Haute voltige Avant de décoller, notre reporter a pris soin de s’agripper à tout ce qui dépassait dans le cockpit. Puis il a enchaîné les loopings dans le ciel d’Abou Dhabi. P A G E 7
A bonne école Deux fois par semaine, en vertu de la réforme des rythmes scolaires, les jeunes élèves d’Aubervilliers se familiarisent avec le sport… et avec la vie de groupe. P A G E 6
Le piolet de la discorde L’alpiniste suisse Ueli Steck est en lice pour les Piolets d’or, les Oscars de la grimpe. Mais son record dans l’Annapurna est remis en cause dans le milieu. P A G E 8
Tous contre Vettel La saison de formule 1 reprend dimanche 16 mars en Australie. Pilotes et organisateurs ont un objectif commun : stopper la série de l’Allemand Sebastian Vettel, coupable de tuer le suspense depuis quatre ans. PAGES 4-5
Le quadruple champion du monde lors du Grand Prix d’Abou Dhabi, en novembre 2013. FRANÇOIS FLAMAND/DPPI
Uli Hoeness, la chuted’une icône allemande Le président du Bayern Munich a été condamné à trois ans et demi de prison
S
ur le terrain, tout va bien pour le Bayern Munich, fraîchement qualifiépourlesquartsde finalede laLiguedes champions,en lice pour le doublé dans la compétition européenne. Mais dans les coulisses du prestigieux club allemand, un monde s’écroule. Uli Hoeness, le président du Bayern, a été condamné, jeudi 13mars, à une peine de trois ans et demi d’emprisonnementpar le tribunal de Munich, pour avoir dissimulé plus de 27millions d’euros au fisc. Le sexagénaire, considéré jusqu’alors comme une légende vivan-
te – joueur-clé de la victoire de la Nationalmannschaft à la Coupe du monde 1974 et chef d’entreprise accompli –, apparaît aujourd’hui commeun championde lafraude! Dequoi inspirerde la «déception» à la chancelière allemande Angela Merkel lorsque le scandale a éclaté, en avril2013. De quoi faire réfléchirégalementAdidas, Audi et Allianz, qui possèdent chacun8,3% du capital aux côtés de petits actionnaires individuels, tout comme Deutsche Telekom, l’un des principaux sponsors du club phare de la Bundesliga. p P A G E 3
Cahier du « Monde » N˚ 21510 daté Samedi 15 mars 2014 - Ne peut être vendu séparément
Uli Hoeness au tribunal de Munich, le 11 mars. SVEN HOPPE/POOL/AFP
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Samedi 15 mars 2014
SPORT & FORME
à vos marques
Confession d’un bourrin
chronique
François Bégaudeau écrivain
C
omme à chaque manifestation semblable, les Jeux paralympiques de Sotchi ont suscité de nombreuses sorties éditoriales regrettant que les épreuves ne soient pas davantage suivies. C’est tout à fait regrettable, en effet. Comme il est regrettable que la guerre et le racisme existent. Mais les indignés de Stade 2 ou d’ailleurs feignent d’oublier les trois conditions nécessaires du plaisir d’un spectateur de sport.
1/ J’admire un geste de sport si je peux évaluer la performance qu’il représente, et je ne peux l’évaluer qu’à l’aune de mes propres performances, réelles ou potentielles. Je juge magnifique ce coup droit le long de la ligne parce que je sens que, décoché par mon bras, il finirait dehors. Et cette comparaison n’est opératoire que si je perçois le corps du champion comme doté, à la base, des mêmes capacités que le mien. Or, à tort ou à raison, je me dis qu’un tennisman en fauteuil ne joue pas dans la même catégorie que moi. Par suite, je ne peux, dans les deux sens du terme (donner un prix, aimer), apprécier son jeu. 2/ Une compétition est vécue intensément si elle porte des enjeux. Enjeux simplistes qui se synthétisent en une formule d’école primaire : qui c’est qu’est le plus fort ? Or le verdict est fiable si et seulement si la compétition est équitable. Les candidats doivent être égaux sur la ligne de départ, puis ils en découdront et nous saurons. C’est pourquoi je déteste qu’un joueur de foot ou de rugby soit expulsé: cela biaise le test de suprématie. C’est pourquoi mon intérêt pour la F1 sera toujours légèrement entaché par le sentiment que c’est la bagnole qui fait tout. Que dire alors de la confusion introduite par les différents adjuvants technologiques de nos champions paralympiques? Au fond, personne n’admira vraiment Pistorius, tout soupçon d’homicide mis à part, lorsqu’il courut parmi les valides. Il y avait ce
soupçon, juste ou non, que ses prothèses, plus que le remettre à égalité, lui donnaient un avantage. 3/ En fusion de 2 et 3, disons que, pour jouir du sport, j’ai besoin que les termes du débat soient clairs. Sur le paralympique planent trop d’approximations. A partir de quel degré de handicap passe-t-on dans la dimension du para? Est-il vraiment pertinent de faire s’affronter un aveugle et un paraplégique? L’agénésie de l’avant-bras gauche de notre valeureuse médaillée d’or en descente, Marie Bochet, n’est-elle pas un peu moins handicapante que telle autre maladie de naissance ? Questions un peu grossières. Questions qui concerneraient tout autant le sport valide – il n’est pas équitable qu’Usain Bolt ait hérité d’une morphologie tellement plus favorable à l’athlétisme que la mienne. Mais questions que je me pose. Et qui me crispent. Et qui me gâchent le spectacle. Je ne prendrai jamais de réel plaisir devant une compétition paralympique. Si j’y jette un œil, ce sera par curiosité, ou par scrupule moral, lequel se doublera du scrupule de ne considérer un sportif invalide que par condescendance – il m’en voudrait. In fine, je reste impunément fidèle à ma ligne : content que les Jeux paralympiques existent, content que France Télévisions y consacre soixante heures d’antenne, mais bien résolu à ne pas en suivre une seule minute. Désolé. p
262 C’est, en millions d’euros, le montant qu’a réclamé Canal+ à BeIN Sport devant le tribunal de commerce de Nanterre, mardi 11 mars. La chaîne cryptée, qui demande en plus 31millions d’euros pour atteinte à son image, estime avoir perdu 187 000 abonnements depuis le lancement de sa rivale qatarie en juillet2012. BeIN Sport a riposté en réclamant à Canal+ 66 millions d’euros de dommages et intérêts.
