LE MUSÉE DU « MONDE » EDGAR DEGAS
EN KIOSQUES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE
ZLATAN, BUTEUR LE PLUS GOURMAND D’EUROPE
«Se battre», ou comment filmer la pauvreté CULTURE & IDÉES – SUPPLÉMENT
SPORT & FORME – SUPPLÉMENT
Samedi 1er mars 2014 - 70e année - N˚21498 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Le succès de l’e-cigarette, meilleure ennemie du tabac
Numéro spécial mode
Les photographes stars
t Les marques s’arrachent Jürgen Teller, Paolo Roversi ou Bruce Weber. Enquête
t La consommation de tabac a reculé en France de 6,2 % en 2013 t La cigarette électronique semble plus efficace que les patchs pour arrêter de fumer
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n deux ans, elle est devenue tendance. Des fumerollesmais pas d’odeurs : la cigarette électronique a donné à la « clope » un coup de vieux. Au bureau et dans la rue, les vapoteursne se cachent plus, fiersde leur addiction. Environ 8 millions de Françaisexpérimenteraient l’e-cigarette, tandis que les ventes de
tabac ont reflué de 6,2 % en 2013. Ce phénomène s’explique aussi par la hausse des prix et les campagnes de prévention. Il n’empêche, les addictologues regardent d’un bon œil cette innovation : elle constituerait plutôt une solution de sortie du tabagisme qu’une porte d’entrée. Elle semble plus efficace
que les patchs traditionnels et se révèle de loin beaucoup moins nocive que la cigarette. Le marché de l’e-cigarette est considérable, estimé entre 100 et 200 millions d’euros en 2013 contre 40 millions un an plus tôt. On reste toutefois loin des 18 milliards d’euros que pèse le marché du tabac. p LIRE PAGES 8-9
MATHIEU GALLET PROPULSÉ À RADIO FRANCE M LE MAGAZINE DU « MONDE » ●
t Ancien membre
UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,EN BELGIQUEETAULUXEMBOURG
du cabinet de Frédéric Mitterrand sous Nicolas Sarkozy, Mathieu Gallet, 37 ans, a été choisi par le CSA pour prendre la présidence de Radio France
AUJOURD’HUI Jean-François Copé dénonce « un coup tordu »
t Son passage à la tête
de l’INA, depuis 2010, a autant séduit que suscité la polémique
Mathieu Gallet, en 2013.
LIRE CAHIER ÉCO P. 5
DENIS ALLARD/REA
UK price £ 1,80
INTERNATIONAL Ukraine : Poutine sort de son silence et temporise
Dans un communiqué, le Kremlin fait mine de réduire la crise ukrainienne à un simple problème économique. Il demande à son gouvernement de prendre contact avec le FMI et le G8 pour aider ce pays. La situation reste très tendue en Crimée. LIRE PAGE 2
LE MUSÉE DU « MONDE »
« Les Musiciens de l’orchestre », d’Edgar Degas
Le Monde poursuit son exploration des tableaux qui ont fait l’histoire de la peinture. Cette semaine, une fameuse scène d’orchestre à l’Opéra de Paris.
La forme insolente des équipementiers automobiles français
A la suite de l’enquête du Point, selon laquelle une agence de communication aurait surfacturé l’organisation des meetings de Nicolas Sarkozy en 2012, le président de l’UMP dénonce une manœuvre de déstabilisation.
Renault est à la peine, PSA creuse ses pertes, mais les entreprises qui équipent ces voitures – Plastic Omnium, Valeo ou Faurecia – affichent d’excellents résultats en 2013. Grâce à des produits innovants et à la conquête de marchés.
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Italie: Matteo Renzi doit faire ses preuves
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vec Silvio Berlusconi, la politique italienne était tombée si bas ces dernières années que chaque nouveau premier ministre nommé depuis semble paré de vertus formidables et de talents providentiels, de nature, précisément, à redonner espoir à un électorat désemparé. Mario Monti était le professeur incorruptible, Enrico Letta l’austère persévérant. Matteo Renzi, le dernier en date, apporte, lui, la fougue et la jeunesse.
ÉDITORIAL Avec, en prime, la bénédiction de Tony Blair, qui a appris à le connaître pendant ses vacances en Toscane : « Matteo a le dynamisme, la créativité et la fermeté nécessaires pour réussir », a déclaré l’ancien premier ministre britannique. A 39 ans, le maire de Florence est, en effet, le plus jeune premier ministre que l’Italie ait jamais eu. Cela n’impressionnera sans doute pas les électeurs de l’Hexagone, à qui François Mitterrand avait donné, en 1984, un premier ministre de 38 ans, Laurent Fabius. Mais, dans la Péninsule, ce pays dont le président, Giorgio Napolitano, a 88
ans et où l’on ne peut briguer un siège de sénateur à moins de 40 ans, c’est une révolution. M. Berlusconi a d’ailleurs souligné que le nouveau premier ministre avait la moitié de son âge. Sa jeunesse est un élément important du style et de l’image de Matteo Renzi. Tout comme son goût pour le « changement radical », sans cesse proclamé mais immédiatement contredit par les conditions mêmes de son arrivée au pouvoir : les manœuvres de palais qui lui ont permis d’acculer à la démission Enrico Letta, membre du même Parti démocrate, de centre gauche, pour prendre sa place sont dans la grande tradition politique italienne. Quant à la jeunesse, elle ne constitue pas une politique, et M.Renzi doit désormais faire ses preuves. Contrairement à Laurent Fabius, qui avait déjà été député et ministre lorsqu’il prit la tête du gouvernement,M. Renzi n’a aucune expérience parlementaire ou gouvernementale. Il a déjà dû faire quelques concessions au conservatisme dans la formationde son gouvernement. Avec seize ministres, la parité hommes-femmes et une moyenne d’âge de 47 ans, il est certes parvenu à former une équipe resserrée et rajeunie.
Mais au prix de la reconduction de quelques personnalités qui soutenaient Silvio Berlusconi, dont le ministre de l’intérieur, Angelino Alfano, afin de préserver sa majorité au Sénat. Fidèle à son image, Matteo Renzi veut aller vite. Dans son discours d’investiture, le 24 février, il a présenté un calendrier de réformes très serré, avec l’ambitionde jeter les bases, d’ici au 1er juillet, d’un système politique rénové et de grandes réformes de la fiscalité, de l’administration et de la justice. Européen convaincu, le nouveau premier ministre ne veut plus d’une Italie « à la traîne de l’Europe », « qui pleurniche du matin au soir ». Il veut que l’Italie « soit un lieu d’opportunités». C’est un message qui mettra sans doute du baume au cœur des Italiens : terrassés par la crise de la dette ces dernières années, ils ont besoin d’espérer. Mais M. Renzi doit se méfier des attentes suscitées par sa rhétorique et rapidement étayer celleci par des mesures concrètes, qui font, jusqu’à présent, singulièrement défaut. Sans quoi il pourrait bien devenir une nouvelle étoile filante dans le firmament politique italien. p LIRE LA CHRONIQUE DE FRANÇOISE FRESSOZ PAGE 17
Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 3,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 3,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA
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Samedi 1er mars 2014
Ukraine: le double langage du Kremlin
Moscou affirme que l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne sera pas menacée et poursuit les manœuvres militaires
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ladimir Poutine est sorti de son long silence sur l’Ukraine en publiant, dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 février, un bref communiqué sur le site du Kremlin, dans lequel il s’efforce de circonscrirecette crise à un problèmepurement économique.Le président russe s’est en effet borné à demander à son gouvernement de « tenir des consultations avec ses partenaires étrangers, FMI et G8, pour organiser une assistance financière à Kiev. » Jusque-là, le silence de Vladimir Poutine n’avait d’égal que celui de Barack Obama. La Maison Blanche est manifestement inquiète des événements en Crimée, mais le président n’a pas fait de commentaires publics sur l’Ukraine depuis plusieurs jours. Jeudi, c’est au secrétaire à la défense, Chuck Hagel, qu’il est revenu de lancer
« Nous espérons que la Russie ne verra pas ce qui se passe en Ukraine comme une continuation de la guerre froide. Ce n’est pas “Rocky IV” » John Kerry, secrétaire d’Etat une mise en garde à la Russie. En marge de la réunion des ministres de l’OTAN à Bruxelles, le ministre a plaidé pour « un leadership de sang-froid» et appelé le président russe à « ne pas prendre d’initiatives qui pourraient être mal interprétées». Le Pentagone a en même temps fait savoir qu’il suivait de près les mouvements des troupes russes le long de la frontière ukrainienne. Le secrétaire d’Etat, John Kerry, a de son côté appelé son homologue Sergueï Lavrov. « Nous avons évoqué la situation très tendue qui règne en Crimée », a-t-il indiqué. Surtout, a insisté John Kerry, Sergueï Lavrov a répété que la Russie entendait « respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine». Barack Obama s’est entretenu pendant une heure avec Vladimir Poutine le 21 février. Loin de l’enthousiasme de George W. Bush pour la « révolution orange » et l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, le président américain privilégie la stabilité, ce qui est aussi « dans l’intérêt de la Russie », a insisté John Kerry. L’administrationObama répète sur tous les tons qu’il n’est pas question d’un retour à la guerre froide,contrairementà ce quesem-
Vladimir Poutine devant la tombe du soldat inconnu, dimanche 23 février, à Moscou, lors d’une cérémonie commémorant la révolution de février 1917. MIKHAIL METZEL/ITAR TASS/CORBIS
blent croire nombre de membres du Congrès, et peut-être Vladimir Poutine. « Nous espérons que la Russie ne verra pas ce qui se passe en Ukraine comme une continuation de la guerre froide. Ce n’est pas Rocky IV », a résumé M. Kerry. Comme souvent, Barack Obama est pris en tenailles entre son désir de ne rien faire qui pourrait forcer Vladimir Poutine à un affrontementavec l’ancien rival, et la nécessité de montrer aux Ukrainiens – et à son opinion publique– qu’il est du bon côté de l’Histoire et soutient le combat pour la démocratie. Selon le New York Times, la MaisonBlancheréfléchissaitjustement au moyen de préparer le prochainsommetentreles deuxprésidents quand l’Ukraine a explosé. L’an dernier, Barack Obama avaitannulé sa rencontre avec Vladimir Poutine, en signe de mécontentement envers la posture russe
sur la Syrie. Cette année, le président russe est l’organisateur du G8, début juin à Sotchi. Il serait difficile à M. Obama de boycotter de nouveau le tête-à-tête avec l’hôte du sommet. Même son de cloche à Paris, où l’on se dit peu étonné par les messages contradictoires envoyés par la Russie. « Les Russes jouent toujours un double jeu, souligne une source diplomatique. Après avoir bombé le torse en annonçant des manœuvres militaires près de la frontière ukrainienne, ils s’emploient désormais à dédramatiser pour ne pas nourrir l’escalade. » C’est le message que le Kremlin a fait passer, jeudi, à plusieurs ambassades occidentales à Moscou, en soutenant que la Russie ne remettrait pas en cause l’intégrité territoriale de l’Ukraine. A Paris, on estime que Moscou va continuer à « maintenir deux
fers au feu » et « laisser mijoter» la situation en Crimée, tout en soulignant que les Russes n’ont pas, non plus, « intérêt à ce que l’Ukraine leur claque entre les doigts ». D’abord pour ne pas accentuer l’impact de cette première grande défaite diplomatique de Poutine depuis une décennie. Ensuite, parce que l’effondrement de l’Ukraine aurait immanquablement des répercussions économiques négatives en Russie. Non seulement en raison des liens commerciaux étroits entre les deux pays, mais aussi parce que les banques russes sont très exposées en Ukraine. Quel sera le prix de la retenue apparente de Poutine, alors que la Russieest au cœur du jeu diplomatique sur la Syrie et l’Iran ? « Pour le moment, relève prudemment un diplomate, les Russes ne font pas le lien entre l’Ukraine et d’autres sujets. »
Autant de thèmes qui devraient être abordéspar Laurent Fabius qui doit à nouveau parler, vendredi, avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. La veille, jeudi, le chef de la diplomatie française, en déplacement en Afrique avec le président Hollande, s’est entretenu avec deux figures de l’opposition ukrainienne, Vitali Klitschko, candidat à la présidence de l’Ukraine, et l’ancienne première ministre, Ioulia Timochenko. Il leur a demandéde ne pas « alimenter la tension », en faisant notamment référence à l’abrogation du statut de langue officielle du russe. « Le nouvel exécutif n’est pas le gouvernement d’entente nationale que l’on pouvait espérer », dit-on à Paris, soulignant qu’il est « dominé par les partisans de Mme Timochenko». Les Allemands observent la stratégiedelatensionmenéeparlaRus-
Arsenii Iatseniouk annonce qu’il sera contraint à des mesures impopulaires Kiev Envoyé spécial
Difficile de sourire lorsqu’on prend le gouvernail d’un bateau dont la coque se fend. Jeune (39ans) mais vétéran de la politique ukrainienne, Arsenii Iatseniouk a été confirmé, sans encombre, par la Rada à la tête du gouvernement, jeudi 27février. A l’extérieur du bâtiment, Maïdan, personnifié par des milliers de gens décidés à exercer leur vigilance civique, soufflait dans le dos des députés. On dirait que le discours inaugural du premier ministre fut à la hauteur, plein de lucidité et de courage, si la distance entre les mots et les actes, dans la politique ukrainienne, n’était si abyssale. Arsenii Iatseniouk ne connaîtra pas une seconde d’état de grâce. Il n’aura pas le luxe de tergiverser. Il n’aura aucun allié sûr, ni de rivage salvateur à portée de bras dans les prochains mois, même si la signature de l’accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne constituerait
une avancée majeure. Le nouveau premier ministre ukrainien se retrouve devant trois défis monumentaux, sans ordre de priorité. Trois incendies simultanés qui menacent d’embraser la société. Le premier a trait à l’intégrité territoriale du pays et à la souveraineté nationale. C’est la crise en Crimée. Le chef du gouvernement a expliqué à huit clos, devant son groupe parlementaire, qu’il ne voulait pas employer la force, surtout militaire, car elle risquerait de donner un prétexte d’intervention aux Russes, nous explique Moustapha Djamiliev, député du parti Batkivchtchina, auquel appartient M. Iatseniouk. Cet ancien dissident soviétique, chef de la Majlis (assemblée) des Tatars de Crimée, se dit très inquiet: «Ne rien faire est une démonstration de la faiblesse de l’Etat. Si les Tatars décident de réagir par eux-mêmes, ça va se terminer en bain de sang. » La députée Lesya Orobets, aussi issue du parti qui occupe les postes essentiels du nouveau gouvernement, a passé
une partie de la journée à la Rada à s’entretenir avec les diplomates occidentaux. Son ton est aussi alarmiste: «Ce n’est plus une affaire ukrainienne. La situation est dangereuse pour la stabilité régionale.» Mais le premier ministre, dans son discours d’investiture, a tenu des propos très mesurés vis-à-vis de Moscou. « Russes, ne nous faites
«Russes, ne nous faites pas la guerre. Nous sommes amis» Arsenii Iatseniouk premier ministre ukrainien pas la guerre. Nous sommes amis, nous sommes voisins, nous devons travailler ensemble.» Il a appelé les signataires du mémorandum de Budapest (sur le désarmement du pays, signé en 1994 avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie) à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Le scénario géorgien de 2008 invite au sang-
froid, recommandé par les soutiens occidentaux. « Churchill a dit que la meilleure victoire est celle obtenue à table», résume le tout nouveau premier vice-premier ministre, chargé des organes de sécurité, Vitaliy Iarema. Le deuxième chantier du premier ministre est la situation économique. Le pays « est au bord du gouffre», a expliqué M. Iatseniouk. Dans un premier temps, il a dressé un tableau sombre de la prédation organisée par le régime du président déchu, Viktor Ianoukovitch. La dette a doublé en trois ans, passant à 75 milliards de dollars (55 milliards d’euros) ; les réserves en devises ont fondu à 15 milliards de dollars ; le chômage augmente. Chiffre fracassant : 70 milliards de dollars auraient été détournés vers des zones offshore par les anciens dirigeants, alors qu’il s’agissait de crédits pris sous garantie de l’Etat. Les caisses sont si vides que l’aide internationale espérée ne représenterait qu’un ballon d’oxygène. «Pour surmonter ces difficultés,
a déclaré le premier ministre, nous n’avons d’autre choix que d’adopter des mesures très impopulaires.» Réduction des programmes sociaux, des tarifs préférentiels, des subventions, sauvetage du système financier, diminution sans précédent du train de vie et du périmètre de l’Etat. Si le gouvernement lance ces chantiers en trois mois, d’ici à la présidentielle du 25mai, l’Ukraine connaîtra sa première thérapie de choc, avec ses traumatismes sociaux inévitables. Le troisième chantier d’Arsenii Iatseniouk lui est rappelé par les manifestants devant la Rada, par un mot bien connu dans les pays postcommunistes européens: la « lustration». Il y a une exigence radicale d’épuration des tribunaux, du parquet général, de la police, des ministères, de la Rada même, ce qui passe par des élections législatives anticipées. L’arrivée au sein du gouvernement de plusieurs représentants de la société civile, portés par Maïdan, n’étanchera pas la soif révolutionnaire. p Piotr Smolar
sie avec une certaine inquiétude. En l’absence de Frank-Walter Steinmeier,leministredesaffairesétrangères en déplacement à Washington, le parti social-démocrate est resté étrangement silencieux, jeudi, sur le sujet.
Les Allemands observent la stratégie de tension menée par la Russie avec une certaine inquiétude De son côté, le député Andreas Schockenhoff (CDU), très critique vis-à-vis de Moscou dit « espérer que Poutine bluffe ». « Il s’adresse surtout à sa population et aux Russophones de Crimée. Mais pour nous, ce n’est pas un partenaire constructif. Il est toujours dans une logiquedejeu à sommenulle.Poutine craint le virus de la démocratisation. La crise ukrainienne démontre que la Russie n’exerce aucun pouvoir d’attraction ». Mais comme le dit son collègue, le député Philip Missfelder, responsablepourla politiqueétrangère pour la CDU, « les Russophones dUkraine ne peuvent pas être exclusdu processusencours. La stabilisation pacifique de l’Ukraine ne peut réussir qu’en coopération avec la Russie ». Une idée largement partagée à Berlin. L’ancien ministre des affaires étrangères écologiste, Joschka Fischer, qui faisait jeudi un bref retour sur la scène politique, a estimé quela situationen Ukraineprésentait un « risque énorme » et qu’il y avait « un vrai conflit entre la Russie et l’Union européenne ». Face à un Vladimir Poutine qui veut que la Russie redevienne « une puissance mondiale », l’Allemand juge que « l’Europe défend des valeurs essentielles qui font son attrait. Ce n’est pas qu’un grand marché. Elle doit aussi être un puissance politique. » p Corine Lesnes (à Washington), Frédéric Lemaître (à Berlin) et Yves-Michel Riols (à Paris)
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Samedi 1er mars 2014
Commando fantôme, députés furtifs: une étrange journée en Crimée Les hommes armés qui ont pris le contrôle du Parlement de Simferopol sont demeurés discrets Simferopol (Ukraine) Envoyé spécial
BIÉL.
Des manifestants prorusses, le 27 février, à Simferopol. DAVID MDZINARISHVILI/REUTERS
gesse de Nikita Khrouchtchev. Après la chute de l’empire soviétique, le Parlement local s’était déjà activé pour revenir dans le giron russe, proposition rejetée par Boris Eltsine en 1995.
Référendum Après quelques heures de flottement,Kiev aplacé lesforcesdepolice en état d’alerte. Le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, a demandé à Moscou de maintenir ses militaires dans leur base de Sébastopol, en état de sécurité renforcée depuis la veille. Une enclave de ce port de Crimée abrite les forces russes de la mer Noire. Jeudi matin, quelques-uns de leurs véhicules blindés avaient été vus sur la route de Simferopol. Vers 11 heures, des groupes radicaux prorusses bien organisés rallient le commando invisible. Des membres du Mouvement des Russes de Crimée enfoncentun maigre
cordon de police et occupent la place du Parlement aux cris de : « La mère patrie ou la mort ! », entraînant les passants. Des cars sont affrétésdeSébastopol,lagrandeville de la pointe sud de la péninsule. On acclame chaque arrivée sur la place. Dans le centre-ville, les partisans de Kiev sont invisibles. Les représentants de la minorité musulmanetatare(12% de lapopulation)appellentaucalme.Latélévision communautaire demandera à ses auditeurs de ne pas sortir de chez eux. Alors qu’à Kiev la Rada valide un gouvernement de transition, les lieux du pouvoir de Simferopol sont vides ou inaccessibles: le siège du gouvernement est enfermé dans un vaste périmètre de sécurité. Le local du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch est fermé. Les députés errent quelque part en ville. Nul ne sait où. Selon les manifestants prorusses, dix à quinze d’en-
Kiev accuse Moscou d’« invasion armée »
UKRAINE
M O L D. ROUM.
Mer d’Azov 50 km
CRIMÉE Simferopol Sébastopol Quartier général de la flotte russe de la mer Noire
RUSSIE Novorossiisk Mer Noire 50 km
Le ministre ukrainien de l’intérieur par intérim, Arsen Avakov, a accusé, vendredi 28 février, les forces russes « d’invasion armée et d’occupation » après la prise de contrôle dans la nuit de deux aéroports de Crimée. Selon lui, des unités armées de la flotte russe « bloquent » l’aéroport militaire de Belbek, près de Sébastopol, et ont pris le contrôle de celui de Simferopol.
tre eux (sur cent) parviendront à se glisser dans l’enceinte du Parlement et à déclarer la session ouverte. En fin d’après-midi, on annonce unvote:unréférendumproposant un statut d’autonomie élargi aura lieu le 25mai, jour de l’élection présidentielle ukrainienne. Selon le Parlement, 65 députés auraient participé à la session, et 61 voté pour la tenue du référendum. Par quelle porte seraient-ils entrés, puis ressortis ? Cette petite dame en tailleur rose qui enjambait un reste de barricade entre les pilesduParlement,jeudisoir, étaitelle l’une d’entre eux ? Ont-ils siégé en présence des mystérieux miliciens, peut-être toujours retranchés vendredi matin ? On l’ignore.Reste que, à dix ousoixante et un, les députés ont annoncé un référendum. Une visite du président ukrainien par intérim était annoncée pour jeudi soir par l’ambassadeur ukrainienà l’OTAN.Maiscomment pourrait-il s’exprimer en public ici, où les groupes prorusses sont bien organisésetjouentvite,oùlapopulation russophone, d’ordinaire peu sensible à leurs provocations, ne sait plus à quel saint se vouer ? Dans la soirée, le bureau de la présidence repoussait le voyage, sans plus de précision. Jusque tard le soir, des manifestants restaient autour du Parlement, dans le brouillard. On devinait encore, aux lampes allumées du dernier étage du Parlement, la présence du commando fantôme. p
Chisinau voit dans le vote du Parlement européen un pas vers l’adhésion à l’Union
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lena Manoil a le sourire aux lèvres. Cette étudiante qui va passer sa licence à la faculté de psychologiede Chisinau, lacapitale de la Moldavie, rêve de continuer ses études en Italie ou ailleurs en Europe. Cette perspective lui était fermée dans cette ancienne république soviétique qui n’avait jamais réussi à échapper à la zone d’influence russe. Mais un petit miracle est en train de changer le destin de ce pays grand comme la Belgique, enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie. L’Union européenne (UE) s’apprête à ouvrir ses portes aux Moldaves – dont deux tiers sont roumanophoneset un tiers russophones –, qui attendent ce geste depuis des années. Jeudi 27 février, le Parlement européen a approuvé la suppression des visas pour ceux des quatre millions de Moldaves souhaitant séjourner moins de
trois mois dans un pays de l’espace Schengen. Cette disposition entrera en vigueur après son approbation par le Conseil européen, au printemps. « Nous sommes européens et nous avons notre place dans l’Union européenne, affirme Elena Manoil. Nous en avons assez du communisme, de la corruption et d’une vie sans perspectives. » « Cette décision aura un impact extraordinaire sur nos voisins ukrainiens, a affirmé le premier ministre,Iurie Leanca.Ils vontcomprendreque,si on secomportecomme il faut, l’Union européenne nous traite bien. Regardez les pays de l’Europe centrale, la Roumanie, la Bulgarie, les pays baltes! La perspective d’adhérer à l’UE a été le meilleur levier pour réformer non seulement les élites, mais aussi la société.» Le désir de la Moldavie d’intégrer l’UE est bien accueilli par les institutions européennes, qui encouragent ce pays à se réformer
en vue d’une future adhésion. La signature d’un accord d’association, le 28 novembre en Lituanie, à l’occasion du sommet européen pour le partenariat oriental, a ouvert la voix européenne pour la Moldavie.
Retour des communistes Souvent réduite à la Syldavie de Tintin, qu’elle aurait inspirée, la Moldavie est située au carrefour de l’UEet de l’ancien espacesoviétique. L’indépendance obtenue en 1991 ne lui a pas permis de s’ancrer à l’Ouest. La vieille garde communiste a contrôlé le pays jusqu’en 2009, avant d’être balayée par une révolte populaire. Cependantla coalitionproeuropéenne qui gouverne la Moldavie va se trouver confrontée cet automne à des élections législatives où les communistes sont en bonne position. Les réformes que le gouvernement a mises en œuvre n’ont pas encore eu d’effet sur le niveau de vie des Moldaves,
e tapis rouge avait été déroulé.Jeudi27février,AngelaMerkel a eu l’honneur plutôt rare de s’exprimer devant les deux Chambres réunies du Parlement britannique, à Londres, avant de déjeuner avec David Cameron et deprendrele thé avecla reined’Angleterre. Si la chancelière allemande avait été chef de l’Etat, il se serait agi d’une visite d’Etat, le plus haut niveau protocolaire. Malgré les honneurs, Angela Merkel n’a pas fait de geste significatif envers Londres. Le RoyaumeUni espère entamer des renégociations pour rapatrier des pouvoirs de Bruxelles, en vue d’un référendum sur le maintien du pays dans l’Union européenne (UE) en 2017. Mais la chancelière a refusé de faire la moindre promesse. Commençant son discours en anglais, pour être sûre que le message passe, elle a prévenu : « Certains attendent quemondiscoursindiquelechemin d’uneréformefondamentaledel’architecture européenne, qui satisferait toutes sortes de demandes britanniques, réelles ou imaginées. J’ai bien peur que vous ne soyez déçus.» Bien sûr, la chancelière a su se montrer diplomate: « On a besoin d’une Grande-Bretagne forte avec unevoixforteà l’intérieuredel’UE.» Contrairement à François Hollande, beaucoup plus sec sur la question,elle laisse mêmeentendreque des compromis sont possibles pouraiderleRoyaume-Unià nepas quitter l’Union. Mais elle n’a pas précisé lesquels et sa solidarité est limitée. « Je crois sincèrement que des solutions peuvent être trouvées à certaines requêtes. Mais ce ne sera pas facile », a-t-elle ajouté pendant la conférence de presse. A la place de gestes spécifiques, Mme Merkel s’est contentéede généralités allant dans le sens britannique d’un appel à des réformes libérales:«Nousdevonschangerl’Europe pour nous adapter à notre temps.» Elle a souhaité l’accélération des négociations vers un accord de libre-échange entre l’UE
et les Etats-Unis. Elle a souhaité un allégement des contraintes administrativessur lesentreprises.Ellea insisté égalementpour une Europe des Etats qui ne laisse pas trop de poids aux instances de Bruxelles. Mme Merkel s’est donc affichée comme une alliée du RoyaumeUni, mais a minima. « L’Allemagne ne gardera pas le Royaume-Uni [dans l’UE] à n’importe quel prix», estime Thomas Raines, chercheur au think tank Chatham House. Selon lui, la prudence de la chancelière s’explique par le fait que David Cameron n’a pas dévoilé son jeu. Le premier ministre britannique n’a pas précisé quels pouvoirs il entend rapatrier de Bruxelles. De plus, rien ne garantit sa réélection lors des législatives de 2015, auquel cas le référendum promis pourrait ne pas avoir lieu.
