Samedi 8 février 2014
Le déficit commercial françaisse réduit, la crise y est pour beaucoup
Le président de Banque populaireCaisse d’épargne mis en examen
t Les exportations se tassent, les importations reculent, le solde baisse de 9 %, à 61,2 milliards d’euros
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AMAZON AFFICHE SES AMBITIONS DANS LES JEUX VIDÉO
La PME française Doublet vend près de la moitié de sa production à l’étranger. RICHARD BARON/LIGHTMOTIV POUR « LE MONDE »
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YouTube change de tête pour essayer d’accroître ses recettes publicitaires LIRE PAGE 5
LA VOITURE ÉLECTRIQUE CHÈRE À SÉGOLÈNE ROYAL MENACÉE DE FAILLITE ême s’il reste considérable, le déficit du commerce extérieur français a continué à se réduire en 2013. A 61,2 milliards d’euros, il est en baisse de 9 % par rapport à 2012, selon les données publiées vendredi 7 février par les douanes. C’est la deuxième annéedebaisseaprèsle« trou »historiquede 74,2 milliards en 2011. Certes, le contraste
avec l’Allemagne reste saisissant : le pays a publié, vendredi, un excédent, historique lui aussi, de près de 200 milliards d’euros en 2013… En France, la réduction du déficit tient à une baisse des exportations (– 1,3 % en valeur par rapport à 2012) et surtout à un reflux des importations (– 2,3 %). Nicole Bricq, la ministre du commerce extérieur,trouvetoutdemêmedansceschif-
fres des raisons d’espérer. Hors énergie et matériel militaire, le déficit est ramené à 13,5 milliards d’euros, renouant avec des niveaux comparables à ceux atteints en 2007 et 2008. Second point positif : le nombre d’exportateurs de biens a augmenté pour atteindre 120700, un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 2008. p
PHARMACIE
PERTES & PROFITS | par J ean- B apti s te J acq ui n
L’allemand Boehringer Ingelheim en accusation aux Etats-Unis
Langueur stratégique
Le laboratoirepharmaceutique BoehringerIngelheim aurait tenté d’empêcherla publication d’une étude qui mettait en cause l’intérêt du Pradaxa, son «blockbuster» lancé en 2010. Ce médicamentest le premierd’une nouvelle classe d’anticoagulants. LIRE PAGE 4
HISTOIRE Le « plan Brady », une issue à la crise de la dette
Il y a vingt-cinq ans, en 1989, le secrétaire américain au Trésor, Nicholas Brady, proposait aux Etats d’Amérique du Sud une restructuration de leur dette. La leçon peut-elle être retenue pour la résolution de la crise grecque? LIRE PAGE 7
Sony
C
’était en 2006. Sony lançait aux Etats-Unis sa liseuse e-Reader et sa boutique en ligne Reader Store pour télécharger les livres numériques. C’était un an avant l’irruption d’Amazon et de sa tablette à encre numérique Kindle. Le groupe japonais avait été visionnaire. Le marché américain du livre numérique est en effetaujourd’huile plusimportant au monde. Aux EtatsUnis, plus de 20 % du chiffre d’affaires de l’édition provient du numérique. Pourtant, malgré ces conditionsfavorables,Sony a annoncé, jeudi 6 février, la fermeture du Reader Store et le transfert de ses clients au groupe canadien Kobo. Comment le groupe d’électronique grand public a-t-il pu rater le coche et se retrouver marginalisésur le marché qu’il avait ouvert ? Ce n’est en fait déjà plus vraiment le sujet. Car cet échec ne pèse pas lourd au regard des difficultés auxquelles est confronté Sony.
Mais il est remarquable dans la mesure où, contrairement à ce qui semble être la culture de ce géant de quelque 150 000 salariés, le problème a été vite traité. Cette réactivité est sans doute l’une des qualités qui manquent le plus cruellementau géant nippon. Alors que son PDG, Kazuo Hirai,a lancéjeudi,pour laseconde fois en quatre mois, une importante alerte sur les prévisions de résultats du groupe, il a aussiannoncéqu’il coupaitdeux branches malades.
Que de temps perdu Il va d’abord céder ses ordinateurs personnelsVaio à un fonds d’investissementjaponais.Devenu neuvième fabricant mondial avec 1,9 % d’un marché en baisse, ce département était en pertes et son avenir incertain. Et M. Hirai, arrivé il y a deux ans à la tête du groupe, a annoncé la filialisation de la fabrication et de la vente de téléviseurs. Pas question d’une cession pour le moment, mais cette séparation comptable, fonctionnelle et juridique, permet de l’envisager. L’inventeur du tube cathodique Trinitron pour téléviseur en
Cahier du « Monde » N˚ 21480 daté Samedi 8 février 2014 - Ne peut être vendu séparément
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Allemagne
188,1 198,9 2012
2013
France
2012
2013
– 67,2 – 61,2
Balance commerciale, en milliards d’euros
j CAC 40 4 193 PTS + 0,14 % j DOW JONES 15 628 PTS +1,22 % J EURO-DOLLAR 1,3587 j PÉTROLE 107,25 $ LE BARIL J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,62% 07/02 - 9 H 30
ÉDITION
Hors -sé ri e
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couleurs en 1968 se résout ainsi à une douloureuse révision. Mais que de temps perdu ! Cela fait dix ans que cette activité perd de l’argent. Cela fait dixansquelegroupeprometchaque année que le redressement est à portée de main. Au total, il aura accumulé 787 milliards de yens(5,7milliardsd’euros)depertes sur ce seul métier. Il est pourtant le numéro trois mondial des écrans de télévision. Ces décisions de vente ou de cantonnement apparaissent sages. Mais, elles révèlent la fébrilité d’un groupe aux abois. En janvier, l’agence de notation Moody’s avait remisé la qualité dela dette deSony au rang d’obligations spéculatives en raison des difficultés du groupe à redresser ses branches PC et TV. Lesuccèsde laconsolePlayStation 4, lancée en novembre 2013, et de la gamme de smartphones et tablettes Xperia ne suffisent pas à compenser cette langueur stratégique. Sony retombe dans le rouge après avoir connu, en 2012-2013,sonseulexercicebénéficiaire en cinq ans. p jacquin@lemonde.fr
2014 économie & environnement
+ L’atlas de 193 pays
+ L’atlas de 193 pays pays Rédigée par les meilleurs spécialistes du Monde, la nouvelle édition du Bilan vous attend chez votre marchand de journaux ! LE BILAN DU MONDE – 220 PAGES – 9,€95 SEULEMENT
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plein cadre
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Luc Doublet et sa fille, Gaëlle Colaert Doublet, à Avelin (Nord), lundi 3 février. RICHARD BARON/LIGHT MOTIV POUR « LE MONDE »
Avelin (Nord) Envoyée spéciale
L
es chiffres du commerce extérieur français pour l’année 2013, publiés vendredi 7 février, sont une nouvelle fois en déficit, à 61,2 milliards d’euros. Près de dix fois plus qu’en 2004… Pourtant, certaines petites et moyennes entreprises (PME) continuent à exporter et à porter haut et fort les couleurs de la France en dehors de l’Hexagone. Comme la PME Doublet, connue précisément pour faire flotter ses drapeaux dans de nombreuses manifestations sportives sur toute la planète. Cette entreprise, installée au sud de Lille, à Avelin, réalise 50 % de son chiffre d’affaires à l’international (45 millions d’euros au total en 2013) où elle emploie la moitié de ses salariés (150 sur 300). Exporter, pour Luc Doublet, 67 ans, président du conseil de surveillance de cette entreprise familiale, « c’est long, cher et compliqué». Cela ne l’empêchepas de vendre dans soixante pays des drapeaux, des barrièresmétalliques,despanneauxd’affichage, des isoloirs, des objets de signalétique, des tribunes de stade, des podiums, ou encore de proposer des services dans les grands événements sportifs du monde entier. Du Tour de France aux 24 heures du Mans, en passant par une multitude de championnats du monde. Du mercredi 5 au samedi 8 février, une bonne partie de l’équipe officie à Dubaï, où Doublet a gagné le contrat de réalisation des équipements et de la logistique du Tour de cyclisme. En revanche, à Sotchi, en Russie, où les Jeux olympiques d’hiver ouvrent, vendredi 7 février, la PME françaisen’a fourni que le systèmedelevage des drapeaux utilisés lors des cérémonies de récompense. « L’appel d’offres le plus important était couru d’avance, et le marché est revenu à un ami du président, Vladimir Poutine», assure Luc Doublet. A ses yeux,ce qui bloque fondamentalement les PME françaises dans leur volonté d’exporter tient essentiellement au fait que trop peu de patrons parlent bien anglais. « Il n’existe pas non plus une politique pour avoir de véritables cadres formés pour l’exportation, qui pourraient assister ces dirigeants. » Lui parle parfaitement anglais. Il en va de même pour la grande majorité des employés au siège, où la moyenne d’âge est de 32 ans. « Nous considérons que notre marché, c’est la planète», dit-il, sans modestie. Avec bien des difficultés, Doublet a démarré son internationalisation par les Etats-Unis. « Les industriels américains avaientun retardtechnologiqueconsidérable dans les drapeaux. Cela ne les a pas empêchés de me rire au nez », se souvient M. Doublet. C’est uniquement parce qu’un de ses amis, déjà installé aux EtatsUnis, lui a prêté un bureau pendant plusieurs mois que le patron de la PME française a pu y faire démarrer ses affaires. Il concède avoir fait une erreur: envoyer une jeune femme française à New York en 1984. « Les Américains étaient encore très misogynes et ne l’ont pas prise au sérieux», assure-t-il. Il a racheté le sixième fabricant de drapeaux américain, Paramount Flags et y a placé, cette fois-ci, un patron français. Coup du sort, l’usine a été détruite par un tremblement de terre en 1989. L’aventure américaine a nécessité une ténacité hors du commun. Ce n’est qu’après dix ans de pertes et le rachat successif de six entreprisesqueDoubletaréussià s’implanterdurablement outre-Atlantique! Après cette première filiale, l’entreprise a essaimé en Espagne, en Pologne, en Belgique, au Royaume-Uni, au Portugal et en Allemagne. En 2012, le groupe y a racheté Bonner Fahnenfabrik (Bofa), un fabricant de drapeaux en redressement judiciaire, ce qui lui a permis de devenir le leader de ce secteur en Europe. C’est sur ce site que sont désormais produites les commandes de drapeaux en grandes séries, qui étaient précédemment sous-traitées en Chine. Innover, déposer des brevets, c’est l’ardenteobligation pour continuerà être présent en dehors de l’Hexagone. Chez Doublet, l’impression des drapeaux se fait
Doublet, étendard de la France à l’export La PME familiale du Nord vend près de la moitié de sa production de drapeaux à l’étranger
INNOVER, DÉPOSER DES BREVETS, C’EST L’ARDENTE OBLIGATION POUR CONTINUER À ÊTRE PRÉSENT EN DEHORS DE L’HEXAGONE
directement sur le tissu, en une opération, quel que soit le nombre de couleurs. Depuis les Jeux olympiques d’Atlanta, aux Etats-Unis, en 1996, Doublet se targue de posséder la seule base de données mondiale officielle de tous les drapeaux des pays de la planète. Jusqu’alors, le flou persistait sur l’exactitude des couleurs ou encore la façon de laisser flotter verticalement ces oriflammes.
