LUTTE CONTRE L’ALCOOL : L’INCROYABLE VOYAGE AUX ORIGINES DES MYTHES LE BACLOFÈNE AUTORISÉ
CULTURE & IDÉES – SUPPLÉMENT
Van Gogh et Artaud, unis à la folie
FRANCE – PAGE 13
Samedi 15 mars 2014 - 70e année - N˚21510 - 3.80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
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Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Alerte à la pollution: l’inaction des politiques
Christiane Taubira
Honnie ou adulée
t Du mariage pour tous aux écoutes de Sarkozy, elle cristallise les passions politiques
t Plus de trente départements sont touchés par des nuages toxiques aux particules fines t D’anciens ministres de l’écologie racontent leurs difficultés à agir face au poids des lobbies
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l aura fallu attendre une semaine pour que le gouvernement se décide à prendre de timides mesures d’urgence, jeudi 13 mars, afin de lutter contre la pollutionde l’air – exceptionnelle dans sa durée, son intensité et son amplitude territoriale – qui plombe le ciel de
plus de trente départements français.Les transports en commun sont gratuits jusqu’à dimanche soir en région parisienne et dans d’autres villes comme Caen ou Rouen. Pourquoi un tel retard alors que ces nuages toxiques de particules fines, classés par l’OMS
comme cancérigènes, réduisent l’espérance de vie – de six à dix mois à Paris – des populations et provoquentdes maladiesrespiratoireset vasculaires? Marie-Béatrice Baudet et Pierre Le Hir a LIRE LA SUITE P. 7 ET DÉBATS P. 18
LES ESPOIRS TRAHIS DE L’INSURRECTION SYRIENNE
t Après trois ans de conflit, Bachar Al-Assad sort renforcé d’une guerre qui a fait plus de 140000 morts LIRE PAGES 2-3
M LE MAGAZINE DU « MONDE » ●
UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG
AUJOURD’HUI Ukraine : Washington cible les oligarques
A Alep, le 6 mars, après une attaque aérienne des forces gouvernementales. FADI AL-HALABI/AFP
F1: un objectif, arrêter Vettel
a Pilotes et organisateurs
veulent mettre fin à la domination écrasante du jeune Allemand, quadruple champion du monde SUPPLÉMENT
LE MUSÉE DU « MONDE » « Le Pont de Maincy », de Paul Cézanne
Nous poursuivons notre exploration des chefs-d’œuvre de la peinture. Cette semaine, Le Pont de Maincy, toile emblématique de Paul Cézanne. EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE
Dmitro Firtach, un industriel ukrainien proche de Vladimir Poutine, a été interpellé à Vienne, dans le cadre d’une enquête ouverte par le FBI en 2006 et relancée. Un avertissement clair des Américains, à la veille du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie.
Bouygues et Numericable se sont affrontés jusqu’à la dernière minute, vendredi 14mars, avant l’ouverture du conseil d’administration de Vivendi. Celui-ci devait choisir entre l’une ou l’autre société pour le rachat de SFR. L’Etat a plaidé en faveur de Bouygues.
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CAHIER ÉCO – PAGE 5
Damas-Kiev: la nouvelle guerre froide
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es Syriens vont-ils payer pour les Ukrainiens ? Les millions de Syriens victimes d’un conflit atroce vont-ils, en plus, subir les contrecoups de l’affaire ukrainienne ? La réponse est oui – hélas! Posée en ces termes un tantinet simplistes, la question peut semblerabsconse.En réalité,l’antagonisme croissant entre Moscou et Washington à propos des événements de Kiev aura des répercussions ailleurs. Ce vendredi 14 mars, à deux
ÉDITORIAL jours du « référendum » sur le rattachement de la Crimée à la Russie, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, rencontrait son homologue russe, Sergeï Lavrov, à Londres. Les deux hommes le savent: l’issue du vote en Crimée ne faisantpas de doute,Washington répliquera par des sanctions (déjà annoncées) contre la Russie, et Moscou par des mesures de représailles (déjà annoncées elles aussi). Sauf miracle politico-diplomatique,le thermomètrede l’antagonisme russo-américain va monter. Le conflit syrien, où les deux pays s’affrontent, par alliés interposés, risque fort d’en subir
les conséquences.C’est peut-être même déjà le cas. Le 18 février, au moment où Kiev s’embrasait, John Kerry accusait les Russes de « doubler leur mise » en Syrie. Le secrétaired’Etat jugeait que Moscou torpillait toute possibilité de solution négociée en « livrant un surcroît d’armements » au régime de Bachar Al-Assad. Est-cetout à fait un hasard si le programme de désarmement chimique de la Syrie, sur lequel Américains et Russes ont conclu un accord, est au point mort depuis trois mois? Tout se passe comme du temps de la guerre froide. Le règlement des conflits régionaux, impliquant Moscou et Washington, dépend très largement de la relation entre le Kremlin et la Maison Blanche. Entre Barack Obama et Vladimir Poutine, elle est glaciale. Sur le front syrien comme en Ukraine, les Etats-Unis et la Russie sont dans des camps opposés. Or la plupart des observateurs n’imaginent pas que la tragédie syrienne puisse prendre fin sans une entente russo-américaine. Pour l’heure, les Russes y font obstacle. A la « conférence de paix » de Genève, qui s’est tenue en février, et dont ils sont l’un des parrains, ils ont laissé les repré-
sentants de Damas bloquer tout dialogue avec ceux de la rébellion. A l’ONU, le Kremlin empêche toute condamnation, même symbolique,des tueriesauxquelles se livre le régime. Il y a fort à parier que le différend sur l’Ukraine accentue l’« obstructionnisme » russe sur la Syrie. Ainsi protégé, Bachar Al-Assad marque des points. En juin,ilentendorganiserunemascarade d’élections et se proclamer président pour un nouveau mandat. Il a donné à la guerre la forme qu’il voulait : celle d’un affrontement entre le dernier bastion de la laïcité dans la région et une rébellion dominée par le djihadisme sunnite. Même si la situation sur le terrain est beaucoup plus complexe. Mais l’ensemble masque mal la réalité en Syrie. Elle est celle d’un régime, et d’un homme, totalementaux mainsde ses parrains étrangers – l’encadrement militaire iranien, quelque 6 000 combattants du Hezbollah libanais et les Russes. Bachar Al-Assad n’a de marge de manœuvre que celle qu’ils veulent bien lui consentir. En ce sens, et pour leur malheur, les Syriens sont aussi les otages de la situation à Kiev ou à Sébastopol. p
© Dominique ESKENAZI
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Samedi 15 mars 2014
Syrie: la rébellion engluée, trois ans après le début de la guerre
L’opposition armée, affaiblie par ses propres divisions, perd du terrain face aux troupes de Bachar Al-Assad
Amman Envoyé spécial
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’est l’histoire de trois déserteurssyriens, troishauts gradés idéalistes, qui ont cru possible de renverser le régime, qui se sont même vus participer à la victoire finale et remâchent aujourd’hui leur amertume, dans les cafés d’Amman et d’Irbid, en Jordanie. Le général Assad Al-Zoabi, 58 ans, une gloire de l’aviation syrienne, le général Ahmed Tlass, ancien responsable du carnet de commandes de l’armée, et Abou Al-Majd,le pseudonymed’un colonel de 41 ans qui dirigeait une usine d’assemblage de missiles. De leur défection secrète à leur marginalisation par les islamistes, en passant par les combats sur le front sud, les contacts avec les espions occidentaux et les réunions de l’opposition à Istanbul, le parcours de ces officiers en dit long sur les promesses non tenues de la révolution syrienne, trois ans après son début, le 15 mars 2011. Un luxueux appartement à Dummar, la banlieue chic de Damas, et dix soldats aux petits soins pour sa famille : a priori, rien ne prédisposaitle généralTlass, un petit homme moustachu, à passer à l’ennemi. Neveu de Moustapha Tlass, ministre de la défense sous Hafez Al-Assad, il menait une vie de privilégié, comme la plupart des membres de ce clan sunnite coopté par le régime à dominante alaouite de Bachar Al-Assad. « Le président m’envoyait souvent rencontrer des dignitaires étrangers, pour soigner son image de dirigeant éclairé», raconte le général. Mais à l’instar de son cousin Manaf, le fils de Moustapha, aujourd’hui réfugié à Paris, Ahmed Tlass désapprouve la violence déployée pour mater la contestation. « Il était inconcevable pour moi de continuer à commander des armes, alors que je savais qu’elles seraient employées contre les manifestants», dit-il. Un jour de juillet 2012, prétextant un rendez-vouschez le dentiste,il renvoie son aide de camp, entasse sa femme et ses cinq enfants dans l’une de ses Mercedes de fonction, et fonce jusqu’en Jordanie.
Pour Abou Al-Majd, un grand gaillardaffable,ledéclicaeulieuun soir de la fin de l’année 2011. A un check-point, un soldat ouvre le feu sur lui, le manquant de peu. « On m’a dit que c’était une erreur de tir. Moi je pense que c’était une tentative d’assassinat. J’étais le seul officier sunnite de ma base, et mon rejet de la répression était bien connu. » Quelques jours plus tard, à la faveur d’une permission, il envoie sa famille à Irbid, de l’autre côté de la frontière syro-jordanienne, et rejoint les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL), la branche modérée de l’insurrection, à Deraa. « Je n’ai jamais aimé ce régime d’opportunistes », confie Assad Al-Zoabi. Son aura de pilote émérite – 3 000 heures de vol, ainsi qu’une dizaine d’accrochages avec des jets israéliens –, ne suffit pas à contrebalancer la méfiance que lui vaut son statut de sunnite. Exaspéré d’être traité comme «un citoyen de troisième catégorie», il s’enfuit à Amman début août2012.
Les anti-Assad ont perdu le pari du retournement des forces armées, facteur décisif dans la chute de Ben Ali et de Moubarak A cette époque, la rébellion a le vent en poupe. Quatre hauts responsables sécuritaires du régime viennent de périr dans un attentat, en plein cœur de Damas. Dans la foulée, un détachement de l’ASL a pénétrépour la première foisà l’intérieur de la capitale. Certes, les troupes loyalistes ont facilement repoussé cette offensive. Mais le régime tremble sur ses bases, d’autant plus que les défections se multiplient.A la fin août, plusieurs centaines d’officiers se réunissent àIstanbul,autourdugénéralMohamed Al Haj Ali, le plus gradé de tous les transfuges syriens. « Il a été décidé d’unifier toutes les brigades rebelles sous son commandement», se souvient Ahmed Tlass,quiaparticipéàcerassemblement, patronné par la France et la
Turquie. « Malheureusement, ce plan est tombé à l’eau quelques semaines plus tard, en raison des rivalités entre les bailleurs de fonds de l’opposition », ajoute-t-il dans une allusion à la lutte d’influence entre le Qatar et l’Arabie saoudite. Les ingérences s’intensifient dans les mois suivant, accentuant l’éclatement de la rébellion, que mine aussi l’afflux de djihadistes étrangers dans le nord du pays. Le régime, lui, parvient à resserrer les rangs. Les officiers susceptibles de basculer sont enfermés dans leur cantonnement, et leur famille placée sous surveillance. « A partir du début de l’année 2013, le flot des défections s’est tari », se remémore le général Al-Zoabi. Insensiblement,les anti-Assadperdent le pari du retournement des forces armées, facteur décisif dans la chute de Zine El-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, les dictateurs tunisien et égyptien. « Si nous avions réussi à créer l’ossature d’unearmée,nous aurions pususciter beaucoup plus de désertions, notamment chez les officiers alaouites», regrette Ahmed Tlass. Circonstance atténuante, les conditions de vie souvent précairesdes militairesexilés en Jordanie n’incitent pas ceux qui hésitent à sauterlepas.Si lesplusgradésd’entre eux ont été hébergés pendant un temps dans des villas mises à leur dispositionpar le roi Abdallah, la plupart ne peuvent compter que sur leurs économies ou sur l’aide de leurs proches pour subsister. « J’ai reçu quelques appels discrets d’anciens collègues qui s’enquéraient de ma situation, assure AhmedTlass,quioccupeunmodeste trois-pièces à Amman. Tout ce quej’aipuleurpromettre,s’ilsdésertaient, c’est de partager avec eux mon logement et ma nourriture.» Une fois leur famille en sécurité, beaucoup d’officiers s’engagent sur le front sud. Ces nationalistes, parfois encore imprégnés d’idéologie baasiste, se sentent plus à l’aise dans la province de Deraa, où le poids des tribus fait obstacleà l’implantationdes djihadistes, que dans le nord, où les extrémistes du Front Al-Nosra et de l’Etat islamique en Irak et au Levant (Da’ech) ont pris l’ascen-
Trois anciens militaires de l’armée syrienne : le colonel Abou Al-Majd et les généraux Assad Al-Zoabi et Ahmed Tlass. JULIEN MIGNOT POUR « LE MONDE »
dant sur l’ASL et les salafistes du Front islamique. A l’hiver 2012-2013, les sponsors occidentaux de l’opposition s’accordent sur un plan avec l’Arabie saoudite. Objectif : attaquer Damas par le sud. Des armes sont livrées, des salaires distribués et des formations dispensées, sous la supervision du « MOC » (military operations command), la salle d’opérationsinstalléedans le QGdes services secrets jordaniens, à Amman.
Mais c’est trop peu, disent les rebelles. « Mes hommes reçoivent des salaires de misère, environ 7500livres syriennes [37 euros] tous les deux mois, alors qu’une simple bouteille de gaz coûte 3 000livres », soupire le colonel Abou Al-Majd. Selon lui, les Etats-Unis s’opposent à ce que des missiles sol-air leur soient fournis, de peur qu’ils ne les utilisent contre l’aviation israélienne, qui patrouille à proximité. « Nous nous sentons de plus en plus minoritaires, poursuit le colonel. Non seulement les Occidentaux ne nous font pas confiance, mais au sein de l’opposition, certains nous voient toujours comme des agents du régime. » L’époque où les déserteurs pensaient revenir en vainqueurs à Damas ressemble à un
Sûr de sa force, le régime prépare la réélection de Bachar Al-Assad en juin ALORS QU’IL entre dans sa quatrième année, le conflit syrien n’offre plus aucune perspective de règlement, ni militaire, ni politique, ni diplomatique. Toutes les voies ont été méthodiquement épuisées par les différents protagonistes. Depuis l’attaque chimique de la Ghouta, le 21 août 2013, qui a causé quelque 1500 morts, la perspective d’une intervention militaire occidentale est définitivement enterrée, Barack Obama ayant renoncé à une telle option – malgré le franchissement, par le régime de Bachar Al-Assad, de la « ligne rouge» fixée par le président américain – au profit d’un accord sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien parrainé par Moscou et Washington. Ce retournement majeur, qui fait du gouvernement syrien le garant du bon déroulement de l’opération menée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a vidé de leur sens les pourparlers de Genève 2, que le médiateur des Nations unies et de la Ligue arabe, le diplo-
mate algérien Lakhdar Brahimi, a péniblement mis sur pied au prix d’un an d’efforts. Lancées le 22 janvier en Suisse, ces négociations se sont achevées le 15 février, au sortir d’une deuxième session totalement infructueuse, la délégation gouvernementale refusant d’aborder le volet de la transition.
« Manœuvres dilatoires » Depuis, c’est l’impasse et le néant. Lakhdar Brahimi, qui devait informer vendredi l’Assemblée générale de l’ONU, tout comme le secrétaire général de l’organisation, Ban Ki-Moon, n’a pas caché son pessimisme devant le Conseil de sécurité, qui l’a entendu jeudi. Devant la presse, Lakhdar Brahimi s’est dit « déçu » par le « résultat plutôt modeste » atteint à Genève 2, mais il a refusé de blâmer l’une ou l’autre des parties. A huis clos, face aux 15 pays membres, le diplomate a désigné le régime syrien, qui a « donné la nette impression d’employer des manœuvres dilatoires» pour faire capoter les négociations.
Dégagé de toute pression diplomatique, grâce à la protection acharnée de la Russie, le régime syrien n’a désormais plus que deux choses en tête : la reconquête militaire, et la réélection de Bachar Al-Assad, probablement en juin, pour un nouveau mandat de sept ans. L’organisation d’une élection présidentielle « torpillerait », selon M. Brahimi, tout processus politique. Comment l’opposition pourrait-elle discuter d’un processus de transition avec le gouvernement, dans le cas d’une élection jouée d’avance ? « Je doute fort que la réélection du président Assad pour un nouveau mandat de sept ans puisse mettre fin aux souffrances du peuple syrien», a martelé Lakhdar Brahimi devant le Conseil de sécurité. A la suite de l’intervention du diplomate, la France avait préparé un projet de déclaration – qui n’a pas la valeur contraignante d’une résolution – soutenant l’approche défendue par Lakhdar Brahimi. Elle consiste à mener en parallèle les négociations réclamées par
Damas sur la lutte contre le terrorisme, et celles réclamées par l’opposition pour la création d’un organe gouvernemental de transition. Mais des heures de débats n’ont pas eu raison de la résistance de la Russie, déterminée à bloquer toute initiative critique à l’égard de son allié syrien. Aucune déclaration commune n’a donc pu être adoptée. « Pendant ce temps, la Russie, qui parie sur la victoire du régime de Bachar al-Assad, continue d’envoyer de plus en plus d’armes en Syrie », souligne une source diplomatique. Profitant de l’affaiblissement de la rébellion, rongée par les luttes intestines entre les groupes djihadistes et les autres mouvements dans le nord du pays et handicapée par les dissensions entre le Qatar et l’Arabie saoudite, ses deux principaux bailleurs de fonds, le régime cherche à reprendre le massif du Qalamoun, qui occupe une position stratégique entre Damas et Homs. Il pourrait ensuite tenter d’encercler les rebelles dans Alep, toujours avec
l’aide de supplétifs du Hezbollah libanais et de pasdaran (gardiens de la révolution) iraniens, dont le soutien ne faiblit pas. Sans perspective ni efforts pour en venir à bout, le drame syrien se résume désormais à des chiffres qui dépassent l’entendement. Au moins 140 000 morts ; et, avec 2,5 millions de réfugiés (sur 22 millions d’habitants), les Syriens sont en train de devenir la plus importante population de réfugiés du monde, devant les Afghans. Selon l’Unicef, le nombre d’enfants en danger en Syrie a plus que doublé depuis l’an dernier, passant à 5, 5 millions. Le prochain rendez-vous syrien à l’ONU est la publication, le 28 mars, du rapport du secrétaire général sur les efforts accomplis par le régime syrien en faveur d’un meilleur accès de l’aide humanitaire, depuis le vote de la résolution 2239 en février. Mais selon un diplomate, le texte se gardera bien de dénoncer Damas. p Christophe Ayad et Alexandra Geneste (à New York)
lointainrêve. A Alep, Damas, Homs et Deraa, le front s’est figé. La guerre d’usure entre loyalistes et insurgés se double désormais d’une lutte à mort entre Da’ech et ses concurrents islamistes. A quelques jours des trois ans de la révolution, Assad Al-Zoabi, qui s’est reconverti en commentateur militaire,hésitaitàhonorerl’invitationdelachaînesaoudienneAl-Arabiya, basée à Dubaï. Abou Al-Majd attendait la venue à Irbid du nouveau chef de l’ASL, le général Abdel Ilah Al-Bachir, avant de repartir au combat. Ahmed Tlass, de son côté, réfléchissait à un nouveau projet : la création d’une association destinée à secourir les familles de déserteurs dans le besoin. p Benjamin Barthe
Trois ans de conflit 2011 15-16 mars : premières manifestations contre le régime à Damas et Deraa, dans le sud du pays. 30 juillet : création de l’Armée syrienne libre (ASL). 2012 1er mars : l’armée prend le contrôle du quartier de Baba Amr, bastion de la rébellion à Homs (centre). 30 juin : accord à Genève entre les grandes puissances sur une transition politique, qui maintient le flou sur le sort d’Assad. Il n’a jamais été appliqué. 11 novembre : création de la Coalition nationale de l’opposition. 2013 21 août : attaque chimique du régime contre des zones contrôlées par les rebelles près de Damas. 14 septembre : accord russoaméricain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien. 2014 22 janvier-15 février : négociations entre représentants du gouvernement et de l’opposition sous l’égide de l’ONU, en Suisse.
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Samedi 15 mars 2014
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A Gaza, le «systèmeD» pouratténuerle blocus d’Israëlet de l’Egypte
L’économie de la bande de Gaza, territoire tenu par le Hamas, est au bord de l’asphyxie Gaza Envoyé spécial
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Entre réfugiés de Homs, la solidarité est le gage de la survie Amman Envoyé spécial
C’est à la témérité de jeunes comme leur frère ou leur mari que Homs doit son surnom de «capitale de la révolution ». Pendant des mois, ils ont dansé et chanté leur soif de liberté, en bravant les tirs et les arrestations. Mais de cette époque pleine de ferveur, Jumana, Malak et Taj, trois réfugiées syriennes, assises dans le local d’une association de charité d’Amman, n’ont plus guère envie de parler. « On ne pense à rien, sinon à nourrir notre famille, dit la première qui tient sur ses genoux une fillette sans joie. On ne sait même pas de quoi demain sera fait. On s’en remet à Dieu, et c’est tout. » Vêtues d’un jilbab sombre, ce long manteau quasi réglementaire dans les milieux populaires, elles s’avancent à tour de rôle vers la table qui sert de guichet. C’est le jour de la distribution du pécule, 100 à 150 dinars (100 à 150 euros), selon la taille de la famille, de quoi louer une ou deux pièces, dans l’est d’Amman. « Je n’ai pas les moyens de travailler, dit Jumana, 29 ans, qui vit seule avec ses quatre enfants, sans nouvelles de son mari, arrêté il y a un an par les services de sécurité syrien. Sans cette aide, je ne sais pas comment nous aurions fait. » L’initiative de l’association, revient à Bassam Saffour, un entrepreneur de Homs, qui a fait fortune dans le marbre. A court de commande, craignant pour la vie de ses enfants, il s’installe en 2012 dans la capitale jordanienne. Il n’est pas le seul. Chassés par l’artillerie syrienne, qui ravage des pans entiers de leur ville, des milliers de Homsiotes déferlent chaque mois sur le poste frontière de Ramtha. Selon M.Saffour, au moins 50 000 familles originaires
de la cité martyre vivent aujourd’hui à Amman, parmi les 600000 Syriens réfugiés en Jordanie. Les premiers mois, les donations pleuvent. De riches Arabes du Golfe, émus par le calvaire de leurs coreligionnaires, accourent en Jordanie, où ils distribuent de pleines liasses de billets. Mais l’étirement du conflit et quelques cas de détournement d’argent ont raison de cette générosité spontanée. Entre-temps, l’aide internationale s’est mise en place. Mais le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) peine à suivre le rythme des arrivées. Deux coupons de nourriture par mois, d’un montant total de 24 euros: c’est tout ce qu’il offre désormais aux réfugiés d’Amman. La dernière conférence des donateurs, qui s’est tenue en janvier à Koweït, n’a généré que 2,4milliards de dollars de promesses, bien loin de l’objectif affiché de 6,5milliards. Des besoins en Jordanie, estimés à 1,2 milliard pour cette année par le HCR, seulement 15 % sont pour l’instant couverts. « J’ai vite compris que nous ne pourrions pas nous reposer sur la communauté internationale, explique Bassam. J’ai donc contacté des amis, des parents et des ex-collègues, qui travaillent dans le Golfe mais sont originaires de Homs. Je les ai mis à contribution, en jouant sur le sentiment de solidarité entre Syriens d’une même ville.» Un pharmacien à Djedda, un dentiste à Riyad, un homme d’affaires au Koweït… : en deux ans, plusieurs centaines de milliers de dollars ont été récoltées, qui bénéficient à près de 6000 familles. A côté d’actions de charité classique, comme la distribution d’allocations ou de vêtements, l’association investit dans l’éducation.
Un fonds de 300 000 dollars, collectés auprès de la diaspora homsiote d’Arabie saoudite, servira à financer les études d’une centaine de bacheliers. Deux des généreux mécènes sont venus signer les contrats en personne depuis Djedda. Dans le même registre, une école a été louée l’été 2013, bus de ramassage compris, pour organiser des cours de soutien. Sous l’afflux des réfugiés, les établissements jordaniens ont dû passer au système de la double session : une le matin, pour les élèves jordaniens et une l’après-midi pour leurs camarades syriens. «Malheureusement, les enseignants jordaniens ne sont pas très motivés, dit Malak. Le niveau de nos enfants risque de chuter. C’est leur futur qui est en jeu. »
Grogne diffuse La situation des réfugiés est d’autant plus précaire que leur présence pèse lourdement sur la société jordanienne. Les cafés d’Amman bruissent d’histoires d’employés limogés et remplacés par un Syrien payé deux fois moins cher. Ou de locataires, mis à la porte de leur appartement, qui est aussitôt reloué à une famille de réfugiés, à un montant plus élevé. Sentant monter une grogne diffuse, le gouvernement jordanien s’efforce de restreindre les arrivées. Le poste de Ramtha a été de facto fermé, obligeant les candidats à l’exil à emprunter un point de passage plus à l’est, Ruweiched, auquel on ne peut accéder, facteur dissuasif supplémentaire, qu’en traversant des zones aux mains du régime. A l’aéroport d’Amman, les contrôles sont devenus plus sévères. « Mes deux sœurs, qui avaient pris un avion à Beyrouth pour me rejoindre, ont été refoulées à leur atterrissage par les moukhabarat
[services de renseignements] jordaniens», se lamente Jumana. Pour dénicher de nouveaux donateurs, Bassam organise régulièrement des galas de charité. « Les gens qui ne payent pas alors qu’ils le peuvent, perdent automatiquement notre respect, dit-il. Il ne faut pas qu’ils comptent rentrer chez eux quand la guerre sera finie.» Un des contributeurs de l’association, un célèbre chef de tribu, risque cependant de lui faire défaut. Son cousin, resté à Homs, a été récemment kidnappé par des chabiha, des malfrats proAssad. Les membres de la famille réfugiés à l’étranger ont dû se cotiser pour payer la rançon, fixée à 2,5millions de livres (20 000 euros). L’acharnement du régime sur ses victimes ne connaît pas de frontière. p B. Ba.
e n’est qu’une question de jours. La seule centrale électrique de Gaza va de nouveau s’arrêter. Elle aura bientôt consommélecarburantachetégrâce au don de 10 millions de dollars (7,21 millions d’euros) fait par le Qatar fin 2013. Les Gazaouis vont retrouver le régime sec de six ou huit heures d’électricité par jour, au lieu de douze actuellement. Ce qui va poser autant de problèmes au mécanicien Mahmoud Koanz qu’à l’homme d’affaires Naïm Al-Siksik. Le premier est l’un des quelque 30 000 fonctionnaires – sur les 70000payésparl’Autoritépalestinienne dans la bande de Gaza – interdits de travail par le Hamas depuis sa prise du pouvoir en 2007. Son tort est d’avoir été employédanslesservicesdesécurité contrôlés par le Fatah, principal parti de l’Autorité palestinienne, rival du Hamas. Mahmoud Koanz perçoit, sans travailler, 1 500 shekels (311 euros) que Ramallah lui fait parvenir chaque mois. Pour le reste, il travaille au noir. C’est un travail dangereux mais trèsprisépourl’économiede pénurie que connaît l’étroite bande de terre, asphyxiée par le double blocus d’Israël et de l’Egypte. Il transforme les moteurs à essence en moteurs à gaz. Dans les rues de Gaza, il y a moins de files d’attente devant les stations-service, mais plus de voitures à gazogène, polluantes et poussives. M. Koanz a sept enfants, dont certains lui coûtent cher en frais de transports et de scolarité à l’université Al-Azhar. Comme beaucoup de Gazaouis, il ne paie plus sa facture d’eau, et n’a aucun espoir de rembourser sa dette.Il a emménagédansune maison de bétonde Jabaliya, il y a deux ans, sur la route côtière. « Ainsi, explique-t-il, les loisirs des enfants ne me coûtent pas cher : ils ont la mer. » Chaque mois, vers le 20, il n’a plus d’argent. Le supermarché luifait crédit,une pratique courante à Gaza. Mahmoud Koanz est nostalgique de la période d’avant la seconde Intifada (2000). Il travaillait alors comme mécanicien à TelAviv, avec un bon salaire. « Aujourd’hui, constate-t-il amèrement, nous sommes isolés du monde entier. L’Egypte et Israël punissent toute la population de Gaza, sans se rendre compte qu’ils poussent les jeunes vers la lutte armée. » Naïm Al-Siksik partage ce constat. Il redoute les conséquences de l’arrêt programmé de la centrale électrique sur ses chaînes de fabrication. Dans son secteur, celui des tuyaux en PVC, il est le
numéro un de la bande Gaza. Ses affaires étaient plutôt florissantes avant que l’Egypte ne détruise les tunnels de contrebande, par où passait notamment le carburant. « Mes ventes ont été divisées par trois. Mon chiffre d’affaires est passé de 2,5 millions de dollars [1,8million d’euros] à 700 000 dollars », précise-t-il. Il a licencié 10 % de ses 150 salariés, tout en réduisant les salaires de 20 %. Sans les mirobolants projets de travaux publics financés par le Qatar, l’entreprise Al-Siksik aurait mis la clef sous la porte. « Nous espérons que la situation ne va pas encore se dégrader », résume l’homme d’affaires.