Chèque en blanc Angela Merkel ne pouvait donc pas signer un chèque en blanc promettant de grandes renégociations. A une époque, la chancelière avait évoqué l’idée d’un nouveau traité européen et David Cameron espérait y trouver l’occasion d’un compromis.Cette idée est enterrée, en partie à cause du processus de ratificationtrès compliquéà VingtHuit, et parce que la chancelière craint que les demandes de Londres ne compliquent trop le jeu. Il ne s’agit pas néanmoins d’une fin de non-recevoir de la part de Mme Merkel. Mais son discours est une déception du côté britannique, notamment parce que Downing Street avait imprudemment faitmonterla pressioncesderniers jours, désignant l’Allemagne comme sa principale alliée en Europe. Les relations germano-britanniques restent pourtant très bonnes, contrastant avec celles que David Cameron entretient avec le présidentfrançais.Lorsdusommetfranco-britannique du 31 janvier, M. Hollande avait été reçu sur une base militaire avant d’être emmené dans un pub désert de l’Oxfordshire.Cequin’estpastoutà fait pareil qu’un thé à Buckingham. p Éric Albert
Louis Imbert
LesMoldavesdispensésde visapourentreren Europe Chisinau Envoyé spécial
Devant le Parlement britannique, la chancelière a plaidé pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union
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Kiev UKRAINE
AngelaMerkeldoucheles espoirsdeLondrespourune réorganisationdel’Europe Londres Correspondance
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vant l’aube, vers 4h30 jeudi 27 février, Vladimir a vu trois bus se garer le long duParlementde Crimée,à Simferopol. Un commando d’une cinquantaine d’hommes en est descendu au pas de charge. Le jeune homme occupait la cour du Parlement «pacifiquement» depuis quelques heures. Il voulait l’autonomie de sa région. Le commando a enfoncé ses palissades. Selon la présidence, ces hommes étaient équipés d’armes automatiques,d’explosifsetdegrenades. Certains portaient des gilets pare-balles et des valises, selon Vladimir : « Ils nous ont dit de ne pas bouger, qu’il ne nous arriverait rien. Ils étaient efficaces, très organisés. Ils ont brisé les portes du Parlement et, en cinq minutes, ils avaient fait sortir les gardes, mains sur la tête. Puis ils se sont barricadés» dans le Parlement et les bâtiments gouvernementaux attenants. Le commando lève un drapeau russe sur le toit du bâtiment, octogone de béton dressé sur une cour ouverte, sur piliers, soviétique en diable. Puis il se mure dans le silence. Pas de revendication officielle, pas de porte-parole, pas même une ombre aux fenêtres. Le premier ministre de la région, Anatoly Mogilyev,fera savoir plus tard qu’il a tenté une négociation. Il s’est entendu répondre que le groupe «n’était pas autorisé à négocier ni à présenter des exigences». Jeudi, le Parlement régional étaitsupposétenir sapremièresession depuis la chute du gouvernement de Kiev, dont il n’a pas reconnu la légitimité. Ces députés incarnent le statut de république autonome dont jouit la région au sein de l’Ukraine. Leur péninsule, peuplée à 60 % de Russes, s’est détachéeen1954delaRussiesurunelar-
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dont le salaire moyen est d’une centained’euros. De son côté, Moscou n’entend pas rester les bras croisés face à son ancien satellite qui s’ouvre à l’Ouest. Depuis le début de l’année, quelques dizainesde milliersde Moldavesquitravaillaient en Russie ont été expulsés sans trop d’explications. Cette décision risque de toucher les 250 000 Moldaves employés par la Russie. De retour au pays, sans travail, ils serontnon seulementune charge de plus pour le maigre budget de l’Etat, mais aussi une petite bombe électorale, car ils voteront pour les anciens communistes. Un retour dans le giron de la Russie n’est pas à exclure mais, étant donné le contexte ukrainien, les Moldaves proeuropéens se disent prêts à faire leur révolution à eux. « Il n’y a pas de retour possible, lance Elena. Si les communistes reviennent, nous ferons comme les Ukrainiens.» p Mirel Bran
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international & planète ÉTATS-UNIS
Unespioncubainlibéré aprèsdix-septansde prison
WASHINGTON. Fernando Gonzalez, l’un des cinq agents des services secrets cubains condamnés à de lourdes peines pour espionnage aux Etats-Unis, a été libéré de prison, jeudi 27 février. A Cuba, la propagande officielle les présente comme les « cinq héros». Gonzalez est le deuxième d’entre eux à être libéré, après avoir purgé la quasi-totalité d’une peine de dix-sept ans et neuf mois de prison. Il sera renvoyé dans son pays d’origine. Un autre des « cinq», René Gonzalez, avait été libéré en 2013. Arrêtés en 1998, ils avaient été lourdement condamnés par un tribunal de Miami, en Floride. La Havane a admis qu’ils étaient des agents de ses services secrets, mais prétend qu’ils avaient infiltré les milieux anticastristes de Floride pour prévenir des actes de terrorisme contre Cuba. – (AFP, EFE.) p
Centrafrique L’Union européenne estime qu’elle pourra envoyer des troupes en avril
BRUXELLES. A l’issue d’une conférence dite de « génération de forces», jeudi 27 février à Bruxelles, l’Union européenne a estimé qu’elle sera « dans les temps» pour l’opération militaire en Centrafrique. « L’objectif d’une capacité opérationnelle à la fin mars est toujours d’actualité», a affirmé le général Philippe Pontiès, qui commande l’opération. Il faudra ensuite lancer définitivement Eufor-RCA et, ensuite, en organiser le déploiement. Lequel devrait atteindre « sa pleine capacité» à la fin avril, soit « 800 à 1 000 soldats». « Tout chiffre au-delà de cette barre serait fantaisiste», a souligné le général.
Ouganda La Banque mondiale suspend un prêt après le durcissement de la loi anti-homosexualité
WASHINGTON. La Banque mondiale a reporté sine die, jeudi 27 février, le versement d’un prêt de 90 millions de dollars (66 millions d’euros) à l’Ouganda après l’adoption d’une loi controversée réprimant l’homosexualité, a annoncé un porteparole de l’institution. Depuis lundi, l’Ouganda a durci sa législation contre l’homosexualité, déjà passible de prison à vie dans le pays, en interdisant sa « promotion» et en rendant obligatoire la dénonciation de toute personne s’affichant comme gay. – (AFP.)
Chine Démantèlement d’un trafic de nourrissons
PÉKIN. La police chinoise a procédé à près de 1 100 arrestations et sauvé 382 enfants dans le cadre d’une opération nationale contre des réseaux de trafiquants d’enfants en bas âge, rapporte la presse officielle locale, vendredi 28 février. La justice chinoise avait condamné, en janvier, à la réclusion à perpétuité un médecin de la province du Shanxi (nord-ouest) qui avait vendu sept nouveau-nés entre 2011 et 2013. Le praticien avait vendu les nourrissons pour des prix allant jusqu’à 21 600 yuans (environ 3 600 euros). – (Reuters.)
Samedi 1er mars 2014
Le narcotrafic dévaste les forêts tropicales d’Amérique centrale Au Honduras, au Guatemala et au Nicaragua, les parcs nationaux sont balafrés par les pistes d’atterrissage et les routes clandestines construites pour acheminer la drogue vers les Etats-Unis Mexico Correspondance
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oauteure d’une étude inédite sur le fléau méconnu de la « narco-déforestation », Kendra McSweeney, géographe à l’université d’Etat de l’Ohio, aux Etats-Unis, ne mâche pas ses mots. Selon elle, « le narcotrafic provoqueun désastreécologiqueen Amérique centrale ». Publiées fin janvier dans la revue scientifique américaine Science, les conclusions accablantes du rapport, intitulé« Drug policy as Conservation policy: Narcodeforestation », seront au cœur desdébatsdu Congrèsmésoaméricain des aires protégées, organisé du 18 au 21mars au Costa Rica. Vues du ciel, les forêts tropicales du Honduras, du Guatemala et du Nicaragua sont balafrées par les pistes d’atterrissage et autres routes clandestines construites parles narcotrafiquantspour acheminer la drogue vers les EtatsUnis, premier marché mondial. « Ces zones écologiques protégées sont devenuesles plaques tournantes de la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud », s’inquiète Kendra McSweeney, qui précise que la déforestation annuelle a plus que quadruplé au Honduras entre2007 et 2011, alors que le trafic de drogue s’y intensifiait. Rien qu’en 2011, 183 km2 de forêts ont été détruitsà l’estdupays,notamment
Questions de priorité Question de dignité
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Des soldats guatémaltèques surveillent la destruction d’une piste d’atterrissage clandestine, en 2006, dans le parc national de la Laguna del Tigre, près de la frontière mexicaine. MOISES CASTILLO/AFP
dans la réserve de biosphère de Rio Platano, patrimoine mondial de l’Unesco. « Le phénomène accentue les pertes de couverture végétale liées notamment à l’exploitation forestière illégale», souligne-t-elle. Pire, les narcotrafiquants blanchissent leurs profits illicites dans l’élevage de bétail et la production intensive d’huile de palme. « Il est pourtant interdit de construire des fermes au sein d’aires protégées », rappelle Mme McSweeney, quidénoncela corruptiondesfonctionnaires locaux et la faiblesse des institutions publiques.
« L’effet cafard » Mêmes ravages dans les réserves et parcs nationaux du nord du Guatemala et du nord-est du Nicaragua: « Les gardes forestiers sont trop peu nombreux et mal équipés pouraffronterlaforcede frappedes narcotrafiquants dans ces régions reculées et pauvres, propices aux trafics illicites, déplore Matthew Taylor, un autre auteur du rapport. D’autant que l’argent sale des cartels dope l’activité des spéculateurs fonciers et des trafiquants de bois. » Ce géographe de l’université de Denver (Colorado) précise que dans le parc national de la Laguna
del Tigre, au nord-est du Guatemala, la déforestation a augmenté de 5 % à 10 % en sept ans. Le phénomène coïncide avec la guerre contre le narcotrafic lancée fin 2006 par l’ancien président mexicain Felipe Calderon (2006-2012), avec le soutien des Etats-Unis. « Sous la pression militaire exercée au Mexique, les cartels se sont déplacés vers le sud », analyse Matthew Taylor. C’est le fameux « efecto cucaracha » (« effet cafard »), en référence à l’instinct de survie de l’animal qui, chassé d’une maison, se réfugie dans les demeures voisines. A l’instar du puissant cartel de Sinaloa, dirigé par Joaquin Guzman Loera, alias « El Chapo », jusqu’à son arrestation le 22 février, les mafias mexicaines ont étendu leur influenceen Amérique centrale, en lien avec les gangs locaux. Pour Mme McSweeney, « la narcodéforestation permet aux cartels d’occuper des territoires au détriment de leurs concurrents. Si ça continue, les coupes rases vont affecter le reste du corridor biologique mésoaméricain, qui va du Panama au Mexique ». Les communautés indiennes qui peuplent ces aires protégées
sontlespremièresvictimesduphénomène. « Les Indiens sont chassés de leurs terres ou recrutés, de gré ou de force, par les narcotrafiquants pour réaliser les coupes forestières ou travailler dans leurs fermes », déplore M. Taylor, qui précise que l’omerta règne, au sein des populations locales et des institutions pour la protection de l’environnement, par peur des représailles. En face, les gouvernements des pays d’Amérique centrale multiplient les saisies de drogue avec l’aide des Etats-Unis. Les forces armées honduriennes ont annoncé, en octobre 2013, la destruction dedix pistesd’atterrissageclandestines dans la région de la Mosquitia (nord), où se trouve la réserve de biosphère de Rio Platano. « Cette stratégie uniquement répressive ne réglera pas le problème», critique Mme McSweeney. Lors du futur Congrès mésoaméricain des aires protégées, la géographe souhaite lancer un appel aux dirigeants régionaux pour repenser la lutte contre le narcotrafic, comme unproblèmedesantépubliqueaux effetsdévastateurssurl’environnement. Pour la géographe, « l’avenir de la biodiversité en dépend». p Frédéric Saliba
L’honneur retrouvé de Christian Wulff
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’accusé est relaxé. » Trois mots ont suffi à la justice allemande pour clore jeudi 27 février une affaire qui a passionné le pays durant deux ans et coûté son poste à un président de la République. Vêtu d’un costume et d’une cravate bleu clair, Christian Wulff s’est dit quelques minutes plus tard « soulagé ». Pour éviter tout triomphalisme, ce quinquagénaire a prétexté devoir retrouver ses deux jeunes enfants pour ne pas répondre aux journalistes massés devant l’entrée du tribunal d’Hanovre (Basse-Saxe). Depuis plusieurs jours, le verdict ne faisait à vrai dire guère de doute. Lors de son ultime intervention le 20 février, le procureur – qui s’est montré particulièrement pugnace pendant tout le procès – n’avait même pas réclamé de peine, mais souhaité la poursuite de l’enquête pour chercher encore et toujours de nouvelles preuves. Mais le juge n’a pas été convaincu. Malgré quarante-six témoins appelés à la barre, l’accusation n’a pas pu prouver que lorsqu’il était ministre-président de la BasseSaxe, en 2008, Christian Wulff avait, en échange d’un séjour à la Fête de la bière de Munich, aidé
un ami, le producteur de cinéma David Groenewold, à obtenir des financements de Siemens pour l’un de ses films. David Groenewold a également été relaxé. Lecas échéant, le scandale aurait été de toute façon assez relatif: la somme en jeu ne dépassait pas720 euros.
Pressions contre « Bild » Pourtant, lorsque l’affaire a éclaté en décembre 2011, les sommes en jeu étaient bien plus considérables. Christian Wulff était accusé par la presse d’avoir acheté sa maison grâce à un prêt consenti par de riches amis. Plus que ce prêt – accordé devant notaire –, ce sont les pressions de Christian Wulff, devenu président de la République en juin 2010, qui avaient choqué l’opinion et les médias. En voyage à l’étranger, celui-ci n’avait pas hésité à menacer le rédacteur en chef de Bild d’entrer « en guerre» contre le quotidien si celui-ci faisait état de ce prêt, légal mais non déclaré devant le Parlement de BasseSaxe comme il aurait dû le faire. A la suite de la révélation de cecoup de téléphone, les médias se sont acharnés sur Christian Wulff, soupçonné d’avoir vécu aux crochets de riches amis
durant les années qui ont précédé sonélection à la présidence de laRépublique. Face à la multiplication des attaques, Christian Wulff a démissionné de ses fonctions le 17février 2012. Quelques mois plus tard, on apprenait que sa jeune épouse, la très médiatique Bettina Wulff, demandait le divorce. Si, initialement, vingt et unecharges pesaient contre cet ancien responsable de la CDU, celles-ci ont été abandonnées. Lors de l’ouverture du procès, en novembre2013, il n’était déjà plus question de « corruption» mais de « trafic d’influence». Sûr de son bon droit, Christian Wulff avait d’ailleurs préféré être le premier président jugé devant un tribunal plutôt que conclure un accord à l’amiable avec le parquet, comme celui-ci le lui proposait. Celui-ci a désormais une semaine pour éventuellement se pourvoir en cassation. Mais d’ores et déjà Christian Wulff a commencé une nouvelle carrière dans un cabinet d’avocats et, jeudi, plusieurs journaux, notamment le Spiegel, publiaient des articles qui pouvaient apparaître comme des mea culpa. p
Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
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Samedi 1er mars 2014
Grèves à répétition dans une Egypte en plein marasme économique Depuis quinze jours, ouvriers, postiers, éboueurs, médecins ou chauffeurs de bus sont dans la rue Le Caire Correspondance
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Désespoir quotidien au camp de Yarmouk, près de Damas DANS UN PAYSAGE d’immeubles éventrés par les bombardements, une marée humaine s’étire à perte de vue pour converger vers un point que l’image ne montre pas : un lieu de distribution de rations alimentaires. La scène se déroule à Yarmouk, camp palestinien situé à une poignée de kilomètres du centre de Damas. Elle a été photographiée par un membre de l’Agence des Nations unies chargée de l’aide aux réfugiés palestiniens, l’UNRWA, qui, à la faveur d’une « trêve » négociée entre l’armée de Bachar Al-Assad et les rebelles retranchés à l’intérieur du camp, achemine, depuis le 18 janvier, du ravitaillement auprès d’une population affamée par plus de six mois de siège. Comme ailleurs en Syrie, la famine est utilisée comme arme de guerre contre les rebelles mais dont les seules victimes sont les civils. Des familles sont réduites à se nourrir de plantes, le kilo de riz se marchande 50 dollars (36,44 euros), la malnutrition et la poliomyélite font leur retour… Les témoignages recueillis depuis le début du siège auprès des habitants qui sont parvenus à fuir Yarmouk disent l’étendue du désastre humanitaire.
Yarmouk ne dispose pas d’une base arrière rurale qui pourrait pallier le manque de nourriture. Ce n’est d’ailleurs un « camp » que de nom. Etabli dans les années 1950, il a depuis longtemps été intégré au tissu urbain de la capitale syrienne. Sa situation revêt aujourd’hui un enjeu stratégique: c’est un sas d’entrée vers Damas pour les rebelles et un verrou à contrôler pour le régime. Les scènes de désespoir qui proviennent de ses ruines cachent ainsi une odieuse réalité : quelques rues plus loin, les habitants mangent trois fois par jour. D’autres photos de Yarmouk ont circulé : des immeubles détruits, des corps faméliques. Aucune n’avait suscité l’émoi qu’a provoqué celle de l’UNRWA. Prise le 31 janvier mais rendue publique mercredi 26 février, cette image a provoqué des réactions en cascade sur les réseaux sociaux. Notant un « réveil des consciences », la BBC lui a consacré une émission intitulée « Yarmouk changera-t-il quelque chose en Syrie ? » Plus prosaïque, l’UNRWA a précisé que, face aux besoins, l’aide alimentaire ne représentait qu’une « goutte d’eau dans un océan ». p Cécile Hennion UNRWA/AFP
En Thaïlande, la première ministre tient tête à la justice et aux manifestants Les violences s’intensifient à Bangkok, où l’on dénombre 22morts et 700blessés depuis une semaine Bangkok Correspondant
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epuis le samedi 22 février, il ne se passe guère plus d’une journée sans que des grenades explosent ici ou là dans Bangkok ou que des coups de feu soient tirés en ville alors que l’interminable mouvement antigouvernemental destiné à pousser le gouvernement à la démission entre bientôt dans son cinquième mois. Le bilan de ces violences sporadiques, notamment en raison de la volonté gouvernementaled’éviter tout dérapage, s’élève désormais à 22 morts et 700 blessés. Mais, depuis une semaine, la situation s’est détériorée. Samedi, des tireurs inconnus ont fait feu sur la foule de manifestants dans un district de l’est du pays, tuant deux enfants. Le lendemain, deux autres enfants, un frère et une sœur âgés de 4 et 6 ans, sont morts après l’explosion d’une grenade sur un lieu de manifestation situé en plein centrede Bangkok,près d’une galerie commerciale très fréquentée. Tard dans la nuit du même jour, une vingtaine de grenades ont explosé dans le grand parc Lumpiniqui sertde campementà des centaines de protestataires venus du sud du pays, l’un des bastions de l’opposition. Et, mercredi, trois autres attaques à la grenade ont visé des bâtiments gouvernementaux et des sites de manifestation. La Thaïlande connaît son plus grave épisode de violences depuis le massacre d’autres manifestants
en 2010, quand la répression militaire avait occasionné la mort de plus de 90 personnes et fait des centaines de blessés. A l’époque, les manifestants, autoproclamés « chemises rouges », demandaient le retour au pays de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, que l’armée avait renversé en 2006. Aujourd’hui, alors que les élections de 2011 ont porté au pouvoir Yingluck Shinawatra, la sœur de l’ancien chef de gouvernement qui est toujoursen exil à Dubaï, ce sont les adversaires des « chemises rouges » qui s’efforcent de bloquer une partie de Bangkok pour forcer la première ministre au départ. Mais cette dernière s’accroche à ce qui subsiste de son pouvoir en lambeaux, le gouvernement assiégé n’ayant plus que le statut d’« intérimaire » depuis que des élections législatives anticipées organisées pour désamorcer la crise – en vain – ont été organisées le 2février. Mme Shinawatra a cependant quitté récemment la capitale pour le nord du pays, l’un des fiefs des « chemisesrouges » et région d’origine de sa famille. La Thaïlande semble désormais flotter en état d’apesanteur, dirigée par un gouvernement fantôme, « protégée » par une police peu désireuse de se confronter aux manifestants et surveillée par une armée que certains souhaiteraient bien voir fomenter un nouveau coup d’Etat pour être débarrassés de l’héritière de Thaksin. Ce que les manifestants reprochent à cette dernière, c’est de diri-
ger un gouvernement marqué par le népotisme et la corruption. Ce qu’ils veulent, c’est la suspension du système démocratique et son remplacement par un « conseil du peuple » non élu et à la définition des plus floues. Les opposants sont emmenés par Suthep Thaugsuban, un ancien vice-premier ministre au passé entaché par des affaires de corruption, comme son ennemi Thaksin. Mais il s’est affirmé, de jour en jour, comme un orateur charismatique dont les discours font vibrer les foules de la classe moyenne et supérieure, principaux soutiens du mouvement.
Le bilan des violences sporadiques est le plus lourd depuis la répression militaire, en 2010, de la protestation des «chemises rouges» Le chef d’état-major des armées, le général Prayuth Chanocha, apparaît cependant de moins en moins déterminé à fomenter un coup d’Etat, une perspective à laquelle il avait luimême fait allusion il y a quelques semaines. Lundi, le militaire a prononcé un discours alarmant sur une chaîne de télévision, redoutant que le pays soit au bord de « l’effondrement». Un discoursquecertains analystes ont jugé marquer un soutien
relatif à un gouvernement auquel l’armée est normalement hostile, puisqu’il est dirigé par la sœur d’unpremierministreque les militaires ont renversé. De son côté, le chef de la sécurité intérieure, Tarit Pengdith, a prévenu, mardi, lors d’un discours lui aussi télévisé,que la situation pouvait dégénérer en « guerre civile ». De nombreux analystes estiment qu’une sortie de crise par le biais d’un « coup d’Etat judiciaire» est l’une des hypothèses les plus probables.Toutes lesgrandesinstitutionsadministrativeset judiciaires sont en effet considérées comme hostiles au gouvernement de Yingluck et de son frère Thaksin, qui était par ailleurs la bête noire du palais royal et du souverain, le roi Bhumibol. La convocation, jeudi, par l’agence anticorruption, de la première ministre pourrait s’inscrire dansun tel scénario.Il lui est reproché sa négligence à propos d’un programme de subventions aux riziculteurs. Cette initiative populiste a été marquée par la corruption et la mauvaise gestion, provoquantnotammentl’accumulation de stocks invendables. Si la première ministre était déclarée coupable, elle devrait démissionner et serait bannie de lavie politique.Ellene s’estpasrendue à la convocation judiciaire, se contentant d’envoyer son avocat. Etelle tient tête. « Je reste la première ministre de ce gouvernement, a-t-elle encore répété il y a quelques jours, je suis là pour être la garante de la démocratie.» p Bruno Philip
del Magdi a les mains abîmées et les yeux cernés. Agé de 28 ans, il travaille depuis huit ans pour Nile, la compagnie publique de construction de ponts et chaussées : « J’ai une femme et une fille à nourrir, un loyer à payer. Comment faire avec mes 850 livres [90 euros] mensuelles ? J’ai un deuxième travail, je n’ai pas le choix!» Ouvrierdans le BTPde huit heures du matin à trois heures de l’après-midi, il est organisateur de mariages sur son temps libre. Durantquinzejours,aucunbulldozer n’a franchi le portail de cette entreprise située dans la banlieue nord du Caire. La demande des ouvriers est claire : l’instauration du salaire minimum fixé par les autorités à 1 200 livres (135 euros). «Nos conditions de travail sont très dures et nos heures supplémentaires restent impayées », détaille Ahmed Qotb, 31 ans, porte-parole du mouvement. « Même le salaire minimum, c’est encore trop peu ! Il faudrait 2 000livres au moins pour vivre décemment.» Jeudi 27 février, les ouvriers de Nile ont obtenu une revalorisation de 35 % de leur salaire de base, sachant que celui-ci ne dépasse pas 300 livres, le reste étant constitué de primes. Présentée comme la mesure sociale phare du gouvernement intérimaire, issu du coup d’Etat militaire de juillet 2013 contre les Frères musulmans, la loi sur le salaire minimum devait entrer en vigueurle 1er janvier 2014. Ironie du sort, le premier ministre Hazem Al-Beblawi a annoncé sa démission lundi 24 février, geste politique en partie imputé à la crise sociale qui traverse le pays. « Contrairement à ce qui était annoncé à l’automne, le salaire minimumne concernepas l’ensemble des acteurs du public, mais les fonctionnaires seulement », précise Dalia Moussa, chercheuse du Centre pour les droits économiques et sociaux au Caire. « La loi a été élaborée dans l’opacité la plus totale, avec les chefs d’entreprise et
le Syndicat national,acquis au gouvernement.Du coup, elle a été vidée de sa substance.» A la demande du patronat, la mesure ne s’applique pas non plus au secteur privé. Selon les dispositions finales du texte, un employé du secteur public sur cinq est concerné par le salaire minimum. La demande ne date pas d’hier : elle était l’une des revendicationsdes 22 000ouvriers de l’usine nationale de textile de Mahalla, située dans le Delta, qui exigeaient, en 2007, un revenu plancher à 1200livres.