N
ous apprenons beaucoup des autres pays », affirme Luc Doublet, en citant notamment « la qualité du service au client aux Etats-Unis» ou la fameuse « rigueur » allemande. Il n’en voit que mieux, au quotidien, les faiblesses du système français. « Nous sommes le seul pays au monde où l’on doit rendre publics les comptes des entreprises. Je trouve cela très dangereux vis-à-vis de la concurrence», explique Luc Doublet. « Si un pélican s’ouvre le ventre, il se fait bouffer par ses pairs. Les Chinois et les Japonais le savent bien : ils paient des hordes de salariés pour décortiquer tous les comptes des entreprises avant d’attaquer un marché», affirme-t-il. Si son objectif est de créer une filiale Doublet dans chaque pays de la planète, il s’impose un interdit: ne jamais implanter de filiale là où « il existe une dictature».
Sa fille, Gaëlle Colaert Doublet, 41 ans, est chargée du développement France. Elle détient désormais le capital de l’entreprise à parts égales avec sa sœur Agathe – responsable du développement international– et sonfrère,Jean-Bernard– quidirige la filiale en Allemagne. Gaëlle assure que, si les entreprises allemandes de taille intermédiairearriventfacilement à exporter, c’est tout simplement parce qu’elles ont les moyensde se développer.« Il n’existe pas de droits de succession, si bien que l’argent est conservé dans le capital des entreprises», dit-elle. Très impliqué dans l’exportation, Luc Doublet préside la chambre de commerce et d’industrie internationale du GrandLille. Il fait partie des dirigeants de Nord France Invest, l’agence de promotion économiqueduNord -Pas-de-Calais,la troisième région d’accueil, en France, pour les capitaux étrangers. Cette structure se targue d’avoir permis la création ou le maintien localement d’un peu plus de 50 000 emplois. Gaëlle Colaert Doublet propose des recettesquisemblent facilespourréindustrialiserla région. Il faut« garder les savoirfaire différenciant dans l’Hexagone », ditelle, en ajoutant à l’intentiondu gouvernement qu’il serait nécessaire d’« arrêter de changer les lois toutes les cinq semaines».
« TOUT CE QUI EST IMPORTÉ DOIT AUSSI CONTRIBUER À FINANCER LE SYSTÈME SOCIAL FRANÇAIS » Luc Doublet président du conseil de surveillance
A ses yeux, il est aussi urgent de « renforcer les liens entre l’entreprise et l’université ». Doublet travaille main dans la main aveclafacultédessciencesdu sportde LilleII, d’où viennent plusieurs recrues. « Pour leur montrer que les patrons des PME n’ont rien à voir avec ceux du CAC 40 qui ne pensent qu’à leurs stock-options ou à tripler leur salaire», lâche Gaëlle Doublet, agacée. Son père propose une autre méthode, non conformiste, qui consisterait à ne plus taxer uniquement ce qui est fabriqué en France, mais également tout ce qui est importé. Il aimerait « que tout ce qui est importé contribue aussi à financer le système social français ». Il n’est pas logique à sesyeux que, par exemple,rien ne soit prélevé – en termes de charges sociales – sur les chemises importées de Chine, alors quele fabricantinstallé enFranceest fortement prélevé. Pénalisé par cette concurrence « qui démolit le marché », il risque d’être obligé de licencier. « C’est un système en entonnoir, qui accélère les faillites.» Si les taxes s’appliquaient au produit national brut et non plus au produit intérieur brut, la charge sociale sur chaque salarié baisserait immédiatement de 60 % à 20 %, « ce qui, instantanément, pourrait permettre de rétablir une réelle compétitivité », assure l’entrepreneur. p Nicole Vulser
Des bannières religieuses à l’impression 3D Avelin (Nord) Envoyée spéciale
« Les hommes assis sont des hommes morts. » Telle était la devise inculquée par sa mère à Luc Doublet, président du conseil de surveillance de l’entreprise Doublet. Historiquement spécialisée dans les ornements religieux, la PME s’est diversifiée dans les années 1950 dans la production des bannières laïques, à destination des municipalités et des collectivités locales. Ces drapeaux, qui flottent depuis des années lors d’importantes manifestations sportives, sont, pour une grande part, toujours fabriqués au siège, à Avelin, dans un immense bâtiment pyramidal. La métamétrie – l’effet de la lumière ou d’un support sur une couleur– n’est pas un vain mot.
Doublet possède la plus grande gamme chromatique validée par le comité olympique, pour les drapeaux de tous les pays de la planète. Ils sont imprimés sur tissu avec d’immenses machines à jet d’encre. Le site de production fonctionne 24 heures sur 24, six jours sur sept. « Si nous avions été normaux, on aurait tout fait faire en Chine», explique Luc Doublet.
Un groupe diversifié En fait, tous les articles imprimés (les drapeaux représentent 25 % du chiffre d’affaires) restent produits à Avelin ou dans la filiale allemande, Bofa. Les barrières et les produits en acier (isoloirs, panneaux d’affichage), 7 % du chiffre d’affaires, sont aussi fabriqués sur place. Un million d’objets sortent des ateliers chaque année. Quelque 150 employés travaillent sur le site d’Avelin,
autant dans les filiales installées hors des frontières. Dans ce groupe diversifié, les tribunes destinées aux salles sportives sont sous-traitées en Dordogne, en Espagne ou en Italie. Des produits viennent malgré tout de Chine, comme la structure des supports publicitaires. Les autres activités englobent le négoce, les services et la logistique des manifestations sportives. La famille Doublet revendique une philosophie du management fondée sur des «machines intelligentes qui permettent d’éliminer les travaux idiots», une polyvalence des tâches, un partage de tous les savoirs ou encore une pratique du « décitemps» (un dixième du temps de travail est destiné à une autre activité). Luc Doublet est à la fois mécène – il collectionne de la peinture qu’il expose dans les locaux du siège – et
fanatique de science-fiction. Au point de gratifier, sans rire, ses stagiaires de l’appellation « Padawan», en référence à La Guerre des Etoiles. Et il dit leur confier plus de responsabilités qu’ils n’en ont habituellement ailleurs. M.Doublet reste à l’affût des nouveautés. Il est rentré récemment d’un voyage aux Etats-Unis où il est allé voir comment les industriels utilisent la 3D. Il est persuadé que cette technologie va révolutionner en profondeur l’industrie. Y compris la production d’objets en métal. Cette foi dans l’avenir, il l’a aussi montrée en augmentant ses capacités de production au plus fort de la crise, en 2009, en pariant, de façon contracyclique, sur la reprise. Cette PME familiale a, depuis, confirmé sa croissance. p N. V.
économie & entreprise 3
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Déficit commercial: le gouvernement trouve des raisons d’espérer En 2013, le déficit a reculé de 9% par rapport à 2012, à 61,2milliards d’euros. Hors énergie, il est de 13,5milliards
M
illiardpar milliard,ledéficit du commerce extérieur français se réduit. Il s’est établi, en 2013, à 61,2 milliards d’euros, en baisse de 9 % par rapport au niveau de 2012, selon les données publiées, vendredi 7 février, par les douanes françaises.C’est la deuxièmeannéeconsécutive de baisse après le « trou » historique de 74,2 milliards enregistré en 2011. Cette réduction du déficit – qui laisse encore la France à des années lumières de l’Allemagne où l’excédent commercial flirte avec les 200milliards d’euros – ne tient pas à une meilleure performance des entreprises à l’international. Pour le première fois depuis 2009, les exportations françaises ont baissé (–1,3 % en valeurpar rapport à 2012. Le reflux des importations a encore été plus significatif avec une baisse de 2,3 % due en grande partie à la chute des approvisionnements énergétiques. « L’année 2013 a été très difficile », admet Nicole Bricq, la ministre du commerce extérieur. « La récession au premier semestre a été redoutable : les pays de l’Union européenne ont beaucoup souffert. Or, c’est avec eux que nous réa-
lisons 60 % de nos échanges. Par ailleurs, les économies des pays émergents ont ralenti. Compte tenu de cet environnement, nous résistons.» La ministre trouve tout de même dans les chiffres quelques raisons d’espérer. Hors énergie et matériel militaire, le déficit est ramené à 13,5 milliards d’euros, renouantavec des niveauxcompa-
Le nombre d’exportateurs de biens a augmenté, à 120700, un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 2008 rables à de 2007 et 2008. Or, c’est sur cet indicateur que Nicole Bricq entend être jugée. Sa feuille de route, fixée par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est de résorber totalement ce déficit à la fin du quinquennat, en 2017. Le second point positif des données publiées par Bercy est à chercher du côté des entreprisesexportatrices. Pour la deuxième année consécutive, le nombre d’exporta-
Un visa VIP pour les entreprises les plus exportatrices Les hommes d’affaires étrangers se plaignent régulièrement des délais nécessaires à l’obtention de visas pour venir rencontrer les entreprises françaises. Ces doléances ont été entendues. Normalement, d’ici à la fin du premier semestre, les 4 000 entreprises françaises les plus exportatrices bénéficieront d’un dispositif accéléré pour l’obtention de visas. Et ce afin de faciliter la conclusion de contrats et le démarchage commercial à
l’étranger. A chaque fois que ces entreprises – celles bénéficiant du statut d’opérateur agréé – voudront faire venir en France un collaborateur, des clients ou des prospects, elles pourront le faire très vite puisqu’elles obtiendront un visa en 24 heures. Depuis fin janvier, pour doubler le nombre de touristes chinois venant en France, le Quai d’Orsay s’est quant à lui engagé à délivrer des visas en 48 heures.
