N°3 Mémoire photographique champenoise

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Mémoire photographique champenoise Bulletin de l’Association loi de 1901

Centre Régional de la Photographie de Champagne-Ardenne Villa Bissinger 51160 Ay

Attention : En raison des Vendanges, l'Assemblée générale aura lieu le vendredi 13 octobre à 18 h, à la Villa Bissinger, à Ay, et non le 6 octobre comme annoncé en page 2

Le Mot du Président par Hubert Ballu Je vous faisais part de mon souci d'hébergement pour nos collections lors des derniers numéros et à ce jour rien de nouveau et de bien concret n'est intervenu. Il faudra tout de même que cesse cette errance et que nous puissions poser nos bagages afin de pouvoir gérer et exposer tout ce que nous réalisons. Je souhaite ici redire tout le bien que je pense du travail réalisé par le maire d'Aÿ, Dominique Lévêque, qui suit notre dossier et aussi pour l'aide financière qui nous est apportée. Une jeune association a souvent des difficultés à fonctionner et à vivre et toute aide est la bienvenue. Mais malgré ces efforts, les négociations pour l'obtention du local prévu pour nous est remplie d'embûches. Peut être qu'au prochain numéro, je l'espère, l'affaire sera conclue. En attendant nous allons avoir quelques actions qui seront dévoilées lors de notre assemblée générale d'octobre. Par ailleurs, quelques photos sont rentrées dans nos collections et l'association reste intéressée par tout ce qui concerne les photographes locaux. Notre mission de Conservatoire est essentielle. Enfin vous pourrez constater que notre rédacteur en chef, Francis Dumelié, nous a concocté encore un numéro pleins d'articles de qualité.

Sommaire : Le mot du Président ( Hubert Ballu) La vie de l'Association Histoire de la photographie : chapître 3 Daguerre Rencontre de Samuel Morse avec Daguerre Imagerie d'Epinal Le début de la daguerréotypomanie Le CRPCA joue son rôle de Conservatoire de l'image Métier : collecteur de mémoire : suite Le mot du photographe professionnel Willy Ronis, photographe de tout le XX° siècle Le CRPCA sur Internet Nous ne sommes pas seuls au Monde : la Photothèque de Cambrai Réponse à un appel : Jacques Mambret nous informe sur Tamagno Traque photographique Une exposition exceptionnelle à Luxembourg : Charles Bernoeft Du nouveau sur l'entreprise Poyet : témoignage de Jacques Damiens Le Champagne dans le Fonds Poyet Un petit tour dans le passé : le plus grand appareil photographique du monde Dernière de couverture : les 16 cartes postales éditées par le CRPCA

p. 1 p .2 p. 3 à 7 p. 3 et 4 p. 5 p. 6 p. 7 p. 8 et 9 p.10 à 12 p. 13 p. 14 p. 15 p. 16 p. 17 p. 18 p. 19 et 20 p. 21 p. 22 et 23 p. 24

En supplément : un cahier sur le thème : « toutes les photographies sont-elles diffusables dans la presse écrite ? » Dossier réalisé par trois élèves de 1ère S2 d'un lycée rémois. Contact à la Villa Bissinger : Rachel Payan 03 26 56 36 80 ou 06 33 42 63 70 site internet : http://fondsphotographiquepoyet.fr Quelques cartes de photographes régionaux

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La vie de l'Association. Nouveau déménagement Nous avons dû déménager une nouvelle fois la totalité des clichés du Fonds Poyet, soit 5 tonnes de plaques. Hébergés provisoirement dans un local à Ay, nous attendons toujours l'attribution d'un point de chute définitif, ce qui pourrait intervenir d'ici la fin de cette année. Conséquence essentielle de ce nouveau stockage : faute de place, les boites de plaques sont restées dans des bacs à vendanges au lieu des classeurs métalliques où elles étaient accessibles. Nous ne pourrons donc pas proposer des tirages comme nous l'avions fait l'an passé lors de nos actions à Nanteuil la Forêt et Tauxières Mutry. Saisie informatique Comme dans chaque numéro, nous faisons appel à des volontaires qui disposeraient de temps et d'un ordinateur pour continuer le travail de saisie des livres où sont notées toutes les prises de vues du Fonds Poyet. Merci d'appeler au 06 08 61 15 33. Assemblée générale Elle aura lieu le vendredi 6 octobre à 18 h à la Villa Bissinger, à Ay Cotisation La période de renouvellement arrive : notre année commence le 1° septembre. Le bulletin d'adhésion est inclus dans ce numéro. La Bourse d'Amicarte 51 Invités par cette association de cartophiles, nous avons pu présenter le CRPCA aux nombreux visiteurs venus ce dimanche 2 avril 2006 (un peu plus de 1400) . Beaucoup de contacts très intéressants dans ce milieu de passionnés d'images. A cette occasion, et pour « coller » à la thématique de cette manifestation, la vie militaire, nous avons édité une série de 16 cartes postales représentant de beaux militaires photographiés par Jean Poyet entre 1905 et 1918 . Voir en dernière de couverture. Les 16 cartes postales portant au dos le nom de chaque militaire et la date de prise de vue sont vendues 9 € la série. (commande avec le bulletin d'adhésion)

Le CRPCA et la presse Lors d'une réunion amicale des adhérents et de quelques personnalités invitées, nous avons reçu Jean Batillet, journaliste à l'Union, qui a écrit un article bien sympatique sur notre association qui a un besoin pressant de se faire connaître afin d'entraîner avec nous d'autres passionnés d'histoire et d'images... Radio Lépine était présente et nous a accordé un reportage sur son antenne.

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Histoire de la photographie. Chapître 3 Nous avons assisté dans le précédent numéro au décès de Nicéphore Niepce, en 1833, qui du fait de son association avec Daguerre, laisse ce dernier seul face aux futurs développements de la photographie.

