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Samedi 1er mars 2014

En nommant Mathieu Gallet, le CSA fait le pari de la jeunesse à Radio France t L’ancien président de l’INA, 37 ans, a été choisi par le régulateur de l’audiovisuel pour diriger le groupe public

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e choix de la jeunesse: jeudi 27février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a choisi un homme de 37 ans, MathieuGallet,pourprésiderauxdestinées de Radio France. « Nous avons choisi une personnalité jeune, la plus jeune de l’histoire de Radio France », a souligné le président du CSA, Olivier Schrameck, en assurant que ce choix était « celui de l’audace et du dynamisme». Le parcours de M. Gallet est fulgurant: son DEA d’analyse économique des décisions

publiques à Paris-I en poche, il est très vite passé aux cabinets ministériels de Christine Albanel et de Frédéric Mitterrand, avant d’accéder, en 2010, à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Clin d’œil de l’histoire, lors de son passage au ministère de la culture, M.Gallet a été l’un des artisans de la loi qui avait privé le CSA de son pouvoir de nomination pour le confier au chefde l’Etat,avant que la majorité actuelle ne revienne sur cette mesure. Il a mené sa campagne pour Radio France

comme un vrai politique. « Mathieu est un expert en relations publiques, souligne un ancien collaborateur. Face à des personnalités hypercompétentes mais assez technocratiques, il a su jouer la différenciation.» Son projet, prenant acte du basculement numérique, a manifestement convaincu. Il veut repositionner France Info comme un «médiachaud»fondé sur le directetl’image, « grâce à la mise en place d’une fédération numérique entre médias publics» qui pourrait réunir France Info, France Télévisions,

France Médias Monde et l’INA. M.Gallet proposededéployerà partirduMouv’«uneoffre musicale en ligne par abonnement». M.Gallet promet «un nouvel accord d’entreprise» – un chantier jusqu’ici enlisé. De mille salariés de l’INA, il va devoir en séduire et convaincre 4500 à Radio France. «Il est en campagnepermanente,décrypteunex-collaborateur. Maintenant qu’il a atteint un objectif majeur, il va devoir s’installer dans la durée et mobiliser ses qualités différemment.» p LIRE PAGE 5

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LA DIFFUSION D’« INTIME CONVICTION » INTERDITE SUR LE WEB D’ARTE

t Elles ont supprimé

1,3 million d’emplois en Europe entre 2007 et 2013 et ont fortement investi en Asie et aux Etats-Unis.

t Plastic Omnium, Valeo

et Faurecia affichent de très bons résultats 2013.

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j CAC 40 4 404 PTS + 0,18 % j DOW JONES 16 272 PTS + 0,46 % j EURO-DOLLAR 1,3710 J PÉTROLE 108,77 $ LE BARIL j TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,13 %

Usine Valeo d’Angers. BERTI HANNA/REA

28/02 - 9 H 30

HISTOIRE

PERTES & PROFITS | par J ean- B apti s te J acq ui n

La Grande Guerre a forgé l’industrie française

L’anticapitalisme, ça rapporte

PLEIN CADRE En Argentine, alerte rouge à l’inflation

La présidente Cristina Kirchner tente de freiner l’inflation, après la forte dévaluation du peso. Elle rejette la faute sur les entrepreneurs. Mais les syndicats veulent des augmentations de salaires plus élevées. Les prochaines semaines risquent d’être tendues. LIRE PAGE 2

ESSILOR SE DÉVELOPPE DANS LA VENTE DE LUNETTES EN LIGNE Madrid menacé de rembourser 13milliards d’euros de taxes

t Les sociétés européennes du secteur se sont plus restructurées que les constructeurs durant la crise.

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AUTOMOBILE : LA REVANCHE DES ÉQUIPEMENTIERS

Les commandes de l’armée française aux industries métallurgique, automobile et aéronautique vont, par l’innovation et l’investissement, créer les champions industriels des cent années qui suivront.

Alimentaire: fin de négociations tendues entre industriels et distributeurs

Lego

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uelle est la recette de Lego pour narguer avec autant d’assurance les multinationalesaméricaines du jouet ? Le fabricant danois des briques multicolores est parvenu à faire oublier qu’ilétait lui-même unemultinationale! Alors que La Grande Aventure Lego, le film produitparWarner Bros, caracole en tête du box-office américain pour la troisième semaine consécutive, le groupe basé dans le Jutland a publié des comptes annuels à faire enrager Mattel (Barbie, Fisher Price, Pictionary, etc.) et Hasbro (Monopoly, Playskool, Transformers,etc.). Le scénario du film, qualifié d’anticapitaliste par de nombreux critiques américains, n’empêche pas l’hebdomadaire The Economist de s’étonner que « les gens doivent payer pour voir une publicité d’une heure et demie pour des jouets onéreux». Selon les chiffres de Lego, publiés jeudi 27 février, le numéro deux mondial du

jouet a bénéficié en 2013 d’une croissance de son chiffre d’affaires de 10 %, à 25,4 milliards de couronnes (3,4 milliards d’euros). Mattel et Hasbro, respectivement numéros un et trois du marché,ontconnu, eux,une activité étale. L’industriel européen, dont les produits vedettes sont les Lego City, Lego Star Wars et Duplo, affiche également une rentabilité supérieure à celle de ses concurrents américains. Son bénéfice a grimpé de 9 %, à 820millions d’euros.

Nommé PDG à 36 ans L’affaire, non cotée en Bourse et toujours contrôlée par la famille du menuisier danois qui l’a fondée dans les années 1930, revient pourtant de loin. Des diversifications hasardeuses dans les années 1990, notamment dans les parcs à thèmes, ont failli emporter l’entreprise. Son actuel PDG, Jorgen Vig Knudstorp, nommé à 36 ans en 2004, a d’abord vigoureusement recentré les activités et réduit les coûts. Mais cela n’a en rien entravé la croissance du groupe. Bien au contraire. « En

Cahier du « Monde » N˚ 21498 daté Samedi 1er mars 2014 - Ne peut être vendu séparément

présente

moins de dix ans, nous avons plus que quadruplé notre chiffre d’affaires », se félicite le PDG dans le communiqué accompagnant les comptes. Conséquence : le nombre de salariés à temps plein a encore augmenté de 1 355 personnes l’an dernier pour atteindre 11 755. Et les investissements dans l’outil de production ont bondi de 52 %. Car Lego produit lui-même ses jouets. Alors que la construction de son usine hongroise s’achève, le danois en bâtit une nouvelle en Chine. Pas pour faire du low cost comme d’autres, mais pour suivre un marché en très forte croissance.Ce sont « les mêmes technologies, les mêmes machines et les mêmes conditions de travail » qui seront en vigueur dans ces sites, promet le groupe. Son principal défi est maintenant d’internationaliser son encadrement. Lego compte en particulier développer des centres régionaux à Singapour et Shanghaï. Mais chut, ce n’est pas une multinationale! p jacquin@lemonde.fr

De Lille à Marseille, en passant par Paris Tout s’explique sur LeMonde.fr/municipales

SANTÉ LOGEMENT

EMPLOI

FAMILLE

Suivez l’actualité des éléctions municipales sur LeMonde.fr/municipales


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plein cadre

Samedi 1er mars 2014

Manifestation à Buenos Aires contre la hausse des prix de l’essence, le 13 février. VICTOR R. CAIVANO/AP

Buenos Aires Correspondante

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n calepin à la main, ils circulent dans les rayons des supermarchés, inspectant les prix de chaque gondole. Ce ne sont pas des clients mais des membres de la Campora, le mouvement de jeunes militants créé par Maximo Kirchner, le fils de la présidente argentine, Cristina Kirchner, pour soutenir le gouvernement péroniste et jouer éventuellement les forces de choc dans les manifestations. Mme Kirchner a décidé de les incorporer à la campagne « Prix surveillés », lancée par le gouvernement à la suite d’accords signés, en janvier, avec les grandes surfaces et qui établissent, dans tout le pays, un prix fixe pour quelque 80 produits de base. Ce gel limité des prix tente de freiner la forte inflation depuis le début de l’année, après la dévaluationdu peso qui a perdu environ 20 % de sa valeur face au dollar. Mme Kirchner rejette la faute sur les entrepreneursqui, selon elle, augmentent arbitrairement les prix « par spéculation et par avarice ». Le gouvernement a déjà infligé des amendes, à hauteur de 3,5 millions de pesos (324000 euros), à plusieurs grandes surfaces, parmi lesquelles le français Carrefour, le groupe chilien Vea et le géant américain de la distribution WalMart. La présidente a publiquement accusé Carrefour et la chaîne argentine Coto de ne pas respecter les accords sur les prix. Des affiches avec la photo des présidents de plusieurs chaînes de supermarchés tapissent les murs de Buenos Aires, accompagnées de la légende : « Voici ceux qui volent dans votre porte-monnaie». Mme Kirchner a néanmoins admis que le gel des prix n’a qu’un effet limité, estimant que : « C’est le consommateur, luimême,qui doitfaire valoir sesdroits et refuser d’acheter les produits qui augmentent. » Pour que les consommateurs dénoncent les abus, le gouvernement a installé deux lignes gratuites de téléphone. Il y a eu plus de 100000 appels en quelques jours. « Le processus de formation des prix en Argentine présente un problème structurel lié à la concentration économique, avec des prix imposés par les monopoles », a expliqué le chef de cabinet de la présidence Jorge Capitanich. Le 13 février, le ministre argentin de l’économie, Axel Kicillof, a présenté un nouvelindice des prix à la consommation, élaboré à la demande et sous la supervision, depuis plusieurs mois, du Fonds monétaireinternational.Selonces nouvelles statistiques, les prix ont augmenté de 3,7 % en janvier,soit « la plus forte augmentation mensuelle depuis douze ans », a souligné le quotidien conservateur La Nacion. Pendant sept ans, le gouvernement a nié l’inflationetmanipuléleschiffresdel’Institutnationaldesstatistiques(Indec).Lenouvel indice n’est, de fait, pas si éloigné des estimations des agences privées, qui calculent une inflation de 4 % à 6 % en janvier. Mais M. Kicillof estime que ces chiffrages privés « ne sont pas scientifiques et ont un fort contenu politique ». Le nouvel indice obligera le gouvernement à revoir également les chiffres sur la pauvreté. Officiellement, 4,7 % seulement des Argentins sont pauvres. En revanche, pour l’Université catholique argentine, il y a 10 millions de pauvres, soit un quart de la population. A Buenos Aires, les syndicats sont sur le pied de guerre. L’inflation a dévoré les salaires. Des négociations salariales, avec le gouvernement et le patronat, doivent avoir lieu en mars. Elles s’annoncent houleuses. Tous les yeux sont tournés vers Hugo Moyano, le puissant dirigeant du Syndicat des camionneurs, péroniste mais opposé au gouvernement Kirchner. Il dénonce un gouvernementqui, en avançant de faux chiffres de l’inflation, « masquerait » les baisses de pouvoir d’achat dont seraient victimes les travailleurs. Il menace d’une grève nationale, accompagnéede manifestationset de barragesroutiers, pour exiger 35 % d’augmentation

En Argentine, alerte rouge à l’inflation

Les revendications sociales s’accroissent après la flambée des prix et de la dévaluation du peso

LE SYNDICAT DES CAMIONNEURS MENACE D’UNE GRÈVE NATIONALE, POUR OBTENIR 35 % D’AUGMENTATION DES SALAIRES

des salaires alors que le gouvernement propose 25 %. La rentrée des classes (des vacances d’été), le 5 mars, semble compromise. Les syndicats d’enseignants avaient, il y a peu, déposéun préavis de grève pour ce jour-là. Mercredi 26 février, ils ont certes décidé de suspendre la grève. Mais ils se prononceront définitivement le 3 mars. A Santiago del Estero (nord-est), plus de 2 000 enseignants ont manifesté, à la mi-février, et ont été durement réprimés par la police. Le salaire de base d’un enseignant est inférieur à 200 euros… Surnommé « le Gros » ou « le Parrain », M. Moyano a multiplié les contacts politiques avec les principales figures de l’opposition, le maire de droite de Buenos Aires, Mauricio Macri, le socialiste Hermes Binner ou encore les barons du Parti radical. Il négocie un plan de lutte syndical en commun avec Pablo Micheli, le dirigeant de la Confédération des travailleurs argentins (CTA), branche antigouvernementale, regroupant péronistes et secteurs de gauche. A l’image des partis d’opposition, les syndicats sont divisés. M.Micheli critique les vacillations de M. Moyano. Il a annoncé, pour sa part, des mouvements de protestation dans toutes les provinces, le

5 mars, et une grève générale le 12 mars. Plus à gauche, les syndicats non péronistes, opposés à la CTA et à la Confédération générale du travail (CGT), réclament un salaire minimum égal au panier de la ménagère, soit plus de 9 000 pesos (833 euros) un ajustement mensuel et automatiqueet unesomme compensatoire de 3 000 pesos. De son côté, Antonio Calo, le secrétaire général de la CTA, allié du gouvernement, peine à concilier la « modération» dans les revendications, exigée par Mme Kirchner, et les attentes des travailleurs.

