N°4 Mémoire photographique champenoise

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Mémoire photographique Champenoise Bulletin de l’Association loi de 1901 « Centre Régional de la Photographie de Champagne Ardenne » Villa Bissinger 51160 Ay

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N° 4 Printemps-Eté 2007 Parution du n° 5 le 1° septembre 2007

http://fondsphotographiquepoyet.fr



La vie de l'Association. Sept mois après le déménagement des plaques, rien de nouveau pour l’obtention d’un local. Nous allons bientôt frôler une situation de « non assistance à archives en danger… » L’assemblée générale s’est tenue à la Villa Bissinger le 13 octobre 2006. Après les comptes-rendus d’usage – rapport moral et d’activités, rapport financier – il a été question des actions envisagées pour cette année 2006-2007. - Organisation d’un colloque sur la gestion des fonds photographiques dans notre région. Afin de le jumeler avec les fêtes Henri IV, il aura lieu en juillet 2008. - Organisation d’une exposition itinérante sur le Fonds photographique Poyet - Participation à « Habits de Lumière » à Epernay en décembre 2007. - Collecte de documents anciens en lien avec les Mairies des communes. - Collecte de documents contemporains pour enrichir le fonds sur les communes et mise en ligne de ces photographies sur notre site internet. - Poursuite des contacts avec d’autres organismes gérant des fonds photographiques. La cotisation des particuliers est fixée –sans changement- à 30 € par an. Celle des collectivités locales et des entreprises à 100 €.

Traque photographique

Depuis un peu plus d’un an, nous avons réuni : - 137 photographies d’anciennes inscriptions peintes - 28 de magasins abandonnés - 16 de détournements de fonctions - 8 seulement de décorations de véhicules publicitaires. Toutes ces images sont visibles sur notre site internet : http://memoirephotographiquechampenoise.org

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Appel à la Saisie : L’énorme travail de saisie des 100 000 négatifs du Fons Poyet avance. Seulement trois membres de l’Association s’y consacrent…Venez les rejoindre ! Le livre 11 vient d’être mis en ligne sur notre site internet. Ainsi, le fichier de tout ce qui a été photographié par Jean Poyet de 1902 à décembre 1936 peut être consulté. Le fichier « Villages » a été mis à jour à cette date. Il vous permet de chercher un patronyme dans Les 173 communes figurant dans le fonds Poyet, soit 26 806 clichés répertoriés. Pour découvrir ces fichiers, connectez-vous sur le site et choisissez dans le cadre de gauche : « Conservatoire de l’image en Champagne » Attention : Les adresses des clients ne figurent pas toujours dans les livres du photographe. Ainsi, un nom peut être présent dans le fonds sans que vous le trouviez dans le village d’origine. Pour que rien ne vous échappe, utilisez le moteur de recherche figurant en page d’accueil. Il vous établira toutes les pages du site où figure le patronyme que vous avez tapé. A titre d’exemple, et pour la période 1902- 1936, Epernay comporte 12 429 clichés, Hautvillers 281, Moussy 299, Rilly la Montagne 28, Mareuil sur Ay 327, Ay 1152, Boursault 150, Châtillon sur Marne 211, etc… Le Site Internet de notre Association. Tapez soit http://memoirephotographiquechampenoise.org , soit Fonds photographique Poyet dans Google, et vous y serez.

De Mai à Décembre 2006, nous avons eu 2423 visiteurs, et 2007 ne commence pas mal avec 691 visiteurs en Janvier. Cela représente une moyenne de 10 personnes par jour qui se connectent sur le site. Les fichiers des villages sont particulièrement visités, mais aussi les divers numéros du bulletin qui sont mis en lignes avant la parution « papier ». De nombreuses demandes de tirages nous arrivent, impossibles à satisfaire tant que les plaques ne sont pas rangées en lieu sûr. Dès que ce sera possible, nous vous en avertirons… -3-


Le CRPCA et la vie locale. Ay fêtait en 2006 le quarantième anniversaire du jumelage avec la ville allemande de Besigheim. En juin, une délégation agéenne fut accueillie en Allemagne, et en Octobre, c’est Ay qui recevait des familles de Besigheim. A cette occasion, l’un des membre de notre association a « tiré le portrait » de nombreux couples avec leurs correspondants.

Les photos en couleur sont sur notre site internet, et seront exposées à la Salle des fêtes d’Ay. Par ailleurs, 2006 était l’année des fêtes Henri IV. Là encore, notre association a continué d’enrichir sa collecte contemporaine d’événements villageois….

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Philosophie et photographie. Jerzy A.Wojciechowski est né en Pologne en 1925. Il est professeur titulaire de philosophie à l’Université d’Ottawa au Canada. Lors d’une intervention au cours d’un colloque organisé par la Mission du Patrimoine photographique à l’occasion du 150° anniversaire de l’invention de la photographie, en 1989, il fit une conférence intitulée « la photographie et la connaissance » Nous avons retenu ce passage de son intervention : « L’image persiste inchangée à travers le temps dans une durée immobile, parallèlement à l’écoulement du temps. Objectivement parlant, en tant que représentation, l’image existe dans un faux temps. Mais cette durée est significative et précieuse pour l’homme, précisément dans la mesure où elle fausse le temps objectif en l’immobilisant. Elle crée un pseudo présent, une simultanéité illusoire mais très importante pour nous du point de vue émotif. L’éternité, c'està-dire le vrai présent atemporel, n’est pas de ce monde, mais l’image photographique nous offre un substitut. C’est pourquoi nous éprouvons de l’émotion devant les vieilles photos. La présence visuelle du passé nous émeut. Elle nous donne un sens de retrouvailles. Mais qui plus est, en regardant la photo, nous avons l’impression de transcender le flux du temps. Peu importe que cette sensation soit illusoire, sa puissance émotive est fort réelle. Elle suffit pour créer cette impression tant désirée. »

La famille de Jean Poyet le 10 avril 1921 Jean Poyet et son épouse à droite, Marguerite et Fernand, leurs enfants qui ont alors 21 et 19 ans. -5-


Paris Photo. Dans notre bulletin n° 3, nous vous annoncions cette importante manifestation parisienne, dont c’était la 10° édition et qui donc, dans notre société avide d’anniversaires et de commémorations, prenait une importance toute particulière…