Ultralibéralisme féroce Les révolutionnaires du 25 janvier2011, qui demandaientdu pain et de la justice sociale, se sont heurtés à un mur. Trois ans et trois régimes plus tard, le montant du salaire minimum est dérisoire dans un contexte d’inflation galopante où les loyers atteignent facilement les 600 livres dans les quartiers les plus populaires de la capitale. La grogne sociale a gagné de nombreux acteurs du public, tous d’accordsurl’urgenced’unerevalorisationdessalaires.Médecins,postiers, éboueurs, ouvriers : ils sont plusieurs dizaines de milliers à avoir rejoint la mobilisation ces deux dernières semaines. Récemment, ce sont les chauffeurs de bus duCaire qui ont débrayé. Un mouvement de grève que le ministère de la défense s’est employé à briser. Mardi, l’armée a affrété des dizaines de bus, assurant vouloir faciliter le quotidien des usagers et désengorger la capitale. Malgré un contexte social explosif,il n’est pas sûr que les grévistes soient entendus. Le nouveau premier ministre, Ibrahim Mahlab, les a appelés à « contribuer à la construction et non à la démolition du pays ». Partisan de réformes ultralibérales, issu des milieux d’affaires qui tenaient l’Egypte sous Hosni Moubarak, cet ancien PDG d’Arab Contractors, première entreprise publique de construction, ne semble pas vouloir se démarquer de ses prédécesseurs. p Marion Guénard
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Samedi 1er mars 2014
Copé fragilisé, l’UMP en proie à ses démons
Mis en cause par l’hebdomadaire «Le Point», le patron du parti de droite dénonce «un coup tordu»
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n coup tordu », « un tissu d’amalgameset de mensonges ». Toute la journée de jeudi 27 février, Jean-François Copé a contre-attaqué, se posant en victime « d’une manipulation» ourdie par Franz-Olivier Giesbert, patron du Point qui serait « parti en croisade » contre lui. La voix blanche, le patron de l’UMP décortique la longue enquête de l’hebdomadaire qui met en cause Bygmalion, la société de communication fondée par deux de ses anciens collaborateurs, Bastien Millot et Guy Alves. Selon l’hebdomadaire, l’agence aurait surfacturé l’organisation desmeetingsde lacampagneprésidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 pour monter « une machine de guerre » électorale à son profit. Huit millions d’euros auraient été récoltés. Les soupçons ne sont pas nouveaux. En 2012, Le Canard enchaîné avait relevé les importants contrats consentis par l’UMP à cette société. En interne, François
«Ladroitefait bloc, c’estl’unionsacrée. Avantlesmunicipales, personnen’aintérêt àdéterrer lahachedeguerre» Jean-François Copé président de l’UMP
Fillon avait tenté en vain, à l’été 2013, d’obtenir la transparence sur les comptes. Au plus fort de la guerre Copé-Fillon, le trésorier de l’UMP, Dominique Dord, avait démissionné en dénonçant un « mélange des genres effarant». « On est sur un truc malsain », riposte Jean-François Copé, joint par Le Monde, qui souligne dans l’enquête du Point des « mélanges », des « confusions, par exemple sur le montant de la dette de l’UMP». Suit un vif démenti sur la partie la plus nouvelle de l’enquête : la vente à des Qataris, en 2007, de l’Hôtel Kinski et du centre Kléber, deux biens qui appartenaient à l’Etat, du temps où M. Copé était à Bercy. « Jamais de ma vie je ne me suis intéressé à aucun secteur immobi-
Jean-François Copé, lors d’un meeting du candidat UMP aux municipales à Avignon, le 19 février. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP
lier. Cela relevait de la compétence exclusive de France Domaine », rétorque-t-il.Selon Le Point, la vente du centre Kléber se serait faite par l’intermédiaire de l’homme d’affaires Emmanuel Limido, aujourd’hui « investisseur fantôme » de Bygmalion. L’affaire cueille le président de l’UMP en pleine campagne des élections municipales. Elle le touche mais ne le coule pas. Démentant tout en bloc, Jean-François Copé veut continuer son tour de France, « travaille » à la plainte pour diffamation qu’il assure vouloir déposer contre l’hebdomadai-
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re, et écrit aux militants pour les chauffer contre « l’acharnement d’une certaine presse sans déontologie » qui les viserait, lui et Nicolas Sarkozy. Avant d’envoyer jeudi soir sa missive, Jean-François Copé s’est assuré de la neutralité des ténors du parti. « La droite fait bloc, c’est l’union sacrée, se réjouit-il. A trois semaines du premier tour [des municipales], personne, à l’UMP, n’a intérêt à déterrer la hache de guerre. » Les militants ne le comprendraient pas, assure un proche deFrançois Fillon. «Le FN en a suffisamment pour son compte », complète un juppéiste qui craint l’exacerbation du « tous pourris ». Lundi soir, lorsqu’il a su que Le Point allait publier l’enquête, Jean-François Copé a réservé son premier coup de téléphone à Nico-
las Sarkozy qui, peu disposé à descendre dans l’arène, se serait contenté de lui répondre: « Qu’est ce que tu veux, il [Franz-Olivier Giesbert] fait pareil avec moi.» Le lendemain matin, le patron de l’UMP a joint son grand rival François Fillon pour qu’il fasse preuve de solidarité. En visite au Salonde l’agriculture,l’ancien premier ministre joue le jeu. « Pour moi, ce n’est pas un sujet, répond-il aux journalistes. Jean-François m’a dit qu’il démentait, je n’ai pas de raison de ne pas le croire. » Sur RTL, l’autre ancien premier ministre Alain Juppé se montre encore plus direct. « Je lui fais confiance pour faire valoir sa bonne foi », affirme le maire UMP de Bordeaux, avant d’ajouter que « si c’est faux », cela ne déstabilisera pas le parti.
Tout est dans le « si » car, au même moment, le filloniste Lionel Tardy alimente les soupçons. Dans un tweet, le député de HauteSavoie assure qu’à l’UMP « tout le monde savait ». Et de dénoncer «les coûts stratosphériquesde meetings de la campagne présidentielle ». Cette fois, c’est au tour de Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet du président de l’UMP, d’annoncer qu’il porte plainte, à titre personnel, contre le député. Mais Lionel Tardy est intarissable. Rappelant le « Sarkothon » de l’été2013,l’éludéplorequ’il ait «fallu demander une participation financière aux militants » pour combler le trou de 11 millions d’euros creusé par le rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Dans la foulée, Laurent Wauquiez, vice-président de l’UMP, réclame
la transparence. « On la doit aux militants», insistent il. De nouveau, les couteaux s’aiguisent. Si aucun des concurrentsde Jean-FrançoisCopéne préjugedes suitesjudiciairesde l’affaire Bygmalion, tous soulignent le ternissement de son image : « Copé soupçonné d’avoir volé Sarko, c’est lourd », souligne un filloniste. « Il avait l’image d’un tricheur, le voilà sulfureux », appuie un proche de Nicolas Sarkozy. Le patron de l’UMP espérait pouvoir se refaire une santé à l’occasion des municipales. Il risque désormais sa peau en cas d’échec aux européennes. « L’affaiblissement du parti est un vrai sujet », estime un candidat à la primaire. Dès juin, la guerre devrait repartir de plus belle. p Françoise Fressoz
Event &Cie, filiale indispensable aux meetings de Sarkozy AU CŒUR DU SYSTÈME décrit par l’hebdomadaire Le Point figurent les meetings du candidat Nicolas Sarkozy. La masse d’argent en jeu est conséquente. Pendant la présidentielle de 2012, le chef de l’Etat sortant a été le candidat qui a le plus dépensé pour ses réunions publiques. Selon le Journal officiel, M.Sarkozy y a consacré 13 millions d’euros contre 9,4 millions d’euros pour M. Hollande, soit plus de la moitié des dépenses autorisées pour sa campagne (22,509 millions d’euros pour un candidat présent au second tour). « C’était une volonté délibérée du candidat, qui avait décidé d’y consacrer des moyens pour animer une campagne où il faut en permanence alimenter les médias, notamment les chaînes d’info », se souvient Philippe Briand, trésorier de cette campagne. Event & Cie, la filiale de Bygmalion spécialisée dans l’événementiel et fondée par les proches de Jean-François Copé Bastien Millot et Guy Alves, a été l’un des prestataires de services les plus importants de cette stratégie politique. Le Monde a consulté les factures des prestations d’Event & Cie consacrées aux réunions publi-
ques. Entre le meeting du 23 février 2012 à Lille et celui du 4mai 2012 aux Sables-d’Olonne, 38 factures ont été payées à la société par l’équipe de M. Sarkozy, pour un total de 3 479 371 millions d’euros, soit un peu plus d’un quart de ce poste de dépense. Les plus grosses factures sont celles du meeting de La Réunion (200004 euros, le 4avril) et de Toulouse (183214 euros, le 29 avril). La moins onéreuse est celle d’Ormes (Loiret) avec 67481euros dépensés, le 26 mars. La plupart des prestations sont comprises entre 70000et 100000 euros. La société n’a en revanche pas assuré l’organisation des grands événements de fin de campagne, comme le meeting place de la Concorde à Paris, qui a coûté plus d’un million d’euros.
26 359 euros d’éclairage Lors de ces meetings, Event & Cie s’occupait en général du son, des lumières, de la réalisation et de la diffusion des images télé, parfois du traiteur, mais pas de la location des salles. « Nous avons été très contents du travail. Il n’y a eu aucun pépin pendant toute la campagne», explique M. Briand.
De son côté, interrogé par Europe1 jeudi, Bastien Millot, a défendu sa filiale: «C’est une vraie entreprise, avec des salariés, et cet article du Point est une attaque injuste pour ceux qui y travaillent! » Utiliser des prestataires est légal et la plupart des partis y ont recours pour organiser leurs grandmesses. Contactés par Le Monde, les organisateurs des campagnes d’autres partis trouvent certains postes de dépenses «disproportionnés», comme les 26 359 euros pour l’éclairage à la salle de la Mutualité, à Paris, ou les 3 048euros de connexion Internet à Saint-Bricesous-Forêt (Val-d’Oise). Mais impossible de conclure à une surfacturation sans connaître le détail de la prestation. Les meetings de M. Sarkozy étaient plus ambitieux que ceux d’autres candidats. « S’il y avait eu surfacturation, cela aurait été pour redistribuer ensuite. Vous voyez JeanFrançois Copé prendre des dessousde-table et ruiner un parti qu’il doit récupérer ensuite ? Allons… », s’insurge M. Briand. Et le recours à des amis ? « Dans ces moments stratégiques, on ne demande pas au gars du coin. On se fie à des proches en qui on a confiance. »
Les partis, en tant que personnes privées, ne sont en effet pas soumis à des appels d’offres. Mais ces 3,5 millions d’euros pourraient n’être que le sommet de l’iceberg, car Le Point estime que la filiale a empoché 8 millions d’euros pendant la campagne. Une partie des dépenses des meetings incombe au parti, qui n’a pas à déposer ses comptes à la Commission nationale des comptes de campagne, et Event & Cie a pu facturer d’autres prestations. Injoignable hier, Dominique Dord, le trésorier de l’UMP jusqu’à la fin de 2012, était interrogé par L’Express début février et semblait alors s’alarmer des dépenses: «On peut imaginer que tout cela ait été facturé allègrement. J’avais alerté Nicolas Sarkozy: “Tu es sûr que tu ne laisses pas les copains de JeanFrançois [Copé] se gaver?” Il m’avait répondu: “Non !”» Sollicité par l’hebdomadaire sur des surfacturationséventuelles, l’ex-trésorier avait affirmé: «C’est improuvable! Combien vaut un meeting que l’organise dans des conditions d’urgence absolue? Combien vaut le savoir-faire? Certaines prestations sont très difficiles à évaluer.» p Matthieu Goar
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Les notaires disent OUI à la réforme de la Justice
Si cette belle ambition n’est pas contrariée par une prétention corporatiste...
Christiane Taubira nourrit pour la Justice de notre pays une ambition, un projet d’envergure qu’elle situe elle-même dans la lignée des grands réformateurs que furent Michel Debré et Robert Badinter. Dans cette perspective, le Conseil supérieur du notariat a adressé dix-huit propositions ayant pour seul objectif de satisfaire nos concitoyens. De son côté, le Conseil national des barreaux (CNB) a publié un livre blanc dont il était permis de penser qu’il était destiné à contribuer à cette construction collective souhaitée par Madame Taubira. Hélas, il n’en est rien ; ce qui ne signifie pas que l’ouvrage soit sans intérêt tant il est révélateur du mal-être d’une profession aux contours aujourd’hui mal définis et asphyxiée par ses sureffectifs. Mais cette politique du nombre n’est pas fortuite tant elle offre le prétexte aux dirigeants du Barreau de réclamer sans cesse de nouvelles missions pour la masse toujours croissante de leurs confrères. Aux côtés des avocats plaidants, des avocats d’affaires, des agents sportifs, des mandataires en transactions immobilières, faudra-t-il voir des avocats tuteurs des personnes protégées ? En fait de réforme de la Justice, le livre blanc du CNB est ainsi une nouvelle édition d’un catalogue maintes fois publié des prétentions du Barreau à vouloir tout accaparer, et notamment les dossiers qui pourraient encore accroitre les revenus des cabinets les mieux dotés.
Christiane Taubira entendait mettre le citoyen au cœur de son projet, le Conseil national des barreaux y met plutôt l’avocat. L’avocat devenu le passage obligé pour toute action et qui entend disposer désormais d’un acte doté des attributs de l’acte notarié. Point question en l’espèce du justiciable, seul compte l’intérêt de l’avocat omniscient. On lit, consterné, la demande insistante d’une multiplication des interventions de l’avocat par la création d’un acte de procédure d’avocat ou encore «la systématisation de la consultation rémunérée d’un avocat préalable à toute action juridique ou judiciaire avec bénéfice de l’aide juridictionnelle sous conditions de ressources» (sic)... Encore faut-il à ce schéma prétentieux, l’essentiel : la rémunération de ce professionnel omniprésent. Mais c’est tout simple… il suffit de solliciter l’aide juridictionnelle et comme son montant actuel n’y suffira pas, il n’y aura qu’à recourir à l’impôt. Par exemple par l’instauration d’une nouvelle taxe sur les mutations immobilières ou les cessions des fonds de commerce.
Dommage ! L’ambition portée par Mme Taubira aurait mérité des vues plus hautes. C’est une occasion manquée par le CNB, trop obnubilé par la vision d’une manne qui tombe du ciel pour avoir compris les enjeux de cette Justice du 21ème siècle que la Chancellerie nous invite à construire ensemble. Nous saurons pour notre part y participer sous l’autorité des magistrats et avec le concours des avocats de bonne volonté qui sont si souvent à nos côtés pour satisfaire nos clients communs. Le CNB aurait été bien inspiré de les écouter plutôt que de poursuivre ses chimères. Le Conseil supérieur du notariat
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Samedi 1er mars 2014
La cigarette électronique bouscule la lutte contre le tabagisme
Une étude de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies montre que nombre d’adeptes du «vapotage» l’envisagent comme un outil de sevrage
O
n connaissaitdéjà l’engouement des Français pour la cigarette électronique : avec entre un et deux millions d’utilisateurs quotidiens en France, elle necesse de gagnerdesadeptes chez les 13 millions de fumeurs. Mais on découvre aussi que le vapotage devient un véritable outilde santé publiquepour réduire les risques liés au tabagisme. Plus efficace, semble-t-il, que les substituts disponibles jusqu’à maintenant – patchs et gommes à la nicotine, certes adaptés à la dépendancechimiquemais pas au rituel comportemental. L’impact de l’e-cigarette se fait sentir aussi bien sur les ventes de tabac – déjà affectées par la hausse des prix et l’interdiction de fumer en public – que sur les consultationsde tabacologie,selonl’enquête Etincel présentée le 12 février parl’Observatoirefrançais des drogues et des toxicomanies (OFDT). Les premières ont reculé en 2013 de 6,2 % par rapport à 2012 (- 7,6 % pour les cigarettes qui représentent 80 % du marché). Quant au nombre moyen de nouveaux patients par mois accueillis par les tabacologues, il est passé de 15,2 patients en 2012 à 13,2 en 2013. Etincel montre bien que l’e-cigarette semble « constituer,dumoinspour lemoment,plutôt une solution de sortie du tabagisme qu’une “porte d’entrée”». Ce succès bouscule les cigarettiers qui tentent d’attraper le train en marche, mais aussi les médecins, dont le discours était centré sur le « dogme de l’arrêt du tabac sanspourautant yparvenir.Pourla première fois, avec l’e-cigarette, nous disposons d’un outil qui débouche sur une réduction de l’exposition aux effets nocifs des cigarettesclassiquesetdoncsurlaréduction des risques », reconnaît le professeur Albert Hirsch, pneumologue et administrateur de la Ligue nationale contre le cancer. Réaliséeennovembre2013,Etincel offre aussi un aperçu des usagers de la cigarette électronique: la France « compterait entre 7,7 et 9,2 millions d’expérimentateurs, plutôt jeunes et consommateurs de tabac ». La moitié des personnes interrogées déclarant « utiliser simultanémentletabacetlacigarette électronique» affirment spontanément « que leur objectif principal etultimeestd’arrêtertouteconsommation de ces deux produits». Loin derrière viennent « la réduction de la consommation de tabac mais sans arrêt complet (11,5 %) puis le remplacementdu tabac par la cigaretteélectronique(8,2%), cequi peut s’apparenter dans les deux cas à une forme de réduction des risques », note l’OFDT. Directeur du centre municipal de santé de Saint-Ouen (SeineSaint-Denis)etaddictologue,ledocteur Mohad Djouab estime que, « pour les usagers, l’e-cigarette est un moyen d’être libre de gérer sa consommation sans passer par une prescription médicale ou un professionneldesantécommelespharmaciens. C’est la première fois dans une démarche de réduction des risques ». « Même si des incertitudes scientifiquespersistent,il ne fait pas de doute que l’e-cigarette est de très loin moins nocive que le tabac fumé», affirme Albert Hirsch. Néanmoins, vu la croissance spectaculaire du nombre des utili-
A partir de 2012, l’e-cigarette a relayé la hausse des prix dans la lutte contre le tabagisme a FONCTIONNEMENT DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE a VENTES DE CIGARETTES ET PRIX ANNUEL MOYEN EN EUROS DU PAQUET DE CIGARETTES DE LA MARQUE LA PLUS VENDUE EN FRANCE
Embout par lequel le fumeur aspire la vapeur due à la combustion
3,20
Ventes, en milliards d’unités
Cartouche contenant du liquide, souvent de la nicotine mélangée à du propylène glycol et à des arômes
Hausse du prix du tabac (+ 39 %) dans le cadre du plan Cancer
80
Prix annuel moyen, en euros
Interdiction de fumer dans tous les lieux publics
Arrivée de la cigarette électronique
60
3
Ici, la vapeur est mélangée à l’air. Un microprocesseur détecte les aspirations du fumeur, le mélange est entraîné par l’aspiration vers la bouche du fumeur
2 La résistance chauffe et vaporise le liquide
1
40 5
5
5, 13
5,30 5,35
5,98
6,70
4,08
20 3,20 3,35
0
Un bouton déclenche la combustion du liquide
5
5,65
6,30
3,60
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
a COÛT ANNUEL COMPARÉ, EN EUROS « Gros fumeur » de cigarettes traditionnelles
Pile ou batterie rechargeable (650 mAh, soit environ 300 recharges)
Un paquet par jour en moyenne, pendant un an, soit
2 482 € INFOGRAPHIE LE MONDE
sateurs de l’e-cigarette, les pouvoirs publics comme les spécialistes de la lutte contre le tabac estiment indispensable de réglementerson usage.Elle est en effetconsidérée comme n’étant ni un produit du tabac ni un médicament. C’est le sens de l’accord européen de décembre 2013, qui doit encore être officiellement entériné sous forme d’une directive le 14 mars. La Ligue nationale contre le cancer estime que l’e-cigarette doit être vendue dans des établissements sous licence afin de permettre de suivre sa distribution, mais s’oppose à ce qu’elle le soit chez les buralistes, comme le tabac. « Elle
«Nous disposons d’un outil qui débouche sur une réduction de l’exposition aux effets nocifs des cigarettes» Albert Hirsch administrateur de la Ligue nationale contre le cancer
doit être interdite aux mineurs et la publicité en sa faveur doit être alignée sur celle pour les substituts nicotiniques », argumente Albert Hirsch,soucieuxdenepasencourager les jeunes non-fumeurs à l’adopter. Carlacroissancedumarchédela cigarette électronique, que les vendeurs qualifient de « fulgurante », éveille les appétits. D’abord marginal, le phénomène s’est véritablement envolé, selon l’OFDT, au printemps2013, avec unefortemédiatisation.Plusdesdeuxtiersdesvapoteurs actuels déclarent avoir franchi le pas depuis cette date. C’est aussi à ce moment que se sont développés des réseaux d’ensei-
« Gros fumeur » de cigarettes électroniques entre
1 150 € et 2 138 €
selon que l’e-cigarette est rechargeable ou jetable
SOURCES : OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES DROGUES ET DES TOXICOMANIES ; LOGISTA FRANCE / DGDDI ; INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION SELON LINTERNAUTE
gnes comme Clopinette, Cigaverte, AbsolutVaporou Cigaretteelec,qui gèrent au total près de 1 000 boutiques réparties dans la plupart des villes françaises. Près de 58 % des utilisateurs disent avoir acheté leur cigarette électronique, puis leurs recharges dans ces magasins. Ce qui fait dire à certainsanalystes qu’il s’agit là du « modèle Nespresso», la marque de café en capsules. Les bureaux de tabac sont la deuxièmesourced’approvisionnement. Internet ne se classant qu’en troisième position. « En n’étant pas vendue en pharmacie, l’e-cigarette permet à ses adeptes de ne pas se considérer comme des malades.Ne pas se la procurer dans un bureau de tabac évite de se sentir dans la peau d’un fumeur », décrypteChristopheLeroux,directeur de la communication à la Ligue nationale contre le cancer. Avec un prix minimum de l’ecigarette de 50 euros et de 6 euros pourla recharge, le marché est estimé entre 100 et 200millions d’eurosen2013,contre40millionsd’euros en 2012. Le chiffre peut paraître encore insignifiant comparé au marché du tabac en France, qui pèse 17,8milliards d’euros en 2013. Mais son fort développement couplé à une baisse tendancielle de laconsommationdescigarettestraditionnelles n’a pas échappé à l’industrie du tabac. Les grands noms du secteur se sont lancés dans une véritablecoursepourprendreposition sur le marché stratégique des alternatives aux cigarettes traditionnelles. Le cabinet Euromonitor estime qu’il pourrait dépasser les 5 milliards de dollars dans le monde en 2014. Les cigarettiers veulent ainsi peser dans les discussions sur le statut et l’encadrement de ces nouveaux produits. p Paul Benkimoun et Laurence Girard
«Ça devient désormais humainement acceptable d’arrêter de fumer» Témoignages Philippe Camus, 56 ans, ingénieur, Sevran (Seine-SaintDenis) « J’ai commencéla cigarette
électronique il y a 8 mois, 26 jours et 20heures. Une petite application sur mon ordinateur me permet de savoir que j’ai économisé 1903 euros en ne fumant pas 16314 cigarettes. C’est assez énorme. Avant, je fumais l’équivalent de trois paquets par jour, pour un budget de 250 euros par mois. Je fumais depuis l’âge de 14 ans. J’avais essayé de nombreuses fois d’arrêter, mais je n’avais jamais tenu plus de quatre mois. J’en avais fait mon deuil. Jusqu’à ce que je l’essaye, je voyais la cigarette électronique comme un gadget de bobo. Et pourtant, ça a marché du premier coup. C’est un excellent substitut. Elle procure le “hit” dans la gorge, cette petite brûlure agréable que connaissent tous les fumeurs quand ils tirent sur une cigarette. Mon entourage est ravi, il n’y a plus de fumée de cigarette. Je ne tousse plus du tout alors que je toussais matin et soir. J’ai retrouvé le goût, je mets moins de sel et de poivre. Je sens un fumeur à 100 mètres, c’est incroyable. J’ai essayé de tirer deux bouffées sur la cigarette de ma femme et j’ai trouvé ça ignoble. J’ai immédiatement été me laver les dents. Je ne supporte plus l’odeur. Grâce à la cigarette électronique, ça devient humainement acceptable d’arrêter de fumer. »
Philippe de Noiret, 63 ans, retraité d’une profession libérale, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques)
« Acupuncture, gommes, patchs… J’avais tout essayé sans résultat. Je fumais 30 cigarettes par jour depuis quarante ans. La cigarette électronique me faisait marrer, je trouvais que c’était du cinéma. Et puis le dégoût de la cigarette m’a poussé à me lancer. Et depuis trois mois, je n’ai pas touché à une seule cigarette. La seule qui me manque est celle du matin, mais cela ne dure pas plus de deux minutes. J’ai choisi des parfums sympathiques (pastis, anis et mandarine) qui ne laissent pas la bouche pâteuse. Je trouve horribles les produits avec un goût de tabac. Mon objectif est d’arrêter complètement d’ici six mois. »
Maxime Landry, 21 ans, étudiant, Paris « Après avoir fumé
pendant sept ans (de 10 à 15 cigarettes par jour), la transition s’est faite en douceur. La cigarette électronique remplace en de nombreux points la cigarette classique. Le geste, la vapeur et aussi la nicotine rendent la coupure moins nette, plus aisée. J’applique les mêmes règles que pour la cigarette, je ne fume pas dans les lieux publics, ni dans les transports. Je pense que c’est un moyen de responsabiliser la “vapote”, de ne pas oublier que ça reste avant tout un produit nicotinique à ne pas banaliser. Même si cela suscite des interrogations sur l’innocuité, c’est un moindre mal et les avanta-
ges à court terme sont bluffants. Le principal avantage réside dans la possibilité de baisser le niveau de nicotine peu à peu, ce que j’ai déjà fait deux fois. Quand j’atteindrai 0 mg/ml, je n’ai aucun doute sur le fait que la cigarette électronique perdra de son sens pour moi et que je la laisserai tomber. Sans nicotine, on a l’impression d’aspirer de l’air. Mon intérêt pour elle s’est amenuisé à chaque fois que j’ai diminué le niveau de nicotine. » Emily Sergienko, 53 ans, secrétaire, Paris « Le 5 mars à 13 h 01, je
fêterai un an sans cigarette, grâce au “stylo à vapeur”. Cela a changé ma vie d’un instant à l’autre et j’en suis heureuse. Au départ, je souhaitais seulement diminuer car les cigarettes au tabac sont devenues trop chères. Mais depuis que je “vape”, je n’ai plus touché à la cigarette. Je vape partout, même au bureau, et je pense qu’ils sont contents que je ne m’absente plus pour les pauses clope. Auparavant, j’avais essayé des patchs et le chewing-gum – sans succès. J’avais réussi à arrêter complètement pendant mes deux grossesses mais j’avais repris peu de temps après. Aujourd’hui, je ne prévois pas d’arrêter, j’aime “vaper”, cela fait partie de ma vie maintenant. Pour les risques, ça ne peut pas être pire que le tabac, alors je laisse les inquiétudes aux autres.» p
Propos recueillis par François Béguin
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france
Samedi 1er mars 2014
L’e-cigarettesemblemoins nocivequeletabac,mais desinconnuessubsistent
Le principal risque est celui de la dépendance, en raison de la nicotine qu’elle contient
L
’e-cigarette, bien fabriquée et bien consommée, est en ellemême un produit qui présente des dangers infiniment moindres que la cigarette, mais […] pas totalement absents », estime le rapport de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) sur la cigarette électronique, daté de mai 2013. Selon ces experts, le principal risque est celui d’une dépendance, principalement du fait du contenu en nicotine, mais aussi potentiellement en raison de la forme du produit et de la gestuelle rappelant la cigarette.Maiscerisqueaddictifestil comparable à celui induit par les cigarettes classiques? « Avec l’e-cigarette, l’absorption de la nicotine présente beaucoup d’inconnues », écrit le pneumologue Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT, dans son dernier livre, L’E-cigarette pour en finir avec le tabac (Ixelles, 192 p., 9,90 euros). Une chose est certaine, en revanche : les e-cigarettes les plus récentes,de meilleurequalité, font bien davantage augmenter le taux de nicotine dans le sang que celles fabriquées avant 2010. Le taux de nicotine apporté est variable, mais « il est susceptible d’apporter au fumeur dépendant la nicotine qui lui est nécessaire », selon le rapport de l’OFT. Un atout d’autant plus appréciable chez ceux qui recherchent un sevrage tabagique que le risque de dépendance paraît acceptable: la nicotine des cigarettes électroniques a « un pouvoir addictif a priori plus faible que la cigarette de tabac, car sa cinétique est plus lente », précise le professeur Dautzenberg. Autre avantage, les cigarettes électroniques contiennent bien moins de produits toxiques que le tabac. En l’absence de combustion, le vapotage n’induit pas de formation de monoxyde de carbone (CO), un gaz asphyxiant qui prend la place de l’oxygène dans les globules rouges et les muscles. Surtout, les e-cigarettes ne recèlent pas – ou alors d’infimes traces sans effet mesurable – de substances cancérigènes. L’engouement pour le vapotage ne devrait donc
pas entraîner la dramatique épidémie de cancers observée avec le tabagisme. En France, le tabagisme estresponsablede30%delamortalité par tumeurs malignes. Plus de 60composés cancérigènes ont été identifiés dans les cigarettes, qui peuvent être à l’origine de 17 localisations cancéreuses (au niveau du poumon, de la gorge, de la vessie, du rein, du sein…). La vapeur des cigarettes électroniques ne contient pas non plus de particules fines solides, responsables de pathologies respiratoires et cardiaques chez les fumeurs.