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our sa part, l’Union industrielle argentine (UIA), qui regroupe les grands entrepreneurs, est inquiète face à un climat social explosif. L’économie a affiché une croissance de 4,9%en 2013, selonl’Indec,maisle ralentissements’est accentué durantle derniertrimestre, laissant présager une diminution encore plus prononcée de l’activité en 2014. Autres indices préoccupants : l’excédent de la balance commerciale est tombé de 279 millions de dollars (204 millions d’euros) en janvier 2013 à 35 millions en janvier 2014. La production industrielle a aussi diminué de 3 % ce même mois.

LA PRODUCTION INDUSTRIELLE A DIMINUÉ DE 3 % EN JANVIER

Le changementdecap économiqueopéré par l’Argentine, avec une dévaluation du peso que réclamaient les milieux d’affaires et qui a rompu avec une politique coûteusede soutienà lamonnaie,estinterprétécomme la volonté du gouvernement de renouer des relations avec les institutionsfinancièresinternationaleset depouvoir ainsi accéder à des crédits. Car plus de dix ans après le défaut de paiement du pays, le contentieux avec les créanciers de l’Argentine n’est toujours pas soldé. En trois ans, les réserves en devises de la banque centrale ont chuté de 52milliards à 27 milliards de dollars. Pour renflouer les caisses, le gouvernement mise sur une importante entrée de billets verts dans les prochains mois, grâce aux exportations de grains, en particulier du soja, qui, ces dernières années, a été le moteur d’une croissance « à la chinoise», de 9% en moyenne. Alors que la rentrée de mars s’annonce chaude dans l’hémisphère austral, à Rome le pape François, a démenti avoir convoqué, le 17 mars au Vatican, une réunion avec des représentants du gouvernement, des responsables syndicaux et des industriels, pour aider au dialogue dans son pays, comme l’avaient annoncédeux quotidiens argentins. p Christine Legrand

Un accord a été trouvé avec le pétrolier espagnol Repsol Buenos Aires Correspondante

Après deux ans de conflit avec l’Espagne, principal investisseur en Argentine, le gouvernement péroniste de Cristina Kirchner a conclu un accord avec Repsol garantissant au pétrolier espagnol une compensation financière de 5 milliards de dollars (3,6milliards d’euros) après la nationalisation en avril 2012 par Buenos Aires de sa filiale YPF. La compagnie pétrolière argentine YPF était contrôlée depuis sa privatisation en 1992 par Repsol. Mais le gouvernement argentin accusait le pétrolier espagnol de ne pas investir suffisamment dans le pays. « Nous n’allons pas faire une nationalisation, mais une récupération », avait affirmé Mme Kirchner, lors de la nationalisation d’YPF, soulignant que « l’Argentine est le seul pays

d’Amérique latine qui ne contrôle pas ses ressources naturelles». Repsol avait alors dénoncé une mesure « illégale et discriminatoire» et menacé d’un recours en justice. La Commission européenne avait également réagi, estimant qu’une « prise de contrôle forcée de YPF enverrait un signal très négatif aux investisseurs et pourrait causer de sérieux dommages à l’environnement des affaires en Argentine.» L’accord annoncé, mercredi 26février à Buenos Aires et à Madrid, « reconnaît le droit de la compagnie à percevoir 5milliards de dollars en compensation de l’expropriation de 51 % des actions d’YPF ». Il entraîne, en outre, « l’abandon réciproque des actions en justice et d’arbitrage entreprises». Cette entente doit désormais être ratifiée par l’assemblée générale des actionnaires de Repsol et le Congrès argentin, où

le gouvernement détient la majorité nécessaire. L’indemnisation sera versée en deux paquets d’obligations de l’Etat argentin en dollars, avec, pour échéances 2017, 2024 et 2033.

L’Espagne dédommagée Repsol s’est félicité d’avoir obtenu une garantie supplémentaire, compte tenu du classement de la dette argentine en catégorie spéculative par les trois grandes agences de notation: même en cas de faillite, Buenos Aires devra verser les 5 milliards. « L’Argentine doit payer et nous avons la garantie que nous recevrons cet argent », a martelé Antonio Brufau, le président de Repsol. Artisan de la renationalisation d’YPF, le ministre de l’économie argentin, Axel Kicillof, avait affirmé, en avril 2012, que le gouvernement ne paierait « pas un sou » de dédommagement à l’Espagne, accu-

sant Repsol d’avoir «pillé» l’Argentine. « Les imbéciles pensent que l’Etat doit faire ce que demande l’entreprise », avait-il lancé d’un ton arrogant. « Nous avons le plaisir d’annoncer que le gouvernement et Repsol sont parvenus à un accord de compensation », a toutefois affirmé M.Kicillof, mercredi. Car à Buenos Aires, les temps ont changé. Abandonnant un discours «national et populaire», Mme Kirchner tente désormais de récupérer la confiance des investisseurs étrangers. Le gouvernement a soudain pris des mesures cherchant à améliorer la crédibilité de l’Argentine: nouvel indice des prix à la consommation, dédommagement de Repsol et volonté de payer la dette envers le Club de Paris, le groupe des pays créanciers de l’Argentine, qui s’élève à 6900millions d’euros. p Ch. Le.


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L’Europe en contentieux fiscal contre Madrid

La Cour de justice européenne pourrait exiger de rembourser au contribuable espagnol 13milliards d’euros d’impôt

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urant dix ans, les Espagnols ont payé un impôt déclaré illégal, jeudi 27 février, par la Cour de justice de l’Union européenne (Curia). L’impôtspécialsur les carburants,communément appelé « centime sanitaire», avait été mis en place à partir de 2002 pour financer en partie la santé publique, et introduit progressivement dans toutes les régions autonomes espagnoles, à l’exception de l’Aragon, du Pays basque, de la Rioja et des Canaries, à mesure que la crise avançait. Jusqu’à sa modification légale, en 2013, les régions ont ainsi récolté 13 milliards d’euros, que l’Espagne risque de devoir, en partie, rembourser. Le tribunal du Luxembourg estime que cette taxe, dont le montant oscillait entre 1 et 5 centimes le litre d’essence ou de diesel, ne servait pas spécifiquement à « réduire les coûts sociaux et environnementaux liés à la consommation d’hydrocarbures ». Elle n’était pas accompagnéedemesurespourpromouvoir d’autres énergies moins polluantes et s’ajoutait à d’autres impôts spéciaux sur les carburants.Deplus,selon la Curia,l’Espagne a agi avec « mauvaise foi » en maintenant une taxe sur laquelle Bruxelles avait émis des doutes dès son application.

Combien l’Espagne devra-t-elle rembourser? Difficile de le savoir pour le moment, mais le ministère des finances a cherché à minimiser les risques. Selon lui, seule une faible partie de ces 13 milliards d’euros sera rendue, car les taxes prélevées avant 2010 sont prescrites et ceux qui veulent récupérer leur argent devront présenter les factures d’essence correspondantes. Mais dans les cas où une plainte avait déjà été déposée, la prescriptionnesera pasvalable.Or,lamesure avait provoqué une « grande quantité de litiges », reconnaît le documentdelaCourdejustice,surtout avec les sociétés de transport, commel’a reconnuMadrid dans sa défense, afin de justifier sa demande d’amnistie. Pour le gouvernement, une possible demande de remboursementaurait des « répercussions économiques graves» qui pourraient « mettre en péril le financement de la santé publique dans les régions », ainsi que les objectifs de consolidation fiscale. « Nous avons vu le verdict, mais en termes d’impact sur les finances publiques, nous devrons l’analyser, et il reviendra ensuite aux autorités espagnoles d’indiquer comment elles pensent compenser toute déviation », a prévenu, Simon O’Connor, le porte-parole du commissaireeuropéenaux affaireséconomiques. Le verdict a donc provoqué un malaise dans le gouvernement,

Pourla troisièmeannée consécutive,le Brésilaffiche unecroissancemodérée

déjà embarrassé par les chiffres du produit intérieur brut. Le matin même, l’Institut national de statistiques (INE) a annoncé que la croissance au dernier trimestre2013 n’a pas été de 0,3 % comme annoncé dans un premier temps, mais de seulement 0,2 %. En cause, les baisses importantes des dépenses des administrations publiques, de près de 4 % par rapport au troisième trimestre, afin de respecter des objectifs de réduction de déficit.

Or, cette résolution judiciaire intervient au moment où plusieurs autres verdicts, dictés par des juges espagnols cette fois, remettent en cause les mesures de lutte contre le déficit excessif.

Légalité de la suppression Le21 février,l’Audiencenationale,lahauteinstancejudiciaireespagnole, a condamné l’administration générale de l’Etat à rembourser à un fonctionnaire une partie

La privatisation de Bankia lancée Le titre Bankia était suspendu vendredi 28 février au matin à la Bourse de Madrid après le début de la privatisation de la banque, nationalisée en 2012. L’Etat espagnol a amorcé, par le biais du Fonds d’aide aux banques, la privatisation de Bankia, sauvée de la faillite en 2012 grâce à une aide publique de plus de 20 milliards d’euros. Il vend aujourd’hui 7,5 % de ses actions,

ce qui représente une valeur de quelque 1,360 milliard d’euros, selon le cours de l’action jeudi, à la Bourse de Madrid. L’Union européenne a accordé jusqu’à 2017 au gouvernement espagnol pour privatiser Bankia, dont le sauvetage avait poussé Madrid à demander une aide européenne de 41,3 milliards d’euros pour son secteur bancaire.

dela primede Noël de2012, supprimée dans le cadre du programme d’austérité du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Décidée en juillet, cette suppression ne pouvait pas être rétroactive.Or, le juge a considéré que le travailleur avait accumulé des droits dès le 1er janvier. En novembre2013 déjà, un magistrat avait ordonné à l’administrationandalouselarestitution de la paye de Noël à un fonctionnaire de justice. Le Tribunal constitutionnel a été saisi pour vérifier la légalité de la suppression. Dans l’attente de son verdict, le syndicat majoritaire des fonctionnaires estime que le gouvernement devra rembourser la prime de Noël à tous les employés publics. La mesure avait permis à Madrid d’économiser près de 5 milliards d’euros. D’autres types de mesures visant à obtenir des revenus publics ont été censurés par les juges récemment. C’est, par exemple,lecasduprogrammedeprivati-

sations de la région de Madrid, qui prévoyait la vente de sept hôpitauxpublics,paralyséeà troisreprises par la justice qui enquêtait sur le processus d’appel d’offres, avant d’être abandonné par le gouvernement régional le 27 janvier. Plusieurs plans sociaux ont aussi été annulés par les juges, dont celui de la Radio-télévision publique valencienne, en novembre 2013, qui prévoyait le licenciement de 1 000 des 1 700 salariés. Mais dans ce cas, la réponse de la région n’avait pas tardé à se faire connaître: l’annoncede lafermeture pure et simple de l’entreprise publique, qualifiée de « non viable» par Alberto Fabra, le président de la région. Au Portugal, où le Tribunal constitutionnelest saisiavant l’application des lois, plusieurs mesures phares du programme d’austérité du gouvernement conservateur ont été, elles aussi, annulées par la justice. p Sandrine Morel