Une première promenade entre les stands, comme ça, presque au hasard, pour ressentir une impression immédiate m’a beaucoup troublé. Comme une impossibilité de percevoir dans cette quantité énorme d’images le moindre critère de choix, la moindre possibilité de classement. Sans doute, j’ai reconnu tout de suite la photographie ancienne, celle du 19° siècle pas très représentée, m’a-t-il semblé, mais – et c’est sans doute l’effet de l’abondance – les présentations contemporaines me semblent parfois s’éloigner de ce que j’appellerai « la photographie » pour aller vers « l’art graphique » où montage, superpositions, retouches picturales me semblent réellement sortir certaines œuvres de ce qu’on appelle communément « La photographie ». Parlons tout d’abord de l’abondance : 88 galeries étaient présentes, 18 éditeurs représentant 21 pays et mettant particulièrement à l’honneur les pays nordiques. Et 1800 photographes identifiables dans la table des matières du catalogue dont 500 sont présentés dans les différents stands… 600 journalistes d’une trentaine de pays vont rendre compte…et plus de 40 000 visiteurs se sont pressés dans cette exposition pendant 4 jours.

A noter tout d’abord que Novembre à Paris, c’est le mois de la photo. Il s’agit d’une manifestation européenne qui a vu le jour en 2004 dans sept capitales : Paris, Berlin, Bratislava, Luxembourg, Moscou, Rome et Vienne et qui a pour ambition d’établir une reconnaissance internationale pour les artistes présentés dans chaque Ville. Pour plus d’informations : Maison européenne de la Photographie , 5 rue de Fourcy dans le 4° arrondissement (01 44 78 75 00).

Un deuxième passage dans l’exposition m’attire vers les étiquettes, et seule la densité de la foule des visiteurs m’empêche de tomber à la renverse… La Galerie « Vu », à Paris, propose par exemple un tirage argentique unique daté de 1964 d’une photographie noir et blanc prise en 1932 dans l’atelier de Georges Braque dans un format 30 x 50 cm pour 4500 €. La même galerie offre à la convoitise des collectionneurs une série de 27 photomatons encadrés dans un format A4 (l’image elle-même a bien la taille d’une photo d’identité). Série indivisible de portraits d’enfants tziganes pour 21 000 €. L’ensemble date de 1967.

Paris Photo, donc, se déroulait au Carrousel du Louvre du 16 au 19 novembre. Mais pas de festival sans festival « off » pas d’exposition sans « expo off », et la règle était respectée puisqu’à la gare de Magenta dans le 10°, se déroulait le mois de la photo-Off… Je n’ai pas eu le temps de m’y rendre, la photo « In » ayant largement occupé ces quelques journées !

Une vue de Paris prise en 1964 par un photographe suédois Christer Strömholm dans un tirage unique en 40 x 50 cm signé Christer Landegven est proposée à 25 000 €.

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Je laisse la parole à Claire Guillot qui écrivait dans « le Monde » du 20 novembre : « Plusieurs galeristes, surtout spécialisés dans la photographie contemporaine, affichent d'excellents résultats. L'Espagnol Max Estrella a vendu "tout le stand sauf une pièce". Le Français Baudoin Lebon annonce un chiffre d'affaires record, plus de 200 000 euros. Il a vendu 57 oeuvres de jeunesse de l'Américain Joel-Peter Witkin, de 4 000 à 15 000 euros. La galerie Les Filles du Calvaire a cédé deux pièces de l'Américain Paul Graham à 25 000 euros. Sans doute porté par le thème de l'année, consacré aux artistes nordiques, le Finlandais Timothy Persons de la Taik Gallery (Finlande) se réjouissait autant de ses ventes - 15 grands formats d'Ola Kolehmainen à 9 500 euros - que de ses clients : "Ce sont en majorité des institutions... L'école du Nord est vraiment reconnue maintenant qu'elle entre dans les musées." Sur presque tous les stands, le contemporain affichait bonne santé... et prix en hausse : pour s'offrir une pièce du jeune duo danois Sondergaard/Howalt, il fallait compter de 7 000 à 15 000 euros. Leur galeriste, Martin Asbaek, a tout vendu. Les grands classiques des années 1930 aux années 1950, toujours très prisés, avaient des prix presque raisonnables : 15 000 euros pour un Cartier-Bresson vendu chez Agathe Gaillard, 25 000 pour un portrait de Kiki par Man Ray cédé par Serge Plantureux. Le regain d'intérêt pour les coloristes américains des années 1970 s'est confirmé, avec 27 tirages de Joel Meyerowitz, de 4 500 à 8 500 euros, vendus par l'Américain Edwynn Houk. Côté français, le coloriste John Batho, proposé par Yves Di Maria, n'est pas encore aussi populaire. La photo s'est aussi vendue sous d'autres formes : livres rares, éditions signées, portfolios. Chez l'éditeur Steidl, un portfolio de l'artiste Ed Ruscha, tiré à 10 exemplaires seulement, a été vendu 80 000 dollars. Tandis que Toluca a écoulé 22 coffrets d'Andres Serrano, au design travaillé, à 12 000 euros pièce. »

La photographie ancienne n’est pas en reste pour des cotes étonnantes : Cette photographie de Edward Steichen datant de 1904 titrée « In memoriam » est sans doute l’une des plus chère du Salon. Elle est proposée à 500 000 €. Il s’agit d’une gomme bichromatée pigmentée sur tirage au gélatino bromure d’argent de 48 cm sur 39. A noter que le Musée d’Orsay en possède un tirage. Un tel prix qui pourrait paraître extravagant est pourtant conforté par la vente aux enchères en février dernier à New York d’une photographie de cet artiste « étang au clair de lune » datant elle aussi de 1904, qui est partie au prix de 2 600 000 dollars… (plus de 2 millions d’euros). Toujours est-il que cette œuvre, proposée par la galerie « 1900 – 2000 » n’a pas trouvé preneur…

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Malgré la première impression d’une absence de grandes tendances dans cette exposition, tant l’abondance et la diversité des œuvres exposées perd un peu le visiteur, une sorte de classement, résumé par quelques œuvres se fait jour. Incontestablement, la photographie ancienne est marquée par des œuvres telle que « in mémoriam » qui est sans doute l’un des meilleurs exemples de ce qu’on a appelé le « pictorialisme » Pour la création contemporaine, de nombreux photographes restent fidèles au noir et blanc qui permet sans doute plus que la couleur de « dessiner » avec l’objectif.