En France, le tabagisme est responsable de 30% de la mortalité par tumeurs malignes Quiddes effets sur le cerveau ? Il n’y a pas d’impact sur l’oxygénation de cet organe, en l’absence de combustion et donc de monoxyde de carbone, écrit Bertrand Dautzenberg. Le risque d’accident vasculaire cérébral n’a pas été étudié, mais en théorie il devrait être plus faible que celui dû au tabac, voire nul, selon le pneumologue. Les données manquent aussi surlesrisquespotentielsdese-cigarettes chez les femmes enceintes. A priori, l’absence de monoxyde de carbone, de microparticules et de cancérigènes, tous délétères pour le fœtus, est plutôt rassurante. « Mais la vapeur apporte des substances potentiellement irritantes dont on ne sait pas si elles sont, chez la femme enceinte, plus ou moins toxiquesque celles, différentes,de la fumée de cigarette », indique M. Dautzenberg. Le pneumologue juge nécessaires des études sur le sujet. En attendant leurs résultats, il plaide pour un principe de précaution, qu’appliquent déjà certains fabricants de cigarettes électroniques en affichant sur leurs produitsunlogodéconseillantleur utilisation lors de la grossesse. p sandrine cabut
Bataille de lobbys autour d’une directive européenne Bruxelles Correspondant
La directive européenne sur les produits du tabac, approuvée le 26février par le Parlement européen, est censée lutter contre le tabagisme. A ce jour, elle a surtout suscité une bataille d’influence d’une rare intensité à Bruxelles, au point de coûter son poste au commissaire chargé du dossier, le Maltais John Dalli, forcé de démissionner en octobre2012 pour soupçons de corruption après des contacts troublants avec un fabricant suédois de tabac. Le texte, que les Etats doivent adopter définitivement le 14mars, renforce l’encadrement des produits du tabac, au grand dam des industriels du secteur.
« Initiative citoyenne » Les messages sanitaires et les photos apposées sur les paquets de cigarettes ou de tabac devront couvrir 65 % de chaque face. Les emballages de moins de 20 cigarettes et les arômes utilisés pour attirer les jeunes fumeurs sont interdits. Sur pression des industriels, le menthol pourra cependant continuer à être utilisé jusqu’en 2020. Et les cigarettes fines ne seront pas interdites. Pour la première fois, la directive tente d’encadrer les cigarettes
électroniques, contre l’avis d’un secteur en plein essor. L’idée d’une vente exclusive des e-cigarettes dans les pharmacies a été écartée. Au-dessus d’un seuil en nicotine de 20mg/ml, les Etats membres conservent la liberté d’encadrer les e-cigarettes comme un produit pharmaceutique, s’ils considèrent qu’il s’agit d’un outil de sevrage. Une position défendue par la France. Les e-cigarettes seront interdites de vente aux mineurs et feront l’objet de restrictions publicitaires. Par ailleurs, les emballages et les flacons de recharge afficheront des avertissements tels que: «La nicotine contenue dans ce produit crée une forte dépendance.» Longuement discuté au Parlement comme entre les Etats, le dispositif ne satisfait pas les professionnels de l’e-cigarette. «Si le texte est appliqué, il pourrait avoir pour conséquences une recrudescence aiguë du tabagisme et une perte massive d’emplois dans le secteur», estime en France le Syndicat national de la cigarette électronique. Ce dernier soutient une «initiative citoyenne» qui entend obliger la Commission à revoir le texte. Pour atteindre son but, la pétition, baptisée « Vapoter librement», devra recevoir un million de signatures. p Philippe Ricard
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Décèsàl’hôpitalCochin:l’AP-HPadmet desdysfonctionnementsmaispasdefaute Une femme de 61 ans est décédée le 15février dans une zone d’attente des urgences
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omment le décès d’une patiente en attente de soins a-t-il pu passer inaperçu auprèsdetouteuneéquipemédicale,samedi15 février,aucœurduservice des urgences de l’hôpital Cochin, à Paris ? Pour répondre à cette question, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) rend publiques, vendredi 28 février, les conclusions de l’enquête interne lancée huit jours plustôt.Unefaçond’essayerdecouper court aux critiques de certains syndicats, qui avaient lié ce décès à une « sursaturation» de ce service aprèslatransformation,ennovembre 2013, des urgences de l’hôpital del’Hôtel-Dieuencentredeconsultation 24 heures sur 24. Le rapport écarte toute erreur individuelledesmembresdel’équipe médicale ainsi que tout problème de sous-effectif. Il liste cependant une méconnaissance des procédures à suivre et plusieurs failles dans l’organisation, révélatrices de tensions structurelles au sein des services d’urgence. «Rien ne correspond à une faute grave en soi, c’est une succession de petits dysfonctionnements qui ont abouti à un événementindésirablegrave», estime le professeur Pierre Carli, présidentduConseilnationaldel’urgence hospitalière et coauteur des recommandations annexées au rapport. Amenée par les pompiers à 16 h 30 pour une blessure au pied, la patiente de 61 ans est examinée dix-huit minutes plus tard par l’infirmière d’accueil et d’orientation. Mais le système informatique ne luipermetpasde savoir que lafemme a déjà été hospitalisée en avril 2012, après une venue aux urgences. La patiente se voit attribuer une priorité 3 et doit donc être vue par un médecin dans les soixante minutes. Elle est placée dans un fauteuil devant les brancards,enfacedupostedel’infirmièred’accueil,quisouhaitepouvoirla surveiller. Cette zone est «extrêmement passante puisque c’est le lieu d’entrée dans la zone de soins». Ce n’est que plus de quatre heures plus tard, entre 21h30 et 21h40, qu’un médecin charge une externe de l’examen. Celle-ci va chercher et appeler la patiente dans différentessallesd’attenteetmêmedehors, où certains patients vont fumer. Une interne reprend ensuite la recherche avant d’informer le médecindesoninsuccès.Lapatienteestalorsconsidéréecomme« sortie sans avis médical ». Des sorties «fréquentes dans un contexte d’attente longue », avec 7 à 12 cas par jour, relève le rapport. A 23 heures, une aide-soignante remarque que cette patiente, «entourée de quatre personnes dont aucune n’a fait spontanément mention d’une demande ou d’une plainte », est «blanche». Un médecin constate le décès. S’il ne se prononce pas sur ses causes (la famille n’a pas autorisé d’autopsie), le rapport présume qu’il est « d’origine cardiaque».
« Il faut réduire les délais » En quoi la forte fréquentation a-t-elle empêché l’équipe médicale de s’interroger plus tôt sur cette femme prostrée ? Au moment où elle est appelée, 54 patients sont auxurgences,dontplusde30attendent d’être examinés. Pour Pierre Carli, «le service tourne à plein régime, c’est l’heure de pointe, mais on ne peut pas parler de saturation». Selonlui,leseffectifssontadaptésà cette fréquentation. Le rapport décrit pourtant un service « en cours de réorganisation», où l’un des médecins est occupé à plein tempsàchercherdeslitsoùtransférer ses patients jusqu’à 2 h 30 du matin.Ilsouligneaussiquele service de consultation courte destiné à « fluidifier les passages de patients sansbesoinde soinsmédicauxcomplexes» ne fonctionne pas.
Les urgences de l’hôpital Cochin, dans le 14e arrondissement de Paris. PIERRE ANDRIEU/AFP
Pour Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, « Cochin n’est pas un endroit où il faut rajouter trois médecins de plus ». « Il faut réduirelesdélais avecuneorganisation différente», assure-t-il, en s’engageant à mettre rapidement en œuvredans leshôpitauxdontila la charge les différentes recommandations qui concluent le rapport. Parmicelles-ci,unevérificationsystématique des bracelets des patients présents dans les zones de
surveillance en l’absence de réponseàunappelnominal,uninterrogatoire des voisins ou encore une meilleure maîtrise des outils informatiques. D’autres recommandations, telle une meilleure gestion de l’amont comme de l’aval des urgences, figurent parmi les chantiers déjà lancés pour réduire les temps d’attente aux urgences. Dénonçant des «salles d’attente delahonte »,ledocteurGéraldKierzek, le fer de lance de la contesta-
tion à la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu, avait réclamé la semaine passée la remise en route duservicedel’île delaCité,oùselon lui,cesamedi-là,«deséquipesattendaientdesmalades».«Lasursaturation, ça tue des malades», déclaraitil, assurant que ce drame « aurait pu être évité ». Martin Hirsch s’est engagé à dresser au printemps un bilan chiffré de la réorganisation des urgences parisiennes. p François Béguin
S A P T S E ’ N N O . X U A G TOUS É . E D I P A R S U L P S I U S E J malvoya du 400 m e d n o m du m p io n n e e it a , c h a K in n e t Nan
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DU 24 FÉVRIER AU 16 MARS L’ÉQUIPE MET LE HANDISPORT À L’HONNEUR. RETROUVEZ NANTENIN KEITA SUR ET LE 1ER MARS DANS
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france
Samedi 1er mars 2014
Pape Diouf, coqueluche des médias à Marseille
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n s’est tellement fait allumer parce qu’on n’avait pas de programme qu’aujourd’hui on est très fiers de le révéler ! » Pierre-Alain Cardona, directeur de campagne de Pape Diouf, résume avec humour le pas franchi, jeudi 27 février, par la liste « Changer la donne » menée par l’ex-président de l’Olympique de Marseille. Près d’un mois après avoir annoncé sa candidature, dix jours après la présentation de ses têtes de listes, M. Diouf a donné du fond à sa volonté de devenir maire de Marseille, en révélant son « contrat citoyen». Un « travail participatif» d’une quarantaine de pages, traversé par la volonté intransigeante de « contrôler l’argent public». « Je n’étais pas convaincu de la nécessité de l’exercice», précise le candidat, tout à son credo de « faire de la politique autrement». « Les programmes, chacun en écrit, mais qui les lit ? » « Il a fallu batailler, assure Nathalie Paoli, ancienne communicante de l’OM et membre du staff de campagne. Pape ne fait que ce qu’il a envie… D’ailleurs, il nous a déjà avertis qu’il ne voulait pas de grand meeting.»
« Camisole » Souhaitée ou pas, la présentation du « contrat citoyen» attire l’attention. Jeudi, caméras et envoyés spéciaux sont au coude à coude dans une salle surplombant le Vieux-Port. Au niveau médiatique, l’effet Diouf perdure, au grand dam de certains oubliés de la campagne marseillaise, comme le Front de gauche, pourtant
estimé au-dessus de 10 % dans les sondages, soit deux fois plus que les listes «Changer la donne». Pape Diouf laisse à ses colistiers le soin de décliner son programme. Ecrit à plusieurs mains, le document a été synthétisé par la conseillère régionale EELV Sophie Camard et l’ancien député PS Philippe Sanmarco. Ses priorités? Education, lutte contre le mallogement et l’inégalité sociale, probité des élus… L’ensemble reste compatible, en vue du deuxième tour, avec le projet du socialiste Patrick Mennucci. « Il y a sûrement des similitudes car nous partons du même diagnostic, reconnaît Pape Diouf. Mais la différence, c’est que nous ne sommes pas dans la camisole d’un parti politique.» Avec quatre listes déjà bouclées et quatre en cours de finalisation, il assure que ses troupes s’aligneront dans tous les secteurs de Marseille. Jeudi, son équipe a éclairci la question du financement de la campagne, dont le budget de 180000 euros est alimenté par la contribution des candidats en position éligible, par d’autres plus éloignés sur les listes ou par les dons. « La participation de Pape Diouf est un peu plus élevée que les autres», assure M. Cardona. « Mon temps n’est pas le temps politique», aimait répéter M.Diouf avant de se déclarer. A vingt-trois jours du premier tour des municipales, enfin armées d’un programme, ses équipes sont désormais lancées dans une course contre la montre. p
Gilles Rof (Marseille, correspondant)
SANTÉ
Baissedes tarifsdes cliniques
Le ministère de la santé a baissé les tarifs des cliniques privées à compter du 1er mars, en dépit de la pression que les établissements tentent d’opposer à cette réforme en refusant d’accueillir les étudiants infirmiers. Leurs tarifs vont diminuer de 0,24 % en 2014 (après une baisse de 0,21% en 2013), ceux des hôpitaux vont se stabiliser (– 0,84% en 2013). Il ne s’agit pas des sommes à la charge des patients, mais de ce que les établissements facturent à l’Assurancemaladie. Les crédits supplémentaires pour les établissements de santé pour 2014 représentent 1,7milliard d’euros. – (AFP.) p
Justice La Française des jeux porte plainte contre son ex-PDG
La Française des jeux a annoncé, jeudi 27février, qu’elle allait porter plainte contre son ancien PDG Gérard Colé pour « pressions sur le cours de la justice». Celui-ci a affirmé que l’entreprise trompait les amateurs de jeux de grattage, alors qu’une instruction est en cours. – (AFP.)
Nocturnes es exceptionnell Du 6 au 9 mars jusqu’à 22h !
the happy show Une exposition de Stefan Sagmeister Du 28 novembre au 9 mars à la Gaîté lyrique www.gaite-lyrique.net
Un pacte de responsabilité aux résultats incertains Syndicats et patronat se sont retrouvés, vendredi 28février, pour fixer le calendrier de la négociation. Un accord CFDT-Medef se dessine sur les contreparties aux baisses de charges
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uelles contreparties au pacte de responsabilité annoncé par François Hollandelors de ses vœux ? Syndicats et patronat devaient se retrouver, vendredi 28 février, pour en parler. Le gouvernement attend leurs propositions d’ici fin mars. La rencontre devait, au mieux, aboutirà un simple «relevé de décision », prévoyant une méthode et un calendrier pour traiter les trois thèmes fixés par l’exécutif : l’emploi, l’investissement et le dialogue social. Mais, vendredi matin, à l’heure où la réunion débutait, il n’était pas exclu que les partenaires sociaux calent un deuxième rendez-vous,laCFDT ayantdemandé une autre séance de discussions. Un accord entre la CFDT et le Medef est en train de se dessiner sur plusieurssujets.Les deux organisations, avec éventuellement l’appui de la CFE-CGC et de la CFTC, devraient notamment entériner un renvoi vers les branches des négociations sur le nombre d’emplois qui seront créés en échange des 30 milliards d’euros de baisses de charges promis par François Hollande. La CFDT et le Medef devraient aussi parler d’une mêmevoixpour défendrele maintiendes 20milliardsducréditd’impôt compétitivité emploi (CICE), auxquels s’ajouteraient les 10 milliards supplémentaires annoncés par le chef de l’Etat. Ces ballons d’oxygène favoriseront-ilsla créationd’emplois? C’est le pari du gouvernement. En comprimant le coût du travail, il espère que les entreprises embaucheront. Mais les effets de cette mesure s’avèrent difficiles à cerner. « Il est trop tôt pour avancer le moindre chiffre car tout va dépendre des modalités retenues par le dispositif », explique Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS. Première inconnue: l’allégement de cotisations sociales patronalessera-t-il ciblé sur les bas salaires? C’est ce qu’a laissé entendre Michel Sapin, le ministre du travail. Or une telle mesure, déjà mise en œuvre sous plusieurs formes depuis 1993, s’est avérée « bénéfiquepour l’emploi», rappelle Francis Kramarz, professeur à Polytechnique, en citant deux étu-
Laurent Berger (CFDT), Pierre Gattaz (Medef) et Jean-Claude Mailly (FO), à l’Elysée, le 21 janvier. WOJAZER/REUTERS
des – l’une réalisée par lui-même et Thomas Philippon, l’autre par Pierre Cahuc et Thomas Le Barbanchon. Grâce aux 20 milliards d’allégements de charges actuellement consentisaux entreprises,l’économie française a créé ou préservé entre 300 000 et 1 million de postes, suivant les estimations. L’im-
L’impact des allégements de charges actuels de 20milliards est très significatif dans le secteur tertiaire pact est très significatif dans le secteur tertiaire (services à la personne, commerce…) et dans le bâtiment, ajoute Francis Kramarz. En revanche, les retombées sont relativement faibles dans le secteur manufacturier, alors même qu’il est très exposé à la concurrence internationale. Deuxième paramètre, qui va jouerun rôle important: les réduc-
tionsde charges seront-ellesfinancéespar le relèvementd’autresprélèvements ou par la réduction des dépenses publiques ? La seconde option semble avoir la préférence del’exécutif.Or, elle peutse traduire par des décisions qui auront des effets négatifs sur la consommation des ménages et donc sur le niveau d’activité, souligne Bruno Ducoudré, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : réduction de la masse salariale des fonctionnaires, suppression de postes dans les administrations publiques, réductions de prestations sociales, etc. Enfin, il faut voir comment vont réagir les entreprises à cette baisse du coût du travail: la répercuteront-elles sur leurs prix – ce qui devrait leur permettre d’augmenter leurs débouchés et de recruter – ou en profiteront-elles pour reconstituer leurs marges? Même si elles comportent des incertitudes, les orientations tracées par l’exécutif sont « adaptées et souhaitables», juge Gilbert Cette, professeur d’économie associé à l’université d’Aix-Marseille. Elles s’inscrivent dans une « continuité
politique », droite et gauche confondues, qui dure depuis vingt ans et dont « on peut se féliciter », poursuit-il. Mais cette opinion ne fait pas l’unanimité. Economiste au Centre d’études de l’emploi, Christine Erhel se dit « réservée sur le potentiel de création d’emplois d’un nouveau dispositif de baisses de charges dans un contexte qui reste marqué par une trop faible croissance et une concurrence fiscale et sociale accrue en Europe ». Depuis début janvier, plusieurs gouvernements de la zone euro ont annoncé des décisions similaires à celles prises par la France (Espagne, Italie…). « De manière directeou indirecte,toutesles réformesstructurelles du marchédu travail visent à peser sur le coût du travail, au détriment des pays voisins et au prix d’un affaiblissement des protections des salariés », oberve Mme Erhel. Pourelle, ce type de politique présente des « limites importantes » s’il n’y a pas d’« effort réel de coordination dans la zone euro». p Bertrand Bissuel et Jean-Baptiste Chastand
NicolasMiguet,invitésurprisedela campagneparisienne L’entrepreneur controversé est à l’origine des affiches anti-Anne Hidalgo collées dans la capitale
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l a traficoté la photo sur son ordinateur, tout seul, la nuit, et le 14 février à 1 h 56, jour de Saint-Valentin, il a appuyé sur la touche qui voulait dire « bon à tirer ». C’était BAT et le tout ne lui a pris que quelques minutes. « C’est moi qui l’ai faite », confirme Nicolas Miguet, président du Rassemblement des contribuables français (RCF), auteur de l’affiche qui montre la candidate socialiste à la Mairie de Paris, Anne Hidalgo, les yeux bandés d’un rectangle rouge où s’inscrit en lettres blanches : « Impôts + 40%, dette + 400 % ». Nicolas Miguet, entrepreneur controversé, adore son slogan : « Derrière le sourire ? La facture ! » Cette affiche, aujourd’hui l’objet de polémiques, destinée à la campagne municipale parisienne alors que M.Miguet n’y est pas candidat, a bientôt recouvert les murs de la capitale, des devantures, des poteaux, des palissades. Il dit l’avoir tirée à 10 000 exemplaires. Le responsable habituel du collage du RCF, Antony, 24 ans, assure en avoir reçu le double, 20 000, et autant de l’affiche nationale détournantle poingetla rose socialistes. Le jeune homme, qui ne souhaite pas révéler son nom de
famille, en a collé la moitié avec une quinzaine de personnes. Il raconte avoir été surpris par Mme Hidalgo, mardi 25 février, avenue de Breteuil dans le 7e arrondissement, en train de coller nuitamment.«Elle m’afait prendreen photo, je pense qu’ils vont me mettre la pression», dit-il.
Exemplaire collector M. Miguet s’amuse beaucoup. « Séance de remue-méninges sur Skype pour concevoir la nouvelle affiche qui va encore rendre folle furieuse Anne Hidalgo ! ! ! », tweetait-il, jeudi 27 février. « Avis aux collectionneurs, l’affiche Hidalgo du RCF est épuisée… » Et de promettre un exemplaire de ce collector à tous les contributeursde son parti. Le président du RCF conversait aussi sur Twitter avec le conseiller politique de Nathalie KosciuskoMorizet, Jérôme Peyrat, qui, lui, envoyait un lien vers un article du magazine Capital consacré au « plan secret d’Hidalgo pour faire valser les impôts à Paris », avec ce commentaire : « Hidalgoland, le pays de l’impôt. » Lagauchedénonceune«campagne de boules puantes ». Alors que la candidate socialiste s’est enga-
gée à ne pas augmenter les impôts si elle est élue, Bernard Gaudillère, adjoint aux finances et membre de l’équipe de campagne, a dénoncé, jeudi, les erreurs qu’il estime avoir relevées dans Capital. Jean-Louis Missika et Rémi Féraud, les codirecteurs de campagnede la candidateont, eux, réponduauxattaquesdugroupeUMPdu Conseil de Paris, du FN et du Parti de gauche concernant l’utilisation des moyens de la Ville pour nettoyer ces affiches. Trois jours durant, la polémique a enflé. « Je penseque lesParisienssontchoqués que les moyens de la Ville destinés à la propreté soient utilisés au profit d’un candidat », a assuré Mme Kosciusko-Morizet lors d’un déplacement dans le 18e arrondissement. C’est ce qu’affirmait aussi Le Canard enchaîné le 26 février, après l’information révélée par le Lab d’Europe 1 : plusieurs mails émanant des services de la propreté dela Ville,dont Le Mondea également eu connaissance, demandent à ce que cette campagne massive d’affichage soit nettoyée. « Je ne vois pas bien ce que cela a d’illégal. Quand des milliers d’affiches sont collées ainsi, et M. Miguet est coutumier du fait, on les enlève »,
observe Mao Peninou, adjoint chargé de la propreté. L’UMP parisienne, qui juge cette utilisation des deniers publics « particulièrement choquante », a annoncé qu’elle saisirait la Commission nationale des comptes de campagne. En retour, l’équipe de Mme Hidalgo a dénoncé la proximité de Mme Kosciusko-Morizet avec M. Miguet et demandé que cette opération entre dans ses comptes de campagne. La candidate de l’UMP ne semble plus bien se souvenir du président du RCF. « J’ai dû être interviewée par lui deux fois, il est journaliste je crois ? Il faudra vérifier dans son journal. Et j’ai été invitée une fois à une soirée-débat », a-t-elle déclaré, mercredi, devant quelques journalistes. M. Miguet et Mme KosciuskoMorizet ont déjeuné ensemble le 6juin 2013 – « de 13 heures à 15 heures », précise-t-il. Auparavant, le 24mai,NKMavait donnéuneinterview à L’Hebdo Bourseplus – journal dont M. Miguet est propriétaire. Elle a aussi participé à une soirée-débat du RCF le 18 janvier 2014, visible sur le site www.contribuablesfrancais.fr. p Béatrice Gurrey
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Disiz, le rappeur qui roule en RER
Loin du «bling-bling» de ses pairs, le musicien, acteur et romancier, un temps oublié, revient à son meilleur Hip-hop
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isiz n’est pas un rappeur millionnaire. Pas de voiture bling-bling, pas d’appartement dans l’Ouest parisien. A l’aube de publier son neuvièmealbum Transe-Lucide(Def Jam), qui sort le 3 mars, il prend son RER à Evry (Essonne) pour entamer sa journée de travail. Un peu particulière certes : répétitions pour les Victoires de la musique au Zénith dans la matinée, rendez-vous avec son éditeur pour son troisième roman dans l’après-midi. Avant, il aura pris le temps de petit-déjeuner avec ses quatre enfants (deux garçons, deux filles de 6 à 12 ans), et sa femme Thioubado, qui teste ses nouvelles pâtisseries sur sa famille. Dans un des morceaux extraits de son album Echo, Disiz, de son vrai nom Sérigne M’Baye Gueye, 35 ans, explique qu’il a épousé son amourde jeunessepour «construire ce qu’il n’avait pas eu», lui, le fils
unique d’une bibliothécaire picarde et d’un étudiant sénégalais, séparés après des violences conjugales. Autrerevanchesur la vie: le rappeurDisiz la Peste – sonpseudonyme à ses débuts en 2000 quand il vend600 000exemplairesdu single J’pète les plombs – s’est acheté un appartement dans la « partie aisée » d’Evry, à côté de son ancienne école maternelle, précise celui quia grandi dans la cité des Epinettes. Son enfance, son adolescence entre les copains de quartier et les vacances chez les tantes maternelles, nourrissent cet album, le plus abouti de sa carrière. Il y expose sa « complexité française », ses difficultésliées à son métissage, s’amuse des écarts de langage du rap et se prend pour Eminem dans Rap Genius. Musicalement, il imite aussi la nouvelle génération du hip-hop américain dans Fuck les problèmes et MC Kissinger. Pourtant, Disiz a bien failli arrêter cette musique,
« faire partie des rappeurs oubliés», comme il dit. Dans le RER, qu’il prend systématiquement pour ses déplacements depuis qu’il a perdu les derniers points de son permis de conduire en 2007, il raconte la tentative de racket qui a failli l’anéantir. En 2005, d’anciennes connaissances de son quartier lui proposent leur protection contre rémunération, après une bagarre survenuedans leslocaux de la radio Skyrock, où Disiz faisait la promotion deson albumLes Histoiresextraordinaires d’un jeune de banlieue. « Comme je refusais, ils se montraient de plus en plus menaçants. Ils sont venus jusqu’à la clinique où ma femme venait d’accoucher. J’ai cru devenir fou. Ils voulaient 7 500 euros. Si j’avais cédé, ils m’auraient toujours demandé plus. Je leur ai répondu que pour ma protection, je m’en remettais à Dieu», racontecemusulmanpratiquant, qui évoque son chemin spirituel dans Echo.