La courbe du chômage devrait atteindre 43% fin mars, contre 27% début 2013 Or tout porte à croireque la bande de Gazava s’enfoncerdansla crise économique. L’inquiétude de l’économiste Maher Al-Tabaa progresse avec la courbe du chômage. Il devrait passer de 27 % début 2013 à 43 % à la fin du premier trimestre 2014. Sur un budget de quelque 850 millions de dollars, le gouvernement du Hamas doit faire face à un déficit de 550millions.La périodeest donc à l’austérité.Fin décembre, pour la première fois depuis six ans, le Mouvement de la résistance islamique a annulé les cérémonies marquant l’anniversaire de sa création. Sous la houlette du puissant ministre de l’intérieur, Fathi Hamad, un programme d’entraînement au tir par rayon laser et simulation sur ordinateur a été mis au point. Economies escomptées : 20 000 dollars par mois. Quant aux 46 000 fonctionnaires du gouvernement du Hamas, ils ne reçoivent plus qu’entre 35 % et 50 % de leur salaire depuis octobre 2013. Sans l’aide alimentaire que l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiéspalestiniens(UNRWA)dispense chaque mois à quelque 1 million de Gazaouis, ajoute l’économiste, « la situation humanitaire serait catastrophique, ce qu’elle risque de devenir». Le gouvernement « ne va pas prendre le risque de faire rentrer de l’argent par les quelques tunnels qui fonctionnent encore, sachant queces fondspeuventêtresaisispar les Egyptiens », estime M. Tabaa. Pour lui, comme pour la plupart des observateurs à Gaza, les visées stratégiques de l’Egypte rejoignent celles d’Israël : asphyxier l’économie de Gaza, et porter un coup au potentiel militaire du Hamas. p Laurent Zecchini
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Samedi 15 mars 2014
L’arrestation d’un oligarque, un signal pour Moscou L’Ukrainien prorusse Dmitro Firtach a été interpellé à Vienne
L
’avertissement américain adressé à Moscou est limpide : l’annexion de la Crimée aura un prix. Dmitro Firtach, l’un des hommes les plus riches d’Ukraine, à la proximité historique avec Gazprom, se trouve sous les verrous en Autriche. Cet intermédiaire incontournable dans le secteur énergétique a été interpellé à Vienne, dans la nuit du mercredi12 au jeudi 13 mars. Cette mesure s’inscritdans le cadre d’une enquête ancienne du FBI, ouverte en 2006 et opportunément réanimée, au sujet d’une usine de titane en Inde. Selon l’un de ses proches, l’homme d’affaires est soupçonné d’avoir versé environ 18 millions de dollars (13 millions d’euros) de pots-de-vin à des responsables politiquesdansl’Etatd’AndhraPradesh et au niveau national. Une décision judiciaire sera prise rapidement sur une extradition vers les Etats-Unis. L’arrestation de M. Firtach est un avertissement majeur aux élites russes, à trois
La menace de sanctions contre des dirigeants proches du régime russe se précise jours du référendum en Crimée, devant confirmer sa prise de contrôle par Moscou. La menace de sanctions individuelles se concrétise. La cible choisie est très sensible et influente. Dans les jours prochains, M. Firtach devait rencontrer à Paris l’un des hauts fonctionnaires de l’Elysée, selon son entourage. A la présidence, on nie tout rendez-vous. Mais les opinions de M. Firtach sont forcément guettées. Le 24 février, ses proches conseillers étaient accueillis à Londres, au ministère des affaires étrangères. D’autres rencontres
ont eu lieu à Bruxelles. M. Firtach présente la particularité d’être très introduit à Moscou, sans parler de son influence en Ukraine. Afin de tenir les régions de l’est, déstabiliséespardes élémentsprorusses, le nouveau gouvernement à Kiev a demandé aux oligarques de s’impliquer. Igor Kolomoïski, patron du groupe Privat, est ainsi devenu gouverneur de Dnipropetrovsk. Au même moment, il y a dix jours, Dmitro Firtach s’est vu offrir le poste de premier ministre de Crimée, confie au Monde un haut responsable du Groupe DF, quiréunittousles secteursd’activités de l’oligarque. « Firtach a refusé car son métier n’est pas de faire de la politique», dit-il. Jeudi soir, ce responsable jugeait que l’arrestation était un « tir de semonce expéditif et désastreux, alors que Firtach est très impliqué pour faire baisser la tension ». « Il est l’un des seuls à pouvoir parler à tout le monde.» Selon ce proche, l’oligarque aurait été un « catalyseur » parmi ses collègues milliardaires pour faire pression sur le président Ianoukovitch, dans la soirée du 19 février, au lendemain de la première vague de victimes sur Maïdan. Une pression bien tardive et inefficace. « Mais le Parlement n’aurait pas voté ensuite l’investiture du gouvernement sans les 50 députés de [l’oligarque] Rinat Akhmetov et nos 40, soit 90 membres du Parti des régions », souligne le haut cadre du groupe. Le Groupe DF emploie près de 100 000 personnes en Ukraine et se développe dans onze pays. Impliquédanslesecteurde l’industrie chimique, de l’énergie et de l’immobilier, il a racheté en 2013 l’Inter Media Group, holding de médiasincluantla chaînede télévisionInter. Il est aussile plusimportant employeur de Crimée (près de 10 000 personnes dans le secteur chimique), explique le dirigeant du groupe. L’usine Crimean Titan est localisée au nord de la péninsule, près de la ville d’Armiansk, tan-
«Nousne noussommesjamaissentisukrainiens» Svetlana Chinkarouk, 40 ans, cuisinière à Djankoï (nord de la Crimée): « Le 26février, il y avait une manifestation de Tatars et on a dû monter la garde près de la statue de Lénine, sur la place principale. Cette nuit-là, des militaires dis que la Crimean Soda Plant se trouve à Krasnoperekopsk. Dmitro Firtach a donc beaucoup à perdre, après la chute du régime Ianoukovitch. Notamment sa réputation, qu’il s’est efforcé de polir.Son arrestationestparticulièrement suivie à Londres, où il a développé un réseau d’obligés. Le 13 octobre 2013, avec sa femme Lada, M. Firtach ouvrait la séance à la Bourse de Londres, dans le cadre d’un festival appelé « Les jours de l’Ukraine en Grande-Bretagne », financéparsa fondationde bienfaisance.Enoctobre 2010,il avait donné6,7 millionsde dollarsà l’université de Cambridge pour financer une chaire d’études ukrainiennes. Le 8 décembre 2008, deux ans après l’ouverture de l’enquête du FBI, Dmitro Firtach était reçu à l’ambassade américaine à Kiev. Il
russes sont venus. Maintenant, tout est calme, nous attendons le référendum. La majorité, ici, veut quitter l’Ukraine. Nous ne nous sommes jamais sentis ukrainiens. Et le gouvernement n’a rien fait pour nous. Je suis sûre que les investis-
n’était pas question, alors, de frapper les amis du régime russe au portefeuille. L’entretien de deux heures et demie avec l’ambassadeur William Taylor fit l’objet d’un compte rendu passionnant, révélé par WikiLeaks. Selon le diplomate, M. Firtach a reconnu ses liens passés avec SeimionMogilevitch,figure légendaire du crime organisé russe, « affirmant qu’il avait eu besoin au départ de son approbation pour se lancer dans les affaires ». Le haut responsable de DF nie que le nom de Mogilevitcheût été prononcéce jour-là. Agé de 48 ans, Dmitro Firtach dispose d’un réseau et d’une expérience hors norme dans l’espace post-soviétique. Copropriétaire de la société suisse RosUkrEnergo (RUE),Dmitro Firtach a été le parte-
Le réseau d’influence des oligarques russes irrigue Londres Londres Correspondant
Les Ukrainiens qui protestaient il y a peu devant le siège londonien de la banque russe VTB contre le recyclage d’argent sale russe par la City s’étaient trompés de cible. Les manifestants auraient dû viser la Bourse de Londres, symbole de l’emprise des oligarques russes installés dans la capitale britannique sur la vie économique et politique du royaume. Le réseau d’influence bâti par les flibustiers des affaires venus du froid explique les réticences du gouvernement de Sa Majesté à des sanctions économiques contre la Russie. Sur les bords de la Tamise, le pouvoir des Roman Abramovitch, Len Blavatnik, Alisher Usmanov, Oleg Deripaska, Vladimir Potanine ou Alexander Lebedev est à la hauteur de leur fortune : imposant. Le London Stock Exchange accueille 70 sociétés russes couvrant de la finance aux transports en passant par le secteur extractif ou la distribution. «Les valeurs russes sont parmi les titres les plus activement négociés. Il existe une grosse demande de la part des investisseurs institutionnels», souligne un porte-parole de la corbeille de Paternoster Square. La Bourse se tient au centre d’une toile d’araignée d’où rayonnent les institutions chères aux
oligarques: les banques d’affaires Morgan Stanley et Crédit Suisse, les marchés à terme, la Bourse des métaux, le géant de l’assurance Lloyd’s, les fonds de retraite et la Banque européenne de reconstruction et de développement. Le cercle des bureaux d’avocats, des cabinets comptables ou des consultants en relations publiques ou en sécurité est également à leur disposition. Le cas échéant, la City peut utiliser au profit des entrepreneurs russes la trentaine de paradis fiscaux de la Couronne, experts en lessive caustique des fonds baladeurs. «La pléthore d’argent russe attise les appétits de la City qui entend s’en approprier une partie », déclare Philip Beresford, l’auteur du classement des plus grosses fortunes du Sunday Times à propos de la hausse, année après année, du nombre de Russes « résidents non domiciliés» outre-Manche. Ce sésame fiscal permet d’être taxé seulement sur les revenus générés au Royaume-Uni. Surtout, les oligarques se sont taillé un réseau d’influence unique que leurs détracteurs accusent d’être le sous-marin du Kremlin pour retenir Londres face à l’intransigeance russe en Crimée. Ce maillage serré est d’abord dû aux liens des oligarques avec leurs associés britanniques: responsables des firmes d’hydrocarbures BP et Shell, actifs en Russie
ou figures de la City. Il s’agit, par exemple, du spéculateur Nat Rothschild, de l’investisseur minier Roddie Fleming ou des frères Reuben, qui ont fait fortune dans le négoce de métaux russes. En outre, les oligarques recrutent les stars du barreau, de la gestion de patrimoine ou des relations publiques. Les batailles homériques que se livrent les nouveaux venus à propos de contrats contestés devant les tribunaux anglais procureraient 60 % des revenus des juristes londoniens provenant de contentieux commerciaux. Bruce Buck, le président du Chelsea FC, le club de football dont Roman Abramovitch est le propriétaire, est cofondateur du célèbre cabinet américain d’avocats Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom, principal conseiller juridique du magnat.
Tony Blair, l’intermédiaire Les self-made-men russes ont aussi engagé à prix d’or des personnalités de l’establishment politique qui ont l’oreille des parlementaires de Westminster comme des hauts fonctionnaires de Whitehall. Elevés à la pairie, les anciens ministres David Owen, Douglas Hurd ou Nigel Lamont sont leurs ouvreurs de portes patentés. L’ancien chef de gouvernement Tony Blair a servi d’intermédiaire entre la famille Kadhafi et le patron de Rusal, Oleg Deripas-
ka, aussi proche de Lord Mandelson, ex-ministre travailliste et ancien commissaire européen, à l’entregent considérable. En 2011, pour lever les doutes sur la transparence du groupe sidérurgique russe Evraz lors de sa cotation à la Bourse de Londres, Roman Abramovitch, l’actionnaire majoritaire, a choisi comme administrateur indépendant de l’aciériste Sir Michael Peat, ancien directeur de cabinet du prince Charles. Pas étonnant, dans ces conditions, que les autorités britanniques évitent de poser des questions embarrassantes sur l’origine quelque peu mystérieuse de la fortune des oligarques. Ceux-ci ont pu racheter sans entrave des clubs de football fleurons de la Premier League. En raison du poids de la City, le royaume demeure une « vieille dame permissive », selon l’expression de l’essayiste Anthony Sampson. Les nouveaux riches russes raffolent de l’aristocratie britannique, qui sait profiter à bon escient de leurs largesses. De nombreux oligarques ont ainsi parrainé l’exposition « Houghton Hall Revisited » montrant des chefs-d’œuvre venus essentiellement de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg. Le président d’honneur de cette manifestation, en 2013, dans le château du marquis de Cholmondeley, n’était autre que le prince Charles. p
Marc Roche
seurs vont revenir quand nous serons en Russie, et la Crimée se relèvera.» Jusqu’au référendum du 16 mars, la photographe Maria Turchenkova parcourt la Crimée pour « Le Monde».
naire-clé de Gazprom pour les livraisonsdegazen Ukraineen provenance d’Asie centrale, jusqu’à la guerre du gaz déclenchée par la Russie, à l’hiver 2009. Mais M. Firtach est vite retombé sur ses pieds, diversifiant ses activités. Originairede la régiondeTernopil, dans l’ouest de l’Ukraine, Dmitro Firtach est arrivé en Russie au début des années 1990. Pompier de formation, il avait débuté dans le commerce de produits alimentaires. Mais c’est sa découverte du Turkménistan et des réseaux gaziers qui va lui permettre de bâtir sa fortune, à partir de 1993. Gazcontreproduitsde consommation : le schéma est classique. Son partenaire de l’époque s’appelle Igor Makarov, le patron de la société Itera, aux liens étroits avec Gazprom. Lorsqu’au début des années
2000, Itera tombe en disgrâce aux yeux du pouvoir poutinien, Dmitro Firtach prend en charge le circuit de livraison du gaz turkmène à destination de son pays, l’Ukraine,à traverssasociétéEuralTransGas (ETG). A partir de 2004, il s’associe avec Gazprom, dans RosUkrEnergo, qui deviendra la « machine à cash » du groupe DF. Après la chute de Viktor Ianoukovitch, dont la présidence lui a été très favorable, le pire cauchemar de M. Firtach serait un retour aux affaires – entamé en coulisses – de son ennemie jurée, Ioulia Timochenko. Celle-là même qui, alors premier ministre, avait attaqué ses positions sur le marché énergétique. Mais c’est des Etats-Unis qu’est porté le premier coup majeur contre ses intérêts. p Piotr Smolar
Un manifestant tué dans des heurts à Donetsk Un partisan de l’unité de l’Ukraine, âgé de 22 ans, a été tué, jeudi 13 mars, par des manifestants prorusses lors de heurts à Donetsk, dans l’Est russophone. C’est le premier mort de la crise ukrainienne depuis la prise de contrôle de la Crimée par les forces russes. Selon le ministère ukrainien de la santé, il aurait été poignardé. Seize autres per-
sonnes ont été blessées. Les heurts se sont produits dans la soirée. Un millier de partisans de Kiev s’étaient rassemblés dans le centre de ce bastion minier. Mais deux fois plus d’Ukrainiens prorusses sont apparus, et certains d’entre eux ont réussi à déborder le cordon de sécurité de la police. Des heurts violents ont alors commencé.
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Samedi 15 mars 2014
Portrait Le tribunal électoral a confirmé la victoire de Salvador Sanchez Ceren,
ALGÉRIE
l’ex-commandant du FMLN, avec un écart minime, face au candidat de la droite
De la guérilla à la présidence du Salvador San Salvador Envoyé spécial
E
lu sur le fil du rasoir, l’ancien commandant guérillero Salvador Sanchez Ceren a été confirmé comme futur président du Salvador, jeudi 13 mars. Il n’aura pas la tâche facile. Son adversaire de droite Norman Quijano n’a pas reconnu sa victoire et réclame un nouveau décompte des voix « bulletin par bulletin». Cette demande a été rejetée par le tribunal électoral, qui, après avoir vérifié tous les procès-verbaux du scrutin du dimanche 9 mars, a confirmé la victoire de M. Sanchez Ceren avec 50,11 % des voix, contre 49,89 % à son rival. M. Quijano a appelé ses partisans à « maintenir la pression », mais n’a pas présenté de preuves à l’appui de ses accusations de fraude. Accusé par la droite d’être un adepte du « socialisme du XXIe siècle » inventé par l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez, M.Sanchez Ceren répond que son modèle est « salvadorien » et se dit inspiré par l’exemple de José « Pepe » Mujica, le président de l’Uruguay, comme lui ancien guérillero. Salvador Sanchez Ceren est né le 18 juin 1944 à Quezaltepeque, à 20 km au nord-est de la capitale, San Salvador, dans une famille modeste. Neuvième des douze enfants d’un menuisier et d’une vendeuse au marché de la ville, il se destineà l’enseignement,quiresterasa vocationtout aulong desa vie. Instituteurà 19 ans,ils’engagedans
le syndicalisme et rejoint en 1972 les Forces populaires de libération (FPL), une organisation issue d’une scission du Parti communiste qui lutte contre les gouvernements putschistes se succédant dans lapetiteRépubliquecentraméricaine. En 1980, il participe à la formation du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN), regroupant cinq organisations rebelles, qui lancent une offensive armée contre le gouvernement. Sous le nom de guerre de « commandant Leonel Gonzalez », il rejoint les maquis de Chalatenango, dans le nord du pays, où de violents combats opposent l’armée et la guérilla. Dans un de ses ouvrages, La guerra que no quisimos (« La guerre que nous n’avons pas voulue », non traduit), il expose les causes du conflit, qui a fait plus de 75 000 morts et 12 000 disparus en douze ans.
La destruction des armes de la guérilla, qu’il supervise, permet la légalisation du FMLN Elu secrétaire général des FPL en 1983, il est l’un des commandants du FMLN désignés pour négocier les accords de paix qui mettent fin à la guerre civile, en janvier 1992. La destruction des armes de la guérilla, qu’il supervise, permet la légalisation du
REUTERS
FMLN, qui se transforme en parti politique en décembre1992. Elu député en 2000, il conserve son siège jusqu’au 1er juin 2009. Il devient alors vice-président de la République grâce à la victoire d’un journaliste populaire, Mauricio Funes, que le FMLN a choisi comme candidat à la présidence. Chargé du ministère de l’éducation, il lance un programme de distribution d’uniformes, de chaussures et de matériel aux écoliers. Ce programmeluivaut unegrande popularité dans les familles modestes, pour qui la rentrée est un cassetête financier. Médiocre orateur, M. Sanchez Ceren manque de charisme. Sa formation marxiste ne l’a pas empêché de rester un catholique fervent. « A la différence de Pepe Mujica, il est resté conventionnel», note une militante du FMLN. « Il a la maturité politique, l’amabilité, la décence et l’honnêteté qui ont fait défaut à l’actuel président Mauri-
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cio Funes », affirme Salvador Samayoa, ancien responsable de la guérilla qui a participé à ses côtés à la négociation des accords de paix. Agé de 69 ans et de santé fragile, M. Sanchez Ceren a choisi Oscar Ortizpour le seconderà la vice-présidence. Maire populaire de Santa Tecla, une municipalité proche de la capitale, M. Ortiz, 52 ans, est un ancien guérillero des FPL, populaire auprès des médias et des jeunes. Pragmatique, il a lancé « un message de confiance et d’optimisme » aux chefs d’entreprise qui ont soutenu le candidat de droite. « Le Salvador est divisé en deux, constatait le site El Faro le soir du scrutin. Le message populaire est clair : la seule voie est un accord entre les deux extrêmes permettant un projet négocié.» Surpris par leur très faible avantage (0,22 point d’écart, alors que les sondages en prévoyaient plus de 10), MM. Sanchez Ceren et Ortiz ont multiplié lesappelsaudialogueavecl’opposition de droite et le secteur privé. Sans reprise de l’investissement et sans création d’emplois, le gouvernement du FMLN ne pourra faire reculer la pauvreté, qui touche 40% de la population, ni la violence des maras, les gangs qui servent de refuge aux jeunes désemparés. Sa tâche s’annonce difficile alors qu’une partie de la droite est tentée par la contestation dans les rues et que le patron des patrons, Jorge Daboub,reprenait à son compte les accusations de fraude peu après l’annonce des résultats. p Jean-Michel Caroit
Legouvernementremaniéen vuede l’électionprésidentielle
ALGER. Le ministre algérien de l’énergie et des mines, Youcef Yousfi, 72 ans, a été nommé, jeudi 13 mars, premier ministre par intérim, en remplacement d’Abdelmalek Sellal, chargé de diriger la campagne présidentielle d’Abdelaziz Bouteflika, une fonction que M. Sellal avait déjà exercée lors des élections de 2004 et 2009. Le président sortant brigue un quatrième mandat pour le prochain scrutin prévu le 17 avril. Deux anciens premiers ministres rejoignent l’entourage de M. Bouteflika: Ahmed Ouyahia, 61ans, a été nommé directeur de la présidence, et Abdelaziz Belkhadem, 68 ans, conseiller spécial du président. p
Les Etats-Unis transfèrent un prisonnier de Guantanamo en Algérie
WASHINGTON. Le Pentagone a annoncé, jeudi 13 mars, avoir transféré Ahmed Belbacha, 44 ans, un détenu de la prison de Guantamano, vers son pays d’origine, l’Algérie, après douze ans d’emprisonnement sans procès. M.Belbacha était soupçonné de s’être rendu dans un camp d’entraînement d’Al-Qaida en Afghanistan. Il avait demandé en 2007 à un tribunal américain d’interdire son transfert en Algérie, arguant qu’il craignait d’y être victime de mauvais traitements. – (AFP.)
VENEZUELA
L’arméeoccupe laville de Valencia
CARACAS. La police vénézuélienne a multiplié, jeudi 13 mars, les perquisitions et interpellations d’opposants, après cinq semaines de contestation dans les rues. A Valencia, troisième ville du Venezuela, le gouvernement a fait appel à l’armée pour reprendre le contrôle de plusieurs quartiers. Le président, Nicolas Maduro, avait annoncé « des mesures drastiques », tout en réitérant ses appels au dialogue. « Personne n’accepte un monologue ni les directives d’un gouvernement qui a décidé de résoudre la crise en faisant des morts, des blessés, des tortures, des arrestations, des détenus », a répondu sur Twitter le dirigeant de l’opposition, Henrique Capriles Radonski. Depuis le début des protestations, on compte 28 morts et 400 blessés. – (AFP, EFE.) p
Royaume-Uni Le leader de l’opposition exclut un référendum sur l’UE
LONDRES. Le leader de l’opposition travailliste, Ed Miliband, a exclu, mercredi 12 mars, dans une tribune publiée par le Financial Times, la tenue, en cas de victoire du Labour aux élections générales de 2015, d’un référendum sur une sortie de l’Union européenne, à moins que le Royaume-Uni ne perde de nouveaux pouvoirs au profit de Bruxelles. – (AFP.)
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international & planète
Rwanda : la défense dePascal Simbikangwa demandel’acquittement
Les avocats du capitaine rwandais jugé pour génocide dénoncent un procès politique
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outez et résistez. Ce sont en substance les deux messages envoyés aux jurés, jeudi 13 mars, par les avocats de la défense de Pascal Simbikangwa. A la veille du verdict de la cour d’assises de Paris, Me Alexandra Bourgeot n’a pas démenti que ce procès, le premier d’un Rwandais en France,lepremier sous le chefd’accusation de complicité de génocide, est « hors norme », mais elle a considéré que la vice-procureure, chef du pôle crimescontre l’humanité, Aurélia Devos, n’a bâti « qu’un château de cartes ». La veille, l’accusation avait requis la réclusion criminelle à perpétuité, l’avocat général Bruno Sturlese n’ayant « trouvé aucun argument solide pour atténuer le châtiment ». L’ambition principale de la plaidoirie de M e Bourgeot fut d’éveiller le doute dans l’esprit des jurés sur la crédibilité des témoignages portés contre son client. Dans ce procès sans victimes directes à la barre, ceux-ci sont la matière première de l’accusation, mais l’avocate de la défense, pointant ici « les mensonges » des uns, là « la “lobotomisation”» d’autres, a lancé aux neuf juges – trois magistrats professionnels et six jurés populaires –, « cela n’arrive jamais d’avoir des témoins aussi fragiles. On nous dit : “Il faut faire avec”. Mais ce n’est pas possible. Vous devez être suspicieux. » Son confrère Fabrice Epstein a repris la même antienne, tout en dénonçant « la dictature intellectuelle» qui a régné pendant ces six semaines d’audience, empêchant, selon lui, toute remise en cause des autorités rwandaises actuelles ou des associations de rescapés sous peine d’être taxé de « négationniste ». D’après lui, le portrait de Pascal Simbikangwa a été dessiné à l’avance. « L’homme de l’ombre, l’exécuteur des basses œuvres. On se croirait dans un roman, mais qui ne passe pas le crible de la preuve… Tout ce que vous avez, c’est la rumeur et la réputation.» Plaidant l’acquittement de son client, il a fustigé « les construc-
tions » de l’accusation qui veut un « précédent », qui procède par « déduction», alors qu’« il n’y a rien de probant ». « La vérité c’est qu’il faut un coupable à la hauteur de l’infraction. Et comme c’est le premier, pas un petit coupable. Un très méchant, un très puissant. » Or, rappelle-t-il, « pour condamner il faut des preuves pleines et entières, éclatantes… Le doute doit profiter à l’accusé, vous ne pouvez vous satisfaire de certitudes de complaisance. »
« Ne jugez pas la France » L’exposé,non dénué d’éloquence, s’est alors fait plus politique. « L’actionnaire majoritaire de ce “pôle génocide”, c’est l’Etat français. Il faut du rendement, du retour sur investissement. Il faut quel’actionsoitau plus haut, laperpétuité. Sinon, l’Etat français ne sera pas content et Kigali [la capitale rwandaise] non plus… On vous demandede poser la premièrepierre de la traque des génocidaires. Ce n’est pas vos affaires », tonne Fabrice Epstein. Il poursuit : « Vous ne jugez pas la France de 1994 », dont le rôle, vingt ans après le génocide rwandais, quelque 800000 morts en 100 jours, suscite toujours la polémique. Enfin, s’adressant directement aux jurés populaires, il les exhorte à ne pas « se comporter en bons élèves», à ne pas « se laisser influencer par le président » Olivier Leurent, sous-entendant que celui-ci pourrait manipuler leur vote à des fins politiques. « J’ai besoin de cinq “non”. Ceux qui prennent des décisions héroïques sont ceux qui disent non », conclut Me Epstein. A la sortie de l’audience, alors que quelques soutiens à Pascal Simbikangwa et des membres des parties civiles s’invectivent, un avocat de la partie adverse reconnaît que la plaidoirie de Fabrice Epstein a été brillante, mais qu’il a éludéune question: commentl’accusé a-t-il pu pendant trois mois ne pas voir un seul cadavre, alors qu’il circulait régulièrement dans Kigali ? p Cyril Bensimon
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Les particules fines chinoises deviennent un sujet de tensions avec le Japon Tokyo critique Pékin tout en lui vendant des purificateurs d’air par milliers Tokyo Correspondance
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l n’y a pas que les questions historiques et territoriales pour empoisonnerlesrelationssinojaponaises.Il y a également les problèmesenvironnementaux,àcommencer par la pollution de l’air liée aux rejets de particules fines, les plus dangereuses pour la santé. GraveenChineenraisondel’utilisation massive du charbon, et ne connaissant pas les frontières, elle touche régulièrement la péninsule coréenne et le Japon. Le 26 février, la concentration en particules a dépassé dans l’ouest de l’Archipel 70 microgrammes par mètre cube, niveau à partir duquel les habitants sont invités à rester chez eux. Les pics de pollution se multiplient et les manifestations de mécontentement également, dans un pays aussi sensible aux questions environnementales qu’aux mauvaises nouvelles venant de Chine. Tokyo est d’autant moins enclin à tolérer cette pollution venue d’ailleurs, qu’il a lui même fait des efforts dès les années1960 et 1970 pour limiter les effets nocifssur lasantédeses infrastructures industrielles et de son parc automobile. Les émissions des véhicules diesel sont strictement réglementées. Aujourd’hui, chaque alerte s’accompagne d’appels à la coopération avec Pékin. En janvier, le président de la Banque asiatique de développement, Takehiko Nakao, a demandé aux deux voisins de « mettre de côté leurs différends et de travailler ensemble pour l’environnement».
Primes « de pollution » La pollution aux particules fines est le premier sujet traité sur la page d’accueilde l’ambassade du Japon en Chine. Outre des explicationsetuncomparatifentrelesnormesstrictesretenuesparlesAméricains et celles – plus souples – des Chinois,lareprésentationdiplomatique multiplie les recommandations comme « porter un masque spécial en cas de sortie » ou encore « utiliser des purificateurs d’air à domicile ». En octobre 2013, le médecin de l’ambassade, Kazushi Miyatake, conseillait lors d’un séminaire consacré au sujet, de prendre des vacances loin de la Chine ou de changer de travail. Le ministère japonais des affaires étrangères envisage des primes « de pollution » pour le personnel affecté en Chine. Un pas franchi le 13 mars par le géant nippon de l’électronique Panasonic. Implanté en Chine depuis 1987, le groupe serait la première entreprise de l’Archipel à prendre une telle décision.Contacté,Nissanavoue«réfléchir à la question». Toyota n’a rien prévu,mêmesi leconstructeurparticipeà des recherchessur lesparticules fines – classées cancérigènes en2013 parl’Organisationmondiale de la santé – avec l’université
EDF veut protéger ses personnels en Chine
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Pour les plus de 400 collaborateurs qu’il emploie en Chine, EDF vient de décider d’installer des purificateurs d’air dans ses bureaux. L’électricien français, qui fait surtout appel à une maind’œuvre locale, ne compte sur place qu’une vingtaine d’expatriés, en poste à Pékin, mais aussi à Shenzhen ou à Taishan, deux villes situées dans la province du Guangdong, au sud du pays, qui ne connaît pas les problèmes de « smog » dont souffre la capitale chinoise. A Taishan, EDF mène, avec le groupe français Areva, le chantier de construction de deux réacteurs nucléaires de troisième génération (EPR).