Résultats annuels 2013

atteInte De tOus les OBJeCtIFs FInanCIeRs

© GDF SUEZ / ABACAPRESS / RIBAS RICARDO

Madrid Correspondance

En 2013, le produit intérieur brut a progressé de 2,3%. Les experts pointent une inflation élevée Rio de Janeiro Correspondant

L

a nouvelle ne pouvait pas mieux tomber pour Dilma Rousseff qui sollicitera un nouveau mandat présidentiel en octobre. Après une série ininterrompue de mauvais résultats et de prévisions toujours plus sombres, l’économie brésilienne vient d’enregistrer une croissance plus forte qu’attendue au quatrième trimestre 2013. Avec une progression de 0,7 % au cours des trois derniers mois, selon les chiffres de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE) publiés jeudi 27 février, le pays enregistre une croissance de 2,3 % sur l’ensemble de l’année. C’est la troisième année consécutive que le pays voit son produit intérieur brut (PIB) augmenter doucement. Cette croissance est « satisfaisante », a immédiatement souligné Guido Mantega, l’indéboulonnable ministre des finances. Le PIB brésilien avait cru de 1 % en 2012 et de 2,7 % en 2011, après un bond de 7,5 % en 2010, faisant oublier la baisse de 0,3 % de l’année précédente. Surtout, le géant d’Amérique du Sud s’éloigne du spectre d’une récession technique, qu’avaient évoqué certains économistes après la contraction de 0,5 % enregistrée au troisième trimestre 2013. A titre de comparaison, la croissance du Brésil sur l’année se place loin derrière la Chine (7,7 %) mais devant le Royaume-Uni (1,9 %), l’Afrique du Sud (1,9%) ou le Mexique (1,1%). Les secteurs de la septième économie au monde qui ont le plus progressé en 2013 ont été l’agriculture (+ 7 %) et les investissements (+ 6,3 %). La consommation privée des familles, l’un des principaux moteurs de la croissance depuis des années, n’a augmenté que de

2,3 %. Les services ont eux aussi enregistré un résultat médiocre de + 2 %, loin toutefois des difficultés de la production industrielle qui a chuté de 0,2 % au dernier trimestre. Au total, elle atteint une croissanceatone de 1,3 % sur l’année. Un chiffre inquiétant au regard de la chute de 3,5 % de la production du mois de décembre 2013. Ellemême suivie en janvier par une dégringolade de 18,7 % de la production de voitures.

Conjoncture incertaine Malgré ces signaux d’alerte, M.Mantegaaaffirméquelesconditions étaient réunies pour que le pays atteigne en 2014 une croissance « un peu meilleure ». Lundi 24février,legouvernementa abaissésa prévisiondecroissanceà 2,5%. Le marché,selon une étude de l’Institut Focus, s’attend, lui, à 1,7%. Des experts pointent notamment l’inflation élevée qui affecte sensiblement la confiance des investisseursprivés et des consommateurs. Cette conjoncture incertaine a incité la banque centrale à relever son taux directeur sans discontinuer depuis le printemps 2013. Jeudi, elle a une nouvelle fois relevéleloyerdel’argent,enremontant son taux directeur à 10,75 % malgréle risque de contenir encore un peu plus l’activité économique. « Celle-ci est très en dessous de ce que requiert la société brésilienne », s’est inquiété Paulo Skaf, le puissant patron de la Fédération des industries de Sao Paulo. Plus modéré, Virene Matesco, professeur à la Fondation Getulio-Vargas, prévoit une période d’« attente » de la part des entrepreneurs : «Nous avonsdesélections, uneCoupe du monde de football [du 12 juin au 13 juillet] et la menace d’une baisse de notre note souveraine de la part des agences de notation. C’est une année atypique.» p Nicolas Bourcier

Chiffre d’affaires n

n

Atteinte de l’ensemble des objectifs financiers et opérationnels fixés pour 2013 en dépit de la situation des marchés européens de l’énergie Dépréciations comptables très significatives de certains actifs pour refléter la dégradation durable des marchés énergétiques européens (sans aucun effet sur la trésorerie)

n

Révision à la hausse des objectifs financiers pour 2014

n

Nouvelle politique de dividende sur 2014-2016 basée sur un taux de distribution de 65-75% avec un minimum de 1 e par action et instauration d’une majoration de 10% du dividende* selon les conditions légales

n

Accélération de la politique d’investissement avec l’ambition d’être l’énergéticien de référence sur les marchés à forte croissance et leader de la transition énergétique en Europe.

81,3 MdsE

Résultat net récurrent

Part du Groupe

3,4 MdsE

Investissements bruts

7,5 MdsE

Dette nette

29,8 MdsE

DIVIDENDE 2013*

1,50 E

par action

Agenda

28 avril : Assemblée Générale 28 avril : Résultats du 1er trimestre

* Soumis à l’approbation de l’Assemblée Générale

Retrouvez l’interview de Gérard Mestrallet et l’intégralité du communiqué de presse sur www.gdfsuez.com

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économie & entreprise

Samedi 1er mars 2014

Les équipementiers automobiles français sortent de la crise plus rentables Plastic Omnium, Valeo, et Faurecia ont affiché d’excellents résultats en 2013

Le prix des produits laitiers devrait augmenter avec celui du lait payé aux éleveurs

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our eux, la crise de 2008 est un lointain souvenir. Alors que Renault relève à peine la tête et que PSA Peugeot Citroën creusetoujoursses pertes, les équipementiers automobiles français multiplient,eux,lesprouesses.Jeudi 27 février, Plastic Omnium a annoncé un chiffre d’affaires de 5,1 milliards d’euros en 2013, en hausse de 9,2 % sur un an, et deux fois plus gros qu’en 2008. La capitalisation boursière de ce groupe détenu majoritairement par la famille Burelle dépasse désormais les 3,5 milliards d’euros, quand PSA vaut 4,4 milliards sur les marchés actions ! Et avec sa marge opérationnelle de 7,7 %, il fait mieux que les constructeurs et les équipementiers automobiles français… Il surpasse Valeo – le spécialiste, notamment, des phares, de la climatisation ou des systèmes d’électrification des moteurs (stop and start,etc.)–etFaurecia,celuidessiègesautomobilesou de systèmesde dépollution. Deux poids lourds français qui ont aussi connu une année 2013 très robuste. Avec un chiffre d’affaires de 12,1 milliards d’euros en 2013 (+9 %), Valeo a dégagé une marge de 6,6 % sur l’exercice, tandis que Faurecia a dévoilé, début février, un chiffre d’affaires de 18 milliards d’euros, en croissance de 5 %, et une marge de 3 %… Ces équipementiers reviennent de loin. En 2008, après le déclenchement de la crise financière, les trois groupes avaient terriblement souffert de l’arrêt brutal des commandes des constructeurs. Alors que ces derniers faisaient le gros dos, les fournisseurs multipliaient les plans sociaux et les fermetures d’usines en Europe. « Les équipementiers européens ont réduit de manière beaucoup plus agressive que les constructeurs leur base de coûts, confirme une récente note de recherche d’Exane

Un secteur en croissance CHIFFRE D’AFFAIRES en milliards d’euros

Laboratoire testant la résistance des sièges au centre d’essais de Faurecia de Caligny (Orne). HAMILTON/REA

BNP Paribas. Nous estimons qu’ils ont supprimé, entre 2007 et 2013, environ 1,3 million de postes sur le Vieux Continent.» Depuis trois ans, les trois soustraitants français retrouvent la santé. Maisles lourdesrestructurations en Europe n’expliquent pas tout.Valeo, PlasticOmniumet Faurecia sont allés chercher la croissance là où elle se trouve : en Asie et aux Etats-Unis. « En 2013, il s’est vendu 2,9 millions de voitures supplémentaires dans le monde, souligne Laurent Burelle, PDG de Plastic Omnium. Moins en Europe, mais 2,5 millions de plus en Chine, où nous avons ouvertcinqusinesen2013,et0,6million de plus aux Etats-Unis… Nous avons profité de cette croissance.» LES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTIERS AUTOMOBILES FRANÇAIS

11,7 12,1

RÉSULTAT NET en millions d’euros

MARGE, en %

3%

439 193 88

(2012 : 3 %)

6,7%

2013

4,8 5,1 2013

2012

2013

2012

Valeo

Plastic Omnium

17,3 18 2013

2012

H

Faurecia

142

L’agriculture s’invite dans le dialogue musclé entre industriels et distributeurs

371 2012

(2012 : 6,2 %)

7,7 %

173

(2012 : 7 %) 2013 SOURCE : SOCIÉTÉS

Comme Plastic Omnium, Valeo et Faurecia sont désormais solidement implantés dans ces deux aires géographiques, où ils enchaînent les ouvertures de sites à un rythme effréné.

Les fournisseurs des constructeurs sont allés chercher la croissance là où elle se trouve: en Asie et aux Etats-Unis « En Asie, notre croissance a dépassé 20 % en 2013 pour la septième année consécutive », rappelait, début février, Yann Delabrière, le PDG de Faurecia. Et sur les six nouvelles usines que Valeo prévoit d’ouvrir en 2014, quatre seront en Chine. Lesfournisseursfrançaisaccélèrent leur expansion d’autant plus rapidement qu’ils ont largement diversifié leur portefeuille de clients.Renault et PSAne représentent plus aujourd’hui qu’un cinquième de leur chiffre d’affaires. Les principaux clients de Faurecia, encorefiliale dePSA à 51 %,de Plastic Omnium et de Valeo sont en fait les constructeurs allemands, américains et asiatiques. Pour les attirer, et les fidéliser, les trois groupes sont passés d’un rôle de simple sous-traitant à celui de véritables partenaires.