teurs de biens a augmenté, pour atteindre 120 700, un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 2008. « L’augmentation du nombre d’entreprises exportatrices me permet d’envisager l’année qui s’ouvre d’une manière plus positive. L’année 2014 sera une année charnière», affirme Nicole Bricq. Un optimisme que tempère Denis Ferrand, directeur général de l’institut d’études économiques Coe-Rexecode. « Ce n’est pas le nombre d’entreprises exportatrices qui est important mais bien leursperformancesdans la conquête de parts de marché. » C’est toute la question du positionnement des produits français, aussi bien en termes de prix que de qualité, qui est encore une fois posée. Une étude de Bercy avait montré, en janvier, que les exportateurs français ne savaient pas trop sur quel pied danser, entre ventes de produits haut de gamme et exportation de biens plus basiques, mais où la différence se fait sur les prix. De fait, « l’export apparaît comme le seul véritable salut, entre une demande intérieure atone et un investissement en repli » considèrent les économistes d’Euler Hermès, dans une étude publiée le 22janvier. L’accélération de l’activité dans le monde va faire progresser la demande adressée à la France de 19 milliards, d’après Euler Hermes. Cela doit inciter les entreprises françaises à tenter leur chance à l’étranger. Lecréditd’impôtpourla compétitivité et l’emploi(CICE) et le pacte de responsabilité proposé par François Hollande aux entreprises s’inscrivent dans cette démarche de donneraux entreprises l’oxygène nécessaire au développement de l’investissement et de l’export en baissant les coûts. Cependant,
Le grand écart franco-allemand BALANCE COMMERCIALE, EN MILLIARDS D’EUROS Allemagne
France 132,7
195,3 156
158,1
159
188,1
178,2 154,8
138,6
129,9
198,9
158,7
95,4 65,2
59,1
14,4
3,3
3,5 – 0,2
– 3,4
1999
2000
2001
2002
2003
– 5,7
2004
– 24,2 – 29,9
2005
2006
EXPORTATIONS FRANÇAISES PAR RAPPORT AUX EXPORTATIONS ALLEMANDES, EN MILLIARDS D’EUROS
– 42,5
– 45,4 – 52,5
– 56,2
2007
2008
2009
2010
– 61,2
– 74,2 – 67,2 2011
2012
2013
PART DE MARCHÉ MONDIALE DES EXPORTATIONS DE BIENS, EN %
7,8
8,6
1 093,9 638
4,7
361
435,6
2001
2013
2000
2013
2000
3,1
2013
SOURCES : FMI, OCDE, TRÉSOR, DOUANES
les premières évaluations menées sur le CICE ont montré qu’il bénéficiaitmoins qu’espéréaux entreprises exportatrices. En terme de parts de marchés, la France se borne à consolider ses positions. La part du pays dans le commerce mondial est restée stable en 2013, par rapport à 2012, à 3,1 % en valeur. Très loin des 6,3 % affichés au début des années 1990. « La France n’a pas regagné de ter-
rain, et l’enjeu est bien là. D’autant qu’il faut répondre aux nouveaux défis que représentent des pays commel’Italie ou l’Espagne », pointe M. Ferrand. L’Espagne, engagée dans une sévère baisse de ses coûts deproduction,va chercherla croissance hors de ses frontières et avec un certain succès. Sa part de marché dans le commerce mondial est restée quasi inchangée depuis le débutdesannées 2000, et progres-
se même très légèrement en 2013 (+0,1 point) à 1,7 %. Mais pour Nicole Bricq, il n’est pas question de « faire la course à labaissedes prixavecdes pays comme l’Espagne. Nos entreprises gagneront des parts de marché par l’innovation. Mais je me réjouirais que l’Espagne et l’Italie se portent mieux ce qui favorisera un peu leur propre demande intérieure». p Anne Eveno
RÉSULTATS ANNUELS 2013
Un excédent commercial allemand record Berlin Correspondant
A 198,9milliards d’euros, l’excédent commercial de l’Allemagne a atteint, en 2013, son plus haut niveau jamais enregistré depuis 1950, depuis que ce chiffre est publié, a annoncé, vendredi 7 février, l’Office fédéral des statistiques, Destatis. L’excédent progresse de 4,5% par rapport à 2012 et bat son précédent record datant de 2007 (195,3milliards d’euros). Il est dû, cependant, au léger recul des exportations de la première économie européenne (– 0,2 %, à 1 093,9milliards d’euros), tandis que les importations se sont repliées plus fortement, de 1,2 %, à 895 milliards d’euros. Les raisons de la très bonne résistance de l’Allemagne au marasme économique européen sont en partie à chercher dans l’intensification de ses relations commerciales avec la Chine. Alors que l’ex-empire du Milieu est le troisième partenaire économique de l’Allemagne, après la France et les Pays-Bas, le déficit commercial allemand avec Pékin se résorbe. De plus de 10 milliards d’euros sur les onze premiers mois de 2012, il s’est réduit à 6milliards sur les onze premiers mois de 2013. Au deuxième trimestre de l’an dernier, les relations commerciales entre les deux pays ont même été équilibrées. Berlin fait de ces relations com-
merciales une priorité. La preuve: la chancelière, Angela Merkel, souffre toujours de sa fêlure du bassin et reste économe de ses mouvements. Cela ne l’a pas empêchée de participer, lundi 3 février, à une cérémonie qui, à première vue, n’était pas essentielle : la passation de pouvoir à la tête de la commission Asie-Pacifique (APA) du patronat allemand.
Nous « renforcer en Asie » Si la Mme Merkel permet à ses ministres des affaires étrangères et de la défense de s’exprimer sur les nouvelles orientations de la politique extérieure allemande, elle ne laisse en revanche à personne d’autre le soin de défendre le « made in Germany» à l’étranger, notamment en Asie. Ses six voyages en Chine ces dernières années en témoignent. Ce succès n’est pas dû qu’à la chancelière. Dans ce pays qui affirme refuser toute politique industrielle, l’APA constitue une exception. C’est en effet le chancelier Helmut Kohl qui, dès 1993, a créé cette commission pour aider les entreprises à partir à l’assaut des marchés asiatiques. Sa force est de regrouper toutes les branches du patronat: l’industrie (le BDI), les chambres de commerce (DIHK) et les banques. Ses dirigeants savent pouvoir compter sur les pouvoirs publics. «La relation de confiance entre les entreprises et le monde politique constitue la clé du succès de l’Allemagne», estime Peter
Löscher, qui présidait l’APA depuis trois ans, a cédé la place, lundi, à Hubert Lienhard, président du directoire de Voith, un groupe industriel familial de 43 000 salariés spécialisé dans la mécanique de précision et présent dans une cinquantaine de pays. Lundi, M.Lienhard n’a pas mâché ses mots : «Devant les changements impressionnants que connaît l’Asie, être les champions du monde de l’exportation ne peut pas, sur le long terme, être un modèle couronné de succès pour l’économie allemande. Nous devons nous astreindre à renforcer notre présence en Asie. Les entreprises qui, à l’avenir, ne seront pas chez elles en Asie, seront marginalisées sur le plan international.» Les investissements directs de l’Allemagne dans la région Asie-Pacifique s’élèvent à 114milliards d’euros. Trois fois plus que dix ans auparavant. Lundi, Mme Merkel a insisté sur la volonté de l’Allemagne d’attirer les investissements asiatiques sur son sol. Elle entend mettre les petits plats dans les grands lors de la visite que le président chinois, Xi Jinping, devrait effectuer dans plusieurs pays européens en mars. «Nous allons mettre un point d’honneur à bien nous présenter dans la compétition et la concurrence que se livrent les Etats européens», a-t-elle déclaré. Malgré ses engagements proeuropéens, face à la Chine, c’est manifestement le chacun pour soi qui domine. p
Frédéric Lemaître
2013 : bonnes performances financières et des initiatives stratégiques majeures « VINCI a réalisé en 2013 de bonnes performances financières, meilleures qu’attendu, malgré un environnement économique toujours difficile en Europe. Le chiffre d’affaires du Groupe a progressé de 4,4 % avec notamment une croissance de 6,4 % à l’international. Le résultat net est en hausse de 2,3 %, alors qu’un léger recul était anticipé précédemment. L’année 2013 a également été marquée par plusieurs opérations majeures s’inscrivant dans les grands axes stratégiques du Groupe, dont l’acquisition de la société ANA, concessionnaire des aéroports du Portugal. Pour 2014, VINCI anticipe dans les Concessions la poursuite des bonnes tendances constatées en 2013 pour l’évolution du trafic tant chez VINCI Autoroutes que chez VINCI Airports. Dans le Contracting, malgré un environnement économique toujours fragile, notamment en France, VINCI dispose d’une bonne visibilité sur son activité grâce au niveau élevé de son carnet de commandes. » Xavier Huillard, Président-directeur général
Chiffre d’affaires : + 4,4 % • 40,3 milliards € EBITDA : + 3,3 % • 5 596 millions €, soit 13,9 % du chiffre d’affaires Résultat net part du Groupe : + 2,3 % • 1 962 millions € Carnet de commandes au 31/12/2013 : 29,4 milliards € Dividende* : 1,77 € par action * Dividende proposé à l’Assemblée générale des actionnaires du 15 avril 2014. Soit, compte tenu de l’acompte versé en 2013, un solde de 1,22 € par action payable en espèce le 30 avril 2014.
Relations Actionnaires
Devenez membre du Club des Actionnaires Prochain rendez-vous 2014 : - 15 avril : Assemblée générale au Carrousel du Louvre à Paris Le communiqué de presse et la présentation des résultats annuels 2013 sont disponibles en français et en anglais sur www.vinci.com
Contacts Actionnaires VINCI, 1, cours Ferdinand-de-Lesseps, 92851 Rueil-Malmaison Cedex
@
www.vinci.com
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économie & entreprise
Samedi 8 février 2014
Mis en examen pour prise illégale d’intérêt, M.Pérol entend rester à la tête de BPCE L’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée est suspecté d’avoir participé aux négociations qui ont abouti à la création de la banque qu’il préside
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’est le scénario qu’ils redoutaient, lui et son proche entourage, depuis que la Cour de cassation avait relancé, en 2012, l’enquête sur les conditions de sa nomination, en 2009, sous Nicolas Sarkozy, à la tête du puissant groupe bancaire BPCE. Jeudi 6 février, François Pérol, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée de 2007 à 2009, chargé des questions économiques, a été mis en examen pour prise illégale d’intérêt par le juge Roger Le Loire, ainsi que l’a révélé l’agence Reuters en début de soirée. Dans l’immédiat, la décision de justice n’aura pas d’incidence sur la gouvernance du groupe. Selon nos sources,M.Pérol devaitannoncer, vendredi, qu’il conserve ses fonctions à la présidence du directoire du groupe. Une décision qu’avait également prise, en juin 2013, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, qui avait pour sa part été mis en examen dans l’affaire Tapie. En 2013, M. Pérol avait pris soin de faire renouveler, par anticipation, son mandat à la tête du groupe, afin, avait-il alors affirmé, d’avoir pleine légitimité pour conduire le nouveau plan stratégique du groupe. Son mandat court
désormais jusqu’au printemps 2017. Dans le cadre de cette mise en examen, M. Pérol est suspecté d’avoir pris part, dans le cadre de ses fonctions élyséennes, aux négociations qui ont conduit à la création du groupe BPCE, à partir du rapprochement entre les Caisses d’épargne et les Banques populaires. Un groupe dont il a ensuite