Des Japonais à Osaka, à 2 250 kilomètres de Pékin, le 26 février. KYODO NEWS/AP
Tsinghua à Pékin. Honda aide financièrement ses employés à s’équiper de purificateurs d’air et Canon distribue des masques. Hitachi a fait savoir que certains de ses expatriés renvoyaient leur famille au Japon. Dans le même temps, la pollution est une opportunité d’affaires pour les industriels nippons. Les Chinois achèteraient un million de
purificateurs chaque année. Sur dix vendus dans le pays, quatre le sont par les groupes nippons Panasonic, Daikin ou Sharp. Panasonic, numéro deux du marchéchinoisderrièrele néerlandais Philips, offre une gamme de seize produits pour se protéger contre les effets de la pollution. Ses ventes devraient, pour la deuxième année de suite, afficher un
bond de 50 % à la fin de l’exercice 2013 qui s’achève fin mars. La production de son usine du Guangdong a augmenté de moitié. Daikin, lui, prévoit de vendre 200000 purificateurs cette année, 2,5 fois plus qu’à l’exercice précédent. Le fabricant avoue : « La production n’est pas suffisante pour répondre à la demande.» p Philippe Mesmer
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Pollution de l’air: l’inertie de la France depuis vingt ans Des ministres de l’écologie, de droite comme de gauche, racontent leurs difficultés à adopter des mesures structurelles au-delà de l’urgence aaaSuite de la première page Toutsimplementparce que le sujet est explosif, surtout à l’approche d’échéances électorales. S’y attaquer peut fédérer à la fois la colère des automobilistes qui refusent que leur liberté de circulation soit entravéeet celle des constructeurs quidéfendentlediesel,uneparticularité française puisque plus de 60 % des voitures particulières et des véhicules utilitaires roulent au gazole. A ce concert se joint aussi la voix des agriculteurs dont les engrais rejettent des oxydes d’azote, également toxiques. Résultat: même pour des mesures d’urgence, dont tous les experts conviennent qu’elles ne résolvent en rien cette pollution chronique, « il a fallu bâtir un consensus » reconnaît Philippe Martin, ministre de l’écologie. « La gratuité des transportsreprésente, rienquepour l’Ile-de-France, un coût de 3 millions d’euros par jour. Nous avons dû discuter entre tous les acteurs – Etat, entreprises, maires – pour partager ce fardeau.» « Après le gros pic de pollution de décembre, raconte un proche du dossier, le ministère a voulu organiser une table ronde avec plusieurs élus locaux… Ils ont demandé qu’elle soit repoussée après les municipales.» En réalité, les ministres de l’écologie successifs, de droite comme de gauche, se sont heurtés aux mêmes difficultés. Sans jamais apporter une réponse structurelle à cet enjeu de santé publique. En revenant,parexemple,surlafiscalité avantageuse dont bénéficie le diesel, ou en créant des péages urbains ou des zones où les véhicules les plus polluants sont interdits.
« Il n’y a jamais eu vraiment de volonté politique de s’attaquer au problème», constate Corinne Lepage, titulaire du portefeuille de mai1995àjuin1997,danslegouvernement d’Alain Juppé. « J’ai ouvert le bal en faisant voter la loi sur l’air du 30 décembre 1996, première transcription dans le droit français de la directive européenne sur la qualité de l’air, rappelle-t-elle. Cela aurait pu être une bonne loi, si… elle avait été appliquée, ce qui n’a jamais été le cas. » En cause, « la peurdes politiques,gauche etdroite confondus, face au poids des lobbies». Alors que beaucoup de villes européennes ont mis en place des péages urbains et la circulation alternée, « en France, on ne touche pas à l’automobile», dit-elle. Chantal Jouanno, secrétaire d’Etatà l’écologie,de janvier2009 à novembre2010, dans le gouvernement de François Fillon, déplore
«la solitude» d’un ministre de l’environnement : « J’avais lancé un “plan particules” destiné à protéger les sites les plus sensibles (écoles, etc.). En tout et pour tout, je n’ai pu mobiliser que 30 millions d’euros, unepeccadille.» LasénatriceUDI de Paris explique que «le ministère de la santé s’associe du bout des lèvres à ces démarches estimant que ce n’est pas de son ressort.Celui de l’industrie tient à protéger constructeursautomobilesetconcessionnaires. Et à l’agriculture, pas question de remetttreen cause les techniques intensives…» Delphine Batho, ministre de l’écologie de Jean-Marc Ayrault jusqu’en juillet 2013, n’est pas plus optimiste : « Les Français ont été incités par une fiscalité avantageuse à se tourner vers le diesel, mais ce choix se retourne aujourd’hui contre nous, en termes de santé publique mais aussi en termes
pour la santé de la pollution de l’air sont provoquées hors de ces pics, par la pollution quotidienne», explique Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance Air et santé de l’Institut de veille sanitaire (InVS). La liste des maux est longue: asthme, bronchite chronique, cancer du poumon, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde ou encore problèmes placentaires. En octobre2013, la pollution de l’air extérieur a été classée parmi les « cancérogènes certains» par l’Organisation mondiale de la santé.
Comme lors du dernier pic de pollution, à la mi-décembre2013, les particules fines en suspension dans l’air sont émises par le trafic routier (dont 70% provient, en Ilede-France, de la combustion du diesel), de l’industrie et de l’agriculture. Mais, à la différence du précédent épisode, les chauffages au bois ne fonctionnent plus en raison de la hausse des températures. «Ce pic de pollution est favorisé par un phénomène d’inversion de température, explique Charlotte Songeur, ingénieur d’étude à AirParif, l’agence de surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France. Le sol refroidit fortement pendant la nuit tandis que l’atmosphère se réchauffe rapidement avec le soleil. Les polluants se trouvent piégés sous un couvercle d’air chaud.» Acela s’ajoute une quasi-absence de vents qui ne permet pas la dispersion des particules. «Cette situation est exceptionnelle de par sa durée», estime l’experte.
Sans grande surprise, l’exposition à la pollution est plus forte à proximité du trafic routier. Les automobilistes sont donc les plus touchés. « Loin de protéger les passagers des particules, l’habitacle a plutôt tendance à l’accumuler», explique Géraldine Le Nir, ingénieur à AirParif. Le métro ne protège guère plus. Dans les lignes souterraines, les concentrations en particules fines sont mêmes plus importantes que dehors, à la fois en raison de l’espace confiné mais aussi du frottement des rames lorsqu’elles roulent et surtout freinent. Le bus s’en sort un peu mieux en évitant davantage les embouteillages grâce aux voies réservées. Restent les modes de transport les moins nocifs: la marche à pied et le vélo, en raison de l’absence d’environnement confiné et de la possibilité de s’éloigner du flux de circulation via, par exemple, les pistes cyclables. Et à condition de pédaler à un rythme modéré pour éviter l’hyperventilation et donc l’inhalation excessive de polluants. p
«Les pics de pollution déclenchent surtout des crises d’asthme, des irritations de la gorge et des yeux. Mais 95% des conséquences
naientle problème dudiesel sans s’y attaquer, pénalisant les plus pauvres». Philippe Martin ne veut pas entendre parler à nouveau « d’écologie punitive», celle qui taxe. Trop dangereuxà la veille des municipales. « La lutte contre la pollution de l’air est un sujet qui me tient à cœur. Il y aura donc un volet sur ce sujet
dans la future loi sur la transition énergétique. Et, après en avoir avertiArnaud[Montebourg], jevaisréunir bientôt les grands patrons de l’automobilepourévoqueravec eux l’évolution de leur production. » Mais de la taxation du diesel, «il ne sera pas question». p Marie-Béatrice Baudet et Pierre Le Hir
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La France pourrait être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à verser plusieurs millions d’euros par an pour non-respect des seuils de pollution de l’air. La procédure a été lancée en 2011 par la Commission européenne. Le contentieux porte sur onze agglomérations ou régions dépassant le seuil maximal de pollution plus de trente-cinq jours par an et qui n’étaient pas dotés à cette date de plan de protection de l’atmosphère. Le ministère de l’écologie assure que sept de ces plans ont été adoptés et que les quatre derniers le seront d’ici à juillet.
ON RESPIRE MAL dans une grande partie de la France et cela dure. Le niveau d’alerte, atteint à partir d’une concentration de 80 microgrammes de PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 microns) par mètre cube d’air, a encore été dépassé, jeudi 13mars, dans plus d’une trentaine de départements de la moitié nord de l’Hexagone. En Ile-de-France, le seuil de 100µg/m3 a été franchi. Dans une vingtaine de départements, le seuil d’information (à partir de 50µg/m3), a été déclenché pour la neuvième journée de suite.
Quel est l’impact sanitaire ?
industriels », observe la députée (PS) des Deux-Sèvres. « Dans mon ministère, je me suis heurtée à une inertie générale sur ce sujet. » Ellemême a renoncé, en septembre 2012, à mettre en place des « zones d’action prioritaires pour l’air». Ces espaces visant à interdire aux véhicules les plus polluants l’accès aux centres-villes « contour-
Paris bientôt condamné par Bruxelles ?
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Pourquoi l’air est-il pollué en hiver ?
Paris dans un brouillard de pollution, le 13 mars. RÉMY DE LA MAUVINIÈRE/AP
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Manuel Valls, l’homme qui n’en savait rien Le ministre de l’intérieur revendique avoir appris les écoutes de Nicolas Sarkzoy dans «Le Monde»
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l n’a rien vu, rien entendu, rien su. Manuel Valls campe sur sa positionde départ: c’està la lecture du Monde du 7 mars que le ministre de l’intérieur, à sa grande stupéfaction,adécouvertl’existence d’écoutes téléphoniques visant Nicolas Sarkozy (Le Monde du 14 mars). Christiane Taubira, JeanMarc Ayrault, François Hollande, tous ont – plus ou moins – varié et divergé dans leurs versions. Pas lui. Son cabinet concède tout juste, vendredi 14 mars, que M. Valls a été informé des perquisitions du 4mars chez l’avocat de M. Sarkozy, Thierry Herzog, et le premier avocat général près la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Sans poser plus de questions que ça. Cela fait du ministre de l’intérieur, dans cette affaire, un véritable récidiviste de l’ignorance. Il n’aurait,toutd’abord,pas étéinformédelamise enplace d’undispositif d’écoutes de l’ancien chef de
M. Valls atteint dans ce dossier les limites du «ni vu ni connu» déjà expérimenté au moment de l’affaire Cahuzac l’Etat en septembre2013, puis des soupçons de trafic d’influence qui sont nés des conversations interceptées entre le 28 janvier et le 11 février par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). « Je n’avais pas à être informé de l’existence de ces écoutes et encore moins de leur contenu», répète au Monde M. Valls. Il a été appuyé sur ce point par Christian Lothion, directeur central de la police judiciaire (DCPJ) jusqu’au 31 décembre 2013. « Les juges agissent en toute indépendance, assure le ministre. Ils avaient bien évidemment conscience que l’affaire était très sensible. Quand ils procèdent à des écoutes, ils ne veulent pour rien au
Le ministre de l’intérieur à l’Elysée, le 17 février. « Je ne convoque pas chaque matin le DCPJ en demandant des informations sur les écoutes », dit-il au « Monde ». A. FACELLY/DIVERGENCE
monde que cela sorte. Les officiers de police judiciaire qui travaillent pour eux sont extrêmement sûrs. » « Quand il n’y a pas de risque que le ministre informe la personne mise sur écoute, il n’y a pas de raison de ne pas lui dire », relativise un haut responsable policier. Mais la non-information du ministre ne s’arrête pas là, puis qu’il n’aurait ensuite pas été averti par Christiane Taubira lorsque celle-ci prend connaissance du dos-
sier, le 26 février. Et personne – ni la ministre de la justice ni le premierministre,prévenuselonMatignon deux jours plus tard – n’auraitjugébond’alerterle ministre de l’intérieur. Seule concession, donc, le cabinet de M. Valls reconnaît avoir été informé des perquisitions du 4 mars. « Quand un acte de procédure judiciaire va avoir un effet sur l’ordre public, un retentissement médiatique ou peut nécessiter des
mesures de surveillance, il est bien évident que le ministre de l’intérieur est informé. On était prévenu, assure-t-on place Beauvau. Mais être prévenu de l’acte qui va avoir lieu chez Untel, et savoir qu’il va avoir lieu pour tel motif et pour tel chef de poursuite, ce n’est pas la même chose. » Le problème, c’est qu’au ministère de l’intérieur, dans ce domaine, « rien n’est formalisé, car tout est illégal », résume avec humour
Hollande dans le piège du contre-modèle sarkozyste Analyse Surtout, ne pas procéder comme Nicolas Sarkozy. Ne rien faire qui donne l’impression d’agir à sa façon. Ne rien dire qui rappelle de près ou de loin le personnage. Une nouvelle fois, les événements montrent qu’il s’agit là, dans l’écosystème « hollandais», d’un impératif catégorique. Cette volonté quasi obsessionnelle de se démarquer de Nicolas Sarkozy est ainsi pour beaucoup dans la sidérante confusion qui a saisi le sommet de l’Etat après que Le Monde eut révélé, le 7 mars, le placement sur écoutes de l’ancien président de la République. C’est à cette aune qu’il faut comprendre la manière dont l’exécutif a réagi. Cette réaction peut se résumer ainsi: « Nous ne savions pas, nous n’étions au courant de rien, nous n’avions d’ailleurs pas à l’être.» Voilà en substance ce qu’ont expliqué Jean-Marc Ayrault, Christiane Taubira et Manuel Valls. La main
sur le cœur, tous ont juré que c’est en lisant le journal qu’ils ont tout découvert. Bel hommage à la presse ? Plutôt un fier aveu d’ignorance. En l’occurrence, ne pas savoir était censé pour eux être une marque de vertu. La connaissance, à l’inverse, aurait été suspecte. En d’autres temps, l’échelle des valeurs était tout autre. Quand, en juin2005, en pleine affaire Clearstream, Nicolas Sarkozy fit son retour place Beauvau après un bref séjour au ministère de l’économie suivi de quelques mois à l’extérieur du gouvernement, il avait expliqué: « Je serai mieux protégé au ministère de l’intérieur que par les permanents de l’UMP.» Plus tard, quand il était chef de l’Etat, il n’était pas rare que l’exécutif fasse remonter des informations issues de procédures judiciaires, voire le reconnaisse. Exemple : ce communiqué du 22 septembre 2011 dans lequel l’Elysée affirmait que, « s’agissant de l’affaire dite de Karachi, le nom du
chef de l’Etat n’apparaît dans aucun des éléments du dossier». Une phrase imprudente prouvant que l’Elysée avait connaissance de l’intégralité du dossier judiciaire.
« Dérives destructrices » Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a vivement condamné de telles pratiques. Dans son livre Changer de destin (Robert Laffont, 2012), publié deux mois avant le premier tour, il s’était engagé à y mettre un terme. « La présidence qui était annoncée comme irréprochable est devenue irrespirable, tant les interventions de toute nature et à tous niveaux ont pesé sur le cours des enquêtes policières et judiciaires. Je mettrai fin, une fois pour toutes, à ces dérives destructrices pour la confiance publique et humiliantes pour les magistrats », écrivait le candidat du PS. Deux ans plus tard, François Hollande et les siens interprètent cet engagement de façon maxima-
liste. Pour convaincre l’opinion qu’ils n’interfèrent pas dans le fonctionnement de la justice, ils assurent qu’ils ne sont au courant de rien. Ils confondent savoir et agir. Ils sous-entendent que, pour être honnête, il faut être ignorant. Le problème est que cette ligne de défense est intenable. Elle n’a d’ailleurs pas tardé à se fissurer. Après avoir juré le contraire, M.Ayrault et Mme Taubira ont ainsi reconnu qu’ils avaient eu connaissance des écoutes visant l’ancien chef de l’Etat quelques jours avant que Le Monde ne les révèle, ce qui n’a rien de condamnable. Ces aveux sont politiquement dévastateurs. Ils minent la crédibilité d’un gouvernement qui en a déjà fort peu. Ils démonétisent sa parole. Cruel paradoxe: soucieuse de se démarquer en tout point de Nicolas Sarkozy, la gauche au pouvoir émousse elle-même les armes qui lui permettraient de le combattre. p
Thomas Wieder
un commissaire. Légalement, l’autorité administrative ne doit pas être informée des détails et de l’avancement d’une enquête judiciaire. Le directeur général de la police nationale (DGPN), le préfet Claude Baland, s’est d’ailleurs aligné sur la position de son ministre : lui aussi n’a rien su jusqu’au 7 mars. En pratique, le DGPN et le ministre sont pourtant informés chaque jour d’affaires et de dossiers, dans un grand flou juridique. Sur le terrain, les enquêteurs se trouventconfrontésà une triple hiérarchie: juge d’instruction,parquet, police. « Tu es entre les trois et tu jongles », explique l’un d’eux. Dans l’entourage du ministre de l’intérieur, les sorties médiatiques de l’ancienne patronne de la PJ de 2004 à 2008, Martine Monteil,prochede Nicolas Sarkozy,irritent au plus au point. Mme Monteil a jugé « invraisemblable » que le ministre ne soit pas au courant. « Il est inquiétant que le non-respect du droit apparaisse comme la norme, y compris parfois dans la presse. On en vient à s’étonner que ce gouvernement n’utilise pas les mêmes méthodes que ses prédécesseurs ! », juge le ministre. « C’est la premièrefoisquej’entendsundirecteur central de la PJ laisser entendre qu’il a violé la loi avec constance», appuie le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale,Jean-JacquesUrvoas(PS, Finistère), un proche de M. Valls. Le ministre de l’intérieur atteint dans ce dossier les limites du « ni vu-ni connu » déjà expérimenté au moment de l’affaire Cahuzac. Il était alors habilement passé entre les gouttes, alors que
son collègue de l’économie, Pierre Moscovici,vivaitdes semainesdifficiles. La stratégie avait à nouveau été utilisée en début d’année lors de la publicationpar Closerde photos révélant la relation du président avec l’actrice Julie Gayet, un épisode qui avait posé la question de la sécurité du chef de l’Etat. A droite mais aussi à gauche, la méthodeexaspère. « Il n’est jamais au courant de rien. Cahuzac, Gayet… Si le ministre de l’intérieur n’est pas informé par le DCPJ qu’il y a des écoutes, alors il ne sert à rien », s’agace un vieil ami du chef de l’Etat. « Qui peut le croire ? », a demandé l’ancien premier ministre Alain Juppé. « On est en droit de se demander comment Manuel Valls n’est pas informé. C’est soit qu’il a menti, soit qu’il est ridicule», a attaqué le patron de l’UMP, JeanFrançoisCopé, qui résume là lepiège tendu par l’opposition. «Detoute façon, ilperd,diagnostique un dirigeant du PS. Soit il était informé, et c’était le manipulateur. Soit il ne l’est pas, et on dit qu’il est mauvais. Donc, il ne veut pas semettredans l’épisode,ou plutôt, il s’en extrait. La com’de Valls, c’est : circulez, il n’y a rien à voir. » Mais le ministre de l’intérieur est contraint d’assumer : « Je ne convoquepas chaque matin le DCPJ en demandant des informations sur les écoutes. C’est le mondeà l’envers,onjettelasuspicionsurdespratiques saines. Il ne reste plus qu’une alternative: “Soit on ment, soit on est un imbécile.” Face à cela, il faut garder son sang-froid. » Et laisser passer, une fois de plus, l’orage. p Laurent Borredon et David Revault d’Allonnes
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Jean-ClaudeMailly: «Le pacte de responsabilitén’est qu’unpactede complaisance» Le secrétaire général de Force ouvrière durcit le ton contre la politique économique du gouvernement
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vant la journée d’actions que FO organise, mardi 18 mars, avec la CGT, la FSU et Solidaires, son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, explique sa stratégie. Il dénonce le pacte de responsabilité après avoir refusé de signer un relevé de conclusions sur les contreparties aux baisses de charges. Jeudi 13 mars, le bureau national de la CFDT a décidé à l’unanimitéde ratifier ce texte signé par la CFTC et la CFE-CGC. « Marché de dupes », « pacte austère d’unité nationale »… Vous ne trouvez aucune vertu au pacte de responsabilité ?
Non, sur la méthode et sur le fond. Quand on parle de confiance, comme le président de la République l’a fait, on discute avec ses interlocuteurs avant de lancer une idée. Or, nous avons découvert le pactede responsabilitéle31décembre. Quand on procède ainsi, on ne peut pas parler de dialogue social. Sur le fond, le président annonce des allégements de charges pour les entreprises d’un montant de 30 milliards d’euros et il demande auxsyndicatset au patronatde discuter des contreparties en termes d’emploi et de rémunération. Or, personne ne peut imposer à une
«FOn’estpasdansune oppositionpolitique. Nousconsidéronsqu’il n’yapaseuderupture surlapolitique économique» entreprise d’augmenter ses effectifs ou ses salaires. Et quand je regarde le relevé de conclusions, cet objet juridique non identifié, qu’est-ce qu’il y a comme engagements? Rien. C’est un recyclage de l’agendasocialparitairede novembre 2013. Ce n’est donc qu’un pacte de complaisance.
Vous refusez de prendre en compte « l’intérêt général » et de céder aux « sirènes de la soi-disant responsabilité ». Mais quand la crise économique et sociale est d’une telle gravité, n’est-il pas nécessaire que le patronat, les syndicats et l’Etat cherchent ensemble des solutions ?
Nous ne sommes pas gestionnaires de l’intérêt général. Nous n’avons pas vocation à gérer les entreprises ou l’Etat. Nous représentons les intérêts matériels et moraux des salariés. Cela ne veut pasdire quenous ne nous préoccupons pas de la société. Quand nous disons non au pacte, nous sommes responsables car nous sommes dans notre rôle syndical. La responsabilitén’est pasd’êtrebénioui-oui. Penser, c’est aussi savoir dire non. Nous sommes prêts à chercher des solutions avec le patronat, il n’y a pas de tabou.
Mais si l’objectif est d’arriver à un diagnostic partagé, par exemple, sur la réduction du coût du travail, notre réponse est non.
Vous réclamez une autre politique basée sur la relance du pouvoir d’achat, le développement des services publics et des investissements industriels. Vous tenez pour nulle et non avenue la réduction des déficits publics ?
Aujourd’hui, une bonne partie des décisions relève de l’Europe. Nous sommes européens, mais nous sommes critiques sur la manière dont l’Europe se construit. Quand on a une monnaie commune, un Etat n’a plus la mainmise sur la monnaie. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas de marge de manœuvre mais la France s’est placée en situation de dépendance ensignantlepactebudgétaireeuropéen. On met bien plus l’accent sur les3 % de déficitbudgétairequesur l’envolée de la dette publique. On est dans une logique comptable. Vous parlez de « résistance », de « défense » et de « maintien » des acquis sociaux. Ne craignezvous pas de donner l’image d’un syndicalisme préférant le confort de l’immobilisme à l’audace de la réforme ?
Non. Dans les périodes de crise, une part importante de l’activité syndicale est une activité de résistance. Résister, c’est un élément de progrès. On n’accepte pas que les salariés paient les conséquences d’une crise dont ils ne sont pas responsables.L’austéritéest économiquement,socialementet démocratiquement suicidaire. Vous êtes contre les réformes de l’Etat-providence ?
Je n’aime pas cette formule. On est dans une logique de réduction coûte que coûte du déficit budgétaire sans se préoccuper de la protection sociale et des services publics. Nous sommes très attachés aux valeurs de la République. L’égalité républicaine, c’est l’égalité de droits. Nous sommes prêts à débattre sur le financement des allocations familiales. Mais, là on annonce une baisse des cotisations patronales sans aucun débat. On nous dit que cela n’aura pas d’incidence sur les prestations, eh bien j’en doute. FO a offert longtemps l’image d’un syndicalisme prompt à signer des accords. Aujourd’hui, vous faites la grève du stylo ?
On ne fait pas la grève du stylo. Je suis un homme tranquille, je n’ose pas dire une force tranquille mais pourquoi pas ? Nous sommes partisans de la négociation car c’est un élément de l’indépendance syndicale. Nous ne rentrons jamais dans une négociation en disant qu’on va signer ou non. Ce qui compte c’est le contenu de l’accord. La mobilisation du 18 mars estelle dirigée contre le pacte de
«La CFDT a un côté syndicat officiel» La CGT est votre nouvelle meilleure amie ?
Non, l’histoire est tenace. Quand nos positions concordent avec celles d’autres confédérations, on est dans l’action commune. Cela n’anticipe en rien je ne sais quelle recomposition du paysage syndical. Et de son côté, la CFDT est-elle votre adversaire ?
Ce n’est pas un adversaire, mais elle a un côté syndicat officiel. Elle tamponne tout, c’est son
choix. Depuis l’élection présidentielle, elle n’a rien refusé.
Votre prédécesseur à la tête de Force ouvrière, André Bergeron, parlait à son sujet de « parti syndical »…
Ce n’était pas une mauvaise formule. La CFDT pense qu’elle peut gérer les entreprises aussi bien que les patrons et l’Etat aussi bien que les politiques. Ils sont cogestionnaires, dans une logique d’intérêt général. On ne pratique pas le même syndicalisme. p
responsabilité alors que la CGT et la FSU étaient réticentes ?
Dans l’appel, il y a une critique du pacte de responsabilité. L’accent est mis sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la protection sociale et les services publics mais tout est lié. FO va confirmer son opposition au pacte de responsabilité. En 2013, vous avez manifesté avec la CGT contre l’accord sur l’emploi et la réforme des retraites avec un faible écho. Ne craignez-vous pas qu’il en soit de même le 18 mars, surtout à cinq jours du scrutin municipal ?
Je suis assez optimiste car il y a plus d’appels à des grèves et à des manifestations que d’habitude. A un moment donné, quand trop c’est trop, il faut qu’il y ait une
Jean-Claude Mailly, à l’Elysée, le 21 janvier. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »
expression sociale, c’est mieux pour la démocratie. Pour vous, M. Hollande a-t-il pris des mesures positives ?
FO n’est pas dans une logique d’oppositionpolitique.Nousconsidérons qu’il n’y a pas eu de rupture
sur la politique économique. On a obtenu des choses – un nouveau commissariat au Plan, le crédit d’impôt pour les syndiqués, les mesures sur les stages ou les travailleurs détachés. Mais le président a eu tort de parler de compro-
mis historique. L’histoire se juge après, pas avant. p
Propos recueillis par Michel Noblecourt
n Sur Lemonde.fr
Lire l’entretien en intégralité.
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Samedi 15 mars 2014
Jean-FrançoisCopé un peuplusaffaibli à la têtede l’UMP
Les sondeurs dans le brouillard à moins de dix jours des municipales
J
L
Déjà contesté au sein du parti, le dirigeant doit faire face à une enquête préliminaire ean-François Copé pensait pouvoir bénéficier d’un peu de répit avant les élections municipales. Après s’être retrouvé dans l’œil du cyclone début mars pour des accusations de favoritisme, le président de l’UMP avait vu ses ennuis passer au second plan avec la révélation, le 7 mars, des affaires concernant Nicolas Sarkozy. Partant du principe qu’un sujet chasse l’autre, M. Copé était repassé à l’offensive ces derniers jours. Dans l’affaire des écoutes de l’ex-président, il dénonçait « un espionnage politique» de la part du gouvernement et réclamait la démission de la ministre de la justice, Christiane Taubira. Celui qui se pose en chef de l’opposition retrouvait des couleurs. Mais patatras! Jeudi 13 mars, Le Monde révèle que le parquet de Paris a ordonné huit jours plus tôt une enquête préliminaire le visant implicitement. Son objectif : vérifier s’il a favorisé la société Bygmalion, fondée par ses proches, pour l’organisation de meetings de la campagne présidentielle de 2012, comme l’en accuse Le Point. M. Copé minimise la portée de cette enquête judiciaire. « J’en
« C’est une chose de vouloir mon départ par jalousie, cela en est une autre de trouver une alternative » Jean-François Copé président de l’UMP
prends acte. C’est une opportunité de montrer que notre gestion est tout à fait rigoureuse, après avoir étégravementsalieparune campagnede presse »,affirme-t-ilauMonde. Persuadé que l’annonce de cette enquête vise à nuire à la droite dix jours avant le premier tour des municipales, son entourage accuseMichelSapind’enavoirétéinformé à l’avance. Le ministre a évoqué jeudi matin sur Europe 1 des « juges » qui « continueront à faire leur travail » au sujet de M. Copé. Au-delàde la polémique,la révélation de cette procédure judiciaire tombe mal pour le numéro un de l’UMP. L’épisode peut avoir un effet démobilisateur sur les électeursde droiteavant les municipales, alors que M. Copé mise sur une victoire de son camp pour légitimer sa position à la tête du parti. Unepositiondeplusen plusfragilisée. Au sein du parti, beaucoup le jugent « carbonisé», estimant que sa mise en cause dans l’affaire Bygmalion l’affaiblit un peu plus. « Son image est sulfureuse, assène un de ses opposants internes. Après être passé pour le tricheur face à Fillon, il passe maintenant pour un magouilleur.»
