dans le Grand Sud algérien sous l’enseigne COULEURS-SABLES. Ses «Photo Tours» passent aussi par la Chine, Equateur, Etats-Unis, Mali, etc. Informations : www.couleurs-sables.com - Contact : fotoplanete@yahoo.fr

SOUELOUM DIAGHO

A travers ses poèmes, Souéloum Diagho nous livre le chant de son cœur. Il vient du Nord du Mali, de Tessalit plus précisément. Son histoire prend racine dans l’histoire de son peuple et dans un exil non désiré. Il nous invite à découvrir sa parole, miroir d’une vie consentie à la quête de l’Amour et de la Paix. Souéloum Diagho raconte le désert, espace grouillant de vie, palpitant comme le cœur de la planète, il dit la richesse du silence et la force de son peuple, il livre ses pensées et son regard sur notre monde occidental et sur nos peurs, il explore tous les continents de la vie, de l’amour à la tristesse, en passant par le parfum du musc et le souffle du vent dans les dunes. Site personnel : users.swing.be/swelum/ - Contact : soueloum@hotmail.com


Toutes les photos de cet ouvrage ont été réalisées en technique argentique.


remerciements

RAIDS ET EXPEDITIONS 4X4 L’aventure... sans mésaventure

Olivier Michaud / Editions Cacimbo www.cacimbo.com

Avec votre 4x4 personnel ou de location

www.raids-globe-trotter.com

CREATION, REALISATION, REPATION OUVRAGES METALLIQUES Gaétan Chatelier - 66200 Alénya www.crrom.com

WORLD PHOTO TOUR

Voyages photographiques www.couleurs-sables.com

Direction du Patrimoine Culturel au Ministère de la Culture, Alger Jacques Dreux, compagnon de voyage Mes parents, Marie et Gérard Chatelier Agnès Bogaërt, ma compagne Sanna Tweedie Bertrand, «Roxanne» Tous mes amis de Tamanrasset et de Djanet : Abdel Kader, Hamma, Karzou, Bilal, Larbi, Bahous, Moustache, Fatteh, Ahmed, Mohammed...

ISBN : 978-2-916055-15-2 / Dépôt légal : 4ème trimestre 2008 / © Patrick Chatelier - Souéloum Diagho / Achevé d’imprimé en septembre 2008 par Fung Choi Printing Group Limited, Guangzhou - Chine


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