En 2013, M. Pérol avait pris soin de faire renouveler, par anticipation, son mandat à la tête du groupe accepté la présidence, à la demande de M. Sarkozy qui estimait ce haut fonctionnaire et ancien banquierd’affairesde la BanqueRothschild faitpour leposte. La prise illégale d’intérêts est punie de cinq ans de prison et de 500000 euros d’amende. Le « parachutage» de M. Pérol à la présidence de l’un des poids lourds du secteur bancaire, l’un des plus puissants en France, avait
été érigé par la gauche, alors dans l’opposition, en symbole de cette « République partisane » qu’elle reprochait à M. Sarkozy. Et d’autant plus que ni l’ancien collaborateur de M. Sarkozy ni l’Etat n’avaient cru bon, comme la règle l’aurait commandé, de saisir la Commission de déontologie de la fonction publique, qui statue sur le départ des fonctionnaires vers le secteur privé… Une omission pour le moins maladroite, qui avaitdéclenchél’ire de ladite Commission et de son président de l’époque. La Commission n’ayant pas, à ce moment-là, le pouvoir d’auto-saisine, les magistrats de la Commission, garants du droit, s’étaient sentis piégés. Fait inédit, deux de ses membres avaient démissionné, estimant que le transfert d’un proche du chef de l'Etat, réalisé sans avis de la Commission, s’apparentait à « un acte grave ». L’association Anticor et les syndicats CGT et SUD avaient alors décidé de porter l’affaire devant les tribunaux, certains de la prise illégale d’intérêts et du fait que M.Pérol avait été partie prenante à la création du groupe BPCE. La loi interdit à un fonctionnaire de tra-
François Pérol, le président du directoire du groupe BPCE, en juin 2013, à Paris. VERNIER/JBV NEWS
vailler pour une entreprise qu’il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou qu’il a conseillée sur ses opérations dans les trois ans précédant son passage du public au privé. Le parquet de Paris avait, dans un premier temps, classé les plaintes sans suite, estimant que le rôle de M. Pérol avait été d’informer le président de la République et que le secrétaire général de l’Elysée « n’était pas une autorité publique compétentepourintervenir dans le dossier ». Une position qu’a toujours tenue et défendue M. Pérol, expliquant que la tutelle des banques et le pouvoir de décision se trouvent au ministère de l’économie, pas à l’Elysée. Mais les syndicats s’étaient por-
bition. M. Pérol promet de doubler le résultat net d’ici à 2017. Toutefois, il reste des dossiers sensibles à régler, tel l’avenir de la banque cotée Natixiset celui du Crédit foncier, filiale de crédit immobilier en quête d’un nouveau souffle. Surtout, les patrons régionaux du groupe BPCE sont très attentifs au mode de gouvernance du groupe, et au partage du pouvoir. Ils ont reproché à leur président, dans un passé récent, une concentration excessive du pouvoir, souhaitant être davantage associés aux choix de la direction à Paris. M. Pérol sait pertinemment qu’aujourd’hui, encore moins qu’avant, aucun cadeau ne lui sera fait. p
tés partie civile et après une nouvelle bataille judiciaire jusqu’à la Cour de cassation, l’enquête avait été de nouveau confiée au juge Le Loire. La mise en examen de M. Pérol ouvre une période délicate pour le président du directoire, dans un groupedontla structurecoopérative décentralisée a de tout temps favorisé contestations et dissidences. En région, les dirigeants de Caisses d’épargne et de Banques populaires, à qui M. Pérol doit sa légitimité, créditent leur président d’une gestion droite, rigoureuse et dynamique. Depuis son arrivée, le groupe a été restructuré et le nouveau projet stratégique, qui met le cap sur l’assurance, ne manque pas d’am-
Anne Michel
Marchédes changes: l’enquêtesur Boehringeraccuséd’avoirvoulubloquer les manipulationss’étendaux Etats-Unis uneétudesur l’anticoagulantPradaxa Une douzaine de banques sont visées par le régulateur de New York
Londres Correspondant
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e scandale de manipulation du marché des changes (Foreign Exchange Market, ou Forex) ne cesse de prendre de l’ampleur et s’apparente à celui de la manipulation du taux interbancaire Libor. L’entrée en scène du régulateur des services financiers de l’Etat de New York, Benjamin Lawsky, témoigne de l’extension de l’enquête internationale lancée en avril 2013 sur les soupçons de complot visant à ce jour quinze banques internationales actives sur le négoce des devises. M. Lawsky, le surintendant des finances de New York, est une vedette depuis qu’il a accroché à son tableau de chasse la banque britannique Standard Chartered, condamnée en 2012 à une lourde amende pour avoir violé l’embargo financier sur l’Iran. Le gendarme des marchés a adressé des requêtes de documents sur leurs activités, le 5 février, à une douzaine de banques, dont Goldman Sachs, Deutsche Bank, Credit Suisse ou encore la Société générale. Aux yeux de Martin Wheatley, le directeur général de la Financial Conduct Authority, le régulateur britannique, les accusations de connivence entre opérateurs du Forex au mépris de la législation antitrust,américainecommeeuropéenne, « sont aussi graves que cel-
les sur la manipulation du Libor. A la lumière des révélations, personne ne va faire confiance à la manière dont sont établis les indices ». Mise au jour en 2012, la falsification du Libor, le taux auquel les banques se prêtent entre elles, a conduit à plusieurs arrestations et à l’imposition d’amendes aux établissements impliqués, totalisant, à ce jour, 6 milliards de dollars (4,4milliards d’euros). Le scandale des changes dépasse en importance celui du Libor en raison de la taille d’un marché des devises fort de 5 300 milliards de dollars de transactions quotidiennes. Il s’agit d’un marché hyperliquide, très organisé et largement dominé par la devise américaine.
Amplifier leur influence Dirigéesparlerégulateurbritannique et le ministère américain de la justice, les enquêtes menées danshuitpays,dontla Suisseetl’Allemagne, portent sur les actions de traders soupçonnés d’avoir triché. Les intervenants auraient placé de nombreux ordres pendant un court laps de temps précédant la fixation du cours des devises. Ils se seraient entendus entre eux pour miser de concert afin d’amplifier leur influence. Organisés en groupes de discussion par le truchement de systèmes de messagerie instantanéedes ordinateurs (les « chats rooms »), les opérateurs auraient échangé desinformationsaveclaconcurren-
Un ex-gérant de fonds spéculatif coupable de délit d’initié Un ancien cadre du fonds spéculatif américain SAC Capital Advisors, Mathew Martoma, a été reconnu coupable, jeudi 6 février, de délit d’initié par un tribunal fédéral de New York. Il encourt vingt ans de prison. Ce gérant de portefeuille est accusé d’avoir utilisé, en juillet 2008, des informations émanant d’un neurologue sur un médicament contre la maladie d’Alzheimer.
Les pratiques de SAC ont fait l’objet de dix ans d’investigation de la part de la justice américaine. En décembre 2013, Michael Steinberg, l’un des principaux dirigeants, avait été reconnu coupable de délit d’initié. A l’automne 2013, SAC avait dû fermer son activité d’investissement pour tiers et payer 1,3 milliard d’euros en guise de repentance.
ce pour se faire une idée précise du marché. L’objectif aurait été d’établir des positions avantageuses juste avant le fixing-clé de l’indice WM/Reutersde 16heures fixant les cours journaliers des monnaies. Secouéspar ce nouveau scandale, la City, premier marché des changes au monde, et son challenger, Wall Street, tremblent et s’interrogentsurla suite.Desrépercussions se font sentir des deux côtés de l’Atlantique, mais aussi en Asie et en Amérique du Sud. A ce stade, vingt et un traders travaillantdans neuf banques de renom ont été suspendus ou ont été licenciés. Et c’est là la partie émergée de l’iceberg.L’autreest constituée par des enquêtes en cours, aux retombées potentiellement considérables. Le WM/Reuters est l’un des grandsindicesderéférencedemarché qui déterminent les prix. Peu connus du public, ces outils en brassant des sommes gigantesquessont la clé de voûte des échanges entre acheteurs et vendeurs ainsi que de la mondialisation. Jusqu’à l’éclatement des scandales du Libor et du Forex, les régulateurs ne s’intéressaient guère aux indices. Les risques de sanction étaient infimes par rapport aux chances de gains. Dans la foulée de la révélation des dysfonctionnements du taux interbancaire et du marché des devises, le calcul des indices des matières premières, en particulier l’énergie et les métaux, est aussi dans l’œil du cyclone. Il est question de malversations sur les prix du pétrole Brent « spot », de l’or ou de l’argent, sans oublier les taux d’intérêt swaps. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’on reparle à Londres, à Bruxelles et à Washington de nouvelles mesures destinées à assainir la fabrication des indices. Car au moment où les économies américaine et britannique, voire la zone euro, semblent sorties de l’ornière, le retentissement du scandale des devises est plutôt malvenu. p Marc Roche
Les travaux remettaient en cause l’intérêt du médicament
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e laboratoire pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim est au cœur d’une mini-tourmente. Un article publié mercredi 5 février par le New York Times révèle qu’il aurait tenté d’empêcher,début 2013,la publication d’une étuderemettant en cause l’intérêt du Pradaxa, premier d’une nouvelle classe d’anticoagulants, lancé en 2010. Indiqués pour prévenir les risques d’attaque cérébrale en cas de fibrillation auriculaire, un trouble fréquent du rythme cardiaque, ces « NACO » (nouveaux anticoagulants oraux), comme on les appelle dans le jargon médical, ont pour avantagethéoriquedenepasnécessiter de contrôle sanguin de routine. Cet argument est mis en avant parBoehringer pourconvaincreles autorités d’autoriser son Pradaxa, malgré un intérêt médical limité dans la majorité des indications et un prix plus élevé que le traitement de référence par les anti-vitamineK (75euros par mois contre 10 à15eurosenFrance).Or,l’étuderéalisée par le docteur Paul Reilly, l’un des médecins qui a conduit les essais cliniques du Pradaxa aux Etats-Unis, suggérait au contraire qu’uncontrôlesanguinseraitbénéfique à certains patients. Dans un échange de mails, rendus publics par un juge américain de l’Illinois dans le cadre d’un procès intenté par des patients et mis en ligne par le New York Times, des collaborateursdeBoehringerIngelheim s’inquiétaient de l’impact qu’aurait la publication de ces conclusions. « Est-il vraiment souhaitable de publier cet article ? », s’interroge ainsi le docteur Jutta Heinrich-Nolsen charge du dossier Pradaxa dans un mail daté du 4février2013. Selon elle, ces révélations, après dix ans de travail, allaient avoir un impact commercial problématique. « Cela ruinerait tous les efforts que nous avons faits pour faire face à la concurrence des autres NACO», ajoutait-elle dans le même mail.
Le Pradaxa,dont les ventess’élèvent à plus de 1 milliard de dollars (0,737 milliard d’euros), doit affronter, depuis juillet 2011, la concurrence du Xarelto de l’allemand Bayer, et, depuis janvier 2013, de l’Eliquis des américains BMS et Pfizer.