Leprincipalintéressélepaienettementdans les sondages, oùil reste scotché dans les profondeurs des baromètres de popularité. Sa cote – déjà très basse – chute de six points dans le tableau de bord IFOP-Paris Match diffusé le 11 mars. De 37 % de bonnes opinions, il passe à 31 %. Plus grave : il perd sept points chez les sympathisants UMP, son cœur de cible. « C’est un dégât d’opinion préoccupant pour JeanFrançois Copé, qui reste le malaimé des sondages », observe Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP. « Tout cela doit être remis en perspective », relativise M. Copé. Celui qui n’a pas renoncé à ses ambitions élyséennes pour 2017 compare son parcours à celui d’illustres chefs d’Etat : « Dans l’histoire de notre pays, des leaders de premierplan telsClemenceau,de Gaulle, Chirac ou Sarkozy ont aussi connu des campagnes de presse contre eux et des cotes de popularités moins bonnes ensuite. » Sauf que certains, à l’UMP, se demandent si le parti peut garder à sa tête le dirigeant le plus impopulaire de l’opposition jusqu’à la fin de son bail, prévu en novembre 2015. Ses rivaux internes, qui n’ont jamais vraiment reconnu sa légitimité, rêvent de le déloger avant. « On ne peut pas rester avec un président si impopulaire», tranche un filloniste. Même un copéiste se demande « comment un chef departi aussidémonétisépeuttenir jusqu’aux régionales de 2015 ». François Fillon et ses soutiens projettent de mettre la pression sur M. Copé après les municipales. L’ex-premier ministre a prévenu que son meilleur ennemi devrait « s’expliquer » sur sa gestion des finances, laissant entrevoir là une réouverture de la guerre des chefs qui a failli provoquer une scission dupartifin2012.«L’ampleurdecette opération anti-Copé dépendra du score de l’UMP aux municipales », analyse un poids lourd de la droite. LesmenacesducampFillonlaissent M. Copé de marbre. Ce dernier exclut de quitter sa citadelle assiégée après avoir bataillé si dur pour la conquérir. Il assure qu’il ne démissionnerapas et rappelle qu’il a été « confirmé dans [s]es fonctions par 93 % des militants en juin ». « Avec moi, la maison est tenue», prétend-t-il.« Copéne capitulera jamais. Il se suicidera dans son bunker», enrage un filloniste. Le numéro un de l’UMP s’estime protégé par le manque de prétendants à sa succession, ne voyant pas qui pourrait le remplacer : « C’est une chose de vouloir mon départ par jalousie, cela en est une autre de trouver une alternative.» Ses rivaux y verront, en creux, le portrait d’un président par défaut. p Alexandre Lemarié
MUNICIPALES
A Paris,Anne Hidalgo menacéeparl’abstention
Un sondage CSA pour BFMTV, Orange et Le Figaro, publié jeudi 13 mars, montre une certaine démobilisation à gauche pour les municipales à Paris. Dans l’électorat de la candidate PS, Anne Hidalgo, 49 % de personnes interrogées se déclarent certaines d’aller voter. Un chiffre en baisse de 5 points par rapport à janvier. La participation de l’électorat de la candidate UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, resterait stable à 60% (– 1 point). Le sondage a été réalisé par Internet du 10 au 12mars auprès d’un échantillon représentatif de 802 personnes âgées de 18 ans et plus. p
Justice « Mur des cons » : la présidente du Syndicat de la magistrature mise en examen
Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature, a été mise en examen le 17 février pour « injures publiques » par la doyenne des juges, Sylvia Zimmermann, dans l’affaire du « mur des cons », ce panneau de photos de personnalités affiché dans les locaux du syndicats.
L’importance et les effets du vote FN et de l’abstention, notamment, sont difficiles à jauger es sondages se suivent, ville après ville, à un rythme de plus en plus effréné à mesure que se rapprochent les élections municipales des 23 et 30 mars. Que faut-il retenir de tous ces instantanés? Permettent-ils de dessiner une tendance générale ? Décryptage avec les sondeurs, qui se montrent très prudents.
Une « vague bleue » ? «Ilyaobjectivement des indicateurs nationaux très mauvais pour la gauche. La popularité de l’exécutif est au plus bas. On observe, en réponse à nos questions, une forte volonté de sanctionner, à travers les municipales, sa politique », constate Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP. Pour autant, faut-il s’attendre à une « vague bleue » ? Rien n’est moinssûr. « C’est trèsdifficileà évaluer », tempère M. Dabi. « Jamais lesélectionsmunicipalesn’ontsemblé aussi locales », constate JeanMarc Lech, coprésident d’Ipsos. « Il n’y a pas de tendance claire », juge Yves-Marie Cann, directeur chargé de l’opinion chez CSA. « Il n’y aura pas de raz-de-marée», estime aussi Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Bref : à quelques jours du premier tour, le brouillard reste épais, même si la droite devrait regagner du terrain. La présence probable du Front national au second tour dans de nombreuses villes est pour beaucoup dans ce grand flou. « Le FN se présente dans près de 600 villes et la barre du maintien au second tour n’est plus qu’à 10 % des suffrages exprimés. Le FN peut jouer le rôle d’amortisseur pour la gauche », constate M. Dabi. « La tendance devrait être à une érosionde la gaucheet à unestabilité pour l’UMP. La droite va pâtir du nombre nettement plus élevé qu’en 2008 de listes du FN, qui mordent surtout sur son électorat traditionnel», appuie M. Cann. Dans certaines villes phares, le rôle clé du FN semble ainsi évident. « A Strasbourg, s’il est au second tour, il mettra en grande difficulté l’UMP, dans l’une des élections les plus observées», illustre M.Cann. Où en est, justement, le parti de Marine Le Pen ? « En février, on a observé un tassement des intentions de vote en faveur du FN, qui semblait profiter à l’UMP. Mais
dans nos derniers sondages, cela ne se confirme pas», prévientM. Dabi. « L’électorat FN est le plus sensible auxquestionsnationales.Lasuccession des affaires, en ce moment, peut être de nature à consolider ce vote», estime M. Teinturier. L’abstention va-t-elle arbitrer le scrutin ? La question de « l’absten-
tion différentielle», ou la capacité de chaque camp à mobiliser plus que l’autre son réservoir d’électeurs, s’annonce déterminante. «D’aprèsce quel’on observeaujourd’hui – cela peut bouger –, on pourrait dépasser le record absolu d’abstention pour des municipales. Dans plusieurs grandes villes, elle peut dépasser 50% », juge M.Teinturier. Qui, de la droite ou de la gauche, saura le mieux persuader ses sympathisants de se rendre aux urnes, dans un climat global de rejet des politiques ? Cette question est d’autant plus sensible lorsque la participationest faible. «La mobilisation a été la clé de toutes les grandes “vagues”, comme celle pour la droite en 2008 ou la gauche en 2010 », rappelle M. Dabi. A priori, les sondeurs donnent pour l’instant un assez net avantage, en la matière,à la droite, souventde l’ordre de 4 à 5 points. « Il y a, globale-
ment, de bons chiffres de mobilisation de l’électorat UMP. Mais il y a de grandes variations locales », tempère M. Teinturier. Autreincertitude : la succession d’affaires (Copé, Buisson, Sarkozy) peut-elle peser sur les votes ? « C’est difficile à dire mais je ne le crois pas. C’est un vote avant tout local », estime M. Teinturier. « Les affaires ne modifient pas les rapports de force, mais elles peuvent jouer sur la mobilisation», pointe cependant M. Dabi. Le climat délétère des affaires, avec son lot de rebondissementsquotidiens,ajoute aux incertitudes. Les sondages municipaux sontils fiables ? Les échantillons sur
lesquels se fondent les sondages municipaux sont souvent plus réduitsqueceuxutilisés,parexemple,pendantlaprésidentielle:environ 600 personnes interrogées contre 1 000. La fameuse « marge d’erreur» s’en trouve mécaniquement – un peu – augmentée, même si cette jauge à 600 sondés demeure pertinente selon la Commission des sondages, l’instance de contrôle du secteur. Autre souci, l’évaluation de la mobilisation est, reconnaissent les sondeurs, moins fiable que cel-
le des intentions de vote. « C’est le point que les sondages ont le plus de difficulté à mesurer, alors que cela peut impacter fortement le résultat final. L’abstention fragilise les outils de mesure », prévient M.Teinturier. La prévision des seconds tours, alors que les résultats des premiers ne sont pas connus, demeure elle aussi très fragile. « L’ordre d’arrivéeau premier tourest fondamental,avecunavantageaucandidat arrivé en tête. Il y a un effet “vote utile” au second tour », rappelle M.Dabi. « L’une des principales difficultés est d’évaluer la qualité des reports de voix, entre listes de gauche comme entre listes de droite », poursuit M. Cann. D’autant que ces reports peuvent dépendre de négociations locales compliquées, qui n’ont pas encore eu lieu… Enfin, dernier écueil, pour les municipales, le nombre de sondages réalisés par ville est sans commune mesure avec celui des études menées sur une élection présidentielle. « Il n’y a pas de séries », relèveM. Dabi.Si, en 2008,les instituts de sondages avaient donné des estimations plutôt satisfaisantes, ce ne fut pas le cas en 2001, mauvais cru pour les sondeurs. p Pierre Jaxel-Truer
M.Mennuccienquêtede«symboled’intégrité»àMarseille S’il est élu maire, le candidat PS ferait de Laurence Vichnievsky, l’ex-juge, sa première adjointe Marseille Correspondance
P
atrickMennucciauramisplusieursmois à convaincreLaurence Vichnievsky de le rejoindre. Mais le candidat PS à la mairie de Marseille n’a pas traîné pour exploiter à fond la présence à ses côtés de la magistrate qui, avec Eva Joly, a instruit l’affaire Elf dans les années 1990. Le 13 mars, en présentant les mesuresqu’ilprendraitdanslessix mois s’il était élu, M. Mennucci a fait une annonce très symbolique: il fera de Mme Vichnievsky sa premièreadjointes’il l’emporte.« C’est un choix de clarté à l’égard des Marseillais, a-t-il expliqué. Mme Vichnievsky est un symbole d’intégrité et le signequelechangementestenmarche du côté de nos listes.» Coup médiatique pensé de longue date ou volonté soudaine de créer un déclic dans une campagnequi a dumal à convaincre?Laurence Vichnievsky,qui a rejoint les listes PS-EELV il y a dix jours, refuse d’entrer dans ce débat. « J’ai beaucoup réfléchi avant de m’engager auprès de Patrick Mennucci, précise-t-elle. Il n’y a eu aucune
négociation, aucune demande de ma part. Mais il était clair, pour lui comme pour moi, que je n’envisageais pas de faire de la figuration. » Avocate générale près la cour d’appel de Paris, Mme Vichnievsky vit entre la capitale et Marseille depuis 2010. Elue au conseil régional PACA, écologiste sans étiquette siégeant avec le groupe EELV, c’est à la région qu’elle a appris à connaître le député PS, dont elle disait, il y a six mois, apprécier « les qualités de travail et de rigueur». Si Mme Vichnievsky refuse de se voir comme le futur «gendarmede la mairie », sa présence est une aubaine pour le PS marseillais. Plombésparles multiplesmises en examen du président du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, mais aussi par la condamnation, en mai 2013, de la députée Sylvie Andrieux à un an de prison ferme pour détournements de fonds publics, dont elle a fait appel – le procès est prévu en juin–,lessocialistesmarseillaispeinent à se débarrasser d’une réputation de clientélisme. Dès qu’il le peut, le sénateur et maire UMP Jean-Claude Gaudin rappelle que ses principaux adver-
saires « doivent tout à M. Guérini », et « qu’à Marseille, les affaires sont plutôt chez les socialistes ». La candidature de Pape Diouf, qui peut coûter des voix à la gauche, s’est construite,elle, sur la volontéd’apporter « de l’éthique au cœur des finances publiques».
« Tout est clair » Au printemps 2013, dès le lancement des primaires, Patrick Mennucci et la ministre Marie-Arlette Carlottiontpourtantfaitdel’installation d’une nouvelle gouvernance pour Marseille et de la lutte contre le clientélisme deux de leurs thèmes principaux. Le 28 février, Mme Carlotti, candidate PS-EELV dans le 3e secteur, a demandéà tous ses colistiers de signer une charte d’éthique. Autre symbole, plus discret : les fondateurs du groupe Renouveau PS 13, Laurent Lhardit et Pierre Orsatelli, pourfendeurs du « système Guérini» depuis 2011, ont trouvé place sur les listes. Ces messages se trouvent considérablementtroubléspar les déclarations de plusieurs adjoints d’arrondissement de Patrick Mennucci, l’accusant dans la presse d’avoir géréles candidaturesde «façon cla-
nique» et d’accueillir, pour préserver les équilibres locaux, « des guérinistes sur ses listes ». « Avec ma nomination, tout est clair, riposte Laurence Vichnievsky. On tourne la page ! » Quatre jours auparavant, en marge d’un meeting sur le Vieux-Port, elle concédait pourtant que « les signes de changement étaient plus nombreux dans le programme de M. Mennucci que sur ses listes ». Aujourd’hui,lamagistratepréfère s’en tenir aux mesures annoncéespar son candidat: «La transparence des finances municipales, la findelacogestiondelavilleavecForce ouvrière, la disparition du “finiparti” [usage permettant aux éboueurs de quitter leur travail sitôt leur tournée terminée] sont autant de points sur lesquels je ne transigerai pas.» «Pas sûr que cette annonce nous fasse gagner beaucoup de voix dans les cités, s’amusait, jeudi, un cadre du PS marseillais. Mais, pour tous les électeurs de gauche qui hésitaient à croire que Patrick Mennucci veut vraiment changer les méthodes, la présence de Mme Vichnievsky est une garantie.» p Gilles Rof
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Samedi 15 mars 2014
Enseignement du «genre»: malaise au sein des écoles catholiques
L’«alchimiste» indiende Tremblayqui transformait l’argentde la drogueen or
La police vient de démanteler l’un des plus gros Trois directeurs diocésains ont adressé une lettre à leurs établissements exprimant leur inquiétude réseaux de blanchiment de trafic de stupéfiants
C
omment, en une semaine, l’argent du cannabis marocain vendu en France se transforme-t-il en or sur les étals desmarchésde Madras?Un «alchimiste » indien, domicilié en SeineSaint-Denis, a trouvé la recette. Les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) viennent de lui arracher son grimoire. Après dix mois d’enquête, ils ont ainsi fait tomber l’un des plus importants réseaux de blanchiment d’argent de la drogue jamais démantelés en France. Les policiers l’appellent « l’Indien». Dans son modeste appartement de Tremblay-en-France, ce chômeur de 32 ans originaire du Tamil Nadu vivait chichement depuis des années, ne se déplaçant qu’en métro ou dans une voiture hors d’âge. Derrière sa routine discrète de bon père de famille, Sayed, à la tête d’une galaxie de sociétés écrans basées à Dubaï, Tanger, Madras, Bangkok et Hongkong, brassait des dizaines de millions d’euros. Il a été mis en examen pour « blanchiment de stupéfiants », jeudi 13 mars, ainsi que neuf membres de son réseau, a annoncé le procureur de la République de Paris, François Molins. En France, le marché du cannabis est estimé à 3 milliards d’euros annuels, un flux permanent de liquidités que les grands trafiquants marocains s’empressent de blanchir au plus bas coût. Ils délèguent cette mission à une poignée de « banquiers» établis à Tanger ou Casablanca, chargés de contacter les « blanchisseurs » les moins chers.Le secteur est très concurrentiel.Sayedn’avaitpasd’équivalent: il ne prenait pas de commission.
Bijoux et café moulu Depuis au moins quatre ans, il récupérait le fruit de la vente du cannabis auprès de « collecteurs » français opérant pour des trafiquants marocains. Il se chargeait de l’acheminer à Bruxelles dans des sacs de sport remplis de billets. Une partie de cet argent était réinvestie dans de l’or, fourni par un fondeur anversois. Trois fois par semaine, des « porteurs » indiens s’envolaient pour Dubaï avec des sacs de billets ou quelques kilos de
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ifficile, pour l’enseignementcatholique,dese tenir à l’écart de la polémique sur le « genre». Même si ses 8 300 établissements, qui accueillent 2millions d’enfants, ne sont pas concernés par les « ABCD de l’égalité» – le dispositifdeluttecontrelesinégalités filles-garçons qui a alimenté, ces dernières semaines, les rumeurs les plus folles ; même si son secrétaire général, Pascal Balmand, a misé sur la discrétion depuis que des groupes extrémistes combattent l’« invasion» d’une prétendue « théorie du genre » à l’école,la controversevientderefaire surface au niveau local. Trois documents que Le Monde s’est procurés, signés de hauts cadres de l’enseignement catholique – les directeurs diocésains de Laval, Saint-Etienne et Avignon – rappellent que l’inquiétude existe dans ces écoles associées au service public de l’éducation mais qui sont aussi sous la cotutelle des évêques. Les missives ont beau n’émaner que de trois directeurs diocésains sur 85, elles ont semé « un certain malaise sur le terrain », reconnaît Bruno Lamour, secrétaire général de la FEP-CFDT, majoritaire parmi
métal jaune, déclarés à la douane grâce à de fausses factures émises par les sociétés de Sayed. A Dubaï, une partie du liquide était déposée dans des bureaux de change contrôlés par les « banquiers» marocains, l’autre injectée dans le circuit bancaire ou investie dans l’immobilier. Mais c’est grâce à l’or que « l’Indien » a établi son empire. Fondu, transformé en bijoux, le métal était acheminé au cou et aux oreilles de « porteurs » par avion, direction Madras. Une autre partie, réduite en poudre, prenait la route, via la Birmanie, dans des boîtes de café moulu. La marchandise pénétrait ainsi enInde,premierimportateurmondial d’or, sans s’acquitter de la TVA. L’argent de la drogue se retrouvait transmutéen métaljaune etvendu au cours local sur les marchés du Tamil Nadu. Sayed se rétribuait en empochant le delta de la TVA, soit 10% de la valeur de la cargaison. En garde à vue, il a timidement admis avoir recyclé 36 millions d’euros depuis 2010. Les enquêteurs évoquent volontiers la somme de 200millionsd’euros par an. «Sur le plan criminologique, c’est génial », s’extasie-t-on au parquet de Paris. Cette enquête, baptisée « Rétrovirus», est le second volet de l’opération«Virus», déclenchéeenoctobre 2012 par la Direction centrale de la police judiciaire. Ce premier coup de filet avait mis au jour un réseau de blanchiment extrêmementsophistiqué,estiméà 170millions d’euros par an. Le stratagème consistait alors à remettre l’argent de la drogue à des fraudeurs fiscaux désireux de profiter de leurs liquidités en France, qui mettaient en échange la contre-valeur de leurs comptes bancaires suisses à la disposition des trafiquants. C’estun des « collecteurs» interpellés dans l’affaire « Virus » qui a orienté les enquêteurs vers « l’Indien». Ils ont découvert une structurede blanchimentparallèled’apparence plus rudimentaire – sacs de billets, importation frauduleuse de matières premières –, dont l’ampleur,à quelques saisies douanières près, avait jusqu’ici échappé aux radars. p
les 140 000 professeurs du privé. Du côté du secrétariat général de l’enseignement catholique, à Paris, où l’on ne veut pas s’exprimer avant les municipales – «par crainte d’une récupération» –, on se borne à rappeler que «l’école privée ne fonctionne pas de manière centralisée ». Façon de dire que ces lettres n’engagent que leurs signataires. Sur bien des points, ces courriers adressés à la communauté éducative (principaux, professeurs, parents…) se ressemblent. Deux sont quasi-identiques. Ton ferme, distinction appuyée entre ce quirelève des « études de genre » et de la « théorie du genre »… et rappel du projet de l’école catholique qui suit les préceptes de l’Eglise. Dans les lettres émanant d’Avignon et de Saint-Etienne, la condamnationdes ABCDde l’égalité est explicite, même s’ils ne sont pas nommés. « La lutte contre les inégalités annoncée par le ministère (…) part d’un présupposé qu’il existe au sein des établissements scolaires des conflits fréquents entre filles et garçons, écrivent les directeurs diocésains Thierry Aillet et François-Xavier Clément. Nous pensons qu’il serait grave
d’obérerl’équilibredes enfants avec leprétextede cesprétendusconflits, en ouvrant un chemin de confusion autour de la construction de leur identité féminine ou masculine.» Plus nuancé, Philippe Paré de Laval, écrit : « Les études sur le genre peuvent poser des questions légitimes et intéressantes et nous sommes appelés à nous en servir. (…) Cependant, le passage voulu
«Les milieux institués catholiques sont dans une valse-hésitation» Claude Lelièvre historien
par certains de l’étude sur le genre à l’imposition à tous de la théorie du genre dans sa version la plus radicale opère un glissement que nous ne pouvons soutenir.» La controverse sur la littérature jeunesse n’est pas éludée : MM. Aillet et Clément appellent au « discernement» face à certains ouvrages « dont le titre suggestif cachedifficilementl’intentionidéologique ». M. Aillet cite, entre
Les mésaventures du film «Tomboy» DÉBUT FÉVRIER, le collège privé catholique Saint-Martin d’Angers s’est attiré une notoriété dans la presse locale et sur les réseaux sociaux dont il se serait bien passé. Son directeur a décidé de reporter la projection du film Tomboy prévue pour ses élèves de 4e, le 4février. Un mois après, Alain Bizon ne souhaite plus s’exprimer sur le sujet. Et la direction diocésaine d’Angers se borne à rappeler que le chef d’établissement, suite à des « pressions extérieures », a déposé une main courante. « Un père d’élève et un représentant de la Manif pour tous étaient venus menacer d’empêcher la projection, invoquant la théorie du genre », raconte une mère d’élève, indignée que « des parents veuillent ainsi peser sur les contenus enseignés». Le directeur a, selon elle, préféré « temporiser». Les enseignants, eux, ont choisi
Soren Seelow
d’exercer leur droit de retrait, raconte la jeune femme. « Ils ont gardé les enfants en classe, sans faire cours. La semaine d’après, le film a pu être reprogrammé.»
« Motifs fantasmés » Le 28février, Mgr Emmanuel Delmas, évêque d’Angers, a déploré la projection de Tomboy dans les établissements privés de la ville. « Il est objectivement contraire au projet éducatif de l’enseignement catholique», a-t-il affirmé. Ce qui fait sortir de ses gonds le syndicat d’enseignants du privé FEP-CFDT. «La branche dure du catholicisme se crispe pour des motifs infondés, fantasmés», lâche Pierrick Dima, secrétaire départemental. « Il faut avoir vu le film avant de le critiquer et d’oser remettre en cause un support que l’éducation nationale a sélectionné.» L’émotion est palpable à l’asso-
ciation Les Enfants du cinéma, qui coordonne le dispositif « Ecole et cinéma». «Les annulations étaient marginales lorsque le film, sorti en 2011, est entré dans le catalogue», explique le délégué général, Eugène Andréanszky. « Mais à l’automne 2013, dans le contexte postmariage pour tous, ça a commencé à coincer». Le distributeur Pyramide évoque des « annulations politiques», «surtout avec les établissements privés». «Dans le Maine-et-Loire, reprend M.Andréanszky, face aux pressions, même les enseignants les plus convaincus de l’intérêt du film se mettent à redouter une surréaction de parents.» Sa crainte: que Tomboy, «l’un de ces rares films contemporains à hauteur d’enfant», soit « fragilisé» au point que «plus personne ne veuille le programmer» à la rentrée 2014. p
M. Ba.
autres, Tous à poil !, contre lequel l’UMP est partie en croisade en février. Mais c’est Tomboy (2011) film de Céline Sciamma salué par la critique, qui fait partie depuis 2012du programme« Ecoleetcinéma », qui s’attire les foudres de deux signataires sur trois. « Nous ne pouvons pas accepter de relayer la proposition“pédagogique”à destination des écoliers et collégiens du film Tomboy. » En un an, celuici a été projeté à 46 800 élèves de CE2, CM1 et CM2. Des projections ont été annulées (15 classes à Paris en 2013). « Toute la question est de savoir si ces courriers sont l’expression d’une opinion, une pièce versée au débat, ou si l’on est face à l’imposition d’une pensée unique », relève Bruno Lamour, de la FEP-CFDT. S’il manielanuance,ilnecachepasson embarras: « On interviendrait alors surunespaced’enseignementsacralisé par les programmes. Que ce soit lechapitre“Devenirhommeoufemme”enSVTen1re ouledispositif“Ecole et cinéma”, ça ne se conteste pas ! » Sur ces questions, « les collègues sont partagés. On n’est ni tous pour, ni tous contre. Il y a une masse silencieuse, et beaucoup qui ne se sentent pas concernés…» Dans un éditorial diffusé en interne en février, le secrétaire général, Pascal Balmand, a rappelé quelques idées fortes: « Les parents sont les premiers éducateurs de leursenfants.(…) Ladéfensedel’égale dignité de toute personne humaine et le respect de l’altérité conduisent à refuser tout recours idéologique à une théorie du genre. (…) C’est aux enseignants et éducateurs qu’incombe, sous l’autorité du chef d’établissement, la responsabilité de ce qui est transmis aux enfants.» « Les milieux institués catholiquessontdansunevalse-hésitation, analyse l’historien Claude Lelièvre, d’autant qu’ils disposent désormais dedeuxtextesderéférenceenmatière d’éducation sexuelle.» A une circulaire ministérielle de 2003 qui a rendu obligatoires, dans le public et le privé sous contrat, trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, s’ajoute un « guide » qu’ils ont eux-mêmes promulgué en 2010. Difficile, dans ces conditions, d’éviter les tiraillements. p
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france
Samedi 15 mars 2014
Alcoolisme: feu vert officiel à la prescription de baclofène
L’Agence du médicament fournit aux médecins un cadre pour délivrer la molécule, déjà utilisée par 100000 patients. Une décision très attendue
L
es médecins ne seront plus seuls face à la prescription de baclofène pour traiter la dépendance à l’alcool. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a détaillé, vendredi 14 mars, la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) qu’elle a décidé d’octroyer dans cette indication – elle sera effective dans les toutprochains jours.C’est une première: jusque-là, le baclofène était prescrit aux patients alcooliques en dehors de son indication initiale, par des médecins assumant seuls les risques en cas de problème. « Ils seront désormais accompagnés », explique Florent PérinDureau,responsabledu pôlemédicaments du système nerveux central de l’agence. Autorisé en 1974, ce myorelaxant était indiqué dans le traitement des spasmes musculaires, à des doses de 30 à 80 mg
par jour. Mais pas pour guérir de l’alcool. Or il est aujourd’hui déjà utilisé dans cet objectif par quelque 100 000 patients, et prescrit par près de 10 000 médecins. Pour eux tous, la décision de l’ANSM est une victoire. « Cette annonce conclut six ans d’efforts », résume SylvieImbert, présidentede l’association Baclofène. L’ANSM a retenu deux indicationsassezlargespourles prescripteurs : la diminution de la consommation et le maintien de l’abstinence après l’obtention du sevrage (suite à une hospitalisation par exemple). La prescription ne devra intervenir qu’après échec des traitements déjà autorisés. Les patients déjà sous baclofène continueront logiquement d’être ainsi traités. Tous les médecins (généraliste, psychiatre…) pourront prescrire la molécule. L’agence insiste
sur le nécessaire suivi psychosocialdu patientet l’expérience du médecin en matière d’alcoolisme. La décision était très attendue par les défenseurs comme par les détracteurs de ce médicament qui défraye la chronique depuis cinq ans. Tout particulièrement les dosesrecommandéeset les contreindications. La prescription devra être progressive. Au-delà de 120 mg par jour, le médecin devra prendre l’avis d’un confrère. Au-delà de 180 mg, il devra organiser une discussion collégiale. Le baclofène est contre-indiqué pour les malades atteints d’épilepsie graveou de pathologiespsychiatriques sévères (schizophrénie, bipolarité et certaines dépressions...), dufait deses possibleseffetssecondaires. Ce qui pourrait décevoir. La RTU est valable pour trois ans. Une autorisation de mise sur
le marché (AMM) pourrait intervenir par la suite dans cette nouvelle indication, mais pour l’heure, les données ne sont pas, aux yeux de l’ANSM, suffisantes pour démontrer un rapport bénéfice-risque favorable. Les patients seront recensésdansunfichier,ce quipermettra de suivre de près les effets secondaires, jusqu’ici peu notifiés. Avant de donner son feu vert, l’ANSM avait donc besoin d’un accorddela Commissionnationale informatique et libertés (CNIL). Ce qu’elle a obtenu, jeudi 13 mars. Un portail Internet sera ouvert pour guider prescripteurs et patients. L’addiction à l’alcool concerne environ2 millionsde personnesen France et causerait 45 000 décès par an. Le baclofène agit notamment sur le « craving», l’envie irrésistible de boire. C’est le médecin Olivier Ameisen, décédé en 2013,
«C’est une grande partie de ma vie que j’ai perdue»
qui a expérimenté sur lui-même le baclofène, qui l’a guéri. La publication de ses travaux, en 2004, était passée inaperçue. Pas son livre, Le Dernier Verre (Denoël), paru en 2008. Des alcooliques l’essayent, deviennent indifférents à l’alcool, et relatent sur Internet leurs expériences. De plus en plus de médecins le prescrivent. D’autres restent sceptiques, voire critiques.