Comment? En investissant fortementdanslarechercheetledéveloppementpour proposerdestechnologies innovantes en matière de confort, d’allégement des véhicules, d’amélioration des moteurs ou de gestion des émissions de gaz d’échappements. Ces secteurs sont devenus stratégiques pour les constructeurs qui doivent réduire de manière drastique à court et à moyen terme les émissions de CO2 de leurs véhicules pour se conformer aux nouvelles réglementations environnementales. N’ayant plus les moyens de suivre, ils s’appuient de plus en plus sur les équipementiers, qui « remontent ainsi dans la chaîne de la valeur ajoutée », indique Exane. SelonleClepa,l’associationeuropéenne des équipementiers automobiles, les fournisseurs ne prenaient à leur charge, il y a dix ans, qu’un tiers des coûts de développement des nouvelles technologies. En 2013, ils les partagent de manière équivalente avec les constructeurs. Et d’ici 2018, ils devraient en assumer les deux tiers. « Les équipementiers sont en train de devenir des développeurs et des producteurs de véritables modules de voitures, que les constructeurs se contentent d’assembler », écrit Exane. Ils récupèrentainsidavantagedevaleurajoutée. Ce qui leur permet d’afficher des résultats records. p Philippe Jacqué

asard de calendrierou heureuse coïncidence, le Salon de l’agriculture à Paris, qui fermera ses portes dimanche 2 mars, s’est déroulé au moment mêmeoù industrielset grande distribution abordaient la dernière ligne droite des négociations tarifaires annuelles. Conformément à la loi, celles-ci devaient être bouclées le 28 février. Des discussions toujours très vives. L’année 2014 n’a pas échappé à la règle. Le secteur des produits laitiers s’esttoutparticulièrementéchauffé. Justeavantl’échéance,les industriels ont tiré la sonnette d’alarme, appelant les distributeurs à faire preuve de responsabilité. En cause : la hausse du cours mondial du lait porté par une forte demande. En 2013, son prix a progressé de 9 % à 344 euros la tonne et la haussese poursuit. Leséleveursdemandaient une revalorisation. Et les industrielssouhaitaientune hausse tarifaire pour compenser cette envolée. Le dernier round de négociation s’est déroulé, quasiment en direct,profitantde lacaissede résonance du Salon où éleveurs, industriels et distributeurs sont quasiment côte à côte dans les allées. La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), branche du syndicat FNSEA, a annoncé lundi qu’elle allait s’inviter dans les « box de négociations». Ils se sont donc rendus chez Carrefour et Leclerc. S’ils n’ont pas assisté aux confrontations fatidiques entre les acheteurs des grandes enseigneset lescommerciauxdes entreprises, ils ont pu discuter avec des représentants des distributeurs. Cette intervention semble avoir porté ses fruits. La FNPL a publié un communiqué jeudi, pour dire que sa revendication d’un prix du lait à 380 euros la tonne pour 2014 avait été entendue. Les industriels ont donc pu négocier des hausses. Ils auraient obtenu que l’augmentation négociée aux forceps avec l’aide du médiateur en 2013, alorsqueleséleveursétaient étranglés financièrement, soit intégrée dans les tarifs. Puis ils ont discuté d’une nouvelle hausse moyenne, proche de 3 % pour 2014. Des chiffres qui restent variables suivant les entreprises, leurs marques et le produit. Le soulagement était palpable chez des acteurs comme la coopérative Laïta, présente pour la première fois sur le Salon avec sa marque Paysan Breton. Sa plaque de beurre habillée de vichy avait disparu des magasins Leclerc depuis près de deux semaines. Déréféren-

cée. Une sanction de plus en plus fréquente. « On assiste à des déréférencements tactiques dont nous ne faisons pas partie, alors que les discussions avec la grande distribution sont plus virulentes que jamais. L’ambiance est alimentée par la baisse de trafic dans les magasins, affirme Christophe Bonduelle, PDG du groupe du même nom. Nous ne baisserons pas nos prix, nous espérons passer quelques hausses. » Bonduelle peut compter, dans sa négociation, sur son internationalisation, qui réduit sa dépendance au marché français. Il a étédéréférencéen 2013 par Carrefour pour des produits traiteur sous marque distributeur (MDD). « Nous étions trop chers, mais nous ne voulons pas travailler à marge zéro», dit M. Bonduelle.

« On assiste à des déréférencements tactiques dont nous ne faisons pas partie» Christophe Bonduelle PDG de Bonduelle

La situation est plus difficile encorepour desPME qui ne dépendent que du marché français. « Nous demandions 3 % à 5 % de hausse. Nous n’avons quasiment rienobtenu », estime ThierryBelin, directeur commercial de Morteau saucisse, une PME du Doubs de 200 personnes. Elle compte sur les relations directes nouées avec les supermarchés de sa région où elle négociemieux ses prix en échange de services. Mais Morteau saucisse a dû abandonner un contrat de MDD avec Leclerc, qui lui coûte 10 % de son chiffre d’affaires. « Nous devions baisser la qualité pour atteindre le prix demandé », affirme M. Belin. Stabilité des prix aussi pour Petit Navire. « Nous avions demandé une augmentation de tarif de 10 %, la distribution une baisse de 6 %. Nous devrions signer sur une neutralité», selon Amaury Dutreil, directeur général délégué du groupe. Même son de cloche, stabilité, pour les volailles du groupe LDC. Les industriels sont au cœur de l’intensebataille sur les prix que se livrent les grandes enseignes. A preuve, en 2013, selon l’Association nationale des industries alimentaires,lesprix des produitsalimentaires n’ont progressé que de 0,3 %, contre une hausse de 2,9 % en 2012. Pour 2014, c’est le spectre de la déflation qui plane. p Laurence Girard

Essiloraccélèreson déploiementdansla ventede lunettessur Internet Avec le rachat du canadien Coastal.com, le groupe français devient l’un des leaders mondiaux du secteur

E

volution stratégique chez Essilor. Le numéro un mondial des verres correcteurs a décidé de devenir un acteur incontournable dans la vente de lunettes et de lentilles sur Internet en complément de la fourniture de verres aux opticiens. Cette stratégie a abouti, jeudi 27février,aulancementd’uneoffre publique d’achat (OPA) amicale de 282 millions d’euros sur le canadien Coastal.com, l’un des premiers acteurs sur le Net avec 5 millionsdeclients.Implantéà Vancouver et en Suède, ce site, qui réalise 143millions d’euros de chiffre d’affaires, emploie 650 personnes. « Jusqu’à présent, nous nous étions très peu occupés du consommateur, nous nous sommes intéressésàsonœil,maispasàsoncomportement », raconte le PDG d’Essilor, Hubert Sagnières. Internet et la cri-

se ont changé la donne en modifiant les besoins et les modes d’achats. Tout a débuté voici huit ans en 2006, avec l’acquisition aux EtatsUnis de FramesDirect, un site gérant aujourd’hui 4 millions de clients acheteurs de lunettes et de lentilles.«Nousavonsapprislefonctionnement du système », se souvient M. Sagnières. Fort de ses premiers pas sur ce site haut de gammeproposantdeslunettesà175dollars (150 euros), le groupe a acquis, en 2013, l’américain EyeBuyDirect, orienté vers le moyen de gamme (60-70dollars). Parallèlement,Essilora développé aux Etats-Unis MyOnlineOptical, une plate-forme en ligne destinée aux optométristes, ces professionnels américains qui prescrivent et vendent des lunettes. « Nous leur proposons de créer un

magasin virtuel dans lequel ils fixent leurs prix et nous le gérons pour eux, explique M. Sagnières. Surtout, nous répondons directement aux interrogations des clientsdans des forums.» Ces trois expériences ont convaincu le groupe de passer la vitesse supérieure. D’où l’acquisition de Coastal.com, site spécialisé vers le moyen de gamme, le marché le plus prometteur. Très

implantée en Amérique du Nord et en Europe du Nord, cette plate-forme est appelée à se développer partout dans le monde. « Ce sera à chaque responsable de pays de décider», affirme le patron d’Essilor. Toutefois, ce site s’adressera à ceuxqui ontdescorrectionsvisuelles simples qui ne nécessitent pas d’interventions de réglage et d’ajustements dans un magasin, comme pour les verres progres-

Une acquisition tous les quinze jours « Nos autres champs de développement sont vastes », indique Hubert Sagnières, le PDG d’Essilor, qui entend doper son activité dans les verres solaires et croître dans les pays émergents. Pour cela, le groupe va poursuivre son rythme d’acquisitions, à raison, en moyenne, d’un achat

tous les quinze jours. Cette cadence n’a rien d’exceptionnelle. Elle s’inscrit, pour le fabricant de verres optiques, dans la continuité des années précédentes. En dix ans, sa part de marché a progressé dans le monde de 20 % à 37 %, renforçant sa place de leader.

sifs. « Avec Internet, nous assistons à une véritable segmentation du marché entre les verres simples et les sophistiqués, constate M.Sagnières. Lespremierssontvendus sur Internet, les seconds dans des boutiques. » Les marques du groupe, comme Varilux ou Crizal, ne seront pas proposées en ligne.

Croissance prometteuse Unemanièrederassurerlesopticiens en France après le vote de la loi Hamon en février ouvrant le marché de l’optique sur Internet. « Vous trouvez déjà dans toutes les boutiques d’opticiens des paires de lunettes à 29 euros », rappelle le patron d’Essilor. Sila vente en lignene représente aujourd’hui que 40 millions d’eurosdechiffred’affairessur les5 milliards total d’Essilor, soit moins de 1%de l’activité,lacroissanceduNet

s’annonce prometteuse. Selon une étude citée par le groupe, ce marchémondialpesait1milliarddedollars en 2005 et devrait atteindre les 5,8 milliards en 2018. A ce jour, il avoisine 2 milliards sur les 85 milliards du marché global des verres. De tous les fabricants de verres, une activité très fractionnée dans laquelleEssilordétient37%dumarché, le groupe français est le seul à avoirinitiéunedémarched’unetelle ampleur. Le japonais Hoya a conçu un site de ventes en lignes de lentilles dans son pays. Essilor va attendre près de deux mois pour que l’OPA canadienne soit menée à terme et obtienne tous les agréments. « Le rachat de Coastal a mobilisé toutes nos équipes, mais nous allons maintenant repartir vers d’autres acquisitions», prévient M. Sagnières. p Dominique Gallois


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techno & médias

Samedi 1er mars 2014

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Portrait Agé de 37 ans, le nouveau patron de Radio France réalise

un parcours fulgurant, des cabinets ministériels aux postes de direction

Mathieu Gallet, une ambition à la tête de Radio France

R

adio France a un nouveau visage, mélange d’ambition décomplexée, de jeunesse et de détermination. Jeudi 27 février, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a choisi un homme de 37ans, Mathieu Gallet, pour présider aux destinées de la radio publique. « Nous avons choisi une personnalitéjeune, la plus jeune de l’histoire de Radio France », a souligné le président du CSA, Olivier Schrameck, en assurant que ce choix était « celui de l’audace et du dynamisme ». « Ce qui nous a convaincus, c’est l’homme », ajoutait la conseillère Mémona HintermannAfféjee, restituant la forte impression produite par M. Gallet lors de son audition, mardi. « Nous avons tousvotépourlui,c’étaituneévidence », a lancé Christine Kelly, autre membreduCSA. Les détails duvote restentnéanmoinssecrets,laprocédure s’étant déroulée à huis clos. LechoixdeMathieuGallet,affaire de charisme? L’homme ne manque en tout cas ni d’aisance ni d’aplomb. Il en faut pour afficher un parcours comme le sien, qui l’a mené en quelques années d’un DEA d’analyse économique des décisions publiques à Paris-I aux cabinets ministériels de Christine Albanel et de Frédéric Mitterrand, avant d’accéder, en 2010, à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Une trajectoire fulgurante, sous l’œil bienveillant de ses ministres de tutelle, ou encore du maire de Paris Bertrand Delanoë, dont il est réputé proche. Les amitiés du successeurdeJean-LucHeessontnombreuses et variées, à droite comme à gauche. «Il allie la jeunesse, le brio et l’intelligence», plaide Jean-Paul Cluzel, ancien président de Radio France, qui a eu affaire à Mathieu Gallet quand celui-ci secondait Mme Albanel, entre2007 et 2008. A la différence de ses principaux

Parcours 8 janvier 1977 Naissance à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). 2000 DEA d’analyse économique des décisions publiques à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. 2001 Contrôleur de gestion chez Canal+, puis chargé de mission aux relations institutionnelles. 2007 Conseiller technique pour l’audiovisuel et les médias au ministère de la culture, puis directeur de cabinet adjoint. 26 mai 2010 Nomination à la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel. 27 février 2014 Présidence de Radio France.

rivaux dans la course à Radio France, comme Martin Ajdari et Anne Durupty, M. Gallet n’est pas énarque. Avant d’entrer dans des cabinets ministériels, il s’est frotté au secteur privé. D’abord comme adjoint au directeur marketing et de la promotion internationale d’Erato disques, un label de Warner Music Group. Puis comme responsable de l’administration des ventes internationales de Pathé. Avant de rejoindre le groupe Canal+ en 2001, comme contrôleur de gestion de Studiocanal, puis chargé de mission pour les relations institutionnelles du groupe, entre2004 et 2006.