demande d’autorisation de mise sur le marché [AMM], même si elles n’étaient pas présentées à part. » L’intérêt d’effectuer des prises de sangrégulièrespouraffinerledosage du Pradaxa chez certaines personnes a donc bien été étudié, et une minorité de patients suivis à l’hôpital en bénéficie. Suite à un dérapage des prescriptionsqui dépassaienttrop souvent le cadrefixé par l’AMM, le Pradaxa, ainsi que ses concurrents ont été placés sous surveillance renforcée. « Entre 5 % et 10% des prescriptions correspondent à des indications non validées, éventuellement dangereuses », constatait l’ANSM en novembre. Deux études pharmaco-épidémiologiques sont en cours pour comparer les effets indésirables observés avec les différentes classes d’anticoagulants. Les premiers résultatssontattenduspour le premier semestre 2014. p
Dérapage des prescriptions En France, Boehringer, relativise ces révélations. « Les documents publiés par le juge de l’Illinois représentent 85 pages sur les 30millions dudossierPradaxa,souligneNathalie Chevallon, directrice de la communication. Et malgré cet échange de mails, l’étude a bien été publiée.» Mentionnée dès décembre 2011 dans d’autres mails, l’étude n’a été publiée qu’en septembre2013. «Laquestionqu’ellesoulève n’est cependant pas nouvelle, nuance le docteur Lotfi Boudali, chef du pôle « Produits cardiovasculaire » à l’Agence du médicament (ANSM). Nous avions ces données lors de la
Chloé Hecketsweiler
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LE MONDE
ACADÉMIE en partenariat avec et
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techno & médias
Samedi 8 février 2014
Le jeu vidéo, prochain pilier de la stratégie de contenus d’Amazon
Unélu niçoiset un fonds d’investissementvont racheter«Nice-Matin» Les nouveaux propriétaires injecteront 20millions d’euros dans le groupe en difficulté
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’est une surprise de taille dans le paysage politique niçois. Jean Icart, conseiller municipal (divers droite) de Nice, et conseiller général des AlpesMaritimes, va reprendre le groupe de presse Nice-Matin, en difficulté depuis plusieurs mois. Son nom a été annoncé par l’actuel propriétaire, Groupe Hersant Média (GHM), jeudi 6 février, lors d’un comité d’entreprise (CE). M. Icart n’est pas seul : il est associé à un « fonds d’investissement privé européen », dont le nom ne sera connu que le 14 février. Rassemblés au sein d’une holding baptisée « Nice Morning», les nouveaux actionnaires s’engagent à injecter 20 millions d’euros et prendront80 % du capitaldu groupe, GHM en conservant 20 %. M.Icart, un chef d’entreprise de 67 ans, était jusqu’à jeudi candidat aux élections municipales de mars. Cet opposant au premier magistrat actuel de Nice, Christian Estrosi (UMP), était proche de l’ancien maire, Jacques Peyrat, avec lequel il avait envisagé de faire listecommune.Il a finalement« rompu» avec lui en décembre 2013. « Je vais me retirer de tous mes mandats [électifs], a assuré M.Icart au Monde. Mon objectif est de sauver le navire [Nice-Matin], qui doit redevenir un fleuron de la presse quotidienne régionale.» Quant au « fonds d’investissement privé », qui sera probablement majoritaire au sein du capital,ils’agiraitd’ungroupe«spécialisé dans l’hôtellerie de luxe et la constructiondeyachts»,selonJeanFrançois Roubaud, du Syndicat
national des journalistes (SNJ), représentant des salariés au CE. L’irruption de M. Icart dans le capital de Nice-Matin a reçu, en tout cas, un accueil favorable du personnel. « Nous sommes rassurés par le fait que Jean Icart et son investisseur privé mettent 20 millions d’euros, explique Gérard Pitocchi, délégué syndical (CGT) et ouvrier du livre. Cela nous évite le redressement judiciaire. Mais nous attendons de savoir qui est l’[autre] investisseur.»
Plan social M. IcartespèreêtrenomméPDG pourle 1er mars.Si c’est le cas,sapremière mission sera de mettre en œuvre un plan social négocié avec les syndicats depuis plusieurs mois.SelonGHM,ilprévoitla «suppression de 128 postes d’ici à la fin 2015», sur un total de 1 250 salariés. Les syndicats, eux, parlent de «146 départs volontaires». Ce plan pourrait coûter jusqu’à 15 millions d’euros. Il doit permettre un retour à l’équilibre des comptes d’une société qui a fini l’année 2013 avec une perte d’exploitation de 6 millions d’euros. Le personnel attend avec impatience laprochaine réunion du CE, vendredi 14 février. M. Icart y présentera l’actionnaire principal, tandis que les représentants du personnel auront à se prononcer sur le plan proposé. « M. Icart nous a spécifié que la condition sine qua non de [son] entrée dans le capital était la réalisation de ce plan», précise M. Pitocchi. p Alexis Delcambre et Paul Barelli (à Nice)
YouTubevaêtre dirigé par uneex-cadredeGoogle, spécialistede la publicité Susan Wojcicki a pour mission d’accélérer la capacité du site à monétiser son offre San Francisco Correspondance
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hangement de direction chez YouTube. Mercredi 5 février, Google a officialisé la nomination de Susan Wojcicki à la tête de la plate-forme de vidéos, que le géant américain a rachetée il y a huit ans pour 1,65 milliard de dollars (1,21 milliard d’euros). La dirigeante aura pour mission d’accélérer la capacité du site à monétiserson offre,alorsque le marchéde la publicité vidéo en ligne affiche une croissance robuste. Mme Wojcicki, 45 ans, est l’une des salariés vedettes du moteur de recherche, qu’elle avait rejoint en 1999. Elle en était l’employée numéro 16. Et c’est dans le garage de sa maison de Menlo Park (Californie) que la société avait installé ses premiers bureaux. D’abord chargée du marketing, Mme Wojcicki a occupé de nombreux postes à responsabilité chez Google. Elle a participé à plusieurs lancements de produits. Elle a aussi milité pour l’acquisition de… YouTube. Puis, pour celle de la régie publicitaire DoubleClick en 2007, pour un montant record de 3,1 milliards de dollars. Depuis avril 2011, la responsable supervisaitl’offrepublicitairedel’entreprise, notamment le programme de liens sponsorisés AdWords, son cœurd’activité.LemagazinespécialiséAdweekl’anomméeen2013personnalitélapluspuissantedumonde publicitaire. Le choix de Mme Wojcicki intervient au moment où YouTube
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cherche à accroître ses recettes publicitaires. Selon eMarketer, elles ont atteint 5,6 milliards de dollars en 2013 dans le monde, en hausse de 51 % par rapport à 2012. « Grâce à la progression de la consommationde vidéossur mobile », précise le cabinet d’études.
Nouveaux studios YouTube contribue à hauteur de 11 % aux recettes publicitaires de Google. Cela n’est cependant pas suffisant pour assurer une rémunération correcte aux créateurs de contenus originaux. Or, ces derniers ont été placés au centre de la stratégie. YouTube vient d’ouvrir des studios à Los Angeles et à Londres pour les aider. La société a aussi mis en place un programme de partage des recettes publicitaires. En 2013, plus de 3 milliards de dollars leur auraient été reversés. Mais seuls les « YouTubeurs » les plus populaires tirent réellement leur épingle du jeu. PourYouTube,ces contenusoriginaux doivent lui permettre de se différencier de la concurrence, en enrichissant son offre. Surtout, ils sont destinés à convaincre les annonceurs de réallouer une partie de leur budget, aux dépens de la télévision. Pourl’instant,la réussite n’est pas encore au rendezvous. Le site peine à signer de gros contrats publicitaires. Pis, le prix moyen des publicités aurait nettement reculé en 2013, selon la firme TubeMogul. Une tendance que Google veut renverser. p Jé. M.
Le groupe a racheté un éditeur de jeux, alimentant les spéculations sur le lancement d’une console San Francisco Correspondance
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e géant du commerce en ligne Amazon s’apprête-t-il à lancer sa propre console de jeux vidéo ? Le groupe américain a de nouveau alimenté les spéculations, mercredi 5 février, en confirmant l’achat de Double Helix Games,un petit studiode développement basé à Irvine, dans le sud de la Californie. La société compte environ 75 salariés, un nombre modeste comparé aux centaines d’employés des grands noms du secteur. Son dernier titre, le jeu de combat Killer Instinct, faisait partie de l’offre de lancement de la Xbox One, la console de Microsoft sortie le 22 novembre 2013. Son nouveau jeu, baptisé Strider, doit être commercialisé dans dix jours.
Commepourleslivres, lesfilmsetlamusique, ladématérialisation gagnelejeuvidéo.Le géantdeSeattleveut devenirunacteur majeursurcemarché Habituédescommentaireslaconiques, Amazon n’a pas dérogé à la règle, expliquant simplement que cette acquisition s’inscrit dans « le cadre de [son] engagement à produire des jeux innovants». Le montant de l’opération n’a pas été communiqué.MichaelPachter, analyste chez Wedbush Securities, l’estime à moins de 100 millions de dollars (73,6 millions d’euros). Cen’estpaslapremièrefoisqu’Amazon s’aventure sur le segment des jeux vidéo. En 2008, il avait racheté Reflexive Entertainment, un tout petit développeur américain. Il a ensuite monté un studio en interne, baptisé Amazon Games. Mais les deux entités se sont, jusqu’à présent, contentées de produire des titres sur Facebook
Killer Instinct, de l’éditeur Double Helix Games, racheté par Amazon. DOUBLE ELIX GAMES
et sur supports mobiles. Elles n’ont en outre pas lancé de nouveaux jeux depuis 2012. Le rachat de Double Helix « ne va pas radicalement changer la donne, prédit M. Pachter. Mais c’est un signe clair qu’Amazon a l’intention d’accroître les développementsde jeux en interne ». Après des débuts timides, le géant de Seattle – Amazon a réalisé presque 75 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013 – semble prêt à passer à la vitesse supérieure. Depuis plusieurs mois, les rumeurs vont bon train sur la commercialisation d’une console de jeux sous Android, le système d’exploitation de Google. Elle pourrait être lancée cette année, pour un prix estimé à 300dollars. Posséder ses propres studios permettrait à Amazon d’alimenter sa plate-forme en jeux exclusifs, afin de justifier son achat. C’est en effet cette absence de titres qui pénalise les consoles sous Android déjà en vente, comme la Ouya. Autre possibilité: la conception
d’une « box », à l’image de celles que les opérateurs Internet français fournissent à leurs clients. Le jeu vidéo constituerait alors une partie de l’offre, à côté d’un service de télévision par Internet, service encore quasiment inexistant aux Etats-Unis où les câblo-opérateurs verrouillent le marché de la télévision. Cependant, Amazona récemment démenti des informations du Wall Street Journal sur ce projet. Quoi qu’il en soit, les ambitions d’Amazon dans le jeu vidéo s’inscrivent dans sa stratégie de développement dans les contenus digitaux. Comme pour les livres, les films et la musique, la dématérialisation gagne le jeu vidéo, notamment avec l’essor des smartphones et des tablettes. La société souhaite devenir un acteur majeur sur ce marché, dominé par les boutiques en ligne d’Apple et de Google. Amazon a été l’une des premières sociétés à prendre le tournant deslivresnumériques,avecsaliseuse Kindle. Il essaie depuis de répli-
Lars Seier Christensen, Co-PDG et fondateur de Saxo Bank
15:42 Moscou, Russie
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quer ce succès sur d’autres segments. En 2011, il s’est lancé sur le marchédes tablettes,avecle Kindle Fire. Ces terminaux sont vendus avec une faible marge, voire à perte. Car la société espère gagner de l’argent avec la vente de livres, films, chansons et applications. Une console de jeux répondrait à la même logique. D’autant qu’elle pourrait aussi promouvoir son offre de streaming vidéo (lecture de vidéos en ligne sans téléchargement). Cette offre de vidéos, concurrente de Netflix, le leader américain du secteur, est accessible sans supplément à ses clients Premium aux Etats-Unis. Et, comme Netflix, l’e-marchand commence à produire ses propres séries télévisées. Selon les estimations de Morgan Stanley, Amazon a généré un chiffre d’affaires de 3,8 milliards de dollars en 2013 avec la vente de contenus digitaux. Un montant qui pourrait doublerau coursdesdeux prochaines années, selon la banque. p Jérôme Marin
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économie & entreprise POLITIQUE MONÉTAIRE
La Courconstitutionnelle allemandejuge problématique l’achatde dettepar la BCE
La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, dont le verdict sur le sujet était attendu depuis des mois, a annoncé, vendredi 7 février, que le programme d’achat de dette publique (OMT) par la Banque centrale européenne (BCE) enfreint probablement le mandat de l’institution, qui lui interdit de financer directement les Etats membres de la zone euro. Elle a néanmoins précisé qu’il est possible qu’une interprétation limitée de l’OMT puisse le rendre conforme à la loi. Elle transfère le dossier à la Cour de justice de l’Union européenne, qui devra, à son tour, se prononcer sur la légalité de ce programme, ces prochains mois. p M. C.