AlbanRichardse cogneaux sorcièreset aux possédées
inculte : « Comme ça fait toujours bien de parler de Jacques Brel, moi je parlais de Nabokov, de Boris Vian.De toute façon, dès qu’unrappeur cite un bouquin, on va dire: “Il est formidable”. » Dans une table ronde filmée pour Arte, il se fait étriller par son collègue Ekoué, de La Rumeur, qui
As (2 007), boucles de danse tourbillonnantes, dans le camp des œuvres inoubliables. Principes dévissés par les corps en mouvement. Pourquoi des hommes et rien que des hommes pour traiter des représentations féminines extrêmes ? Alban Richard sourit, hésite. « Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais cela a été évident d’emblée. J’avais besoin de faire un choix esthétique radical pour évoquer des femmes que l’on a souvent écartées, brisées. Les danseurs en sont hantés. » Il mentionne aussi le fait que le sexe faible a longtemps été interdit de spectacle en Occident. Souligne que dans les traditions asiatiques, comme celles du nô japonais par exemple, la quintessence de la féminité est interprétée par un homme. Alban Richard, qui a créé sa compagnie, Ensemble l’Abrupt, en 2000, affirme toujours plus nettement une danse de vibrations, de transports physiques. « J’ai commencé très tard, à l’âge
Sa danse conjugue le minimalisme et l’excès dans un subtil dosage pulsant de 18 ans, explique ce Breton qui a grandi au Havre. Et ma toute première fois a été si forte que j’en ai un souvenir extrême. Je me suis senti incroyablement vivant, j’ai découvert mon corps, sueur, peau, muscles, souffle, à travers un état que je n’avais jamais éprouvé auparavant.» S’il mettra trois ans avant de sauter définitivement le pas et de choisir la danse, Alban Richard a conservé dans toutes ses pièces, même les plus statiques, comme Trois études de séparation (2007-2009), cette tension intime, cet appel des tripes, qui ne demande qu’à se répandre sur un plateau. Avec férocité, non sans élégance. p Rosita Boisseau
Et mon cœur a vu à foison, d’Alban Richard. Théâtre national de Chaillot, place du Trocadéro, Paris 16e. Du 5 au 7 mars, 20 h 30. Tél. : 01-53-65-30-00. De 11 ¤ à 33 ¤. Et aussi : Performance Art et corps-Tordre l’émotion, d’Alban Richard. Musée du Louvre, Paris 1er. Le 8 mars à 14 heures, le 12 mars à 14 heures et 19 heures.
Design : Benjamine Seznec / TROÏKA • Crédit Photo : © Céline Nieszawer.
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nze hommes sur un plateau. Pieds nus, chaussettes, baskets. Le crâne lisse, les cheveux longs, le chignon. « Eh ! Zlatan, je savais pas que tu faisais de la danse », blague l’un d’entre eux en apostrophant son pote. La bande se marre doucement. Puis se met à pousser des cris suraigus et à grogner. Drôle de meute pour une pièce de danse intitulée Et mon cœur a vu à foison. A une semaine de la première de son spectacle, à l’affiche du 5 au 7 mars du Théâtre de Chaillot, à Paris, le chorégraphe Alban Richard, 40 ans, peaufine les rythmes qui s’affichent sur deux prompteurs posés en bordure de scène. Timing à la seconde pour chacun des huit danseurs soutenus en direct par trois percussionnistes. L’extase, la possession et autre climax, thèmes de la pièce, ne tolèrent ici aucun débord. Les sources d’inspiration de cette tête chercheuse passée par des études littéraires (maîtrise sur Marguerite Duras) se révèlent touffues et savantes. « Une pièce est d’abord une recherche personnelle qui aboutit, mais pas toujours, à un résultat spectaculaire. » Trois ans de collectage d’images et de textes ont nourri l’élaboration de Et mon cœur a vu à foison. Parti du thème de l’apocalypse, Alban Richard s’est plongé dans les traditions théâtrales des XIIIe et XIVe siècles. Il a contemplé des tapisseries médiévales, des toiles de Dürer autour de scènes de possession et de guérison… Cite L’Ecclésiaste, dans lequel il a déniché le titre de sa pièce. Il a finalement resserréses motifs autour des femmes sorcières, folles et mystiques du Moyen Age jusqu’aux hystériques de Charcot et aux possédées du cinéma de Zulawski et Argento. Alban Richard aime construire ses pièces, les argumenter. Il dresse des grilles minutieuses, indiquant pour chaque danseur son déroulé d’actions. « Se cogner contre un mur de structures » est sa définition du romantisme. Un romantisme pudique, voilé, mais qui finit par emporter les concepts. De la même manière que sa danse conjugue le minimalisme et l’excès dans un subtil dosage pulsant. C’est ce qui fait basculer certaines de ses pièces comme Disperse (2005) ou As Far
Son parcours au théâtre, Disiz le poursuit avec «Othello», qu’il interprète avec passion
lui reproche ses positions molles pendant les émeutes. Incapable d’argumenter face à son rival, Disiz décide d’arrêter le rap et de reprendre ses études là où il les avait arrêtées… au collège. Il passe son bac, s’inscrit en fac, et se lance un défi : écrire un roman. Les Derniers de la rue Ponty (Naïve, 2009), qu’il juge « trop appliqué, trop scolaire, trop cliché », est pourtant repéré par Paul Rondin, adjoint d’Olivier Py au Théâtre de l’Odéon. Ce dernier l’embauche pour animer un atelier théâtral avec un groupe de jeunes suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse. Là, il mesurele décalage entre sa génération et la leur, « où même l’amour,la draguesont désenchantés ». Son parcours au théâtre, il le poursuit avec Othello, de Shakespeare, qu’il interprète avec passion dans une mise en scène de Razerkia Ben Sadia Lavant. Tous les soirs de septembre 2013, il fait le trajet entre le Théâtre des Amandiers, à Nanterre, et Evry : « Ah tant
que je n’ai pas remboursé mes dettes [contractées après de mauvais placementsetdesimpôts qu’iln’attendait pas], s’amuse-t-il, je prends les transports en commun ! » Le théâtre, il trouve ça douloureux : « Ça réveille trop de choses», souligne-t-il,commelacolèregénérée par son métissage : « C’est un mal-être constant. Ceux qui arrivent à s’en sortir, ce sont ceux qui choisissentun camp.Sinon, t’estoujours en train de défendre un côté ou l’autre. Moi, je n’aime ni qu’on se moque des “Zyva la mouche” ni que les mecs de cité soient persuadés quedansle restede la France,tout le monde a une baguette sous le bras et ne pense qu’à manger du porc. » Dans Complexité française, Disiz « tire (son) chapeau » à ceux qui ont réussi à se déterminer et se félicite « d’avoir échappé à tous les ghettos» – en RER, s’il vous plaît. p Stéphanie Binet
Transe-Lucide. 1 CD Def Jam France/Universal.
« Un film jUste, drôle et tragiqUe à la fois » Le Monde
A Chaillot, le chorégraphe a demandé à onze hommes d’interpréter des femmes extrêmes
Danse
De cette tentative d’extorsion, Disiz n’en sort pas moins « amer et traumatisé». Pendant les émeutes de 2005, il dit avoir raté ses interventions sur les plateaux télés, voulant trop forcer le trait sur le côté « gendre idéal », le banlieusard cultivé contre l’émeutier
Un film de
Anne VILLACÈQUe
ACTUeLLeMenT AU CInéMA
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Samedi 1er mars 2014
Le joli coup du Centre Pompidou-Metz
Audacieuse et convaincante, l’exposition «Paparazzi!» explore les ressorts des photos volées
Le Théâtre éphémère ira en Suisse, pas en Libye
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L’acteur Robert Redford, en compagnie du réalisateur Costa-Gavras, à la sortie du restaurant Lapérouse, à Paris, en septembre 1976. MICHEL GINIÈS
Photographie Metz
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l fallait oser accrocher dans un musée les images de ceux qu’on considère souvent comme la lie du photojournalisme, et qui s’appellent entre eux les « rats ». A peine ouverte, l’exposition « Paparazzi! », au Centre Pompidou-Metz, qui réunit des photos volées de célébrités et les œuvres d’artistes qui s’en inspirent, charrie déjà son lot de réactions outrées. Dont celle d’une « victime » de paparazzi parmi les plus célèbres, Mazarine Pingeot, qui a vu sa vie bouleverséele jour où le photographe Sébastien Valiela a révélé son existence dans Paris Match en 1994 (le même a dévoilé récemment la relation de François Hollande avec Julie Gayet). Interrogée sur France Inter, la fille de François Mitterrand voit dans le projet une « mise en échec du geste artistique». Mais n’est-ce pas justement la preuve que ces images sulfureuses, aussi populaires que méprisées, valaient la peine d’être interrogées, analysées, exposées ? En près de 600œuvres et documents, les trois commissaires, Clément Chéroux, Quentin Bajac et Sam Stourdzé, réussissent un joli coup, posant les bonnes questions sur ce qui est à la fois un phénomène social, historique et esthétique. « Ce n’est pas une exposition qui rebondit sur l’actualité, précise bien Clément Chéroux, conservateur pour la photographie au Centre Pompidou. On ne prend pas le parti des paparazzi ni des stars. » La tâche n’était pas aisée. Au-delà de l’opprobre général, les commissaires ont dû affronter des difficultés inhabituelles : comment identifier le bon corpus parmi les centaines de milliers d’ima-
ges disponibles, et, y avoir accès ? Et surtout, comment monter une exposition valable alors que les images les plus célèbres et les plus chères ne peuvent être montrées sous peine de procès ? « Nous avonsretiré certainesimages après avoir consulté un avocat, confirme Clément Chéroux. De toute façon, le but n’était ni de courir après les scoops ni de faire du voyeurisme malsain.» Reste qu’il y a quelques absences. Si la célèbre photo de Jackie Onassis nue publiée par le magazine Hustler est exposée à Metz, on n’y trouvera pas celle de François Hollande et Julie Gayet ni celle de la princesse Diana agonisant sous le pont de l’Alma : pour celle-ci, les commissaires ont contourné le problème en montrant la couverture du magazine qui annonce la publier… dans ses pages intérieures. La question du droit des photos volées a été abordée de biais, à travers des publications judiciaires qui mangent parfois la totalité de la couverture des revues exposées, ou dans le riche catalogue. La première bonne idée des commissaires a été d’obliger le spectateur,plutôthabituéà feuilleter ces images chez le coiffeur, à se glisser successivement dans la peau de chacun des protagonistes impliqués: le photographe-chasseur, puis la star traquée. Avec toujours, en filigrane, l’idée d’un lecteur-voyeur. L’entrée en matière donne le ton, avec une œuvre de l’artiste Malachi Farrell (2000) : à peine avez-vous posé le pied sur le tapis rouge que vous voilà accueilli par une marée d’appareils photo et de micros agressifs, assailli par les flashs et les questions. Le parcours détaille ensuite les méthodes des paparazzi : planques et combines, déguisements, téléobjectifs démesurés, appareils clandestins. Mais il explore aussi
toute la mythologie entretenue autour de ce drôle de métier depuisque La Dolce Vita, de FedericoFellini, a inventéle motpaparazzi et mis ces photographes sur le devant de la scène. Les films, qu’ils soient de William Wyler (Vacances romaines) ou de Brian de Palma (Femme fatale), font du paparazzi un antihéros subversif, monstrueux et fascinant. Une sorte de double inversé du photographe de guerre, qui incarne, lui, une figure héroïque – quand bien même, dans la réalité, les photographes passent parfois d’un genre à l’autre…
Les proies les plus célèbres sont des femmes, pourchassées presque uniquement par des hommes Mais la partie la plus frappante est sans doute celle consacrée aux victimes préférées des paparazzi, qui dévoile en réalité toute la violence de l’acte. Et son aspect machiste. Les proies les plus célèbres sont exclusivement des femmes, pourchassées presque uniquement par des hommes. Même si les lecteurs de magazines people sont plutôt… des lectrices. Brigitte, Jackie, Liz, Britney, Paris,Diana,Stéphanie,icônes people, ont droit chacune à leur petite alcôve rose, mais l’intérieur n’est pas toujours reluisant : ces tirages parfois pleins de charme n’en présentent pas moins des figures de refus, de colère, de panique ou de fuite. Avec le temps, on voit la relation de la star aux médias se modifier, autant que le style des images: photo volée et lointaine pour Jackie Kennedy, photo aguicheuse
et assumée de Britney Spears, qui sort de sa voiture sans petite culotte : « Si ces femmes ont déchaîné les paparazzi, c’est aussi parce qu’elles incarnent la féminité d’une époque», souligne Clément Chéroux. Reste à savoir si ces images volées, dont la composition et même l’existence sont dictées par des facteurs étrangers à tout dessein artistique (accès, législation, état de la presse…), forment, en soi, une esthétique. C’est la thèse, plutôt convaincante, de l’exposition, qui aligne toutes les figures imposées ayant abouti à définir un genre : mains qui bouchent l’image, scènes de voiture, flou et grain, obstacles visuels. « Le succès de ces images est du à notre curiosité pour les célébrités, mais aussi à leurs qualités plastiques », assure le commissaire. De ces contraintes est né non pas un art, mais une esthétique paparazzi, qui a inspiré nombre d’artistes, fascinés par ces images et le besoinde voyeurismequ’elles traduisent. La dernière partie de l’exposition passe en revue des œuvres drôles ou grinçantes, signées des peintres Richard Hamilton ou Gerhard Richter, de la plasticienne Sophie Calle ou de la photographe Alison Jackson – qui invente des scènes hilarantes avec des sosies de célébrités. Cette section, très riche, paraît soudain bien sage. Comme si rien ne pouvait rivaliser avec le plaisir interdit des images volées de force à la réalité. p Claire Guillot
Paparazzi ! Photographes, stars et artistes. Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme, Metz. Jusqu’au 9 juin. Du lundi au vendredi de 10 heures à 19 heures, le week-end jusqu’à 18 heures. Tél. : 03-87-15-39-39. Centrepompidou-metz.fr. De 7 ¤ à 12 ¤. Catalogue Flammarion/Centre Pompidou, 320 p., 45 ¤.
a maison de Molière aime les coups de théâtre, et c’en est un. Le Théâtre éphémère, dont on avait annoncé en décembre2013, après moult rebondissements, qu’il avait été acheté par la Libye, va finalement rejoindre la Suisse. C’est le Grand Théâtre de Genève, la salle d’opéra de la métropole romande, qui a fait l’acquisition de cette salle provisoire construite par la Comédie-Française le temps de ses travaux de rénovation. Et l’affaire est cette fois entendue: Lorella Bertani, la présidente de la Fondation du Grand Théâtre de Genève, et Tobias Richter, son directeur général, seront à Paris mardi 4mars pour en officialiser la cession. « Les travaux de démontage commenceront dans la foulée », assure-t-on au Français, enfin soulagé de cette épine dans le pied. Quid des Libyens ? « Cela n’a rien de politique, sourit Patrick Belaubre, le secrétaire général de la Comédie-Française. Simplement l’état administratif du pays ne leur permettait pas de réagir rapidement. Il leur fallait un an et demi pour organiser le transfert. Nous ne pouvions pas attendre ce temps-là…» Exit les déclarations victorieuses, il a fallu reprendre les négociations rapidement – et discrètement –, pour ne pas avoir l’air ridicule dans un dossier qui traîne déjà depuis plus d’un an. D’autant que la salle en bois installée au
Palais-Royal est devenue au fil du temps une pomme de discorde entre la Comédie-Française et son voisin d’en face, le ministère de la culture, alors même que se pose la délicate question du renouvellement de mandat à la tête du Français de sa directrice, Muriel Mayette-Holtz – qu’on ne dit pas en odeur de sainteté Rue de Valois. Loin des spéculations parisiennes, les Suisses, eux, moyennant des travaux d’aménagement confiés à l’architecte Daniela Liengme pour transformer le théâtre en salle d’opéra, entendent bien faire le même usage que Paris de cette boîte en épicéa de 1 200 m2, qui peut accueillir 750spectateurs : l’utiliser comme salle de secours pendant les deuxsaisons de travaux que va engager la maison genevoise. Les représentants de la ville de Genève et du Grand Théâtre devraient dévoiler, mardi 4 mars, l’enveloppe budgétaire globale de l’opération de rénovation. De là à donner le coût d’achat du Théâtre éphémère, rien n’est moins sûr: jusqu’ici – négociations obligent?–, un voile de mystère a toujours entouré son prix de cession. D’autant que, comme le fait remarquer en Suisse un proche du dossier, une fois la rénovation terminée, rien n’a été décidé pour la suite. L’histoire de la patate chaude, ou bien, in fine, le Théâtre éphémère aurait-il trouvé là un moyen de durer ? p
Laurent Carpentier
A Bourges, on enterre bien la Maison de la culture Les batailles culturelles des municipales (5/18) Le maire a renoncé à rénover la salle Bourges Correspondant
L
e cultuel et le culturel n’auront pas de tours jumelles à Bourges. Tandis que la cathédralen’en finitpas de se refaire une beauté, la Maison de la culture, dont il ne reste que la façade Art déco de brique rouge, à un jet de pierre de l’église Saint-Etienne, nourrit une « guerre civile » entre les Berruyers, pratiquants ou non. La restauration de la première Maison de la culture (MC), inaugurée en 1963 par André Malraux, alimente depuis plusieurs mois un long feuilleton (Le Monde du 3 mai 2013). La salle quinquagénaire, qui a accueilli le Printemps de Bourges à sa naissance en 1977, s’est imposée au cœur de la campagne des municipales. Dès mai 2013, l’association Les Amis de la Maison de la culture organise un débat public pour dénoncer la gestion du dossier. Pointé du doigt, le maire de Bourges, Serge Lepeltier (radical valoisien), non candidat en mars. En février 2013, il déclare qu’il abandonne le projet de rénovation du site, qu’il avait lui-même lancé en 2007, avec l’aide de la région Centre, de l’Etat et même de l’Union européenne. L’édile invoque notamment l’état du sous-sol, truffé de vesti-
ges gallo-romains, nécessitant des fouilles archéologiques trop coûteuses.Il décide alors de construire une nouvelle Maison de la culture sur la place Séraucourt, historique elle aussi, pour un coût total de 29 millions d’euros – contre une ardoise de 33 millions pour le projet initial (fouilles incluses).
Le ton monte L’association lance une pétition en décembre 2013, qui récolte 1 500 signatures, dont celle d’Alain Meilland, ancien directeur des affaires culturelles de Bourges et pionnier de la MC. Ce qui n’empêche guère, le 19 décembre, le jury de choisir parmi 204 dossiers les quatre cabinets d’architectes qui participent à la phase finale d’étude, pour une ultime désignation prévue en juin 2014. Le ton monte sur les marchés, où s’écharpent les équipes de campagne. Dans le petit monde de la culture locale, les amis de trente ans se déchirent. La place Séraucourt sera « transformée» pour les uns, « saccagée » pour les autres. Avecla bénédictionde tous les candidats, sauf deux, qui font de la résistance : la candidate PS, Irène Félix, et le candidat divers droite, Franck Thomas-Richard. p Patrick Martinat
Prochain article : l’abbatiale de Moissac.
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S.FR U 2 L P L E E I H R C U N T T I DIMA ET FRANCECUL R T C E É 1 I D T E ME .FR A E S N R E U R L T I L E O U T C T LA N NCE I A R R U F S T , E D R N N U E LT WEEKOMME RANCE CU er
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mode
Samedi 1er mars 2014
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PARIS PRÊT-À-PORTER | AUTOMNE-HIVER 2014-2015
Tribus parisiennes
A travers des collections aux styles affirmés, les créateurs de Balenciaga, Carven ou Lanvin dressent une typologie de femmes de caractère
B
erceau de la haute couture, Paris est aussi la capitale du style, où les créateurs ont un point de vue. Pas de demi-mesure: en matière d’esthétique, le centrisme n’est pas une valeur très parisienne. Ces signatures marquées s’expriment avec naturel à travers des collections qui définissent au passage des tribus de femmes. Ces univers sont sujets à évolution : celui de Balenciaga a beaucoup changé avec l’arrivée fin2012 de son nouveau directeur artistique, l’américain Alexander Wang. Poursa troisièmecollection,ledesigneratrouvésesmarques.Lesgrandes parkas soulignées de zips et décorées de panneaux de fourrure qui ouvrent le défilé sont un bon indicedecequifaitvibrerlanouvelle«femmeBalenciaga»:un mélange de confort streetwear et d’architecture textile. Le designer paraît à l’aise avec les effets de volume inscrits au patrimoine stylistique de la maison que l’on retrouve dans les mailles et les robes aux épaules arrondies façon conques. Les pulls courts à rayures en 3D taillées dans la fourrure et les gros manteaux de couleurs vives texturés comme des pulls torsadés penchent du côtédusportswearà lanew-yorkaise, tandis que les smokings à pans asymétriques, les hauts drapés à épaules carapaces rebrodés de cristaux évoquent un esprit couture radical et moderne. AvecAlexanderWang,la femme Balenciaga a quitté son territoire d’intello parisienne chic pour une identité plus cosmopolite qui l’amène à passer tout naturellement d’un match de basket à une galerie d’avant-garde.
L’ambiance est plus intimiste chez Paco Rabanne pour la deuxièmecollectionde Julien Dossena. Le Français est en train de réussir là où beaucoup ont échoué: éviter la malédiction de la robe en métal emblématique de la marque. Son futurisme est plus urbain, une réminiscence de son passé chez Balenciaga-période Nicolas Ghesquière. Pantalons mi-smoking mi-jogging, pulls à col zippé sur jupe asymétrique en maille argent, robe de cuir à panneaux latéraux signent une ligne graphique et moderne pour les fans d’avant-garde portable. Lesadeptes du look rock à la Patti Smith ont une adresse de prédilection : Ann Demeleumeester. La créatrice belge a annoncé son retrait et a confié sa marque à l’équipe de son studio – qu’elle continue pour l’instant de conseiller. Pour leur entrée en matière, ces designers ont livré un concentré du style saison : de grandes silhouettes fluides qui mêlent leggings de cuir ou pantalons droits etamples, manteauxsouplesà carrures étroites et grandes chemises drapées. Une symphonie en noir habitée qui se décline également en version masculine et rend déjà nostalgique.
Balmain. FRANÇOIS GUILLOT/AFP
Un glamour chaleureux pour une femme qui aime qu’on la regarde, mais pas forcément comme un objet Chez Carven, ledesigneresttoujours le même mais le style a joliment mûri. Guillaume Henri a lâché sa femme-enfant pour une personnalité plus fatale mais pas racoleuse. En tailleurs minijupe portés avec des cuissardes épurées, habilléede satin ténébreuxréveillé de quelques cristaux nichés dans une découpe, en manteau décoré decollagesartyetromantiques,cette fille a de l’assurance. Elle connaît son pouvoir de séduction et sait en jouer juste ce qu’il faut. A cette Parisienne néoclassique répondent des « clans» aux partis pris plus marqués comme celui de Balmain. Pour cette institution de la couture parisienne née en 1945, le jeune Olivier Rousteing invente des vestiaires sexy et plein d’énergie. Pour l’hiver, il propose une collection qui télescope un esprit hiphop calibré pour la jeunesse d’aujourd’hui et la culture couture de la griffe. Les pantalons de cuir façon treillis se portent avec des vestes à plissés péplum contrastés suturés d’or, les robes en cordelettesde soiesuccèdentaux tailleursà jupe crayon portée avec une maxiparka en peau kaki. Il y a une opulence solaire dans tout cela, un glamour chaleureux pour une femme qui aime qu’on la regarde mais pas forcément comme un objet. Nouvelle icône de la griffe, la chanteuse Rihanna incarne à sa façon ce pouvoir de séduction populaire et cool.
Balenciaga. MONICA FEUDI/FEUDIGUAINERI.COM
«Nous espérons faire changer le regard sur H&M» Questions à Ann-Sofie Johansson
Pour la deuxième année, le géant suédois du prêt-à-porter H&M a présenté à Paris, en marge du calendrier officiel, sa collection « Studio» avec un show spectaculaire organisé au GrandPalais. Du tailleur-pantalon fluide et androgyne à la mini-robe pull en passant par la parka militaire rien ne manque à ce vestiaire efficace et abordable. La présence de cette marque sur des podiums autrefois réservés au luxe témoigne des dynamiques nouvelles qui animent l’industrie de la mode. Rencontre avec Ann-Sofie Johansson, qui dirige le département design de H&M.
Lanvin. BENOIT TESSIER/REUTERS
L’autre enfant du rock de la scène parisienne s’appelle Rick Owens. Ce Californien talentueux fait littéralement défiler sa tribu puisque les mannequins ressemblent à des femmes de la rue ; et elles sont parfaitement à l’aise dans ses grands manteaux cocon portés avec des cuissardes sans talon ou des pantalons renforcés de biker. Une vraie silhouette d’amazone urbaine tout terrain allergique au glamour traditionnel. Celui-ci est davantage l’affaire d’Alber Elbaz, chez Lanvin. Quoique. Il ne faut jamais totalement se fier à sa bourgeoise chic un peu
rebelle qui aime bien détonner. Pour l’hiver, le créateur lui a dessiné un vestiaire subtilement décadent et totalement réussi. Robe bustier en cuir noir plissé, minirobe tunique en satin bordée de métal et de perles, habillée de franges de soie ou d’écailles de plumes, tailleurs à grands cols de fourrure, ou en tweed à ourlet déchiqueté : voilà une drôle d’aristocrate. On l’imagine fumant à la terrasse du Café de Flore en écrivant son prochain roman. Car cette mode à forte personnalité donne envie d’inventer la vie qui va avec. p Carine Bizet
Que représente pour H&M le fait de présenter une collection à Paris ?
Carven. BERTRAND GUAY/AFP
Un défilé nous donne l’occasion de mettre en lumière le talent de nos équipes de designers. Au travers de cet événement, nous prouvons à nos détracteurs que nous sommes une force de proposition sur le plan créatif, que notre travail n’est pas une réinterprétation de celui des autres stylistes. Quelle place occupe H&M dans la mode aujourd’hui ?
Notre seule ambition est de proposer de beaux vêtements. Au total, nous sommes près de 160designers. C’est normal que les créateurs arrivent à des conclusions proches car les tendances
sont mondialisées. Quand vous faites des recherches, que vous soyez H&M ou une autre marque, vous remarquez par exemple que la fourrure ou le blouson aviateur ont la cote. Peut-être que les acteurs de ce secteur s’interrogent sur les raisons de notre réussite. Peut-être que certains s’en inspirent. Avec cette présentation, nous espérons faire changer le regard porté sur notre label. H&M peut se construire et se percevoir comme une marque créative. Oui, beaucoup de gens portent nos vêtements, cela les rend-ils moins nobles? La Semaine de la mode est associée aux marques de luxe. Qu’apporte la présence d’une marque grand public ?
La présence d’un label comme le nôtre prouve que l’exercice du défilé et la célébration de la création ne sont pas l’apanage des marques de luxe. Topshop, qui est présente à Londres, est un acteur majeur de l’industrie de la mode, nous en sommes un également. Pourquoi, alors que les médias du monde entier sont réunis au même endroit, ne pourrions-nous pas en profiter? Après tout, les vêtements sont faits pour être portés. p
Propos recueillis par Aude Lasjaunias
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carnet
Samedi 1er mars 2014
Roberta Crocioni Cremonini
en vente actuellement K En kiosque
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Hors-série
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AU CARNET DU «MONDE»
Anniversaire de naissance Léa,
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Dès jeudi 27 février, le volume n° 6 LES ORIGINES DE LA GRÈCE
Luigi CREMONINI. Toutes ses pensées les plus affectueuses sont avec les parents, Pietro et Catherine Cremonini. robertacrocioni@gmail.com On nous prie de faire du décès du
docteur Michel CSASZAR GOUTCHKOFF, survenu le mardi 25 février 2014. L’inhumation a lieu ce vendredi 28 février, au cimétière intercommunal de Clamart (Hauts-de-Seine), à 16 h 30. Une cérémonie religieuse aura lieu le samedi 1 er mars, à 10 heures, en l’église Saint-Jean-le-Théologien, 14, rue du Père-Brottier, à Meudon(Hautsde-Seine). M. Julien Damon, son fils, Mme Monique Bigrat, M. François Damon, son frère Ainsi que toute sa famille,
Nous te souhaitons un très bel anniversaire et souhaitons que tes projets deviennent réalité. Nous t’aimons et t’embrassons. Maman, Papa, Hannah, et tes grands-parents.