Pas la panacée Les chiffres montrent l’engouement, et des résultats intéressants. Entre 2007 et 2012, le nombre de patients qui se sont fait rembourser des boîtes de baclofène a presque doublé. L’explosion des ventes a conduit l’ANSM à s’auto-saisie. Fin 2013, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie a mené une enquête auprès de 1 200 patients de son réseau de soins : 9,3 % avaient pris du baclofène au cours des douze mois précédents. Parmi les 700 déclarant prendre un traitement médicamenteuxle jourdel’enquête, 11,6 % prenaient du baclofène ; un peu moins de la moitié (43 %) d’entre eux étaient abstinents. Pour le docteur de Beaurepaire, chef de pôlede psychiatrieà l’hôpital Paul-Guiraud (Villejuif), défenseur et prescripteur de la molécule, le baclofène n’est rien d’autre qu’une « révolution », car « on ne savait pas jusqu’ici soigner les per-
sonnes dépendantes de l’alcool ». La palette de médicaments est en effet limitée. L’acamprosate (Aotal) et la naltrexone (Revia), les deux produits les plus prescrits, refrènent l’envie de boire et aident au maintien de l’abstinence. Quant à la molécule la plus ancienne, le disulfirame (Espéral), c’est une « arme de dissuasion», provoquant des symptômes désagréables en cas d’absorption simultanée d’alcool. « Les médicaments font partie de la panoplie qui peut aider les gens à lutter contre leur addiction mais une thérapie ne peut reposer exclusivement sur la prise d’un médicament», explique Bertrand Nalpas, directeur de recherche à l’Insermet alcoologue,qui ne prescrit pas de baclofène car il estime que les données objectives concernant son efficacité et sa tolérance sont encore insuffisantes. Tous savent que le baclofène n’est pas la panacée. Il ne fonctionne pas pour tous les patients, et les effets indésirables (risques de suicide et de décompensation,épilepsie, chutes, etc.) sont nombreux. Jusqu’ici, c’est en France que le baclofène était le plus prescrit contre la dépendance à l’alcool. Ailleurs cependant, des médecins commencent aussi à suivre la voie d’Olivier Ameisen. p Laetitia Clavreul et Pascale Santi
La deuxième vie d’un médicament commercialisé en 1974 1974 Le baclofène est autorisé dans le traitement des contractures musculaires. Commercialisé sous le nom de Liorésal (puis en génériques), ce myorelaxant est une molécule de synthèse dérivée de l’acide gamma-aminobutyrique, un neurotransmetteur présent dans le corps et servant à inhiber le système nerveux central.
Mélanie, 61 ans, avait multiplié les thérapies pour tenter de se défaire de sa dépendance à l’alcool. NICOLAS KRIEF/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
Témoignage Quand Mélanie (un prénom d’emprunt) entend son mari monter à l’étage, où elle a son petit bureau, elle se demande encore parfois si elle a bien caché les bouteilles. Il n’y en a plus, pourtant, depuis 2012, date à laquelle elle a testé le baclofène, ce décontractant musculaire qui peut couper l’envie de boire. Pendant trente ans, la dépendance à l’alcool a fait partie de son quotidien. Cette très jolie femme de 61 ans a donné rendez-vous au bar d’un hôtel chic, non loin de Paris. Un lieu en adéquation avec son style élégant et son milieu aisé. Cette Allemande a connu une belle carrière dans sa jeunesse, avant de rencontrer, au sein de la société informatique où elle travaillait, un cadre venu de France. Elle le suit et retrouve des postes grâce à sa bonne maîtrise de l’anglais, puis préfère rester au foyer et se consacrer à la musique. L’image est lisse, rien ne laisse deviner l’envers du décor. « Mon mari dit que j’ai deux personnalités, la sobre et l’autre», résume-t-elle. Une part sombre, qui lui a fait développer bien des stratégies pour boire en toute discrétion ou faire semblant de ne pas avoir oublié la conversation de la veille, qui a mal tourné. Durant les dernières années, elle buvait deux bouteilles et demi de vin par soir. Quand elle commençait, elle ne pouvait plus s’arrêter. Jamais elle n’a bu seule devant son homme: « Il aurait voulu en discuter, cela
m’aurait gâché le plaisir. » Il a supporté les soirées où elle se saoulait devant ses collègues, la crainte à chaque voyage d’affaires. Un jour, alors qu’il était parti raccompagner un ami, elle s’est cassé le col du fémur, devant la maison. En public, Mélanie savait se tenir, n’était pas agressive. C’était parfois différent à la maison. Pendant vingt-six ans, son mari l’a soutenue, c’était pourtant « de pire en pire ». « C’est un amour.» Elle le sait inquiet: « Parfois, il n’arrive pas à croire que c’est définitif, que le miracle est arrivé. » Mélanie commence à boire avec des proches, à 17 ans, après avoir quitté le domicile familial. Elle travaille quelques années dans une compagnie aérienne, puis devient barmaid dans une discothèque. Elle aime « l’atmosphère de la nuit ». Cigarettes à gogo, verres offerts par les clients, un peu de cocaïne. C’est l’époque où elle boit « de la bière pour la soif, de l’alcool fort pour le plaisir». Vers 30 ans, elle arrête, devient assistante de direction. S’alcoolise le soir. Elle se marie, arrive en France, veut en finir avec ses addictions. Elle réussit… « sauf pour l’alcool ». « Je ne parlais pas français, j’avais le mal du pays. J’avais pitié de moi-même et plein de bonnes raisonsde boire. » Arrêter, elle l’a fortement voulu. Elle tenait trois jours, jamais plus. Elle égrène les thérapies suivies. La première thérapeute ne connaissait rien à l’alcool. Elle avait été conseillée par leur médecin, contacté par son mari « après
un breakdown». Trois autres n’ont pas été concluantes: « Une fois que j’avais vidé mon sac, ça tournait en rond. J’attendais qu’on me pose LA question à laquelle je n’avais jamais pensé, qu’il y ait un déclic. Cela n’a pas été le cas. » On lui prescrivait alors des médicaments, « Aotal, Valium, Lysanxia ». Sans succès. Elle n’a jamais cru aux cures. Trop de risques de rechute. «Je savais que ce n’était pas le sevrage corporel qui pourrait me sauver. En vacances, je ne pouvais pas boire
C’est la délivrance: «Je n’ai plus envie de boire. J’étais même un peu dégoûtée» sans être vue, mon corps était clean. Mais ma tête ne suivait pas. » Elle a tenté l’hypnose, qui lui a permis d’arrêter le whisky. Pas le vin. Jusqu’en mai 2012, où elle découvre le baclofène. Pas grâce à un médecin, mais dans un dossier du Nouvel Observateur, dans lequel est interrogé le psychiatre Bernard Granger, qui en prescrit. « Au premier rendez-vous, je lui ai dit directement: j’ai tout essayé, je suis là pour avoir du baclofène.» Elle l’aura en juin. Elle commence par un comprimé, puis plus. Pendant deux mois, cela n’a aucun impact sur sa consommation. Elle est fatiguée, a quelques vertiges. C’était déjà le cas avant. Elle persiste, et le 19 août, c’est la délivrance: « Je
n’ai plus eu envie de boire, j’étais même un peu dégoûtée. » Elle prenait 5 comprimés trois fois par jour, soit 150 mg. Un an après, elle était à 180. Elle est depuis redescendue à 90. Il lui arrive de boire un verre avec son mari. « Du vin rouge, parce que c’est bon pour la santé !, s’amuse-t-elle. Mais je n’ai pas envie de me saouler. » Même en cas de tristesse, ce n’est plus la solution. Elle a lu Le Dernier Verre, du docteur Ameisen. « Ce livre m’a fait pleurer, parce que je me suis retrouvée et sentie comprise.» Elle avait jusque-là réussi à raconter son épreuve avec sang-froid, et laisse d’un coup échapper des larmes. Jamais elle n’a parlé de sa dépendance à quiconque – seuls sa famille et ses amis allemands savent. « En France, l’alcoolisme est vu comme une lâcheté, et les gens croient qu’il existe pour tous une prise en charge thérapeutique.» Elle remercie son corps de ne jamais l’avoir lâchée, et dit simplement que son existence est devenue « beaucoup plus facile» : « C’est une grande partie de ma vie que j’ai perdue. Il y a trente ans de trous noirs.» Le couple n’a pas eu d’enfants. « Je ne crois pas que cela aurait été compatible avec la maladie», glisse-t-elle. L’envie d’ivresse a disparu, mais elle se définit «toujours comme alcoolique ». Peutêtre prendra-t-elle du baclofène à vie. En allant comme aujourd’hui le chercher « à la pharmacie ». Pas à « sa » pharmacie, pour éviter questions et réflexions. p L. Cl.
2009 Renaud de Beaurepaire (hôpital Paul-Guiraud de Villejuif, Val-de-Marne) publie une étude d’observation. Après un an de traitement à des doses croissantes et personnalisées (147 mg/jour en moyenne), 50 % des 100 patients testés sont abstinents ou boivent une quantité modérée d’alcool.
2004 Le cardiologue Olivier Ameisen publie dans la revue scientifique Alcohol and Alcoholism un article dans lequel il analyse sa propre délivrance de l’alcool avec le baclofène. Il avait été inspiré par un paraplégique qui avait ainsi surmonté son addiction à la cocaïne.
2012 Deux essais cliniques sont lancés : Bacloville, étude comparative contre placebo, par l’AP-HP auprès de 320 patients, et Alpadir, auprès de 316. A l’issue de ce dernier, son promoteur, le laboratoire Ethypharm, pourrait demander une autorisation de mise sur le marché pour cette indication.
2008 M. Ameisen publie Le Dernier Verre (Denoël, 298 p., 19,25 ¤), dans lequel il décrit sa guérison.
2013 L’ANSM réfléchit à une recommandation temporaire d’utilisation pour l’alcoolisme.
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culture
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Samedi 15 mars 2014
Van GoghArtaud, l’électrochoc
Au Musée d’Orsay, réflexion sur la proximitéentre le poète et le peintre Art
L
e 24 janvier 1947 s’ouvre au Musée de l’Orangerie à Paris une rétrospective Vincent Van Gogh (1853-1890). Le galeriste Pierre Loeb suggère à Antonin Artaud, libéré l’année précédente de l’asile de Rodez, où il était enfermé depuis 1943,d’écrire sur le peintre. Artaud (1896-1948), qui a plusieurstextesencoursets’estvuproposer par Gallimard une édition de ses œuvres complètes, ne lui prête guère attention. Maislaparutiond’undesinnombrables livres rédigés par des psychiatressurVanGogh,celuideFrançois-Joachim Beer, Du démon de Van Gogh, le met en fureur. Le 2 février, il visite l’exposition en compagnie de Paule Thévenin. Entre le 8février et le 3 mars, il écrit en partie et dicte pour l’autre part Van Gogh, le suicidé de la société, qui sort en librairie en décembre. Entre-temps, en juillet, Pierre Loeb a montré dans sa galerie les Portraits et dessins d’Artaud. Telles sont les circonstances de la conjonction entre le peintre et le poète, et l’argument sur lequel l’exposition qui se tient à Orsay est
conçue. Ce n’est donc pas une de ces rencontres chics entre deux noms illustres, comme les musées aiment à en organiser parfois pour accroître leur fréquentation, mais une véritable réflexion. Isabelle Cahn,la commissaire,a construit le parcours au plus près du livre, proposant de revoir quarante-cinq Van Gogh avec les mots d’Artaud en tête et une dizaine de dessins d’Artaud dans la proximité de Van Gogh. L’accrochage est un modèle du genre et la scénographie d’une sobriété rare en ces lieux, de sorte que rien ne vient gêner l’observation des œuvres. Celles-ci, pour la plupart, sont trèsconnues.Ellesviennentdescollections du Musée d’Orsay, du Van Gogh Museum d’Amsterdam, du Metropolitan de New York, du Kröller-Müller d’Otterlo, de la National Gallery de Washington, du Folkwang Museum d’Essen. Il n’y a dans l’exposition que peu de Van Gogh rarement exposés, issus de collections privées. Il en est de même des Artaud, dessins « fous », portraits et autoportraits. Mais cela n’a aucune importance, car un VanGogh,mêmerevupourlaénième fois, demeure inépuisable et
Antonin Artaud, « Autoportrait », décembre 1947.
Vincent Van Gogh, « Portrait de l’artiste », août-septembre 1889.
CENTRE POMPIDOU, MNAM-CCI, RMN-GRAND PALAIS/PHILIPPE MIGEAT/ADAGP/PARIS 2014
NATIONAL GALERY OF ART, WASHINGTON
imprévisible. Il en est de même d’un Artaud. Il y a certes des données utiles à l’analyse. La date d’exécution n’est pas négligeable, selon que le peintre est à Arles ou à l’asile de SaintRémy ou à Auvers ; et selon que le poète est à l’asile de Rodez et accablé d’électrochocs ou dans son pavillon d’Ivry-sur-Seine, libre de
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© Ministère de la culture, Royaume du Maroc. Photo : MuCEM/Yves Inchierman
Avec le soutien de
ses actes, quoique malade – il meurt le 4 mars 1948, un an après sa visite à l’Orangerie. L’histoire de l’art est aussi nécessaire. Pour Van Gogh, c’est celle de ses relations avec l’impressionnisme et le néoimpressionnismeparisiens,dupassageparlejaponisme,desconversations avec Signac et, surtout, avec Gauguin pendant leurs semaines arlésiennes.C’est celle de ses visites dans les musées, à Amsterdam, à Paris, à Montpellier. La mémoire visuelle d’Artaud inclut Holbein autant qu’Ingres et Balthus autant que Picasso, l’art aztèque autant que l’art océanien, découvert avec les surréalistes. On ne peut pas plus négliger leurs lectures – Baudelaire, Zola et lesnaturalistespourVanGogh,toute la littérature pour Artaud– et la sienne, du Théâtre de la cruauté à ArtaudleMômo.Ni,nonplus,lacorrespondance de Van Gogh, dont on nedira jamaistrop combienelle est exceptionnelle. Tous deux sont, quoiquedansdesproportionsdifférentes,écrivainsetartistes,indissociablement. Ces éléments sont présentsdans l’exposition,quine néglige pasnon plus Artaud acteur pour des films de Marcel Lherbier, Abel Gance ou Raymond Bernard. Mais rien de tout cela ne réduit l’étrangetéabsolue de ses dessins. Ceux de Rodez sont parcourus de lignes de force foudroyantes, entre lesquelles apparaissent des têtes et des parties de corps, parfois marqués de taches, parfois percés de clous. Un symbolisme propre à Artaud s’y déchiffreà peuprès, maison ne sait pas pour autant comment ces dessins transmettent avec une telle intensité la sensation de la souffrance physique. D’une souffrance insupportable que le dessin rend peut-être un peu moins intolérable, le temps de son exécution. Quant aux portraits, c’est, si l’on peut dire, simple : un homme qui n’a presque jamais essayé de représenter des visages réalise en quelques mois une suite de têtes au crayon comme il n’en existe aucune autre comparable, pas même chez Picasso ou Giacometti. Commentcemomenta-t-ilétépossible? Et comment Van Gogh peint-il unpaysagetoutenspirales,serpentins, cercles et points dans lequel le regard ne se perd pas ? Ses gestes peuvent paraître frénétiques et compulsifs, mais ils définissent un espace et des lignes d’une parfaite clarté. Les harmonies chromatiques se construisent. « Si juste, si amoureusement si juste », écrit Artaud de la couleur de Van Gogh, ce que chaque toile confirme. Obstinément et voluptueusement, l’œil scrute ces surfaces acci-
Ce n’est pas une de ces rencontres chics entre deux noms illustres, comme les musées aiment à en organiser
dans les périodes de crise les plus aiguës. Il faut donc admettre qu’en lui,une intensitépsychique,quiest allée parfois jusqu’à l’extrême – automutilation, incohérence –, s’estinscritedansladuréeetlerythme régulier d’une création artistique qui maîtrisait cette intensité terrible en la changeant en dessin et en couleurs. « Méfiez-vous des beaux paysages de Van Gogh tourbillonnants et pacifiques, convulsés et pacifiés. C’est la santé entre deuxreprisesdela fièvrechaudequi va passer. C’est la fièvre entre deuxreprises d’une insurrection de bonne santé. » Il n’y a pas de plus juste définition que celle-ci, d’Artaud évidemment: « La peinture de Van Gogh armée et de fièvre et de bonne santé. » p
vement, quel sens impeccable de la composition contient les impulsions qui vivent en lui. On en revient à l’énigme centrale. « Délire » ou « génie » n’expliquent rien, d’autant moins que Van Gogh ne pouvait travailler
Van Gogh/Artaud. Le suicidé de la société, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légiond’Honneur, Paris 7e. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45. Entrée : de 8,50 ¤ à 11 ¤. musee-orsay.fr. Jusqu’au 6 juillet.
dentées, suit les ondulations des touches, éprouve l’épaisseur surprenante de certains empâtements, et, à l’inverse, la légèreté elliptique des dessins à l’encre –les plus admirables paysages en noir etblanc detoutl’art occidentalsans doute. On voit comment Van Gogh peint, mais on ne comprend pas comment il y réussit, ce qui le fait continuer ou suspendre son mou-
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La comédie musicale des contes de fées
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culture
Samedi 15 mars 2014
Julien Doré offre son corps insaisissable
Le chanteur casse-cou a joué à cache-cache avec le public des Folies-Bergère, à Paris Chanson
A
u balcon des Folies-Bergère, où Julien Doré a greffé une passerelle en Plexiglas qui lui permet de jouer les casse-cou, c’est un jeu de cache-cache. Le chanteur court, grimpe, les smartphones s’épuisent à vouloir le cerner. Il est insaisissable. Gustave Doré, le peintre et illustrateur (1832-1883), confie son arrièrearrière-arrière-petit-neveu Julien, jouait du violon et aimait accueillir ses invités en se suspendant aux lustres. Où se niche la génétique! Le jeudi 13 février, au premier de ses concerts parisiens, le numéro de voltige se joue en chantant, avec le public, Paris-Seychelles, titre extrait de Løve, paru fin 2013. Cet album très « dance » présente l’avantage d’être une manne de thèmes rythmés, mélodiques, avec nombreuxrefrains ou leitmotivs en anglais. Il le transpose en scène, aidé de six musiciens d’une belle épaisseur sonore, dont l’auteur-compositeur Arman Méliès à la guitare (aucun lien de parenté avec le plasticien Arman, ni avec le cinéaste Georges Méliès, mais un pseudonyme adopté par admiration pour ces deux artistes). Arman Méliès est tatoué, il est original, il fut un des complices d’Alain Bashung, et il a apporté à Julien Doré quelques très belles chansons, telle Mon apache (« Une flèche en plein cœur un ciel à la dérive/Et je meurs de nous survivre »), interprétée avec sentiment aux rappels. Du sentiment, Julien Doré, 31 ans, n’en a pas toujours, tout occupé qu’il est à mettre les pièces d’un étrange puzzle en place. Il est caméléon, capable d’exagérations (réverbération,nappesde synthéti-
seurs), d’intermèdes d’une naïveté toute télévisuelle et de plongées romantiques soudaines chez ses camarades de jeu – Benjamin Biolay pour Hôtel Thérèse (avec tambourins), Marc Lavoine pour Bleu Canard, etc. Après être sorti vainqueur de « La Nouvelle Star » en 2007, Julien Doré avait publié un premier album, Ersatz (2008).
La légèreté en biais Il en a gardé un titre presque « bruelien » dans sa tonalité, Les Limites (« Je dépasse aisément toutes les limites quand je commence/Je consomme énormément le but est de ressentir les
choses/Alors je dépasse et j’aime en faire des tonnes, ça irrite/Les bravesgens pleins de raison qui respectent les limites»). MaisJulienDoré n’apas lescompétences requises pour figurer, commePatrickBruel,le«grandfrère » ou l’homme câlin. Lui a le corps offert, la danse déhanchée, la légèreté en biais. Sur scène, c’est un monde d’hommes. Des trentenaires (la tranche d’âge du public des Folies-Bergère) bien mis, très fashion – quatre des six musiciens portent la barbe, marque de reconnaissance très en vogue. La femme y est inscrite en creux. De jeunes lycéennes convoquées en chorale
pour appuyer Platini arrivent à point nommé pour combler cette absencenostalgique.Ellessont longuement applaudies. Julien Doré aussi, quand il revient au finale, seul à la guitare, chantant I Need Someone, les musiciens font les chœurs a cappella, c’est joli. Tout avait commencé avec une explosion de fumée et de lumières rouge sang pour le technoïde Viborg, et tout finit en ukulélé. p Véronique Mortaigne
Julien Doré. Aux Folies-Bergère jusqu’au 15 mars (complet), puis en tournée française jusqu’au 30 juin. A l’Olympia, à Paris, en novembre.
Les batailles culturelles des municipales 16/18 L’ex-maison d’arrêt devrait s’ouvrir à l’art
C
’est la face cachée du Palais des papes. Installée dans le dos du colosse médiéval, à l’ombre venteuse du jardin du Rocher des Doms, l’ex-prison Sainte-Anne d’Avignon fut longtemps oubliée. 10 000 m2 au cœur d’un centre-ville classé au Patrimoine mondial.Uneplaieouverte.Uncasse-tête. Désaffecté depuis 2003, le centrededétention,bâtiauXIXe siècle sur l’ancien hospice des insensés, attend toujours que se dessine
Seul en scène à la MC93 de Bobigny, l’acteur haïtien incarne le personnage mythique
M
Agitationautourdel’ancienneprisond’Avignon Avignon
Jean-RenéLemoine se glisse dans la peau de Médée Théâtre
Jeudi 13 mars, aux Folies-Bergère. DAVID WOLFF-PATRICK
son avenir, dans l’indifférence. Jusqu’à récemment. Il a fallu qu’un « estranger » s’y intéresse pour que les candidats aux municipales se mettent à rivaliser d’imagination à son sujet. Enfin, relativement. Fermée pour travaux d’agrandissement jusqu’en juin 2015, la collection Lambert, centre d’art implanté par le galeriste parisien Yvon du même nom, avait besoin d’une solution de repli pour continuer à exposer. Investir une prison humide, délabrée, chargée de douleur ? Cela
Conférence
Barbara Cassin Plus d’une langue Le paradigme de la traduction Le mercredi 19 mars 2014 à 19 h 00.
Fondation Calouste Gulbenkian - Délégation en France 39, bd de la Tour-Maubourg, 75007 Paris / www.gulbenkian-paris.org Facebook : Centre Calouste Gulbenkian Twitter : @GulbenkianParis
paraît insensé. Mais, dès la première visite, le directeur de la collection, Eric Mézil, saisit la puissance du lieu. Il mène un combat pour réaliser son projet, faisant même intervenir le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, afin de convaincre les tutelles. A la mi-mai s’ouvrira une vaste exposition, « La disparitiondeslucioles», dontunchapitre est consacré à la mémoire du site. « Plus personne ne parlait de cette prison. Avant que la mairie et nous ne la remettions aux normes de sécurité, c’était Beyrouth, et sans notreprojet,ellen’auraitsansdoute jamais été un enjeu, remarque-t-il. Maintenant tout le monde s’agite.»
Hôtel de luxe Sainte-Anne avait déjà aiguisé les appétits. Cédée par l’Etat à la mairie,elle avait failli se métamorphoser en hôtel de luxe. L’idée avait fait grincer quelques dents et fut abandonnée. Retour à la case départ. Aux candidats d’affûter leurs arguments. Même si, « pour la prison, toutes les propositions se ressemblent», regretteun observateur. Alors que le MoDem la rêve en école nationale de théâtre, la socialiste Cécile Helle, favorite dans les sondages, imagine un pôle « emblématique et hautement structurant». Dans l’un des bâtiments existants,unefricheculturellepourjeunes artistes et artisans, avec salles d’exposition ; de nouvelles constructions seraient dévolues à unerésidenceoùsemêleraientétudiants et personnes âgées ; enfin, une salle des congrès serait construite, accueillant 1 000 personnes. Idée absurde, car irréalisable, selon le Front national. Son candidat,PhilippeLottiaux,imagineplutôt « déménager dans la prison les archivesdépartementales,quioccu-
pent 4 000 m2 du Palais des papes, pour installer à leur place cette salle des congrès ». Quant à Sainte-Anne, cette « verrue » ? Il la voit comme «un lieu d’animation et de vie, avec ateliers pour les métiers d’art et espacedédiéauxcultureseuropéennes, avec expositions, performances, bar et cuisine locale ». A considérer le programme de l’UMP-UDI Bernard Chaussegros, poulain de la maire, Marie-Josée Roig, un étonnant consensus se dégage: « Nous en ferons le lieu du “mieux-vivre-ensemble”, avec des logements étudiants, une crèche, des espaces dédiés à la création contemporaine, à l’artisanat d’art, et un réfectoire où des débats, des concerts et des expositions seront organisés. » Centre névralgique auquel s’ajouteraient trois nouveaux lieux consacrés à la création (l’ancienne caserne de la rue Carreterie, la chapelle des Corps-Saints, et un site extra-muros consacré aux arts urbains). Bref,presquele même programme, et pour tous une même question : comment trouver les 30 millions à 50 millions d’euros nécessairesà laréhabilitation?Enréponse, le Front de gauche revendique la modestie : « La ville ne peut se permettre quelque chose d’énorme, le site sera dédié à l’expérimentation. » Modestie de moyens, mais pas d’ambition: « Ce lieu qui a privé de liberté pendant des années sera dédié à la liberté, dans le domaine culturel comme économique », poursuit le candidat André Castelli. Nommé NelsonMandela, le lieu serait au cœur d’« un triangle de la République auquel s’adjoindraient les espaces Egalité et Fraternité ». Une autre forme de triangulaire… p Emmanuelle Lequeux
Prochain article : Les arènes de Bayonne.
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édée, c’est moi », pourrait dire cet homme seul au centre d’un cercle de lumière. Offert dans sa solitude radicale, au milieu de la scène, comme pouvaient l’être les grandes chanteuses noires, Aretha Franklin, Billie Holiday ou Nina Simone. Cet homme-là est haïtien (de Paris), auteur, metteur en scène et acteur. Il s’appelle Jean-René Lemoine. Médée la barbare, la réprouvée,la sacrilège, parlepar sa bouche, par son corps, et c’est un sacré moment de théâtre qui se passe à la MC93 de Bobigny (SeineSaint-Denis). L’hommeest seul,dans une profondeur de nuit antique ou caraïbe qu’il porte comme une peau. Il est vêtu d’un pantalon de costume et, en haut, d’une tunique drapée d’héroïne de tragédie ou de chanteuse de music-hall. Mi-homme, mi-femme. Infinie douceur pour faire sortir les mots sauvages de Médée la sorcière, la meurtrière, l’étrangère irréductible – des mots queJean-René Lemoinea écritsluimême, des mots d’aujourd’hui. « Médée, c’est moi » : en s’emparant du mythe, Jean-René Lemoine en fait une affaire totalement personnelle, qui parle de l’exil – pas au sens social ou politique, mais au sens mental, existentiel –, du désir dans sa dimension la plus innommable, du meurtre. Médée est à la fois la femme qui ne peut se reconnaître que dans le regard de l’homme – « Je n’ai d’autre terre maintenant que ton corps», dit-elleà Jason– et unefemme forte, agissante, même si elle agit par le meurtre. Ni femme ni
homme,ditd’elleJean-RenéLemoine, ou plutôt très femme et très homme, en des contrastes que l’acteur-performeur offre de manière pure, nette : corps masculin, musclé, visage féminin aux grands yeux, aux longs cils. Corps tendu, bandé, et gestes des bras féminissimes, stylisés comme ceux d’une créature de cabaret. Le féminin comme le masculin sont des terres dont on est toujours en exil.
Moment saisissant Ainsi Jean-René Lemoine nous emmène-t-il dans ce voyage initiatique halluciné, qui ramène la tragédie à son essence la plus pure : une traversée des pulsions. Nul besoin, pour cela, de ravager la scène et d’en faire un champ de bataille, comme c’est souvent le cas au théâtre ces dernières années. Des mots – concrets, crus, tendus comme un arc – qui passent par un corps, l’univers sonore composé par Romain Kronenberg, et tout est là. La noyade de ses enfants par Médée, moment particulièrement saisissant. Le meurtre de Créuse, la nouvelle femme de Jason. Et le retour au pays natal de Médée, libre,seule,impie,impunie,àlarencontre de son père mourant, qui ne lui pardonnera pas. La tragédie ne donne pas de leçons de morale. p Fabienne Darge
Médée, poème enragé, de et par JeanRené Lemoine. Création musicale : Romain Kronenberg. MC93, 9, bd Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis). Tél. : 01-41-60-72-72. Mardi à 19 h 30, lundi, vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 23 mars. De 9 ¤ à 29 €.. Durée : 1 h 30.