Agenda
FABRICE COFFRINI/AFP
Samedi 15 mars Snowboardcross Après les Jeux arrive toujours le
moment d’étrenner son titre olympique. C’est aussi ce qu’on pourrait appeler le retour aux affaires courantes. Sauf que, pour Pierre Vaultier (photo), l’équation compte plusieurs inconnues, et nul ne sait si le champion olympique se présentera sur la piste de La Molina, en Espagne, pour l’ultime épreuve de la saison. A Sotchi, le Français s’était imposé deux mois seulement après une rupture d’un ligament du genou, autant dire sur une jambe. On doute donc de voir une apparition du « miraculé» dans les Pyrénées, surtout que l’Italien Omar Visintin est déjà assuré du titre (20h 15, Eurosport 2). (PHOTO : REUTERS)
Tennis A Indian Wells, en Californie, place aux demi-fina-
Point d’équilibre
Un mois après sa médaille de bronze en géant aux Jeux de Sotchi, Alexis Pinturault a enlevé le dernier Super-G de la saison, le premier de sa carrière, jeudi 13 mars à Lenzerheide (Suisse), devant son compatriote Thomas Mermillod-Blondin. A 22 ans, le petit prodige peut
encore rêver du Grand Globe de cristal, qui est attribué au vainqueur du classement général de la Coupe du monde. A deux courses de la fin de la saison, il ne compte plus que 172 points de retard sur le Norvégien Aksel Lund Svindal, qui a terminé à la 16e place. p
l ’ h i s t o i r e
Le combiné nordique veut forcer le verrou macho Adrien Pécout
L
es femmes auront-elles un jour le droit de participer aux épreuves internationales de combiné nordique comme la Coupe du monde 2014, dont la douzième et dernière étape se tient les 15 et 16 mars, à Falun (Suède)? Rien n’est moins sûr. «Je n’en ai vu aucune pratiquer le combiné nordique en compétition, même si ce n’est pas contre-indiqué d’un point de vue médical», explique Charline Prieur, membre de l’équipe de France masculine… en tant que kinésithérapeute. Contrairement au saut à skis, qui autorise les femmes à avoir leurs propres épreuves aux JO depuis la récente édition de Sotchi et celles de Coupe du monde depuis 2011, le combiné nordique (mélange de saut à skis et de ski de fond) reste pour l’heure réservé aux hommes. Cet archaïsme serait toutefois en passe d’être révolu. « Nous souhaiterions organiser une première compétition internationale féminine l’été prochain, à l’occasion de la Summer Cup d’Oberstdorf [compétition pour les hommes], en Allemagne, mais ce n’est pas encore certain », annonce Lasse Ottesen, responsable du combiné nordique au sein de la Fédéra-
tion internationale de ski (FIS). Le Norvégien le reconnaît: pour l’heure, il lui serait bien difficile d’annoncer la liste des participantes. « L’Allemagne, l’Autriche et la Russie organisent déjà des compétitions nationales juniors pour les femmes, annonce-t-il. Mais je ne saurais pas dire combien de femmes au total pratiquent le combiné nordique dans le monde.» Des renseignements qu’il espère obtenir lors du prochain congrès de la FIS, en juin, à Barcelone.