La Banque centrale européenne laisse son principal taux directeur inchangé
Malgré le risque de déflation en zone euro, la Banque centrale européenne a décidé, jeudi 6 février, de maintenir son principal taux directeur à 0,25%. – (AFP.)
Sidérurgie Nouvelles pertes monumentales pour ArcelorMittal
ArcelorMittal, le numéro un mondial de la sidérurgie a annoncé, vendredi 7 février, une perte nette de 2,5 milliards de dollars (1,9milliard d’euros) pour 2013, dont 1,5 milliard provenant d’éléments exceptionnels. Le déficit a été réduit de 24 % par rapport à 2012, et la dette a été ramenée à 16,1 milliards de dollars.
Transports Mory Ducros repris par Arcole
L’offre de reprise du transporteur Mory Ducros par son actionnaire principal Arcole Industries a comme prévu été validée, jeudi 6février, par le tribunal de commerce de Pontoise. Arcole reprend 2 210salariés sur 5 000.
Automobile GM pénalisé par ses restructurations
Le constructeur automobile américain General Motors a fait moins bien que prévu en 2013, avec une chute de 22,4 % de son bénéfice net, à 3,8 milliards de dollars. Les restructurations entamées par le groupe ainsi que sa décision de retirer la marque Chevrolet d’Europe ont lourdement pesé sur ses comptes. – (AFP.)
« Ce n’est pas acceptable» François Hollande, jeudi 6 février, à propos de l’optimisation
fiscale pratiquée par les géants de l’Internet. En visite surprise au siège du site français de commerce électronique Vente-privee.com à La Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le chef de l’Etat a exprimé sa volonté de faire en sorte que l’optimisation fiscale des grands groupes soit remise en question. Le président de la République s’est, par ailleurs, dit « d’accord » avec son homologue américain, Barack Obama, qu’il rencontrera, lundi 10 février, aux Etats-Unis, pour faire un « effort d’harmonisation fiscale ».
Médias Grève à « Libération »
Libération n’est pas paru, vendredi 7 février, et son site Internet ne devait pas être actualisé jusqu’à vendredi, 15 heures, en raison d’une grève votée, jeudi 6 février, par 64 % des votants. Les salariés réclament de nouveau le départ des dirigeants, Philippe Nicolas et Nicolas Demorand, un « vrai projet rédactionnel» et de la visibilité sur les finances du journal. Libération, en difficulté financière, cherche de nouveaux investisseurs. – (AFP.)
Samedi 8 février 2014
Lavoitureélectriquechère àSégolèneRoyalauborddudépôtdebilan Le tribunal doit statuer, mercredi 12février, sur le sort de Mia Electric, issu de la faillite d’Heuliez
L
a Mia, voiture électrique chère à Ségolène Royal, la présidente socialiste de la région Poitou-Charentes, va-t-elle verser dans le fossé? Trésorerieexsangue, productionà l’arrêt: huit mois seulement après avoir été reprise par Michelle Boos, une femme d’affaires franco-coréenne censée la sauver, la société de Cerizay (DeuxSèvres)quifabriquelepetitvéhicule se trouve de nouveau menacée d’une faillite imminente. Le tribunal de commerce de Niort doit statuer, mercredi 12février, sur le sort de l’entreprise issue de l’éclatement du carrossier Heuliez en 2010. Lors de la dernière audience,le22 janvier,leprocureur delaRépubliqueaestiméquelacessationdespaiementsétaitdéjàavérée, et demandé le placement immédiatdeMiaElectricenredressement judiciaire. Sensible aux arguments de la nouvelle actionnaire, le tribunal de commerce a toutefois accepté de patienter encore trois semaines avant de trancher. Mais le prochain rendez-vous judiciaire s’annonce à hauts risques. « Je me bats à mort, on peut encoreredresserla situation», assure Mme Boos, qui veut éviter le dépôt de bilan. D’ici au 12 février, elle entend payer tous les salaires en retard et une partie de ce qu’elle doit à l’Urssaf. « Le tribunal de commerce pourraitalors repousser sa décision et me donner trente jours de plus, espère-t-elle. Les juges sont aussi des chefs d’entreprise ; ils ne vont pas mettre en redressement une société où les salaires sont versés.» AusiègedelarégionPoitou-Charentes, actionnaire à 12 % de la société, on craint que ces efforts ne suffisent pas. « L’entreprise a un besoin urgent d’argent, résume un proche de Mme Royal. Soit il arrive avant la décision du tribunal, soit ce sera sans doute le redressement judiciaire.» Il faudra alors trouver un nouveau repreneur. En juin 2013, l’arrivée de Mme Boos avait redonné espoir aux
Des voitures électriques Mia, devant l’usine de Cerizay (Deux-Sèvres), en 2011. ALAIN JOCARD/AFP
200 salariés de Mia Electric. Alternant français et anglais, cette femme énergique de 47 ans avait promis de relancer l’affaire en bousculant les habitudes et en apportant de nouveaux fonds : quelque « 36 millions d’euros » en trois ans, avait-elle fait miroiter. Pour faire repartir les ventes, elle a abaissé d’un coup les tarifs de 32 % à 45 %, selon les modèles. Simultanément, la nouvelle PDG a demandé d’énormes efforts à ses fournisseurs, leur réclamant de réduire leurs prix de plus de 30 % et d’acheter eux-mêmes des Mia. «En théorie, cela devait fonctionner », commente-t-elle aujourd’hui. En pratique, tout a calé, faute d’argent. Des 36 millions d’euros, Mia n’a pas vu la couleur. Depuis juin2013, la nouvelle dirigeante et sesassociésontmis1,6milliond’euros dans l’entreprise, sous forme d’avances, indique-t-elle. Depuis des mois, Mme Boos annonce l’arrivée d’investisseurs sud-coréens. Ils doivent apporter 5,3 millions d’euros et obtenir 10 %
du capital de l’entreprise. Mais cette augmentation de capital tarde à se concrétiser. La trésorerie étant à sec, le personnel est payé avec retard. Certains mois, les salaires ont été versés en quatre ou cinq tranches.
Seules 201 Mia ont été immatriculées en 2013. Loin des 700 à 900 visées par la repreneuse, Michelle Boos, et des 12000 attendues à une époque « Ceux de décembre n’ont été payés qu’à partir du 17 janvier, en commençant par les plus bas, témoigne un cadre. Les salariés les mieux rémunérés ont reçu leur virement le 31 janvier », avec presque un mois de décalage. Les fournisseurs ont eux aussi
eu du mal à se faire régler leurs factures. Et tous n’ont par ailleurs pas accepté les baisses de prix réclamées. Si bien que les livraisons de matières premières se sont arrêtées, puis les chaînes de fabrication et les ventes. Résultat: seules 201 Mia ont été immatriculées en 2013, selon les relevés officiels. Bien loin des 700 à 900 visées initialement par Mme Boos, et des 12 000 unités par an attendues à une époque. Cette contre-performance est d’autant plus rageante que le marché de la voiture électrique a enfin décollé au cours de l’année 2013, avec une hausse de 44 % dans le mondeet de 55% en France! La production mondiale devrait bondir de 67 % en 2014, selon le cabinet IHS. « Ces derniers mois, nous avons engrangé des commandes», assure Mme Boos, optimiste malgré tout. «J’ai 436voitures à livrer. Il manque juste 890 000 euros pour faire repartir la production.» Il n’est pas certainqu’elle lestrouve à temps. p Denis Cosnard
L’industrieveut des coûtsénergétiques«acceptables»
Coup de chaud sur votre actualite ? C
Jeudi 6février, les grands groupes français ont remis leurs recommandations au gouvernement
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ompétitivité. » Le mot revient comme un leitmotiv dans les recommandations que le Cercle de l’industrie et les cent six grands groupes réunis au sein de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ont présentées, jeudi 6 février, au ministre de l’écologieet de l’énergie, Philippe Martin. Entre la fin du débat national sur la transition énergétique, en juillet 2013, et l’examen du projet de loi courant 2014, ce lobby représentant 6,7 millions d’emplois et 1 700 milliards d’euros de chiffres d’affaires redonne de la voix. Il est convaincu que les entreprises ont eu moins de poids que les mouvements de défense de l’environnement lors du débat. Jean-Pierre Clamadieu, patron du chimiste Solvay, se veut optimiste. « La transition énergétique peut être un levier de performance écologique et économique », assure le président du groupe de travail énergiedel’AFEP. Il a noté quedans son « paquet énergie-climat », dévoilé le 22 janvier, la Commissioneuropéenneparlait de compétitivité. Et que « les autorités françaises, jusqu’au chef de l’Etat, [avaient] compris que l’énergie [était] un facteur» y contribuant. La loi de programmation, qui engagera la France et ses entreprises pour des décennies, avec des conséquences sur la part du nucléaire, sur celle des énergies renouvelables, sur la question de
l’efficacité et les réseaux « intelligents », devra être « en cohérence avec la politique » définie fin mars, lors du prochain Conseil européen.Surtout,elledevras’opérer « à des coûts acceptables». Or, l’énergie n’a jamais été aussi chère. Depuis 2000, le prix du pétrole a triplé et les subventions aux énergies renouvelables ont explosé. Par ailleurs, les énergéticiens ont dû investir dans le renouvellement des infrastructures.
Le prix des ressources n’a jamais été aussi élevé. Depuis 2000, celui du pétrole a triplé Pour l’AFEP, il est exclu de sortir du nucléaire ou de subventionner massivement et indéfiniment l’éolien et le solaire, comme l’a fait l’Allemagne. « Les renouvelables ont leur place, mais il faut privilégier celles dont le prix converge vers les autresénergies», ditM. Clamadieu. En France, le secteur des « électro-intensifs », soumis à la concurrence, est très exposé. Dans l’Hexagone, une centaine de sites industriels sont concernés; il s’agit d’activités très gourmandes en électricité – aluminium, gaz industriels, chimie, papeterie, sidérurgie. En Allemagne, les exonéra-
tions fiscales ont réduit de 20 % la facture de courant des grands industriels du pays ; elles génèrent un écart qui pénalise les groupes de l’Hexagone. Quant aux « gazointensifs» européens, ils paient la ressource trois fois plus cher que leurs rivaux américains en raison dudéveloppementdesgazdeschiste outre-Atlantique. Les patrons français ne sont pas seuls dans cette croisade. Si l’énergie est trop chère et les contraintes de la lutte contre le changement climatique trop lourdes, les industriels délocaliseront leurs activités, prévenait Lakshmi Mittal, PDG du sidérurgiste ArcelorMittal, dans le Financial Times. C’était le 21 janvier, la veille de la publication des propositions « énergie-climat» de Bruxelles. Les industriels notent que l’Europe est responsable de 12 % des émissionsdegaz à effetdeserre – la France y affiche le meilleur bilan CO2 grâce à son parc nucléaire et à l’hydraulique. Mais ils observent aussi que le Vieux Continent est le seul à s’engager sur un objectif de réduction de ses émissions (– 40 % en 2030 par rapport à 1990)… Ils redoutent que les entreprises supportentla plus grande partiede cet effort. Et, sur le volet énergie, ils regrettent que la Commission de Bruxelles ne fournisse pas d’outils pour améliorer la compétitivité et se contente d’un objectif : l’industrie devra, à terme, peser 20 % du produit intérieur brut européen.