Patrimoine
MohenjoDaro,cité millénaire, menacée
Les ruines de Mohenjo Daro (2500-1900 avant J.-C.), Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1980, dans la province du Sind, dans le sud du Pakistan, sont menacées de disparition. Les importants vestiges de cette cité millénaire de la vallée de l’Indus, seul témoignage d’une métropole datant de l’âge du bronze, qui a exercé une influence décisive sur l’urbanisation du sous-continent indien, sont à la merci des cristaux de sel qui réduisent la brique en poussière. Seul un tiers du site a été excavé. p Florence Evin
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disparition & carnet
Economiste et anthropologue
Samedi 15 mars 2014
Ses anciens collègues et amis du Lycée de Chantilly
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Jacques Weber
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ont la tristesse de faire part du décès de
Claude DOMENECH. Homme de culture et militant engagé, il a su transmettre sa passion de la littérature et du théâtre à des générations d’élèves. L’équipe du Festival théâtral de Coye-la-Forêt a la tristesse de faire part du décès de notre ami,
Le 15 mars 2004,
En 2010. HERMANCE TRIAY/OPALE
L
’économiste et anthropologue Jacques Weber est mort jeudi 6mars des suites d’une longue maladie à l’âge de 67 ans. Il était né à Yaoundé, au Cameroun, où son père possédait une scierie. Il gardera de cette jeunesse tropicale et des multiples pérégrinations à l’intérieur d’un pays dont il connaissait plusieurs langues, un 1947 Naissance à Yaoundé 1983 Entre à l’Ifremer, institut de recherche sur la mer 1993 Intègre le Cirad, centre de recherche agronomique 2002 Dirige l’Institut français de la biodiversité 2010-2013 Préside l’association Les Petits Débrouillards 6 mars 2014 Mort
regard décalé, toujours prompt à interroger ce qu’il appelait « le prêt-à-penser », surtout quand il s’agissait d’économie du développement. C’est ainsi qu’il consacre une grande partie de ses recherches aux différentes conceptions de la richesse, à son usage et à la façon dont les sociétés choisissent de la faire circuler. Jacques Weber, pour qui cette équation définit « la durabilité d’une société », initiera ce travail au Cameroun auprès des communautés villageoises vivant de la culture du cacao. La gestion des ressources naturelles est son autre préoccupation. Il fait entrer cet impératif au cœur de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qu’il intègre en 1983 en créant un département d’économie, à une époque où la question de l’épuisement des stocks halieutiques ne se pose pas encore de façon aiguë. Puis en 1993, c’est au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) qu’il monteune unitéde recherchesurlagestion des ressources renouvelables et de l’environnement (Green), en collaboration avec l’agronome Michel Griffon. Ses réflexions sont alors influencées par le travail de l’économiste américaine Elinor Ostrom sur l’utilisation des biens communs. Il contribue à faire connaîtreen Francecelle qui severra décerner le prix Nobel d’économie en 2009. Au Cirad, il promeut ainsi le transfert de la gestion des ressources naturelles aux communautés locales et réussit à convaincre le
gouvernement de Madagascar de tenter l’expérience. Cela se traduira, en 1996, par l’adoption de la loi Gelose (gestion locale sécurisée), toujours en vigueur. Cet itinéraire le porte à la tête de l’Institut français de la biodiversité en 2002. Il fait partie de ceux qui contribuent à faire émerger l’idée d’un GIEC de la biodiversité, que portera le gouvernement français dans les instances internationales. Jusqu’à la création de la plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) en 2012. L’évaluation de la biodiversité et des services irremplaçables qu’elle rend aux sociétés humaines sont pour lui un préalable incontournable pour que puisse être prise en compte la valeur du « capital naturel », jusqu’à présent négligé par les modèles économiques. Avec Robert Barbault, l’un de ses autres compagnons de route, disparu en décembre 2013, Jacques Weber publiera en 2010 La vie, quelle entreprise ! Pour une révolution écologique de l’économie (Seuil). Cette proposition trouvera écho auprès des entreprises regroupées au sein de l’association OREE (Organisation pour le respect de l’environnement dans l’entreprise), à travers l’élaboration d’une nouvelle forme de comptabilité qui intègre les flux entrants et sortants de matières vivantes dans le bilan des sociétés.
Une grande disponibilité Dans ce cheminement entre sphères intellectuelles et acteurs de terrain, il s’investit aussi dans la vie associative pour rapprocher la science des citoyens. Il sera entre2010 et 2013 présidentde l’association Les Petits Débrouillards, premier réseau national d’éducation au développement durable. Jacques Weber n’a pas mené une carrière académique classique, trop gourmand de rencontres et d’échanges pour accepter les contraintes d’une ascèse forcée. Sa grandedisponibilitélaisseracependant un souvenir à des générations de chercheurs et d’étudiants. En juin 2013, à la manière des « mélanges » propres aux publications scientifiques, plusieurs amis lui avaient fait la surprise de publier quelques-uns de ses textes commentéspardesconfrèresscientifiques.Letitrerésumelagénérosité et l’ouverture de celui qui vient dedisparaître:Rendrepossible: Jacques Weber, itinéraire d’un économiste passe-frontières (Ed. Quæ). p Laurence Caramel
AU CARNET DU «MONDE»
Naissance Yasmine et Simon AUQUIER partagent avec Adèle, la joie d’annoncer la naissance de leur fils,
Andrea, le 29 janvier 2014, à Casablanca.
Décès Claude, Nicole Couot, Denise, Lucien et Cécile, Michel, Hélène Bass, ses neveux, Jean-Noël et Anne-Marie, Odile, Cécile, Bertrand et Armelle, Nicolas et Olivier, Samuel, Tudor et Aaron, Laurie et Mario, ses petits-neveux Claire Quélennec, Raphaël Delarue, Annie Parouty, ses filleuls, ont la tristesse de faire part du décès de
Geneviève BASS. Les obsèques auront lieu au crématorium de Beaurepaire (Isère), le lundi 17 mars 2014, à 15 h 30. 32, square Clignancourt, 75018 Paris. Mme Clémentine Bouly, son épouse, Mme Claudette Magnot, sa fille, Mme Florence Ogilvy-Magnot, sa petite-fille, ont la tristesse de faire part du décès de
M. Louis BOULY, à Caluire, dans sa quatre-vingt-treizième année. Une cérémonie a eu lieu ce vendredi 14 mars 2014, à 11 heures, au crématorium de Lyon Guillotière (salle basse). Frédérique Charmasson, sa fille, Gayaz Charmasson, son fils, Ses petits-enfants, Sa famille Et ses amis, ont l’immense douleur d’annoncer que
Franc CHARMASSON, nous a quittés le lundi 10 mars 2014, à l’âge de soixante-douze ans. La cérémonie d’adieu aura lieu le lundi 17 mars, à 10 h 15, au crématorium d’Avignon, 1483, chemin du Lavarin. Nous nous réunirons dans sa maison après la cérémonie.
Le Monde organise, à l’occasion de la sortie du hors-série Jean Jaurès, un prophète socialiste, une visite privée de l’exposition qui lui est consacrée, le jeudi 20 mars 2014, de 18 heures à 21 heures,
Jacqueline de SILGUY nous quittait. Une messe sera célébrée à son intention, le samedi 15 mars 2014, à 17 heures, à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, 92, rue Saint-Dominique, Paris 7e.
aux Archives nationales, 60, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.
Conférences
Pour y participer, munissez-vous de l’invitation publiée en page 2 du hors-série Jaurès, actuellement en vente.
Claude DOMENECH. Fils de réfugié républicain espagnol, d’origine catalane, Claude Domenech, enseignant et passeur de culture, était un homme d’engagement et de passion. Formé au théâtre du Campagnol, metteur en scène de théâtre, il était le fondateur et l’animateur du théâtre de la Lucarne. Il a été, en tant qu’élu municipal, à l’origine du Centre culturel de Coye-laForêt. Il y a trente-trois ans, il fut l’initiateur de notre Festival. Il a définitivement quitté la scène le lundi 10 mars dans l’après-midi.
Conférence de Michel Arrivé « Les mots dans le rêve », lundi 17 mars 2014, à 16 heures, salle Beckett, 45, rue d’Ulm, Paris 5e. Entrée libre dans la limite des places disponibles.
Le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Le directeur de l’UFR mathématiques et informatique Et la communauté universitaire, ont la tristesse de faire part du décès, le 6 mars 2014, de
Mme Yvonne GIRARD,
Ils expriment à sa famille leurs sentiments de condoléances.
François JACQUIN a choisi de nous quitter à Lyon, le 10 mars 2014. Simone Jacquin, son épouse, Claire Jacquin et Philippe Detroy, Denis et Françoise Jacquin, Anne et Alain Dupont, ses enfants, Thomas Zimmermann, Florence et Pierre Jacquin, Kim Dupont et Hamid Lamraoui, Margot Dupont et Raphaël Babeau, ses petits-enfants, Armelle Jacquin, Noëlle Nedelcu, Jean-Pierre et Jacqueline Jacquin, Bernadette Sers, son frère et ses soeurs et leurs enfants, Tous ses amis, sont tristes, mais respectent sa décision. La cérémonie d’adieu, suivie de la crémation, aura lieu le lundi 17 mars, à 11 h 30, au crématorium de Bron, 161, boulevard de l’Université. Plutôt que des fleurs, des dons à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.
Nicole-Claude MATHIEU, féministe, anthropologue à l’EHESS,
Depuis 1990, le week-end de la manifestation annuelle les Carrefours de la pensée qui se déroule au Mans, au mois de mars, est devenu un rendez-vous incontournable pour les personnes qui s’intéressent aux questions sociales, économiques et géopolitiques. La 24e édition, les 21 et 22 mars 2014, a pour thème : Inégalités : une fatalité ? Elle offre deux jours de conférences gratuites et de discussions accessibles à tous, une exposition « Oubliés de nos campagnes », coorganisée avec le Secours Catholique, un film : « Rêves d’or » de Diego Quemada-Diez. Le programme détaillé est accessible sur le site carrefoursdelapensee.univ-lemans.fr Espace analytique La psychanalyse face au monde contemporain
maitre de conférences en informatique.
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En partenariat avec les Archives nationales et la Fondation Jean Jaurès,
Anniversaire de décès
Conférence publique « Enjeux et Perspectives » Le samedi 22 mars 2014, à 14 h 30, avec Roger-Pol Droit, journaliste, chercheur au CNRS, enseignant et écrivain Monique Atlan, journaliste et animatrice, Quel humain pour demain ? Entrée libre. Grand Temple de la Grande Loge de France, 8, rue Puteaux, Paris 17e.
Séminaire L’Institut hospitalier de psychanalyse de Sainte-Anne et la Société de psychanalyse freudienne Dans le cadre du séminaire « Psychanalyse et psychiatrie, aujourd’hui et demain », le docteur Françoise Gorog et le professeur Patrick Guyomard recevront le professeur François Ansermet, pédopsychiatre, psychanalyste (ECF), directeur du Département académique de psychiatrie, Université de Genève, et Monique David-Ménard, philosophe, psychanalyste (SPF), Centre d’études du vivant, Paris-Diderot, le mardi 25 mars 2014, à 21 heures, à l’hôpital Sainte-Anne, amphithéâtre Morel, 1, rue Cabanis, Paris 14e. Entrée libre sur inscription auprès de Mme Sophie Rigaud : 01 45 65 80 88 ou s.rigaud@ch-sainte-anne.fr
22 et 23 mars 2014, Centre universitaire des Saints-Pères, amphithéâtre Binet, 45, rue des Saints-Pères, Paris 6e, avec Jean-Claude Aguerre, Paul-Laurent Assoun, André Burguière, Gisèle Chaboudez, Judith Cohen-Solal, Frédéric de Rivoyre, Olivier Douville, Raphaël Draï, Sylviane Giampino, Isabelle Guillamet, Robert Higgins, Christian Hoffmann, Georgy Katzarov, Patrick Landman, Didier Lauru, Serge Lesourd, Patrick Linx, Silvia Lippi, Pierre Marie, Dominique Mehl, Vannina Micheli-Rechtman, Jean-Jacques Moscovitz, Laurent Mucchielli, Marc Papon, Michelle Perrot, Claude-Noële Pickmann, Jean-Louis Poitevin, José Polard, Gérard Pommier, Ouriel Rosenblum, Jacques Sédat, Manya Steinkoller, Marie-Laure Susini, Myriam Szejer, Bernard Toboul, Dominique Tourres-Landman, Alain Vanier, Catherine Vanier, Markos Zafiropoulos, Entrée : 100 € (étudiants 30 €) Tél. : 01 47 05 23 09. espace.analytique@wanadoo.fr Centre communautaire de Paris, journées du judaïsme marocain du 17 au 31 mars 2014, expositions, films, leçons, tables-rondes, témoignages, chabbat plein, concerts. Programme détaillé sur www.centrecomparis.com Tél. : 01 53 20 52 52. 119, rue La Fayette, Paris 10e.
Communications diverses
est morte. Elle a été incinérée ce vendredi 14 mars, à 11 h 45, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. « Quand céder n’est pas consentir » Orléans. Paris. Grenoble. Bruxelles. Ses parents, Ses enfants et leur mère, Son frère et sa famille, Sa tante et ses cousins Et tous ceux qui l’ont aimé,
Journée scientifique du CIDE « Féminin, Folie, Adolescence » le samedi 5 avril 2014, à 9 heures. Auditorium, conservatoire Niedermeyer à Issy-les-Moulineaux. « Le sens du symptôme dépend de l’avenir du réel, donc (...) de la réussite de la psychanalyse ». J. Lacan, La Troisième, 1974. Renseignements et inscriptions : CIDE Ville-d’Avray www.centre-du-parc-de-st-cloud.org mail : secretariat@asso-cide.org
SOS AMITIE qui est à l’écoute 24 heures sur 24 de toute personne en situation de solitude, d’angoisse et de mal-être recherche DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES pour ses sept lieux d’écoute à Paris et en Ile-de-France. Disponibilité souhaitée de quelques heures par semaine, le jour, le soir, la nuit ou le week-end. Formation assurée. Écrire à SOS Amitié Idf 7, rue Heyrault, 92100 Boulogne. Email : sos.amitie.idf@wanadoo.fr
ont la douleur de faire part du décès de
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François-Hugues PARENT,
directeur du centre culturel La Passerelle à Fleury-les-Aubrais, survenu le 10 mars 2014, à Orléans. La grande famille du Théâtre Et ses proches,
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ont l’immense tristesse de faire part de la disparition de
Mme Jacqueline TOUBIANA-TABBAH, dite Catherine SELLERS,
survenue le 9 mars 2014, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Elle a rejoint son mari Pierre TABARD qui lui manquait tant. Les obsèques ont eu lieu le jeudi 13 mars, à 14 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue des Rondeaux, à Paris 20e, dans la salle de la Coupole.
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météo & jeux
Samedi 15 mars 2014
0 à 5°
5 à 10°
6 13
PARIS 9 15
6 14
6 16
Nantes
1020
4 14
5 15
T
Clermont-Ferrand 4 14
4 14
30 km/h
6 15
Dijon
Poitiers
Limoges
A
Lyon 0 6 101 16
8 14
Montpellier
Toulouse 7 17
8 18
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Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Dimanche
Samedi, les hautes pressions se décaleront vers l'Océan Atlantique. Cela nous canalisera un léger flux de nord-ouest plus humide et moins chaud sur la France. Des nuages circuleront notamment sur la moitié Nord où quelques gouttes ne seront pas exclues vers les frontières du Nord-Est. Des grisailles matinales se dissiperont généralement par ailleurs. Températures en baisse surtout sur le quart Nord-Est. Retour du soleil dès dimanche en général.
Jours suivants Lundi
Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est
Mardi
8 17
Lever 17h57 Coucher 06h12
Lever 07h03 Coucher 18h54
Aujourd’hui
Ajaccio
65 km/h
Anticyclone
D
Front froid
Occlusion
Thalweg
6 17
6 14 7 16 3 18
7 15 5 16
6 18
7 17 7 17 7 17
assezensoleillé 7 10 beautemps 9 15 assezensoleillé 10 19 averseséparses 6 18 averseséparses 5 8 enpartieensoleillé 2 12 averseséparses 7 12 assezensoleillé 6 18 bienensoleillé 6 18 averseséparses 3 9 assezensoleillé 4 14 enpartieensoleillé 6 11 neigesoutenue 1 2 beautemps 9 13 assezensoleillé 3 17 11 13 averseséparses 10 21 beautemps 3 16 assezensoleillé 7 18 assezensoleillé 4 9 averseséparses 5 21 beautemps enpartieensoleillé 1 9 12 19 beautemps 0 5 assezensoleillé 4 7 averseséparses 3 7 fortepluie
Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb
pluiemodérée beautemps beautemps pluieetneige pluieetneige bienensoleillé averseséparses assezensoleillé faiblepluie nuageux
Alger aversesmodérées Amman bienensoleillé Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth bienensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires aversesmodérées Dakar bienensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai soleil,oragepossible Hongkong assezensoleillé Jérusalem bienensoleillé Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire beautemps Mexico beautemps Montréal pluieetneige Nairobi soleil,oragepossible
A
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6 17 19 5 5 17 9 15 6 18
11 6 28 13 18 18 20 26 24 16 6 23 8 12 1 16
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New Delhi assezensoleillé averseséparses New York beautemps Pékin bienensoleillé Pretoria beautemps Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible beautemps Séoul Singapour pluiesorageuses soleil,oragepossible Sydney enpartieensoleillé Téhéran assezensoleillé Tokyo enpartieensoleillé Tunis Washington bienensoleillé Wellington averseséparses
16 29 5 11 5 21 12 24 9 21 24 33 0 11 26 32 21 30 7 11 4 10 13 15 5 16 16 19
soleil,oragepossible bienensoleillé bienensoleillé couvertetorageux bienensoleillé soleil,oragepossible
24 30 24 27 18 27 26 30 23 28 26 31
Outremer
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Mercredi 6 16
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“Connaître les religions pour comprendre le monde”
11 23
9 21
11 20
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
5
6
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z Découvre notre nouvelle formule
Sudoku n˚14-063
Motscroisés n˚14-063 4
D 102 0
1015
Tripoli Tripoli
Dans le monde
6 15
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A
Alger
D
7 15
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0 Istanbul 1
Athènes
Tunis Tunis
Dépression
Front chaud
Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik
Les jeux 1
20
1010 Bucarest
Ankara
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Solution du n˚14-062
TF 1 Bon anniversaire Les Enfoirés. Avec Tina Arena, Jean-Louis Aubert, . 23.45 Les Restos du cœur : c’est pas bientôt fini ? Emission spéciale. Invité : Olivier Berthe. 1.15 Reportages. Magazine (115 min).
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Série. Trop jeune pour toi. Avec Anne Richard.
22.25 Ce soir (ou jamais !). Magazine. 0.00 La Parenthèse inattendue.
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Magazine. Invités : Jean-Christophe Rufin, Louis Chedid et Alice Pol (108 min).
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I. Nous évitent de rester coincés. II. Ne rendront pas le moindre service. Ecrase en frappant. III. Risquent de percer les feuilles. Le brome. IV. Encore plus bêtes quand ils sont en bandes. Le premier à monter dans un avion. V. Points en opposition. Passa au plus près. VI. Indien du Colorado. A très froid. Devront être rendus. VII. Assurent la ventilation à l’intérieur. VIII. Franchit le pas. Luth persan. Une des premières à sortir du Chaos. IX. Doublé dans le tutu. Participation individuelle. Déjà bien avancée. X. Répétitions.
Solution du n° 14 - 062 Horizontalement
I. Accentuation. II. Formée. Lance. III. Friperie. Ccc. IV. Idée. Elne. Ue. V. Risses. Claps. VI. Ma. Traboules. VII. Alpes. Endura. VIII. Tir. Eon. En. IX. Itération. Or. X. Fessues. Tune.
Vendredi 14 mars
20.55 Restos du cœur.
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Horizontalement
I
nvitée au « Grand Journal » de Canal+, jeudi 13 mars, Christiane Taubira y montra cet œil dont on ne doit pas toujours trouver agréable qu’il vous tance. La garde des sceaux a beau être « dans la tourmente», accusée d’avoir menti au sujet de sa connaissance du dossier des écoutes téléphoniques de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, ses yeux revolver n’ont pas perdu de leur inflexible superbe et de leur puissance de frappe. Ce regard se colore de nuances variées pourtant : Jean-Michel Aphatie (dont la ministre ne cessa de dénoncer l’acharnement à son endroit depuis une semaine sur le plateau du « Grand Journal ») eut droit à un rayon laser cryogénisant ; Nana Mouskouri, deuxième invitée principale du « Grand Journal », à une expression de complicité amicale et fraternelle. Ces billes noires, qui font tellement penser aux yeux de Pablo Picasso, ont même été gagnées par un voile d’émotion lorsque le chroniqueur littéraire Augustin Trapenard et Antoine de Caunes prononcèrent de jolis compliments sur la qualité de langue de Paroles de liberté (Flammarion, 140 p., 12 euros), l’ouvrage qu’elle écrivit au cours de « cinq nuits fiévreuses » en décembre 2013. C’était l’occasion pour Christiane Taubira, dans une émission au public varié et nombreux, de remettre à plat, simplement et sincèrement, le dossier d’accusation ou de suspicion à son endroit et d’expliquer qu’elle avait « menti en bien» par crainte que, chez ceux qui ignorent les
Les soirées télé
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0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
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1. Se lance dans de trop grands développements. 2. N’a donc pas besoin de travailler. 3. Pour retrouver la forme. Point matinal. 4. Le feu dans les feuilles. Peut se lancer. 5. Coupe la journée. Bouche-trou. 6. Sans oublier personne. Donne toujours soif. 7. Nouvelle adresse pour le Louvre. Couvrit de lames. 8. Auxiliaire. Accueillit chaleureusement. 9. Pêché en Méditerranée. Me rendrai. 10. Interjection. Espèce disparue. Stratégie en noir et blanc. 11. Nains germaniques. 12. Abattues.
Philippe Dupuis
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1. Affirmatif. 2. Cordialité. 3. Cries. Prés. 4. Empeste. 5. Née. Erseau. 6. Teresa. Oté. 7. Il. Bénis. 8. Alençon. 9. Ta. Eludent. 10. INC. Alun. 11. Occuper. On. 12. Nécessaire.
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Samedi 15 mars Un peu moins beau Cherbourg
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Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
Magazine. Des animaux si proches de nous. Au sommaire : Luna, l’orque qui aimait les hommes ; La Planète des pieuvres... 22.35 Météo, Soir 3. 23.05 Docs interdits. Les Pouponnières du IIIe Reich. Documentaire. 0.00 Si près de chez vous (50 min).
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20.55 L’homme qui rit Film Jean-Pierre Améris. Avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin (France, 2012) U. 22.25 Happiness Therapy pp Film David O. Russell. Avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Robert De Niro (EU, 2012) U. 0.25 Dead Man Down Film Niels Arden Oplev (EU, 2013, 115 min) V.
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20.39 On n’est pas que des cobayes !
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FRANCE 5 Mission : piloter une moto sur de la glace ; Peut-on trouver chaussure à son pied...(saison 3). 22.25 C dans l’air. Magazine. 23.38 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE 20.50 Just Like a Woman. Téléfilm. Rachid Bouchareb. Avec Sienna Miller, Golshifteh Farahani (coprod., 2012, audio.). 22.35 Semences : les gardiens de la biodiversité. Documentaire (2013). 23.30 Sepideh, un ciel plein d’étoiles Film Brit Madsen. Documentaire (2012, 90 min).
M6 20.50 NCIS : enquêtes spéciales.
Série. Sous le radar (S11, 3/24, inédit) U ; Enquête exceptionnelle. Le Visage du diable. La Veuve noire. La Chimère (S5, 3 à 6/19) U. 1.05 New Girl. Série (S1, 7-8/24, 50 min).
rouages judiciaires ordinaires, l’on confonde sa connaissance du dossier, comme il se doit en pareille situation, et de possibles pressions sur la justice. Au lieu de quoi, Mme Taubira s’enferra dans une joute personnelle et rancunière avec Aphatie et finit par lui opposer des arguments dont la faiblesse n’est pas digne de la finesse habituelle qu’elle témoigne: « Je n’ai pas souvenir d’une telle obstination et d’une telle violence des journalistes contre la droite… » Visiblement agacée, cinglante et hautaine, Mme Taubira finit même, comme Jean-Marc Ayrault dans l’embarras au début de cette affaire, par s’emmêler les pédales et par produire un lapsus sinon
Visiblement agacée, cinglante et hautaine, Mme Taubira finit par s’emmêler les pédales révélateur, du moins amusant : « Dans ce pays, l’UMP définit les lignes électorales», immédiatement corrigé par « lignes éditoriales». Alors qu’on apprenait, à la fin de la première partie du « Grand Journal », dont Nana Mouskouri venait de rejoindre le plateau, que Christiane Taubira avait écrit des textes de chansons, il lui fut demandé de confirmer qu’elle ne les laisserait pas paraître tant qu’elle serait « aux affaires». « Aux affaires? Vous voulez dire aux responsabilités! », rétorqua la garde des sceaux, retrouvant in fine sa précision lexicale et son humour délicieusement acide. p
Samedi 15 mars TF 1 20.55 The Voice, la plus belle voix.
Episode 10. Invités : Corneille, Pascal Obispo, Hélène Ségara, Elodie Frégé, Kylie Minogue... 23.25 The Voice. « La Suite ». 0.35 Les Experts : Miami. Série. Impôt meurtrier V. L’Insigne du crime U (saison 3, ép. 19 et 20/24, 155 min).
FRANCE 2 20.45 Les Années bonheur.
Invités : Jean-Patrick Capdevielle, Pascal Obispo, Liz McComb, Salvatore Adamo, Luz Casal... 23.05 On n’est pas couché. Talk-show présenté par Laurent Ruquier (180 min).
FRANCE 3 20.45 Belinda et moi.
Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Line Renaud, Alexandre Styker, Valérie Ancel (Fr., 2014, audio.). 22.15 Météo, Soir 3. 22.40 Raspoutine. Téléfilm. Josée Dayan. Avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Vladimir Mashkov (Fr. - Rus., 2011). 0.25 Le Barbier de Séville. Opéra-bouffe de Rossini. Par l’Orchestre de Picardie, dir. Antonello Allemandi. Avec Taylor Stayton, Tiziano Bracci (155 min).
CANAL + 20.55 The Place Beyond the Pines p
Film Derek Cianfrance. Avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Rose Byrne (EU, 2012) U. 23.10 Jour de foot. Ligue 1 (29e journée). 0.10 Flight pp Film Robert Zemeckis. Avec Denzel Washington, John Goodman (EU, 2012, 135 min) V.
FRANCE 5 20.35 Echappées belles.
Inde : planète Bombay. Magazine.
22.10 La Menace d’un mégaséisme.
[2/2] Alerte Tsunami. Documentaire (2013). 23.00 L’Œil et la Main (25 min).
ARTE 20.45 L’Aventure humaine.
La Cité pirate. Documentaire (GB, 2011). 22.25 L’Ile de Robinson et l’or inca (coprod. 2010). 23.20 Trop jeune pour mourir. [2/4] Vladimir Vyssotski : l’excès de vie. 0.10 Tracks. Magazine (45 min).
M6 20.50 Hawaï 5-0.
Série. Ua Nalohia (S4, ép. 7, inédit ). Olelo Ho’Opa’ I Make. Hana I Wa’Ia (S3, 13 et 14/24) ; Ua hopu. Ua hala (S2, ép. 22 et 23/23) U (255 min).
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décryptages
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Samedi 15 mars 2014
La mise sur écoute constitue une intrusion grave, il faut mieux l’encadrer Jean-Pierre Bérard Conseiller d’Etat honoraire
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couter quelqu’un sans qu’il le sache pour découvrir ses pensées intimes, ses projets secrets, est une tentation à laquelle échappent difficilement les personnes ayant d’importantes responsabilités,que ce soitun préfetdepolice pendant les années 1950 ou un président de la République pendant les années 1980. Depuis, les écoutes téléphoniques ont fait l’objet de dispositions législatives qui auraient dû régler ce problème. Mais le scandale actuel des écoutes d’un avocat et de son client, ancien président de la République, repose la question ainsi que celle de l’indépendance de la magistrature. Les dispositions des articles 100 et suivants du code de procédure pénale prévoient que le juge d’instruction peut prescrire des écoutes téléphoniques en précisant l’information qui les motive. Cette décision est prise pour une durée de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée. Un avocat doit pouvoir s’entretenir en toute confidentialité avec son client afin de préserver les droits de la défense. Il ne bénéficie, cependant, d’aucune impunité et peut faire l’objet d’écoutes si le juge
d’instruction suppose qu’il a commis une infraction. Si l’article 100-5 du code de procédure affirme « qu’à peine de nullité ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense », cette transcription est licite si elle est de nature à faire présumer la participationde cetavocat à des faits constitutifs d’une infraction. Mais le bâtonnier et le vice-bâtonnier ont eu raison de rappeler « qu’il y a une différence entre le fait de mettre sur écoute un avocat soupçonné d’avoir commis un délit et celle de profiter d’écoutes ordonnées à d’autres fins pour glaner des informations sans rapport avec l’enquête initiale ». C’est ce qui vient de se produirepour les écoutes ordonnées à la suite d’une information ouverte en février 2013 concernant le financementde la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy, qui ont permis de diffuser dans la presse des propos concernant l’affaire Bettencourt et de justifier la perquisition des bureaux et domiciles de Me Herzog. Le placement sur écoute ne peut être ordonné que sur la présomption d’une infraction déterminée ayant entraîné l’ouverturede l’informationdontlemagistrat est saisi. L’écoute n’a pas été ordonnée sur la présomption d’une infraction qu’aurait commise Me Herzog, mais sur la présomption d’un financement délictueux d’une campagne électorale.