Roger Ballen, photographe américain représenté par la galerie Jackson Fine art d’Atlanta est caractéristique de cette tendance. Ici, la lumière sculpte l’image.

Autre Tendance très représentée là encore par les photographes américains, ce sont ces vues panoramiques aux couleurs saturées qui donnent une vision assez ironique de l’American Way of Life des années 60 – 70 et dont le représentant le plus connu est Joel Meyerovitz (voir le site)

Beaucoup de photographes tentent de créer une œuvre picturale qui s’éloigne presque de la photographie. Ainsi, par exemple, ce photographe, Ruud Van Empel, présenté par la Flatland Gallery, d’Utrech en Hollande qui avec sa Vénus flirte vraiment avec la peinture. Si cette version noir et blanc est très acceptable, voyez l’image d’origine sur le site, en couleurs

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Enfin, des choses d’une fraîcheur toute scandinave, instantanés de la vie, sans presque de mise en scène et dont les résultats sont aussi jolis sur le plan graphique que chromatique L’auteur en est Alex ten Napel.

Un dernier mot : Une seule galerie ouvre ses portes à la banalité de l’anonymat : La Galerie Lumière des roses, toute récente puisque fondée en 2005 à Montreuil, présente des œuvres de photographes amateurs et souvent anonymes des 19° et 20° siècle. Ainsi, cette scène de plage de 1931… Mais n’oublions pas que le premier prix de ces œuvres est tout de même à 400 €. Vite à nos greniers… Ils contiennent des trésors.

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Au sortir de cette très importante exposition, il m’est totalement impossible d’imaginer ce que sera la prochaine, dont l’Italie sera l’invitée d’honneur en novembre 2007… -9-


Regard historique sur le Fonds photographique Poyet Les débuts de Jean Poyet Jean Poyet est né à Saint Etienne, dans la Loire, en 1874. Son père était coiffeur. A 14 ans, il entre en apprentissage dans sa ville natale, chez le photographe stéphanois Chéri Rousseaux, chez qui il reste deux années avant de poursuivre sa formation à Caen, chez un photographe nommé Riocreux en 1890.

Jean Poyet à 14 ans au début de son apprentissage

A Caen en 1890

Il travaillera ensuite chez deux photographes parisiens très réputés : tout d’abord chez Daireaux, qui était installé 156 rue de Rivoli.et à partir de 1895 chez un autre grand photographe, Bencque dont l’enseigne « Bencque Paris Portrait » était rue Boissy d’Anglas, le studio donnant aussi sur la rue Royale au n° 5

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L’image de Jean Poyet charmeur de serpent est tout à fait dans le style de l’époque tout comme la suivante, très romantique ! Nous le voyons ici à l’œuvre, entrain de retoucher un agrandissement dans une tenue très élaborée… C’est en 1895, le 28 décembre très exactement, qu’eut lieu à Paris la première représentation du Cinématographe Lumière. Trente trois spectateurs seulement y assistaient, dans le Salon Indien, au sous-sol du Grand Café.

Et très curieusement, ce fut Bencque, chez qui travaillait alors Jean Poyet qui, à la demande des Frères Lumières rechercha des salles afin de multiplier les séances du Cinématographe. Ce qui nous vaut cette photographie sur laquelle figure Jean Poyet, toujours très élégant, prises en mars 1896 devant l’un des récents «cinémas » qui dès janvier avaient fait découvrir le nouveau procédé à plus de deux mille personnes . En trois mois, le prix de l’entrée est passé de 1 F à 25 centimes…

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L’automobile dans le Fonds Poyet La première photo d’automobile prise par Jean Poyet apparaît le 28 janvier 1920, 18 ans après son installation à Epernay. On se rappellera qu’il était avant tout portraitiste, et ce n’est qu’après quelques années de pratique qu’il commença à travailler dans le monde du Champagne, puis dans l’actualité locale pour devenir un photographe très polyvalent, même si le portrait reste la branche principale de son activité jusqu’à son décès en 1956.-

Sans doute victime du verglas, la voici passablement chiffonnée, et remorquée dans Epernay. Les photos d’accidents sont assez nombreuses comme celle de couverture, particulièrement pittoresque, qui nous montre, s’il en était besoin, que les carrosseries de l’époque étaient vraiment solides… De 1920 à 1956, Jean Poyet a photographié 297 voitures automobiles, souvent pour des particuliers

Celle-ci, datant de 1923 a été photographiée pour Monsieur Poncelet de Trépail.

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La plupart des voitures non accidentée ont été photographiées pour le Carrossier Poinsenet, de Magenta

L’utilitaire n’est pas à l’abri des accidents :

Cette superbe Bugatti date de 1935.

Y a-t-il eu une course poursuite entre tonneaux et bouchons ?

Les véhicules utilitaires sont bien représentés dans le Fonds Poyet

Ainsi, ce camion à plateau de 1920 photographié pour Monsieur Dubois, rue Grandpierre à Epernay.

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A titre personnel, Jean Poyet n’eut jamais d’automobile, et se déplaçait soit en bicyclette dans Epernay, soit en taxi, mais la plupart du temps, ses clients des maisons de champagne venaient le chercher avec son matériel de prise de vue et d’éclairage, et le reconduisaient à son studio. Son fils Fernand, racontait que Jean Poyet avait été invité par un ami à l’accompagner pour voir un accident qui avait eu lieu dans Montchenot. Mais le pilote avait pris un peu trop d’élan, et dans le premier virage, la voiture avait culbuté sur le toit, puis s’était remise sur ses roues, mais Jean Poyet avait sauté en marche, et s’était fait une entorse qui l’immobilisa six semaines et le dégoûta à tout jamais de l’automobile…


Voiture du Champagne Montebello photographiée le 11 octobre 1929 pour le garage Lemaire. Mais la voiture à cheval existe encore, et cohabite avec l’automobile, ainsi qu’on peut le constater par cette photo prise à la foire d’Epernay en 1923

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La silhouette : un débouché pour les photographes de la fin du 19° siècle. Quand M. Dumelié m’a demandé un article sur la Silhouette pour le bulletin de l’Association, l’idée m’est venue d’une réponse que j’ai reçue de Fernand Poyet, le fils de Jean Poyet, notre photographe d’Epernay, à qui j’avais envoyé cette carte de vœux en 1992.

