Samedi 15 mars 2014
Vente de SFR: le gouvernement a tout fait pour favoriser Bouygues
Les marchés font confiance à l’Irlande, même si son économie reste fragile
t Le conseil de
surveillance de Vivendi devait choisir vendredi entre Bouygues et Numericable t Les dirigeants de Vivendi privilégient Numericable, déplore Arnaud Montebourg t Après avoir exaspéré les patrons, le ministre du redressement productif a su les séduire
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LA CRISE UKRAINIENNE ALIMENTE LA HAUSSE DES PRIX DES CÉRÉALES LIRE PAGE 4
General Electric met en Bourse sa banque de détail
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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, et Martin Bouygues, PDG du groupe de BTP.
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FRED DUFOUR/AFP – PHILIPPE WOJAZER/REUTERS
Baisse des charges: M.Sapin donne des gages au patronat t Les allégements de cotisations sont efficaces s’ils ciblent les bas salaires. L’industrie réclame un dispositif plus large
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es baisses de chargessociales doiventelles cibler les bas salaires, ceux qui sont proches du smic? Ou concerner une plus grande partie des salariés ? Le débat est de nouveau d’actualité alors que François Hollande a promis aux entreprises 10 milliards d’euros de nouvelles exonérations de cotisations sociales patronales, dans le cadre du pacte de responsabilité. « C’est en allégeant les charges sur les bas salaires qu’on crée le plus d’emplois. Est-ce une raison pour n’alléger que les bas salaires?
Je ne le pense pas », a tranché, jeudi 13 mars, Michel Sapin, sur Europe 1. Pourtant, les économistes sont formels : pour réduire le chômage, il faut alléger le coût du travail non qualifié, c’est-à-dire des bas salaires. Toute une série d’études ont été conduites entre 1993 (quand le gouvernement Balladur a, le premier, baissé les charges) et 2009 qui valident cette analyse pour un pays comme la France, dans lequel le chômage des non-qualifiés est massif et où le salaire minimum élevé. Au-delà d’un certain
niveau de salaire, les baisses de charges font monter les rémunérations. Mais les patrons de l’industrie française, qui emploie surtout des travailleurs qualifiés, veulent profiter des largesses à venir du gouvernement et militent donc pour un dispositif plus large. Ils ont manifestement été entendus après que Jean-François Pilliard, à la tête de l’UIMM, a déclaré: si les baisses de charges devaient ne concerner que les bas salaires, les entreprises « à haute valeur ajoutée seraient obligées d’en tirer les conséquen-
HISTOIRE
PERTES & PROFITS | par J ean- B apti s te J acq ui n
Quand l’Etat taxait le soleil
Bâtir sur du temporaire
En 1797, l’Etat est confronté à la banqueroute. Pour renflouer les caisses, Ramel de Nogaret, le ministre des finances, prend une mesure qui perdurera jusqu’en 1926: l’impôt sur les portes et fenêtres. LIRE PAGE 7
L’ÉCLAIRAGE La zone euro sans amortisseurs
La Banque centrale européenne a laissé la zone euro s’enfoncer dans un profond et durable ralentissement. Elle échoue à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé pour l’inflation, l’économie flirtant avec la déflation. Elle a aussi laissé stagner le volume de la masse monétaire et du crédit. LIRE PAGE 8
Adecco
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ingt-deux ans dans le travail temporaire, on ne pourra pas dire que l’aventure aura été… temporaire. La famille Jacobs, premier actionnaire d’Adecco, a cédé, dans la journée du jeudi 13 mars, l’essentiel de ses titres, ramenant sa participation de 18,4 % à 2,4 %. C’est une très belle opération financière. Elle rapporte aux héritiers de Klaus Jacobs (le fondateur de Jacobs Suchard Tobler) 2,2 milliards de francs suisses (1,8 milliard d’euros). C’est surtout une page qui se tourne pour le numéro un mondial du travail temporaire. L’industriel germano-suisse Klaus Jacobs avait racheté la société d’intérim suisse Adia en 1992. Son mariage, en 1996, avec le français Ecco, de Philippe Foriel-Destezet, a donné naissanceaugéantAdecco.L’affaire a bien prospéré depuis. Longtemps considérés comme les négriers des temps modernes, ces pourvoyeurs de salariés intérimaires pour les
grandes et petites entreprises se sont remarquablement bien adaptésau basculementde l’emploi européen de l’industrie vers les services. Le travail temporaire estdevenula variable d’ajustement des employeurs, avec les mauvais côtés que cela implique. Travailleurs précaires, travailleurs jetables, remerciés à la moindrecontrariété, ce n’est pas une légende.
Le Graal de l’emploi stable Mais l’explosion de cette activité de service a également ses bons côtés et répond à de vrais besoins. Nombre d’étudiants ou d’entrantssur le marché de l’emploi ont ainsi pu ajouter une expérience à un CV vierge. Certains seniors y ont également recours pour compléter des fins de carrière que les entreprises ne veulent plus assumer en CDI. Entre les deux, de nombreux chômeurs peuvent accéder à des missions d’intérim en attendant le Graal de l’emploi stable. Côté employeurs, la démonstration est plus simple. Paniqués par tout ce qui ressemble aux rigidités du marché du tra-
Cahier du « Monde » N˚ 21510 daté Samedi 15 mars 2014 - Ne peut être vendu séparément
ces». Les économistessont pourtant réservés sur l’effet compétitivité des baisses de charges non ciblées. Pour nombre d’entre eux, le redressement de la compétitivité des entreprisespassepardesréformesstructurelles (formation professionnelle, R&D, etc.). De plus, observent-ils, un saupoudrage des allégements se traduira par des hausses de salaires au-delà de 1,6 smic, qui ne seraient pas bienvenues pour les entreprises exportatrices. p
vail, ils gèrent l’incertitude sur la conjoncture avec le travail temporaire. Et ça marche. Adecco,qui a publié ses comptes annuels quelques heures avant d’apprendre la sortie surprise de son actionnaire historique, profite des frémissements de reprise. Son chiffre d’affaires a bondi de 4 % au quatrième trimestre 2013, surprenant les analystes. Sur l’année, son bénéfice s’est envolé de 58 %, à 557 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 19,5 milliards. En France, son premier marché, Adecco a vu son activité se stabiliser après sept trimestres de baisse. Patrick de Maeseneire, le directeur général, a affirmé à l’AFP qu’il y retrouvera la croissance au premier semestre 2014. Adecco n’a donc plus d’actionnaire de référence. Mais la famille et la Fondation Jacobs, qui restent propriétaires de 50 % du géant industriel du chocolat Barry Callebaut, ne l’ont pas traité en actif jetable. L’action Adecco, qui a gagné 35 % en un an à la Bourse de Zurich, est au plus haut depuis octobre 2007. p jacquin@lemonde.fr
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LES COMPAGNIES AÉRIENNES EUROPÉENNES RETROUVENT DES COULEURS LIRE PAGE 6
J CAC 40 4 226 PTS – 0,56 % J DOW JONES 16 108 PTS – 1,41 % j EURO-DOLLAR 1,3870 j PÉTROLE 107,74 $ LE BARIL J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,13 % 14/03 - 9 H 30
Numéro spécial INVITÉ SPÉCIAL— L’HEBDOMADAIRE UKRAINIEN OUKRAÏNSKY TYJDEN N° 1219 du 13 au 19 mars 2014 courrierinternational.com France : 3,70 €
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plein cadre
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Visite d’Arnaud Montebourg sur le site BleuForêt, à Vagney (Vosges), le 27 février. SÉBASTIEN BOZON/AFP
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e vais leur passer un coup de grelot à ces loustics, vous me donnerez les noms, on va s’en occuper ! » Ce 27 février, Arnaud Montebourg est de méchante humeur. Venu visiter des PME du textiledansle Haut-Rhin,le ministre du redressement productif multiplie les poignées de main et les sourires. Mais rien n’y fait : les patrons qu’il rencontre font grise mine. « Les acheteurs de la grande distribution nous étranglent», « ils veulent du “made in France” mais nous paient comme des Chinois», s’emportent-ils. Qu’à cela ne tienne, M. Montebourg promet « un bon coup de pied aux fesses » aux distributeurs et assure qu’il va leur demander des « actes de préférence» pour les articles fabriqués en France. « Je suis là pour vous aider, claironne-t-il. Si vous avez besoin de moi, venez me voir à Bercy, je suis à votre disposition. » Bingo : en quelques phrases, le ministre retourne la salle. Plus tard, un chef d’entreprise lui demandera même d’être « notre nouveau Colbert »… Mais quelle mouche a donc piqué le tribunà la marinière? Aprèss’en être violemment pris au patronat lors de son arrivée à Bercy, allant jusqu’à traiter le sidérurgiste Lakshmi Mittal de menteur ou à accuser la famillePeugeotde dissimulation,M. Montebourg multiplie aujourd’hui les attentions à l’égard des chefs d’entreprise. « Son expression a évolué, constate François Curé, directeur général des chaussettes BleuForêt. A son arrivée, il a voulu secouer le cocotier. Aujourd’hui, il a une vision plus juste de la réalité et un discours beaucoup plus mobilisateur.» Et ça marche ! Depuis quelques mois, les patrons se bousculent dans le bureau du bouillant ministre. Bien sûr, il y a beaucoup d’industriels, comme Benoît Potier (Air Liquide), Gérard Mestrallet (GDF Suez), Carlos Ghosn (Renault Nissan), Antoine Frérot (Veolia), Philippe Crouzet (Vallourec)ou Anne Lauvergeon,une habituée. Au-delà de son verbe « parfois excessif », tous créditent le ministre d’avoir « remis l’industrie au cœur des préoccupations de l’Etat, ce qui n’était plus le cas depuis vingt ans ». Mais M. Montebourg séduit désormais au-delà de ce cercle. Il s’entend très bien avecVincent Bolloré, pourtantréputé proche de Nicolas Sarkozy, et reçoit régulièrement Henri Proglio (EDF), dont une partie du gouvernement réclame toujours le départ. De même, il a de bonnes relations avecMartinBouygues,dontil soutientl’offre de reprise de SFR. « Montebourg, lui au moins, il a des c… », aurait lâché le PDG à François Hollande, qui l’a reçu le 27 février à l’Elysée, au côté de François Pinault. Même les patrons high-tech ont désormais leur rond de serviette au troisième étage de Bercy, là où se trouvent les bureauxduministre.Cesderniersmois,Jacques-AntoineGranjon (Vente-privée.com), Bernard Charlès (Dassault Systèmes), Cédric Tournay (Dailymotion) ou Olivier Piou (Gemalto) ont été aperçus dans les couloirs. Xavier Niel, fondateur d’Iliad et actionnaire à titre individuel du Monde, vient également échanger avec lui. « Ces deux-là, ils se reniflent et se tournent autourdansune sorte de fascination-répulsion», s’amuse un témoin. Pour expliquer ce revirement, de nombreux patrons parlent de la mue opérée par M. Montebourg ces derniers mois. « Aujourd’hui, il est plus architecte que pompier, assure l’un d’eux. Il est moins focalisé sur les plans sociaux, a un discours plus constructif. C’est davantage mobilisateur. » Exemple : les 34 plans industriels, annoncés en septembre2013, qui doivent stimulerl’activitétricoloredansles domaines des biocarburants, des voitures sans chauffeur ou de la nanoélectronique, et dont le comité de pilotage devait être installé vendredi14 mars. « Cela a un vrai effet d’entraînement dans nos entreprises », constate, séduit, un patron du CAC 40. Autre facteur qui joue dans cette love story inattendue: M. Montebourg n’hésite
Montebourg, l’homme fort des patrons
Après les avoir exaspérés à son arrivée à Bercy, le ministre a su séduire les chefs d’entreprise
« IL Y A CHEZ LUI DES GARS QUI SAVENT LIRE UN COMPTE D’EXPLOITATION » Un PDG
plus à taper sur les syndicats. Début janvier, il a publiquement condamné la séquestration par la CGT de cadres de Goodyear à Amiens. « J’ai été le seul à le faire », se rengorge-t-il. De même, il a dénoncé début février la position ambiguë de la CFDT dans le dossier Mory Ducros : le syndicat disait accepter le projet de reprise du transporteur par son actionnaire, le fonds Arcole Industries, mais ses représentants dans l’entreprise refusaient de le signer. « Je soutiens les syndicats quand ils défendent leur outil de travail, pas quand ils font de la terre brûlée, précise au Monde le ministre. C’est le plus souvent le cas. Mais lorsqu’il y a de l’exagération, je le dis en face, aux patrons comme aux syndicats, même si c’est parfois difficile à entendre.» Stratégique ou sincère, cette inflexion fait entout cas mouche.Alors qu’il entretenait des relations plutôt fraîches avec Laurence Parisot, l’ex-présidente du Medef, l’élu de Saône-et-Loiredit avoir des discussions franches avec Pierre Gattaz, son successeur. Fin octobre 2013, le patron des patrons a même invité M. Montebourg à plancher devant ses troupes sur la compétitivité. « Il a été chaleureusement applaudi », se souvient un participant. Au-delà de la personnalité parfois contestée de M. Montebourg, les chefs d’entreprise louent également la qualité de son cabinet. « Derrière le porte-voix, le côté Danton de Montebourg, il y a une équipe qui bosse, assure Bruno Bonnell,
ex-patron d’Infogrames, aujourd’hui à la tête de Robopolis, un spécialiste de la robotique personnelle. J’ai vu ces derniers mois des entreprises littéralement sauvées par l’action de son cabinet.» Pragmatique, le ministre encourage, il est vrai, ses conseillers à sortir de leur pré carré. A ne pas se reposer sur l’administration pour faire avancer les dossiers. Lors du conflit Mory Ducros, les « Montebourg boys » ont appelé les clients du transporteur pour les enjoindre à ne pas rompre leur contrat, ce qui aurait signifié la fin de l’entreprise et 5 000 suppressions d’emplois.« En trenteans de carrière, c’est la première fois que je vois ça », s’étonne un conseiller du Tout-Paris des affaires.