La France a de nombreux atouts économiques et technologiques, dit M. Clamadieu.Elle disposed’un parcnucléaireethydraulique « largementamorti et compétitif» et de filières d’excellence (gaz, pétrole, cogénération…) qui sont portées par de grands groupes et un tissu de PME. Avec le soutien de l’Etat, tous peuvent menerdes actions de sobriété énergétique présentant le meilleur rapport coût-efficacité. Surtout dans le bâtiment et les transports, où le potentiel de progrès est élevé. En revanche, l’AFEP n’attend pas de miracle d’une production de gaz de schiste, interdite par la loi du 13 juillet 2011, même si le recours à cette ressource permettrait de gagner en compétitivité. Comme Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, elle réclame une relance de la recherche et du développement (R& D) pourdes solutionsd’extraction propres. Mais aussi l’aide de l’Union européenne pour la R & D dans les technologies à faibles émissions de CO2. Si l’énergie est une industrie à cycles longs, il lui arrive d’être bouleversée par des révolutions, comme celle des hydrocarbures non conventionnels. M. Clamadieu demande du « pragmatisme » au gouvernement. Le mot que François Hollande a utilisé, en septembre 2013, lors de la conférence environnementale. p Jean-Michel Bezat
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histoire
Samedi 8 février 2014
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En1989,le secrétaireau Trésoraméricain,NicholasBrady,proposeaux pays étranglés par leurscréanciersun programmed’allégementconditionnelen trois points
Mexico-Athènes, vingt-cinq ans de crise de la dette
A
ux pires moments de la crise grecque, certains ont évoqué la nécessité d’un plan Brady pour l’EuropeduSud. Queleplan enquestion, instauré à la fin des années 1980, l’ait été pour résoudre un problème de dette extérieure, c’est-à-dire de pays endettés dans une monnaie qui n’était pasla leur,n’empêchapas de faire le parallèle avec la Grèce, bien que celle-ci soit endettée dans sa propre monnaie, l’euro. Par-delà cette différence majeure, l’esprit du plan Brady est transposable. Son fondement était en effet de faire en sorted’éviterun défautencascade desagents financiersen trouvant un arrangement entre les pays surendettés et leurs créanciers. C’est l’idée que défend en mars 1989, il y a vingt-cinq ans, à l’assembléegénérale du Fonds monétaire international (FMI), Nicholas Brady, secrétaire au Trésordes Etats-Unis,pour trouver une solution durable à la crise d’endettement des pays en voie de développement,notamment latino-américains, qui a débuté à l’été 1982. Après la décision du G7 de Tokyo, en 1979, de se débarrasserde l’inflation,la Réservefédérale américaine (Fed) mène une politique monétaire restrictive. Les taux d’intérêt à court terme, de 7,4 % en 1978, montent à 14 % en 1981. L’Etat mexicain, surendetté, est étranglé par cette hausse.Le gouvernementnationalise des banques au bord de la rupture, ce qui alourdit encore sa dette. L’emballement serait sans conséquence immédiate si celle-ci était en pesos, car la banquecentrale mexicainela rachèterait sans se faire prier. Mais une grande partie est libellée en dollars. Résultat, en juillet 1982, le Mexique ne peut faire face. La chute des dominos s’enclenche. Elle est freinée par l’intervention du FMI, qui prête au Mexique. Mais elle rebondit lorsque des problèmes analogues frappent plusieurs pays producteurs de pétrole (Nigeria, Equateur, Venezuela) pris en tenailles entre la hausse des taux et le contre-choc pétrolier qui réduit leurs recettes en dollars… En 1984, une des principales banquesdeChicago, la Continental Illinois, qui détient un gros paquet de titres mexicains, est au tapis. Elle devrait faire faillite, ruinant ses actionnaires, mais aussi ses créanciers et ses déposants. C’est alors que la Fed intervient, en prêtant à la Continental à hauteur de ses engagements mexicains. A ceux qui s’indignent, elle répond (déjà !) : « Too big to fail » (« trop gros pour faire faillite »). Washington se résout alors à trouver une solutionallant au-delà desinterventions d’urgence. Il revient à M.Brady de la formuler, en trois volets. Le premier est un échange de dettes contre des obligations nouvelles – les « Brady Bonds » – d’une durée allongée à trente anset d’un rendementinférieur à celui des dettes échangées. Les créanciers subissent une perte – le plan leur laisse le choix entre unebaisseducapitalet unebaisse du taux –, mais, en retour, ils récupèrent des titres sûrs. Le deuxième est que les Brady Bonds, exprimés en dollars, sont échangeables sur le marché monétaire américain, et sont acceptés en refinancement par la Fed. En outre, le gouvernementaméricain prend l’engage-
Le feuilleton mexicain 1er septembre 1982 Le gouvernement mexicain nationalise les banques qui ne peuvent plus payer les intérêts trop élevés sur leurs dettes en dollars. Les douze plus grands pays industrialisés apportent un plan d’aide de 1 850 millions de dollars au Mexique. 1986 Nouveau plan de sauvetage, d’un montant total de 12 milliards de dollars sur dix-huit mois, en échange d’un programme de libéralisation économique. La dette mexicaine s’élève à 100 milliards de dollars. 10 mars 1989 Nicholas Brady, secrétaire du Trésor américain, présente le plan qui porte son nom, proposé à l’ensemble des pays endettés du tiers-monde. Juillet 1989 Le Mexique signe avec ses créanciers un accord conforme au plan Brady. Les Philippines font de même en septembre, puis le Costa Rica.
Nicholas Brady sonne l’ouverture du marché à terme de Chicago, le 26 mars 1996. ERIC CHU/NOSOURCE/AP
IL FAUT DONNER DU TEMPS AU SYSTÈME FINANCIER AFIN DE LUI PERMETTRE DE FAIRE LE TRI ENTRE DETTE EXCESSIVE ET DETTE JUSTIFIÉE
ment de se porter acquéreur en cas de vente massive. Le troisième est l’application par les pays endettés des « politiquesd’ajustementstructurel» préconisées par le FMI. Celles-ci associent une contraction à court terme de la demande intérieurepar la hausse des impôts et la baisse des dépenses publiques, pour réduire les importations et améliorer la balance extérieure, à des objectifs de long terme tendant à libéraliser l’économie et à faire reposer la croissance sur la constitution d’un tissu solide d’entreprises. Lebilan duplan seramitigé:plusieurs pays surendettés s’engagentdansl’opération,dontleMexique. Après la chute du mur de Berlin, certaines anciennes démocraties populaires comme la Pologne
bénéficient du dispositif. Au total, 640 milliards de dollars de Brady Bonds sont émis. Le Mexique, qui n’avaitpratiquementplusde réserves de change au printemps 1989, dispose de 30 milliards de dollars au printemps 1994. Mais la crise de change qui survient juste après va à nouveau l’emporter…
D
ans un article d’octobre1998devenuuneréférence, voire une prémonition, Maurice Allais, Prix Nobel d’économie, écrivait à propos de la crise asiatique survenue huit ans après le plan Brady : « De profondes similitudes apparaissent entre la crise mondiale d’aujourd’hui et la Grande Dépression de 1929-1934 : la création et la destruction de moyens de paie-
ment par le système du crédit, le financement d’investissements à long terme avec des fonds empruntés à court terme, le développement d’un endettement gigantesque, une spéculation massive sur lesactionset les monnaies,unsystème financier et monétaire fondamentalement instable. » Les crises qui s’enchaînent depuis celle de 1982 viennent, de fait,d’unexcèsd’endettement.Parler d’excès suppose de raisonner en qualité et non en quantité: une dette excessive est une dette improductive,c’est-à-direune dette qui finance un agent économique qui ne crée pas de richesse. Une dette justifiée est une dette qui finance un entrepreneur créateur de croissance. Le plan Brady, le « haircut »
(décote) de la dette grecque (2011), le « quantitative easing » de la Fed (2010 à nos jours) sont conçus pour donner du temps au système financier afin de lui permettre de faire le tri entre la dette excessive et la dette justifiée. Il serait néanmoins temps de passerde cettelogique du colmatage des brèches à la logique de la construction d’un mur solide, une logique où la dette ne serait pas une fuite en avant mais du temps que l’on se donne pour construire la croissance, et réaliser des « ajustements structurels », selon l’expressiondu FMI aujourd’huiabandonnée. p Jean-Marc Daniel
Jean-Marc Daniel est professeur à l’ESCP-Europe.
Dans les archives du «Monde» | Hegel et les banquiers Dans sa chronique, Paul Fabra commente l’annonce par le Fonds monétaire international d’une « stratégie renforcée de la dette ».
Pas de « fin de l’Histoire » pour la dette
Y
Bien que l’expression de “réduction de la dette” utilisée pour caractériser [cette stratégie] semble bien dire ce qu’elle veut dire, on a de bonnes raisons de se poser la simple question formulée par le célèbre général: “De quoi s’agit-il?” D’abord parce que, subrepticement, on donne à cette expression un sens contraire à la fois à sa définition rigoureuse en langage financier et à l’usage que vous et moi en faisons communément. Si j’ai contracté un emprunt de 300000 francs auprès de mon banquier, ma dette ne pourra se trouver “réduite” que si je lui en rembourse par anticipation, disons, 100 000francs. Il arrive que le contrat initial stipule un tel remboursement partiel avant l’échéance finale. Cela est de pratique courante, y compris dans les affaires internationales. Quand, en 1986, fut montée tambour battant, sous la pression vigilante de l’administration Reagan,
la deuxième ou troisième opération de secours financier au Mexique, ce pays s’engagea formellement à restituer dès 1989 une partie des prêts qui lui étaient derechef consentis. Comme les banques, et pour cause, n’ont rien vu venir quand le moment est arrivé – cette année – pour le débiteur de remplir son engagement, marquons au moins ce petit événement (ou non-événement), malgré sa banalité, par une rectification d’ordre sémantique: le « plan Brady» est un plan non de réduction, mais de remise partielle de la dette. L’appeler par son nom n’a rien de péjoratif. Mais, en évitant de le faire, on ne trompe personne, et en particulier pas les créanciers ni même les actionnaires de ces derniers. Le principe est que, aussi longtemps qu’une dette n’a pas été remboursée, elle reste due. C’est vrai qu’à la faveur des rééchelonnements (ajournement de l’échéance finale), le Mexique, le Brésil et les autres pays débiteurs, si on fait l’addition de tous leurs versements d’intérêts effectués depuis le début, ont déjà « remboursé» deux ou trois fois le montant principal. Mais cette façon de s’exprimer est contraire à la logique financière, voire à l’équité. L’emprun-
teur qui gère correctement ses affaires gardera à sa disposition (et tirera donc profit) du capital qui lui est avancé par le prêteur aussi longtemps qu’il ne l’aura pas restitué à ce dernier. S’il l’a entre-temps dissipé, c’est son affaire. Tant que le prêteur ne sera pas rentré dans ses fonds, il aura droit à toucher les intérêts. Et cela, théoriquement, jusqu’à la fin des temps.