Louis Jacques Mandé Daguerre est né en 1787 à Cormeilles en Parisis. Son premier emploi le conduisit dans la vie routinière de l'administration des contributions indirectes... où il ne resta que peu et qu'il quitta pour étudier la peinture. Il entra chez Degotti, décorateur de l'Opéra. Très vite, il fut remarqué par son talent d'inventeur, et par l'adjonction de jeux de lumières aux panneaux peints, il contribua au succès de beaucoup d'oeuvres dramatiques jouées à cette époque. Etant arrivé à une réelle maitrise de ses jeux de lumière, il imagina son Diorama. Dans les années 1820-1825, tout Paris se précipite dans les Panorama, Pyronama, Cosmorama, Géorama et autres Diaphanorama, ce dernier présentant des vues transparentes des sites mondiaux les plus célèbres, quelque chose comme les ancêtres de nos diapositives, mais peintes à la main. Dans ce Diorama, il présente des paysages ou scènes changeants, créant l’illusion d’une véritable animation grâce à des techniques totalement nouvelles : un même site est peint sur une toile très fine, presque transparente, sur l’endroit avec certains détails, puis sur l’envers, comme une deuxième vue dans un dessin animé. Un subtil jeu de lumières éclairant de face ou de dos la toile, avec la lumière du jour (l’électricité n’est pas encore distribuée...) modifiée par des filtres de couleur rend certains détails de la scène tour à tour visibles, puis invisibles, puis changés dans leur forme ou leur couleur. Comme un ancêtre du cinéma qui apporte à Daguerre une renommée parisienne considérable bien avant qu’il ne devienne l’inventeur du Daguerréotype. Malheureusement, un terrible incendie, le 8 mars 1839 détruit la totalité du Diorama, ainsi que tous les documents de Daguerre...( * ) Ayant découvert presque par hasard les travaux de Niepce, sur l'essai de fixation des images de la chambre noire, il s'en rapproche, et après le décès de ce dernier, continue seul ses essais. Une quinzaine d'années se passent, -3-

lorsque, par un hasard que seuls les esprits supérieurs sont capables de mettre à profit, il remarque qu'une cuillère d'argent laissée sur une plaque iodurée y laisse son empreinte. C'est pour lui une révélation : Il abandonne alors tous les produits bitumineux utilisés par Niepce et entre sur la voie du succès. Il utilise dans la chambre noire des plaques de cuivre enduites d'iodure d'argent et a la géniale idée de soumettre cette surface impressionnée par la lumière, sans qu'aucune trace ne soit perceptible, à des vapeurs de mercure qui vont s'attacher au support d'autant plus que celui-ci aura reçu une lumière plus puissante. Image certes très fragile, mais stable et inaltérable après que la plaque révélée ait été lavée avec une solution chaude de sel marin qui entraine l'iodure d'argent non impressionné qui aurait fini par noircir à la lumière. ( * ) à noter que c'est la veille que Daguerre reçut la visite de Samuel Morse dans son Diorama..(voir p. 5 )


Assez étonnament, personne en France, ne voulut s'intéresser à cette formidable découverte. Daguerre qui cumulait les talents d'un inventeur et d'un homme d'affaires eut l'idée de présenter sa découverte à Arago, alors député des Pyrénées orientales. Ce grand physicien était également secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

alimenter une multitude de perfectionnements et faire faire aux procédés de capture d'images des progrès considérables en quelques années seulement... A Suivre.......

Daguerréotype 15 x 20,5 cm réalisé vers 1845

Caricature de Daumier dont voici la légende :

Conscient mieux que quiconque de l'immense importance de l'invention de Daguerre, il proposa que l'Etat français achetât l'invention, afin que tous puissent en profiter, sans qu'elle soit protégée par un brevet. La proposition de Loi fut présentée le 15 juin 1839 par Arago alors Ministre de l'Intérieur, puis votée en juillet. L'Etat Français devenait propriétaire de l'invention, et en contrepartie, Daguerre recevait une rente viagère annuelle de 6000 Francs (15 600 € de maintenant) et le fils de Niepce se voyait attribuer une rente à vie de 4000 F (10 400 €). Ainsi, l'Etat français reconnaissait les mérites conjoints de l'un et l'autre inventeurs, récompensant, si l'on peut dire, Daguerre qui avait concrétisé l'invention de la photographie. Comme nous le verrons dans le prochain numéro, cette publication d'invention allait

-Tiens, ma femme, v'la mon portrait au Daguerreotype que je te rapporte de Paris. - Pourquoi donc est-ce que tu n'as pas aussi fait faire le miens pendant que tu y étais ? Egoïste, va !

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L’histoire de la Photographie vue par l’Imagerie d’Epinal (Pellerin & Cie) vers 1880 en 16 vignettes que nous vous présenterons au fur et à mesure de notre progression dans cette histoire...Ici les vignettes 5 à 8