Retard à l’allumage En attendant, Jacques Gaillard, entraîneur de l’équipe de France féminine de saut à skis, se montre plutôt pessimiste quant à une éventuelle féminisation du combiné nordique: « Même si j’ai soutenu la création d’une épreuve féminine de saut à skis aux Jeux olympiques, je pense que l’organisation de compétitions internationales en combiné nordique est prématurée. Il n’y a pas encore assez de sauteuses à skis pour créer en parallèle un circuit de saut et de combiné nordique. » Le technicien français estime que seules « 150 à 200 sauteuses » auraient le niveau international. Coline Mattel, 18 ans, fait partie de celles-là. Médaillée de bronze aux JO de Sotchi, la Française déplore le « sexisme » qui a retardé la
féminisation de son sport. « Ce n’est pas adapté aux femmes d’un point de vue médical », déclarait à propos du saut à skis Gian-Franco Kasper, président de la FIS, en 2005. Ce retard à l’allumage a eu des répercussions sur le combiné nordique. Un sport que la licenciée des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie) a toutefois eu l’occasion de pratiquer, «jusqu’à l’âge de 10-11 ans, avec les garçons». Si le combiné s’ouvrait aux femmes, il n’est pas dit qu’elle se laisserait tenter par l’aventure. «Le combiné est parfois un peu dénigré par le public, qui préfère assister aux épreuves de sauts à skis», considère en effet Coline Mattel. Pour les responsables du combiné nordique, une féminisation offrirait sans doute un coup de projecteur supplémentaire. « Pour les prochains JO, en 2018, cela me paraît un peu tôt. Nous devons d’abord construire un circuit mondial», temporise toutefois Lasse Ottesen. Elu en septembre2013, le président du Comité international olympique, Thomas Bach, espère lui aussi féminiser, à l’horizon 2022, le dernier sport olympique réservé aux hommes. « Nous avons maintenant le saut à skis féminin et le ski de fond féminin [depuis 1952], alors pourquoi pas le combiné nordique pour les femmes ? », a lancé l’Allemand. p
les du premier Masters 1000 de la saison. Rafael Nadal ayant été éliminé, on peut miser sur Novak Djokovic, Juan Martin Del Potro ou encore Tomas Berdych. Il y a aussi Roger Federer, qui, avec une prudence de Sioux, a toujours refusé de fumer le calumet de la paix (20 heures, BeIN Sports 2). Rugby Parfois, il suffit de peu de chose pour renverser une situation et rallumer la flamme de l’espoir. Dans le cas du XV de France, une pénalité transformée par Jean-Marc Doussain à Murrayfield samedi 8 mars a été l’étincelle. Sans vraiment avoir convaincu, à l’exception peut-être de leur premier match face à l’Angleterre, les Bleus peuvent désormais gagner le Tournoi des six nations s’ils battent l’Irlande, qui vise le même objectif. Il faut pour cela retrouver de l’engagement, de l’inspiration, de la cohésion… Mais aussi un brin de chance face au XV du Trèfle, qui fera peut-être ses adieux à Brian O’Driscoll (18 heures, France Télévisions).
Dimanche 16 Football Si pour le titre de champion il n’y a plus beaucoup
de suspense, il en reste pour les places sur le podium. Loin dans le sillage du hors-bord parisien, les vaisseaux lyonnais (5e) et monégasque (2e) sont lancés à plein régime. Près de la Mulatière, ce quartier de Lyon où la Saône et le Rhône se rejoignent, personne ne veut rester à quai (17 heures, BeIN Sports 1). Surtout qu’un peu plus tard, le PSG pourrait vraiment prendre le large devant Saint-Etienne (21 heures, Canal+). Equitation Sous la verrière du Grand Palais, autant dire l’un des écrins les plus prestigieux de la capitale, 35 des meilleurs cavaliers de la planète se retrouvent pour un concours qui s’annonce exceptionnel. Une répétition générale à quelques semaines de la finale de la Coupe du monde à Lyon (20h 30, Equidia).
Lundi 17 Basket-ball La bataille fait rage sous les paniers du cham-
pionnat de France. Plus encore qu’en 2013, la compétition est extrêmement serrée, et nombreuses sont les équipes susceptibles de se qualifier pour les playoffs. Chalon et Villeurbanne, qui s’affrontent ce soir, font partie de ces clubs pour lesquels il est vital de se hisser dans le Top8. Vous avez parlé de money time ? (20 h 30, Sport+.)
Mercredi 19 Football Après leur défaite 2-0
à l’aller, les Red Devils de Manchester United, emmenés par Wayne Rooney et Robin van Persie (photo), doivent se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des champions face aux Grecs de l’Olympiakos pour s’épargner une crise et éviter que le théâtre des rêves ne se transforme en cauchemar (20 h 30, BeINSports 1). (PHOTO : AP PHOTO)
portrait
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Le président du Bayern (au premier plan), Uli Hoeness, exhibe le trophée de Bundesliga à la foule de supporteurs massée sur Marienplatz, le 2 juin 2013 à Munich. ALEXANDER HASSENSTEIN/AFP
L’homme qui en voulait trop Adulé commejoueur puis comme patrontout-puissant du Bayern Munich, Uli Hoeness vient de chuter de son piédestal. Jeudi 13 mars, la justice allemande l’a condamné à trois ans et demi de prison pour avoir dissimulé27millions d’euros au fisc Frédéric Lemaître
A
Berlin, correspondant