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elon les chefs d’entreprise, c’est parce que le cabinet de M. Montebourg n’est pas peuplé d’énarques que le courant passe bien. « Il y a chez lui des gars qui savent lire un compte d’exploitation », assure le PDG d’une importante société de services. Plusieurs conseillers ont fait leurs armes dans le privé avant de rejoindre Bercy. Son conseiller spécial, Christophe Bejach, qui vient de le quitter, avait travaillé avec Jean-Charles Naouri, le patron de Casino, et fondé la compagnie aérienne L’Avion, revendue en 2008 à British Airways. Son remplaçant, Nicolas Milesi, recruté début février, a fait une partie de sa carrière chez Danone, avant de prendre la tête de Châteaud’eau, le numéro un français de la
« SI VOUS AVEZ BESOIN DE MOI, VENEZ ME VOIR À BERCY, JE SUIS À VOTRE DISPOSITION » Arnaud Montebourg
distribution de bonbonnes d’eau dans les entreprises. De même, M. Montebourg n’hésite pas à court-circuiter son administration quand il l’estime nécessaire. Pour sauver l’usine d’aluminium de Rio Tinto Alcan à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), que le géant minier voulait fermer, il a fait appel à l’un de ses amis, AriéFlack, banquier d’affaires à la Compagnie financière du Lion, pour faire le tour des repreneurs et sécuriser le montage juridique. « Mais j’ai travaillé bénévolement», assure le banquier. Al’écouter,M. Montebourgn’auraitrien changé à son comportement ou son discours. « Je ne pense pas avoir changé, assure-t-il. Je n’ai d’ailleurs jamais eu un discours antipatrons. Je considère juste qu’il y a des chefs d’entreprisepatriotes et d’autres qui ne le sont pas. » Le ministre dit d’ailleursnepasregretterses prisesdeposition sur Florange ou sur Sanofi. «Si c’était à refaire, je recommencerais», assure-t-il. Preuve que ses convictions sur la nécessité de nationaliser en cas de besoin n’ont pas bougé, il estime que l’entrée de l’Etat au capital de PSA, intervenue en février, c’est « du Florange dégradé ». « Ma ligne, c’est la reconstruction de l’industrie. Mon discours, l’alliance des forces productives, assène-t-il. Je n’ai aucun scrupule à dire que l’Etat doit intervenir dans la vie des entreprises, car, lorsqu’il y a un désastre, ce sont les contribuables qui paient ! » Changé, le ministre? Pas si sûr… p Cédric Pietralunga
Coup d’envoi de cinq projets industriels d’avenir C’EST PARTI! Six mois après avoir été lancé en grande pompe à l’Elysée, le programme « Nouvelle France industrielle», qui doit permettre à l’industrie tricolore de prendre de l’avance ou de rattraper son retard dans 34 secteurs jugés stratégiques, entre dans sa phase opérationnelle. Vendredi 14mars, un comité de pilotage, appelé « Copil», devait être installé par Jean-Marc Ayrault, le premier ministre, lors d’une cérémonie à Matignon. Outre les ministres concernés (redressement productif, transports, écologie, etc.), celui-ci est – entre autres – composé de Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, d’Alain Rousset, président du conseil régional d’Aquitaine, mais aussi de
figures de l’industrie, comme Louis Gallois (ex-EADS), Jean-François Dehecq (ex-Sanofi), Pierre Gadonneix (ex-EDF), Jean-Martin Folz (exPSA) ou Muriel Pénicaud, l’ancienne DRH de Danone. Leur rôle? «Valider les feuilles de route établies par les industriels de chacun des 34secteurs concernés et donner le feu vert pour les subventions accordées par l’Etat», explique-t-on au ministère du redressement productif, cheville ouvrière de ce programme. Cinq premiers plans devaient être lancés vendredi: ceux sur la voiture consommant moins de 2litres aux 100km, le réseau de bornes électriques de recharge, l’avion électrique,
l’autonomie et la puissance des batteries, le satellite à propulsion électrique. « Tous les plans seront examinés et validés avant l’été», assure un conseiller ministériel.
480 000 emplois attendus Quelque 3,7milliards d’euros d’argent public, issus du programme des investissements d’avenir, sont prévus pour alimenter ces plans. « Mais la moitié des financements sera apportée par le privé», explique-t-on dans l’entourage d’Arnaud Montebourg. Le plan, qui vise à lancer, dès 2017, le premier satellite doté d’un moteur électrique devrait ainsi être financé à hauteur de 54millions d’euros: 24 millions
apportés par l’Etat, le reste par les industriels Airbus, Thales et Snecma. «Les travaux associeront un important réseau d’entreprise (…), représentant plus de 1 500 emplois directs, situés principalement en Midi-Pyrénées et en Ile-de-France», assure-t-on à Bercy. Plus de 250entreprises seront impliquées dans ces 34 plans, dont deux tiers de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, affirme le gouvernement. Selon une étude réalisée par le cabinet McKinsey, ce programme pourrait permettre de créer 480000emplois sur les dix prochaines années et générer 45 milliards d’euros de valeur ajoutée. p C. Pi.
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économie & entreprise
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Baisse des charges: pourquoi cibler les bas salaires
Les allégements de cotisations créent de l’emploi au niveau du smic. Le gouvernement veut un périmètre plus large
C
’est l’une des grandes questions de la politique de l’emploi depuis vingt ans : faut-il cibler les allégements de charges sur les bas salaires ? Ou faut-il en étendre le bénéfice à des salaires supérieurs au smic, voire à tous les salaires? Le débat est aussi vieux que les allégements généraux de cotisations sociales patronales euxmêmes. Les premiers, ciblés sur les bas salaires, ont été instaurés en 1993 par le gouvernement Balladur. A une époque, comme celle que connaît la France aujourd’hui, de fort accroissement du chômage des non-qualifiés. Les gouvernements Juppé, Jospin, Raffarin, Fillonontensuitefaitbougerlecurseur (1,1 smic, 1,3 smic, 1,7 smic, 1, 3 smic) en fonction des objectifs qui étaient les leurs. Le gouvernement Ayrault s’est déjà frotté à la question à l’automne 2012, lors de la mise en place du crédit d’impôt pour l’emploi et la compétitivité (CICE). Le taux de ce dernier a été porté en 2014 à 6 % de lamassesalarialesurlessalairesjusqu’à 2,5 fois le smic. Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, déterminé à en faire bénéficier l’industrie qui emploie peu de personnes non qualifiées, avait même dit, à cette occasion, tout le mal qu’il pensait de la direction générale du Trésor, favorable depuis toujours au ciblage des allégements sur les bas salaires… Le sujet est revenu sur le devant delascènedepuisqueFrançoisHollande a promis 10milliards d’euros d’exonérationsdecotisationssociales supplémentaires aux entreprisesdanslecadredupactederesponsabilité en cours de négociation. Le gouvernement doit choisir d’ici au 15avril comment les répartir. Sauf imprévu, ce sera un mix emploicompétitivité. Autrement dit, un
plois, sans pour autant laisser de côté l’économie combattante », a-t-iljustifié,soulignantquedesdiscussions étaient en cours du côté patronal et syndical pour trouver «ce qu’il y a de plus efficace». Rien ne dit, pourtant, que ce sera lecas.Autant,eneffet,leséconomistes s’accordent sur l’impact en termes d’emploi des allégements de charges au niveau du smic : toute
M. Sapin, ministre du travail, est revenu sur le sujet, jeudi 13 mars, en tenant un discours des plus conciliants à l’égard du patronat
Michel Sapin, ministre du travail et de l’emploi, avec des jeunes en « contrat d’avenir », mardi 11 mars à l’Elysée. ALAIN JOCARD/AFP
saupoudrage pas nécessairement convaincantsurleplandel’emploi. « C’est en allégeant les charges sur les bas salaires qu’on crée le plus d’emplois. Est-ce une raison suffisantepourn’allégerquelesbassalaires? Je ne le pense pas », a expliqué MichelSapin,le ministredutravail, sur Europe 1, jeudi 13mars. Une semaine plus tôt, Jean-Marc Ayrault avait pourtant annoncé que la baisse du coût du travail se
concentrerait « principalement » sur les bas salaires. Dimanche 9 mars, M. Sapin avait estimé qu’«en faisant diminuer le coût du travail sur les plus bas salaires, nous irons dans le sens d’un maximum de créations d’emplois». La cause semblait donc entendue, mais c’était sans compter sur laforce de persuasionde Jean-François Pilliard. Le patron opérationnel de l’Union des industries et
métiers de la métallurgie (UIMM), vice-présidentduMedef,s’estélevé mercredi 12 mars contre le ciblage des allégements sur les bas salaires. « Ce serait inacceptable pour le Medef et en particulier pour les activités à haute valeur ajoutée. Elles seraientobligéesd’en tirerles conséquences», a-t-il déclaré aux Echos, faisant planer la menace d’un clash avec le gouvernement. Rien que de trèsnaturelauMedef,oùl’ondétes-
te plus que tout les mesures ciblées qui soumettent l’organisation patronale aux pressions contradictoires de ses adhérents. La fermeté de M.Pilliard n’a pas échappé au ministre du travail, qui est donc revenu sur le sujet, jeudi 13 mars, en tenant un discours des plus conciliants à l’égard du patronat. « Il faut créer un équilibre qui permette d’aider les bas salaires pour créer le plus possible d’em-
Le dispositif «zéro charges» sur le smic a prouvé son efficacité LA DERNIÈRE ÉTUDE (mars2014) des économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, que l’Institut Montaigne vient de rendre publique, tombe à point nommé. Au moment où le gouvernement se demande où faire porter les 10 milliards d’euros d’allégement supplémentaire du coût du travail promis aux entreprises par le président de la République, les travaux de ces deux spécialistes de l’emploi apportent un certain nombre d’éléments au débat. Ces deux auteurs et un troisième économiste, Thomas Le Barbanchon, ont étudié l’impact du dispositif « zéro charges » qui a existé de décembre2008 à décembre 2009. Créé en pleine récession par le gouvernement de François
Fillon, il permettait aux entreprises de moins de 10 salariés de bénéficier d’exonérations de cotisations patronales pour toute embauche (ou renouvellement de CDD) d’un salarié rémunéré en dessous de 1,6 fois le smic.