Décès Irène, son épouse, Claudine, Dominique, Myriam et Marc, ses enfants, Julien, son frère, Ses petits-enfants Et ses arrière-petits enfants Ainsi que toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de
maître Jules BORKER, avocat honoraire à la Cour d’appel de Paris,
maître de conférence en Economie à l’université de Paris 8, survenu le 23 février 2014, à Paris, à l’âge de soixante-quinze ans. Un hommage lui sera rendu le lundi 3 mars, à 12 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Colette Fournier, son épouse, Caroline et Frédéric Campodarve, François-Nicolas et Paola Fournier, ses enfants,
Cet avis tient lieu de faire-part.
Louis CREMONINI. Louis s’est envolé le 22 février 2014, à l’âge de vingt ans.
Dès jeudi 27 février, le CD-livret n° 15 C’EST COMMENT QU’ON FREINE
Le Musée du
ont la douleur de faire part du décès de
François FOURNIER, chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite, ancien président de Davum, Nozal, Longométal, Davum Stahl, Davum Armatures, du groupe Usinor-Sacilor, administrateur de plusieurs sociétés en Polynésie, Nouvelle-Calédonie et au Maroc, survenu le 26 février 2014, à l’âge de soixante-et-onze ans.
Ceux qui l’aiment se réuniront le samedi 1 er mars, à 10 heures, en la salle de la Coupole, au columbarium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
Un hommage lui sera rendu le mardi 4 mars, à 14 h 30, en la salle de la Coupole du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Ni fleurs ni couronnes.
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né le 3 novembre 1930, chef du département de pédiatrie de l’Institut Gustave-Roussy de 1978 à 1996 et sous-directeur de 1994 à 2001.
Nous adressons à sa famille et à l’ensemble de ses proches, nos sincères condoléances et témoignons de notre sympathie dans ce moment très douloureux. Une cérém onie religi euse sera célébrée en l’église Saint-Albert-leGrand, Paris 13e le vendredi 28 février, à 14 h 30.
est décédée à Lexington, Kentucky, le 14 vendredi février 2014, à l’age de quatre-vingt-onze ans. Hélène McRoberts, sa fille, (Lexington, KY) Robert Marthoud, son frère, Christine Allemand, sa nièce, Georges Marthoud, son neveu Et Josette Combes, sa cousine,
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3 MOIS pour suivre toute l’actualité des élections
souhaitent témoigner de leur grande sympathie, respect et reconnaissance pour
Gilles THOMAS
Ni fleurs ni couronnes.
qui nous a quittés.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Pionnier et acteur majeur de la génétique humaine en cancérologie, Gilles Thomas a fondé le laboratoire de génétique des tumeurs à l’Institut Curie et a dédié sa carrière scientifique à cette discipline. Ses travaux ont eu un impact de dimension internationale ouvrant le champ aux défis actuels de la génétique et du cancer.
Jean-Philippe Ould Aoudia, Madeleine Ould Aoudia, ses enfants, Odile Ould Aoudia, sa belle-fille, Pauline et Guillaume, Juliette et Yves, Matthias et Sylvie, Faustine et Olivier, ses petits-enfants, Marine, Mélissa, Thibault, Tristan, ses arrière-petits-enfants, Jeanne Canevet, Colette Hié,
André Syrota, président-directeur général, Alain Tedgui, président du conseil scientifique, Et l’ensemble des personnels de l’Inserm, ont eu la grande tristesse d’apprendre la disparition de
née NOTTELET,
Gilles THOMAS,
survenu le 23 février 2014.
mondialement reconnu pour sa contribution majeure à la connaissance des prédispositions génétiques aux cancers.
Cet avis tient lieu de faire-part. Ni fleurs ni couronnes. Les dons sont à adresser à Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, 50, rue de Chabrol, 75010 Paris. 191, avenue Victor-Hugo, 92140 Clamart. aoudiajph@wanadoo.fr
Ils rappellent à votre souvenir, son mari,
Niort (Deux-Sèvres). Saint-Maixent-l’Ecole (Deux-Sèvres).
Chercheur hospitalo-universitaire, polytechnicien et médecin, Gilles Thomas a dirigé l’unité Inserm 434 « Génétique des tumeurs » de 1995 à 2005 au Centre d’étude du polymorphisme humain, hôpital Saint-Louis, à Paris. Ses travaux portaient sur les prédispositions polygéniques des cancers humains et sur les mutations génétiques des tumeurs, en particulier du sein et de la prostate Il dirigeait, depuis 2009, la plateforme de génétique et de bio-informatique de la Fondation Synergie Lyon Cancer, outil indispensable qu’il avait créé en soutien des équipes de recherche en génome du cancer. Gilles Thomas était également membre des experts de l’Institut thématique muliorganisme (ITMO) cancer de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé.
Jean et Charlotte Quintard, François Quintard, ses enfants, Clara, sa petite-fille, Jacques Vandier, son frère, Françoise, Arlette, ses belles-sœurs, Catherine, Anne, Etienne, ses nièces et son neveu, Pauline, Antoine, Clémence, Victor, Maxence, ses petits-neveux et petites-nièces,
son fils, John J. McROBERTS II, et sa sœur, Jacqueline MARTHOUD. Christiane était une personne dévouée de l’Église catholique. Elle a été membre de l’Ocean Reef Club à Key Largo (FL). Elle partageait avec son époux aimant, l’amour des antiquités, de la peinture, de l’opéra et de la musique. De part le statut de Lyonel, en Angleterre, lui et Christiane ont été honorés de figurer dans l’ouvrage Debrett & Sign Baronetage.
Ils s’associent à la peine de ses proches et de tous ceux qui l’ont connu.
Remerciements
ont la douleur de faire part du décès du
docteur Hélène QUINTARD,
Suzanne, Catherine, Muriel, Céline, Philippe Et toute la famille de
née VANDIER,
survenu le 26 février 2014, dans sa quatre-vingt-quatrième année.
Jacques LAUVERJAT, ont été très touchés des marques de soutien et d’affection que vous leur avez témoignées et vous adressent leurs très sincères remerciements.
La cérémonie religieuse aura lieu le lundi 3 mars, à 10 h 30, en l’église réformée de Saint-Maixent-l’Ecole, suivie de l’inhumation au cimetière familial de Saint-Sauvant (Vienne), dans l’intimité.
Tous ceux qui ont connu Christiane se souviendront d’elle comme une très belle et rare lady.
Souvenir
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Ayons aujourd’hui une pensée pour
« Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. » Romains, 8, 39.
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Gérard LORIN, comédien.
« Un homme de bien n’en fait-il pas assez s’il pratique avec conscience et sincérité l’art qui lui fut transmis ? » Goethe, Faust.
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Les obsèques auront lieu le mardi 4 mars, à 14 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
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survenu dans l’après-midi du 20 février 2014, à Apt.
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née Henriette NEVEU des CHÂTEAUX de CHAMPREL,
Claire et Jacques Dreyfus-Cloarec, Micha et Marianne Bauer.
ABONNEMENTS Dès vendredi 28 février, le volume n° 22 LES MUSICIENS DE L’ORCHESTRE d’Edgar Degas
Gibbsy TARNAUD,
Dominique May-Bauer, Christine et Michel Terrain, Agnès et Pierre Gaborit, ses sœurs et beaux-frères, Laurent, Alice, Camille, Muriel, Delphine, Nicolas, Marina, ses nièces et neveux, leurs conjoints et leurs enfants,
Pierre et Renée MARTHOUD,
Sa soif de vie, son insatiable curiosité, ses explorations artistiques, son sens de l’amitié, sa vitalité, son élégance, ses pétillements et sa douceur nous accompagnent.
Catherine, Pietro et Grégoire.
ont la tristesse de faire part du décès du
ses parents,
Les familles Busseron, Moulin, Rose,
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Marc Durand-Viel, son compagnon,
Lyonel F.T. STONE,
Romain, Charlotte, Maximilien, Alexandre, ses petits-enfants,
survenu le 24 février 2014. Les obsèques auront lieu le mardi 4 mars, à 13 heures, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
nous a quittés le 25 février 2014, notre peine est immense.
Christiane MARTHOUD STONE
M. Jean-Pierre DAMON,
Sylvie Piquemal, sa sœur, Pierrille Tarnaud, Sa famille Et ses amis,
Nicole MAY
professeur Jean LEMERLE,
ont le regret de faire part du décès de
tu as aujourd’hui vingt ans !!
Hors-série
annonce avec une immense douleur le décès prématuré de son neveu bien aimé,
M. Jean Daubigny, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, président du conseil d’administration de Gustave-Roussy, Le professeur Alexander Eggermont, directeur général de Gustave-Roussy Et ses collègues du departement de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent,
Nom : Prénom : Adresse : Code postal :
Localité :
E-mail :
@ Monde
OUI
NON ou de ses partenaires
OUI
NON
Tél. : I M P O R TA N T : VO T R E J O U R N A L L I V R É C H E Z VO U S PA R P O R T E U R * * Maison individuelle
Boîte aux lettres :
Immeuble
Nominative
Digicode N° Interphone :
Collective
Dépôt chez le gardien/accueil oui
non
Bât. N°
Escalier N° Dépôt spécifique le week-end
réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/03/2014. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et 12 Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.
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météo & jeux
Samedi 1er mars 2014
0 à 5°
-5 à 0°
5 à 10°
40 km/h
4 9
4 10
3 9
Metz 3 7
Orléans
3 10
3 10
Nantes 3 11
Dijon
Poitiers
3 7
2 10
Limoges 1
2 8
7
Lyon 0 3 101 8
Londres
102 5
103 0
Montpellier
Toulouse
Marseille
6 14
4 10
7 13
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Aubin Coeff. de marée 47
Jours suivants
Lundi
Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est
Mardi
Ajaccio 8 12
Dimanche
Samedi, les pressions remonteront très timidement, mais elles resteront néanmoins dépressionnaires sur le pays. Cela engendrera encore de nombreux passages nuageux, avec de faibles giboulées sur un large quart Nord-Est, et de la neige sur les reliefs dès 500 à 600 mètres environ. Une langue pluvieuse affectera aussi le Sud-Ouest et surtout le piémont Pyrénéen, tout en remontant légèrement le long de la façade Atlantique.
D
Front froid
Occlusion
Thalweg
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4 11 2 12 6 12
0 10 -2 11
3 14
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cielcouvert pluiemodérée enpartieensoleillé bienensoleillé bienensoleillé averseséparses averseséparses assezensoleillé enpartieensoleillé assezensoleillé aversesmodérées aversesmodérées assezensoleillé nuageux enpartieensoleillé averseséparses enpartieensoleillé faiblepluie averseséparses averseséparses averseséparses assezensoleillé assezensoleillé pluieetneige assezensoleillé assezensoleillé
3 11 6 3 0 2 3 3 6 4 4 1 0 10 1 13 13 2 0 2 4 -9 12 0 0 1
6 13 14 14 9 6 8 11 9 6 7 7 2 11 5 16 15 7 10 6 10 -1 18 2 8 5
Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb
Bucarest Istanbul Ankara
Athènes Beyrouth
Tripoli Tripoli
assezensoleillé aversesmodérées assezensoleillé faiblepluie assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé assezensoleillé nuageux
Dans le monde
0 8 2 2 0 5 0 2 -1 2
5 13 14 4 4 16 10 11 5 11
Alger aversesmodérées 10 15 Amman 8 18 assezensoleillé Bangkok 24 33 beautemps Beyrouth 16 assezensoleillé 23 Brasilia 19 24 pluiesorageuses Buenos Aires pluiesorageuses 15 26 Dakar 20 24 beautemps Djakarta pluiesorageuses 25 30 Dubai beautemps 21 26 Hongkong assezensoleillé 20 22 Jérusalem assezensoleillé 11 25 Kinshasa pluiesorageuses 23 32 Le Caire assezensoleillé 14 27 Mexico beautemps 11 25 faibleneige Montréal -16 -2 assezensoleillé Nairobi 15 26
Jérusalem
New Delhi aversesmodérées assezensoleillé New York assezensoleillé Pékin pluiemodérée Pretoria enpartieensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible enpartieensoleillé Séoul Singapour bienensoleillé faiblepluie Sydney assezensoleillé Téhéran faiblepluie Tokyo assezensoleillé Tunis Washington bienensoleillé Wellington bienensoleillé
Outremer
Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis
assezensoleillé bienensoleillé averseséparses pluiesorageuses assezensoleillé pluiesorageuses
13 21 -7 3 0 7 18 21 10 17 26 35 2 10 24 30 19 22 7 15 10 13 9 14 -4 10 12 16 24 25 22 25 24 26
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Météorologue en direct au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h
Mercredi 4 13
5 10
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“Connaître les religions pour comprendre le monde”
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CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
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z Découvre notre nouvelle formule
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9
Solution du n˚14-050
TF 1
10 1 1 12
des animateurs. Invités : Thierry Beccaro, Jérôme Bonaldi, Denis Brogniart, Patrice Carmouze, Sophie Favier... 23.35 Vendredi, tout est permis avec Arthur. Invités : Ary Abittan, Medi Sadoun, Caroline Vigneaux, Philippe Lelièvre... (110 min).
II III
FRANCE 2
IV
20.45 Boulevard du Palais.
V
Trepalium. Téléfilm. Jean-Marc Vervoort. Avec Anne Richard, Agnès Sourdillon (Fr., 2012) U. 22.20 Ce soir (ou jamais !). Magazine. 23.55 La Parenthèse inattendue. Magazine. Invités : Chantal Ladesou, Yves Duteil, Noémie Lenoir (118 min).
VI VII
FRANCE 3
VIII
20.45 Faut pas rêver.
IX X
I. Pourra être poussée sans le moindre danger. II. Chanté au music-hall. Transmis à celui qui est devant. III. A mis en place la trêve de Dieu. Fait boule-de-neige au jardin. IV. Vit en compagnie. A quitté l’eau pour le vin. Jeune propos. V. Précipitations. Fait preuve. VI. Couvrent les épaules des belles. Prise de force. VII. Fait tache sur la feuille. Donne de bons petits noirs. VIII. Devrait être rejetée par la Constitution. Recommence à chaque tour. IX. Assure la liaison. Beau comme un arc. Devient noble sous les coups. X. Poussées à l’absurde.
Solution du n° 14 - 050
Horizontalement
I. Carpiculture. II. Omerta. Oison. III. Napée. Gué. Oc. IV. Truc. Aran. Fa. V. Rê. Humaine. VI. Eyre. Ui. ENOS. VII. Jeunesse. Dus. VIII. Ou. Tressaute. IX. USA. Nue. Rire. X. Renversantes.
Vendredi 28 février
20.55 Le Grand Concours
I
Horizontalement
J
e n’avais pas regardé depuis un moment « Le Grand 8 », sur D8, animé par Laurence Ferrari et ses comparses (dont l’ex-ministre Roselyne Bachelot). Jeudi 27février, les enchaînements étaient huilés avec juste ce qu’il faut de vinaigre pour donner du piquant aux échanges de ces dames qui savent ménager un bon équilibre entre sérieux et divertissement. Voilà l’exemple d’un programme (que j’ai chicané à ses débuts) qui aura non seulement tenu le coup mais se sera bonifié. En sus de possibles surfacturations au profit de sociétés présumées complices dont est accusé Jean-François Copé par Le Point, le magazine en ligne www.argusdesmontres.com a comptabilisé la valeur des montres de luxe portées par le président de l’UMP depuis 1999: 100000euros. Et l’on embête NKM, la meilleure amie du Monde, pour une paire de bottes Hermès à 1 700 euros? Mort, annoncée jeudi matin sur les chaînes d’info en continu, de Quentin Elias, 39 ans, ancien membre du « boy band» des années 1990 Alliage. Exilé depuis dix ans aux Etats-Unis, il y aura poursuivi une carrière assez vague de « mannequin» avec deux passages en solo (dont un masqué) sur les écrans des studios de films pornographiques Randy Blue et la proposition occasionnelle de ses services sur un site gay d’«escorts ». Sa mort rappelle celle de Filip Nikolic, des 2be3, un autre « boy band» français, victime d’un abus de somnifères, et surtout celle d’Erik Rhodes, célèbre acteur bodybuildé de films pornographiques. Le garçon, d’une intelligence aiguë, tenait sur Tumblr un jour-
Les soirées télé
Sudoku n˚14-051
Motscroisés n˚14-051 4
Odessa
Le Caire
6 12
3
Kiev
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Dépression
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Barcelone Barcelone
Rabat
Front chaud
Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik
Les jeux 1
Budapest
Zagreb 1000 Belgrade
A
-30 degrés prévus ce week-end sur l’ouest Canadien
Lever 07h13 Coucher 19h08
Lever 07h32 Coucher 18h33
Aujourd’hui
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Anticyclone
En Europe
80 km/h
Berne
Munich Vienne
Milan
Alger
Nice
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Perpignan 6 14
Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague
Séville
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A
9 10
10 00 100 5 10 101 10 5 102 0 Madrid
Moscou
Copenhague
Bruxelles
Paris
Grenoble
p a r R ena ud Ma cha r t
St-Pétersbourg
Riga
Lisbonne Lisbonne
5 10
Biarritz
Dublin
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Bordeaux
40 km/h
DEdimbourg
D
Chamonix
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Clermont-Ferrand
Helsinki
Oslo Stockholm
5 100
Strasbourg 3 10 985 995 10 Besançon 05 1015 3 7 102 5
C’EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
1015
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0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Verticalement
1. Ne facilite pas l’avancement. 2. Comme une bonne crème. 3. Précepteur d’Alexandre le Grand. 4. Traverse une grande partie de l’Afrique. Poésie plaintive. 5. Poils de la mouffette. Dans le Tarn. 6. Tout un spectacle à Tokyo. Abaissa moralement. 7. Prises en note. Préposition. Cinéaste italien. 8. Fait du neuf dans nos mots. Très étonnée. 9. Bien mal engagé. 10. Personnel. Peut sauver à condition de croire. Bout de métal. 11. Possessif. Son vol finit par tomber à l’eau. 12. Particulièrement insupportables.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Contre-jour. 2. Amareyeuse. 3. Repu. Ru. An. 4. Prêchent. 5. Ite. Erne. 6. CA. Amuseur. 7. Graissés. 8. Louai. Es. 9. Tienne. ARN. 10. Us. Enduit. 11. Roof. Outré. 12. Encaissées.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
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Carnet de notes (3)
D
990
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Rennes
40 km/h
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Reykjavik
www.meteonews.fr
Châlonsen-champagne
PARIS
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Amiens Rouen
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01.03.2014 12h TU
Lille
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En Europe
Samedi 1er mars Giboulées de mars ! 50 km/h
10 à 15°
99 5
< -5°
écrans
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Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre »)
Indonésie, d’île en île. Magazine. Au sommaire : Dans les airs de Bali ; Les Forçats du soufre... 22.35 Météo, Soir 3. 23.10 Enquêtes de régions. Magazine. 0.00 Doc 24. Documentaire (55 min).
CANAL + 21.00 39e cérémonie des César.
Emission spéciale présentée en direct du Théâtre du Châtelet par Cécile de France. 0.00 Möbius pp Film Eric Rochant. Avec Jean Dujardin, Cécile de France, Tim Roth (France, 2012, 105 min) U.
FRANCE 5 20.38 On n’est pas que des cobayes ! Peut-on se déplacer de liane en liane comme Tarzan ? Peut-on flotter dans sa baignoire ?... 22.23 C dans l’air. Magazine. 23.36 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE 20.50 Querelles de clocher p
Film Ulrike Grote. Avec Julia Nachtmann, Hans Löw, Natalia Wörner (Allemagne, 2012). 22.15 Attention séisme ! Le Système d’alerte des animaux. Documentaire. 23.10 L’Harmonie. Documentaire. 0.10 Court-circuit. Magazine (65 min).
M6 20.50 Elementary.
Série. Irène. Alias Moriarty ; Les Vieux Démons. L’Honneur d’un flic. Savant fou (saison 1, ép. 23 et 24/24, inédit ; ép. 15 à 17/24) U. 0.55 New Girl. Série (saison 1, ép. 4 à 6/24, inédit, 85 min).
nal en ligne dans lequel on lisait au jour le jour sa descente dans les enfers de la drogue et des anabolisants – l’inverse d’Opium (1930), le journal de désintoxication de Jean Cocteau, en quelque sorte – qui lui permirent de faire gonfler une musculature aussi artificielle que celle de Quentin Elias. Ainsi qu’il le prédisait, son corps a fini par lâcher. Et comme Quentin Elias, on a trouvé Rhodes inanimé chez lui. Il avait 31ans. (Les ravages des drogues et des produits stéroïdés sont hélas une engeance qui aura frappé l’industrie pornographique gay américaine de manière presque aussi fréquente que le sida au plus haut de l’épidémie.)
«Le Grand 8», voilà l’exemple d’un programme qui a tenu le coup et s’est bonifié Le Brésil souhaite que les danseuses du carnaval réduisent le silicone dans leurs corps de rêve. Produit moins dangereux que les anabolisants. Quoique… Quel contraste avec ces sportifs que l’on voit, au sortir des Jeux de Sotchi, sur les plateaux télévisés: musculatures naturelles, regards clairs et droits, santé et équilibre. Ce dont témoignaient deux jouvenceaux, passés à LCI et à i-Télé ce jeudi midi, Steve Missillier et Alexis Pinturault. Ces deux skieurs alpins doivent, eux aussi, s’amuser un peu entre deux courses, mais leurs pentes glissantes sont décidément moins dangereuses. p
Samedi 1er mars TF 1 20.55 The Voice, la plus belle voix.
Episode 8. Invités : Corneille, Pascal Obispo, Hélène Ségara, Gérald De Palmas, Stanislas... 23.25 The Voice, « La Suite ». Divertissement. 0.35 Les Experts : Miami. Série. Chasse à l’homme [1 et 2/2] V. La Main dans le sac U (S3, ép. 16 et 15/24, 155 min).
FRANCE 2 20.45 Luis Mariano, le grand show.
70 ans d’opérette. Invités : Charles Aznavour, Serge Lama, Annie Cordy, Vincent Niclo, Les Stentors, Patrick Fiori, Anne Roumanoff... 23.10 On n’est pas couché. Talk-show présenté par Laurent Ruquier (180 min).
FRANCE 3 20.45 Crime en Aveyron.
Téléfilm. Claude-Michel Rome. Avec Florence Pernel, Vincent Winterhalter (Fr ., 2014, audio.) U. 22.15 Météo, Soir 3. 22.45 Mon Frère Yves. Téléfilm. Patrick Poivre d’Arvor. Avec Thierry Frémont, Jérôme Kircher (France, 2011). 0.20 Appassionata - La Traviata. Opéra de Verdi. Par l’Orchestre symphonique de Bretagne, dir. Antony Hermus. Avec Maïra Kerey (Violetta), Leonardo Caimi (130min).
CANAL + 20.55 Zero Dark Thirty ppp
Film Kathryn Bigelow. Avec Jessica Chastain, Jason Clarke, Kyle Chandler (EU, 2012) V. 23.30 Avant que de tout perdre. Court-métrage. Xavier Legrand (2013, 25 min) U.
FRANCE 5 20.35 Echappées belles.
Ouest canadien: le pays blanc. Magazine. 22.10 Planète insolite. Le Bangladesh. 23.00 L’Œil et la Main. Magazine (30 min).
ARTE 20.50 L’Aventure humaine.
Vauban. La sueur épargne le sang. Documentaire. Pascal Cuissot (France, 2011). 22.15 Trop jeune pour mourir. [4/4] Sharon Tate, la fin de l’innocence (2012). 23.05 Tracks. Magazine. 23.50 Berlin Live. Concert. The Hives & Graveyard (65 min).
M6 20.50 Hawaï 5-0.
Série. Kupu’eu (S4, ép. 5, inédit) U. Ha’awe Make Loa. Huaka’i Kula (S3, 9 et 10/24) U. Kalele. Ha’alele (S2, ép. 19 et 20/23) U (250 min).
décryptages
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Samedi 1er mars 2014
Face au silence des intellectuels, il faut rompre la solitude du peuple syrien Une vision stéréotypée du monde arabe réduit les opposants au djihadisme Collectif
D
ans Le Monde des 7-8 juillet 2013, Yassin Al-Haj Saleh, écrivain et opposant syrien ayant passé seize ans dans les geôles d’Hafez Al-Assad,lançait un appel à l’aide aux intellectuels du monde depuis la Ghouta de Damas encerclée, affamée et bombardée. A quelques rares exceptions près, peu de consciences universelles, ou se prétendant telles, se sont portées au secours de la populationsyriennemassacréepar le régime barbare des Assad. Les quelques intellectuels qui, dans la foulée des soulèvementsarabes, s’étaientinitialementexprimés en faveur de la révolution syrienne se cantonnent aujourd’hui dans un silence prudent, d’autant que la militarisation d’une partie de l’opposition, suscitée par la répression féroce du régime, s’est accompagnée de la montée en puissance des groupes armés islamistes et djihadistes. D’autres, comme le philosophe Slavoj Zizek (The Guardian, 6 septembre 2013), dénient toute dimension émancipatrice à
un soulèvement qui ne mènerait qu’à la «talibanisation» du pays si jamaiselle renversait ce régime « laïque » et « protecteur des chrétiens». En prenant, en fin de compte, parti pour ce dernier, cet intellectuel révèle une ignorance confondante des réalités de la société syrienne. Ce mépris pour les faits et la société syrienne se retrouve d’ailleurs dans le positionnement de nombreuses forces de gauche, soi-disant anti-impérialistes, dont la perception de la guerre en Syrie est brouillée par les effets conjugués des épouvantails islamiste, états-unien, voire saoudien et qatariote, s’accommodant sans trop de gêne des ingérences russe et iranienne. Dans cette méconnaissance des enjeux propres à la révolution syrienne, que l’on ne peut réduire à sa seule dimension géopolitique, se reflète cette force des stéréotypesquel’on peut repérersur toutle spectre de l’échiquier politique, et qui ne voit, dans les sociétés arabes, qu’une réplique d’unemême configuration,attitudecaractéristique du quant-à-soi occidental. Les différences entre la Syrie, l’Egypte, la Libye, le Yémen, l’Irak et la Tunisie sont gommées pour ne retenir que les saillances de l’hydre islamiste, du conservatisme sociétal et de l’aporie démocratique. Ne considérer les peuples du monde arabe
qu’àpartir du prismedes rivalités géopolitiques, c’est, dans la pire des perspectives, ne les voir que comme objets de complots tramés ailleurs, soit comme les pions de grands jeux régionaux et internationaux qui les dépassent. Finalement, à l’heure où les sociétés du monde arabe s’affirment comme nations distinctes et s’éloignent du modèle suranné des panarabismes nassérien et baasiste, une perception commune, partagée
La conférence Genève 2 a révélé que le régime de Damas ne s’est prêté à cette farce onusienne que pour continuer à massacrer en toute impunité sa population par nombre d’intellectuels et de responsables politiques en Occident, les renvoient à leur interchangeabilitépolitique et identitaire. Dans cette optique, nulle place n’est donnée à l’initiative et au dynamisme des individuset des sociétés,à leur plu-
ralisme et leur inventivité. Sous-jacente à cette vision se lit une complaisance pour une ignorance lettrée qui n’a que faire du savoir sur des sociétés spécifiques. Etque penserde cetteautre complaisance coupable de certains médias qui relaient la propagande du régime de manière insidieuse, en ne précisant pas que leurs reportages ont été réalisés avec son aval et sous sa protection, ou érigent de faux experts autoproclamés de la Syrie en voix légitimes d’une opinion informée ? Si les médias doivent ouvrir le débat aux opinions discordantes, il est aussi de leurs responsabilités d’informer sur les conditions de leur production. L’appel à l’aide de Yassin Al-Haj Saleh était resté sans réponse dans la torpeur estivale et avait été ensuite noyé par le bouillonnement médiatique suscité par les massacres à l’arme chimique commis par le régime et par l’improbable intervention punitive occidentale. La conférence Genève2 a révélé que le régime de Damas ne s’est prêté à cette farce onusienne que pour continuer à massacrer en toute impunité sa population et pour préparer une offensive de grande envergure sur Yabroud, au nord de Damas, ville symbole de la coexistence communautaire et de la force toujours vivace du mouvement de résistance civile.