J’ai toujours fréquenté Monsieur Fernand, comme on l’appelait. Après avoir quitté Epernay où il a travaillé quelques années avec son père, il a ouvert deux magasins de photo à Cannes et St Raphaël. Il est décédé en 1998, aveugle à l’âge de 96 ans. Jean Poyet, son père, était mort en 1956 à 86 ans, toujours au travail. La photo conserve, tant mieux pour moi né en 1929. Recevant cette carte, donc, il m’a répondu en m’informant que son père, en 1890, réalisait des silhouettes grandeur nature, pour un théâtre d’ombres…

Parlons donc de silhouette… C’est en compagnie de la très belle Madame de Pompadour que je vous invite à un voyage qui nous permettra de remonter dans le temps. En fermant les yeux, nous allons plonger dans le passé, sous le règne de Louis XV. Vous êtes surpris ? Que viennent faire Mme de Pompadour et Louis XV dans une affaire de photographes ? Un peu de patience… Suivez mon récit… - 15 -


« Cette agréable personne usa de l’influence de ses charmes auprès de notre roi pour lui suggérer de s’allier les services de Monsieur Etienne de Silhouette au contrôle général des finances. Ce dernier, né à Limoges en 1709 fut donc appelé en mars 1759 auprès du Roi dans le but de remettre de l’ordre dans les finances publiques. Il entreprit avec courage d’assumer sa fonction au mieux. La méthode qu’il appliquait tendait à réduire les pensions et à soumettre les terres des nobles à des subventions territoriales, autrement dit des impôts. Les privilégiés réagirent bien entendu, et violemment, en lançant une campagne de dénigrement, baptisant de « silhouette » tout habit sans gousset, toute culotte sans poche, enfin tout ce qui était rogné, amoindri, appauvri, tournant ainsi en dérision les économies du Ministre… Pauvre Etienne de Silhouette. Ainsi donc naquirent les « portraits à la Silhouette » minimalistes, fait de noir et blanc qui dans la deuxième moitié du 19° siècle connurent un succès considérable ! »

Dans le feu de l’action, j’ai complètement oublié que nous sommes déjà en 2007, et ce sans me présenter. Vous avez compris que je suis photographe, depuis 1944, année de mon entrée comme apprenti chez Jean Poyet . Puis j’ai été photographe à Douai, Grenoble et Valence pour me trouver en Ardèche pour une retraite de photographe, mais pas en retraite de la photographie. Je n’ai jamais travaillé, j’ai fait de la photo, mais nous en reparlerons. Je retourne à mon numérique !!! Je vais faire une silhouette pour le prochain numéro… Jacques Damiens 07440 Champis - 16 -


Le Jeu de Paume : un programme exceptionnel d’expositions pour l’année 2007. Paris n’est pas si loin de la Champagne … Le Jeu de Paume est né de la fusion, en 2004, de trois associations consacrées à la photographie et à l’art contemporain : - La Galerie nationale du Jeu de Paume, - Le Centre national de la Photographie, et - Le Patrimoine photographique. Association loi de 1901, le Jeu de Paume est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication, et fait appel à des partenaires privés pour développer ses activités et étendre son rayonnement. L’institution dispose de deux sites prestigieux : le bâtiment du Jeu de Paume, place de la Concorde, et l’Hôtel Sully, 62 rue Saint Antoine dans le 4° arrondissement. Les expositions : -

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L’événement : les images comme acteurs de l’histoire : du 16 janvier au 1° avril 2007 (site Concorde) : cette exposition propose une série de grands « motifs » tels la bataille (guerre de Crimée), l’exploit (la conquête de l’air), l’attentat (le 11 septembre), la révolution sociale (les congés payés), la mise à mort des symboles (la chute du mur de Berlin) Viva, une agence photographique : du 30 janvier au 8 avril ( site Sully) : 150 images ayant marqué la période 1972-1982 pour cette sorte de coopérative photographique issue de la génération de mai 68 composée de 8 photographes revendiquant un engagement social, moral ou politique à travers une démarche esthétique individuelle. Peter Friedl : du 17 avril au 13 juin 2007 (site Concorde) ; c’est de l’avant-garde ! Alec Soth : Mississipi et Niagara : du 17 avril au 13 juin 2007 (site Concorde) : le regard d’un photographe né en 1969, qui a rejoint l’agence Magnum en 2004, sur « la troisième côte des Etats-Unis ». Pierre et Gilles 1976 – 2006 : du 29 juin au 23 septembre 2007 (site Concorde) : photographies rehaussées de peinture inspirées des images pop, mythologiques, féeriques, burlesques, religieuses ou érotiques. Les Boyadjian, photographes arméniens à la cour du Négus : du 19 juin au 2 septembre (site Sully) : installé en 1905 à Addis-Abeba, Bedros Boyadjian devient photographe de cour officiel du futur empereur Haïlé Selassié. C’est l’équivalent de Charles Bernhoft, dont nous parlions dans le précédent numéro…

D’autres expositions encore, que nous vous annoncerons dans le n° 5 de notre bulletin, en septembre 2007 ont lieu dans ces mêmes sites de septembre à décembre 2007. Jours et heures d’ouverture : mardi : 12 h – 19 h (site Sully) et 12 h – 21 h (site Concorde) Mercredi et vendredi : 12 h – 19 h Samedi et dimanche : 10 h – 19 h Fermeture le lundi Plein tarif 5 à 6 €. Tarif réduit : 2,5 à 3 €

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Le Festival International de la photo animalière et de nature de Montier en Der Comme pour Paris photo, une première déambulation le nez au vent permet de se fabriquer une perception globale Et là, c’est une réelle impression d’harmonie, de beauté qui saute aux yeux. Est-ce le sujet, la Nature qui évite les « coups tordus », les fautes de goût, car n’est-il pas vrai que ses spectacles sont toujours beaux, même quand le caractère cruel des images peut choquer le public ? Ainsi des photographies de dépeçage d’un ours malgré leur violence restent belles… Leur auteur, Hans Silvester, a voulu ainsi dénoncer le braconnage dont ces grands mammifères sont victimes. Nos coups de cœur : L’association ISF, Image sans Frontière présente une exposition d’un collectif chinois : « Mélodie des lotus » Une merveille…