Expérimentation in vivo L’exonération, totale au niveau du salaire minimum, diminuait avec le salaire pour disparaître à 1,6 smic. Elle représentait une baisse de 12 points du coût du travail au niveau du smic. C’était donc un « “choc” important». Les conclusions des chercheurs sont nettes : le dispositif zéro charges révèle que l’emploi est très sensible au coût du travail au niveau des bas salaires, et beau-
coup plus qu’on ne le pensait jusqu’alors. En effet, une diminution de 1 % du coût du travail a entraîné un accroissement de 2 % de l’emploi au bout d’un an, l’impact sur l’emploi apparaissant dès trois mois. Le coût brut de la création d’un emploi dans cette configuration est de l’ordre de 12 000 euros par an pour les finances publiques. Son coût net – une fois tenu compte des rentrées de cotisations et des moindres dépenses sociales (assurance-chômage, RSA…) avoisine zéro. Pour la première fois, les trois économistes ont pu, comme on le fait dans certaines expérimentations médicales ou de laboratoires, évaluer réellement – in vivo –
l’impact de la mesure. Pour ce faire, ils ont comparé l’évolution d’un groupe d’entreprises témoins – les entreprises de 6 à 9 salariés, bénéficiaires potentielles de « zéro charges » – avec un groupe d’entreprises similaires du point de vue de l’emploi (les 10-13 salariés), mais exclues du champ d’application de la mesure. Autant d’éléments croisés avec des données microéconomiques très détaillées. Les effets d’aubaine possibles de la mesure ont été également étudiés. Conclusion: « Si l’on extrapole les résultats des “zéro charges” à l’ensemble de l’économie, un ciblage de 10 milliards d’allégements, annulant le reliquat de charges au niveau du smic et diminuant pour
s’annuler à 1,6 smic, pourrait créer jusqu’à 800 000 emplois.» De l’avis des auteurs, ces résultats plaident sans ambiguïté pour un ciblage massif des allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, à proximité du smic, pour créer des emplois et réduire significativement le chômage. «C’est à ces niveaux de salaires que les entreprises sont les plus sensibles, et c’est pour ce type d’emploi qu’il y a le plus de candidats actuellement au chômage», observent-ils, précisant au passage: « Il est illusoire de penser qu’il est possible d’améliorer la compétitivité avec des allégements de cotisation sur tous les salaires au-delà du smic. » p C. Gu.
une série d’études ont été conduites entre1993 et 2009 qui valident cette analyse pour un pays comme la France, où le chômage des nonqualifiés est massif et le salaire minimum élevé. Autant ils sont plus réservés sur ce qu’il convient d’attendre des allégements non ciblés, que le Conseil national de l’industrie défend, au motif qu’ils aideraient les entreprises industrielles à être plus compétitives. Nombre d’économistes estiment que le renforcement de la compétitivité des entreprises industriellespasse pardesmesures plus structurelles, comme le développement de l’enseignement et la recherche, une formation professionnelle plus efficiente, le droit du travail ou encore par le financement de l’économie. Par ailleurs, plaide l’économiste Pierre Cahuc, «les entreprises à forte valeur ajoutée bénéficient, ne serait-ce qu’indirectement, de la baisse du coût du travail au niveau du smic dans leurs entreprises soustraitantes et chez leurs fournisseurs ». Enfin, une série d’études ont montré qu’au-delà de 1,4-1,6 smic, les allégements de charges produisent, dans 75 % des cas, des hausses de salaires et, dans le quart restant, de l’emploi en plus. D’où cette conviction solidement établie dans l’étude de l’Institut Montaigne rédigée en mars2014 par Pierre Cahuc et StéphaneCarcillo:«Silabaisseducoût dutravails’appliqueà tousles salaires de manière indifférenciée, (…) l’impact sur le chômage sera négligeable et la compétitivité des entreprises ne s’améliorera pas. » D’autant moins d’ailleurs que les salaires des entreprises exportatrices augmenteront rapidement… Le tout aura pourtant coûté 10 milliards d’euros. De l’argent jeté par les fenêtres? Pour les économistes, et pas seulement ceux de l’association altermondialiste Attac, c’est un sujet. p Claire Guélaud
Sur le point de retrouver son autonomie, le Portugal entre enthousiasme et inquiétude Le pays doit sortir du plan de sauvetage de l’Europe et du FMI le 17 mai. Dans une pétition, 70 personnalités appellent à restructurer la dette
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près tant de sacrifices, ils estiment que le temps des récompenses est enfin venu. Jeudi 13 mars, les cheminots portugais, en colère contre le « vol des salaires » qu’incarne à leurs yeux l’austérité imposée à leur pays depuis trois ans, étaient en grève pour 24 heures. Le mouvement fut peu suivi puisque, selon Comboios de Portugal (CP), la « SNCF portugaise », 95 % des trains circulaient. Mais cette grogne n’est pas isolée. Elle fait suite aux protestations successives de la quasi-totalité des corpsdemétier:policiers,fonctionnaires, postiers, chauffeurs de bus et forces armées, tous fatigués par la rigueur. Pourtant,leretourdelacroissance s’esquisse (0,6 % au dernier trimestre 2013), le chômage reflue et
les exportations rebondissent. Les efforts auraient donc payé. Les bailleurs de fonds du pays, l’Europe et le Fonds monétaire international (FMI), qui ont accordé à Lisbonne 78 milliards d’euros en 2011, semblent penser, eux aussi, que le Portugal est presque sorti d’affaire. Dans deux mois, le 17 mai, le pays devrait sortir, sans ceinture ni bretelles, de la tutelle de la « troïka » (la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le FMI). Ce scénario merveilleux – le Portugal serait la deuxième illustration, après l’Irlande, que l’austérité paie –, ne rassure pourtant pas tout le monde à Lisbonne. « On veut faire du pays une propagande pour la rigueur ! Tout le monde veut se débarrasser de la “troïka”, mais la dette reste trop élevée. Laisser le Por-
tugal seul, sans soutien, nous mettra dans une position vulnérable», s’alarme Eduardo Paz Ferreira, professeur d’économie à la faculté de droit de Lisbonne. Inquiet, l’enseignant a signé, avec soixante-dix personnalités de droite comme de gauche, issues du monde politique, académique, des syndicats mais aussi du patronat, une pétition appelant à restructurer, en douceur, la dette du pays.
Risque politique Représentant 129 % du produit intérieur brut (PIB), la dette portugaise est, estiment-ils, trop lourdeà supporter. Pour l’éponger, « le gouvernement devra prendre chaque annéedenouvellesmesuresd’austérité»,penseM.Paz Ferreira.Dequoi affaiblirl’économieencoreengourdie.« On enaassezdevoirle gouver-
nement ne prendre aucune initiative et ne faire qu’obéir à la “troïka”», ajoute-t-il. La lassitude des Portugais contre les coupes budgétaires et la modération salariale au nom de la compétitivité se ressent jusqu’au sommet de l’Etat. Jeudi, le président de la République, Anibal Cavaco Silva, a opposé son veto à la haussedescotisationsd’assurancemaladie des fonctionnaires décidéepar legouvernementdecentredroit. « Au moment où l’on demande de lourds sacrifices aux fonctionnairesetretraités»,lapertinencede cette mesure «reste à démontrer», a-t-il jugé. L’attitudeduprésident(PSD,centre-droit),dumêmebordquelepremierministrePedroPassos Coelho, peut surprendre. « Au Portugal les politiciens ont quelques tendances
schizophréniques…», souffle Diogo Teixeira, à la tête du fonds d’investissement Optmize à Lisbonne. Cette « schizophrénie », reflète selon lui la menace qui plane sur le pays : celle du risque politique. A écouter M.Teixeira, le Portugal, en dépit d’une santé encore fragile, peut s’en sortir d’un point de vue « technique». Au cours des derniers mois, le Trésor a échangé, sur le marché, de la dette arrivant à échéance en 2014-2015 contre des titres à plus long terme. Résultat, le pays limite ses besoins en emprunts pour plus d’un an. D’ici là, les choses auront évolué, pense M. Teixeira, qui rappellequelestauxd’intérêtdeladette souveraine sont déjà passés de 7% à 6% puis à 4, 5 % aujourd’hui. Si le Portugal a besoin d’un soutien,dit-il,c’est surtoutpoursepro-
téger des responsables politiques et de leur irrépressible tendance à faire des promesses. Les élections législatives sont prévues en 2015 et lePartisocialiste(PS),dansl’opposition, pourrait vouloir séduire une opinion exaspérée par les purges budgétaires. «Le PS a une attitude ambiguë» vis-à-vis de la rigueur, atteste Gilles Moëc,chezDeutscheBank.L’économiste, lui aussi, est inquiet de voir les dirigeants tentés d’aller au-delà d’une simple modération de l’austérité pour inverser radicalement lavapeur.« Onvoit déjà lesdistributions de cadeaux fiscaux en Italie», dit-il, faisant référence aux 10 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu annoncés mercredi 12mars par le président du conseil, Matteo Renzi. p Claire Gatinois
4
0123
économie & entreprise
La crise ukrainienne alimente la hausse des cours du blé et du maïs
L’économieirlandaise séduitles marchés, maisrestefragile
Dublin a emprunté à un taux historiquement bas. Le PIB a régressé de 0,3 % en 2013 VARIATION TRIMESTRIELLE DU PIB IRLANDAIS, EN %
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2013 SOURCE : BNP PARIBAS
L
a journée du jeudi 13 mars a été plutôt paradoxale pour l’économie irlandaise. Le matin, Dublin a réussi à emprunter avec succès 1 milliard d’euros à dix ans, à un taux de 2,967 %. Une telle opération d’adjudication n’avait pas eu lieu depuis septembre 2010. « Cela marque le plein retour de l’Irlande sur les marchés», s’est réjoui John Corrigan, le directeur du NTMA, l’agence de gestion de la dette. Sur le marché secondaire, où s’échangent les obligations déjà émises,les taux à dix ans sont tombés à 3 %, un plancher historique. Quelquesheuresplus tôt,les statistiques officielles ont pourtant révélé que le produit intérieur brut (PIB) irlandais a régressé de 0,3 % en 2013. Et même de 2,3% sur le seul quatrième trimestre, alors que les économistes misaient sur une hausse de 0,4 %. Un chiffre décevant au regard de la hausse enregistrée au trimestre précédent (+ 2,1 %). Mais cela n’a pas suffi à refroidir l’enthousiasme des investisseurs. Seraient-ils trop optimistes à propos des performances de l’ex« tigre celtique» ? Comme souvent à propos des pays périphériques de la zone euro, les économistes sont divisés sur le sujet. Les tenants du verre à moitié plein soulignent d’abord que les statistiques du PIB doivent être interprétées avec précaution. L’économie irlandaise est en effet trèsouverte au commerceinternational: les exportations représentent 100 % du PIB. Du coup, le niveau d’activité global du pays est très volatil. « Voilà pourquoi il ne faut pas accorder trop d’importance aux variations du PIB, qui ne reflète pas fidèlement l’état de santé de l’économie», insiste Thibault Mercier, spécialiste du pays chez BNP Paribas. D’autant que le tassement de la croissance en 2013 s’explique en grandepartiepar la fin de l’exclusivité de nombreux brevets détenus par les entreprises pharmaceutiques implantées en Irlande. « A cause de cela, leurs ventes ont fortement baissé, détaille M. Mercier. Or, le secteur représente 15 % des exportations.» Comme lui, nombre d’économistesestimentqu’ilestplus pertinent de se concentrer sur le produit national brut (PNB) qui, contrairement au PIB, exclut les profits générés par les sociétés multinationales implantées à Dublin, et rapatriés dans leur pays d’origine. En 2013, le PNB a augmenté de 3,4 %. « Ce chiffre illustre bien mieuxl’activitéréelledesPME irlandaises, qui ont recommencé à créer des emplois», souligne M. Mercier. De fait, le taux de chômage est passé de 13,7 % fin 2012 à 11,7 % fin 2013, alors que, sur la même période, il a continué de grimper dans le reste de la zone euro, où il culmine toujours à 12 % en moyenne. Enfin,l’Irlandeest lepremierdes quatre pays sous tutelle à être sorti