M.Gallet fut l’un des artisans de la loi qui a privé le CSA de son pouvoir de nomination au profit du chef de l’Etat Cette expérience de lobbyiste le met en relation avec les pouvoirs publics. Après un passage chez François Loos, ministre délégué à l’industrie, entre 2006 et 2007, il rejoint le ministère de la culture comme conseiller technique pour l’audiovisuel et les médias, puis directeur adjoint du cabinet. A ce poste, il œuvre sur tous les pans de la politique audiovisuelle de Nicolas Sarkozy, y compris les plus controversés, comme la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions ou la réforme du processus de désignation des dirigeants de l’audiovisuel public. Clin d’œil de l’histoire, M.Gallet a été l’un des artisansde la loiquiavaitprivéleCSAdesonpouvoir de nomination pour le confier au président de la République, avant que la majorité actuelle ne revienne sur cette mesure. Rue de Valois, il suit également la nominationdetroismembresduCSA,encore présents au sein du collège. En2010,FrédéricMitterrandproposelacandidaturedeMathieuGallet à la présidence de l’INA, laissée vacante par Emmanuel Hoog. Le ministrede laculturefaitfi des réticences de ceux qui le jugent trop jeune et insuffisamment expérimenté,et convainc M.Sarkozy. Problème: le code pénal interdit à un agent public d’être nommé à la tête d’une entreprise qu’il a supervisée pendant un délai de trois ans. En janvier 2011, l’association Anticor pointequelanominationdeM.Gallet n’a pas été soumise à l’approbationdelaCommissiondedéontologie de la fonction publique. Le parquet de Créteil ouvre une enquête, mais celle-ci est classée sans suite en 2012. Interrogé sur cette affaire pas encore prescrite, jeudi 27février, le

président du CSA a déclaré que «tous les aspects des candidats ont étéexaminés»,sous-entendantque cette affaire ne faisait pasobstacle à la nomination de M.Gallet. Celui-citiredesesannéesdecabinet une expérience qui lui a permis de mener sa campagne pour Radio France comme un vrai politique. Sa présence dans la liste des personnes auditionnées était une surprise : il avait démenti être candidat. Cette ruse lui a permis de se préparer dans l’ombre, avec notamment l’appui de Frédéric Schlesinger, ancien directeur de France Inter et actuel directeur délégué aux contenus de l’INA. « Mathieu est un expert en relations publiques, souligne un ancien collaborateur.Faceàdespersonnalités hyper compétentes mais assez technocratiques,il asujouerladifférenciation. » M. Gallet a senti que son profil pouvait se détacher d’un peloton de candidats très crédibles, maispourbeaucoupissusdelahaute fonction publique. Il a également proposé un projet qui a manifestement impressionné les membres du CSA. Celui-ci prendactedubasculementnumérique, qui oblige la radio à se projeter surtouslessupportsetà yaffronter la concurrence de la télévision ou des sites Internet. M.Gallet réaffirme le rôle «référent» du service public en matière d’informationetdeculture.L’information sur France Inter sera plus internationale et européenne. Il entend repositionner France Info comme un « média chaud » fondé sur le direct et l’image, « grâce à la mise en place d’une fédération numérique entre médias publics » qui pourrait réunir France Info, France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. Il fait ici écho à une idée évoquée cet hiver tant à l’Elysée qu’au ministère de la culture, suggérant ce type de synergies dans le domaine numérique.

STÉPHANE GRANGIER/CORBIS

Le projet défend le principe «d’une plate-forme rassemblant les contenus numériques de l’entreprise»,actuellementrépartissurdifférents sites, et promeut la diffusion des contenus sur les réseaux sociaux et les sites de partage, parfoisdefaçonpayante.M.Galletpropose de déployer à partir du Mouv’, dont le nom serait revu, «une offre musicale en ligne par abonnement». Ces éléments font en partie écho au bilan de M. Gallet à l’INA, où il a impulsé une stratégie pour mieux rentabiliser les archives et améliorer leur visibilité, notam-

ment sur Internet. Surle planéconomiqueetsocial, il promet « un nouvel accord d’entreprise » – un chantier jusqu’ici enlisé à Radio France –, et une « dynamisation des revenus commerciaux » soutenue par un «renouvellement générationnel de l’audience». Il propose de « décloisonner » la direction du groupe pour créer une logique d’équipe, «transversale».«Mathieuaimetravailler avec un groupe de managers restreint, opérationnel et très réactif», décrypte un proche. Tous ces arguments ne gom-

ment pas la part de risque qu’a pris le CSA. « Il y a un petit pari, estime un observateur. Il s’est bien débrouillé à l’INA, mais il n’a que deux ans et demi d’expérience en direction d’entreprise. » De 1000 salariés de l’INA, M. Gallet va devoir en séduire et convaincre 4500 à Radio France. « Mathieu est en campagne permanente, décrypte un ancien collaborateur. Maintenant qu’il a atteint un objectif majeur, il va devoir s’installer dans la durée et mobiliser ses qualités différemment.» p

Alexis Delcambre

Nomination à l’INA et précampagne à France Télévisions CONSÉQUENCE immédiate de la nomination de Mathieu Gallet à Radio France : la présidence de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qu’il occupait, est à pourvoir. Mais à quelle date ? Ce n’est pas clair. La loi prévoit en effet une période de « tuilage» de deux mois entre les deux présidents de Radio France, pour que celui qui reste en fonctions jusqu’au 12 mai, Jean-Luc Hees, puisse assurer la transition avec son successeur. Cette période devrait donc commencer au plus tard le 12 mars. Mais la loi ne dit pas si l’impétrant doit renoncer à ses fonctions antérieures au début ou au terme de la période de tuilage. Ni comment il est rémunéré pen-

dant la phase de transition. M. Gallet quittera-t-il l’INA dès mars, ou en mai ? L’intéressé n’envisage pas de quitter l’INA avant mai. Il a écrit, jeudi 27 février, à ses collaborateurs, pour le leur indiquer.

« Marge de manœuvre » Le député (PS) de Paris Patrick Bloche, l’un des artisans de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, estime que « l’esprit de la loi voudrait qu’il démissionne de sa présidence actuelle pour être pleinement disponible pour le tuilage». « Il y a sans doute une marge de manœuvre et d’interprétation de la loi », tempère une source au gouvernement. Seule certitude :

la nomination du patron de l’INA relève de l’exécutif et sera prononcée par décret en conseil des ministres… Au plus tard début mai, donc. Un calendrier qui pourrait, pourquoi pas, coïncider avec celui d’un remaniement ministériel au lendemain des élections municipales de mars… « Dans l’hypothèse d’un remaniement, le départ de Mathieu Gallet de l’INA est une bonne nouvelle pour le gouvernement, souligne un observateur. Cela libère une place dans un établissement public en période de recasage intense. » « L’INA, c’est un peu petit pour un ancien ministre », modère un autre. Autre conséquence de la nomination à Radio France : les

regards vont désormais se tourner vers France Télévisions, où le mandat du PDG actuel, Rémy Pflimlin, arrive à son terme en août 2015. Tuilage oblige, la nomination par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devra intervenir entre mars et avril 2015, et donc les candidatures être enregistrées début 2015. « Il est clair qu’on va entrer dans une période France Télévisions et que la dernière année de Rémy Pflimlin ne va pas être facile », pense une source gouvernementale. D’autant que le CSA a montré, dans le cas de Radio France, que ses choix n’étaient pas forcément prévisibles. p Al. D.

La justiceinterditla diffusiond’«Intimeconviction» sur le Webd’Arte Les défenseurs du docteur Jean-Louis Muller, acquitté du meurtre de sa femme fin octobre2013, n’entendaient pas laisser cette fiction «salir son image»

L

e docteur Jean-Louis Muller, qui a inspiré la fiction judiciaire interactive Intime conviction, a obtenu d’une juge des référés, jeudi 27 février, l’interdiction en procédure d’urgence de la poursuite de sa diffusion jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par les juges du fond. Programmée le 14 février sur Arte puis prolongée sur le site Web de la chaîne franco-allemande par un procès virtuel participatif, cette fiction policière d’un nouveau genre permettait aux téléspectateurs et internautes de se forger leur opinion au fil des trois semaines d’audience fictive.

Les défenseurs du docteur Muller, acquitté définitivement du meurtre de sa femme fin octobre 2013 après deux condamnationsà vingtans deprison, n’entendaient pas laisser cette fiction « salir l’image » de leur client et ont donc assigné Arte et Maha Productions – qui a produit la fiction – pour atteinte au respect de la vie privée. Ils demandaient la cessation immédiate de la diffusion du procès interactif en cours sur tous supports et sous astreinte de 50 000 euros. En plus de l’arrêt immédiat de diffusion, la juge des référés a condamné Arte et Maha Produc-

tions, jeudi, à 10 000 euros et 30000eurosde dommagesetintérêts à titre de provision sur les 100000 eurosréclaméspour réparation du préjudice par le docteur Jean-Louis Muller. L’avocat de ce dernier, Me Eric Dupond-Moretti, s’est réjoui de cette condamnation qui rappelle que « la justice se rend dans les palais de justice et pas ailleurs».

« Une véritable censure » Selon l’ordonnance, « l’atteinte portée à la vie privée du docteur Jean-Louis Muller et le préjudice subidu fait du programmequi propose de le rejuger, et ce quelle que

soit l’issue du faux procès ou le résultat des votes des internautes, sont d’une telle ampleur que la demande de cessation de diffusion du programme sans délai (…) est justifiée». Dans un communiqué envoyé en fin de journée, Arte « prend acte de l’ordonnance de référé prise par le tribunal de grande instance de Paris » et indique la mettre en œuvre, « tout en regrettant de mettre fin de manière anticipée à cette expérience inédite de découverte du fonctionnement de la justice ». La chaîne, contactée par téléphone, réfléchit actuellement aux suites éventuelles qu’elle pourrait

donner à ce jugement. De son côté, l’avocat de la société Maha Productions, Me Christophe Bigot, a réagi en considérant l’ordonnance comme « une véritable censure », avant d’ajouter: «Nousinterjetonsimmédiatement appel. » Diffuséele 14 février à 20 h50, la fiction de Rémy Burkel a remporté un véritable succès, avec 5,6 % de part de marché et 1,4 million de téléspectateurs, selon Médiamétrie. Elle réalise ainsi la deuxième meilleure performance de l’année toutes cases confondues pour la chaîne. Quant au procès diffusé sur Internet – qui a obtenu le Prix de la

meilleure œuvre transmédia au dernierFestivalde Luchon–, il totalisait trois jours après son lancement 80 000 visites, pour plus de 410000 pages vues. Les téléspectateurs en resteront donc – pour l’instant – au réquisitoire de Jean-Claude Kross, l’avocat général, lors du 31e épisode de la Web-fiction, et ne pourront pas en connaître son épilogue. Ce dernier, qui aurait dû être dévoilé dimanche 2 mars sur le site, devait prendre la forme de deux verdicts, l’un prononcé par le jury présent au procès fictif, l’autre issu du vote des internautes. p Olivier Dumons


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économie & entreprise

Samedi 1er mars 2014

Concentration dans le mobile en Allemagne: pas si simple, pour Bruxelles Jeudi, la Commission a fait part de ses réserves sur le rachat de E-Plus par Telefonica Deutschland Berlin Correspondance