Quel programme pour novembre 2006 ! A peine sortis du 10° « Paris Photo », nous nous précipitons en Haute Marne, au dixième – là aussi- festival de Montier en Der. Cette Manifestation a lieu au moment même où des milliers de Grues Cendréeset donc les amateurs qui les observent chaque automne- font étape sur le plan d’eau du Der, en route pour leur grande migration vers le sud. C’est Nicolas Vanier, célèbre explorateur, photographe, scientifique et écrivain, qui parraine cette manifestation majeure sur le plan mondial dans le domaine de la photographie de nature. Le caractère international de ce festival s’affirme par la présence de nombreux exposants étrangers. Plus de 40 expositions présentées sur onze sites différents réunissent plus de 1500 photographies parmi les meilleures de la production actuelle. - 18 -

L’Agence de l’eau Seine Normandie présentait une exposition : « Vallées de Marne, Vallées de vie » absolument remarquable. Des photographies de Patrick Dieudonné, un jeune photographe Meusien, prises dans notre région, dans des cadrages inhabituels, avec des couleurs somptueuses car le photographe a incontestablement passé un temps fou à trouver les meilleures lumières naturelles. Dans le même esprit, Thierry Moreau, photographe tourangeau a délaissé les animaux pour saisir les paysages qu’offre la Loire. D’ailleurs, il intitulé son exposition : « La Loire, fleuve de Lumières »


Retrouvez des images de ces expositions sur notre site internet. Le Noir et Blanc ne permet pas d’en donner la moindre idée… Jacky Bernard nous dit : « Membre de l’Association des Photographes animaliers Bretons, les landes et les tourbières du Centre Bretagne restent mon univers photographique de prédilection. L’hiver dernier, je me suis particulièrement intéressé à un oiseau très discret : la bécasse des bois. Une forêt bretonne, beaucoup de patience ‘(une trentaine de matinées d’affût)…un peu de chance et finalement la bécasse a choisi cet endroit pour passer quelques moments, confiante en son mimétisme, à l’abri d’éventuels prédateurs » Le résultat est une symphonie de couleurs chaudes pour des scènes intimistes. L’un des exposants flirte avec le surréalisme : Joël Jeune expose des feux d’artifices de couleurs et de matières à travers une exposition intitulée : « Voyage et caprices au coeur de la glace » : une facette inexplorée de Dame nature. La Revue Terre Sauvage, habituée à présenter des reportages magnifiques illustrés de photos sublimes a cette fois-ci donné la parole à un dessinateur fabuleux, Hervé Coffinières, pour une exposition « Jeux sur l’image ». A vous de juger …

C’est du détournement talentueux, non ? Si cette sélection est partisane, il aurait été impossible de parler de tous les exposants d’une grande qualité. Au-delà des nombreuses expositions proposées au public, chaque journée a vu plusieurs conférences, tout particulièrement celle de Yann Arthus Bertrand : « Vues du ciel », mais aussi une projection de film en haute définition, sur la vie de deux photographes animaliers travaillant en Afrique : « photographes de ‘l’impossible » Un atelier de photo numérique a été animé par les sociétés Canon et Apple sous forme d’ateliers gratuits d’une heure permettant de prendre contact avec un nouveau matériel : Aperture 1.5, premier outil de post production pour les photographes. Le salon international du Livre de Nature était animé par la librairie Larcelet, de St Dizier. Les auteurs ont dédicacé sur place leurs nouveaux livres. Enfin, a été annoncé un Concours photo pour une exposition future : « Les vies du Canal », organisé en partenariat par la CCI de Haute Marne, le Conseil Général, et les voies navigables de France, dans le but de mettre en valeur le Canal de la Marne à la Saône dont Saint Dizier fêtera en 2007 les 100 ans à l’occasion des journées du patrimoine, le premier week end de septembre 2007. - 19 -


Les débuts de la photo animalière (voir sources en fin d’article) Préhistoire : Entre l’invention du Daguerréotype qui nécessitait des temps de pose de plusieurs secondes et celle de surfaces beaucoup plus sensibles à base de bromure d’argent, les premières années de la photographie n’ont guère dépassé les sujets tels que portraits, paysages, reproduction d’objets fixes.

Cette gravure représente James Chapman lors de son expédition africaine de 1862, entrain de peser ses produits chimiques pour préparer des plaques au collodion. Il s’agit d’une substance de nature visqueuse – nous y reviendrons dans un prochain chapitre de l’histoire de la photographie – sensibilisée quelques instants avant la prise de vue, et malgré la complexité de la mise en œuvre, certaines missions scientifiques ou d’exploration partent avec des chambres photographiques et du matériel de développement. Les premières images de nature vont bientôt apparaître. C’est l’expédition de Livingstone en 1858 qui fut la première à rapporter des vues du Zambèze, images de panoramas ou de botaniques. Chapman, lui, rapporta près de 200 plaques toujours de panoramas et sujets immobiles.. A cette époque, le fusil règne en maître dans les expéditions, et souvent, les premiers sujets animaux photographiés seront des cadavres des bêtes abattues. Le film animé devance l’image fixe : En 1881, Etienne Jules Marey invente ce curieux fusil ; une détente déclenche un système d’horlogerie qui fait tourner devant l’objectif 12 plaques. Le résultat est un véritable film de cinéma. Il étudie ainsi le vol des oiseaux. - 20 -


La vraie naissance de la chasse photographique : C’est à partir de 1888 que débute véritablement la photographie animalière. Elle naît sur les falaises, au fond des bois, dans les prairies, parcs et étangs. Le phénomène apparaît simultanément en Europe et aux Etats-Unis. Chaque photographe devient acrobate au mépris le plus total pour ce que nous appelons aujourd’hui « les consignes de sécurité »… Le fameux trépied des vieilles chambres photographiques se révèle très efficace dans ces conditions acrobatiques : le réglage de chaque pied en longueur et inclinaison assure la parfaite stabilité de l’appareil. Et comme on peut le voir, le photographe se déplace avec l’appareil déjà vissé au pied. Souvenons nous que les échelles n’étaient pas en aluminium… Il s’agit ici des frères Kearton, photographes américains

Le matériel de prise de vue se perfectionne, les films remplacent les plaques de verre, le chasseur d’images de cache, se déguise pour approcher au plus près ses sujets.