Samedi 15 mars 2014
du plan d’assistance de la « troïka » (Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne), fin 2013. Le pays a ainsi retrouvé sa pleine indépendance financière. Et cela, sansavoirdemandéunfiletdesécurité temporaire à ses partenaires. Il faut dire que l’« île verte » peut compter sur trois grands atouts : la flexibilité de son marché du travail, la bonne qualification de sa main-d’œuvre, et son environnementfiscal très attractif pour les entreprises. Pour autant, il est encore trop tôt pour clamer que Dublin est complètement tiré d’affaire. « Les marchés ont été impressionnés par les dernières évolutions positives dans le pays, mais ils font un peu l’impasse sur certains problèmes
Le tassement de la croissance s’explique notamment par la fin de l’exclusivité de nombreux brevets détenus par les labos implantés en Irlande récurrents», souligne René Defossez,stratégiste auxbureaux londoniens de Natixis. Selon lui, la forte baisse du taux de chômage doit ainsi être relativisée. « Notre pays a connu une forte émigration des jeunes pendant la crise, ce qui a limité l’envolée du nombre de demandeurs d’emploi », confirme Sean Healy, du think tank Social Justice Ireland. De plus, la dette publique, à plus de 120 % du PIB, reste très élevée. Celle-ci a explosé quand l’Etat a dû massivementrenflouerle secteur bancaire en 2010. « Elle pèsera pendant longtemps encore sur l’activité», commente M. Healy. C’est d’ailleurs pour cela que le premier ministre, Enda Kenny (centredroit), demande depuis des mois à ses partenaires européens quele Mécanismeeuropéen destabilité (MES), créé après la crise pour venir en aide aux Etats en difficulté, reprenne une partie de la dette publique à sa charge. Mais, pour l’instant, ces derniers ne sont pas très chauds. « Les Allemands n’accepteront jamais, de peur que d’autres pays se mettent à réclamer le même genre de faveurs», souffle un eurodéputé. Enfin, l’étonnante baisse des taux d’intérêt enregistrée par Dublin tient aussi pour partie à des facteurs extérieurs au pays. Depuis que les devises turque, brésilienne, argentine ou indienne connaissentdes turbulences,nombre d’investisseurs ont retiré leurs capitaux des pays émergents pour les placer dans les pays périphériques de la zone euro. « Il est vrai qu’ily a un effet de vases communicants. Mais comme la reprise irlandaise va se raffermir en 2014, la confiance des marchés va durer », conclut M. Mercier. p Marie Charrel
Les prix ont crû de 19% à 25% depuis janvier. La spéculation amplifie le mouvement
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es cours mondiaux des céréales subissent un coup de chaud. Le grenier de la mer Noire va-t-il pâtir de la crise qui secoue l’Ukraine et des fortes tensions qui l’opposent à son grand voisin russe? Cette interrogation à laquelle personne n’a aujourd’hui la réponse alimente la spéculation sur le prix des grains. Sur le marché à terme de Chicago, le cours du blé affiche une progression de près de 25 %, par rapport au point bas atteint fin janvier. Le contratà échéance mai, par exemple, s’est négocié en séance, jeudi 13 mars, jusqu’à 6,96 dollars (5,02 euros) le boisseau, un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis le 25 octobre. Le maïs n’est pas en reste. Le contrat à échéance mai a dépassé à la hausse, il y a une semaine, le seuil des 5 dollars le boisseau, soit un bond de près de 19 % par rapport au plus bas prix de janvier. Cette flambée intervient après une lente glissade des prix du blé et du maïs depuis le milieu de l’année 2013. Une tendance qui se poursuivait en début d’année. Les récoltes de maïs plus qu’abondantes en 2013 aux EtatsUnis, plus gros producteur et exportateur mondial du précieux grain jaune, avaient contribué à cette détente des cours. De même que les moissons engrangées, sans trop d’aléas, dans les grandes zones géographiques de production céréalière mondiale. Cette situation a conduit, le 6mars, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, à continuer à faire preuve d’optimisme. Elle a, une nouvelle fois, revu ses prévisions à la hausse, estimant la production mondiale de céréales et de riz à 2515 millions de tonnes pour l’année 2013. Un niveau record. Et même si elle constate une progression de la demande, la FAO la juge limitée. Ce qui lui permet de réévaluer légèrement le niveau des stocks mondiaux, qu’elle chif-
fre à 578,5 millions de tonnes. Les greniers de la planète n’avaient pas été aussi remplis depuis 2001. Mais les investisseurs, eux, ne mesurent pas que les niveaux des stocks. Ils scrutent les bulletins météos et les événements qui pourraient perturber les marchés futurs. Les vagues de froid qui se sont abattues sur le continent nord-américain cet hiver les ont un peu émus. Puis d’autres aspects de la météo hivernale ont commencé à faire frémir les cours. « Il y a un déficit hydrique aux Etats-Unis. Mais aussi dans l’est de l’Europe. D’habitude, il neige beaucoup et les “tchernozioms”, les fameuses terres noires, stockent l’eau. Ce n’est pas le cas cette année », explique Michel Portier, directeur général de la société de conseil Agritel. Toutefois, ce sont les événements en Ukraine et l’escalade de la crispation avec la Russie qui ont placéles courssur une penteascendante. Il est vrai que, selon le ministère de l’agriculture américain, l’Ukraine se classerait au sixième rang COURS DU MAÏS, EN DOLLARS LE BOISSEAU, À CHICAGO
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mondial des exportateurs de blé, derrière la Russie. Les Etats-unis tenant la tête du peloton. L’Ukraine revendique également le troisième rang des exportateurs mondiaux de maïs. L’agri-
La dévaluation de la hryvnia par rapport au dollar a fait monter la tension. Les agriculteurs ukrainiens hésitent à vendre dans ces conditions culture est le principal atout économique du pays. Pourtant, comme le souligne M. Portier, dont la société Agritel possède un bureau à Kiev, « les chargements des céréales contractualisées se passent normalement. Il n’y a pas, jusque-là, d’impact sur la logistique». Les questions se posent sur d’éventuelles perturbations logisCOURS DU BLÉ, EN DOLLARS LE BOISSEAU, À CHICAGO
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tiques en mer Noire. Mais aussi pour les céréales qui n’ont pas encore été commercialisées et pour la future récolte. La dévaluation de la monnaie locale, la hryvnia, par rapport au dollar, depuis le début de la crise, a fait monter la tension. Les agriculteurs ukrainiens hésitent à vendre dans ces conditions. De plus, selon M. Portier, « la dévaluationde la hryvniaaugmente le coût des engrais et des produits phytosanitaires le plus souvent importés. Est-ce que la crise financière obligera les agriculteurs à planter de l’orge de printemps, du soja ou du tournesol, moins chers à produire, au détriment du maïs ? ». La question devrait être tranchée bientôt à l’heure des semis. Ceux-ciontdéjàété reportésen Crimée, officiellement par manque de fioul. Mais ce pays ne pèse que 2 % de la production céréalière ukrainienne. Toutes ces incertitudes ont contribué à la hausse des cours. Mais la progression tient aussi au mouvement spéculatif. Les fonds, qui avaient misé en début d’année sur une baisse, se repositionnent et contribuent à amplifier le phénomène. Cette évolution ne peut que satisfaire les céréaliers français. « Nous étions descendus en dessous de nos coûts de production. Lorsque le prix du blé à échéance novembre se négocie sur le Matif entre 200 et 205 euros, comme c’est le cas aujourd’hui, le prix payé à l’agriculteur, soit entre 175 et 180 euros, devient rémunérateur », explique Rémi Haquin, président du conseil spécialisé de la filière céréalière de FranceAgriMer. Toutefois,M. Haquinreste dubitatif sur les raisons de la montée des cours. « Pour l’heure, les craintes sur l’Ukraine et la Russie sont surtout dans la tête des investisseurs », affirme-t-il. Les marchés ont-ils surréagi? Jeudi 13 mars, à la clôture, les cours du maïs et du blé se repliaient quelque peu. p laurence girard
LesEtats-Unistestentleur «diplomatieénergétique» Les Américains vendent une petite partie du pétrole puisé dans leurs stocks stratégiques
L
es Etats-Unis ont désormais une arme supplémentaire dans leur arsenal pour peser sur le cours du monde : l’énergie. C’est ce que Washington a indirectement signifié, mercredi 12 mars, en annonçant qu’il testait la mise sur le marché de 5 millions de barils de pétrole, soit moins de 1 % deses stocksstratégiques,qui atteignent aujourd’hui 696 millions de barils. Ces réserves avaient été créées en 1974, en même temps que l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour répondre à toute interruption d’approvisionnement, notamment à un embargo des pays producteurs. Le Département de l’énergie (DoE) veut ainsi « évaluer les capacités du système en cas de rupture
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millions
C’est le nombre de barils de pétrole que le département américain de l’énergie a puisé dans les stocks stratégiques (696millions de barils) et mis sur le marché. La production du Dakota du Nord permet aux Etats-Unis, qui importent encore près de 40% de leur brut, d’avoir de grosses réserves en cas de rupture d’approvisionnement.
d’approvisionnement». Il indique que la période choisie correspond à un moment où les raffineries gonflent les stocks commerciaux en prévision des grandes transhumances automobiles du printemps et de l’été. LaMaison Blanche nelie pas cette opération de mise sur le marché à la crise ukrainienne, qui a entraîné une dégradation sans précédent des relations entre Washington et Moscou depuis la fin de la guerre froide. Les experts, eux, sont partagés. Certains relèvent que le brut mis sur le marché, très chargé en soufre, est du même type que celui qu’exporte la Russie. Washington testerait ainsi la réponse du systèmedesstocksà une éventuellerupture desapprovisionnementsdécidée par Moscou. « Je ne pense pas que cela ait un quelconque lien avec [les événements en Ukraine], mais sur le long terme, je pense vraiment que l’administration perçoit les réserves comme un outil géopolitique», nuance Jamie Webster, directeur chargé du marché mondial du brut chez le consultant IHS Energy, dans un entretien à l’agence Reuters. Il n’en demeure pas moins que cette décision prise au plus haut niveau de l’Etat envoie un message politique. Les réserves stratégiques, qui représentent deux cent dix jours d’importation de brut (contre un minimum de quatre
vingt-dix jours imposé par l’AIE), ne sont plus seulement mobilisables en cas de risque de pénurie. Ces stocks ont été utilisés plusieurs fois par les Etats-Unis, seuls ou en coordination avec les autres pays membres de l’AIE, au moment de la première guerre du Golfe (1990-1991), de l’ouragan Katrina dans le sud des Etats-Unis (2005) ou de la guerre en Libye (2011). Mais le dernier véritable test de vente remonte, selon le DoE, à août 1990, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak (4 millions de barils mis en vente).