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Le début de la Daguerréotypomanie On a du mal à imaginer l'enthousiasme populaire créé par la publication des travaux de Daguerre le 19 août 1839. Si on en voulait une version contemporaine, sans doute faudrait-il observer la sortie d'un nouveau Harry Potter, ou peut-être la mise sur le marché d'une nouvelle console de jeux ? Grande différence : nos événements modernes sont parfaitement planifiés sur le plan commercial. Pas de nouveau grand film sans que ses produits dérivés ne soient disponibles en masse dès le jour même... En 1839, il n'en était pas de même... Ce 19 août 1839, Marc Antoine Gaudin (*) était là, et il raconte : « A Aucune époque, les amis des sciences et du merveilleux n'éprouvèrent une curiosité si impatiente qu'à l'occasion de ces étonnantes découvertes de MM. Niepce et Daguerre, qui permettaient de reproduire tout ce qui s'offre à nos yeux, dans les moindres détails. Les brillants rapports qu'en firent , devant les deux chambres, MM. Arago et Gay-Lussac, n'étaient pas de nature à refroidir l'enthousiasme ; aussi le Palais de l'Institut fut-il assailli d'une nuée de curieux, lors de la mémorable séance du 19 août 1839, où ces procédés furent enfin divulgés. Exclu de l'enceinte comme bien d'autres, pour n'être venu que deux heures à l'avance, je guettais avec la foule tout ce qui transpirait au-dehors de la communication académique. A ce moment, un assistant sort tout effaré ; on se presse autour de lui, on le questionne, et lui, qui croit tout savoir, nous dit que c'est du bitume de Judée et de l'essence de lavande. On varie les questions, mais il n'en sait pas davantage : de sorte que nous fûmes pour l'instant réduits à discourir sur le bitume de Judée et l'essence de lavande... Mais bientôt, la foule entoure de nouveau un nouvel initié plus effaré que le premier. Et celui-là, pour le coup, nous dit que c'est l'iode et le mercure, sans autre commentaire. Enfin, la séance se termine et le secret est divulgué. Pour ma part, je cours aussitôt acheter de l'iode, regrettant déjà de voir baisser le soleil, et d'être obligé de remettre l'expérience au lendemain. Enfin, dès que le jour paraît, mon appareil est prêt : il est composé d'une lentille ordinaire de trois pouces au foyer, adaptée à un étui en carton. Après avoir iodé ma plaque à la main, je l'adapte à mon étui, que je dirige vers ma fenêtre, et attends bravement un quart d'heure que l'impression se produise ; puis j'administre du mercure à ma plaque, inclinée sous l'angle normal de 45°, en chauffant avec une bougie la cassolette en carton qui le contient. Le mystère s'accomplit aussitôt : j'ai un ciel bleu de prusse, des maisons noires comme de l'encre, mais la balustrade de ma fenêtre est superbe ! Je mets aussitôt mon épreuve en poche, et cours chez M. Lerebours, où je montre avec complaisance mon médaillon ; mais on n'y comprenait rien, parce que l'image était inverse ; d'ailleurs, ses dimensions exigües la rendaient méprisable, par rapport à celles qu'on s'attendait à produire avec un appareil normal qu'on avait construit, tant bien que mal, d'après les préceptes de M. Daguerre ! Ils croyaient déjà avoir vu quelque chose, quoique je ne visse rien, pour ma part, que des miroirs en plaqué. Mon épreuve en main, je demande à opérer, à mon tour, avec le grand appareil : je rêve déjà une épreuve superbe ; mais au bout du compte, je n'obtiens que la silouhette du Louvre, et encore fallait-il bien s'y prendre pour l'apercevoir. Mais alors nous éprouvions une émotion extraordinaire et des sensations inconnues qui nous causaient une gaîté folle. Ce jour-là, on fit de mieux en mieux, sans approcher cependant de la moindre épreuve de M. Daguerre ! Peu de jours après, les boutiques des opticiens étaient encombrées d'amateurs soupirant après un daguerréotype (**) ; on en voyait partout de braqués sur les monuments. Chacun voulut copier la vue qui s'offrait de sa fenêtre, et bienheureux celui qui du premier coup obtenait la silouhette des toits sur le ciel : il s'extasiait devant les tuyaux de poële ; il ne cessait de compter les tuiles des toits et les briques des cheminées ; il s'étonnait de voir ménagée entre chaque brique la place du ciment ; en un mot, la plus pauvre épreuve lui causait une joie indicible, tant ce procédé était nouveau alors, et paraissait à juste titre merveilleux ! » * Marc Antoine Gaudin, calculateur du Bureau des Longitudes, est l'auteur d'un traité pratique de photographie, publié en 1844, dans lequel il relate les tous premiers jours de la « daguerréotypomanie » ** le même mot désignait l'appareil de prise de vue et l'épreuve obtenue. -7-


Le CRPCA joue son rôle de Conservatoire de l'image. Des dons encore peu nombreux, mais combien précieux, viennent enrichir nos collections. Le dernier en date est constitué de onze boites contenant chacune une quinzaine de négatifs sur plaques de verres, de format 9x12. Récupérées dans un grenier malheureusement non localisé, l'une des boites portait la mention « famille Perrin, Madagascar, Rilly » Mais pas de Perrin dans l'annuaire à Rilly...

Les plaques ont été achetées à Madagascar, chez G.Bodemer, à Majunga dans un magasin intitulé : « pharmacie coloniale, comptoir photographique, droguerie »

Une seule des boites comporte des indications sur les photographies. En ligne 5 apparaît « M. Lengoute »

Cases dans le Village de Maintirano (côte ouest de Madagascar)

Mirador de la léproserie

Le Persépolis. Il semble bien que ce soit un cuirassier. Sans doute est-ce lui qui ravitaille cette implantation coloniale en soldats et vivres.

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S'agit-il de M. Perrin ou de M. Lengoute ?

Femmes et fillettes « Sakalow »

D'autres photographies présentent les fêtes du 14 juillet de 1907, célébrées « à la française » avec mat de cocagne, lutte de groupes tirant à chaque bout d'une corde, et jeu de la farine illustré cidessous...

Si parmi nos lecteurs, quelqu'un de Rilly la Montagne pouvait reconnaître un parent soldat en 1907 à Madagascar, nous pourrions avoir sur ces photos sans doute un nouvel éclairage... Sur notre site internet, vous trouverez plus d'images issues de ce fonds. -9-