Eléphant du Cameroun photographié à 9 mètres de distance par le Docteur Gromier vers 1900. - 21 -


En même temps que se professionnalisent les photographes de nature, une véritable éthique se développe qui va à l’encontre des abattages dont nous parlions plus haut, mais aussi contre les pilleurs de nids, contre le piégeage. Chaque grand maître de l’image animalière va tenter de mettre l’accent sur la sauvegarde d’une espèce à laquelle il s’est particulièrement attaché. Dugmore devient le porte parole des castors, Berg défendra les rhinocéros unicorne, Schillings les éléphants et les marabouts. A Londres, en 1900, il obtient au cours d’un congrès zoologique des résultats concrets pour la protection de cet échassier charognard qui n’intéresse personne.

Finley et Bohlman, photographes américains entrain de fixer un jeune martin pêcheur à l’entrée de son nid. Fréderick Champion et son épouse ont séjourné en Inde à partir de 1924 et ont accumulé une impressionnante quantité de prises de vues de fauves, surtout la nuit. Leur collection d’images a été déposée au British Museum de Londres, suite à un leg familial. Parmi elles, 1600 plaques de verre délicatement entourées de papier de soie reposent dans de grandes caisses de bois dans les réserves du prestigieux Musée. Les images et informations sont issues du livre « Pionniers de la photographie animalière » éditions « Pôles d’images » 16, Grande rue 77630 Barbizon. www.polesdimages.fr

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Appel aux Maires des Communes de la Marne Dans les buts de notre Association figure, entre autres, la constitution d’un fonds contemporain de photographies des Communes de Champagne Ardenne. Nous commencerons par les communes concernées par le fonds Poyet, soit 173 municipalités marnaises Amoureux de votre Village, de votre Ville, vous pouvez vous-même, et avec l’aide de vos administrés, nous aider dans la constitution de cette banque d’images. Nous voudrions suivre la démarche adoptée au début du vingtième siècle par les éditeurs de cartes postales qui, dans leurs prises de vues, progressaient des vues lointaines et globales du village à des vues de détail, le but dernier étant de fixer des événements particuliers comme les fêtes, cérémonies, commémorations. Vous disposez certainement d’un ou de plusieurs passionnés à la fois de photographie et de votre commune qui pourraient devenir nos correspondants. En les sollicitant, vous pourriez concourir à nous apporter une aide tout à fait significative dans notre action au profit de la mémoire d’aujourd’hui comme, par la collecte des documents anciens, nous nous efforçons de réunir celle du passé. Nous espérons recevoir de chaque commune un CD ou un DVD qui sera le fruit de cette récolte. N’hésitez pas à prendre contact avec notre Président, Hubert Ballu (06 08 85 13 20) pour que l’un des membres de l’Association vous assiste, si c’est nécessaire. Notre engagement est de mettre en ligne vos photographies pour le profit de tous. Pour les Communes de la Marne, Vous pouvez déjà connaître le nom de vos administrés qui figurent dans le Fonds Poyet en consultant sur notre site la page « Conservatoire de l’image en Champagne Ardenne ». http://memoirephotographiquechampenoise.org Au fur et à mesure de la réception des photographies de votre village, nous créerons un lien vers ces images à partir de cette page. Votre aide nous est indispensable pour valoriser les images du présent comme celles du passé.

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Histoire de la photographie. Chapitre 4 Nous resterons avec Daguerre et surtout avec quelques uns des innombrables chercheurs qui ont enrichi et perfectionné son procédé avant qu’il ne soit totalement abandonné au bénéfice du négatif sur verre…

Daguerre

Revenons un instant sur cette remarquable découverte et résumons la ainsi : une plaque de cuivre dont une face est argentée est soumise à des vapeurs d’iode qui se combinent à l’argent de la surface pour former une infime couche d’iodure d’argent, sel sensible à la lumière, qui provoque son noircissement. Mise en place dans la chambre photographique, l’objectif est ouvert, et la lumière réfléchie par tous les objets en face de cet objectif atteint la surface sensible d’iodure d’argent. Abandonnée au jour, cette plaque va rapidement noircir, faisant apparaître une image fugace et négative, faute d’un fixage efficace qui empêchera l’évolution de la surface insolée. L’idée absolument géniale de Daguerre a été de soumettre la surface insolée à des vapeurs de mercure. Il se trouve que les gouttelettes microscopiques du mercure se condensent de préférence aux places les plus éclairées, et, si l’on regarde la plaque de telle façon que les endroits restés polis reflètent une surface sombre, alors les endroits mats recouverts de gouttelettes de mercure semblent clairs, les autres obscurs ; on obtient ainsi immédiatement un positif. Comment donc Daguerre eut-il cette idée ? C’est dans un vieux traité de chimie édité en 1913 chez Gauthier-Villars que j’ai trouvé la réponse apparemment inconnue par tous les livres traitant de

l’histoire de la photographie que j’ai pu consulter…« Il est instructif de connaître l’histoire de la découverte de ce procédé. Daguerre avait d’abord cherché à utiliser directement le noircissement de l’iodure d’argent à la lumière, et il avait dirigé ses recherches vers la préparation d’une couche assez sensible pour que le noircissement s’y fasse le plus vite possible. Il avait une fois commencé à prendre une vue, mais fut obligé d’abandonner son travail, et comme la plaque n’avait pas encore noirci, il la crut bonne pour une nouvelle expérience et la mis à cet effet dans une armoire obscure. Le lendemain, il trouva l’image sur la plaque. Il s’aperçut bientôt qu’une image se produisait chaque fois qu’une plaque éclairée un instant était mise dans l’armoire, mais ne savait pas lequel des objets placés dans cette armoire produisait cet effet. Il éloigna ces objets l’un après l’autre, mais obtenait toujours des images, même une fois l’armoire entièrement vidée. D’autres armoires, dans les mêmes conditions, ne fournissaient pas d’image. Finalement, il découvrit quelques gouttes de mercure dans les joints du bois, et une expérience de vérification lui fit voir que l’image se développait lorsqu’on maintenait la plaque audessus de mercure métallique. » Comme beaucoup de découvertes, dont en particulier celle de la Pénicilline par Fleming, plus de cent ans plus tard, le hasard joue un rôle capital, mais seule une attitude parfaitement scientifique et éminemment intelligente permet à ces grand « découvreurs » de voir ce qui aurait échappé à tout autre… C’est bien le cas de Daguerre pour cette découverte du rôle du mercure. Lorsque le mercure a agit, encore faut-il arrêter le noircissement de l’iodure d’argent sous l’effet de la lumière. C’est alors qu’intervient le fixage : la surface de la plaque est traitée par une solution concentrée de sel de cuisine (chlorure de sodium) ou par une solution d’hyposulfite de soude. En 1840, Monsieur Fizeau met au point un renforcement de l’image au moment du fixage en ajoutant à la solution d’hyposulfite de soude une solution de chlorure d’or. C’est le premier progrès réel sur la méthode de Daguerre qui permet d’obtenir des images plus contrastée.