Exporter du gaz Avec une exploitation de plus en plus intensive du pétrole de schiste, la production américaine a augmenté de 1 million de barils par jour en 2013, réduisant la dépendance du pays, qui avait atteint un pic en 2005. Il importe moins de 40 % de sa consommation. Dans deux ans, le gaz de schiste, liquéfié dans des usines implantées sur les bordsdu golfe du Mexique, commencera à alimenter le marché mondial. L’administration manifeste des réticences face au lobby pétrogazier, mais elle devrait donner son feu vert à plusieurs projets dans les prochains mois. Cette augmentation de la production d’or noir aux Etats-Unis et leur moindre dépendance au pétrole importé ont renforcé leur
puissance politique et économique. Sans ce recul des importations américaines, qui a libéré du brut pour répondre à la croissance de la demande en Asie, l’embargo sur le pétrole iranien lancé en 2012 – 1 million de barils retirés du marché – aurait pu entraîner une forte hausse des prix du pétrole. Il n’en a rien été. Washington a toujours eu une diplomatie de l’énergie guidée par un double souci : sécuriser ses approvisionnements et assurer la liberté de circulation des matières premières et des produits raffinés, essentielle au bon fonctionnement de l’économie. Les forces armées américaines, notamment l’US Navy, y veillent depuis la fin de lasecondeguerremondiale,surtoutau Moyen-Orient.Mais la donne a évolué, notamment avec les lourdes menaces que fait peser le changement climatique. Secrétaire d’Etat sous le premier mandat de Barack Obama, Hillary Clinton avait créé, fin 2011, au sein du département d’Etat, un «Bureauof Energy» chargéde piloter la « diplomatie énergétique » de son ministère. L’énergie « continuera d’être, dans toute sa complexité [géopolitique, économique, environnementale], une des questions déterminantes du XXIe siècle », déclarait-elle, un an plus tard. « Nous remodelons notre politique étrangère pour refléter cela.» p Jean-Michel Bezat
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techno & médias
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SFR:lesdivisions del’actionnaire, le«forcing» del’Etat «Les dirigeants de Vivendi ont décidé de vendre à Numericable», déplore M.Montebourg
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a tension était à son comble à quelques heures du conseil de surveillance de Vivendi, qui devait se tenir vendredi 14mars en fin de matinée. Et choisir d’entrer en négociations exclusives avec Bouygues ou Numericable pour le rachat de SFR. Dans la dernière ligne droite, la détermination à remporter le duel était totale dans chacun des deux camps, qui multipliaient les interventions, attaques et opérations de lobbyingpour séduire les membres du conseil. Selon différents observateurs, plusieurs d’entre eux penchaient vendredi matin pour l’offre de Numericable. « Jean René Fourtou [le président du conseil de surveillance] s’accroche à cette solution », assurait un proche du dossier. Signe de sa détermination, il aurait selon nos informations annulé à la dernière minute une rencontre prévue jeudi soir à l’Elysée avec Emmanuel Macron, secrétairegénéral adjointde la présidence de la République, et Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, tous deux soutiens de l’offre de rachat déposée par Bouygues. «J’ai cru comprendre queles dirigeants de Vivendi ont décidé coûte que coûte de vendre SFR à Numericable », a déploré M. Montebourg vendredi matin sur Europe 1. Le ministrea rappeléquel’offredéposée par Patrick Drahi, le patron d’Altice, maison-mère de Numericable, posait « un problème fiscal puisque Numericable a une holding à Luxembourg, son entreprise est cotée à Amsterdamet sa participation personnelle est à Guernesey et lui-même réside en Suisse.» L’exécutif a mis ces derniers jours les bouchées doubles pour convaincreles dirigeantsde Vivendi de la solidité de l’offre de Bouygues. François Hollande, qui affiche officiellement une « neutralité vigilante», aurait reçu M. Fourtou en début de semaine. Alexandre de Juniac, patron d’Air France-KLM et membre du conseil de surveillance de Vivendi, ainsi que du comité ad hoc formé par le conglomérat pour examiner les deux dossiers,a, de son côté, été reçu mercredi par M. Montebourg. M. Juniac n’a jusqu’ici exprimé aucune préférence en public. Mais, font remarquer des observateurs, son mandat à la tête de la compagnie aérienne arrive à échéance en 2015 et sa reconduction dépend, notamment, de ses bonnes relations avec l’exécutif.
Plus surprenant, Xavier Niel, le fondateur de Free (par ailleurs actionnaire à titre personnel du Monde) est allé lui-même à la rescousse de son ennemi d’hier Martin Bouygues dans une interview aux Echos, publiée vendredi. Il y tire à boulets rouges sur l’offre de M. Drahi, rappelant que l’homme d’affaires est un habitué des plans de licenciement. « [M. Drahi] explique qu’il n’y aura pas de plan social, mais quand il a racheté Noos en 2006, 60 % des effectifs ont été licenciés. Et je ne vous parle même pas du cas israélien, où les effectifs de l’opérateur Hot sont passés de 4 500 à 2000. Appliquez le même ratio à SFR… Cela fait 5000 départs», accuse M. Niel. Une chose est certaine : si Bouygues emporte SFR, Free ressortira gagnant de l’opération. Le quatrième opérateur récupérera, pour 1,8 milliard d’euros, un réseau mobile clef en main, celui de BouyguesTelecom,obligéde s’en défairepour donner desgages à l’autorité de la concurrence. M. Niel s’engage même en cas de fusion SFR-BouyguesTelecom à embaucher : « Il faudra que nous recrutions massivement. On pourrait augmenternos effectifs de près de 1000 personnes», précise le fondateur de Free.
Le fondateur de Free, Xavier Niel, pourrait embaucher 1000 personnes en cas de fusion entre SFR et Bouygues Telecom Reste que la décision est aujourd’hui entre les mains des 14 membres du conseil de surveillance de Vivendi, qui semblaient encore partagés vendredi matin. Selon différents observateurs, le conseil serait divisé en plusieurs clans, susceptibles de voter différemment selon leurs affinités. Il y a d’abord ce qu’on appelle la « bande à Bébéar», constituée d’anciennes relations de l’ex-PDG de l’assureur AXA. On y trouve M. Fourtou, Henri Lachmann, l’ancien patron de Schneider Electric, Daniel Camus, un ancien du groupe pharmaceutique Aventis et vieille relation de M. Fourtou, et Pierre Rodocanachi, également proche du président du conseil. Pour autant, toute la bande ne serait pas sur la même longueur d’onde : Claude Bébéar verrait
d’un œil favorable l’offre de Bouygues, selon un proche, quand M. Fourtou soutiendrait celle de Numericable. Détail important ? M.Bébéar n’est plus que censeur et n’a pas le droit de voter au conseil. De l’autre côté, il y a les proches de Vincent Bolloré, aujourd’hui premier actionnaire du groupe avec 5 % de son capital, nommé vice-président du conseil de surveillance en septembre 2013. Plus isolé que M. Fourtou, il compterait tout de même quelques appuis parmi les administrateurs indépendants, comme Aliza Jabès, présidente du groupe de cosmétiques Nuxe, ou Yseulys Costes, fondatrice du site Internet 1000mercis.com. Philippe Donnet, ancien d’AXA et proche de M. Bébéar, serait pour sa part tiraillé : il a été nommé en août 2013 PDG de l’assureur italien Generali, dont le premier actionnaire est Mediobanca, une banque d’affaires italienne dans laquelle M.Bolloréexerceuneforteinfluence et détient 6 % du capital. Enfin, restent les indépendants, dont fait partie M. Juniac ainsi que Dominique Hériard Dubreuil, patronne de Rémy Cointreau, et Jacqueline Tammenons Bakker, membre du conseil de surveillance du distributeur britannique Tesco. « Et il faudra argumenter pour les convaincre », assure un bon connaisseur du conseil. p Sarah Belouezzane et Cédric Pietralunga
Les offres et les engagements des deux prétendants JUSQU’AU BOUT, les deux candidats au rachat de SFR à Vivendi, Bouygues et Numericable, ont entretenu le suspense sur le contenu de leurs offres, n’hésitant pas à retoucher leur dossier pour figurer en meilleure place. Revue de détail.
numérique, Fleur Pellerin, M. Drahi a assuré qu’il n’y aura « aucune suppression d’emploi» dans l’opération et confirmé que « ces engagements sur l’emploi pourront être inscrits dans les licences de SFR, comme vous l’avez demandé».
Numericable Altice, la holding maison mère du câblo-opérateur, a d’abord présenté, le 5 mars, un montage proposant 10,9 milliards d’euros d’apports en cash et dans lequel Vivendi conserverait une participation de 32 %. Le financement étant assuré par de la dette, ce point a suscité des réserves, car Altice est déjà endettée à hauteur de quatre fois son résultat brut d’exploitation. Après avoir affirmé qu’il maintiendrait son offre en l’état, le PDG d’Altice, Patrick Drahi, a néanmoins changé d’avis et amélioré, jeudi 13 mars, son offre : la partie en numéraire a été relevée d’un montant qui approcherait 850millions d’euros. Dans une lettre adressée au ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, et à la ministre déléguée à l’économie
Bouygues Le groupe de BTP a, dans un premier temps, formulé une offre dans laquelle l’apport en cash était de 10,5milliards d’euros et qui laissait Vivendi détenir 46 % du nouvel ensemble. Jeudi 13 mars, jour du dépôt formel des offres, le groupe de BTP a toutefois relevé sa proposition. Il a mis 800 millions d’euros de plus en numéraire sur la table, faisant ainsi passer l’offre de 10,5 à 11,3 milliards d’euros. Il a, en outre, proposé au groupe Vivendi de diminuer un peu, à 43 %, la participation que ce dernier détiendrait dans la nouvelle entité. Pour mieux séduire les actionnaires de Vivendi, Bouygues a également formulé plusieurs options devant permettre à la maison mère de SFR de céder plus rapidement ses parts dans le nouvel ensemble.
Vivendi aurait ainsi la possibilité de vendre une partie de ses actions à des investisseurs lors de la mise en Bourse du nouveau groupe, qui pourrait intervenir en 2015. Vivendi pourrait aussi céder 15 % du capital du futur groupe à des investisseurs institutionnels à ce moment-là, puis placer le solde de ses parts sur le marché. Ce montage vise à séduire le conglomérat, qui veut se désengager rapidement des télécoms pour se recentrer sur les médias. Pour donner dès à présent des gages à l'Autorité de la concurrence, Bouygues a aussi annoncé avoir conclu un accord avec Iliad, la maison mère de Free, pour lui céder, pour 1,8 milliard d’euros, le réseau de sa filiale mobile (environ 15 000 antennes) et une grande partie du portefeuille de fréquences. L’offre de Bouygues devra prouver que les doublons qui risquent d’apparaître au sein de la nouvelle entité – Bouygues Telecom et SFR comptent pas loin de 10000employés chacun– ne donneront pas lieu à des suppressions d’emploi massives. p Audrey Fournier
Le géantAmazonà la recherchede plus de profits La hausse des coûts de livraison pousse le groupe à relever de 20dollars son abonnement premium San Francisco Correspondance
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euf ans après son lancement, l’abonnement premiumd’Amazon,son service Prime, va enregistrer sa première augmentation de prix. A partir du 20 mars, il passera de 79 à 99dollars (de 57 à 71 euros) par an. Ce service offre la livraison gratuite en deux jours. Il donne aussi accès à un catalogue de films et séries en streaming (lecture en ligne sans téléchargement). Fin janvier, en marge de la publicationde sesrésultats 2013, le géant américain de l’e-commerce avait préparé le terrain en évoquant une haussecompriseentre20 et 40dollars. « Depuis le lancement de Prime, les coûts de livraison ont augmenté et nos clients commandent
davantage»,justifiaitalorsledirecteur financier, Tom Szkutak. En 2013, Amazon a dépensé 3,5 milliards de dollars pour acheminer les achats effectués sur son site, soit près de 5 % de son chiffre d’affaires. L’équation est délicate pour la société. Certes, ce programme lui coûte cher, entre frais de livraison et accords de diffusion avec les studios de cinéma et les chaînes de télévision. Mais le service premium est un formidable vecteur de croissance. Selon l’étude réalisée fin 2013 par le cabinet Consumer Intelligence Research Partners, les abonnés au service dépenseraient 1 340 dollars par an sur le site, soit deux fois plus que les autres. Une partiedescoûtsduserviceestabsorbée par ce surplus de commandes. Amazon fait le pari que les
20dollars supplémentaires par an n’auront que peu d’impact sur le nombre d’abonnés, estimé à 20millions aux Etats-Unis. « Si cela peut dissuader des clients potentiels qui hésitaient à franchir le pas, cela ne devrait pas entraîner une grande hausse des désabonnements», dit Mark Mahaney, de la société d’investissement RBC Capital. Pour l’analyste, cette hausse va se traduire par une progression de 300 à 400 millions de dollars du bénéfice opérationnel.