A la date à laquelle le juge d’instruction a prescrit cette écoute, était-il en possession d’indices de participation de cet avocat à une activité délictueuse? La chambre criminelle de la Cour de cassation (15 janvier 1997) a, dans ce cas, annulé les écoutes. Enrevanche,le 1er octobre 2003,la chambre criminelle a admis que sont licites des écoutes « dont le contenu est de nature à faire présumer la participation d’un avo-
L’exploitation d’une information sans rapport avec l’enquête initiale ne peut que provoquer un malaise qui nuit à la justice cat à des faits constitutifs d’une infraction, fussent-ils étrangers à la saisine du juge d’instruction». Lamisesur écouteestune intrusiongrave dans la vie privée. Elle devrait être exceptionnelle, limitée dans le temps, justifiée précisément et bien cadrée. Son exploitation, surtout dans le cas d’écoutes se prolongeant à la suite de nombreux renouvellements,devrait être limitée uniquement à son objet, tel qu’il résulte des « nécessités de l’information» (article100).
La longueur exceptionnelle des écoutes, l’exploitation d’une information sans rapport avec l’enquête initiale ne peuvent que provoquerun malaisequi nuit à la justice,dont certains,à tort,contestentl’indépendance, aux institutions politiques et aux médias. On pourrait craindre des dérives destinées à assouvir une curiosité malsaine ou une vindicte à l’égard d’une personne dont on attend ou on espère qu’un jour ou l’autre elle finira par commettre une infraction,sans mêmeque celle-ci soit nettement définie. Pour faciliter la répression de futures infractions, il pourrait être envisagé de mettre sur écoute permanente la totalité d’une catégorie de personnes dont on présumerait que, en raison d’une activité spécifique, elles seraient tentées de commettre une quelconque infraction. Les progrès techniques actuels peuvent le permettre.Les services d’investigationaméricains procèdent bien à des écoutes dans le monde entier. Il faut donc mieux encadrer les écoutes téléphoniques qui ne sont contrôlées qu’a posteriori, au moins en soumettant leur renouvellement à une décision de magistrats autres que le juge d’instruction concerné et en bornant leur utilisation par la stricte limite de l’enquête initiale. Une propension de plus en plus développée à publier des informations confidentielles sur le déroulement d’une ins-
truction, une tendance des magistrats ou de leurs organes représentatifs à exprimer des opinions politiques, qu’elles soientde gaucheou de droite, aggravent le malaise. Une autre mesure est nécessaire pour assurer l’indépendance de la justice et la protéger : sanctionner très sévèrement toute personne à l’origine d’une fuite concernant les éléments confidentiels de la procédure. Ces fuites sur des momentsde procédure où rien n’est encore tranché ne peuvent que nourrir des suppositions, des malentendus et faciliter des campagnes politiques vaines et désastreuses pour le respect de nos institutions et de nos médias. Il faudraitquedans l’espritpublicde telles divulgationssoient aussisales, honteuses que celles d’un corbeau, que leur auteur, qui ne peut être que proche de l’institution judiciaire puisqu’il a eu accès à ces pièces confidentielles, soit activement recherché et gravement sanctionné, ce qui n’est pas le cas. Ces deux mesures sont complémentaires. Les pouvoirs du juge d’instruction sont importants. Il faut lui permettre de les exercer dans lasérénité et l’indépendance, touten assurant un contrôle nécessaire par l’institution judiciairedes décisionsgraves et strictement encadrées de mise sur écoute et en assurant sévèrement la confidentialité de sa démarche. p
Contrela pollution, il est urgent d’agir N’oublions pas les livresspoliés! L’immobilisme n’a que trop duré La face cachée du pillage nazi mais aussimétaboliques, vasculaires et neurologiques. En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la pollution atmosphérique parmi les cancérigènes avérés. Des études récentes suggèrent que l’exposition au début de la vie peut affecter de manière significative la santé dans la vie adulte, et que l’effet de la pollution atmosphérique sur la grossesse peut être comparableà celui du tabagisme passif. La pollution de l’air réduit l’espérance de vie de chaque citoyen européen de huit mois et demi en moyenne.
Isabella AnnesiMaesano Directrice de recherche à l’Inserm
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epuis quelques jours, la France est touchée par une vague anticyclonique et un épisode de pollution atmosphérique. L’existence d’un lien entre la présence d’un anticyclone et les pics de pollution fait désormais partie du domaine des connaissances communes : l’absence de vent et de pluie en cas de conditionsanticycloniquesne permet pas la dispersion des polluants atmosphériques. De ce fait, dans plusieurs villes françaises les niveaux des principaux polluants de l’air dépassent de façon importanteceux préconisés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un nombre croissant de preuves scientifiques suggère que la pollution de l’air est plus nocive qu’on ne le pensait auparavant.Elle est à l’origine non seulement d’un excès de morbidité et mortalité cardiopulmonaires
Des pics plus fréquents Les données de l’Agence environnementale européenne indiquent une tendance à la diminution des émissions en tonnes des particules en suspension pour la période 1990- 2012 en Europe et, plus particulièrement, en France. Cependant, il s’agit d’émissions qui sont calculées à partir des sources prévues, ce qui peut conduire à leur sous-estimation. Aucune tendance à la diminution n’est observée lorsqu’on considère les concentrations mesurées en microgramme par mètre cube d’air de façon objective à l’aide des stations de sur-
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LE MONDE
ACADÉMIE en partenariat avec et
veillance de la qualité de l’air ou de modèles plus sophistiqués permettant de mesurer la pollution de proximité, au trafic véhiculaire par exemple. La tendance à long terme, en l’absence d’adoption de mesures de réduction des émissions, est à une augmentation de la fréquence des pics de pollution atmosphérique en raison, entre autres, des changements climatiques. Il faut donc adopter de façon urgente des mesures pour réduire les émissions liées aux transports. Elles doivent porter sur la mise en place et surtout le respect des normes « Euro» ainsi que sur le renouvellement du parc automobile, dont celui des transports publics, en faveur de véhicules moins polluants. Avec certains collègues de la Société européenne respiratoire nous recommandons une mesure de type économique : l’adoption d’une taxe automobile progressive en fonction de la puissance, du volume et du type de véhicule, afin de tenir compte du potentiel d’émission et de congestion du véhicule. En fonction de leur topographie, les villes doivent prendre des mesures adaptées. La fermeture des centres urbains à la circulation automobile convient aux villes comme Paris, denses, dont les rues sont étroites. Mais les citoyens doivent pour cela prendre conscience de l’utilité de ces mesures, notamment reconnaître l’intérêt d’utiliser les moyens de transports publics ou alternatifs (vélo…), des comportements qui doivent être encouragés par des choix politiques. Malheureusement, ces mesures ont rarement été adoptées en France. Or bien que les exemples ne soient pas nombreux, les expériences tentées par Milan et Stockholm montrent qu’une réduction significative de la pollution a été obtenue en diminuant la circulation automobile de façon coercitive. Une réduction de la pollution atmosphérique est essentielle non seulement pour la santé des êtres humains, des animaux et de la végétation mais aussi pour limiter l’effet des gaz de serreresponsable des changements climatiques et des effets associés. p
Martine Poulain
Conservatrice des bibliothèques
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a remise à leurs ayants droit par la ministre de la culture de trois tableaux spoliés, la sortie en France du film de George Clooney, Monuments Men, remettent sur le devant de la scène un des aspects sous-évalué de la barbarie nazie : la spoliation, singulièrement en France, de milliers de tableaux, sauvagement arrachés par les services du Reich à leurs légitimes propriétaires, majoritairement juifs. On estime que 61 233 œuvres d’art revinrent en France ; après de difficiles recherches des caches nazies, qui changèrent au cours de la guerre, grâce aussi à des Monuments Women, telle Rose Valland, attachée de conservation au Jeu de paume, 45 000 œuvres purent, entre fin 1944 et fin 1949, être rendues à leurs possesseurs, si du moins ceux-ci étaient encore en vie. Très vite, en ce domaine comme dans d’autres (la collaboration, par exemple…), les ordres furent de tourner la page. Les commissions de restitution, dotées de moyens dérisoires,
Le vol (ou la destruction, c’est selon) de tableaux ne fut pas le seul signe de la volonté de puissance des nazis sur les choses de l’âme et de l’esprit sont obligées d’interrompre leurs activités. Avec une rapidité coupable, plusieurs milliers d’œuvres restantes sont dispersées par l’administration des Domaines et 2 000 mises en dépôt, sous le sigle MNR (Musées nationaux récupération), dans les grands musées français. Puis, rien, ou presque… Réjouissons-nous alors que l’opiniâtreté de certains héritiers, l’engagement de chercheurset de professionnels,la détermination de certains responsables politiques, dont Corinne Bouchoux, sénatrice (EELV) duMaine-et-Loire,quiappelle dansson rapport de janvier à redoubler d’efforts et à poursuivreles restitutions,aient contribué à lever le voile sur cette amnésie douteuse. Martine Poulain Signe de la hiérarchie symbolique des est l’auteure de arts, on se préoccupe, presque toujours, Livres pillés, des peintures (de maîtres). Mais si l’on ne lectures veut pas, une nouvelle fois, reconstruire surveillées. Les une mémoire partielle, il faut rappeler que bibliothèques le vol (ou la destruction, c’est selon) de françaises sous tableauxne fut pas le seul signe de la volonl’Occupation, té de puissance des nazis sur les choses de Gallimard, « Folio l’âme et de l’esprit : sculptures, objets d’art, Histoire», 2013. mobiliers, instruments de musique, archives, livres furent pourchassés avec autant
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de détermination et de violence que le furent ceux qui les possédaient. Eliminer les êtres ne suffisait pas, il importait de détruire ce qui avait constitué leur vie, façonné leur existence, structuré leur histoire, instruit leur esprit. Selon une planification implacable et préparée dès le milieu des années 1930 par les idéologues nazis et leurs espions, au moins 5 et peutêtre 10 millions de livres ont été saisis en France dans des centaines d’institutions et chez des milliers de familles, juives dans leur immense majorité, mais aussi francmaçonnes,slaves, résistantes,protestantes parfois(l’histoire del’émigrationhuguenote devenant elle aussi faire-valoir du Reich) ou simplement républicaines. Guère plus de 1 million de ces livres ont été retrouvés, en France ou en Allemagne, au prix d’efforts gigantesques, des milliers de caisses revenant par wagons entiers : ensembles parfois intacts, plus souvent dépareillés, morcelés, voire méconnaissables après les multiples tris que leur firent subirles occupants,en Franceou en Allemagne. Des tris qui pour nombreux qu’ils furent ne doivent rien au hasard, aucun ouvrage du poète et écrivain allemand Heinrich Heine (1797-1856) n’étant par exemple revenu d’Allemagne : ils y ont tous été détruits. « La perte de mes livres m’a enlevé le goût de vivre durant plusieurs semaines », témoigne la journaliste Louise Weiss; « C’est un coup terrible, une amputation, à n’en plus se relever », déplore l’historien Boris Souvarine ; et le romancier André Maurois : « Dans mon bureau, les rayonsque j’avais, en quaranteannées,remplis de livres choisis avec amour, sont maintenant vides. Ne trouvant pas l’homme, la Gestapo a pris la bibliothèque.» Une femme, la bibliothécaire Jenny Delsaux, dotée de moyens dérisoires, consacra cinq ans de sa vie, au sein de la sous-commission des livres à la récupération artistique, à tenter de restituer leurs livres aux spoliés. Mais là encore, et pour des raisons politiques, le travail fut interrompu trop vite : 300 000 livres parmi les retrouvés furentvendusau poidset 15000,dont quelques centaines de documents précieux ou rares (manuscrits, estampes, livres anciens), déposés dans des bibliothèques patrimoniales ou ayant souffert de la guerre. Ils y sont toujours et nul ne connaît plus leur histoire ni des mains de qui ils furent arrachés… Il est encore temps de nourrir cette mémoire et de retrouver une partie de ces bibliothèques. L’effort à fournir n’est pas surhumain. Il demande une volonté de savoir et de faire savoir, un travail d’analyse et de recherche de provenance tout à fait classique, une coopération européenneapte à restituer l’immensecartographie de ces errances forcées. p
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analyses
Samedi 15 mars 2014
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Unedic : les précaires otages de la négociation ? ANALYSE par Jean-Baptiste Chastand Service Politique
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lors que la négociation sur l’assurance-chômage devait se terminer jeudi 13 mars, le patronat a demandé, lundi 10 mars, aux syndicats de reporter l’échéance au 20mars. Officiellement, le Medef assure que ses équipes sont trop accaparées par le pacte de responsabilité, et l’Unedic ne serait pas en mesure de chiffrer toutes les options de réforme sur la table. Mais la journée de mobilisationde la CGT et de FO,le 18 mars, alors que les intermittents sont déjà dans la rue, pousse également le patronat et la CFDT à temporiser. Car une négociation, c’est toujours une grande part de théâtre, de jeux de posture et aussi de politique.La maîtrise de l’agenda médiatiqueest cruciale. En proposant d’emblée de supprimer le régime des intermittents du spectacle, le Medef a parfaitement réussi son coup. Depuis le début de la négociation, on ne parle plus que du sort de la centaine de milliers d’intermittents indemnisés par l’assurance-chômage, tandis que celui des autres chômeurs est passé au second plan. Le patronat sait que la suppression pure et simpledesannexes8 et 10 de la conventiond’as-
surance-chômage – qui régissent les intermittents – est parfaitement inacceptable pour les syndicats. Mais il avait besoin que l’attention se focalise sur ce point. En échange d’un recul sur sa revendication, il compte obtenir des concessions syndicales sur les autres sujets en discussion, notamment les règles d’indemnisation des autres précaires. Voire instaurer l’idée que les droits des chômeurs puissent diminuer, si l’économie s’améliore. Ce grand jeu a déjà fait une victime : la simplification des règles d’indemnisation. Alors que ce sujet était censé être un des principaux points de discussion, il est désormais loin des radars. Il y a pourtant à peine plus d’un an, l’immolation d’un intérimaire devant une agence Pôle emploi à Nantes avait alerté l’opinion sur les dramatiques conséquences que pouvaient avoir certaines règles de l’Unedic. Incompréhensibles pour la plupart des chômeurs, et pour une bonne partie des conseillers de Pôle emploi, ces règles devaient être simplifiées, avaient alors promis syndicats et patronat. Mais la négociation approche de son terme et le sujet a à peine été effleuré. La CFDT ne veut, pour l’instant, parler que des droits rechargeables. Sur le papier, ils doivent permettre à tous les chômeurs de ne pas voir leur indemnisation baisser s’ils reprennent un travail, comme c’est parfois le cas actuellement. Mais ce n’est qu’une partie du problème et, surtout, la solu-
POLITIQUE | CHRONIQUE par Françoise Fressoz
Le vice et la vertu
C
’était pourtant si simple : le vice et la vertu. Le vice : Nicolas Sarkozy, « une affaire par jour » ou presque, comme le dit un ministre. La vertu : François Hollande, incarnation d’une « République irréprochable », ainsi que le proclamait le candidat pendant la campagne présidentielle. Mercredi 12 mars, en conseil des ministres, le président a tout fait pour donner corps à son slogan. Il a défendu la présomption d’innocence, le secret de l’instruction, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice. Mais pour que son plaidoyer soit parfaitement crédible, il fallait maintenir l’illusion d’une parfaite étanchéité entre le pouvoir et les juges, il fallait que le président de la République découvre tout dans la presse, comme ses concitoyens, qu’il ne sache rien avant eux de l’activité des juges à l’encontre de son prédécesseur : la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy dans le cadre d’une enquête sur le financement de sa campagne en 2007, puis l’ouverture d’une information judiciaire pour trafic d’influence concernant l’affaire Bettencourt. D’où le mensonge de la garde des sceaux, Christiane Taubira, rapidement mis à jour, car il était en réalité impossible que dans ce genre d’affaires le pouvoir ne sache rien. Il avait luimême fixé les règles de la procédure. Du coup, la belle histoire ne tient plus : ce n’est plus la vertu contre le vice, mais une bataille politique, le énième épisode du match Sarkozy-Hollande, un feuilleton à rebondissements qui menace d’empoisonner tout le quinquennat. Nicolas Sarkozy a beau être atteint par l’avalanche d’affaires qui lui tombe sur la tête, sa pugnacité est intacte. Il joue sa survie politique. Il se battra jusqu’au bout, en prenant, comme à chaque fois, la posture commode
de la victime. Victime des juges, victime du pouvoir, victime de tous ceux qui rêvent de l’abattre. Et, ce faisant, il galvanise ses troupes et force son camp à faire corps derrière lui, François Fillon compris, qui, à propos des écoutes, évoque à présent « un règlement de comptes pas digne d’un Etat de droit ». François Hollande n’est pas atteint dans sa probité. Personne ne l’accuse de manipuler la justice, mais son innocence en a pris un coup. Le président de la République savait, donc il était susceptible de… C’est le poison du soupçon, d’autant plus difficile à combattre que les règles du jeu sont inégales. A partir du moment où la gauche se pare d’un manteau de ver-
tion préconisée par la CFDT n’est pas d’une très grande simplicité. Qu’importe ! Le sujet est crucial pour la stratégie de la CFDT, qui a obtenu cette contrepartie dans le cadre de l’accord nationalsur la sécurisationdel’emploidu 11janvier 2013. De son côté, le Medef a inutilement tendules négociationsen mettantcomme préalable la suppression des annexes 8 et 10, mais aussi celle qui concerne les intérimaires. Avec un objectif: mettre l’Etat devant ses responsabilités s’il tient à tout prix au régime des intermittents. La CGT, qui ne compte pas, de toute façon signer l’accord, est hors jeu.
L’intérêt des chômeurs Pas sûr que le gros million de chômeurs qui reprennentchaquemoisune activité pour quelques jours ou quelques heures et qui doivent jongler avec les règles comprennent bien ce jeu de théâtre propre à chaque négociation sociale. Empêtrés dans des enjeux politiques supérieurs, les négociateurs syndicaux et patronauxmontrentà nouveauqu’ils ont parfoistendance à oublier l’intérêt des chômeurs. « La méthode actuelle pousse à ne se focaliser que sur quelques sujets médiatiques », reconnaît Patricia Ferrand, présidente (CFDT) de l’Unedic. Le risque est que les partenaires sociaux voient leur légitimité érodée, alors que l’Unedic est un des derniers bastions du paritarisme. « La négociation sociale reste la bonne méthode», défend Mme Ferrand, en estimant que, pour
corriger ces défauts, « il faudrait discuter des points les plus techniques en amont, dans le cadre de groupes techniques paritaires, en prenant du temps ». Cela n’a pourtant pas été le cas jusqu’ici, alors que les dates de la négociation sont calées depuis plusieurs mois. Le Précis de l’indemnisation, édité par l’Unedic et censé résumer les règles, fait plus de 300 pages. Simplifier suppose de regarder règle par règle celles qui peuvent être supprimées, amendées ou maintenues. La convention prévoit, par exemple, encore une annexe spécifique pour les dockers, alors qu’aucun d’entre eux n’est au chômage. Un travail ingrat qui ne peut en aucun cas être fait dans le cadre d’une négociationde quelques semaines.Syndicats et patronat devraient, à ce titre, au moins doter l’Unedic d’une organisation plus agile qui permette d’adapter les règles au fil de l’eau en fonction des remontées du terrain, et non pas tous les deux ans lors de négociations théâtralisées. Des sites Internet de conseils aux chômeurs, en prise directe avec les préoccupations des 5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, existent déjà et font figure de très bon baromètre du terrain. Il suffirait d’écouter un peu plus les préoccupations qui remontent à travers ces forums. Cela suppose de changer de méthode en profondeur, mais la légitimitéde l’Unedic en tant qu’organisme paritaire en dépend. p
DEPUIS LE DÉBUT DE LA NÉGOCIATION, ON NE PARLE PLUS QUE DU SORT DE LA CENTAINE DE MILLIERS D’INTERMITTENTS
chastand@lemonde.fr
Jean Jaurès
Un prophète socialiste
La belle histoire ne tient plus. C’est une bataille politique, le énième épisode du match SarkozyHollande, qui menace d’empoisonner tout le quinquennat tu, elle se paralyse politiquement : la présomption d’innocence lui interdit d’exploiter les affaires, l’indépendance de la justice d’en commenter les étapes. Elle est condamnée au silence. Et lorsqu’elle a le malheur d’y déroger, elle se piège elle-même. En face, il n’existe pas de tels scrupules. La droite a parfois milité pour l’indépendance de la justice, mais jamais elle n’a voulu couper le cordon. Face aux juges, Nicolas Sarkozy mène un combat 100 % politique, dénué de toute connotation morale. Et chaque fois qu’il paraît coulé, il ressurgit comme le diable sortant de sa boîte. p fressoz@lemonde.fr
RECTIFICATIFS & PRÉCISIONS
a Affaire Buisson Dans l’article « Le dictaphone a enregistré l’entou-
rage de l’ex-chef de l’Etat “à l’insu de Patrick Buisson” » (Le Monde du 12 mars), consacré aux deux procès pour violation de la vie privée intentés après la publication de ces enregistrements, c’est par erreur que nous avons écrit que Le Canard enchaîné avait transmis au tribunal la transcription des enregistrements dont il disposait. L’hebdomadaire n’a évidemment transmis que les extraits concernant la vie privée, qu’il avait justement choisi de ne pas publier.
Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine. « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question… Dans ce hors-série, une INVITATION à la VISITE PRIVÉE de l’exposition JAURÈS, le 20 mars, aux Archives nationales
« JEAN JAURÈS, UN PROPHÈTE SOCIALISTE », un hors-série du Monde 7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique
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dialogues
Samedi 15 mars 2014
Génération «pure paper» Médiateur Pascal Galinier
M
arre, marre, marre de votre antisarkozysme obsessionnel! » C’est un cri du cœur, plus qu’un coup de gueule, que nous envoie cette lectrice de Sausset-les-Pins (Bouches-duRhône). Elle répond à la précédente chronique de cette page Dialogues (Le Monde daté 9-10mars). Le médiateur y suggérait aux lecteurs de nous faire part de leurs attentes. Plusieurs d’entre eux nous ont pris au mot. Dont cette «fidèle lectrice» de longue date – qui précise dans sa belle lettre manuscrite: « Merci de me lire sans publier.» Désolé de vous trahir, Mme l’abonnée fidèle et anonyme revendiquée… «Vous avez voulu me consulter, c’était à vos risques et périls…», écrivez-vous. Vous avez voulu nous écrire, c’était à vos risques et périls, pourrions-nous vous répondre…
Mais que nous dites-vous donc qui justifie cet échange aigre-doux? «Il arrivera certainement un jour où l’ancien président sera condamné d’une manière avérée. Alors là vous pourrez en informer le lecteur. Jusqu’ici c’est un ancien président qui appartient au passé.» Et pour faire bonne mesure, vous vouez François Hollande aux mêmes gémonies, persuadée que vous êtes qu’il ne sera pas candidat en 2017, « au vu de ses petits sondages actuels bien cachés au bas de vos pages en petits caractères…». Nous n’aurons pas l’outrecuidance de vous rappeler que ces «petits sondages», qui mesurent la descente aux enfers de François Hollande dans l’estime des Français, loin d’être «bien cachés» dans ces colonnes, donnent au contraire lieu à moult articles et même à quelques titres de « une» – ce qui nous est vertement reproché par d’autres que vous.