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Après un lavage soigneux à l’eau distillée, la surface de l’image est séchée, et immédiatement mise sous verre, car le moindre contact abîmerait l’épreuve. Le progrès le plus important qui suivit celui-là fut l’utilisation, en 1842 de substances sensibilisatrices mises au point par le sus-cité Monsieur Fizeau, ainsi que M. Gaudin (1) qui publièrent ensemble le résultat de leurs travaux en mai 1842. L’utilisation de l’iodure de brome en complément de l’iodure d’argent allait faire passer les temps d’exposition de plusieurs minutes à une fraction de seconde.

En 1841, nous sommes sous la Monarchie de Juillet, et Louis Philippe règne sur la France. Paris s’apprête à s’entourer de fortifications. La presse écrite est dans une période faste, et presque par hasard, nous avons trouvé dans le N ° 20 du 14 novembre 1841 du Journal des artistes qui se définit comme : « revue pittoresque consacrée aux artistes et aux gens du monde », un article particulièrement « vachard » sur M. Gaudin dont il est question plus haut, comme on n’oserait plus en écrire de nos jours sans déclancher une procédure judiciaire. Jugez plutôt … « Quand Monsieur Daguerre eut annoncé sa merveilleuse découverte, bien des mois s’écoulèrent avant que revenu de son admiration, on se crût permis de faire plus que le maître et d’apporter à son œuvre des perfectionnements, des améliorations. Parmi ceux qui prétendent avoir contribué le plus puissamment à ces rapides progrès, figure en première ligne M. Gaudin, dont le nom a si souvent retenti à l’académie. En suivant ses indications pour utiliser le chlorure d’iode, nous n’avons réussi qu’à voiler des plaques. Ah ! M. Gaudin, que vous nous avez fait perdre de temps, sans compter celui que nous perdons en ce moment à parler de vous ! Oh ! mais tout cela n’est rien. M. Gaudin infatigable dans ses recherches (tant le succès donne de courage) vient d’annoncer à l’académie qu’il a su composer une substance encore plus sensible que toutes celles connues jusqu’à ce jour qui permet des expositions de ¼ de seconde. Mais en parlant de quart de seconde, nous n’avons pas dit tout ce que peut faire M. Gaudin. Dans les comptes rendus, il déclare faire une épreuve en un dix neuvième de seconde. Cette fraction singulière implique l’obligation d’avoir un moyen exact de mesurer un temps si court. Car si ce n’est qu’approximation, autant valait dire un quinzième ou un vingtième de seconde, un nombre rond, enfin.

Daguerréotype d’époque permettant de découvrir les auteurs de la publication sur les perfectionnements du Daguerréotype

Monsieur Gaudin dit que c’est tout simplement un drap (invention dont il revendique l’honneur) qu’il soulève et abaisse aussitôt, c’est ainsi qu’il mesure le temps à un deux cent quatre vingtième de seconde près, car telle est la petite différence qui existe entre un dix neuvième et un vingtième de seconde.

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Il est clair que ce sont là des expériences et des annonces faites sans réflexion, et ce qui nous étonne le plus, c’est qu’en présentant de pareilles choses à l’académie, on ne rencontre personne pour faire une objection, pour signaler une absurdité qui ressort de l’annonce même. » C’est signé Léon L. Mais la « folie daguerrienne » s’est emparée de Paris malgré le coût et l’encombrement de l’équipement. Ce procédé n’est pourtant pas exceptionnel : la surface (plaque rarement supérieure à 16x21 cm dite « pleine plaque »), miroitement excessif dû au cuivre, lourdeur de celle-ci, fragile car se rayant ou s’oxydant rapidement, long temps de pause. Ce dernier problème ne permet pas la réalisation de portraits « naturels ». Les visages sont figés, hagards Le temps, l’atmosphère, le moment de la journée, la qualité de la préparation des plaques sont autant de paramètres qui rendent difficile la maîtrise du daguerréotype . Il faut à midi en plein été, 10 à 120 minutes de pose en 1838, 8 à 12 en 1839, (en hivers 1839/1840). Les différentes découvertes permettent de réaliser un temps de pose en dessous des 10 secondes à partir de 1840/1841. L’exploitation commerciale du daguerréotype peut dès lors prendre son essor. Des ateliers de photographie voient le jour aux Etats-Unis dès 1840, puis à Paris et à Londres. Arago présente des portraits réalisés en 10 à 12 secondes en juin 1841. Il faut alors une chaise spéciale, équipée d’un appui-tête pour faire des portraits en plein soleil, sous des verrières au sommet des immeubles. Un supplice à l’époque. En 1841, il existe une dizaine d’ateliers autour du Louvre. En 1842, des ateliers ouvrent à Strasbourg, Marseille, Lyon. Alors qu’en Angleterre l’implantation du daguerréotype est freinée par le monopole de Richard Beard (qui a racheté les droits du procédé à Daguerre en 1841, car curieusement, Daguerre étant au courant des recherches de Talbot, avait protégé son invention par un brevet, alors qu’en France, comme nous l’avons vu, achetée par l’Etat, elle est dans le domaine public.), en 1850 Londres ne compte que six ou sept ateliers contre une cinquantaine à Paris. Aux Etats-Unis, pays naissant sans traditions artistiques, l’essor du daguerréotype est important. Albert Southworth et Josiah Hawes ouvrent à Boston en 1843 leur « Artist ‘s Daguerrotype Rooms ». Ils maîtrisent l’art du portrait, notamment d’enfants. Le daguerréotype voit son domaine d’application étendu à l’architecture, à la science (avec des photographies microscopiques dès 1839-1840), à l’ethnologie, à l’astronomie. C’est la précision du daguerréotype qui fait son essor. (1) Marc Antoine Gaudin (1804-1880), scientifique, travaillait au Bureau des longitudes à Paris afin de financer ses nombreuses recherches. Il expérimente et brevette de nombreuses inventions en optique, en chimie et en mécanique. Entre 1867 et 1872, il obtient par quatre fois le prix Trémont attribué aux "savants sans fortune". Il travaille également sur les daguerréotypes avec son frère cadet Alexis Gaudin, qui tient alors une boutique de photographie, et qui rachète en 1851 le journal "La Lumière". Ils montent ensemble une entreprise de stéréoscopie dans les années 1850, Marc Antoine s'attelant à la recherche tandis qu'Alexis s'occupe des affaires commerciales..