trois mois du coup d’envoi de la Coupe du monde, l’Allemagnevientd’assister, médusée, à la chute d’unede sesicônes: le président du Bayern Munich. Uli Hoeness, sexagénaire à qui tout réussissait, tant sur le terrain que dans le monde des affaires, pourrait en être réduit à regarder les matchs du fond de sa cellule. Jeudi 13 mars, le tribunal de Munich l’a condamné à trois ans et demi de prison pour avoir dissimulé au fisc plus de 27 millions d’euros. Encensé par les médias et courtisépar les responsablespolitiquesde tous bords, Uli Hoeness avait une passion cachée. Entre deux négociations pour attirerFranck Ribéryen Bavière ou,avec sacasquetted’industriel,pour vendre ses saucisses à McDonald’s, il ne pouvait s’empêcher de spéculer en Bourse. Ce fils de boucher, jamais avare d’une pique contre les banquiersde Wall Street ou de la City, était en fait un véritable accro. Son carburant? Un prêt de 5 millions de deutschemarks (2,56 millions d’euros) et une caution de 15 millions accordés en 2000 par Robert Louis-Dreyfus, le patron d’Adidas. Une générosité légèrement suspecte quelques mois après l’entrée d’Adidas au capital du Bayern Munich dans des conditions semble-t-il avantageuses.Mais les faits sont prescrits et Robert LouisDreyfus est mort. Grâce à l’argent de ce « mécène » placé sur un compte suisse, Uli Hoeness pouvait s’en donner à cœur joie. Le jour, la nuit, pendant les mi-temps des matchs, il spéculait. Sur des actions, des monnaies, à la Bourse de Londres, Tokyo, Wall Street. Les enquêteurs ont dénombré plus de 33 000 opérations effectuées sur son compte suisse. Si elle avait été révélée au fisc, cette passion n’aurait pas été illégale. Lors de l’ouverture de son procès, le 10 mars, Uli Hoenessavait reconnuavoiromisdedéclarer 18,5 millions d’euros entre 2003 et 2009. En se dénonçant auprès de l’administration fiscale en janvier 2013, le patron
du Bayern pensait pouvoir échapper à la prison. Ses aveux ayant toutefois été envoyésaumomentmême où l’hebdomadaire Stern révélait que le fisc enquêtait sur « un grand club sportif bavarois », le juge n’a pas considéré cette dénonciation comme spontanée, condition nécessaire pour échapper à une sanction pénale quand l’escroquerie dépasse le million d’euros. D’autant que le montant du larcin dépassait en fait les 27 millions d’euros. Un mythe s’effondre. Car Uli Hoeness étaitunelégende vivante.Tanten raisonde son parcours que des valeurs qu’il professait ou des succès de son club. Au fil des années,legamind’Ulmétaitdevenul’incarnation des vertus que les Allemands aiment s’attribuer. Un époux modèle, bon
Au fil des années, le gamin d’Ulm était devenu l’incarnation des vertus que les Allemands aiment s’attribuer vivant, adepte du franc-parler, qui, à force de travail, parvient à devenir un leader mondial, tout en restant attaché à ses racines et à une gestion de bon père de famille. Que demander de plus ? Que ce conservateur, très proche de la CSU bavaroise mais en bons termes avec le maire social-démocrate de Munich, s’engage franchement en politique. En 2012, 88 % des Allemands le souhaitaient. En février2013, alors que son autodénonciation au fisc n’avait pas encore été rendue publique, le Spiegel consacrait même cinq pages à ce patron présenté comme «un modèle pour toute la société». Ignorantle doute,UliHoenessavaitfinipar convaincre ses compatriotes de sa propre infaillibilité. Il est vrai qu’Uli Hoeness possède de nombreux atouts. Engagé en 1970 par le
Bayern Munich, il se révèle un formidable attaquant. En 1974, 1975, 1976, le club remporte grâce à lui la Coupe des champions (ancêtre de la Ligue des champions). Il joue un rôle majeur dans la victoire de la Nationalmannschaft contre les Pays-Bas en finale du Mondial 1974. Si une blessure au genou met prématurément fin à sa carrière en 1979, elle lui permet de révéler ses talents de gestionnaire. Nommé à 27 ans directeur du Bayern, il prend les rênes d’un club dont le chiffre d’affaires s’élève à 12 millions de marks mais dont les dettes se montent à 7 millions. Aujourd’hui,le Bayern est une entreprise qui emploie500 salariés, réaliseun chiffre d’affaires de 400 millions d’euros et vaut 1,3 milliard d’euros. Les dettes ne sont plus qu’un mauvais souvenir : le club a affiché dix-neuf exercices positifs au cours des vingt dernières années. Surtout, avec dix-huit victoires en championnat, onze en Coupe d’Allemagne et deux en Ligue des champions, il est devenu la référence en Europe, comme en témoigne le transfuge de l’entraîneur du Barça, Pep Guardiola, en 2013. Si, en Allemagne, les succèsdu Bayern symbolisentle dynamisme d’un Land passé en quelques années de l’agriculture au high-tech, en Europe, ses victoires sont mises à l’actif des années Merkel. La chancelière, qui rencontrait volontiers Uli Hoeness, a fait part de sa « déception» quand le scandale a éclaté en avril2013. En tentant d’échapper partiellement au fisc, Uli Hoeness rappelle aussi aux Européens que la dissimulation fiscale est un sport presque aussi répandu que le football en Allemagne. En 2013, plus de 24 000 Allemands se sont dénoncés au fics. Trois fois plus que les années précédentes. Nul sursaut civique n’est à l’origine de cette hausse. Simplement, fin 2012, les Verts et les sociaux-démocrates ont définitivement bloqué l’accord que projetaient de signer l’Allemagne et la Suisse, qui permettait notamment aux exilés fiscaux d’échapper à toute poursuite pénale. L’échec de cette négociation et l’achat par l’administration fiscale allemande de CD-Rom comportant des milliers de noms de contribuablesayant un compte en Suis-
Dates 1952
Naissance le 5 janvier à Ulm (Bade-Wurtemberg).
1970
Intègre le Bayern Munich.
1974
Champion du monde.
1974, 1975, 1976
Remporte la Ligue des champions avec son club.
1979
Arrête sa carrière de joueur à 27 ans et devient manageur du Bayern Munich.