Dans le bulletin précédant, j’avais exposé le rôle du collecteur de mémoire. Je promettais de développer, dans ce numéro, les orientations de la mission «mémoire vivante en Champagne » mise en place à la Villa Bissinger et d’essayer de montrer l’apport d’une telle démarche. La motivation et les premiers objectifs du projet Le projet « Mémoire Vivante en Champagne » s’est mise en place à la Villa Bissinger en 2000. (siège de l'Institut International des Vins de Champagne). Au terme d’un siècle, les Hommes prennent recul sur leur histoire. La Champagne viticole a connu une évolution importante pendant le XXème siècle, entre les guerres, un développement accru de la mécanisation et de l’automatisation, la naissance des coopératives, l’arrivée de la manipulation dans le vignoble, etc. L’histoire est loin d’être encore écrite et la mémoire peut se perdre rapidement. Les hommes qui en ont connu les transformations ont en partie disparu. Bien qu’il reste encore des témoins de l’avant Seconde Guerre Mondiale, le temps file. Vous me direz, « il reste les archives ! » Les historiens connaissent bien cet outil. Néanmoins, comme je l’ai noté la dernière fois, la collecte de mémoire se situe légèrement en amont. Elle vient créer de l’archive et perpétuer un processus de mémoire en mettant en place une transmission directe (et indirecte). A l’heure de l’audiovisuel, les porteurs du projet ont ainsi choisi la caméra comme outil. Il s’agit alors de débusquer cette mémoire vivante en recueillant le témoignage des anciens à travers leur vécu, leur actions, leur souvenirs. Puis, de tenter ensuite d’archiver et valoriser ce fonds. La mise en place d’un collecteur de mémoire, l’évolution des objectifs Différentes personnes ont pris par au projet. Yves Chauvé fut le premier collecteur de la maison. Il a compilé un ensemble d’entretiens auprès de nombreuses personnalités marquantes et représentatives dans l’histoire récente du champagne, tant du côté du vignoble que du côté du négoce. Il avait d’ailleurs animé en 2001 une table ronde s’appuyant sur deux films réalisés à partir du fonds d’entretiens. Il y présentait un premier point de la collecte sur la construction de la Champagne au XXème siècle. Un poste de collecteur de mémoire a ensuite était créé par la Ville d’Aÿ en 2002. Christèle Mahmoudi a alors intégré le projet le temps d’une année pendant laquelle elle a recueilli des témoignages auprès de champenois de divers milieux, réalisant quelques entretiens précieux sur la vie locale. Depuis 2004, il a été important de conclure le projet de collecte entamé par Christèle Mahmoudi avec un groupe d’anciens de la Communauté de commune de la Grande Vallée de la Marne. A l’Occasion de la Semaine Bleue 2005, une exposition de portraits réalisés par Guillaume GELLER accompagnés de textes, permit de présenter l’animation réalisée ave c la maison de retraite d’Ay. Nous avons ensuite tenté d’orienter de façon thématique le projet « Mémoire Vivante en Champagne viticole », en essayant de ne pas oublier la contrainte chronologique. La recherche des informateurs et la collecte de témoignages s’est tournée ainsi depuis deux ans sur plusieurs thèmes : Les caves champenoises et les savoir-faire du vin en cave, la vigne et les pratiques viticoles et la Deuxième Guerre mondiale. - 10 -


les sens forts…La collecte de mémoire prend aussi en compte une dimension temporelle. Le témoignage permet alors de recomposer l’histoire de la personne et du groupe. On comprend bien que ce fonds d’entretiens représente un matériau brut d’une grande richesse mais qu’il est nécessaire de le retravailler pour le valoriser. Et la tâche n’est pas aisée. C’est par tâtonnement que peu à peu nous trouvons les moyens de mettre en place un tel projet. La tentation est aussi parfois grande de se disperser tant parfois la diversité des sous thèmes est importante. Les multitudes fonctions et perceptions de la cave champenoise

Les caves champenoises La démarche

Parmi les thèmes de la collecte, la cave champenoise a rapidement retenu l’attention. Elle occupe une place importante en Champagne tant dans le discours, que les Maison et vignerons développent autour du produit et de la région, que dans son rôle dans le processus d’élaboration des vins de Champagne. Il était nécessaire de prendre connaissance de ce qui avait pu être écrit sur la cave dans un premier temps, puis d’ interroger les champenois sur ce sujet afin de comprendre le sens qu’elle prend pour eux, l’expérience, les souvenirs, les savoirs et savoir-faire qui lui sont associés. A partir d’un guide d’entretien, une série de témoignages orientés à la fois autour des personnes et de leur métier ainsi que du thème ont été réalisés. La collecte pourrait se faire ad æternam, puisque chaque personne apporte toujours de nouvelles informations, un nouveau regard… Et il est bien difficile parfois de se dire « stop, faisons le bilan et changeons de sujet ! ». A travers les entretiens ainsi recueillis, de nombreuses possibilités s’offrent ensuite au collecteur. Analyser le contenu et mettre en évidence des représentations collectives, repérer

Pour essayer d’illustrer l’intérêt de cette collecte, je prendrai l’exemple de la collecte concernant les Caves Champenoises. Dans le discours commun, du moins tel que j’ai pu le percevoir en arrivant dans la région, la Cave dite champenoise est souvent associée à cet espace sous-terrain, humide, creusé dans cette craie à bélemnite propre à la région. Sur le terrain et dans le discours des informateurs, la cave de craie pure creusée à 20 ou 40 mètres sous terre -bien qu’existantecorrespond aujourd’hui plus à un idéal de la cave champenoise qu’à un type de cave dominant. Dans les témoignages recueillis, s’il apparaît que certains vignerons creusèrent à même cette craie leur future cave, d’autres se sont heurtés à la réalité géologique du terrain (le sable, le grès, l’argile…). En outre, dans l’Aube, les vignerons qui possèdent encore des caves de construction traditionnelle, me montrent leur cave creusée à ciel ouvert, leur voûte en pierres de calcaire dur et maçonnées affleurant la surface. Un vigneron qui a construit sa cave selon le style traditionnel de l’Aube évoque bien cette réalité d’ailleurs : « D’une part ‘y avait pas la facilité d’opérer un stockage du champagne, les caves n’étaient pas assez importantes. Dans la Marne qu’est ce qu’on fait on prend son pic et sa pelle et on tape, et on sort, et on s’fait une cave dans la craie, tandis que nous, on n’ a pas la possibilité. C’est la raison pourquoi il n’y a aucun négociant qui s’est installé. » [B.R. 30/09/2004]

On perçoit également dans ce propos tout

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l’enjeu qu’a pu représenter la cave dans le développement de la manipulation du vin de Champagne. L’usage du béton a également changé fortement le paysage des caves depuis les années 50. L’usage de ce matériau s’est très vite répandu surtout avec l’invention de la climatisation. Un inventaire des caves en Champagne permettrait peut-être de rendre compte de leur présence effective. Au-delà de ce premier constat, une analyse –bien que sommaire- du fonds de collecte montre surtout la profusion de sens qui gravitent autour de la cave en Champagne. Loin d’être associé à un espace déterminé et fixe, la cave est : - l’attribut de tout vigneron – « Un vigneron sans cave, ce n’est pas un vigneron - le lieu de repos du vin – « C’est un peu la chambre où dorment les bouteilles » selon une vigneronne retraitée, - un espace de travail : « C’est là où se fait tout le travail de la bouteille », fonction d’autant plus importante en Champagne où une importante manipulation succède à la mise en bouteille. Certains informateurs étendent même le sens du terme cave à l’ensemble du bâtiment vinaire.

pour le spectacle vivant.