A suivre… dans le prochain numéro, nous parlerons de l’Anglais Fox Talbot contemporain de Daguerre, dont le procédé négatif positif – le calotype -, bien que moins net et précis que le daguerréotype, finira par le détrôner, puisqu’il conduira à l’invention du négatif sur plaque de verre, qui verra la véritable industrialisation des procédés photographiques. - 26 -


Le radar anti excès de vitesse : on y pensait déjà en 1900 !

Et bien, puisque la chronométrie est déjà si parfaitement alliée à la photographie, pourquoi ne pas s’en servir en les adaptant à ce besoin spécial. Vous saisissez le système : à Paris, et dans les grandes villes, quelques agents sont disséminés, munis du perfide appareil. Point n’est besoin qu’ils soient nombreux. L’imprévu de leur présence imposerait la prudence aux chauffeurs. Je gage que trois agents en civil suffiraient pour Paris. Une automobile apparaît à vive allure. L’agent photographe se met en recul suffisant pour bien opérer. Clic, Clac, et voilà deux déclenchements à un intervalle chronométrique automatiquement enregistré par l’appareil. Dans une ville, la photographie donne toujours derrière l’objet photographié des points de repère suffisants pour la déduction devinée. Supposez que M. X… a parcouru tant de mètres en tant de secondes. Admettez aussi que l’auto porte de chaque côté un signe distinctif – un nom inscrit en dimensions réglementaires – voilà le tour joué. Quelques jours après, M. X… propriétaire de la voiture reçoit une contravention en bonne et due forme. Coût… très cher, car il faudrait que ce fût très cher pour panser la plaie actuelle dont le monde saigne, les chauffeurs sérieux comme le public… Sans doute m’objecterez vous que ce moyen ne va pas sans quelques inconvénients et qu’il n’est pas d’une simplicité irréprochable. Je l’avoue. »

Rappelons tout d’abord que le « radar » est un appareil photo qui se déclenche au passage d’un véhicule en excès de vitesse grâce, évidemment à un système de radar qui émet et reçoit des ondes électro magnétiques et qui fut inventé pendant la deuxième guerre mondiale.

Régalons nous de cet article paru en avril 1900 dans la revue « Le Vélo » : « Etant donné que le danger de l’automobile existe surtout, pour le public, dans les agglomérations et que la mobilité des auto…mobiles empêche souvent toute répression par le flagrant délit ; étant donné aussi que l’appréciation de la vitesse des autos est laissée à l’arbitraire des agents de l’autorité, je ne vois guère qu’un moyen de constat vraiment pratique. C’est la photographie. On sait que la photographie a fait depuis quelques années des progrès énormes tant au point de vue de la qualité de la netteté des images que de la mécanique photographique.

Et dire qu’il a fallu attendre presque un siècle pour passer à l’acte !

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A voir dans les prochains mois Bièvres

Le Marché international des occasions et antiquités photographiques aura lieu les samedi et dimanche 2 et 3 juin 2007, Place de la Mairie. Des exposants par centaines, des visiteurs par dizaines de milliers. C’est la première manifestation photographique en France. Les Allemands, Belges, Hollandais et maintenant les Russes sont là pour vendre. Les Anglais et les Italiens, surtout pour acheter.

Photo-Antica La première édition s'est tenue Porte de Champerret début 2002. Elle reprend la forme de Photo Folies, lancée en 1996 et disparue en 1999 : 200 ou 300 stands, des milliers de visiteurs, offre analogue. Conformément à l'intitulé, du matériel ancien est présenté, mais la majeure partie est récent ou actuel. La dernière édition a eu lieu le 28 janvier au Parc floral de Paris, dans le Bois de Vincennes. Prochaine édition en janvier 2008. Nous en reparlerons

Rencontres internationales de la Photographie en Arles

Dates : du 03 Juillet 2007 au 16 Septembre 2007 Depuis 36 ans, Arles est un endroit unique où se rencontrent professionnels et amateurs de la photographie venus du monde entier. Le festival des Rencontres d'Arles est le seul événement photographique ayant lieu tout l'été (de juillet à septembre). C'est au total 55 expositions que le public est amené à découvrir, ainsi que des projections au Théâtre Antique tous les soirs pendant la semaine du festival, du 4 au 9 juillet, mais aussi des colloques et signatures, et beaucoup d'autres événements.

Cormeilles en Parisis

Ville natale de DAGUERRE, ce qui a donné l'idée de la foire. Du matériel ancien et récent, mais aussi des images anciennes, qui allègent l'enfilade des stands. Le club met un point d'honneur à accompagner la foire d'un accrochage de travaux de ses membres, d'invités et parfois d'oeuvres anciennes de haute qualité. Des associations viennent parfois : le stéréo club de France, des photographes animaliers amateurs, ... L'entrée est gratuite.

L’édition 2007 aura lieu en novembre. Nous en reparlerons dans le prochain bulletin

Cormontreuil Chaque année depuis 7 ans, le Clic Clac Club organise le dernier dimanche d'octobre une foire au matériel photo, vidéo et cinéma à Cormontreuil, près de Reims dans la Marne. La Manifestation se déroule à la salle polyvalente de Cormontreuil, Boulevard d’Alsace Lorraine.

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