teurs conditionnés qui trouveront dans ce texte des motifs pour justifier leur indignation traditionnelle. Alain Coulon, Paris
Courrier CENTRAFRIQUE
Pourl’engagementde la France
J’ai vécu cinq ans en Centrafrique entre 1966 et 1971. J’étais élève au lycée Barthélémy-Boganda, à Bangui. Même si je comprends les réticences de l’opinion publique française qui a toujours en tête les frasques de Bokassa et qui est frappée par les atrocités commises par les deux camps en Centrafrique, je saisis moins la retenue de certains politiques. Je suis l’auteur d’une thèse sur l’Union africaine et l’élaboration d’un droit régional de la guerre civile soutenue en 1980 à l’université ParisXI. Il n’y a pas de « piège» pour la France, le conflit centrafricain est d’une nature particulière, qui requiert une approche, un traitement particulier sur un long terme. La France se doit d’intervenir du fait de son histoire commune avec une partie du continent africain et de l’image qu’elle renvoie au sein des nations en matière de défense des droits de l’homme. La France de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est ni la Suède ni la Suisse…, des Etats souvent cités en modèles. Ce sont, en fait, des modèles de prudence et de neutralité. La France, quant à elle, a un destin qui la dépasse et qui fait d’elle une exception dans le concert des nations. Patrick David, Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine)
Ukraine Une démarche salutaire
Je remercie Le Monde d’avoir eu le courage de publier la tribune d’Yves Roucaute: « La Crimée est russe depuis quatre siècles ! Il faut lui permettre de devenir indépendante » (Le Monde du 12 mars). Loin d’être en plein accord avec toutes les positions de l’auteur, je me réjouis de lire un texte qui ose s’échapper d’une pensée considérée comme « politiquement cor-
Prenez Noël Jarrige (Paris). «Que vous ayez le droit de critiquer les actes politiques de François Hollande, bien sûr – c’est même votre devoir de nous en informer avec des arguments solides, nous écrit-il. Mais que vous mettiez ces actes politiques, sous prétexte que vous les jugez en échec, en parallèle à des actes de délinquance, là vous quittez le domaine de l’information intelligente pour entrer dans celui de la basse polémique, de la mauvaise foi.» En cause: notre éditorial titré « Marine Le Pen peut se frotter les mains» après l’affaire des enregistrements de Nicolas Sarkozy par Patrick Buisson (Le Monde du 6mars). «Cet éditorial ne visait nullement à mettre “dans le même sac” la gauche au pouvoir et l’opposition de droite, répond Gérard Courtois, directeur éditorial, mais à noter que les turpitudes de la droite, d’une part, l’impuissance du gouvernement face au chômage et à la stagnation de l’économie, d’autre part, ne pouvaient que favoriser la défiance des Français à l’égard des responsables politiques. Et apporter, peu ou prou, de l’eau au moulin du Front national. » Nos lecteurs sont exigeants. Nous ne saurions nous en plaindre, fussent-ils parfois virulents. Ce qu’ils attendent de nous? Notre très en verve lectrice de Sausset-lesPins à son idée : «Un journal tourné vers l’avenir, qui nous explique les enjeux du futur, qui ne ressasse pas éternellement les mêmes turpitudes passées.» Alors, parlons d’avenir. Du nôtre. Du vôtre, chers lecteurs, avec qui nous avons partie liée. Savez-vous que 61% d’entre
recte » mais « philosophiquement sclérosante», laquelle ayant tendance à envahir les colonnes de notre quotidien. Voilà enfin un texte qui s’écarte du « prêchi-prêcha » traditionnel et qui s’affranchit des barrières « bien-pensantes ». L’auteur n’hésite pas à renverser la table et à soutenir un point de vue que d’aucuns qualifieront d’« indéfendable». Attendez-vous à recevoir une volée de critiques en provenance de lec-
Les leçons de l’Histoire
Que ce soit sous les auspices de l’ONU ou de la SDN, l’Histoire continue hélas comme avant. On peut toutefois espérer qu’en Ukraine cela se passera mieux qu’entre l’Irlande et l’Angleterre et que cela se passera plutôt comme la scission de la Tchécoslovaquie. Ne parlons pas des guerres meurtrières qui ont abouti à un morcellement de la Yougoslavie en une demi-douzaine d’Etats et auquel ont beaucoup contribué des Etats européens qui aujourd’hui se veulent rassembleurs. Quant à l’indignation de Barack Obama vis-à-vis de l’ingérence de Vladimir Poutine, n’a-t-il pas le souvenir des guerres déclenchées par ses prédécesseurs, de leur intervention à Panama, de leur soutien au débarquement des exilés cubains dans la baie des Cochons, du rôle de la CIA dans le coup d’Etat d’Augusto Pinochet? Paul Vincent, Paris
Syrie Une enquête essentielle
Merci au Monde pour la publication de son enquête « Syrie : le viol, arme de destruction massive » (Le Monde du 6 mars) et de continuer inlassablement à
vous nous lisent d’ores et déjà et sur le papier et sur le Web? La révolution bimédia est en marche, nous le disions ici même la semaine dernière. Oui mais… «Partie majoritaire dont je ne fais pas partie», s’agace Grégory Charles-Bernard (Grenoble). Lui appartient manifestement aux 21% qui ne lisent nos éditions que sur papier. Comme Ivan Dabrigeon (Paris), pour qui « les solutions digitales ou dématérialisées dont on nous promet la lune, les monts et les merveilles, tous ces ersatz de solutions n’y pourront rien changer! »
U
ne «génération “pure paper» » en somme, si l’on ose ce néologisme sur le mode des « pure players» du Web… Une génération qui a des idées très – trop? – arrêtées. Qui les énonce sans fard, non sans talent parfois. « Fidèle lecteur abonné de la version papier», Jean-Joël Blanc (Grenoble) « prend la plume – enfin, le clavier – pour clamer haut et fort [son] désir absolu de voir notre journal poursuivre sa destinée, continuer à publier ces merveilles de suppléments où l’on apprend toujours quelque chose, offrir au public une vertigineuse panoplie du monde d’aujourd’hui avec ses doutes et ses progrès…» Moins lyrique, Didier Williame, de Gifsur-Yvette (Essonne); et plus pragmatique: «Le numérique, c’est pour être au courant. Le papier, c’est pour prendre le temps de comprendre.» «J’attendrai la prochaine nouvelle version pour monter sur mes grands chevaux», promet Victor Davet (Versailles). Mais dans son « premier cour-
dénoncer les actes de torture et de barbarie. Sandrine Blondel Envermeu (Seine-Maritime)
Société Une réalité plus complexe
Quel plaisir à la lecture des tribunes de Jean-Pierre Rosenczveig (« Vivement une vraie politique de l’enfance ! ») et de Pierre-Louis Rémy (« La gauche ne doit pas laisser les valeurs familiales à la droite ») dans Le Monde du 19 février. Une bouffée d’air frais, de recul, d’équilibre, de place laissée à la Raison avec un grand R au milieu des tribunes accordées par Le Monde aux partisans à tous crins de l’homoparentalité, de la PMA pour les couples d’homosexuelles et de la GPA. Merci à Pierre-Louis Rémy de dire haut et fort qu’il y a des gens de gauche défavorables à l’homoparentalité, à la PMA pour les couples d’homosexuelles et à la GPA. Qu’il y a des gens de gauche qui pensent encore que la famille traditionnelle avec père et mère reste l’espace idéal pour la construction d’un enfant, même avec ses imperfections. Quarante ans que je vote à gauche et deux ans que je dois supporter cette assimilation systématique de la part de la presse : être de gauche, c’est être pour ces réformes sociétales, et être de droite, c’est être contre. Comme si les choses étaient aussi simples! Françoise Côme, Bayonne
rier des lecteurs en vingt ans de lecture», il ne peut s’empêcher de piaffer: «Pendant que je vous tiens, j’en profite pour vous asséner quelques remarques générales d’un homme blanc de 35ans, Parisien, CSP + dans le secteur public, lecteur préférant le papier, autant dire pas franchement représentatif, mais acheteur constant.» Agacé lui aussi par «la chasse au Sarko», Louis Moussard (Rochefort-en-Yvelines) n’ignore pas le «contexte général défavorable à la presse écrite ». D’où sa mise en garde contre un syndrome Libération: «Désertion de lecteurs qui ne partagent plus la ligne que leur assène plus ou moins le journal; journalistes jaloux de leur indépendance éditoriale au point d’en être aveuglés; actionnaires qui ne seront pas toujours des mécènes mais imposeront tôt ou tard une stratégie plus ou moins dictée par le business…» Quant à la participation active des lecteurs par le biais du numérique, que saluent nombre d’internautes, c’est paradoxalement l’un des plus fidèles d’entre eux, Claude Bachelier (Allevard, Isère), qui nous met en garde: «Ne renversez pas les rôles. Nous sommes vos lecteurs, vous êtes nos journalistes. C’est votre boulot, votre job et votre honneur. Continuez à le porter en bandoulière, et nous resterons à vos côtés. Par le papier ou par l’ordi.» On ne saurait mieux résumer notre ambition.p mediateur@lemonde.fr Mediateur.blog.lemonde.fr @pasgalinier
Féminisme L’origine du 8-Mars
La date du 8mars n’est qu’une officialisation et non l’instauration de la journée de commémoration des luttes de femmes par l’ONU en 1977, comme l’indique l’éditorial « Egalité femmes-hommes: le levier de la loi » (Le Monde du 8 mars). L’origine première et véritable remonte à la conférence des femmes socialistes de 1910, à la demande de Clara Zetkin ; toutes les femmes présentes votèrent pour faire de cette journée une journée de référence pour les revendications de leurs droits. Puis, en 1917, la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg le 8 mars « solidifia » cette date. Michelle Colmard-Drouault, Paris
Politique Parole démocratique
Comme le précise l’éditorial « Marine Le Pen peut se frotter les mains…» (Le Monde du 6 mars), le scandale des écoutes de Patrick Buisson peut favoriser dans l’opinion le développement d’un « tous tordus » au sujet de la classe politique française. Toutefois, c’est aussi au langage des individus qui gravitent autour de nos dirigeants qu’il faut s’intéresser. Qu’entend-on dans ces enregistrements? Des pédants qui jouissent de leurs chicaneries. Des Versaillais trop heureux de faire partie de la cour. Comme à l’accoutumée, les conseillers expliquent les erreurs du prince par la bêtise et l’inculture des autres petits marquis. On moque les mœurs de ses consanguins et de leurs favorites. Tristes sires. Le discours anti-élite n’a malheureusement pas pour seul fondement la démagogie de quelques extrémistes. Il repose aussi sur des habitudes profondément ancrées dans une partie de notre classe politique, dont les codes « vieille France » sont des marqueurs d’intégration et d’exclusion. Quand les effets de manches, les saillies, les intuitions de quelques conseillers sont considérés avec intérêt par un chef d’Etat, c’est tout un pays qu’on fourvoie. Nos représentants élus doivent adopter une langue démocratique qui nous permette de comprendre et d’intégrer le monde contemporain. Buisson et comparses n’ont pas cette ambition. Pierre-Marc Barrault, Bucarest, Roumanie
Gouvernement réduit
Professeur émérite à l’université Paris-XII, avocat à la Cour, j’apporte une précision à la chronique « Le serpent de mer du remaniement» (Le Monde du 5 mars). Citant les équipes ministérielles
« comptant moins de 30 ministres et secrétaires d’Etat depuis 1958 », Gérard Courtois omet de mentionner le gouvernement formé par Michel Debré le 8 janvier 1959. Celui-ci ne comprenait, en effet, que 27 membres (le premier ministre, 20 ministres et 6 secrétaires d’Etat). Ce chiffre se trouva réduit à 25 après le remaniement du 5 février 1960 (le premier ministre, 20 ministres et 4 secrétaires d’Etat). Il y eut encore moins de 30 membres après le remaniement du 24 août 1961 (le premier ministre, 20 ministres et 7 secrétaires d’Etat). Par ailleurs, le troisième gouvernement Messmer (27 février-27mai 1974) ne comprenait que 29 membres (le premier ministre, 15 ministres et 13 secrétaires d’Etat). Daniel Amson, Paris
Sport Si j’étais entraîneur…
On dit toujours, dans les milieux du foot, qu’il y a autant de sélectionneurs que de supporteurs… Ayant, comme on dit, « visionné» trois matchs de l’équipe de France dans le Tournoi des six nations, je vais me risquer à jouer à ce jeu pour le rugby. Si j’étais entraîneur, ou seulement capitaine, de l’équipe, je m’interrogerais sur son jeu sans imagination, sur ces attaques téléphonées ou ces percussions sans fin…, mais je ne sais pas si je trouverais des solutions ; l’imagination, ça ne se commande pas ! Je ferais des remarques, mais pas de reproches sur les nombreuses fautes – fautes de main, en-avant, légers hors-jeu, coup de pied direct en touche – qui, dans le feu du jeu et sous la pression, font souvent perdre le bénéfice d’efforts aussi importants que finalement vains. En revanche, que penser de ces erreurs – lancer hasardeux ou touche pas droite –, cadeaux instantanés à l’adversaire ? Que dire de ces fautes délibérées (?), mauvaise introduction à la mêlée, conservation du ballon après placage, qui au mieux coûtent une belle touche pour l’adversaire, au pire les trois points du coup franc… Que dire de ces longs coups de pied dans l’axe du terrain, qui, compte tenu de l’adresse des joueurs actuels, mènent invariablement à de fort belles contre-attaques, avec trente mètres de champ pour le joueur adverse? Mais, comme d’habitude, critiquer les erreurs est sans doute plus facile que de trouver la solution ! Georges Quézel-Ambrunaz Saint-Alban-des-Villards (Savoie) Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr : http ://médiateur.blog.lemonde.fr
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enquête
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Louis Imbert Sevastianovska (Crimée) Envoyé spécial
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éna et Meriem sont voisines. Elles vivent depuis vingt-cinq ans d’un côté et de l’autre de l’unique rue, à nids-de-poule, du village de Sevastianovska. Le bourg de 140 familles s’étend dans un repli de terrain à l’écart de la route qui relie le port de Sébastopol à la capitale delaRépubliqueautonomedeCrimée,Simferopol. Léna Javoronkova, 66 ans, est Russe et orthodoxe; Meriem Bolatova, 75 ans, Tatare et musulmane. Toutes deux sont nées à quelques kilomètres d’ici et, jusquelà, elles s’entendaient à merveille. Mais vendredi 28 février, l’armée russe est passée sur la route de Simferopol. En une journée et sans tirer un coup de feu, elle a occupé la péninsule ukrainienne. Le lendemain, on croisait les deux femmes autour de la barrière du jardinet de Léna. Meriem, visage rond sous un foulard de laine jaune, s’indignait: « Pourquoi ils viennent, les Russes? Ce n’est pas leur pays! »
A Sevastianovska, village équipé depuis 2009 de conduites de gaz posées grâce à une aide du Canada (en haut). A gauche, Meriem Bolatova, une Tatare opposée au rattachement de la Crimée à la Russie. A droite, des hommes patrouillent pour éviter les violences.
«Tu ne veux pas qu’on soit russe ? Mais tu verras, le mois prochain, on te coupera ta pension! Tu seras assise sur ton cul nu! » Sous son fichu de coton blanc à fleurs roses, le rouge est vite monté aux joues de Léna. La Russie va « nous protéger», a-t-elle répliqué. Et elle a dénoncé ces « fascistes» qui, à Kiev, le 22 février, ont acculé le président Ianoukovitch à la fuite. Les héritiers de ceux qui, en 1942, ont tué son oncle, soldat de l’Armée rouge… Là-bas, à l’ouest, l’Ukraine est ruinée, a-t-elle encore asséné, et seul l’argent russe peut sauver le pays. « Tu ne veux pas qu’on soit russe ? Mais tu verras, le mois prochain, on te coupera ta pension! Tuseras assise sur ton cul nu! » Les voisins ont séparé les deux femmes. Depuis, Meriem et Léna ne se parlent plus. Dimanche, Léna ira voter en faveur du rattachement de la Crimée à la Russie, dans un référendum organisé par le gouvernement fantoche mis en place par Moscou. En attendant, elle vit cloîtrée devant son téléviseur. Elle regarde les chaînes russes, surtout Rossia 24: « Il n’y a qu’eux qui ne mentent pas. » « Plus personne ne me parleauvillage»,dit-elle,saufquelquesvoisins russes, minoritaires. Elle téléphone souvent à son fils, acteur, ancien résident du Théâtre Gorki de Simferopol, parti tentersa chanceàKiev.S’ildécrocheson portable dans la rue, elle lui demande de ne pas parler russe, «sinon, il pourrait être tué ». Meriem, elle, n’ira pas voter. Les autorités tatares, qui défendent le nouveau pouvoir de Kiev, ont appelé au boycott. Meriem ne sort pas plus de chez elle que Léna et les chaînes russes la font pleurer. Elle préfère l’antenne tatare de Crimée, ATR.Elle montre,au murdusalonde sa belle maison de trois étages, les huit portraits de ses arrière-petits-enfants. « Ici c’est chez nous. Moi je vais mourir d’une façon ou d’une autre, mais mes enfants, qu’est-ce qu’il va leur arriver?» Pour comprendre ce qui divise aujourd’hui Meriem et Léna, il faut remonter à leur enfance. Le 18 mai 1944, Meriem a 5 ans quand les Tatars de Crimée (218000 recensés avant la seconde guerre mondiale) sont déportés en Asie centrale, sur décret de Staline, pour avoir « collaboré avec les autorités d’occupation allemandes». Des dizaines de milliers de personnes meurent durant le voyage et dans les mois suivants. Onze mille sont envoyées en camp de travail. Léna, elle, naît quatre ans plus tard, sur une terre vidée de ce peuple, pourtant installé là juste après les invasions mongoles du XIIIe siècle, et qui ne vivait sous domination russe que depuis le milieu du XIXe siècle. Pendant la guerre, 20 000 déserteurs tatars auraient rejoint la Wehrmacht, un chiffre jugé exagéré par les historiens tatars. « Les Allemands avaient laissé ouvrir en Crimée des journaux, des théâtres, des mosquées, pour gagner la sympathie des Tatars. Ils ont pu être perçus par certains comme des libérateurs », rappelle Elmira Muratova, professeure de sciences politiques à l’université Taurida Vernadsky de Simferopol. Le mari de Meriem, Rujdi, avait 10 ans quandilestarrivéenOuzbékistan.Ilsesouvient des « quarante degrés» qui régnaient dans ce coin de steppe à 60 kilomètres de Tachkent. «Il n’y avait rien pour construire
LORIS SAVINO POUR « LE MONDE »
Crimée
Ladéchirure des Tatars une maison. On a creusé des tranchées et on a posé des bâches par-dessus. » Il parle de faim et de melons avariés, du manque d’eau, des dysenteries, des morts qu’on enterrait en empruntant un morceau de métal aux Ouzbeks « parce qu’on n’avait même pas apporté une pelle ». Meriem et Rujdi ont travaillé dans une des quatre fermes du sovkhoze local. Rujdi conduisait un tracteur, cultivait le maïs et le fourrage pour 300 à 400 vaches et quelques chevaux. Meriem opérait à la laiterie. « On avait nos jardins, nos serres, comme ici. » A Sevastianovska, peu de villageois ont aujourd’hui un travail: ils vivent d’expédients, de petites pensions et des légumes plantés dans les jardins. Quand,en 1989, les Tatarsont étéautorisés à revenir en Crimée, le fils de Meriem, Ruslan, n’a pas hésité. « On restait des citoyens de seconde zone. J’ai passé les examens de la faculté polytechnique de Tachkent avec un copain ouzbek. Pendant dix ans, je lui avais fait ses devoirsde maths. Mais c’est lui qui a été admis à l’université.» Léna Javoronkova se souvient de ce retour. Elle travaillait à la gare de Simferopol. « Il y avait des provocateurs. Ils disaient que les Tatars allaient tous nous égorger. La policeétait dansla gare pour nousprotéger. Mais [les Tatars] étaient polis. Tu ne les
A Sevastianovska, paisible village de 140 familles, le référendum organisé par Moscou sur le rattachement à la Russie rouvre les plaies du passé connaissais pas et ils te disaient quand même bonjour.» En trente ans, la population tatare s’est reconstituée : ils étaient plus de 240 000 au dernier recensement, en 2001,soit 12% des habitants de la région. Elvir Ousmanov, représentant à Sevastianovska du Majlis, principal organe de pouvoir des Tatars de Crimée, est arrivé ici «le 3janvier 1989», à 10 ans. «Les gens frappaient aux portes, ils cherchaient les maisonsà vendre.Puisils ontcommencéà pren-
dre les terres.» A la mi-juin, un groupe de Tatars s’est installé à Sevastianovska, autourd’unecinquantainedemaisonsrusses. « On a planté des piquets sur les terres dusovkhoze.Personnenes’yest opposé.»Ils ont élevé les maisons en rang, une par une. En 2003, ils ont fait venir l’eau courante, grâce à deux bourses, canadienne et suisse. Les conduites de gaz jaunes qui serpentent au-dessus de la route ont été posées en 2009, encore avec une aide canadienne. Ce retour massif n’est pas allé sans violence: les Tatars ont plusieurs fois envahi le Parlement local au début des années 1990, frustrés par les refus de l’administration de leur accorder des terres et des permisdetravail.RuslanBolatova dûattendre 2013 pour faire régulariser le titre de propriété de la maison que partagent aujourd’hui ses parents et sa propre famille. Cette semaine, il a mis les titres et tous les passeports à l’abri, et à portée de main. Peu à peu, une certaine entente s’est formée au village. Meriem dit avoir prêté de l’argent à Léna pour qu’elle achète sa première vache. Léna ne s’en souvient pas, mais reconnaît que « les Tatars ont payé les soins quand [son] fils a eu un accident de moto. Ils sont allés le voir à l’hôpital. » Les premiers mariages mixtes ont eu lieu. Il y a deux ans, une certaine Abla, avec « un Rus-
se » qui n’est pas du village. L’année précédente, c’était « la fille d’Ernest », dit Envir Memetov, voisin de Meriem qui peine à trouver le sommeil depuis une semaine. Comme Meriem et à peu près tout le monde au village, du reste. Carchacunredoute l’arrivéedes « titouchkis», ces semeurs de troubles payés à la tâche. « Il suffit que 30 types débarquent au village. Tu dors, c’est le milieu de la nuit, ils brûlent une dizaine de maisons et c’est la guerre», dit-il. Il est vrai que les pro-Russes s’arment de plus en plus dans les villes. Des milices « populaires » y gardent les lieux de pouvoir. Des motards nationalistesrusses tiennentun barrageà 30 kilomètres au sud du village. On a vu, au nord, des volontaires serbes barrer une autre route. Ilssont en Crimée, disent-ils,par « solidarité avec [leurs] frères orthodoxes ».
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our tenir ce joli monde à distance, Sevastianovska s’est doté d’un comité de défense. L’initiative a été prise par Elvir Ousmanov et Ivan Ivanovitch Ivanov, colosse russe à casquette et veste de cuir, qui garde avec les siens l’entrée estduvillage.Ivan n’estpasson vrainom.Il s’appelle Genia, soufflent les voisins. Il était ferrailleur jusqu’en 2010, un peu louche. Il possède des vignes, 6 hectares de baies qu’il aimerait empaqueter et vendre aux supermarchés du coin. Il est tout à fait heureux de la présence de l’armée russe, dit que « toute la Crimée se réjouit». Mais il souhaite préserver la paix au village. Elvir Ousmanov a organisé un second poste de garde à l’entrée ouest, dans la cour de sa petite société de sculptures funéraires. Il y a placé une douzaine d’hommes, des Tatars et un Russe. « C’est dur à croire. On ne devrait pas être là, armés. On est des pèresde famille», s’étonne l’un d’eux, Madjid Khalilov, un bâton à portée de main, qui accueille le visiteur l’œil hagard. Ces derniers jours, le chef du village et son « frère» Genia prennent leurs distances.Ils neparlent plusde politique.Ils n’ont plus rien à en dire de commun, à part leur haine de Ianoukovitch. L’un compte sur la prospérité russe, l’autre craint que la Crimée ne devienne « une deuxième Abkhazie », cette région séparatiste de Géorgie pour laquelle Moscou est entré en guerre en 2008, aujourd’hui « pauvre malgré sa perfusion de roubles ». Samedi 8 mars, Genia et ses gars ont cessé de patrouiller le soir. « Il laisse ses six chiens près du chemin. On les entendra s’il se passe quelque chose», se rassure Elvir Ousmanov. p
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Samedi 15 mars 2014
CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n
Spoliations: le parcours du combattant
I CINQUANTE ŒUVRES ONT ÉTÉ RESTITUÉES EN VINGT ANS
sabelle Attard, députée apparentée écologiste du Calvados, n’est pas un ténor de l’Assemblée, mais elle veut faire du bruit. Son ancien métier y est pour quelque chose. Elle a dirigé de 2005 à 2010 le Musée de la tapisserie de Bayeux, qui possède un joyau mondial. Une députée qui vient des musées, c’est rare. Elle y retourne en pilotant une mission parlementaire sur les spoliations, par l’occupant allemand, d’œuvres d’art ayant appartenant à des juifs. Notre cahier « Culture & idées» aborde le sujet dans sa dimension historique. C’est dans l’air du temps. Le film Monuments Men, de George Clooney, parle de ces tableaux tourmentés. Il y a aussi la réédition du précieux livre de Rose Valland, Le Front de l’art (RMN, 498p., 22¤), cette dernière ayant documenté et freiné le pillage allemand pendant la guerre. Il y a l’affaire Gurlitt, avec la révélation en Allemagne, en novembre2013, que 1400œuvres ont été retrouvées. Enfin, le 11 mars, la France a restitué en grande pompe trois tableaux, dont un paysage du Flamand Joss de Momper, volé au baron et banquier Cassel van Doorn, en 1943. Donc tout va bien? Non, répond Isabelle Attard. Qui part des chiffres: 2000 œuvres d’art ont été déposées dans des musées en Fran-
ce, dont une grande part au Louvre, dans l’attente de retrouver leur propriétaire. Beaucoup d’art ancien, un peu d’art moderne. Des tableaux, des sculptures, du mobilier… Ces objets ont en commun d’avoir fait le « voyage» en Allemagne pendant la guerre, avant d’être rendus à la France après la Libération. Les œuvres n’ont pas toutes été pillées, les Allemands ont aussi acheté. Mais le vendeur a pu être contraint, ou alors il a pu piller lui-même un collectionneur juif. Un rapport parlementaire parle de 163 œuvres spoliées «avec certitude». Un chiffre sans doute très faible par rapport à la réalité. Ce qui est sûr, c’est que cinquante œuvres ont été restituées en vingt ans. «A ce rythme-là, dans un siècle, on y sera encore! », commente Isabelle Attard. C’est lent parce qu’il est de plus en plus compliqué d’identifier un propriétaire de tableau, surtout quand il n’est pas au courant. Il faut donc que la France soit active et motivée pour le trouver. Et là, il y a un problème, dit Isabelle Attard. Depuis octobre2013, avec son petit groupe, l’élue a interrogé une dizaine de spécialistes, notamment dans les musées. Elle en est sortie effarée. «Personne ou presque ne cherche les propriétaires, alors que c’est leur responsabilité
On leur fournit le costume de l’emploi
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u premier stage en entreprise, ils ont vécu cette expérience financièrement traumatisante. Sacrifier 300 euros, la moitié de leur budget mensuel, pour se doter du costume, de la chemise, de la cravate et des chaussures qui permettent de se fondre dans le décor. « On n’était pas les plus à plaindre, on avait des jobs étudiants, les parents derrière. Comment faisaient les autres ? » Nicolas Gradziel, Yann Lotodé et Jacques-Henri Strubel, la petite vingtaine, fréquentent alors une école de commerce en plein quartier de la Défense. Paradis du costume sombre, du tailleur dernier chic. D’autres costards, un peu moins pimpants, sont sûrement abandonnés dans les dressings… En 2012, la petite bande étudiante imagine une association qui habillerait gracieusement les demandeurs d’emploi à la veille de leur entretien d’embauche: La Cravate solidaire, contre les discriminations vestimentaires. Serrées les unes contre les autres, les panoplies d’employés modèles sont suspendues à des portants, au sous-sol d’une mission locale parisienne qui héberge l’association. Les trois compères, diplôme en poche, ont décidé de s’y consacrer quelque temps, survivant à coups de petits boulots et de service civique. « Mais on aide des êtres humains, on ne vend pas des stylos.» Une quête de sens partagée par les bénévoles, des trentenaires salariés pour la plupart, qui, une demi-journée par semaine, s’enferment dans ce local aveugle. Et, dans les entreprises, par les salariés heureux de se départir de quelques oripeaux professionnels lors des collectes. A La Cravate solidaire, on s’éclaire à la lampe de chantier
morale de le faire! Et une personne spoliée fera face à l’opacité la plus totale, à des règles administratives dissuasives, des fichiers lacunaires ou peu lisibles. C’est un parcours du combattant! » Elle donne l’exemple du Paysage montagneux, de Joss de Momper, qui se trouvait au Musée des beaux-arts de Dijon: «Au dos du tableau figure un numéro au crayon bleu qui renvoie à la personne spoliée. Mais il a fallu attendre 2014 pour le restituer! » Elle ajoute que la plupart des musées français exposent des œuvres en déshérence sans en informer clairement les visiteurs. Le Louvre, par exemple, en a 160 dans ses salles. « On pourrait avoir un cartel plus gros», reconnaît Vincent Pomarède, responsable des peintures au Louvre, qui rappelle que son musée a consacré une exposition à ces œuvres.
« Mentalité de bunker » Isabelle Attard est « choquée» par ce qu’elle a entendu lors des auditions: «On m’a dit que si personne ne s’est manifesté pendant soixantedix ans, c’est que ces œuvres n’intéressaient personne. C’est scandaleux! Derrière ces spoliations, il y a des histoires douloureuses, souvent ce ne sont que les petits-enfants qui décident d’agir.» On lui a aussi rétorqué que les œuvres spoliées ne sont pas réclamées parce qu’il s’agit de «croûtes». Etrange d’invoquer un critère de qualité. Et sur la liste des tableaux figurent Cézanne, Courbet, Degas, Delacroix, Manet, Monet, Renoir… Mais le pire, c’est cela: «J’ai entendu que ce n’est pas une priorité de rendre à des familles qui ne manquent pas d’argent…» Isabelle Attard dessine-t-elle un paysage trop noir? Certains rappellent que, dans les années
qui ont suivi la Libération, autour de 45000 œuvres ont été restituées. Vincent Pomarède ajoute que le Louvre «a fait un gros travail pour établir la liste documentée, illustrée et mise en ligne des œuvres en déshérence». Certains saluent aussi le «changement d’attitude» de la France, à l’initiative, il y a un an, de la ministre, Aurélie Filippetti. A savoir : ne nous contentons pas d’attendre qu’un propriétaire se manifeste, allons le chercher! Louable changement, mais, en fait, rien ne bouge, rétorquent Isabelle Attard et bien d’autres. Qui notent que le groupe de travail mis en place est constitué de bénévoles, avec peu de moyens. Que la commission d’indemnisation des victimes de spoliations pourrait voir son budget baisser. Sans oublier qu’une certaine «mentalité de bunker» serait toujours bien ancrée dans les musées: il faut un agitateur extérieur pour que les choses bougent. Ainsi, une journaliste du New York Times vient de ridiculiser la France en trouvant, avec l’aide d’un généalogiste, les héritiers d’un dessin de Dürer et d’un tableau de Rubens conservés au Louvre. On pense à un autre journaliste américain, Hector Feliciano, qui, au milieu des années 1990, dans un livre, avait bousculé le monde muséal en révélant le scandale global des œuvres « dormantes» en France. Avant que son travail ne soit prolongé par des enquêtes parues dans Le Monde, qui avaient horripilé la direction des musées de France. Aussi Isabelle Attard ne voit-elle qu’une solution pour en sortir : « Il faut que cette question qui fait honte à la France devienne une cause nationale.» Sera-t-elle entendue? p guerrin@lemonde.fr
GAUMONT PRÉSENTE
mais il y a un coin lounge pour discuter plus confortablement qu’à Pôle emploi. Des bénévoles pour guider dans leur choix de tenue la dizaine de chômeurs qui vient chaque semaine. Transmettre ces curieux codes vestimentaires que seuls maîtrisent ceux dont l’entourage travaille: le bouton du bas de la veste qui se laisse ouvert, les chaussettes blanches à bannir, la pointe de la cravate à hauteur de ceinture.
ANDRE
NIELS
DUSSOLLIER
ARESTRUP
« LE PLUS HALETANT DES SUSPENSES HISTORIQUES ! LE DUEL DE L’ANNÉE. MAGISTRAL ! » PARIS MATCH
« UN FACE-À-FACE PUISSANT. FORMIDABLE » JDD
Talisman Du nœud de cravate, glisser aux conseils de comportement. Regarder dans les yeux en serrant la main, ne pas se toucher le cœur après… L’habit fera le reste du moine. « On leur donne un peu leur costume de super-héros», a compris Jacques-Henri: « La plupart de ces jeunes n’ont jamais porté de costume ni de cravate. Ils se voient d’un autre œil. Il y en a qui arrivent en disant “Jamais de la vie je mettrai ça”, et qui repartent, leurs anciennes affaires à la main, volontaires, en confiance pour l’entretien. » Parfois, le talisman vestimentaire fonctionne. Alain Guille, de la mission locale de Paris, a déjà envoyé à l’association une cinquantaine de jeunes: « Ce n’est pas Emmaüs, c’est tenu par des gens de leur âge, ils récupèrent de beaux costumes. Ces jeunes dont la recherche n’aboutit pas pensent qu’ils ne valent rien. Le costume les métamorphose, il atténue aussi la distance avec celui qui les reçoit.» Sabara Koita, 19 ans, a rappelé La Cravate solidaire le jour de son embauche comme serveur. Un grand merci. « Avant ça, j’allais en entretien comme d’habitude dans la vie. Mais là, je me sentais bien. Ouah… Beau gosse ! Ça a marché. C’est le costume ! » p
« UN ÉCHANGE PASSIONNANT » LE PARISIEN
« UN AFFRONTEMENT EXTRAORDINAIRE » SUD OUEST
« DU CINÉMA DE HAUT VOL ! QUELLE HISTOIRE ! QUEL FILM ! » FIGARO MAGAZINE
« INTENSE , EFFICACE , BRILLANT ET INSTRUCTIF…. » RTL
« D’UNE INDÉNIABLE EFFICACITÉ DRAMATURGIQUE. »
Pascale Krémer
LE POINT Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté vendredi 14 mars 2014 : 321 755 exemplaires.
UN FILM DE
VOLKER SCHLÖNDORFF
SCÉNARIOADAPTATION DIALOGUES DE CYRIL GELY VOLKER SCHLÖNDORFF D’APRÈS LA PIÈCE DE CYRIL GELY « DIPLOMATIE » www.diplomatie-lefilm.com
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ACTUELLEMENT AU CINÉMA
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« ACTEURS PUISSANTS DANS LA PAROLE COMME DANS LE SILENCE. ILS LE SONT. MAGNIFIQUEMENT » VERSION FEMINA