Rêve d’une rente perpétuelle Sous cet éclairage, on comprend pourquoi le rééchelonnement réclamé par les débiteurs incapables de rendre le capital arrangeait aussi les banques créancières, pour autant que le paiement des intérêts n’était pas compromis. D’une certaine façon, cette solution était la meilleure dont ils pouvaient rêver. Inutile pour eux de chercher de nouveaux placements pour un capital qui – chut! – n’existait plus que dans les livres (puisque, dans la réalité, le débiteur l’avait depuis longtemps dépensé): le rééchelonnement relayé par un autre rééchelonnement, c’était le rêve réalisé d’une rente perpétuelle. Et – manne céleste – d’une rente perpétuelle à taux élevé, de l’ordre de 9 % à 10 %. Les intellectuels américains ont passé l’été à discuter de l’article sur
« La fin de l’histoire», publié par un jeune philosophe. La thèse de Francis Fukuyama reprend, en la citant abondamment, celle du philosophe franco-russe Alexandre Kojève. Kojève avait décidé de prendre au mot Hegel et de prouver que celui-ci, après tout, avait raison de soutenir qu’en gagnant la bataille d’Iéna en 1806, sur la Prusse, Napoléon avait scellé la fin de l’Histoire, parce que, en puissance, sa victoire contenait l’homogénéisation de tous les Etats du monde sous l’égide des grands principes de la Révolution française. Pour en revenir à nos banquiers, eux aussi crurent entrevoir un monde où l’Histoire n’existerait plus dans la mesure où la pure logique financière aurait imposé à tout jamais, en tout cas pour longtemps, ses lois. Ils se sont heurtés aux réalités de la politique. Politique qui refuse l’idée d’un temps immobile où les générations futures n’en finiraient pas de payer les intérêts de capitaux gaspillés aussitôt qu’empruntés par une génération de politiciens naguère courtisés par tout ce que New York, Londres, Paris comptaient de banquiers éminents.» p
Paul Fabra
« Le Monde » du 13 octobre 1989 (extraits)
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Samedi 8 février 2014
L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE pa r R i c a r d o H a u s m a nn
L’économie, ça se prévoit
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Ricardo Hausmann,
ancien ministre de la planification du Venezuela et ex-économiste en chef de la Banque interaméricaine de développement, est professeur d’économie à l’université Harvard, où il dirige le Center for International Development
ans Intelligence, son livre pionnier paru en 2005 (Campus Press), Jeff Hawkins propose une nouvelle manière de percevoir la façon dont fonctionne le cerveau humain. Ainsi, selon lui, celui-ci n’est pas une machine de Turing qui manipule des symboles selon une table d’instructions internes, le modèle sur lequel se fondent les ordinateurs et l’intelligence artificielle en général. Il montre que le cerveau est, au contraire, un vaste système de mémoires hiérarchisées, qui enregistre constamment ce qu’il perçoit et prédit ce qui doit advenir. Le cerveau fait des prédictions en établissant des similitudes entre des séquences d’informations sensorielles récentes et des expériences passées stockées dans la mémoire. Il associe des fragments de sons entendus dans un océan de bruits à une chanson connue, ou le visage d’un gamin déguisé à celui de votre enfant. Un concept similaire à la fonction de saisie semiautomatique, comme celle, par exemple, de la fenêtre de recherche Google, qui devine quelle sera la prochaine recherche selon ce qui a déjà été saisi. Pour visualiser comment fonctionne cette hiérarchie, il faut comprendre qu’en percevant quelques lettres seulement, vous pouvez
LES INDÉGIVRABLES | pa r X a v i e r G orce
deviner le mot; en regardant quelques mots, vous pouvez prédire ce que signifiera la phrase, ou même le paragraphe. Le cerveau est donc une machine inductive qui prédit l’avenir en trouvant des similitudes, à différents niveaux, entre le présent et le passé. Cette nouvelle manière de percevoir le fonctionnement du cerveau proposée par Jeff Hawkins a des implications importantes dans plusieurs domaines, y compris celui du développement économique et des stratégies pour y parvenir. Par définition, le développement n’est pas la répétition d’un état donné, tout comme un adulte n’est pas un grand bébé. Le processus de développement comprend l’intégration et la combinaison de nouvelles capacités de façon à pouvoir mener à bien des activités plus variées et plus complexes. L’approche classique du développement économique est analogue à une machine de Turing; elle tente de définir un modèle général du monde – reposant sur des principes fondamentaux – et utilise ce modèle pour cerner les difficultés d’un pays donné ou les effets potentiels d’un choix politique. Mais le monde est souvent trop complexe et subtil pour une telle approche. Ne serait-ce pas une amélioration
substantielle si, en étudiant un endroit précis, nous pouvions avoir à l’esprit toutes les expériences précédentes de la planète et identifier automatiquement les plus pertinentes d’entre elles, de façon à pouvoir en déduire les prochaines étapes? Ne serait-il pas utile d’entrevoir les possibilités de développement tout comme notre cerveau voit le monde? Une approche différente du développement économique, articulée sur la vision de Jeff Hawkins, consisterait à compiler une importante quantité de données et à se demander quelle voie aurait la plus grande chance de réussite dans un pays ou une ville à un moment donné, à la lumière de ce qui y existe déjà et des expériences réalisées à cet endroit et ailleurs. Ce serait un peu comme le système de recommandations d’Amazon.com, qui vous propose de nouvelles lectures en fonction de celles que vous ou d’autres avez déjà commandées.
Prédire les industries pérennes Dans un article récent, mes collègues et moimême avons démontré qu’une telle approche au développement économique est possible. Vous pouvez prédire, dans une ville ou un pays donné, même une décennie à l’avance, quelles industries apparaîtront ou disparaîtront, prospéreront ou déclineront, simplement sur la base de ce qui se trouvait auparavant à cet endroit et ailleurs dans le monde. Les pays ont tendance à développer des industries ayant un lien avec celles qu’ils ont déjà ou qui existent dans des sites géographiques similaires au leur. Nous avons rendu cette analyse par pays plus accessible dans notre récent Atlas of Economic Complexity
(http://www.atlas.cid.harvard.edu/). L’idée d’analyser les expériences passées pour dégager une perspective d’action future est aussi vieille que la civilisation. Sur la base de ce constat, Justin Yifu Lin, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a suggéré que, lorsque les pays examinent la marche à suivre, ils étudient la voie prise par un pays similaire au leur il y a vingt ans et qui a réussi. Mais nous devrions pouvoir faire mieux encore en inventoriant davantage d’expériences, et plus en détail, à l’aide d’une mémoire beaucoup plus vaste capable de trouver un nombre bien plus important de situations dans un éventail également plus grand d’expériences humaines. Ne serait-ce pas utile de comprendre les voies du développement industriel – et ses impasses – qui soient pertinentes pour un pays donné aujourd’hui? Cette nouvelle approche pourrait donner leurs chances de prospérité à un nombre plus élevé de personnes en limitant les risques et périls inhérents à ce genre de quête, de la même manière qu’une carte ou un plan permet de se rendre où l’on veut grâce aux informations qu’il contient. Tout comme les technologies de réalité augmentée enrichissent notre perception du monde (imaginez les retransmissions sportives sans relecture instantanée), mettre toutes les expériences mondiales de développement à la disposition des acteurs du développement est à présent parfaitement faisable. Nous devrions saisir cette occasion. p Traduit de l’anglais par Julia Gallin Copyright : Project Syndicate, 2014. www.project-syndicate.org
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C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUE par Marlène Duretz
Sans fil à la patte
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ujourd’hui, c’est la journée sans téléphone portable, mais qui a vraiment envie de décrocher? », s’interroge sur Twitter @vuduweb ce jeudi 6février, et jour de la Saint-Gaston. Le même Gaston cher à Nino Ferrer et son « téléfon qui son, et y a jamais person qui y répond»! Jusqu’au 8 février – oui, trois jours sans! – « faites en sorte d’être injoignable… 100% libre de vos mouvements sans être esclave de votre Mobilou», incite l’instigateur de ces 14e Journées, Phil Marso, afin d’engager un débat de réflexion autour de cet outil de communication (mobilou.info). «C’est raté pour moi en tout cas», avoue sur la e-place publique @adovox. Selon la dernière enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, « La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française» (novembre2013, bit.ly/1c6H3iK), « 89% des 12 ans et plus sont équipés en téléphone mobile», l’évolution la plus marquante en 2013 étant le taux d’équipement des Français en smartphones, qui a atteint 39% (17% en 2011). Le lien établi Français et leurs « doudous numériques» est étroit. Ils ont ainsi la langue bien pendueet ont passé 231milliards de minutes accrochés à leur télépho-
ne, dont 120milliards depuis leur mobile en 2012, selon l’Arcep. Ils ont aussi envoyé 108SMS par semaine (et même 124 en 2013). Sans compter le temps à naviguer sur Internet depuis leur mobile, à consulter leurs réseaux sociaux, courriels et photos, à utiliser les 32applis qu’ils ont installées en moyenne, dont celle de le transformer en « porte-monnaie mobile », à écouter de la musique ou regarder des vidéos, à jouer à des jeux addictifs… Jusqu’aux réveil et agenda contenus dans le « précieux».
As de la gâchette «On comptera 7 milliards d’abonnements au cellulaire mobile à l’échelle planétaire en 2014», estime l’Union internationale des télécommunications. Et combien de fils à la patte des utilisateurs de sans-fil? Combien de fois les as de la gâchette que nous sommes dégainerons-nous notre indéfectible arme? Et tant bien même elle viendrait à se retourner contre nous: troubles de l’audition, nid à bactéries, tendinite du texto, addiction, troubles du sommeil, radiations… (huff.to/1jihvHi)? «La journée sans téléphone, c’est vraiment un truc de vieux incapables de s’adapter», juge ce jeune nomophobe sur Twitter. A chacun son alibi. p duretz@lemonde.fr
Inclus un tirage
grand format de l’œuvre
Chacun des ouvrages du Musée du Monde vous convie à explorer les secrets d’un chef-d’œuvre de la peinture. Et ainsi, chaque semaine, tableau après tableau, vous composerez votre propre musée imaginaire. 4/10 11/10 18/10 25/10 1/11 8/11 15/11 22/11 29/11 6/12
MONET VAN GOGH VERMEER RUBENS CHARDIN MICHEL-ANGE GOYA KLIMT RENOIR TIEPOLO
Impression, soleil levant Les Tournesols La Dentellière Hélène Fourment au carrosse La Raie La Sainte Famille La Maja nue Les Trois Ages de la femme Bal du Moulin de la Galette L’Immaculée Conception
13/12 20/12 27/12 3/01 10/01 17/01 24/01 31/01 7/02 14/02
GAINSBOROUGH L’Honorable de Mme Thomas Graham DELACROIX La Mort de Sardanapale PIERO DELLA FRANCESCA Conversation sacrée VELASQUEZ Les Ménines GAUGUIN Sur la plage DE LA TOUR Le Tricheur à l’as de carreau BOUCHER Le Déjeuner CANALETTO Le Palais des Doges et la place Saint-Marc DURER Autoportrait tenant un chardon CARAVAGE Corbeille de fruits
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