Ces exemples montrent les multiples fonctions et représentations auxquelles est alors associée la cave dans le discours des Champenois. Selon sa pratique du lieu, la mémoire qu’elle en a hérité, chaque personne met en place ses propres représentations, valorise certaines fonctions de la cave. Un vigneron, un œnologue ou un ouvrier caviste s’approprient en effet cet espace chacun à sa façon. Par le croisement de ces témoignages, de ces mémoires particulières, entre eux et avec d’autres données (livres, archives), peut émerger un nouveau regard sur une mémoire collective du monde du Champagne. Il sera alors tout aussi important de laisser circuler cette mémoire recueillie. Le recueil de ces témoignages permet également de conserver une trace de l’expérience des anciens, d’un mode de vie qui a bien changé mais également de l’histoire locale. Il constitue alors une matière intéressante pour la mise en place d’expositions, voire même comme nous en avons le projet, - 12 -

A suivre...

- un espace situé sous terre, on « descend » en cave d’ordinaire. Il est intéressant de noter d’ailleurs qu’il est plus difficile de parler de cave pour les informateurs lorsqu’il s’agit d’un bâtiment de surface, voire hors sol.



Willy Ronis, grand photographe entre passé et présent. A l' occasion de son 95° anniversaire, la Ville de Paris a voulu rendre hommage au célèbre photographe en organisant une exposition à l'hôtel de Ville, du 19 octobre 2005 au 18 février 2006 dont le succès a été tel – près de 350 000 visiteurs fin décembre 2005 - qu' une prolongation jusqu'au 27 mai a été décidée. « Lorsque la Ville de Paris m’a fait l’honneur et le plaisir de me confier le commissariat d’une exposition sur Willy Ronis et Paris, je me suis trouvée confrontée au difficile exercice qui consiste à opérer une brève sélection dans une oeuvre impressionnante par sa longévité. Soixante-quinze ans de photographie et plus de 90 000 négatifs, ce n’est pas rien. Les choix adoptés dans cette exposition sont donc nécessairement subjectifs et dictés par un certain nombre de partis pris. Il m’a semblé tout d’abord essentiel de mettre en avant l’importance et l’originalité de l’oeuvre de Willy Ronis dans l’histoire du XXe siècle, et dans l’histoire de la photographie en particulier, des années 30 à nos jours. En particulier la période des années 40 et 50, qui correspond à l’âge d’or de ce qu’on a appelé l’école humaniste française, avec le point d’orgue que constitue la série de Belleville Ménilmontant. » Virginie Chardin, commissaire de l’exposition.

70 tirages modernes, une vingtaine de tirages d'époque, plusieurs vidéos dont une interview très touchante de l'artiste ainsi que 80

documents rares ont été réunis pour l'occasion afin de mettre en lumière la carrière de ce photographe au destin extraordinaire. Difficile de dissocier l'homme de l'artiste tant son amour pour Paris imprègne ses clichés et sa vie. Cette rétrospective permet ainsi au visiteur de se replonger dans plus d'un demi-siècle de vie quotidienne parisienne.

« La quasi-totalité des images présentées sont des photographies de hasard, parce que mon appareil ne me quittait jamais et parce que la rue offre à l’esprit curieux un spectacle permanent. Ma vision fut-elle totalement objective ? Je serais présomptueux d’y prétendre. J’ai du moins veillé à demeurer honnête, à ne pas truquer, à respecter mes semblables. Ma modeste fierté est, je l’espère, d’y être parvenu. » ” Willy Ronis 70 tirages modernes, une vingtaine de tirages d'époque, plusieurs vidéos dont une interview très touchante de l'artiste ainsi que 80 documents rares ont été réunis pour l'occasion afin de mettre en lumière la carrière de ce photographe au destin extraordinaire. Difficile de dissocier l'homme de l'artiste tant son amour pour Paris imprègne ses clichés et sa vie. Cette rétrospective permet ainsi au visiteur de se replonger dans plus d'un demi-siècle de vie quotidienne parisienne.

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Le Centre Régional de la Photographie de Champagne Ardenne est présent sur Internet depuis quelques mois

La page d'accueil de notre site : http://memoirephotographiquechampenoise.org. D'accord, c'est un peu long à taper, mais plus significatif que les initiales de notre association. Et puis une fois ce pensum réalisé, mettez cette adresse dans vos favoris... Un moteur de recherche permet une recherche par mot-clé : nom de village, de lieudit, patronyme, adresse, etc... avec une mise à jour automatique chaque semaine. Actuellement, 28 525 fiches correspondant chacune à une prise de vue de Jean Poyet entre 1902 et 1932 sont disponibles. Déjà, des réactions nous sont parvenues, surtout après l'article paru dans l'Union du 7 juin 2006, qui a fait passer le nombre de visiteurs du site d'une dizaine par jour à 300 dans les jours qui ont suivi... Une seule frustration exprimée : le manque d'images... Il nous est tout à fait impossible de mettre en ligne les images numérisées de tous ces portraits. A la demande et pas avant le début de 2007, il sera possible d'obtenir des tirages de vos familiers. En attendant, explorez nos fichiers. Plus de 160 communes du département y sont représentées. La mise à jour des fichiers est faite tous les deux mois. Ce qui nous évite de publier dans chaque nouveau numéro de ce bulletin le nombre de noms par commune. En 2007, des images concernant la vie locale et le Champagne seront accessibles sur le site.

Des premières statistiques intéressantes : sur les quatre premiers mois de mise en ligne du site 816 visiteurs ont fait défiler 4235 pages. Bien sûr, le pic est en juin après la parution d'un article dans l'Union. Les contacts viennent essentiellement de France (484), mais il y en a eu 20 de Belgique et de Hollande, 11 du Canada et 4 de Russie. (297 ne sont pas identifiés)