En octobre 2013, Yassin Al-Haj Saleh a dû quitter précipitammentla Syrie, tandis que son épouse et son frère ont été enlevés. Il vit aujourd’hui en Turquie, où il continueson action pour une Syrie libre et démocratique. La solitude du peuple syrien est à la mesure de la tragédie qui le frappe et des atermoiements de ses « amis » pour y mettre fin, ce quine pourra se faire qu’en lui donnant tous les moyens de sa victoire. Nous, intellectuels de France et d’Europe, exhortons nos responsables politiques à répondre aux appels à l’aide de la population syrienne, avant que l’idéal démocratique de la révolution syrienne ne succombe sous les coups conjugués des barbaries assadienne et djihadiste. p Cette tribune a été signée par : Cécile Boex, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’EHESS ; Leyla Dakhli, chargée de recherche au CNRS ; Pierre Lory, directeur d’étude à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) ; Ziad Majed, professeur de sciences politiques à l’American University of Paris ; Nadia Marzouki, chargée de recherche au CNRS ; Franck Mermier, directeur de recherche au CNRS ; Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS ; Leïla Vignal, maître de conférences à l’université Rennes-II.
Ukraine: n’ayons pas peur de la révolution ! Les régime des intermittents Gare aux explications identitaires simplistes n’est pas un privilège Jean-Yves Potel
V
Ecrivain et historien
oilà que le peuple ukrainien, plus uni que jamais, fait tomber une dictature après des mois de luttes, voilà qu’une révolution renverse un régime politique, là-bas, à nos frontières, et les thuriféraires de la peur brandissent leurs menaces,agitentleursmauvaisprésages.Commetoujours ! L’éclatement du pays comme celui de la Yougoslavie, la menace d’une invasion russe comme à Budapest en 1956, la prise du pouvoir par l’extrême droite ou par les russophones pro-Poutine, les dettes qu’il faudra payer, les politiciens inexpérimentés, la place Maïdan qui se prend pour le Parlement… Que n’entend-on! Parmi les explications simplistes qui alimentent ces peurs, il y a, dans le cas ukrainien, des versions complotistes – l’extrême droite qui attend son heure placeMaïdan– et surtoutl’inventiondes « deuxUkraine ». Cartes à l’appui, on nous serine l’implicite suivant: russophone = russophile = pro-Poutine. En bon jacobin, on n’imagine pas qu’un peuple puisse être bilingue, que sur la place Maïdan, justement, on puisse parler les deux langues, que Lviv-la-nationaliste puissedécréter une journée où l’on parle russe, tandis qu’Odessa-la-sécessionniste fait l’inverse, une journée en ukrainien. On sait pourtant que le premier mort fut arménien. Comment oublier ces jeunes gens aux accoutrements baroques qui proclament sur les réseaux sociaux, la télévision du Net et à qui voulait l’entendre : « Je suis ukrainien et je me bats pour la liberté. » Ces autres qui montent la garde, organisent la sécurité, interdisent l’alcool, protègent même les palaces clinquants de Ianoukovitch et autres oligarques. Je n’ai pas vu pareille conscience collective depuis les grèves aux chantiers navals de Gdansk en 1980. L’histoire ukrainienne est tourmentée, ses mémoires sont conflictuelles, mais cela ne nous autorise pas à mettre en cause une aspiration collective à l’indépendance nationale, ancienne et persistante, ni à tracer une ligne de péril de part et d’autre du Dniepr, comme si les traces des empires passés expliquaient tout. A trop contempler cette obsédante ligne de fracture « naturelle », on ne voit pas le principal : l’unité nationale qui s’est rassemblée, renforcée contre le pouvoir autoritaire et corrompu. Place Maïdan et dans les autres villes mobilisées, c’est pourtant évident. Les images et les reportages attestent la diversité sociale, de générations, de religions, de langues et d’origines ethniques. Contrairement à ce que nous avions en ex-Yougoslavie par exemple, ou dans certains pays africains,le regroupementet l’auto-organisation ne se constituent pas sur une base ethnique, une autre langue ou la « purification» d’une partie du territoire. L’espace révolutionnaire – une place comme, jadis, les usines occupées– est le lieu et l’incarnation d’une longue mobilisation des Ukrainiens commencée il y a déjà quatorze ans. Ces derniers mois, à la suite du
refus d’une décision de Ianoukovitch, la contestation s’est élargie, elle a pris une ampleur politique et nationale, au sens républicain du terme. Portée par la jeunesse, le courage et la détermination de tous, elle peut maintenant donner naissance à une démocratie fondée sur un Etat de droit. La volonté de faire adouber le nouveau gouvernement, d’abord par le « conseil de Maïdan» et ensuite par le Parlement, va dans ce sens. La révolutionukrainiennede février2014 est fondatrice parce qu’elle a constitué ce type d’unité politique : une nation de citoyens libres et responsables. Bien sûr, rien n’est complètement gagné. On peut, comme toujours dans ces situations, craindre une offensive réactionnaire. Elle prend déjà forme, et le président déchu se déclare disponible. L’occupation de bâtimentsadministratifs,à Simferopol,en Crimée, suggère des tentatives séditieuses comme jadis celles orchestrées par Milosevic en Bosnie ou par Poutine en Géorgie. Réussiront-elles à emporter des régions entières? Rien n’est moins certain. Le président russe, qui vient de perdre une bataille, ne semble pas prêt à une politique du pire qui le conduirait au désastre.
Mathieu Grégoire
Maître de conférences en sociologie à l’université de Picardie-Jules-Verne
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La société française est bien timide, bien craintive avec cette révolution. Les voisins immédiats, notamment les Polonais, sont beaucoup plus actifs En tous les cas, nous devons de notre côté faire confianceauxUkrainiens,ne pas craindreleur révolution. Elle est profonde, authentique, déterminée, porteuse d’un espoir démocratique. Ce mois de février restera dans l’histoire, ses morts dans la mémoire de tous. La transformation en cours en Ukraine appelle notre solidarité, c’est-à-dire notre aide économique, diplomatiqueet politique,dansle respect deleur indépendance. L’action tardive des ministres européens a été utile, il faut maintenant avancer plus vite. Non pas en envoyant une « troïka » à la manière grecque, mais en reconsidérant les dettes comme cela avait été fait au début des années 1990. Sur le plan diplomatique, l’Unioneuropéenne,avec entêtece « triangle» francopolono-allemand dit « de Weimar», peut contribuer à apaiser la tension avec la Russie, éviter le pire, et c’est essentiel dans ce moment historique; elle doit aussi penser un véritable partenariat oriental, prendre au sérieuxsa relationavec sesvoisins prochesà l’est comme au sud. Ni une machine de guerre contre la Russie niune fausse promesse d’intégration,mais une alliance durable. Il me semble qu’une vision stratégique manque sur ce point. La solidarité politique, enfin, ne peut se limiter aux gouvernements et institutions. La société française est bien timide, bien craintive avec cette révolution. Les voisins immédiats, notamment les Polonais, sont beaucoup plus actifs. Il faut élargir notre solidarité. L’Union européenne et ses Etats membres ne doivent plus hésiter. Des financements et des actions communautaires peuvent être rapidementdécidés,mais, comme après1989,les Etatsmembres peuvent également apporter une aide bilatérale. Ne lésinonspas. N’ayonsplus peur, lesort de la révolution dépend aussi de nous ! p
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Jean-Yves Potel est spécialiste de l’Europe centrale. Il enseigne à l’Institut d’études européennes de l’université Paris-VIII et vient de publier Les Disparitions d’Anna Langfus, Editions Noir sur Blanc, 260p., 21euros.
es intermittents du spectacle bénéficient-ils d’un régime « privilégié» d’indemnisationdu chômage? On connaît la rhétorique des contempteurs de ce régime : alors qu’ils ne représentent que 3,5 % des allocataires, les intermittents seraient responsables d’un quart du déficit de l’assurance-chômage. Le hasard fait bien (ou mal) les choses. Car le déficit de 1 milliard attribué aux intermittents n’a à peu près rien à voir avec le déficit général de l’Unedic (prévu à 4 milliards en 2014). Comme l’a récemment rappelé la Cour des comptes, les intermittents, dont le déficit du régime est très stable, ne sont pour rien dans l’apparition de ce déficit qui s’explique uniquement par l’aggravation du chômage des salariés en CDI et en CDD. Attribuer un quart du déficit de l’Unedic aux intermittents est absurde : ce procédé purement rhétorique vise uniquement à désigner un bouc émissaire. Pour être juste, il faudrait ajouter qu’un quart du déficit ce n’est pas beaucoup: le budget d’une assurance est fait d’une multitude de déficits d’un côté et d’excédents de l’autre. Dès lors, on ne peut parler de déficit du régime des intermittents que de manière métaphorique, car il n’existe pas de caisse des seuls intermittents (mais une caisse pour l’ensemble des salariés du privé). Et, dans ce cadre, il est logique que leurs cotisationset leurs allocations ne s’équivalent pas. A moins de revenir sur le principe même d’une assurance solidarisant l’ensemble du salariat à l’échelle interprofessionnelle, il est en effet difficile d’imaginer qu’il puisse en être autrement. Le régime des intermittents représente-t-il malgré tout un « surcoût» par rapport au régime général ? C’est l’idée qui a émergé, après la publication en avril 2013 d’un rapport parlementaire rédigé par le député(PS) Jean-PatrickGille. Si on supprimait le régime des intermittents, l’économie réalisée ne serait pas de 1 milliard mais seulement de 320 millions, dans la mesure où une partie des intermittents basculeraitau régime général et continuerait de percevoir des allocations. Depuis lors, le débat est focalisé sur cette somme de 320 millions de « surcoût» : certains en font le nécessaire, mais raisonnable, « prix de la culture ». D’autres (comme les auteurs d’un rapport sénatorial aux recommandations radicales paru en
décembre2013) en font un objectif d’économies à atteindre. Le Medef, de son côté, s’est saisi de cette opportunité pour demander à l’Etat de financer ce surcoûtau titre de sa politique culturelle. Mais ce surcoût existe-t-il vraiment ? On peut en douter. Les intermittents ne coûtent pas plus cher que les autres chômeurs : ces 3,5 % des effectifs indemnisés représentent 3,4 % des dépenses. La mesure du surcoût de 320 millions n’est que l’incarnation comptable de l’idée préconçue selon laquelle les intermittents seraient des privilégiés. Il ne s’agit ni plus ni moins que de quantifier ce « privilège » en se demandant à combien le « coût» des 100 000 intermittents s’élèverait si on les mettait au régime général. Ce faisant, on confond adaptation du dispositif à l’intermittence de l’emploi et privilège. Pour s’en convaincre, il suffit de faire le raisonnement symétrique : que coûteraient 100 000 chômeurs du régime général si on les basculait dans le régime « privilégié » des annexes VIII et X ? 320 millions de plus ? Certainement pas !
Attribuer un quart du déficit de l’Unedic aux intermittents est absurde Les plus précaires d’entre eux ne seraient plus du tout indemnisés dans la mesureoù lesrèglesd’éligibilitésont beaucoup plus strictes chez les intermittents (507 heures en dix ou dix mois et demi selon qu’ils sont techniciens ou artistes) que dans le régime général (610heures en vingt-huit mois, soit quelques heures en plus à effectuer dans une période de référence plus de deux fois plus longue) A l’autre bout de l’échelle, les chômeurs issus d’un CDI (ou d’un CDD long) seraient exclus au bout de huit mois, alors qu’ils peuvent bénéficier, dans le régime général, d’indemnités pendant une durée allant jusqu’àdeux ans. Et on sait qu’à huit mois plus de la moitié des chômeurs n’ont pas encore retrouvé d’emploi. Au final, ces chômeurs seraient donc bien moins lotis dans le régime des intermittents que dans le régime général. Pour une simple raison : le régime général est plus adapté à l’emploi stable, le régime des intermittents à l’emploi intermittent. Maisl’un n’est pas plus coûteuxou privilégié que l’autre. Et les 320 millions ne correspondent à rien d’autre qu’à la menace qu’on fait peser sur les intermittents lorsqu’on suggère de supprimer un régime adapté à leur forme d’emploi. p
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analyses
Samedi 1er mars 2014
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Le grand jeu stratégique et énergétique en Méditerranée ANALYSE par Laurent Zecchini Correspondant à Jérusalem
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uisque la vocation d’un porte-aéronefs est de projeter de la puissance, à quelles missions en Méditerranée orientale la Turquie destine-t-elle ce navire de plus de 27 000 tonnes, dont la commande a été officialisée en décembre 2013 ? Cette question préoccupe les responsables israéliens, dont la marine ne dispose que d’unités de moyen tonnage. Cela ne signifie pas qu’un porte-avions turc représenterait une réelle menace militaire pour Israël. Son aviation de chasse et ses six sousmarins d’attaque (cinq livrés) de la classe Dolphin lui assurent une forte capacité dissuasive. Comme la marine turque, la flotte israélienne va monteren puissanceau cours desprochaines années, notamment pour protéger ses très importantes réserves de gaz situées au large d’Haïfa.Il n’empêche: lorsqu’ilsortirades chantiers espagnols Navantia, le bâtiment turc patrouillera dans des eaux où son pavillon sera observé avec suspicion, tant par Israël, la Grèce et Chypre, que la Syrie et l’Egypte. Parce qu’il donnera au gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan les moyens de ses
ambitions régionales, cet onéreux projet (plus de 1 milliard d’euros) pourrait engendrer une course aux armements, et modifier l’équilibre stratégique en Méditerranée orientale. Ce scénario du pire n’est pas inéluctable : le porte-avions turc constituera un pion important dans le grand jeu stratégique et énergétique qui se met en place, mais il ne sera pas le seul. Si l’atout qu’il représente est joué avec discernement, il peut s’inscrire dans un contexte de détente proche-orientale. Israël et la Turquie ont toutes les raisons de s’entendre, mais il en est une prépondérante : le gaz. Avec ses gisements Tamar et Léviathan, Israël dispose d’un pactole énergétique – dont il a décidé d’exporter 40 % –, et la Turquie, dont les besoins sont exponentiels, est un client potentiel naturel. Elle n’est pas le seul : le gaz israélien pourrait alimenter une part significative de la consommation énergétique de l’Europe, l’une et l’autre n’étant pas fâchées de réduire ainsi leur dépendance au gaz russe. Or, Israël – comme Chypre avec son gisement gazier Aphrodite – doit faire un choix pour exportercette ressourcestratégique. Le plus pragmatique est de construire un gazoduc vers la Turquie, qui se prolongera vers l’Union européenne. Le coût d’un tel pipeline sous-marin serait bien moindre que l’investissement pour construire une usine de liquéfaction de gaz à Chypre, autre point d’entrée vers les marchés européens. Israël est confronté à un choix d’autant plus difficile que celui-ci se
superpose à un double enjeu diplomatique: les négociations en vue d’une normalisation avec Ankara ; et celles qui viennent de reprendre entre la République turque de Chypre du Nord et le gouvernement de Nicosie, en vue d’une réunification de l’île. Israël et la Turquie sont parvenus à un accord de principe pour apurer le contentieux du Mavi-Marmara, ce paquebot turc pris d’assaut en mai 2010 par les commandos israéliens, alorsqu’il faisaitroute vers Gaza.Israël a présenté des excuses pour la mort des neuf militants turcs, et accepté de verser quelque 16,7 millions d’euros à titre de compensation. Ankara s’est engagé à abandonner les poursuites judiciaires contre des responsables militaires israéliens.
« Diplomatie de la canonnière » Mais à Jérusalem comme à Ankara, des hésitations de dernière minute sont apparues. Malmené par une grave affaire de corruption, M.Erdogan se prépare à deux échéances importantes et incertaines : le scrutin municipal du 30 mars et l’élection présidentielle, en juin ou en août.Dans ce contexte,annoncerunenormalisation avec Israël,dont la stigmatisationa toujours été un fonds de commerce électoral du parti AKP, c’est prendre un risque politique. Le dossier chypriote est tout aussi prometteur, et aléatoire. Les gouvernements des deux parties de l’île se sont retrouvés le 11 février, après une interruption d’un an et demi. Un
accord politique aurait un effet bénéfique sur les questions stratégiques : car le gazoduc acheminant le gaz israélien vers la Turquie devra nécessairement traverser les eaux territoriales chypriotes, afin d’éviter celles du Liban et de la Syrie. Ce qui signifie que l’accord de Nicosie est indispensable. Ankara réplique que l’exploitation du gisement Aphrodite est illusoire sans réconciliation des frères ennemis chypriotes. Pour appuyer son message, la marine turque a intercepté, le 1er février, un bateau norvégien d’exploration gazière affrété par Nicosie, dont legouvernementn’a pu que dénoncerla « diplomatie de la canonnière » des Turcs. Dans cette partie d’échecs en Méditerranée orientale, la Turquie et Israël ont tout à gagner à normaliser leurs relations. A la fois pour exploiter les ressources gazières de la région et rompre leur isolement diplomatique: celui d’Israël s’accroît, et les relations de la Turquie avec l’Egypte et la Syrie se sont nettement détériorées. Le gaz israélien peut tout aussi bien devenir un facteur de paix que de discorde au ProcheOrient. Gageons que le premier scénario n’est pas irréaliste : l’accord conclu, le 19 février, entre des compagnies jordaniennes et l’exploitant du gisement Tamar, qui va permettre au royaume hachémite d’acheter 1,8 milliard de mètres cubes (sur quinze ans) de gaz israélien, est de bon augure. p
LE GAZ ISRAÉLIEN PEUT AUSSI BIEN DEVENIR UN FACTEUR DE PAIX QUE DE DISCORDE AU PROCHEORIENT
lzecchini@lemonde.fr
POLITIQUE | CHRONIQUE pa r F r a n ç o i s e F r e s s o z
L’énigme italienne
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atteo Renzi n’intrigue pas seulement les Italiens. L’ancien maire de Florence, qui s’est emparé à 39 ans de la présidence du conseil pour mener « une révolution immédiate et radicale», est surveillé de près par Paris. S’agit-il d’un hâbleur du type Silvio Berlusconi (grandes promesses, piètres résultats) ou d’un Tony Blair à la mode italienne qui imposera à son pays la révolution sociale-libérale? La différence n’est pas mince car, dans cette Europe qui redémarre timidement après cinq années de crise, une sourde compétition oppose les pays en queue de peloton, ceux qui se débattent dans les déficits, la dette, le chômage. Longtemps, la France s’est vue au-dessus du lot, protégée par la qualité de la relation franco-allemande qui faisait qu’en Europe rien ne pouvait se réaliser sans l’axe Paris-Berlin. Mais aujourd’hui l’écart de compétitivité avec l’Allemagne grandit tandis que des pays comme l’Espagne et l’Italie, qui faisaient figure de maillon faible, commencent à se redresser. A court terme, Paris ne craint pas grand-chose. L’économie espagnole a beau redémarrer plus vite que prévu, elle est minée par un taux de chômage de l’ordre de 25 % et un déficit public supérieur de 1,8 point à celui de la France. Sous ces deux aspects, l’Italie apparaît moins handicapée, mais sa croissance est trop faible et sa dette publique (134 % du produit intérieur brut) nettement supérieure à celle de l’Hexagone (92,7 % du PIB). Cependant, le nouveau président du conseil italien souffre de voir son pays à la traîne et annonce une thérapie de choc. S’il réussit, l’Italie deviendra le problème de la France. François Hollande en
a conscience. Le pacte de responsabilité qu’il veut soumettre au Parlement en avril est une réponse à l’angoisse qu’il a de terminer son quinquennat à la tête d’un pays qui, faute de sursaut, serait devenu le mauvais élève de l’Europe. Lui aussi promet des allégements de charges aux chefs d’entreprise, devenus dans toute l’Europe les vedettes qu’on s’arrache. Lui aussi veut un choc, mais un choc de confiance. Car François Hollande bute sur le même problème que Matteo Renzi: pour alléger les charges, l’Etat doit faire des économies drastiques dans la dépense publique, autrement dit toucher au modèle sur lequel les deux pays vivent depuis des décennies. C’est forcément douloureux. Et dès
SiMatteo Renzi réussit, l’Italie deviendra le problème de laFrance qu’il s’agit de passer aux travaux pratiques, dire quelles économies seront faites, le silence est d’or. A la différence de Matteo Renzi, François Hollande ne croit guère à la posture martiale. Le président français fera des économies, mais juste ce qu’il faut pour ranimer la croissance, avec l’espoir que celleci lui permettra d’en faire ensuite le moins possible. Son choix est de jouer la montre pour ne pas casser le modèle français, alors que celui du président du conseil italien est de proclamer la révolution mais avec de grands blancs dans la réalisation. C’est pourquoi la question de savoir si Matteo Renzi est ou non un hâbleur est aussi importante pour la France. p fressoz@lemonde.fr
a Société Dans notre article « Le fondement juridique de la rétention de sûreté jugé “hasardeux et incertain” » (Le Monde du 27 février), nous avons commis une erreur sur la date de fin de mandat de Jean-Marie Delarue. Alors que M. Delarue a été nommé le 13 juin 2008 contrôleur général des lieux de privation de liberté pour six ans non renouvelables, ses fonctions prendront donc fin le 13 juin prochain, et non en mars, comme nous l’avons écrit fautivement dans un encadré. a Cahier « Economie » Contrairement à ce que nous avons écrit dans notre article intitulé « Le maintien d’Henri Proglio à la direction d’EDF fin 2014 toujours en question» (Le Monde du 27 février), Augustin de Romanet n’a pas été nommé président d’Aéroports de Paris par Nicolas Sarkozy, mais par François Hollande, fin 2012.
– Photo : © Andreas Sjödin.
RECTIFICATIFS
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dialogues
Samedi 1er mars 2014
Anciens etModernes Médiateur Pascal Galinier
L
a presse est un modèle qui se cherche, entre l’obsolescence programmée du papier et l’avenir obligé du numérique. L’un et l’autre se nourrissent respectivement d’acquis et de nouveautés.» Le fidèle Igor Deperraz (Bully, SeineMaritime) a décidément le sens de la formule pour résumer l’air du temps. Si la presse se cherche, les lecteurs aussi, apparemment. Témoin ce long courriel que nous a adressé, de Beyrouth, Rita Jazar. «Lectrice du Monde depuis des années, je ne me retrouve plus du tout dans votre sélection aléatoire d’articles, je ne sais plus où trouver de l’information sérieuse, un contenu journalistique de qualité, je ne sais plus ce que veut dire une “une”, nous écritelle. Je ne comprends pas qu’on s’obstine à donner la parole aux lecteurs à chaque article, juste parce que le siècle s’est ouvert avec la prolifération des réseaux sociaux.