L

a méga-fusion entre les opérateurs téléphoniques E-Plus et 02 (Telefonica Deutschland), respectivement numéro 3 et numéro 4 du marché allemand du mobile, ne se fera peut-être pas si facilement que prévu. Jeudi 27 février, la Commission européenne a fait part de ses réserves sur la transaction et envoyé une communication de ses griefs aux parties concernées. Alorsqu’en France SFR est à vendre et que Bouygues Telecom et Free regardent le dossier, ce projet demariage outre-Rhinest considéré comme un test important : s’il obtient un feu vert, cela voudra dire, estiment les opérateurs, que d’autres fusions pourront être menées à leur terme, notamment dans l’Hexagone. «Il s’agit d’uneétape préliminaire qui permet à Telefonica de se défendre et d’exposer ses vues », a déclaréAntoine Colombani,porteparole de la Commission chargé des dossiers de concurrence, à propos de la communication des griefs, jeudi. La procédure était attendue. En décembre 2013, la Commission avait ouvert une enquête approfondie sur cette fusion controversée qui doit créer un nouveau géant des télécommunications sur le marché allemand. En juillet 2013, E-Plus, filiale du néerlandaisKPN, et l’espagnolTelefonica, qui exploite la marque O2, avaient annoncé l’aboutissement de leurs efforts de rapprochement, menés depuis plusieurs années. Selon les termes de l’accord, Telefonica prévoit de racheter E-Plus à KPN pour un montant de 5 milliards d’euros, plus une participation de 17,6 % en actions au nouvel ensemble, soit un total d’environ 8,6 milliards d’euros. Lenouvel opérateur cumulerait 43 millions de clients, devenant le premier acteur du marché outreRhin, devant T-Mobile (37 millions de clients), la filiale de Deutsche Telekom, et Vodafone (34 millions). Le nombre d’opérateurs sur le marché serait réduit de quatre à trois. La part du marché du nouveau géant dépasserait les 30 %. LaCommissionn’estpaslaseule

Pour la première fois depuis sa création en 1978, le groupe de luxe italien Versace ne va plus être détenu uniquement par la famille du fondateur, Gianni Versace, assassiné à Miami le 15 juillet 1997. L’entreprise a annoncé, jeudi 27 février, l’entrée du fonds américain Blackstone, qui va prendre 20 % des parts pour 210millions d’euros, dont 150 millions sous forme d’augmentation de capital. Blackstone a été préféré à deux autres fonds, l’américain CCMP et Investcorp (Bahrein). L’opération valorise le groupe à environ 1 milliard d’euros. Après une période difficile, Versace est sorti du rouge en 2011. La griffe a dégagé en 2013 un résultat opérationnel de 69 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires de 480 millions d’euros. Avec l’appui financier de Blackstone, la famille espère doubler pratiquement le chiffre d’affaires du groupe, à 800 millions d’euros en 2016. Une entrée en Bourse reste envisagée d’ici trois à cinq ans. p Steria a vu son bénéfice net chuter de 75 % en 2013, à 8,9 millions d’euros, a-t-il annoncé vendredi 28 février. Le groupe français de services informatiques était chargé du système de gestion financière de l’écotaxe, suspendue sine die depuis octobre 2013. – (AFP)

Construction Accord sur le financement de l’élargissement du canal de Panama

Le consortium international chargé des travaux d’élargissement du canal de Panama, dirigé par le constructeur espagnol Sacyr, a trouvé un accord avec l’Autorité du canal sur le financement du surcoût des travaux, ont annoncé les parties, jeudi 27 février. L’Autorité et le consortium injecteront chacun 100 millions de dollars (73 millions d’euros) pour les besoins immédiats. Le travail a repris jeudi, après un arrêt de deux semaines.

Le groupe espagnol de BTP et de services FCC a creusé ses pertes en 2013

Le siège de l’opérateur téléphonique O2 (Telefonica Deutschland), à Munich, le 11 février. SVEN HOPPE/DPA/MAXPP

à nourrir des inquiétudes sur les conséquences de cette fusion. Fin 2013, peu de jours avant l’ouverturede l’enquêtede Bruxelles,les gardiens allemands de la concurrence avaientfaitpartdeleursréticences. «Unetelleconcentrationpeutfacilement déboucher sur un affaiblissement de la concurrence, surtout si les trois opérateurs restants ont une taille et des structures de coûts similaires », avait déclaré Daniel Zimmer, président de la Commission allemande des monopoles. Autrement dit, les opérateurs seraient tentés de s’entendre sur les prix afin de conserver leurs marges intactes au lieu de se livrer une concurrence acharnée. Or, c’est précisément la politique agressive d’E-Plus qui a maintenu une forte dynamique sur le marché allemand ces dernières années. Par ses offres à bas coûts et une stratégie très innovante, il a obligé les autres opérateurs à baisser leurs prix. Torsten Gerpott, professeur de télécommunications à l’université de Duisburg-Essen, doute également que la fusion E-Plus-O2 « se traduise par une nouvelle baisse des prix », explique-t-il dans une

analyse. En revanche, l’opération se justifie pleinement du point de vue des deux entreprises, « qui n’auraient pas pu survivre seules à long terme», estime l’expert, au vu de l’importance des investissements nécessaires à la modernisationdu réseauet à l’acquisitiondes fréquences, dont la prolongation sera mise aux enchères en 2017.

Le nouvel opérateur cumulerait 43millions de clients, devenant le premier acteur du marché outre-Rhin Les réserves exprimées jeudi par les gardiens de la concurrence européens ne préjugent d’ailleurs en rien de l’issue de la procédure. La fusion pourrait être approuvée, assortiede l’obligationpourle nouvelopérateurd’abandonnercertainesfréquencesafin delaisser éventuellement de la place pour l’entrée d’un quatrième concurrent. Un tel scénario s’est produit en Autriche en 2012 lors de la fusion

des filiales locales de Hutchison et d’Orange. En Allemagne, Vodafone et T-Mobilefont d’ailleursfortement pression pour l’abandon de fréquences en cas de fusion, afin d’éviter que 61 % du réseau haut débit ne soit dominé par le nouvel opérateur. Ledossierest en toutcas très suivi par les grands fournisseurs de services de télécommunications européens, qui y voient un test pour la consolidation du marché qu’ils appellent de leurs vœux. La Commission européenne n’est pas hostile a priori à cette tendance,lesfusions permettantla constitution de grands acteurs plus aptesà s’imposersur la scène internationale. Uneperspectivequela Commission allemande des monopoles considère cependant avec réserve. La constitution de champions nationaux et européens n’est pas, à ses yeux, une garantie d’investissementdansle réseau.«L’expérience montre que le meilleur aiguillon pour l’amélioration du service demeure une concurrence efficace », juge M. Zimmer, président de l’instance. p Cécile Boutelet

Soupçonnée d’évasion fiscale, la banque suisse est mise en examen pour démarchage illicite

C

La familleVersaceouvreson capitalà l’américainBlackstone

Informatique Steria souffre de l’arrêt de l’écotaxe

PierreMoscovicifait et défait,en deuxmois,la carrière d’uneex-cadred’UBSà l’Autoritédes marchésfinanciers ’est un petit couac politique, dont se serait bien passé le ministre de l’économie et des finances. Jeudi 27 février, M.Moscoviciapubliéuncommuniqué pour annoncerla démission,et s’en réjouir, d’un membre de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qu’il avait pourtant luimêmenomméilya toutjustedeux mois, le 20décembre 2013. Un communiqué en forme de rétropédalage,alorsquelanominationde cette anciennedéontologue d’UBS,labanquesuissemiseenexamen en France pour démarchage illicite, dans une vaste affaire de fraude fiscale présumée, commençait à nourrir une vilaine polémique. Visiblement, à Bercy, dans une séquence tendue entre sommets internationaux,montéeduchômage et rumeurs de remaniement, la désignation pour le moins maladroite de Françoise Bonfante, par ailleurs réputée pour ses qualités professionnelles, était passée entre les mailles du filet. Le rapprochement avec l’affaire UBS n’avait pas

LUXE

été fait ou dissuadé les services. « Pierre Moscovici salue la décision de Mme Bonfante (…). Il souligne ladignitédecettedécision(…)etprécise que Mme Bonfante n’a jamais été mise en cause personnellement ni ès qualités dans aucune des procédures visant ou ayant visé la banque UBS », fait valoir le communiqué diffusé jeudi. L’arrivée de Mme Bonfante à l’AMF, le gendarme des opérations de Bourse, avait d’abord été annoncéepar Les Echos parus le 24 décembre 2013, avant d’être pointée, cette fois sur un ton polémique, par le sited’information«alternatif»Basta ! le 3 février, puis le magazine Challenges du 10février. Deleurcôté,dèslafinjanvier,faisantéchoauxinterrogationssoulevées par Stéphanie Gibaud – ex-salariée d’UBS qui fut l’une des premières à lancer l’alerte sur les pratiques de la banque et a publié un livre sur le sujet le 13 février (La femme qui en savait vraiment trop, Le Cherche-Midi, 288 pages, 17euros) –, le député Alain Bocquet et le sénateur Eric Bocquet, tous deux élus communistes du Nord,

avaient interpellé le gouvernement et le premier ministre sur une nomination jugée baroque. Ils yavaientvul’illustrationd’uneattitude « schizophrène », en pleine mobilisation contre la fraude fiscale et les avoirs dissimulés en Suisse. L’Autorité de contrôle prudentiel, la tutelle des banques, n’avait-elle pas déjà infligé une amende record de 10millions d’euros à UBS France en 2013 pour « contrôle laxiste» ?

Recadrage des services A Bercy, on s’efforce de calmer le jeu. La nomination de Mme Bonfante, spécialiste incontestée des marchésfinanciers,unequalitéparticulièrement pointue et recherchée à l’AMF, se justifiait pleinement «du point de vue strict de ses compétences ». D’autant qu’elle n’a pas été mise en cause à ce jour dans la procédure judiciaire en cours ni même entendue par les magistrats chargés de l’affaire. Chez UBS depuis 1996, Mme Bonfante n’a été nommée directrice des risques et de la conformité de la banque qu’en mai2010, soit après les faits visés par la justice. Elle était

auparavant chargée de veiller au respect des lois et des règles de déontologie au sein de l’activité de banque d’investissement d’UBS en France, et non de l’activité de banque privée, prise dans le scandale d’évasion fiscale présumée. Mais,souligne-t-ondansl’entourage du ministre, dès lors que cette nomination suscitait le trouble et pouvait perturber le bon fonctionnementdelacommissiondes sanctions de l’AMF, il était important de la reconsidérer. M. Moscovici, mécontent de l’affaire, aurait d’ailleurs procédé à un recadrage des services à Bercy, ainsi que l’a révélé l’Agence France presse. Sur les douze membres que compte la commission des sanctions, huit sont nommés par le ministre de l’économie. Six sont des professionnels, deux représentent les salariés du secteur financier.L’AMFétantuneautoritéadministrative indépendante, une fois les personnes investies, elles ne peuvent plus être démises, mais doivent en cas de problème remettre leur démission. p Anne Michel

Le groupe espagnol de BTP et de services FCC a creusé ses pertes en 2013, à 1,5 milliard d’euros. Il avait déjà perdu 1 milliard en 2012, en raison de lourdes provisions et du coût de restructurations pour faire face à la crise. Sur l’exercice 2013, son chiffre d’affaires s’est replié de 9,5 %, à 6,727milliards d’euros. – (AFP.)

Immobilier Sony vend son siège historique

En mal de liquidités, le géant japonais de l’électronique Sony va vendre son siège historique de Tokyo pour 15 milliards de yens (environ 107 millions d’euros). – (AFP.)

Biotechnologies

45,5

millions d’euros

C’est le montant de l’augmentation de capital annoncée vendredi 28 février par Transgene. Vétéran français des biotechnologies, la société créée il y a plus de trente ans, ne cesse de perdre de l’argent. Pour tenir, elle doit procéder à des levées de fonds régulières. La famille Mérieux, qui contrôle 55 % du capital, s’est engagée à participer à la nouvelle augmentation de capital. Transgene travaille actuellement sur deux « candidats-médicaments» contre le cancer, en partenariat avec les laboratoires Novartis et Jennerex.