2009
Succède à Franz Beckenbauer à la présidence du club.
2013
Se dénonce en janvier auprès de l’administration fiscale. Le 25 mai, le Bayern remporte, pour la cinquième fois, la Ligue des champions.
2014
Le tribunal de Munich le condamne, jeudi 13 mars, à trois ans et demi d’emprisonnement pour avoir dissimulé 27 millions d’euros au fisc.
se ont incité nombre d’entre eux à se dénoncer. Uli Hoeness en fait partie. A sa décharge, le richissime homme d’affaires fait valoir qu’il a malgré tout payé ces dernières années « 50 millions d’euros » d’impôts au fisc allemand. Surtout, Uli Hoeness savait se montrer généreux et le faire savoir. Multipliant les dons aux ONG, aidant les footballeurs confrontés à un drame familial, prêtant même de l’argent au Borussia Dortmund dans le besoin, le « père Teresa de Tegernsee », comme le surnomme sans ironie l’un de ses proches, sait se faire aimer. De même, il n’a pas hésité à emmener le Bayern Munich à Shanghaï pour aider Siemens à obtenir un contrat important en Chine. Le maire de la cité chinoise est, paraît-il, un de ses fans. Uli Hoeness n’a cependant pas que des amis. D’autres dirigeants de clubs allemands le soupçonnent d’acheter des joueurs dont il n’a pas besoin, dans le seul butde les priverde bons éléments.Enaccusant en 2000 Christoph Daum, l’entraîneur de l’équipe nationale, de prendre de la cocaïne, Uli Hoeness a même provoqué un véritable scandale. Après avoir nié, Christoph Daum a dû se prêter à l’examen d’un de ses cheveux et a démissionné. Aujourd’hui, à en croire ses amis, c’est à Uli Hoeness qu’on chercherait des poux dans la tête. Son maintien à la présidence du mastodonte bavarois semble impossible. Officiellement, celui qui a succédé à Franz Beckenbauer en 2009 est soutenu par les actionnaires et les sponsors. Mais avec cette condamnation à une peine de prison ferme, son sort paraît scellé. Dans tous les cas, Adidas, Audi et Allianz, qui possèdent chacun 8,3 % du capital aux côtés de petits actionnaires individuels, ne resteront pas longtemps insensibles au jugement prononcé par le tribunal de Munich, tout comme Deutsche Telekom, l’un des principaux sponsors du club. Il faudrait désormais un miracle – en appel – pour qu’Uli Hoeness parvienne à sauver son poste et sa réputation. Mais un homme qui, en 2002, a été le seul rescapé d’un accident d’avion au cours duquel sontmortsles troisautrespassagersa quelques raisons de croire en sa bonne étoile. p
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SPORT & FORME
décryptage
Arrêt au stand formule 1
Nouvellescylindrées, nouvelleréglementation…C’est dans un environnementprofondémentremanié que débute la saison, dimanche 16mars, en Australie. Avec un objectif clair: restaurer l’attractivitédes Grands Prix
Adrien Pécout
T
erminer la course serait déjà un succès. Si la moitié des pilotes ne rejoignaient pas l’arrivée, alors peut-être pourrions-nous grappiller quelques points.» Ces paroles empreintes d’humilité pourraient être celles d’un débutant. Sauf que ce débutant s’appelle Sebastian Vettel et qu’il a déjà écrit l’histoire de son sport en devenant, la saison passée, quadruple champion du monde de formule 1. Soit déjà autant de titres que le Français Alain Prost, seulement un de moins que l’Argentin Juan Manuel Fangio, et trois de moins que son compatriote l’Allemand Michael Schumacher. Pourquoi alors tant de précautions oratoires pour le pilote vedette de l’écurie Red Bull, à l’aube de cette saison 2014, qui débute par le Grand Prix de Melbourne (Australie), dimanche 16mars ? Avec le changement de moteur prévu cetteannéepourlesvingt-deuxpilotesdela catégoriereinedessportsautomobiles,«toutlemondevarepartird’unepageblanche»,expliqueFernando Alonso (Ferrari), le lauréat des saisons 2005 et 2006. Son collègue Jenson Button (McLaren), lui, fut sacré en 2009: « Tout le monde est très excité, je ne pense pas que Sebastian et
Red Bull vont encore se promener », renchérit aujourd’huiledernierpilote championdumonde de F1 avant que l’Allemand de 26 ans n’amorce son écrasante domination. Au mois de février, Sebastian Vettel n’a obtenu que le 18e temps lors des ultimes essais organisés dans le royaume de Bahreïn, très loin derrière Felipe Massa (Williams), Lewis Hamilton
« Beaucoup de gens veulent voir Vettel perdre car cela rendrait le championnat à nouveau palpitant » Bernie Ecclestone
responsable de Formula One Management et Nico Rosberg (Mercedes), meilleurs temps sur le circuit de l’émirat. Jusque-là si efficaces, les ingénieurs du prodige allemand semblent comme désarçonnés par les changements de réglementation technique introduits à partir de cette saison par la Fédération internationale de l’automobile (FIA). En 2014, adieu le moteur de 2,4 litres. Les nouvelles cylindrées du circuit,