Inflexion de la stratégie « Une hausse des prix devra certainement être accompagnée d’un accroissement des services proposés », nuançait, en février, la banque UBS, ce qui réduirait l’impact positif sur les résultats financiers. « En 2013, nous avons ajouté la
livraison le dimanche, explique-t-on chez Amazon, et nous n’avons pas fini d’améliorer ce programme. » Selon la presse américaine, la société serait en négociations avancées avec les maisons de disques afin de lancer un service d’écoute musical, concurrent de Spotify et de Pandora. Reste que cette décision pourraitsignaleruneinflexiondelastratégie de Jeff Bezos, le fondateur et PDG d’Amazon. Depuis le lancementen1994,ilavaittoujoursprivilégié la croissance aux profits. Ce changement intervient alors qu’Amazon a connu, en 2013, un exercicejugédécevantparlesinvestisseurs, avec un bénéfice net de 274millions de dollars et une marge opérationnelle limitée à 1 %. Les marchés attendent des résultats. p Jérôme Marin
De la haine raciale à la recherche De respectabilité
Extrêmes droites :
le décryptage
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Une publication www.monde-diplomatique.fr/mdv
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économie & entreprise
Samedi 15 mars 2014
Les compagnies aériennes européennes sortent de la morosité Les restructurations ainsi que l’offensive sur le haut de gamme et le low cost portent leurs fruits
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e cielse dégagerait-il,en Europe, au-dessus des compagnies aériennes classiques, les fameuses « legacy », les héritières des ex-compagnies nationales ? Après des années noires, elles semblent en tout cas reprendre des couleurs. Sous l’effet de trois grands facteurs : les (lourds) plans de restructuration commencent à porteur leurs fruits, de même que les stratégies d’occupation de tous les segments de marché, haut de gamme et low cost.
L’effet des plans de restructuration « Les compagnies récoltent les
fruits des plans de restructuration multidimensionnels qu’elles ont mis en place ces dernières années », relève Stéphane Albernhe, président du cabinet de conseil Archery Strategy Consulting. Les résultats affichés, jeudi 13 mars, par Lufhansa illustrent cette composante. Certes, la compagnieallemande afficheune baisse vertigineuse de son bénéfice net : en 2013, son résultat net a fondu de 74,5% pours’établir à 313 millions d’euros. Mais c’était pour « la bonne cause», fait savoir Lufthansa. Cette forte baisse est la conséquence directe des dépenses engagées par la compagnie pour mener à bien unvaste plande restructuration ponctué par une drastique diminution des effectifs. Lufthansa,qui souhaiteaméliorer son résultat opérationnel de 1,5 milliard d’euros d’ici à 2015, a commencé à supprimer 3 500postes. Ces coûts de restructuration mis à part, la compagnie semble à nouveau pleine d’allant. Son bénéfice opérationnel s’est envolé de 62,1% pour s’établir à 1,04 milliard d’euros. Christoph Franz, le PDG de la compagnie, se frotte les mains. Optimiste, il a relevé ses prévisions pour 2014 et 2015. Porté par la bonne tenue des résultats de sa compagnie lors du quatrième trimestre 2013, pourtant généralement peu favorable aux transporteurs aériens, M. Franz table sur un bénéfice opérationnel qui pourrait culminer à 1,9 milliard d’euros, en hausse de 40 %, en 2014. Lufthansan’estpas la seule à faire à nouveau des étincelles. La britannique IAG, la maison mère de
Le groupe allemand Lufthansa a relevé ses prévisions de croissance pour 2014 et 2015. ARNE DEDERT/AP
British Airways, d’Iberia et de Vueling, a dégagé, elle aussi, ses premiers bénéfices en 2013. La holding a engrangé 151 millions d’euros, contre encore 658 millions de pertes en 2012. Ce retour à meilleure fortune doit beaucoup aux performances de British Airways. Iberia est aussi sur la bonne voie. En 2013, la compagnie espagnole a fortement réduit ses pertes à 166 millions d’euros, contre 351 millions en 2012. Dans ce concert de bonnes nouvelles, même Air France-KLM a pris sa place dans l’orchestre. Le groupe franco-néerlandais, dirigé par Alexandre de Juniac, a retrouvé un résultat d’exploitation positif en 2013 et a réduit son endettement à 5,3 milliards d’euros, contre 5,9 milliards fin 2012. Montée en gamme Si les clignotants sont partout au vert en Europe, c’est aussi parce que les compagnies n’ont « pas seulement mené des plans de réduction des coûts », mais aussi financé « leur montée en gamme », signale M. Albernhe. Le plan Transform 2015 d’Air France comporte ainsi un volet de montée en gamme. Alexandre de
Juniac a prévu de dépenser plus de 700 millions d’euros pour changerles siègesd’unepartie de la flotte d’Air France-KLM. Le seul changement des sièges de la classe business des 44 Boeing 777 de sa flotte lui coûtera 200millions d’euros. Avec ces nouveaux fauteuils, qui lui coûtent plus de 100 000 euros pièce, Air France veut disputer la clientèle dite à « haute contribution » – celle qui en veut pour son argent – aux compagnies asiatiques et du Golfe, aux Singapore Airlines et autres Emirates. Offensive sur le terrrain des vols à bas prix Pour riposter à l’of-
fensive des compagnies à bas coûts, Air France, British Airways ou encore Lufthansa ont toutes créé une filiale à bas coûts. British Airways s’appuie sur Vueling, tandis que Lufthansa a transféré son moyen-courrier vers Germanwings, sa filiale à bas coûts. Pour être partie plus tard que ses rivales européennes, Air France est encore un peu à la traîne. Après des mois de négociation, le SNPL, principal syndicat des pilotes de ligne, a accepté, début mars, de signer un accord, valable un an
seulement,avec la direction.Celuici permettraà Air France de renforcer la flotte de Transavia qui passera de 11 à 16 avions. A en croire Stéphane Albernhe, le redressement des compagnies classiques devrait être pérenne. « Lorsque, comme Air France, vous investissez plus de 700 millions d’euros dans la montée en gamme des sièges, c’est que cela va vous faire gagner des parts de marché sur le long terme », souligne-t-il. Situation contrastée chez les low cost Si les « legacy » vont
mieux, la situation des compagnies low cost est plus contrastée. Certes, ces dernières ne cessent de gagner des parts de marché. En 2013, elles ont transportéun passagersur quatre.Et, l’an dernier,easyJet est devenue la compagnie aérienne la plus rentable d’Europe. Son bénéfice a bondi de 56 % sur un an pour s’établir à 474 millions d’euros. Mais quand easyJet rit, Ryanair pleure. La pionnière du low cost a plongé dans le rouge en 2013. Au troisième trimestre de son année fiscale 2013-2014, elle a accusé une perte de 35,2 millions d’euros. p Guy Dutheil
GeneralElectricaccélèreson recentragesur l’industrie
Le conglomérat américain a lancé le processus d’introduction en Bourse de sa banque de détail New York Correspondant
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eneral Electric (GE) veut revenir à ses racines : l’industrie. Le conglomérat américain, présent tout à la fois dans le transport et la distribution d’électricité, les moteurs d’avion, les équipements d’hôpitaux, le forage pétrolier ou encore le matériel d’éclairage a décidé de céder tout un pan de ses activités financières. Le groupe a lancé, jeudi 13 mars, le processus d’introduction en Bourse de sa banque de détail, qu’il a baptisée pour l’occasion Synchrony Financial. Il s’agit d’un virage majeur pour GE, qui s’inscrit dans le cadre d’un recentrage sur l’industrie, qui devra représenter 70 % des bénéfices du groupe en 2015 contre 49 % en 2013, a promis le PDG, Jeff Immelt. La banque de détail de GE est l’undespremiers émetteursde cartesde créditauxEtats-Unis,notamment grâce à ses clients dans la grande distribution, comme WalMart, J. C. Penney ou Gap. Synchrony dispose de 329 000 agences en Amérique du Nord, gère 62 millions de comptes, 25,7 milliards de dollars (18,5 milliards d’euros) de
dépôts et a octroyé 57,3 milliards de dollars de prêts. L’établissement financier, qui a réalisé un peumoins de 2 milliardsde bénéfices en 2013, en baisse de 6,6 % par rapport à 2012, est valorisé entre 16 et 18 milliards de dollars. Le moment pour vendre cette entité est plutôt bien choisi : les investisseurs ont retrouvé de l’appétit pour les valeurs de crédit à la
« La simplification nous rend plus compétitifs et plus efficaces » Jeff Immelt PDG de General Electric
consommation.L’actiondu principal concurrent de GE dans ce domaine, Discover, a gagné 80 % ces deux dernières années. Le désengagement devrait être progressif : GE avait annoncé en novembre2013 vouloir introduire un cinquième du capital dans un premier temps, le but étant de sortir complètement de ce métier d’ici à 2015. Le solde du capital pourrait être redistribué à ses actionnaires.
Sa filiale financière, GE Capital, après avoir longtemps été un atout, est devenue depuis la crise financière une source de risque et de rigidité dans sa stratégie industrielle. En 2009, les pertes de cette division avaient obligé l’entreprise de réduire des deux tiers son dividende, au grand dam de ses actionnaires. Aujourd’hui, GE Capital, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 44,1 milliards de dollars en 2013, estconsidéréepar le Conseilde stabilité financière américain comme un établissement, qui présente, de par sa taille, des risques dits « systémiques », c’est-à-dire pouvant se propager au reste de l’économie. Classé parmi les too big to fail (« trop gros pour faire faillite »), GE Capital est désormais soumise à des contraintes réglementaires, notamment en termes de ratio de solvabilité. Pour répondre à ces exigences, le groupe a déjà vendu, il y a deux ans, EverBank, son activité de prêts dans le domaine des centres commerciaux, pour 2,5 milliards de dollars. En 2010, il avait cédé la banque latino-américaine, BAC Credomatic pour 1,9 milliard de dollars et en 2013, l’une de ses filiales suisses.
En se séparant de sa banque de détail, M. Immelt, le patron de GE souhaite retrouver des marges de manœuvre pour ses activités industrielles: « Le plus gros risque pour une entreprise comme GE, c’estde passer à côté des opportunités », a-t-il plaidé, lundi 10 mars, dans une lettre envoyée aux actionnaires. « La simplification nous rend plus compétitifs et plus efficaces», a-t-il ajouté pour justifier l’accélération de ce recentrage. La finance n’est pas la seule concernée par les cessions puisqu’en février2013 GE était sorti des médiasenvendantsaparticipation de 49 % dans NBCUniversal à Comcast pour 16,7milliards de dollars. Grâce à cette simplification de sa structure, mais aussi grâce à une réduction de ses coûts, GE compte atteindre une marge sur chiffre d’affaires de 17 % en 2016 contre 15,7 % en 2013. Depuis la création du groupe, il y a cent vingt-deux ans, en 1892, le périmètre de ses activités n’a cessé d’évoluer. C’est même devenu l’une des caractéristiques de sa stratégie. Comme l’a rappelé M. Immelt : « GE est resté compétitif parce que nous apprenons et nous changeons. » p Stéphane Lauer
Letourdechauffedel’OrientExpressenrégionparisienne
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e train mythique, l’OrientExpress, que Joseph Kessel décrivait, en 1932, dans Wagon-Lit (Folio, 1988) en affirmant que « le miracle était à l’intérieur dans cette boîte close, vernie et capitonnée» et que « les femmes, dans les couloirs, paraissaient plus belles, les hommes plus audacieux», a repris la route, jeudi 13mars, le temps d’une matinée. Hélas, ces belles voitures n’ont pas rallié, comme du temps de leur splendeur en 1883, Paris à Constantinople en quatre-vingts heures et trente minutes. Mais, plus modestement, à une allure de tortillard, en plus d’une heure, la gare de Lyon à la gare de l’Est, à Paris, en passant par Nogent-surMarne (Val-de-Marne). La SNCF, qui a racheté aux enchères, en 2011, sept wagons de la Compagnie des wagons-lits, inaugurait la création de sa nouvelle filiale, Orient-Express, pour annoncer qu’elle comptait faire revivre un jour ce train de luxe. Ce palace sur bogies, classé monument historique, a été rénové à l’identique, avec sa voiturerestaurant Anatolie, sa voiturebar, son salon Pullman, orné de parois lambrissées d’acajou et de pâtes de verre signées Lalique. Pour relancer ce train dont l’exploitation fut arrêtée en 1977, Frank Bernard, directeur général de cette nouvelle filiale, estime qu’il faudra investir entre 30 et 40 millions d’euros. Ce ne sera plus le train historique, mais un nouveau symbole du luxe et du temps enfin « lent ». M. Bernard cherche des partenaires et n’ex-
clut pas d’ouvrir le capital de la filiale. Pour le confort de ses futurs voyageurs, il a déjà signé un contrat de licence avec Cauval, qui fera les lits et les matelas et avec le malletier Moynat. Le directeur d’Orient-Express cherche à s’allier avec différents palaces, pour loger ses hôtes, au départ et à l’arrivée. Le chef multiétoilé Yannick Alléno devrait être au piano. Seule inconnue – elle est de taille –, M. Bernard ne sait pas encore quand ce nouveau train ultrachic pourra redémarrer ni quel sera son trajet.