JEUX

La Françaisedes jeux porteplaintecontreson ex-PDG

La Française des jeux (FDJ) a annoncé, jeudi 27 février, le dépôt d’une plainte contre son ex-PDG, Gérard Colé, pour « pressions exercées sur le cours de la justice ». Dans un entretien à l’AFP, M. Colé, PDG de 1989 à 1993, a accusé, mercredi, l’entreprise d’avoir trompé pendant des années les amateurs de jeux de grattage en leur faisant croire à « une égalité des chances qui n’a jamais existé». Il a indiqué être à la disposition des juges d’instruction dans la procédure pénale opposant la FDJ à Robert Riblet, un ingénieur à la retraite qui mène depuis plus de douze ans un combat acharné contre la société, et affirme que la détermination et la répartition des gains n’a rien d’aléatoire. – (AFP.) p

Transport aérien IAG, maison mère de British Airways, renoue avec les bénéfices

International Airlines Group, maison mère de British Airways, a annoncé, vendredi 28 février, un bénéfice net de 122 millions d’euros en 2013 contre une perte de 716 millions en 2012. – (AFP.)

« Un bon coup de pied aux fesses, ça fait toutes les lois » Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, a tancé, jeudi 27 février, les enseignes du secteur de la distribution qui ne proposent pas assez de produits fabriqués en France. Il compte leur demander des « actes de préférence » pour le made in France. « On va les convoquer et on va leur dire : vous m’aviez dit ça il y a un an, j’observe que ça n’est pas le cas. Il n’est pas besoin de prendre des décrets, de faire des lois. » – (AFP.)

Conjoncture En janvier, les ménages français ont réduit leurs dépenses

Les dépenses de consommation des ménages français en biens ont reculé de 2,1 % en janvier, après une hausse de 0,2 % en décembre2013, a indiqué l’Insee, vendredi 28 février. Les achats d’automobiles ont reculé, tout comme la consommation d’énergie.

Le Parlement chypriote rejette un plan de privatisation

Jeudi 27 février, le Parlement de Chypre a rejeté une loi visant à privatiser des services publics. Le plan de sauvetage du pays, de mars2013, prévoit une aide de 10milliards d’euros assortie de conditions, dont des privatisations. Ce vote pourrait hypothéquer le versement d’une tranche de 236millions d’euros. – (AFP.)


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histoire

Samedi 1er mars 2014

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Grande Guerre Lescommandesdel’arméesont à l’originedesprofits,de l’innovation

et desinvestissementsquiferontla forcedes grandesentreprisespendantun siècle

14-18, creuset de l’industrie française

D

urant la Grande Guerre, la production industrielle recule en France en raison des combats qui touchent les départements du Nord et de l’Est, et de l’effort de guerre qui fait passer au second plan les activités civiles. Pour une base 100 en 1913, l’indicedelaproductionindustrielle tombe à 57 en 1919, celui du bâtiment à 16, de la métallurgie à 29, des industries extractives à 44, des industriesmécaniquesà 58, dutextile à 60… (François Caron et Jean Bouvier, « La guerre et ses conséquences économiques», dans Histoire économique et sociale de la France, sous la direction de Fernand Braudel et Ernest Labrousse, tome IV, Presses universitaires de France, 1993). Mais les commandes d’armes et de matériels militaires bénéficient à de nombreuses entreprises et à leurs sous-traitants, qui deviendront les moteurs de la forte croissance que connaîtra la France durant les années 1920. Les bénéficesexceptionnelsréalisésfontl’objet d’un surcroîtd’impôt qui s’élève à 2,4 milliards de francs au second semestre 1914 et en 1915, 4,2 milliards en 1916, 5,3 milliards en 1917 et 5,4 milliards en 1918. Ces profits s’expliquent par l’ampleur des contrats passés avec l’Etat, mais aussi par les prix élevés pratiqués par ces entreprises, que l’armée accepte pour les pousser à produire vite et dégager des marges permettant de financer leurs investissements. Les profits semblent avoir augmenté moins vite que le chiffre d’affaires, et n’ont pas induit de hausse des dividendes distribués aux actionnaires. Mais les bénéfices de Saint-Gobain, dont la production augmente de 70 %, passent de 3,4 millions de francs en 1914 à 22,7 millions en 1916 ; ceux de la Compagnie des forges et aciéries de la marine et d’Homécourt (locomotives et pièces d’artillerie lourde) passent de 6,8 millions en 1914-1915 à quelque 16 millions par an jusqu’en 1918. Durant le conflit, la capacité de production des aciéries du Creusot (Saône-et-Loire) double, de même que la production hydroélectrique. Parmi les entreprises bénéficiant des commandes militaires, celles qui construisent des automobiles et des avions, et qui venaient tout juste de naître, vont connaîtreundéveloppementspectaculaire durant la guerre. La paix revenue, elles prendront encore uneautre dimensionaprèsune difficile reconversion, deviendront des industries phares de la seconde moitié du XXe siècle, et font, aujourd’hui, toujours partie des fleurons de l’industrie française. C’est ainsi que Berliet (créé en 1901), qui fabrique des camions pour l’armée, construit une usine à Vénissieux (Rhône), investit dans de nouvelles machines et introduit le travailà la chaîne. En 1916, Berliet produit chaque jour 40 CBA, un camion de 5 tonnes qui alimente le front durant la bataille de Verdun. Berliet produit des obus et des charsd’assautsouslicenceRenault, dont l’armée lui a commandé 1 000exemplaires. En 1917, le chiffre d’affaires de l’entreprise, devenue la Société anonyme des automobiles Marius Berliet, a été multiplié par quatre par rapport à 1914. Georges Latil, qui avait mis au point une voiture dotée de quatre roues motrices, construit lui aussi, dès 1914, des camions pour l’armée et des tracteurs pour l’artillerie lourde. Louis Renault, qui avait construit sa première automobile en 1898 et des camions en 1906, fabrique, pendant la guerre, 9 200 camions, des tracteurs, des obus, des moteurs d’avion et des

Modernisation

Fabrication d’hélices d’avion, à Paris, dans le 15e arrondissement.

Août 1914 L’invasion, par l’Allemagne, de treize départements prive la production française de 74 % de sa houille, 81% de sa fonte et 63 % de son acier.

JACQUES BOYER/ROGER-VIOLLET

1919 Création des Lignes aériennes Latécoère. 1919 Production d’automobiles en grande série, lancée par André Citroën. 1921 Fusion de la Société électrométallurgique française avec la Compagnie de produits chimiques d’Alais et de la Camargue pour créer la Compagnie de produits chimiques d’Alès, Froges et Camargue, rebaptisée Pechiney en 1950. 1926 Quelque 59 % des salariés français travaillent dans des entreprises de plus de dix salariés, contre 42 % en 1906. 1928 Sur une base 100 en 1913, la production manufacturière française atteint 139.

LES ENTREPRISES AUTOMOBILES ET AÉRONAUTIQUES VONT CONNAÎTRE UN DÉVELOPPEMENT SPECTACULAIRE DURANT LA GUERRE

avions de reconnaissance, etc. En 1917, il construit le premier char d’assautfrançais,leFT 17,quijouera un rôle important lors des offensives finales de 1918.

L

e chiffred’affairesdel’entreprisepasse de 88millions de francs en 1914 à 378 millions en 1918. Pour faire face à ces commandes, Renault développe le travail à la chaîne et le « taylorisme » qu’il a découvert chez Ford avant guerre. Toutes ces entreprises bénéficient du travail féminin et du retour du front des ouvriers qualifiés, qui échapperont ainsi au massacre et permettront à l’industrie française de poursuivre son essor après la fin du conflit. Dans l’aéronautique, plusieurs constructeurs, qui avaient permis à des pionniers comme Louis Blériot, Henri Farman, Roland Garros etc., de partir à la conquête du ciel au début du siècle, vont passer au stade industriel.

C’est d’abord le cas des frères Caudron, dont le Caudron G2 est commandé par l’armée en 1914, et dont plus de 1 400 exemplaires seront construits en France et des centaines dans les pays alliés. C’est aussi celui de l’entreprise créée par Edouard Nieuport (record du monde de vitesse en 1911, il se tue en vol en 1913), reprise par son frère Charles, qui met au point en 1916 un chasseur capable de rivaliser avec le Fokker allemand. C’est aussi le cas de la société fondée en 1910 par Raymond Saulnier et par les frères Morane (les premiers à dépasser les 100 km/heure cette même année), ou encore de Pierre-Georges Latécoère, qui ouvre des usines à Toulousedurant la guerre pour y fabriquerdes obuset descellulesd’avions, avant de se spécialiser dans la construction d’hydravions. Louis Breguet, qui avait fondé son entreprise en 1909 et battu le record de vitesse sur 10 km en 1911,

effectue un premier vol à bord de son Breguet XIV, en novembre 1916. Son avion est aussitôt retenu par l’armée pour la reconnaissance (version A2) et le bombardement (A3). L’armée lui commande 150 A2 et 100 A3, les Américains 500. Au total, 5 500 Breguet XIV seront construits durant la guerre. Construit en aluminium, c’est alors le plus rapide des biplaceset le plusefficacedes bombardiers moyens. Parallèlement, la filiale française de la société espagnoleHispanoSuiza, d’abord spécialisée dans la production d’automobile de luxe, se met à produire des moteurs d’avion : plus de 25 000 seront fabriqués durant les hostilités. Cessociétésprofitentdesinnovations de jeunes ingénieurs, tel Marcel Dassault qui met au point une hélice performante et conçoit un avion dont l’armée lui commande 1 000 exemplaires (seuls 100 seront construits avant 1918). Louis

Coroller, Henry Potez, etc., améliorent l’aérodynamisme, conçoivent des moteurs plus puissants, mettent au point des mitrailleuses tirant à travers l’hélice… Après 1918, les entreprises aéronautiques souffriront de la fin des commandesmilitaires,maiscertaines trouveront une nouvelle vie avec l’essor de l’Aéropostale durant l’entre-deux-guerres, puis, surtout après la seconde guerre mondiale, avec celui du transport de passagers (Breguet sera à l’origine de la création de la compagnie Air France). Les succès des Mirage, Concorde et Airbus n’auraient pas été possiblessans elles. Au-delàdes destructions et des souffrances qu’elle a provoquées, la guerre de 14-18 aura contribué au développement industriel de la France, dont les effets se font toujours sentir. p Pierre Bezbakh

Pierre Bezbakh est maître de conférences à l’université Paris-Dauphine.

Dans les archives du «Monde» | L’Etat face au privé Cet article, sous-titré « Il faut définir la place des sociétés nationales et privées», souligne la dépendance de l’industrie aéronautique à la commande publique, assumée à l’époque par le contrôle de l’Etat sur l’industrie privée.