présentées comme plus écologiques, fonctionneront avec un moteur hybride de 1,6 litre. Elles consommeront moins de carburant mais devraientconserverla même puissance,grâce à unsystèmede récupérationd’énergieau freinage et au niveau des échappements. Envisagée depuis plusieurs années, cette mesure, de même que la limitation à 100 kg d’essence par Grand Prix pour chaque voiture, permettra à la formule 1 de rester en phase avec les « préoccupations de la société », comme l’espère Jean Todt, le président de la FIA. En réalité, elle tombe surtout au meilleur moment pour conserver intact l’intérêt de la F1. « L’un des gros avantages de cette nouvelle réglementation consiste à créer une incertitude sportive », ajoute le dirigeant français. A en juger par les essais de présaison, le moteur hybride sourit pour l’instant davantage aux écuries motorisées par Mercedes et Ferrari qu’à celles équipées d’un moteur Renault, comme c’est le cas de Red Bull. « Beaucoup de gens veulent voir Vettel perdre car cela rendrait le championnat à nouveau palpitant », reconnaît Bernie Ecclestone, à la tête de la société Formula One Management depuis 1974, chargé des droits commerciaux de la F1. La baissedes audiencestélévisées, l’unedes principales mannes financières, doit préoccuper le grand argentier âgé de 83 ans et impliqué dans
plusieurs affaires judiciaires. Seulement 450 millions de téléspectateurs en 2013, contre plus de 500 millions l’année précédente… et 600millions en 2008. A force d’enchaîner les succès l’an passé, avec treize victoires sur dix-neuf possibles dont un carton plein lors des neuf derniers Grands Prix, Vettel avait fini par tuer le suspense, ne laissant que peu de place à ses principauxadversaires et aux pilotes moins aguerris, comme le Français Romain Grosjean. Pour ne pas risquer de revivre le même dénouement insipide, la Fédération internationale de l’automobile a pris unedécision contestée,bien que soumise à l’approbation générale des équipes : les points accordés en novembre lors du dix-neuvième et dernier Grand Prix de la saison compteront double. Un succès à Abou Dhabi, dans les Emirats arabes unis, rapportera donc 50 points au lieu de 25. D’ici là, Sebastian Vettel a du chemin à parcourir. Le pilote allemand de 26 ans, impressionnant de précocité, reste en course pour dépasser le record de son compatriote Michael Schumacher. Toujours hospitalisé à Grenoble en raison d’un grave traumatisme crânien survenu après un accident de ski, le 29 décembre, « Schumi », son idole, avait trouvé le temps de collectionner sept couronnes mondiales entre 1994 et 2004. p
décryptage
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Romain Grosjean, lors des essais au Grand Prix de Bahreïn le 20 février. THIERRY GROMIK/PRESSE SPORTS
«Jeveuxdevenirchampiondumonde» Après être monté six fois sur les podiums en 2013, le Français Romain Grosjean, désormais pilote n˚1 de l’écurie Lotus, espère pouvoir concurrencer Sebastian Vettel cette saison
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La Renault Red Bull de Sebastian Vettel au Grand Prix de Corée en novembre 2012. FRANÇOIS FLAMAND/DPPI
Dates 1986
Naissance à Genève (Suisse). Fils d’un avocat suisse et d’une peintre française.
2008
Pilote d’essai en formule1 pour l’écurie française Renault.
2009
Première participation au championnat du monde de F1, pour Renault, en tant que réserviste.
2012
Retour sur les circuits de F1, cette fois en tant que titulaire, avec l’écurie britannique Lotus. Premier de ses neuf podiums obtenus en Grand Prix, à Bahreïn, au mois d’avril.
2013
Se classe à la 7e place du championnat, un rang de mieux que la saison précédente.
2014
Coup d’envoi du championnat, du 14 au 16 mars, à Melbourne (Australie).
27 ans, Romain Grosjean a de l’ambition à la veille de l’ouverture de la saison de formule 1. Désireux de devenir champion du monde, le Français tente, lui aussi, d’apprivoiser sa voiture à moteur hybride. S’il remportait l’un des dix-neuf Grands Prix organisés cette année, il succéderait à Olivier Panis (1996), le dernier Français à avoir sablé le champagne. Après s’être déjà hissé à neuf reprises sur un podium de F1 dont six fois en 2013, le pilote de l’écurie britannique Lotus attaque 2014 en compagnie de plusieurs compatriotes : Jean-Eric Vergne (Toro Rosso) et Jules Bianchi (Marussia), ainsi que Charles Pic et Nicolas Prost, deux pilotes essayeurs qui travailleront pour sa propre formation. Vous abordez pour la première fois une saison en tant que numéro 1 de votre équipe. Quelles sont vos ambitions ? Sansarrogance,j’ai l’ambitionde devenir champion du monde. Je suis un compétiteur-né, je pars du principe qu’en début de saison, on a tous les mêmes chances. Enfin, pas tout à fait, car il faut être réaliste : on dépend toujours de sa machine et du budget de son équipe. Le meilleurpilote du mondedans une mauvaise voiture ne sera pas champion du monde. On va voir comment la mienne évolue… La voiture de Sebastian Vettel semble toujours en rodage. L’Allemand est-il à votre portée cette saison ? J’espère pouvoir le concurrencer. Sinon, je ne ferais pas de la F1. Comme je pense faire partie des meilleurs, l’idée, c’est effectivement d’essayer d’être champion du monde. Il se trouve qu’une nouvelle saison commence, donc pourquoi pas dès cette année ? Les nombreux changements de réglementation qui vont intervenir redistribueront un petit peu les cartes, surtout en début de championnat. Après 45 Grands Prix depuis vos débuts, vous attendez toujours votre première victoire en F1… Honnêtement, il ne me manque pas grand-chose. Lors de plusieurs Grands Prix, l’an dernier, j’ai exploité jusqu’à 110 % de tout ce que j’avais entre les mains.Mais j’ai trouvéde meilleuresvoi-
tures face à moi: à commencer par la Red Bull de Sebastian Vettel, pour ne pas la citer. Sa domination en deuxième partie de saison était impressionnante. Déjà, à certains moments de la course, réussir à avoir les deux voituresde RedBull derrière moi, ça valait presque comme une victoire en soi.