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Nous ne sommes pas seuls au Monde... Même si notre Association est très fière de posséder le Fonds photographique Poyet, nous avons conscience que bien d'autres sauvetages photographiques ont eu lieu, que d'autres encore interviendront, et dans le but de gérer au mieux nos trésors, nous avons entrepris de créer des contacts avec d'autres organismes gestionnaires de fonds photographiques. Dans le précédent numéro, nous évoquions notre visite au Conservatoire régional de l'Image de Nancy. Depuis, de nombreux contacts ont eu lieu. Nous vous les présenterons, car chaque découverte est source d'informations précieuses. En tout premier, nous avons visité la Photothèque

municipale de Cambrai. Rattachée à la Médiathèque de la Ville, elle est animée par Martine Laroche, passionnée et passionnante, excellente technicienne de la photographie, et installée dans une superbe maison, la Maison Falleur, 39 rue St Georges. Une salle permet d'accueillir le public qui y trouve de nombreux albums de tirages des collections classés par thèmes, ainsi qu'une bibliothèque photographique assez conséquente proposant des livres à consulter sur place. Une grande partie des fonds photographiques rassemblés concerne essentiellement Cambrai et le Cambrésis à travers des photographies et reproductions de documents anciens. Les quelques 20 000 clichés dont dispose la photothèque sont répartis en sept fonds correspondant aux auteurs ou donateurs : Fonds Delcroix : Maurice Delcroix (1905 – 1984) fut photographe à Cambrai. A sa mort, la Municipalité fit l'acquisition d'une partie de ses clichés, environ 2000, représentatifs de son goût pour l'histoire de Cambrai. Fonds René Faille : collectionneur et historien originaire de Cambrai, il a fait don de documents concernant Cambrai, dont 5000 clichés négatifs. Fonds Salle: Photographe de Cambrai, depuis 1929 : 6000 plaques de verre témoignent de son activité entre les deux guerres. Fonds Maroniez : Georges Maroniez (1865 – 1933) était peintre et photographe. 1430 clichés sur verre et autochromes et 400 supports souples constituent ce fonds. Fonds Bernard Florin : Bernard Florin était archéologue municipal. Il a déposé près de 4000 diapositives, fruit de dix années de fouilles archéologiques dans le Cambrésis. Fonds Georges Lebrun : 2500 clichés concernant l'abbaye de Vaucelles et les fouilles réalisées sur ce site. Fonds divers constitué de dons de particuliers, de photographies réalisées par les services de la photothèque, d'albums achetés ou donnés. A la demande, il est possible de faire faire des tirages de tous ces fonds à un tarif très raisonnable. Actuellement, pas encore d'informatisation ni de numérisation des documents, leur gestion étant très semblable à celle d'une bibliothèque classique. La Maison Falleur organise régulièrement des expositions temporaires variées. Les documents sont conservés dans une salle spéciale dont l'air est conditionné, mitoyenne d'un laboratoire noir et blanc très bien équipé. Merci encore à Martine Laroche qui n'a pas été avare de son temps pour nous permettre de découvrir cette belle collection. - 16 -


Réponse à un appel... Dans le premier numéro de notre bulletin, paru en septembre 2005, nous évoquions, dans l'article consacré au sauvetage du fonds Poyet, l 'oeuvre du dessinateur Tamagno dont deux négatifs sur verre ont été trouvés dans ce fonds. Un appel à informations sur ce dessinateur est resté sans réponse jusqu'à la bourse d'Amicarte 51, le 2 avril à Reims où nous avons eu la chance de rencontrer Jacques Mambret, ancien professeur de chimie, venu découvrir notre Association. Le lundi suivant, nous recevions de lui le courriel que nous reproduisons intégralement :

Cher Monsieur, Comme suite à notre conversation de dimanche dernier je vous prie de trouver ci-dessous les quelques lignes que j'ai pu écrire sur Tamagno dans mon livre sur la publicité du champagne en cartes postales. Au début du XXe siècle, c'est Nicolas Tamagno qui réalise le dessin de la publicité en carte postale (et l'affiche identique) pour la Maison Paul Ruinart : cette jeune femme qui déverse sur le monde une tornade de champagne Ruinart (Carte postale reproduite) L'on t'appelle d'un bout à l'autre de la terre, Grâce à toi notre nom est de tous acclamé, Des neiges de Russie aux brouillards d'Angleterre, De l'Inde à l'Amérique, il est partout aimé. (Extrait de Le Champagne. Judith Gautier. 1884)

Tamagno est né en 1862 à Turin où il fréquente l¹École des Beaux-Arts ; ses premières études de peintre et lithographe achevées, il part pour Rome se perfectionner dans l'aquarelle, art difficile et exigeant. En 1890, il s'installe à Paris. De sa collaboration avec l'Imprimerie Camis (créée en 1878 par Victor Camis) naît une centaine d'affiches et de cartons (de plus petit format). Il en réalisera d'autres avec l'Imprimerie Gallice à partir de 1905, puis chez Pécaud. Au nombre de ses très nombreuses créations : un lumineux et agréable dessin pour le Champagne Pétrot-Bonnet (Marque déposée en 1886 par Paul Deullin), une création pour la Brasserie La Rémoise de F. Veith. En cartes postales, il crée le Pierrot de la liqueur Cointreau,, une publicité pour les manchons Hella du tout nouvel et moderne éclairage domestique au gaz, pour le vin Pernod Père & Fils (Le Pernod est toujours debout !) en Avignon, des coiffes féminines prises dans lefolklore de divers pays, etc. Sans rapport avec la Maison P. Ruinart, N. Tamagno signe une affiche pour les Grands vins mousseux Lux Impérial à Ay Champagne ; cette affiche est tardivement (dans les années vingt, trente) tirée en carte postale, c'est ce qui explique en grande partie son caractère bien triste. Il repart en Italie en 1913, mais, après la prise de pouvoir par Mussolini en 1922, il rentre en France avec sa famille. Son fils, Maurice, suivra ses traces dans le domaine de l'illustration publicitaire.Il est assez difficile d'en savoir plus sur lui. Bonne lecture ! Avec mes cordiales salutations. Jacques Mambret. - 17 -


Traque Photographique : prolongation jusqu'au printemps 2007 Dans le numéro précédent, nous vous avons proposé quatre thèmes de prises de vues : – Magasins abandonnés. – Vieilles inscriptions publicitaires peintes. – Détournements de fonction. – Décorations professionnelles de véhicules. Nous avons reçu à ce jour 111 inscriptions peintes, 16 vieux magasins, 13 décors de véhicules et 16 détournements de fonction. Une déjà belle moisson récoltée non seulement en Champagne, mais aussi en Auvergne, dans les Landes, dans le Nord de la France, dans le Bordelais... Quelques exemples : À droite, magasin à Clermont Ferrand

A gauche, c'est à Ay...

En Auvergne sur mur de lave

Ici, combinaison de vieille inscription et véhicule !