LA PRODUCTION AÉRONAUTIQUE

Y

Le gouvernement a demandé au comité de réorganisation de l’industrie aéronautique, récemment créé, d’étudier le programme des constructions aéronautiques et l’adaptation du potentiel de l’industrie à ce programme. La répartition des commandes entre l’industrie nationalisée, l’industrie libre et l’importation et, par là, la structure même de l’industrie aéronautique se trouvent mises en cause. Or ce sont des raisons d’ordre militaire et non d’ordre économique qui ont amené, en 1938, la nationalisation de tout un groupe d’industries aéronautiques, et c’est encore aujourd’hui le problème de la remobilisation éventuelle de ces industries qui domine,

en arrière-plan, celui de leur réorganisation financière. La guerre moderne exige la mobilisation du potentiel industriel de la nation entière au même titre que celle de ses soldats, aussi les conceptions qui s’affrontent au sujet de l’organisation de l’armée – de métier ou de conscription – se retrouvent-elles en quelque sorte transposées dans le domaine industriel. Aurons-nous une industrie militaire de métier et une industrie mobilisée supplétive de temps de guerre ? Auronsnous, au contraire, une industrie civile mobilisée en temps de guerre autour d’états-majors, d’usines-pilotes permanentes? La solution inadmissible est celle qui consiste à laisser subsister un certain nombre d’entreprises libres pour les étouffer ensuite petit à petit en refusant tout débouché stable à leur production. Une tricherie qui aboutit à la disparition pure et simple d’activités et d’installations utiles à la nation. Le cas des industries aéronautiques est particulièrement probant. Des bureaux d’études travaillent simultanément et fré-

quemment sur les mêmes problèmes, dans les services techniques qui dépendent du ministère de l’air, dans les sociétés nationalisées et dans les entreprises privées. La grande majorité des usines de cellules ont été nationalisées, mais, en ce qui concerne les moteurs, une partie des usines seulement l’ont été récemment et groupées dans la Snecma [aujourd’hui filiale du groupe Safran]. Cette société reste cependant en concurrence avec les industries libres sur tout l’ensemble des fabrications. Enfin, l’industrie des accessoires est restée privée.

Pot de terre contre pot de fer Il semble bien que ce soit le principe de la concentration horizontale qui ait prévalu, celui d’une tutelle de l’ensemble de l’industrie par la saisie de l’industrie des cellules et d’une grande partie de celle des moteurs. Mais les secteurs d’activité des industries nationalisées n’ont jamais été limités dans le sens vertical de façon à laisser à l’industrie non nationalisée un secteur indépendant. C’est ainsi que la concur-

rence de la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Est [disparue en 1957] et de la société Latécoère a abouti, après l’accident du Lionel-de-Marmier [un hydravion géant Laté 631 accidenté en octobre 1945. Deux exemplaires disparaîtront en mer en mars et août 1948], à la réquisition des usines du groupe Latécoère. Ces conflits sont la lutte du pot de terre contre le pot de fer, et ils aboutissent à plus ou moins longue échéance à l’anéantissement ou à l’absorption des entreprises restées libres. Or il faut savoir la politique que l’on veut: si, comme certains le préconisent, on veut nationaliser intégralement l’industrie aéronautique, il faut le faire alors que les éléments à incorporer sont encore vivants et actifs; si, au contraire, on désire maintenir l’activité privée, loin de lui faire une concurrence ruineuse, il faut la soutenir, l’encourager, lui laisser un secteur d’activité dans lequel l’industrie nationalisée ne vienne pas tuer toute initiative par sa concurrence omnipotente. p

O. Ziegel

Le Monde daté 7-8 mars 1948


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Samedi 1er mars 2014

L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE pa r K e m a l D e r v i s

Les émergentset la dette privée

D ¶

Kemal Dervis,

ex-ministre turc de l’économie et ancien administrateur du Programme des Nations unies pour le développement, est vice-président du think tank Brookings Institution

epuis le début de l’année, une nouvelle vague d’incertitudes s’est répandue sur les marchés des pays émergents, entraînant une baisse des prix de leurs actifs. La première vague, au printemps 2013, faisait suite à l’annonce par la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine) de son intention de « réduire » ses achats mensuels d’actifs à long terme, le « quantitative easing ». Alors que cette mesure a été effectivement adoptée, la tendance baissière a repris de plus belle. Les pressions ont été les plus fortes sur ce que l’on appelle « les cinq fragiles» : Brésil, Inde, Indonésie, Afrique du Sud, Turquie (sans compter l’Argentine, où a démarré une minicrise en janvier). Mais l’inquiétude s’est aussi étendue à d’autres économies émergentes. Les conditions actuelles sont-elles pour autant comparables à celles qui ont entraîné la crise mexicaine de 1994 ou asiatique de 1997? Les optimistes soulignent que la plupart des pays à revenus moyens ont substantiellement réduit leur ratio dette/produit intérieur brut, ce qui leur a donné la marge d’action budgétaire dont ils manquaient par le passé. Mais ce ne sont pas les importants déficits publics qui sont à l’origine des crises mexicaine ou

asiatique. Dans ces deux cas, l’effort entrepris pour défendre un taux de change fixe face à l’inversion des flux de capitaux a été un facteur majeur, comme cela a été le cas en Turquie dans l’année qui précéda l’effondrement de sa monnaie, en 2001. Mais, aujourd’hui, la plupart des pays émergents semblent favorables à la flexibilité des taux de change ; il semble qu’ils aient des banques bien capitalisées et régulées, capables de limiter leur exposition au change. Les pays émergents qui paraissent les plus faibles ont, certes, d’importants déficits de compte-courant et des réserves nettes (après déduction de la dette à court terme) insuffisantes. Mais une inversion des flux de capitaux entraînerait une dépréciation du taux de change, et donc une hausse des exportations et une baisse des importations; l’ajustement du compte-courant qui en résulterait réduirait rapidement le besoin d’entrées de flux de capitaux. Compte tenu de leur marge budgétaire et de la solidité de leurs banques, un nouvel équilibre s’établirait rapidement. Alors, d’où provient leur vulnérabilité ? Malheureusement, celle-ci se situe dans les résultats du secteur privé et des sociétés non finan-

cières, qui ont accumulé les dettes. En outre, de nombreuses entreprises se sont habituées à tirer avantage des fonds étrangers bon marché pour financer les activités domestiques et se trouvent très exposées au risque de change. Une forte dépréciation de la monnaie s’accompagnerait de sérieux problèmes de résultats, susceptibles de fragiliser le secteur bancaire en dépit de ses importantes réserves. Cela nécessiterait une intervention de l’Etat et donc une augmentation du poids de la dette, qui imposerait l’austérité aux dépens de la demande des consommateurs, créant encore plus de problèmes pour les entreprises.

Flexibilité du taux de change Ce risque sur le secteur privé fixe une limite pratique et politique à des taux de change flexibles. La plupart des pays en déficit sont en mesure de gérer une certaine dépréciation; mais une monnaie qui perdrait de sa valeur trop rapidement entraînerait le cercle vicieux décrit plus haut. Pour éviter cela, le taux de change doit être géré en fonction des spécificités locales. Ce processus peut être facilité si l’on dispose de réserves nettes importantes. Sinon, il faut recourir à une hausse significative des taux d’intérêt pour retenir les capitaux à court terme et permettre un ajustement plus progressif de l’économie réelle. Des taux d’intérêt élevés impliquent bien sûr un ralentissement de la croissance et de l’emploi, mais ces coûts seraient probablement moins lourds que ceux induits par une crise de l’économie réelle. Le défi est plus délicat à relever pour les

pays dont les déficits de compte courant sont vraiment très importants. D’autant plus délicat si les bouleversements ou les tensions politiques s’en mêlent, comme en Turquie ou au Brésil. Néanmoins, en dépit de risques sérieux pour certains pays, il est peu probable que l’on assiste à une crise de l’ensemble des marchés émergents en 2014. Les inversions de flux de capitaux auxquelles on assiste aujourd’hui sont très limitées, et aucun pays avancé ne procédera à une forte hausse des taux d’intérêt. D’ailleurs, avec la baisse du déficit américain, les flux nets en provenance des Etats-Unis ont augmenté au cours des douze derniers mois. En outre, la plupart des pays émergents sont dans une situation budgétaire suffisamment forte et peuvent se permettre des taux de change assez flexibles pour gérer sans perturbation une hausse modérée des taux d’intérêt. A moyen terme, les pays émergents ont un fort potentiel de rattrapage technologique et de convergence économique. Une grande part des récents troubles traduit surtout une prise de conscience du gonflement des prix des actifs financiers en raison de politiques monétaires extraordinairement expansionnistes. En conséquence, ces actifs sont devenus vulnérables à des sursauts même timides des marchés, et cela se poursuivra jusqu’à ce que les taux d’intérêt réels à long terme se rapprochent des niveaux plus normaux. p Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats © Project Syndicate, 2014. www.project-syndicate.org

LES INDÉGIVRABLES | pa r X a v i e r G orce ÉDITION

Hors -sé ri e

édition 2014 2014

économie & environnement

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUE par Olivier Zilbertin

Mobile pour tous

I

maginons que nous ne soyons pas sept milliards sur terre (Worldometers.info/fr/), mais juste cent individus tout rond. Pas un de plus, pas un de moins. A quoi ressemblerait notre planète, rétrécie jusqu’à devenir à peine plus grande qu’un quartier? Et, surtout, à quoi ressemblerait cette centaine d’humains si elle devait rester représentative de l’actuelle population? Eh bien, elle serait composée de cinquante hommes et de cinquante femmes. Vingt-six individus seraient âgés de moins de 16 ans, soixante-six de 15 à 64 ans, et huit de plus de 65 ans. Douze parleraient le chinois, cinq l’espagnol et cinq l’anglais. Sur le site de la fondation « 100 people » (100people.org), une quinzaine d’autres critères environ permettent de tirer le portrait en pourcentage de la population mondiale. A partir de ces données, le graphiste et designer londonien Jack Hagley donne sur sa page (Jackhagley.com/The-World-as-100-People) une vision circulaire et colorée de l’espèce humaine en modèle réduit. La roue de Hagley a beaucoup tourné ces derniers jours sur Facebook. Elle fait mal parfois. Dans le quartier aux cent habitants, il y en a vingt-trois qui dorment dans la rue et un qui souffre de la faim. Un de trop, bien sûr.

Quarante-huit vivent avec moins de 2 dollars par jour, et dixsept ne savent ni lire ni écrire. Du coup, ose-t-on ajouter que soixante-dix n’ont pas accès au Web, et que vingt-cinq n’ont pas de téléphone portable? On songeait à eux pourtant, devant la roue de Hagley. A ces sans-abri vus le matin même dans une vidéo de iLycash (http://goo.gl/IXBsY1), société qui rachète et recycle les téléphones mobiles. Un petit film tourné àl’occasion de la distribution par l’équipe d’iLycash de mobiles, d’étuis et de cartes prépayées à des SDF.

« Je vis » Histoire de rappeler que cent millions de portables en France dorment dans les tiroirs, pour beaucoup relégués encore neufs ou presque, obsolètes et remplacés avant même d’avoir servi, emportés dans le frénétique tourbillon de la consommation et la valse de nos vanités. Dix-huit mois d’usage en moyenne! Et là, au bout de la rue, ceux pour qui cet objet délaissé représente tant, dernier moyen de rester en contact avec la société. On apensé à Boris, à sa voix qui n’apas fini de nous répéter: «Ce téléphone, ça veut dire je téléphone à mon fils. Ça veut dire je vis.» p zilbertin@lemonde.fr

+ L’atlas de 193 pays

+ L’atlas de 193 pays pa

UN ATLAS EXHAUSTIF des 193 pays de l’ONU avec, pour chacun d’entre eux, les chiffres-clés (population, PIB, chômage…), une carte et une analyse par un correspondant du Monde.

UNE ANNÉE ÉCONOMIQUE CONTRASTÉE selon les grandes régions du monde. Reprise aux Etats-Unis,

stagnation en Europe, ralentissement dans les pays émergents, quid de la Chine et de ses réformes ? Un décryptage de l’année passée pour éclairer les tendances économiques et sociales à venir.

ZOOM SUR LA FRANCE saisie par le doute. ET NOTRE PLANÈTE ? Un état des lieux des grandes questions environnementales : climat, pollution atmosphérique, transition énergétique, science et conflits d’intérêts…

Rédigée par les meilleurs spécialistes du Monde, la nouvelle édition du Bilan vous attend chez votre marchand de journaux ! LE BILAN DU MONDE – 220 PAGES – 9,€95 SEULEMENT


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