vous du doublement des points lors de l’ultime Grand Prix de la saison, à Abou Dhabi, en novembre? Je ne suis pas un grand fan. Pourquoi ce Grand Prix d’Abou Dhabi, et pourquoi pas un autre ? Les pilotes sont assez unanimes pour dire qu’on n’est pas très, très en faveur de cette nouvelle règle.
Remettre en question l’hégémonie de Vettel devient presque vital pour l’intérêt de la formule 1… On observe effectivement une baisse d’audience dans certains pays [Chine, France, Allemagne], même si, ailleurs, elle est remontée. Pour en revenir à cette question de domination de Vettel, ce n’est pas un cas de figure qu’on retrouve uniquement en formule 1. En athlétisme, sur le 100 mètres, par exemple, on ne va pas se mentir : on sait presque à l’avancequi va gagner [allusion au championjamaïcain UsainBolt]. Le sport fonctionne souvent par cycles. Mais cette année, en F1, grâce aux nouvelles réglementations, je pense qu’un nouveau cycle va s’ouvrir, avec des possibilités pour tout le monde. A moi d’être au bon endroit au bon moment pour gagner des courses.
Quid du Grand Prix de Sotchi, prévu en octobre, alors que pendant les JO d’hiver, on a reproché au président Vladimir Poutine d’instrumentaliser les événements sportifs ? La Russie fait partie de la F1, plusieurs pilotes russes ont déjà évolué dans le circuit, et d’autres arriveront. A Sotchi, il faut savoir que l’on va en partie profiter des installations construites pour les Jeux olympiques d’hiver de cette année. Et puis, en tant que pilote, on va où les courses sont. On a un métier qui fait qu’on se « trimbale » partout dans le monde.A partirdu momentoù la Fédération internationale automobile (FIA) a décidé d’aller à un endroit, on essaie de faire notre course. C’est aussi un spectacle qui, en fin de compte, doit apporter un peu de beauté.
Vous êtes donc favorable aux nouvelles réglementations techniques 2014 ? Tout le volet technique me paraît intéressant, oui. Mais je dois reconnaître que j’ai quelques doutes sur certains aspects dela nouvelleréglementation.Par exemple, au sujet de la limite d’essence autorisée. Avec 100 kg d’essence maximum [environ 35 % de carburant en moins par rapport à la saison passée], ce ne sera pas suffisant à chaque fois pour finir la course. Je n’ai pas envie de rouler en exploitant si peu les capacités de la voiture. Cette mesure réduira la vitesse des voitures, dites-vous… Oui. Les pilotes de formule 1 se comporteront comme n’importe quel automobiliste qui n’a plus assez d’essence et quiveut tenterde rejoindrela station-service la plus proche. Dans ce cas-là, l’automobiliste n’appuie pas trop sur les gaz, il « laisse rouler »… Pour nous, pilotes de F1, ces changements risquent parfois d’entraîner une baisse de vitesse de trois à quatre secondes par tour. En matière de règlement, que pensez-
N’avez-vous jamais de réticence à participer à tel ou tel Grand Prix ? Bien sûr, il existe des Grands Prix où l’on n’est pas forcément ravi d’aller. On n’est quand même pas des moutons de Panurge à suivre sans réfléchir. Le Grand Prix de Corée, par exemple, n’était pas forcément très sexy. L’emplacement ne nous plaisait pas. On arrivait à Séoul en avion après douze heures de vol, puis on se tapait encore 4 h 30 de mini-van pour arriverdansun porten constructionrempli de supertankers… Pas extra. Après, on passe tellement de temps sur la piste que, pour beaucoup de pays, je n’en connais que l’aéroport, le chemin pour aller au circuit et mon hôtel. Ça s’arrête là. On arrive au dernier moment et on repart le plus tôt possible, et ça s’enchaîne comme ça pendant les dix-neuf Grands Prix de la saison. Le GP de Corée a été exclu du calendrier pour cause de déficit financier. Et la FIA prévoit aussi de plafonner dès 2015 les budgets des équipes… Cela fait des années qu’on parle de diminuer ou de bloquer le budget des équipes pour éviter de trop grands écarts
entre les écuries. Je pense que ce serait quelque chose d’extrêmement intelligent. Là encore, il s’agit d’un cycle à enclencher.Déjà, on constateque lesbudgets ont été bien réduits par rapport à une dizaine d’années. Bien sûr, pour les plus gros sponsors – Ferrari, Red Bull, Mercedes, McLaren –, on parle encore de sommes autour de 200millions d’euros. En fin de saison, les formations aux plus gros budgets se retrouveront sans doute aux avant-postes. Mais en ce qui concerne les sponsors plus petits on est loin de ces sommes-là [l’an passé, le budget de Lotus était estimé à une centaine de millions d’euros]. Que pensez-vous des « pilotes payants », nombreux en F1, qui aident leur écurie à trouver des financements grâce à des sponsors personnels ? « Payer » pour avoir son ticket, ce n’est pas le top. Maintenant, il ne faut pas oublier qu’il y a