Guise : peinture sur briques Publicité Ripolin près de Meule devenue table. Un beau château Thierry détournement... Continuez à nous faire parvenir vos clichés, soit en tirages couleur, soit sous forme numérique. Adressez-les à notre Secrétaire, Rachel Payan Villa Bissinger 51160 Ay sans omettre de noter vos coordonnées au dos des tirages...ou par internet : info@memoirephotographiquechampenoise.org - 18 -


Une exposition exceptionnelle à Luxembourg. Du 24 mars au 15 mai 2006, le Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg a présenté une exposition rétrospective de l'activité de Charles Bernoeft (1859 – 1933) qui fut photographe à Luxembourg. Il ouvrit son premier atelier en 1878. ( Jean Poyet s'installe à Epernay en 1902 : pratiquement une génération les sépare) En peu d'années, il devient le portraitiste le plus connu du Grand Duché, et se voit décerner en 1891 le titre officiel de « photographe de la cour ». Couverture de l'un des innombrables Pendant des années, il photographiera les six princesses, filles albums édités par Charles Bernoeft du couple Princier, aussi bien dans l'intimité de la famille Ducale qu'au cours de cérémonies officielles A côté de son métier de portraitiste, Charles Bernoeft se lance très tôt dans l'édition en produisant des albums à couvertures rouges rehaussées de décors dorés. « Luxembourg et ses environs », fut publié en 1887. Non seulement, il s'intéressa à sa région mais publia aussi des albums sur Trèves, Strasbourg, Metz et les Vosges. Egalement sur des événements comme l'Exposition Universelle d'Anvers en 1894. Il créa un atelier de phototypie employant plusieurs dizaines de personnes. Cette technique remarquable permettait une grande qualité de reproduction des photographies sans tramage, et Les Princesses Hilda, Charlotte et Marie-Adélaïde, en 1904 à faible coût.

Ses premiers albums avaient à voir avec un tourisme naissant. Très vite, il en créa pour des entreprises. Son premier fut réalisé pour les « Carrières de Petit Granite » dans la province du Hainaut, en 1896.

Groupe de Congolais à l'Exposition Universelle d'Anvers en 1894

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Une des planches de l'album : « construction du Grand Pont Adolphe » (1904)


Un autre album présente la succursale du Champagne Mercier à Luxembourg. Pour nous, Champenois, la présence d'un établissement important de cette grande maison de Champagne assez proche, finalement, d'Epernay peut paraître curieuse. Ce sont des raisons fiscales qui ont justifié cette implantation. En effet, la Maison mère expédiait à Luxembourg son vin en fûts, moins taxé en droits de douane que les bouteilles, et après embouteillage et champanisation, l'établissement luxembourgeois exportait sur Champagne E.Mercier. Gare de l'Etablissement de Luxembourg, vers 1900 l'Allemagne et la Russie des bouteilles luxembourgeoises de Champagne. Ce serait tout à fait impossible de nos jours, car chacun sait qu'il n'est pas de Champagne produit hors de Champagne ! Dès 1891, Charles Bernoeft édita des cartes postales illustrées, et participa à partir de 1897 à l'age d'or de ce nouveau moyen de communiquer, produisant plusieurs milliers de cartes. Pour la période 1907-1908, il en sortit 400 différentes (numérotées au dos) de son atelier de phototypie.

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L'Exposition a été faite uniquement avec des tirages originaux, venant pour beaucoup de la Famille Ducale, mais aussi de collectionneurs privés. Curieusement, il ne reste aucun négatif de cet atelier très représentatif du début de l'ère industrielle de la photographie, pas une plaque de verre, pas un outil, pas une trace de ce photographe dont la dernière descendante toujours vivante, sa petite fille, ne l'a pas connu, puisque née après son décès en 1933. Sans vouloir faire de comparaison avec le Fonds Poyet constitué essentiellement des plaques de verres, donc des négatifs, nous ne possédons que très peu de tirages d'époque, que l'on voit de temps en temps apparaître dans des brocantes... Reste à espérer qu'un jour, on retrouve à Luxembourg ou ailleurs toutes les archives de ce grand photographe ...


Du nouveau sur l'entreprise Poyet. Lors de la parution du numéro précédent de Jacques Damiens nous commente aussi notre bulletin, de nombreux maires des la photo suivante communes concernées par le Fonds Poyet ont réagi. Plusieurs ont adhéré à notre association. Parmi eux, Jacques Mangin, adjoint de Magenta nous a parlé d'un de ses amis qui fut apprenti chez Poyet à partir de 1943. Il s'agit de Jacques Damiens, photographe, bien sûr en retraite, que nous avons rencontré lors d'un de ses passages à Epernay. Passionné de son métier, ce jovial personnage continue de sillonner la France, appareil numérique en bandoulière... Après une rencontre des plus chaleureuses, il « Le magasin en 1948, avec devant la C4 citroën sur laquelle nous a écrit, et fait parvenir un certain nombre j'ai pris mes premières leçons de conduite avec Fernand de documents. Poyet » Dans son sympatique courrier, il nous demande de

Réparation des films de location dans l'atelier Poyet sans doute en 1945. Au premier plan, Jacques Damiens, notre témoin, et derrière un autre apprenti, Guy Cintract

lancer un appel : A cette période, Fernand Poyet avait inventé un appareil permettant de passer en continu 60 mètres de film. Cet appareil, le FP3, breveté , fut fabriqué dans l'atelier de la rue Gambetta, à plus de 300 exemplaires à partir de pièces Pathé, et d'autres fabriquées par M.Baignol, ferblantier à Magenta derrière l'église.