Une poignée de trains de luxe Aujourd’hui, il ne reste que de très rares survivants de ce type de trains, immortalisés par Alfred Hitchcock dans The Lady Vanishes (Une femme disparaît), en 1938 : la SNCF a renouvelé, pour soixante-quinze ans, la licence accordée au groupe américain Belmond, qui exploite encore le Venise-Simplon-OrientExpress, depuis Londres. Et une petite poignée de trains de luxe circule encore dans le monde, en Thaïlande ou en Ecosse. Bien avant que le futur OrientExpress ne soit sur les rails, l’Institut du monde arabe, à Paris, inaugurera, le 4 avril, une grande exposition sur ce train qui reliait la capitale française à Bagdad en huit jours. Plusieurs wagons et la locomotive seront transportés nuitamment, par camions, sur le parvis du musée parisien. Ce qui ne devrait pas passer inaperçu. p Nicole Vulser
CRÉDIT À LA CONSOMMATION
LeConseilconstitutionnel censurele «fichierpositif»
Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 13 mars, la création d’un « fichier positif» recensant tous les crédits à la consommation accordés aux particuliers, voulue par le législateur au nom de la lutte contre le surendettement. Selon le Conseil, ce fichier national « porte une atteinte au droit au respect de la vie privée », car son dispositif est surdimensionné. Ce registre devait contenir les données de plus de 12millions de personnes, consultables par plusieurs dizaines de milliers d’employés de crédit. p
Conjoncture Le ralentissement de l’inflation se confirme en Allemagne
L’inflation allemande s’est établie à 1,2 % en février sur un an, marquant un ralentissement par rapport à janvier, en raison de la baisse continue des prix de l’énergie, a indiqué, vendredi 14mars, l’Office fédéral des statistiques Destatis. – (AFP.)
–6%
C’est l’ampleur de la baisse des exportations des vins de Bordeaux en 2013, soit 2,14 milliards d’euros. Ce résultat s’explique par un fléchissement important du marché chinois (– 18 %). Au total, les ventes de vins de Bordeaux en France et à l’export ont représenté 4,24 milliards d’euros en 2013, en baisse de 1,4 % par rapport à 2012.
AUTOMOBILE
Deuxcandidatspour présider le conseilde surveillancede PSA
Réuni jeudi 13 mars, le comité des nominations du groupe PSA Peugeot Citroën n’a pas départagé les candidatures de Louis Gallois, actuel administrateur du groupe, et de Gérard Hauser (ex-patron de Nexans) pour succéder au poste de président du conseil de surveillance à Thierry Peugeot, membre de la famille fondatrice du groupe. Vendredi14, une réunion devait réunir les représentants de la famille Peugeot et ceux de l’Etat et du constructeur chinois Dongfeng – qui s’apprêtent à entrer au capital de PSA – pour trouver la meilleure personnalité, qui sera officiellement désignée mardi 18 mars. p Philippe Jacqué
Télécommunications L’Union européenne va imposer un chargeur universel pour mobiles
L’Union européenne s’est engagée, jeudi 13 mars, à imposer, d’ici à 2017, des chargeurs universels pour les téléphones portables, les GPS ou les tablettes, comme le demandaient les associations de consommateurs et la Commission européenne. – (AFP.)
Pétrole BP peut refaire des affaires avec le gouvernement américain
Les Etats-Unis ont levé, jeudi 13 mars, la mesure excluant des contrats fédéraux la compagnie pétrolière britannique BP, à l’origine, en 2010, de la plus vaste marée noire de l’histoire du pays, dans le golfe du Mexique. – (AFP.)
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histoire
Samedi 15 mars 2014
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En1798,l’Etatest confrontéà la banqueroute.Ramel,le ministredes finances,prend unemesurequi perdurerajusqu’en1926: l’impôtsur les porteset les fenêtres
Quand l’Etat taxait le soleil
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etrouvons-nous il y a un siècle, au printemps 1914. Les Français sont appelés aux urnes pour renouveler la Chambre des députés. Principal enjeu de ces élections: l’impôt sur le revenu. Il constituel’élément central du programme de la gauche, qui va sortir victorieuse du scrutin et engager immédiatement la procédure d’adoption de ce nouvel impôt. Parmises arguments,il y a la disparition concomitante de l’impôt sur les portes et les fenêtres, un des impôts les plus célèbres et les plus controversés de l’histoire. Les spécialistes de la fiscalité identifient diverses formes d’impôts. Parmi les typologies possibles, il y a la distinction entre impôts déclaratifs et impôts indiciaires. Sont déclaratifs les impôts où, pour déterminer l’assiette, l’administrationdemandeauxassujettiscequ’ilsgagnentoucequ’ilspossèdent. L’impôt sur le revenu moderne est un impôt déclaratif. Ces impôts ont le mérite de coller à la réalité économique des contribuables. Leur faiblesse est la tendance de ces derniers à minorer leur fortune ou leur revenu. Les impôts indiciaires, eux, sont calculés à partir d’indices plus ou moins liés à la richesse des contribuables, mais ayant l’avantage d’être simples et incontestables. La formela plus rudimentairede l’impôt indiciaire est la capitation: l’indicequel’onpeut payerestquel’on est en vie… Sa forme historique la plus souvent évoquée est l’impôt sur les portes et les fenêtres. Tout commence pour lui avec la Révolution française. Les Etats généraux sont convoqués en mai 1789 afin de remettre à plat la fiscalité. S’étant proclamés constituants, leurs membres suppriment les impôts en juin 1789 pour les remplacer par des « contributions», cette désignation symbolisant l’acceptation naturelle et voulue par la population des nouveaux prélèvements. Lastructurede ces contributions s’inspiredestravauxdeséconomistes de référence de l’époque que sont les physiocrates. Ceux-ci défendent le principe d’une fiscalité sur le patrimoine, essentiellement le patrimoine foncier. Leur idée est que l’impôt doit pousser les propriétaires à valoriser leurs biens.Selon eux, la propriété est un droit, mais un droit qui implique des devoirs. Et un moyen d’incitation à la réalisation de ces devoirs est l’impôt. Avec ce défaut que l’impôt foncier frappe surtout les campagnes. Pour toucher la propriété urbaine, il faut élargir l’assiette de référence aux habitations. On peut dès lors concevoir un impôt déclaratif où l’on demanderait aux propriétairescombienvaut leur maison(c’est la logique de notre impôt de solidarité sur la fortune). On peut chercher des caractéristiques donnant uneidéedelatailledelamaison,celles-ci servant à établir une estimation acceptable de sa valeur. Emportés par la tourmente révolutionnaire, les dirigeants du pays laissent en plan le débat qui refait surface sous le Directoire. En 1798, Dominique Ramel (1760-1829), le ministre des finances, crée un impôt indiciaire sur la propriété immobilière. Il retient comme indice le nombre de portes et de fenêtres. Ramel est un de ces personnages en apparence secondaires de la Révolution qui ont joué un rôle déterminant. En 1789, il est élu député du tiers état par Carcassonne. Comme il y a un autre Ramel à l’Assemblée, on l’appelle Ramel de Nogaret. C’est sous ce nom qu’il revient à la Convention en député de l’Aude.
Deux siècles de fiscalité 26 août 1789 Les Français sont égaux devant l’impôt (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen). 1790 Abolition de la gabelle. La taille disparaît, remplacée par l’« imposition ordinaire ». 24 novembre 1798 Instauration de l’impôt sur les portes et les fenêtres. 1803 Le Consulat instaure le corps des percepteurs. Il rétablit les impôts indirects (les « droits réunis »). 1872 Impôt sur le revenu tiré des valeurs mobilières. 15 juillet 1914 Création de l’impôt sur le revenu. 1954 Création de la TVA. 1989 L’impôt de solidarité sur la fortune remplace l’impôt sur les grandes fortunes, créé en 1982 par le gouvernement Mauroy, puis supprimé en 1987 par le gouvernement Chirac.
Le journal satirique britannique « Punch » publie un dessin en 1850 sur l’abrogation de l’impôt sur les fenêtres, effective l’année suivante. MARY EVANS/RUE DES ARCHIVES
CETTE CONTRIBUTION EXIGÉE PAR L’ÉTAT ÉTAIT FACILE À CALCULER ET À PERCEVOIR
En février1796, il devient ministre des finances, poste qu’il occupe jusqu’en juillet 1799. Sa première tâche est d’arrêter l’inflation. Commencée en décembre1789, l’émission d’assignats est devenue le moyen quasi exclusif de financement de l’Etat. L’inflation qui en découle est délirante. Ramel met un terme à leur émission. Puis, après le coup d’Etat du 18 fructidor an V (septembre1797), il annule deux tiers de la dette de l’Etat.Il accompagnecette banqueroute d’un plan d’austérité. En fait, ce plan ne sera pas vraiment appliqué, et il n’en subsistera in fine que la création en novembre1798 de l’impôt sur les portes et les fenêtres. Celui-cia une double légitimité. En cette fin de Révolution où la Rome antique est sans cesse invoquée, Ramel se réfère à l’ostiarium. Il s’agit d’un impôt créé sous Jules César portant sur la taille des portes et le nombre de colonnes des façades – les portes et les colonnes
étantconsidéréescomme des marques de luxe. Ramel évoque aussi la tradition britannique qui créa à la fin du XVIIe siècle un impôt sur les fenêtres. Le nouvel impôt a surtout les avantages traditionnels d’un impôtindiciaire:ilestfacileàcalculer et à percevoir ; il est prévisible pour le contribuable et pour le fisc. Toutefois, les dirigeants, doutant de sa pertinence, lui redonnent au départ le nom ancien d’«impôt» et non pas de contribution, et le présentent comme provisoire.
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ourtant, il va perdurer et prospérer. Il se répand au gré des victoires de NapoléonIer. Et en 1815, malgré la défaite française, il reste la base des fiscalités des Etats qui renaissent sur les décombres de l’Empire. Ses ennemis mettent en avant le sort pathétique des familles suffoquant dans l’air vicié des maisons sans fenêtres. Le rachitisme, dont
l’origine est le manque de soleil, reçoit d’ailleurs dans les années 1820 le nom de « mal anglais » à la suite d’une hausse de l’impôt sur les fenêtres, décidée à Londres. Les architectes ajoutent à cette dénonciationl’accusationde défigurerles façades. En particulier, comme les fenêtres à meneaux comptent pour quatre fenêtres, celles-ci sont systématiquement détruites. LesPays-Basessaientdecontourner ces critiques et, libérés de la domination française, lui substituent un impôt sur les cheminées facile à calculer : l’agent impérial français qui comptait depuis la rue lesportesetlesfenêtressereconvertit en agent du fisc royal néerlandais comptant avec tout autant de facilité les cheminées sur les toits. La réduction de leur nombre, chez ceux qui veulent réduire leur ardoise fiscale, a pour conséquence de limiter le chauffage, c’est-à-dire delimiterlaconsommationde bois et de préserver la forêt : la défense
de l’environnement, déjà très à la mode à l’époque romantique, garantitlasurviedecetavatard’impôt indiciaire sur l’immobilier. Il n’empêche que les impôts sur les portes ou sur les fenêtres suscitent une forte hostilité. Le Royaume-Uni supprime le sien en 1851. En France, dès les débuts de la IIIe République, sa disparition est à l’ordre du jour. L’Espagnele supprimant en 1910, la France est le dernier pays à le percevoir. Après 1914, il ne subsiste plus que comme impôt local. En 1926, le Cartel des gauches met un terme à son existence.Pourtant, certains ont considéré récemment encore que des pays en mal de rentrées fiscales comme la Grèce pourraient revenir pour quelque temps à l’héritage de Ramel, sans attendre pour autant la banqueroute… p Jean-Marc Daniel
Jean-Marc Daniel est professeur à l’ESCP-Europe.