On peut, en un clic, lire un commentaire de lecteur. Rien ne m’intéresse plus que de connaître l’avis de M.Michu sur la crise en Syrie… » De La Ricamarie (Loire), Yves Dramais admet volontiers qu’«on ne peut rester dans un modèle des années 1960 ou 1970. J’ai sans doute le tort d’utiliser le filtre du courrier des lecteurs…» Mais lui aussi s’interroge: « Je note que vous donnez la parole à des internautes dont vous n’êtes pas certain de l’identité. Quelle est la valeur – autre que personnelle – de l’avis de X ou de Y? Ce n’est pas un verrou qui saute, c’est une digue qui s’effondre quand “on” est publié. Ce “on” n’a rien à voir avec une “source bien informée” qu’on protège ou avec quelqu’un qui requiert l’anonymat. Ce “on” qui peut tout dire, c’est un pas vers la lettre proprement anonyme.» Beau sujet de débat en vue avec le camarade Deperraz, qui, lui, n’en démord pas:
Courrier Politique
Municipales: le risquede défaite, mauvaisprétextepour la gauche
Contrairement à ce que dit Jean-Yves Dormagen dans l’entretien qu’il vous a accordé la semaine dernière (Le Monde du 15 février), il est faux d’affirmer que « depuis 1978 aucune élection intermédiaire n’a été gagnée par le camp politique du premier ministre en exercice». En effet, aux élections municipales de 1989, non seulement la majorité de gauche n’avait subi aucune perte de grande ville, mais elle en gagna même plusieurs ! Avec, il est vrai, un gouvernement qui semblait savoir ce qu’il voulait, une majorité plutôt ouverte et respectueuse de ses composantes et non recroquevillée sur une tendance du parti dominant… La gauche (re)prit ainsi Strasbourg, Dunkerque, Brest, Nîmes, Avignon, et même… Nantes, la grande ville de l’Ouest, avec, mais oui, un certain Jean-Marc Ayrault ! Non, vraiment, le prétexte de la défaite fatale aux élections intermédiaires ne tient pas… Alain Monteagle, Montreuil (Seine-Saint-Denis)
Municipales Les élus locaux, entrepreneurs de leurs territoires
cher, parrainer, devenir business angels tout près de chez eux? Feront-ils éclore des pépinières d’entreprises, des espaces d’écoute et d’orientation pour les porteurs de projets? Mettront-ils en place des sites de crowdfunding? Des plates-formes d’initiatives locales, des moteurs de recherche de l’innovation, des imprimantes 3D, des fab labs ? Voilà une occasion de sortir des crispations identitaires qui obscurcissent l’horizon politique de ces élections. Les couleurs orange, doré ou bleu, les bannières brandies pour rétablir un passé révolu comme les volatiles investis de symboles expiatoires hétéroclites ne sont au mieux qu’anecdotes, au pire boucs émissaires. Ces gesticulations idéologiques nous éloignent dangereusement de la réponse urgente qu’attend notre
Les élections municipales verrontelles enfin s’affronter des projets d’avenir au cœur des programmes? De nombreux élus locaux, déjà, se battent pour sauver l’emploi, éviter des fermetures d’entreprises, attirer des entreprises. Familiers des atouts des territoires et de la revalorisation de l’acte d’entreprendre, ils sont parfois à l’origine d’initiatives qui mériteraient de jouir de plus de lisibilité et d’être mieux reconnues, car elles sont exemplaires. Entrepreneurs de leur territoire et aménageurs, les candidats ferontils fleurir, en mars, des programmes électoraux s’adressant aux jeunes qui cherchent à valoriser leurs idées ? Aux cadres, aux techniciens, aux artisans prêts à coa-
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LE MONDE
ACADÉMIE en partenariat avec et
«Les journalistes ont besoin des commentaires en ligne, des expressions libres des lecteurs pour cerner, angler leur papier. La nouvelle presse sera participative ou elle ne sera pas! » Journalisme participatif, anonymat des commentaires en ligne… Sujets récurrents depuis l’émergence du continent Web sur la planète médiatique. «Aujourd’hui, lnternet nous oblige à repenser l’expression démocratique et son accès», pense carrément Pierre-Marc Barrault, qui nous écrit, lui, de Bucarest. Souvenez-vous, insiste-t-il, de « la révolution technique que fut la naissance de l’imprimerie. Les intégristes d’alors surent utiliser ce nouvel outil de propagande. La Boétie et Montaigne aussi. Livre contre livre, humanisme contre obscurantisme. Il fallait investir l’imprimerie pour affirmer la tolérance des Temps modernes». C’est bien pourquoi votre journal de (p)référence investit Internet depuis vingt ans. Pour le meilleur ou pour le pire? C’est justement ce que se demande Rita Jazar. Elle qui se connecte « depuis de longs mois chaque jour au site du Monde, grommelle en constatant que tout s’y mélange: commentaires de lecteurs, notes de blog de qualité variable, copié-collé de dépêches AFP, ou, avec un peu de chance, un article de fond extrait des pages du Monde… ». Contactée par le médiateur, cette lectrice le prévient d’emblée qu’elle ne l’a pas saisi pour être publiée: « Je vous écris au sujet de la présence excessive de lecteurs lambda dans vos pages et vous me proposez de…
pays aux rigidités économiques et sociales. Elles n’apportent qu’exclusion et rejet là où il s’agit de créer du lien et d’ouvrir le pays à la plus grande diversité pour redevenir exemplaire sur la scène internationale. Cette campagne électorale sera-t-elle sous le signe de l’affectio societatis ou de la haine de soi ? Alain Fauqueur, Entrechaux (Vaucluse)
Politique Rire ou pleurer
Ainsi donc, les idées de Marine LePen gagnent du terrain mais sa crédibilité reste faible. Faut-il s’en inquiéter, se rassurer? Ce qui est certain, c’est que, la politique étant ramenée depuis des années au mieux à des saillies qui se veulent assassines et/ou spirituelles à usage du « JT » quotidien, au pire à une chronique galante qui nous fait passer du yacht au scooter (ce qui montre bien qu’il y a tout de même une différence entre la droite et la gauche), nous avons fini par toucher le fond. On peut toujours se consoler en lisant ou relisant Hannah Arendt. Les manifestations de masse réunissant des participants aux motivations aussi floues qu’hétéroclites, ont à coup sûr de beaux jours devant elles. La régulation financière toujours en panne, comme la transition énergétique qui reste à l’état de concept ou la gestion des flux migratoires qui vont pourtant aller croissant attendront. Jean-François de Montvalon, Paris
me citer dans vos pages? Je vous avoue que ça m’échappe un peu. Il y aurait mille façons intéressantes de traiter le sujet…» En somme, lecteurs, rédacteurs, même combat – pour une actualité de qualité –, mais chacun à sa place…
E
nième querelle des Anciens et des Modernes? Pas si simple. La jeune (30 ans) Rita Jazar n’achète pas LeMonde imprimé. Abonnée sur Internet, elle le lit sur sa tablette, sur son smartphone. Et ne s’en montre pas moins exigeante que ces « grands anciens » toujours prompts à prendre la plume pour s’inquiéter, s’étonner ou s’enthousiasmer de la modernité en marche. Autre cible dans sa ligne de mire, les blogs. «Est-ce que LeMonde a décidé de mettre sur un pied d’égalité les articles officiels de ses journalistes et les articles, bien plus personnels, de blogs ? », nous demande-t-elle – tout en prenant soin de préciser qu’elle « ne remet pas en cause la qualité des blogs du Monde.fr». Le billet quotidien de Françoise Fressoz sur son blog « Le 19h», pointé du doigt, paraît uniquement sur Internet. Cela ne lui enlève en rien sa nature d’« article officiel», dès lors qu’il propose «un contenu journalistique de qualité» et «de l’information sérieuse», pour reprendre vos termes, chère lectrice. Libre à vous, ensuite, d’être ou pas d’accord avec le ou la journaliste en question. De le lui dire, de le lui écrire – dans un commentaire en ligne ou par un courrier/courriel de lecteur. Ou de ne rien dire du tout, si vous pensez que votre opi-
Ces mots nous reviennent en écho d’autres discours. Celui du candidat Hollande au Bourget: « Nous sommes ici, mes chers amis, pour changer le destin de notre pays. Je suis prêt à assumer cette responsabilité (…). Si la finance est l’adversaire, alors il faut l’affronter avec nos moyens et d’abord chez nous, sans faiblesse mais sans irréalisme, en pensant que ce sera un long combat, une dure épreuve mais que nous devrons montrer nos armes…» Mais où sont les armes?,
mediateur@lemonde.fr Mediateur.blog.lemonde.fr
se disent tant de citoyens qui, aux prochains scrutins, vont finir par nous jeter dans la gueule du loup! Victor Cousin, Nanterre
M. Hollande, la sagesse de L’Ecclésiaste
« L’offre précède la demande.» Notre président – ai-je rêvé ? – a prononcé la formule. Elle reprend le propos de L’Ecclésiaste (chapitre III, verset 4) : « Il y a un temps pour chaque chose. » Ce qui se traduit en termes écono-
miques par : « Il y a un temps pour investir et un temps pour consommer. » Un temps pour accorder la priorité à la demande et un temps pour l’accorder à l’offre. Sans que l’une ou l’autre initiative soit érigée en doctrine immuable et constante. La France, d’un seul coup d’un seul, est devenue sociale-démocrate. Guy Thébaud, Lyon Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr http://mediateur.blog.lemonde.fr/
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De Hugo à Hollande, aux armes citoyens !
En décembre 2008, en France, le chômage toutes catégories confondues était de 3,7 millions de personnes. Cinq ans plus tard, 5,5 millions de citoyen(ne)s, chaque mois, sont inscrits à Pôle emploi. Partout dans le pays, la misère gagne du terrain, de façon très perceptible, endommageant lourdement nos valeurs les plus fondamentales. Dans la même période, le CAC 40, qui était à 3 217 points fin 2008, est prêt aujourd’hui à « franchir la barre » des 4 400 points : + 36 % en cinq ans! Plus on licencie, plus le chômage augmente et plus « les marchés sont rassurés»… Et cette arrogance, cette provocation, continue alors même que la gauche détient à présent de nombreux pouvoirs ! C’est ça, l’idéal de notre société issue du siècle des Lumières? Ne faut-il pas relire ces mots du grand Victor Hugo, en 1851, à l’Assemblée nationale: « Toute ma politique, la voici en deux mots : il faut supprimer dans l’ordre social un certain degré de misère, et dans l’ordre politique une certaine nature d’ambition… »
nion ne regarde que vous. C’est votre droit le plus strict. «Un post de blog offre, c’est vrai, un regard plus personnel. Il peut donner naissance à un vrai dialogue avec les lecteurs, susciter le débat et même donner matière à d’autres réflexions, pour des articles futurs», souligne Françoise Fressoz. Là est tout l’intérêt du blog. Discuter, débattre, échanger est un acquis essentiel d’Internet. LeMonde n’entend pas s’en priver. Ni en priver ses lecteurs. La blogosphère fait, à cet égard, partie intégrante de notre galaxie bimédia. Une bonne moitié des blogueurs dits « actifs» sont, en effet, des lecteurs « participatifs». « Cette ouverture ne doit pas exclure la rédaction, mais au contraire favoriser des échanges fructueux avec un public qui n’a jamais été aussi défiant à l’égard des médias», explique AnneSophie Novel (blog invité « Même pas mal»). Elle-même à la fois « journaliste multimédia et blogueuse», elle sait « à quel point la logique du Web est parfois difficile à transmettre pour ceux qui ont toujours connu ou préféré le papier». Un enjeu stratégique pour le nouveau Monde. Car, finalement, comme le rappelle François Jardat (Paris), « la seule façon pour un lecteur de marquer fermement sa désapprobation quant au contenu de son journal, c’est de ne plus le lire ». Message transmis. Sans… commentaire. p
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enquête
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Mercure, arsenic, cyanure et amiante sont entreposés dans les cavités du centre de stockage StocaMine. ANTONIN SABOT POUR « LE MONDE »
Audrey Garric Wittelsheim (Haut-Rhin) Envoyée spéciale
E
n une minute et demie, la cage d’ascenseur du puits Joseph avale les 550 mètres de profondeur dans un grincement de ferrailleet de bois. Lampe frontale sur le casque, autosauveteur à oxygène en bandoulière, les mineurs parcourent les 100 km de galeries de l’ancienne mine de potasse JosephElse, creusée dans le sous-sol de Wittelsheim(Haut-Rhin). Direction non pas la taille de sel mais les cavités où dorment du mercure, de l’arsenic, du cyanure et de l’amiante. Là, 44 000 tonnes de déchets industrielsultimes,nonrecyclablesethautement toxiques, gisent dans un centre de stockage unique en France, StocaMine. Autant dire un casse-tête environnemental. Après onze ans d’inactivité, le site doit aujourd’hui être définitivement fermé. A partir du 1er avril, une partie de ces déchets sera remontée à la surface tandis que le reste sera confiné. Alors on s’active sous terre : une immense machine racle les sols, soulevant une épaisse poussière salée, tandis qu’un tractochargeur transporte les minerais et déblais. « Il faut agrandirles galeries,aplanir les sols,renforcer les soutènements, installer des lampes et des téléphones de secours avant de commencer à déstocker, énumère Alain Rollet, PDG de StocaMine. Ces opérations sont dangereuses : le risque minier se cumule au risque toxique, sans oublier que la mine est classée comme épisodiquement grisouteuse.» D’autant qu’il y a urgence : les galeries commencentà s’affaisser, sous l’effet de la pression due au creusage. A certains endroits, les toits (« plafonds» dans le jargon minier) se sont effondrés, rendant quasi impossible l’accès aux colis de déchets, dont certains sont probablement percés ou éventrés. D’autres se corrodent sous l’effet de la chaleur. « Plus on attend, et plus il sera difficile de récupérer les colis, s’inquiète Yann Flory, porte-parole du collectif Déstocamine, qui fédère ONG et syndicats en faveur du déstockage total. Les experts sont certains que la nappe phréatique la plus grande d’Europe sera bientôt touchée, car l’eau s’infiltre et ruisselle vers les déchets. Le temps presse. » Une fébrilité souterraine à laquelle fait écho, en surface, une grande perplexité. Car StocaMine est une bombe à retardement dont la population locale craint à tout moment l’explosion. En décem-
Casse-tête Quelque 44000 tonnes de déchets dangereux sont enfouies dans une ancienne mine du Haut-Rhin, qui se révèle instable. Déstockage ou confinement: que faire de cette bombe à retardement?
bre 2012, la ministre de l’écologie de l’époque, Delphine Batho, a ordonné le retrait de 11 % des déchets, dont 56 % des éléments mercuriels, et le confinement du reste du site. Mais, sous la pression des élus alsaciens, tous bords politiques confondus, ainsi que des ONG, la ministre a relancé le débat, six mois plus tard, en organisant une procédure de concertation publique. Les habitants ont eu jusqu’au 15 février pour se prononcer. En jeu : cinq options de fermeture s’échelonnant de la sortie des 11 % de déchets – l’opération en cours – à l’extraction de la quasi-totalité du rebut. Selon les scénarios, le coût du déstockage varie de 84 à 150 millions d’euros, et sa durée de sept à onze ans. « Une large majorité de la population demande à sortir la totalité des déchets », révèle Henri Watissée, le garant de la concertation. D’ici à la fin de l’année, lorsque toutes les enquêtes seront achevées, les ministres chargés du dossier, Philippe Martin à l’écologie et ArnaudMontebourgau redressementproductif, devront arbitrer et sceller le sort de StocaMine. A la fin des années 1980, pourtant, quand l’idée d’un centre d’enfouissement souterrain des déchets est avancée, rares sont ceux qui s’y opposent. A cette époque, la production de potasse, fleuron industriel de la région, commence à battre de l’aile. Le chlorure de potassium, utilisé pour fabriquer des engrais, devient trop cher à extraire en Alsace et le bassin minier n’emploie plus que 2 000 personnes contre plus de 12 000 durant son âge d’or des années 1960.
toxique
«Le projet offrait aux gars une reconversion et permettait d’éviter qu’ils ne pointent tous au chômage », raconte Etienne Chamik, ancien mineur et délégué CFDT. L’homme, dont les yeux vifs ne trahissent pas ses trente-deux années passées « au fond », égrène les promesses de StocaMine: 250postescréés,la rénovationde la salle des fêtes et même l’ouverture d’un pôle derecherchesur l’environnement.«Lecentre de stockage s’est implanté sans difficulté, lâche-t-il, fataliste. Les gens étaient redevables à la mine. » Et puis l’Allemagne offrait un exemple rassurant. Depuis deux décennies, les voisins d’outre-Rhin stockaient leurs déchets ultimes dans leurs mines de potasse. Ce minerai imperméable a horreur du vide : sous l’effet de la pression, il se referme sur les cavités creusées, offrant ainsi un confinementnaturel.Pouremporterdéfinitivement l’adhésion de la population, l’arrêté préfectoral de 1997, qui autorise le stockage pour une durée maximale de trente ans, introduit la notion de réversibilité. En cas de non-conformité ou d’incident grave, les déchets devront être retirés. StocaMine ouvre finalement ses portes en février1999, sous la forme d’une filiale de l’entreprise publique des Mines de potasse d’Alsace (MDPA). En trois ans, 19 500 tonnes de déchets de classe 0, les plus dangereux (mercure, arsenic, cyanure, etc.), sont entreposés au fond de la mine, conditionnésen fûts métalliquesde 250 kg et big bags (« gros sacs ») d’une tonne. Pour éviter toute réaction chimique non contrôlée, 24 500 tonnes de résidus d’incinération et d’amiante, de classe 1, sont également descendus dans les alvéoles. Mais le rêve de stockage propre tourne court très vite. En septembre 2002, un incendie survient dans le bloc 15. « 472 big bags contenant des engrais et du soufre, hautement inflammables, ont été entreposés sans autorisation », raconte Yann Flory. Il faudra trois jours pour maîtriser le feu et trois mois pour évacuer les émanations toxiques.Alorsque 74mineurssont intoxiqués, le PDG de l’époque est condamné à quatre mois de prison avec sursis, et Stoca-
Mine à 50 000 euros d’amende. Elle ne s’en relèvera pas : le centre, qui n’a jamais été rentable, ferme ses portes en 2003, emportant avec lui les MDPA. Il n’aura embauché que 24 personnes. La confiance de la population est brisée. «On ne peut plus les croire », déplore Raoul Schmitt, qui vit depuis toujours dans la cité ouvrière Graffenwald, à deux pas de StocaMine. Dans ce quartier, tout le monde ou presque a un parent mineur. L’accident, les habitants l’ont ressenti jusque dans leurs chairs. « J’avais des maux de tête, puis j’ai vu une colonne de fumée verte et bleue qui sortait des puits. Quand j’ai demandé ce qu’il se passait, on m’a répondu qu’il n’y avait pas de danger, que des palettes brûlaient, dit-il avec amertume. Au même moment, mon beau-frère était au fond. » Depuis, ce mécanicien plaide en faveur du déstockage total des déchets, à l’instar de ses voisins.
«Les experts sont certains que lanappe phréatique laplus grande d’Europe serabientôt touchée, carl’eaus’infiltre et ruissellevers les déchets»
Yann Flory porte-parole du collectif Déstocamine
« Je serais rassuré si on enlevait tous les déchets et qu’on dépolluait le site », confirme François Elsaesser, l’un des plus anciens habitants du quartier, en pointant les chevalements de la mine à travers ses baies vitrées. Tandis que son dernier enfant, âgé de 4 ans, s’amuse dans le salon, il dit craindre des « émanations toxiques » mais surtout « le risque de pollution de la nappe phréatique». En 2010, après des années de statu quo, le ministère de l’écologie relance finalement le dossier, en commandant des rapports sur la fermeture et en mettant sur pied un comité de pilotage (Copil) compo-
sé de treize experts. Les scientifiques mettent au jour les dangers du stockage. « On a mesuré que 100000 m3 d’eau rentrent chaque année par les parois extérieures des quinze puits, explique Jean-Claude Pinte, chef de projet StocaMine pour l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). D’ici trois cents ans, l’eau noiera la mine, avant de parvenir à la nappe phréatique, chargée en éléments toxiques. » Dans le même temps, les parois, le plafond et le sol des galeries se referment à raison de 2 cm par an. En dépit de ces certitudes, la bataille fait rage entre les experts sur les modalités de fermeture. L’Ineris se prononce en faveur du confinement illimité des déchets. Pierre Toulhoat, son directeur scientifique, explique:« Enposant desbouchonsdebentonite [mélange d’argile et de sable] devant les puits, on retarde de sept cents ans la sortie de la saumure contaminée. Les éléments les plus dangereux, notamment le mercure, atteindront la nappe à un débit très faible, ce qui permettra d’avoir des concentrations inférieures aux normes réglementaires.»
S
elonl’institut,ledéstockagetotalprésente à l’inverse des risques importants: intoxication des travailleurs, contamination atmosphérique, accident pendant le transport et pollution autour du centre de stockage allemand – les déchets de StocaMine doivent rejoindre le site de Sondershausen, dans l’est du pays. « Il est possible d’assainir un site sans mettre en danger les travailleurs », rétorque Marcos Buser, géologue suisse et spécialiste reconnu des déchets spéciaux et nucléaires. Cette voix dissidente du Copil assure l’avoir fait à Saint-Ursanne, dans le Jura helvétique, et se targue d’être le seul expert sur le dossier StocaMine à jouir de cette expérience. « Mais il est impossible d’établir des modèles crédibles sur l’ampleur de la pollution de la nappe phréatique à long terme, dit-il. La sécurité n’est pas garantie pour les générations futures. » Cesconvictions,quirésonnentpositivement à l’oreille des populations, élus et ONG, suscitent l’agacement et un brin de condescendance des autres experts. « Les déchets étaient moins dangereux et la mine, du calcaire, et non du sel. Cela n’a aucunrapport »,lâcheun ingénieur.« C’est dangereux, idiot et surtout cher de vouloir toutsortir, renchéritAlain Rollet, le PDG de StocaMine,polytechnicienet ancien directeur des Charbonnages de France, que l’Etat a tiré de sa retraite pour liquider le centre de stockage. Je propose à l’Etat le scénario le moins cher. Car, au final, c’est vous, contribuables, qui allez payer.» p
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CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n
Les intermittents et l’eau du bain
C LA QUESTION DES CHIFFRES POLLUE LE DÉBAT SUR L’INTERMITTENCE
’est reparti pour un tour. On veut parler de la bataille des intermittents du spectacle. Dix ans qu’elle dure… D’un côté, des techniciens ou artistes qui répètent que leur emploi est précaire, flexible, spécifique, ce qui justifie des indemnisations-chômage plus avantageuses que celles du salarié classique. De l’autre, le Medef qui n’entend rien à ces «privilèges». Au point que, le 12février, il a demandé la suppression pure et simple du régime spécial des intermittents au motif qu’il coûte trop cher à la collectivité et que les comptes de l’Unedic, donc de l’Etat, sont en péril. Quand on se souvient de 2003, on se dit que 2014 sera chaude. Cette année-là, un accord a fait perdre quelques plumes aux intermittents, ce qui provoqua de leur part un sacré bazar: grèves, longues AG, spectacles annulés, locaux occupés, débats passionnés, insultes, festivals perturbés dont celui d’Avignon. Le ministre de la culture d’alors, Jean-Jacques Aillagon, fit les frais de ce tourbillon. Qui servit au moins à une chose: les Français ont découvert ce qu’était un intermittent du spectacle, son statut, ses liens complexes entre travail et chômage. On découvrit le profil utile de l’intermittent, mais aussi sa face un peu agaçante. Par son
Le capitaine Schettino est remonté sur le «Concordia»
I
l aura fallu deux ans et 44jours pour que Francesco Schettino, le capitaine du paquebot CostaConcordia dont le naufrage, le 13janvier 2012, a causé la mort de 32 personnes, obéisse à l’ordre donné par un officier de la capitainerie du port de Livourne (Toscane) qui supervisait les opérations de sauvetage: « Remonte à bord, putain! » Trop tard: le commandant était déjà dans une chaloupe, laissant les derniers des 4 229 passagers et membres d’équipage se débrouiller pour regagner la terre ferme. Jeudi 27 février, les yeux masqués par une paire de Ray-Ban Aviator, le « capitaine couard», comme il est surnommé, a retrouvé sa passerelle, le temps d’une visite d’inspection ordonnée par le tribunal de Grossetto, où il est jugé pour homicides multiples par imprudence, abandon de navire et dégâts causés à l’environnement.
Feuilleton médiatique Arrivé dans la nuit du 25 février, à bord du dernier ferry qui reliait le petit port de Santo Stefano, sur la côte toscane, à l’île du Giglio, il a pu apercevoir ce qu’il reste de son bateau blanc. Son navire qu’il a conduit sur un écueil, était là, rouillé, gondolé, épave lestée d’énormes caissons qui assurent sa stabilité, dressée comme un remords de 114 000 tonnes. Les passagers qui ont fait cette courte traversée avec lui disent qu’il était ému. « Faux ! », a rectifié Francesco Schettino. L’ancien capitaine refuse qu’on le présente comme un homme déchiré par la faute, et hanté par son déshonneur. « J’ai toujours dit que je ne me déroberais pas… pour donner dignité aux vivants, honorer les morts, pour l’établissement de la vérité et pour
l’honneur de tous les capitaines italiens. Le bateau, je ne l’ai pas abandonné, laissez-moi cinq minutes en paix », a-t-il lancé au journaliste de la RAI qui le pressait de questions. « Putain mais tu n’as rien compris! », s’est-il énervé jeudi face à un autre chroniqueur. L’ex-commandant de bord soutient, au contraire, qu’il a sauvé de nombreuses vies en faisant effectuer un demi-tour au navire éventré, pour l’échouer en douceur à quelques mètres de la terre ferme. Quant à l’inchino (la « révérence»), cette manœuvre risquée consistant à approcher les paquebots de la compagnie au plus près des côtes, c’était, dit-il, une « attraction», officiellement interdite mais tolérée, voire encouragée, par l’armateur, qui y voyait un moyen d’agrémenter les croisières. Avec ses défenseurs, il pointe aussi des dysfonctionnements techniques qui auraient empêché de sauver la totalité des passagers. Pour les îliens, son retour est une nouvelle péripétie d’un feuilleton médiatique. On a d’abord salué le dévouement des habitants qui ont secouru les milliers de survivants débarquant transis et traumatisés. On s’est ensuite intéressé à l’arrivée de milliers de techniciens et de plongeurs dépêchés du monde entier par la compagnie pour renflouer l’épave, une opération toujours en cours. Les télévisions ont suivi, pendant 24 heures, le lent redressement du navire en septembre. Les chambres de tous les hôtels sont déjà réservées pour le mois de juin, lorsqu’en principe la carcasse du Concordia sera acheminée vers un port – probablement celui tout proche de Piombino – pour y être désossée. p
intransigeance, son comportement de citadelle assiégée, le refus de voir les abus commis par une petite partie, l’intérêt qu’il a parfois à rester au chômage. A écouter certains aussi, un pays sans intermittents ne pourrait offrir une culture digne de ce nom. Faux. Un rapport du Sénat vient justement de montrer que l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni ou l’Italie, n’ont pas d’intermittents, ce qui ne les empêche pas de bénéficier d’artistes et de spectacles dynamiques (Etude de législation comparée n˚241, décembre2013). Certains intermittents vont même jusqu’à nier que leur régime chômage pèse sur les caisses de l’Etat. Bien sûr qu’il pèse. Un milliard d’euros, a-t-on dit. Sans doute le bon chiffre est celui de 320millions. Si les intermittents rejoignent le régime général, comme le rêve le Medef, on arrive à cette somme. Qu’il faut également nuancer. Car si tous les intermittents entraient dans le « droit chemin », on peut parier qu’un paquet n’arriveraient plus à vivre de leur métier du spectacle, et devraient en trouver un autre. Il se dit que le Medef est prêt à lâcher du lest. Qu’il souhaite en tout cas discuter avec l’Etat. Ce qui n’est pas vraiment un cadeau pour le
ministre de la culture. On l’a vu avec Jean-Jacques Aillagon. Avant de quitter ce même poste, en mai2012, Frédéric Mitterrand, avait eu cette formule sur France Inter à propos d’un dossier sur lequel il était resté transparent: « Je laisse le bébé à mon successeur, qui sera très heureux de s’en occuper.» Aurélie Filippetti, au contraire, se démène beaucoup sur ce dossier. Il est vrai qu’après avoir dû accepter un budget en baisse – inédit pour une ministre de gauche – elle ne peut abandonner les intermittents. Elle n’a du reste pas fait dans la nuance dans un entretien au Parisien, le 16 février, accusant le Medef de vouloir «tuer la culture» et de présenter les intermittents « comme des parasites».
« Dérive massive » C’est à se demander qui aura la formule la plus assassine. Dans les deux camps. Ainsi la Cour des comptes, dans son rapport 2012, épinglait une «dérive massive» des intermittents. Et maintenant c’est Jean-François Pilliard, du Medef, qui déclarait le 17janvier, qu’«un régime d’assurance chômage n’a pas vocation à financer la politique culturelle de la France». Sur ces bases-là, il n’y a en effet plus que deux solutions: tirer un trait sur le système, ou demander au ministère de la culture de payer le « surcoût de ce traitement plus favorable». Ce qui frappe, au-delà des effets de manche, c’est que la question des intermittents du spectacle semble désormais analysée uniquement en fonction des chiffres, des coûts, des courbes. Par exemple, Mme Filippetti salue des travailleurs qui «contribuent à un secteur représentant 3,2 % du produit intérieur brut». Approche louable mais fragile. D’abord parce que les éco-
nomistes divergent fortement sur l’apport réel de la culture au PIB. Et puis les millions de touristes viennent à Paris plus pour le Louvre, Versailles ou Chambord, où il n’y a pas d’intermittents, que pour une adaptation du Soulier de Satin, de Claudel à Avignon. Et comme l’époque est dure, il est légitime de se demander pourquoi, alors qu’il n’y a jamais eu autant de chômeurs en France, un musicien bénéficierait-il d’un chômage plus avantageux que le salarié lambda. La meilleure réponse est venue de Laurence Parisot, dans Les Echos, le 24février. L’ancienne patronne du Medef est allée sur un terrain où on ne l’attendait pas: «La question des intermittents du spectacle est loin d’être un simple problème comptable (…). Parce qu’elle est mystérieuse, imprévisible, fragile et puissante à la fois, l’offre culturelle n’est pas une offre économique comme les autres. Elle a cela de spécifique qu’elle est notre bien commun. Elle parle de nous.» Le débat est bien là. Nous pouvons très bien nous détourner des intermittents. A condition de savoir quel modèle de société nous voulons, avec quelle place pour la culture. On sait par exemple que l’offre en concerts, pièces ou ballets a été multipliée par quinze en France depuis trente ans, ce qui explique aussi la croissance exponentielle des intermittents. lls étaient 9 060 allocataires en 1984, 41038 en 1991, ils sont aujourd’hui 106000. On peut estimer qu’il y a trop de spectacles, donc trop d’intermittents et trop de déficits. On peut penser le contraire et qu’une société comme la nôtre doit faire cet effort. A chacun de se déterminer. p guerrin@lemonde.fr
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HORS-SÉRIE
14-18 LES LEÇONS
D’UNE GUERRE LES ENJEUX D’UN CENTENAIRE
Philippe Ridet (Rome, correspondant)
1914, LA GUERRE À HAUTEUR D’HOMME
Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté vendredi 28 février 2014 : 322 716 exemplaires.
On croyait tout savoir sur la Grande Guerre. Que cette terrible conflagration a été une guerre mondiale, industrielle et totale. Qu’elle a forgé le monde dans lequel nous vivons, creuset à la fois des totalitarismes et de la violence de masse, des avant-gardes artistiques et du monde mécanisé. Restait à montrer que l’on peut commémorer le sacrifice des soldats sans glorifier la guerre. C’est ce que nous avons fait dans ce hors-série.
« 14-18 LES LEÇONS D’UNE GUERRE », un hors-série du Monde 7,90 € chez votre marchand de journaux ou sur lemonde.fr/boutique 2