Il nous demande de lancer un appel pour essayer de retrouver l'un de ces appareils qui doit bien encore exister dans quelque grenier... A cette époque, avant que Fernand Poyet, fils de Jean, ne parte créer sa propre entreprise à Cannes, le studio sparnacien comptait donc une dizaine de personnes dont 4 apprentis, et en en souriant, Jacques Damien Au premier plan, Eliane Baudry également apprentie ensuite, Jean Elie, Jacques Damiens, la tête dans une cabine nous confiait qu'un apprenti gagnait par mois ce qu'un de retouche, puis Daniel Lapred qui a terminé Grand reporter ouvrier gagnait par jour... sportif à France Soir. A droite de l'image, Guy Cintract. L'atelier comptait donc à cette époque quatre apprentis

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Le Champagne dans le Fonds Poyet Portraitiste avant tout, Jean Poyet a eu ses premiers clients issus du monde du Champagne seulement en 1907, c'est-à-dire cinq ans après son installation à Epernay. C'est sans doute en réalisant leurs photos d'identité ou leurs portraits qu'il a été amené à intervenir dans la photographie à but publicitaire. Il a eu les plus grandes maisons comme clients : Mercier, Moet et Chandon, de Ayala, Gauthier, à Epernay ou environ, mais aussi des maisons de Reims comme Abelé ou Montaudon. Pour la période qui va du 26 juin 1907 au 5 novembre 1955, nous possédons 858 négatifs sur verre concernant le Champagne, représentant 131 maisons petites ou grandes. Les prises de vues après 1955 n'ont pas encore été explorées, mais il est sûr que des centaines d'autres vues concernant les métiers du Champagne sont parmi les milliers de clichés souples pris par l'entreprise après le décès de Jean Poyet en 1956.

Cliché n° 40206 pris en 1935, à Ay

Cliché n° 22250 C pris dans les caves du Champagne Duval Leroy à Vertus le 2 décembre 1921

l'Union champenoise : 1907 C'est l'un des 15 clichés ayant permis l'édition de cartes postales

Vues en extérieur, scènes de vendanges, batiments pris en lumière naturelle, mais aussi le photographe soignait particulièrement les éclairages en cave, passant souvent plusieurs heures à installer ses lampes électriques ainsi que des témoins nous en ont parlé. - 22 -

Cliché n° 21968 bis : le Pressage chez Lemoine à Rilly la Montagne le 23 septembre 1921

A l'occasion, Jean Poyet savait devenir reporter. C'est ainsi qu'il nous a laissé une douzaine de clichés souples de format 7x11 cm dont il n'a été tiré que trois exemplaires de chaque, à l'occasion d'une visite de Joséphine Baker chez Moët et Chandon, en 1934.


Le photographe a également travaillé pour les fabriquants de matériel. Des Maisons comme Grillat ont souvent fait appel à lui pour présenter leurs derniers modèles.

Le Fonds Poyet contient dans sa section « Champagne » beaucoup de reproductions de documents, lettres, commandes, accréditations comme celle-ci datant de 1947:

Prise de vue n° 38821 du 13 décembre 1933

Ces quelques centaines de clichés constituent bien un trésor régional qui devrait permettre à notre Association de créer avec les Maisons de Champagne et Sociétés représentées ici des liens provilégiés pour la mise en valeur de ces documents, leur diffusion et leur conservation.

Prise de vue n° 34123 du 2 mars 1930 chez Grillat

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Un petit tour dans le passé... La Photo revue du 19 mai 1901 rapporte un article traduit du New York Herald Tribune : « La plus grande chambre noire au monde »

Chicago possède à l'heure actuelle la plus grande chambre noire du monde. On s'en sert pour prendre des vues le long du chemin de fer de Chicago à Alton. Elle permet d'obtenir les plus grandes plaques photographiques qui existent : 2,44 m sur 1,06 m de largeur. Cette chambre a été construite par la Compagnie des Chemins de Fer de Chicago. Elle était d'abord destinée à prendre des photographies de trains spéciaux et à être exposée à l'Exposition de Paris. L'instrument est transporté d'un endroit dans un autre au moyen d'une voiture plate attachée à une locomotive et demande le concours de plusieurs hommes pour être mise en place et montée quand on veut s'en servir. Les chassis pèsent à eux seuls 226 kg. La chambre pèse 507 kg. On peut se faire une idée de sa grtandeur en apprenant qu'il a été utilisé 181 litres de colle pour la confection du soufflet. Les plaques sont soutenues par des planches de bois blanc. Le soufflet et l'objectif se déplacent sur une cornière d'une longueur de 6,80 m. L'instrument a été peint entièrement en rouge et plus de six mois ont été nécessaires pour établir le plan et calculer les dimensions des lentilles de l'objectif. Une machine spéciale coupe les plaques aux dimensions convenables et les recouvre des solutions chimiques nécessaires. Dans le n° 25 du 23 juin 1901 de la même revue, un titre sous la plume de Jules Combe: « La plus grande chambre noire a-t-elle été créée en Amérique ou en France » - 24 -

« Je ne puis mieux faire que de m'adresser à notre intéressante revue pour combattre cette prétention. J'invoquerai tout d'abord le témoignage du New World Herald Tribune luimême puis celui du très aimable correspondant à Paris des principaux journaux illustrés anglais, M. Anderson, qui a inauguré avec moi au printemps de 1899 la plus grande chambre noire au monde à l'intérieur de laquelle nous nous trouvions au nombre de huit personnes... Or à qui revient le mérite de la construction de cette chambre ? A des Français uniquement. Les Américains, peuple auquel je me fais un plaisir de reconnaître une haute intelligence et un grand esprit pratique, ont un côté faible : ils voudraient accaparer pour eux seul le mérite des conceptions gigantesques, sous prétexte – c'est une justice à leur rendre – qu'ils sont coutumiers de ces sortes de conceptions. On se souvient de l'émoi qui s'est manifesté dans leurs journaux, lors de l'exposition de 1889, à l'occasion de la construction de notre tour de 300 mètres, et des quantités de projets de tours de quatre, cinq, six cents mètres auxquels elle a donné naissance au-delà de l'Atlantique. Ils ont échoué, il est vrai, grâce au grand esprit pratique que je me suis plu à reconnaître aux Américains ; mais il n'y a pas à le nier, la tour Eiffel leur a causé un profond dépit. Mais je suis directement intéressé à revendiquer pour la France, l'honneur d'avoir, la première, donné naissance à la plus grande chambre photographique du monde. Cependant, je dois reconnaître que Chicago a passé plus de temps que nous à la création de sa plus grande chambre noire du monde. La mienne a été construite en une demi journée et la première photographie de 2,50 m sur 1,05 a été exécutée le même jour. J'ai même fait deux poses ce jour-là, M.Anderson m'en est témoin, et je les ai développées le soir même sous ses yeux. » Il ne l'envoie pas dire...



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