Dans les archives du «Monde» | La dernière de 1797 Le 30 septembre1797, le rapporteur de la Commission des finances annonce à l’Assemblée nationale la mesure la banqueroute de l’Etat. Plus des deux tiers de la dette publique ont été rayés d’un trait de plume. Cet événement est resté dans l’Histoire sous le nom de « banqueroute des deux tiers ».
La banqueroute des deux tiers
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Sous la monarchie, on gérait les finances publiques sans se soucier du lendemain. Aucun budget n’était défini à l’avance et les intérêts de la dette étaient réglés selon le bon vouloir du roi. « Une partie de l’opinion pensait encore que le roi n’était pas juridiquement tenu des dettes de son prédécesseur», écrira bien plus tard le professeur Villers. C’est dire aussi à quel point les finances publiques, en déficit chronique, se confondaient avec celles du monarque. Côté recettes, une alternative s’offrait au roi: il pouvait emprunter auprès des rentiers ou aug-
menter les impôts. Or, en 1789, Louis XVI ne pouvait s’endetter davantage puisque la moitié des recettes de l’Etat était déjà absorbée par les intérêts de la dette. Il avait en effet fallu financer la guerre de Sept Ans contre les Anglais, puis le soutien apporté aux Américains lors de la guerre d’Indépendance, de 1775 à 1783. Pour regarnir la cassette royale, il restait les impôts. Mais trois années de crise agricole s’étaient succédé à partir de l’hiver 1786-1787 et toute hausse de la pression fiscale était désormais insupportable. La première mesure réclamée par le peuple dans les cahiers de doléances de 1789 ne concerne d’ailleurs pas la liberté ni la fraternité mais… la baisse des impôts. Les préoccupations économiques l’emportent dans un premier temps sur les idéaux philosophiques et politiques. Malheureusement, les vœux populaires ne vont guère être exaucés car l’instabilité politique de la période révolutionnaire empêche les réformes de voir le
jour. Le marasme économique est là, et les conflits armés continuent. Les têtes des fermiers généraux (chargés de collecter l’impôt sous l’Ancien Régime) tombent plus facilement dans les paniers d’osier que les impôts dans les caisses vides de l’Etat. Sur les 300 millions de livres que devait rapporter l’impôt foncier en 1791, on arrive à ne collecter que 142 257 livres (soit 0,05 %). La crise financière se double d’une crise monétaire. Faute d’argent, on a créé en 1790 les assignats, monnaie papier fondée sur les biens confisqués à la noblesse et au clergé. C’est ainsi qu’est née la désormais célèbre planche à billets qui provoque la hausse des prix. Symbole d’inefficacité et de tour de passe-passe monétaire, la planche à billets est brûlée en public sur la place Vendôme, le 19 février 1796. Les intrigues de pouvoir continuent, et le Directoire s’impose à la tête de l’Etat le 4septembre 1797. Les nouveaux arrivants agissent promptement. Ils proclament, le 30septembre, la banqueroute des
deux tiers. Par cette décision, l’Etat ne reconnaît plus qu’un tiers de ses dettes. Dans la foulée, on annule toutes les créances sur l’Etat que possédaient les émigrés (les nobles qui avaient fui la Révolution). La banqueroute des deux tiers est en fait celle des trois quarts, puisque quelque 77% de la dette publique ont été effacés. Quand une entreprise fait faillite, ses créanciers en sont pour leurs frais. Si c’est l’Etat qui est en cessation de paiement, les conséquences sont analogues pour les prêteurs. Au moins dans un premier temps, puisque l’Etat ne peut fermer ses portes et mettre la clef sous le paillasson! Les créanciers peuvent donc utiliser un huissier de choc: l’armée. En 1815, après Waterloo, les puissances coalisées considérèrent ainsi le remboursement des dettes accumulées depuis l’Ancien Régime comme un préalable à leur départ du sol français. p
Laurent Fléchaire et Jacques-Marie Vaslin
« Le Monde » du 30 septembre 1997 (extraits)
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Samedi 15 mars 2014
L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE pa r M a r t i n W o l f
La zone euro sans amortisseurs ¶
Cette chronique
de Martin Wolf, éditorialiste économique, est publiée en partenariat exclusif avec le «Financial Times» ©FT
L
a Banque centrale européenne (BCE) ne parvient pas à réaliser son objectif de stabilité des prix. La difficulté réside en ce que le conseil des gouverneurs de l’institution risque, à cause de divergences dues aux préoccupations nationales, d’être incapable de s’accorder sur des mesures efficaces. Cela pourrait s’avérer très dangereux. Faisons toutefois crédit à la BCE de ses décisions positives. L’annonce par la banque, à l’été 2012, d’un programme de transactions monétaires directes – et la déclaration préalable de son président, Mario Draghi, selon laquelle la BCE « recourrait à tous les moyens nécessaires» pour protéger la monnaie unique – a restauré la confiance. A la suite de cette annonce, les écarts sur les obligations publiques italiennes et espagnoles sont revenus à des taux bien plus tolérables. Mais la BCE a eu beaucoup moins de succès sur le terrain de la stabilité des prix. Certes, l’objectif qu’elle s’est fixé est moins ambigu et moins symétrique que ceux adoptés par d’autres banques centrales. Cet objectif vise une inflation «inférieure à, mais proche de 2% sur le moyen terme ». Pourtant, au cours des douze mois précédant février2014, l’inflation
LES INDÉGIVRABLES | pa r X a v i e r G orce
C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUE par Marlène Duretz
Objets trouvés
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garé sur Internet? Le site Perdu.com prête à sourire plutôt qu’il ne remet sur les rails celui qui se trouve dans une voie sans issue du Web. « Perdu sur l’Internet ? », demande Perdu.com. « Pas de panique, on va vous aider », assure le site en pointant d’un « Vous êtes ici » un pixel de cette page blanche. «Chaque jour arrivent au service des objets trouvés 600 à 700 articles trouvés sur la voie publique à Paris et dans les trois départements périphériques (92, 93 et 94), recueillis sur le réseau RATP, dans les aéroports, les taxis et les établissements recevant du public», explique le service des objets trouvés de la Préfecture de police de Paris, qui restitue jusqu’à 150 biens chaque jour (lemde.fr/OobA6d). Mais, malgré la possibilité de transmettre son « avis de recherche» directement en ligne sur le site Mon.service.public.fr, il n’est pas de galerie en ligne pour remettre la main sur son bien égaré (lemde.fr/1klMMr1). Si le premier réflexe de 41 % des Français est de rapporter un objet perdu ou délaissé par son propriétaire au service des objets trouvés d’une mairie ou d’un service de transports, 3 % disent poster une annonce et/ou une photo de l’objet sur Internet en espérant que son propriétaire la voie, selon un sondage OpinionWay réalisé en février pour la plate-forme colla-
borative France objets trouvés. Cette dernière officie depuis décembre2013 pour faciliter ce parcours du combattant aux propriétaires des 12 millions d’objets perdus chaque année sur le territoire français et dont 96 % ne leur seront jamais restitués.
« Merci de votre aide » Sur le terrain des intermédiaires entre les « J’ai perdu » et « J’ai trouvé», le site Trouve-perdu.com s’attelle à restituer objets comme animaux, qu’ils soient perdus, trouvés ou volés. Muriel a perdu deux femelles épagneuls bretons, rue de la Gare à Aiseau (Belgique), et offre 500 euros de récompense. Bambou, le chat tigré marron « pas tatoué, ni pucé» de TheLyly lui a filé entre les mains à Amiens. « Merci de votre aide », écrit-elle à qui voudra lui rendre son chat. Le site Franceobjetstrouves.fr et son algorithme de concordance boudent quant à eux les animaux mais renferment déjà 11 310 annonces d’objets : téléphones portables et appareils photo, passeports et permis de conduire, doudous, chéquiers et cartes Vitale, clés de voiture ou de moto, bagages… Et si je m’inscrivais pour remettre la main sur mes lunettes vagabondes? p duretz@lemonde.fr
globale a été de 0,8 %. Et comme le soulignent dans un blog plusieurs hauts responsables du département européen du Fonds monétaire international (FMI), c’est très dangereux. Tout d’abord, cette inflation faible coïncide, ce qui n’a rien d’étonnant, avec une demande atone. L’incapacité à compenser ce phénomène rend plus difficile le redressement des économies frappées par la crise, restreint l’investissement et génère du chômage sur le long terme. Deuxièmement, il existe un risque non négligeable que la zone euro sombre dans la déflation, même si on ne peut pas parler de déflation pour l’instant: seuls trois pays connaissent une inflation négative, et un cinquième seulement des articles servant de base à l’indice des prix à la consommation ont vu leur prix baisser. Même si les attentes inflationnistes à court terme ont diminué, les attentes à long terme restent stables, aux environs de 2%. Les données indiquent que, sur le long terme, les prix de la zone euro devraient connaître une croissance de 2% par an, ce qui est plutôt sain. Pourtant, au Japon, les attentes inflationnistes à long terme semblaient aussi positives juste avant les trois périodes récentes de déflation que le pays a connues. Ce furent les attentes à
plus court terme qui s’avérèrent négatives – ce sont elles, en effet, qui ont entraîné baisses de prix et diminutions de salaire, ce qui a permis à la déflation de s’installer durablement. Pour dire les choses simplement, un seul choc négatif pourrait aujourd’hui précipiter la zone euro dans la déflation. Les coussins amortisseurs sont bien trop minces. Quand on doit recourir à des taux d’intérêt réels à court terme négatifs pour éviter la déflation, c’est que la situation est périlleuse.
L’échec de la BCE sur l’inflation En troisième lieu, une inflation très faible est elle-même coûteuse. Cela est notamment vrai pour les pays qui doivent rétablir leur compétitivité. Si l’inflation s’établissait en moyenne à 2%, les pays excédentaires enregistrant 3 %, et ceux en phase d’ajustement 1 %, la zone euro se trouverait dans une situation plus favorable: les taux d’intérêt réels seraient plus faibles, l’économie plus forte et l’ajustement intérieur plus rapide. Si la moyenne de l’inflation était de 3% (soit à peu près l’équivalent de ce que la Bundesbank est arrivée à maintenir en Allemagne entre1980 et 1995), ce serait encore mieux. La BCE a laissé la zone euro s’enfoncer dans un profond et durable ralentissement. Elle échoue à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé pour l’inflation, et l’économie flirte même avec la déflation. La banque a également laissé stagner le volume de la masse monétaire et du crédit. Que faire? L’objectif doit être d’augmenter la demande et l’inflation dans l’ensemble de la zone euro, et en particulier dans les pays excédentaires. Il faut aussi trouver le moyen d’améliorer les marchés du crédit.
Pour y parvenir, la BCE devrait annoncer un objectif symétrique d’inflation à 2 %, et faire savoir que désormais elle considérera une inflation trop faible comme un problème aussi préoccupant qu’une hausse rapide des prix. L’institution devrait mettre en œuvre un programme d’assouplissement quantitatif et acquérir des obligations publiques des Etats membres proportionnellement aux parts qu’ils possèdent dans la banque centrale. Enfin la BCE devrait annoncer une opération de refinancement à long terme afin de débloquer les flux de crédit à destination des petites et moyennes entreprises. Des obstacles se dressent néanmoins. Il est improbable que de telles mesures soient à même de soutenir la demande dans les pays excédentaires: le taux d’intérêt sur les « Bund » allemands est déjà très faible. Les avantages se feraient principalement sentir à la périphérie – renforçant par là l’idée que l’on vient subrepticement à la rescousse des économies dépensières frappées par la crise. Quoique légal, l’achat à grande échelle d’obligations émises par des pays en crise pourrait susciter l’hystérie de l’opinion dans les pays excédentaires. La BCE provoquerait une profonde division dans ses propres rangs si elle cherchait à adopter une telle politique. Cela pourrait mettre en péril sa légitimité politique. Ce qui est le plus à craindre, c’est que la BCE soit contrainte de prétendre qu’une inflation faible n’est pas un problème au seul motif qu’elle ne s’accorde pas sur les remèdes à y apporter. p Traduit de l’anglais par Gilles Berton