différentes façons de payer, différents types de financement. Si on prend mon cas, je suis aidé par l’entreprise Total. C’est intéressant pour tout le monde.Et pour Total, et pour moi. Après, effectivement, certains pilotes donnent peut-être l’impression d’arriver juste avec une mallette de dollars. Il s’agit de bons pilotes, mais ils peuvent avoir l’air de prendre potentiellement la placed’autrespilotesqui l’auraientégalement méritée. Votre nouveau coéquipier, Pastor Maldonado, est soutenu par la compagnie pétrolière de l’Etat vénézuélien. Il devrait apporter une manne colossale de 35 millions d’euros… Pastora été le meilleur pilote vénézuélienà sortirdu lot, voilà pourquoiil bénéficie de ce soutien. Tant mieux pour lui. Pour l’instant, nos relations sont très bonnes. On ne s’est croisé que trois ou quatre fois à l’usine. On ne travaillera pas ensemble jusqu’à Melbourne, mais je suis sûr que ça va bien se passer. On communique en anglais. Dans le monde de la F1 en général, on parle tellement anglais que c’en devient même compliqué de refaire deux interviews en français, après la vingtaineque l’on fait en anglais. Des mots finissent par vous sortir de la tête au moment d’en chercher la traduction. p Propos recueillis par A. Pt
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SPORT & FORME
avis aux amateurs
A Aubervilliers, le sport trouve son rythme à l’école
si tu vas à rio
prix « le monde » - fais-nous rêver
Konstantinos Mitroglou, le «pistolero» grec
Lapratique sportiveoccupe une place majeure dans les activités périscolaires proposées aux 9000 écoliersde la ville de banlieue parisienne
L’ex-attaquant de l’Olympiakos sera un atout maître de l’équipe hellène au Mondial Anthony Hernandez
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Dans le gymnase Paul-Bert à Aubervilliers, le 6 mars. DIANE GRIMONET POUR « LE MONDE »
Yann Bouchez
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puisants, les nouveaux rythmes scolaires ? En ce jeudi après-midi de début mars, une vingtaine d’élèves de CP et de CE1 de l’école Jean-Jaurès d’Aubervilliers (Seine-SaintDenis) apportent un tonique démenti à cet argument avancé contre la réforme du ministre de l’éducation, Vincent Peillon. Ils courent, sautent dans tous les sens, se roulent sur les tapis bleus, et leurs petites voix résonnent sous le haut plafond du lumineux gymnase Paul-Bert. Au point que Nathalie Lourenço, qui anime cette initiation à la gymnastique, doit hausser le ton. « Audébut ils sont très excités,après ça se calme», explique la jeune femme de 33 ans. Avec le passage à la semaine de quatre jourset demidepuislarentrée2013,les quelque 9 000 écoliers d’Aubervilliers se voient proposer des activités périscolaires deux après-midi par semaine, de 14 h 30 à 16 heures. Le sport y occupe une place importante : 30 éducateurs sportifs de la ville, auxquels il faut ajouter 16 éducateurs d’associations sportives, encadrent les écoliers. Au menu, les enfants ont le choix entre tennis, basket, handball, tennis de table, vélo, échecs, escrime ou encore kin-ball, un jeu d’équipe avec un énorme ballon. Sans oublier la gymnastique. Pour les écoliers de Jean-Jaurès, la découverte des agrès s’accompagnede règles à respecter. Ainsi, chaque leçon commence par le même rituel, avant même les étirements: une pause-pipi indispensable pour les élèves,quiviennentd’avoircours de 13à14 heures ! Dans le gymnase Paul-Bert, tous n’ont pas pensé à s’habiller en survêtement, certains effectueront donc leurs roulades en jean. Filles et garçons, qui ne s’entraînent pas sur les mêmes agrès, sont séparés, chaque groupeétant encadré par un animateur. Roulades, équilibre et figures au sol pour les
garçons, tandis que les filles s’entraînent aux barres asymétriques, sous l’œil attentif d’une animatrice du Club municipal d’Aubervilliers (CMA) gymnastique. Faire du sport encadré par des membres d’une association sportive, le changement n’a rien d’anodin pour une ville de 76 000 habitants où, selon la mairie, 80 % des enfants ne pratiquent pas de sport en dehors du temps scolaire. Le budget global de la mise en place des rythmes est « un peu supérieurà 1,5million d’euros», préciseMartial Byl, le directeur du pôle jeunesse et sport de la ville, dont 400 000 euros pour
« Il fallait que les enfants ne confondent pas périscolaire et centre de loisirs » Nathalie Lourenço
membre du CMA gymnastique les activités sportives. Bénéficiant par enfant d’une aide du ministère de l’éducation nationale de 90 euros et de 53 euros de la caisse d’allocations familiales, la municipalité a dû débourser environ 500000 euros pour accompagner la réforme des rythmes scolaires. Au cours des trois trimestres, « 7 200 » écoliers devraient ainsi avoir pratiqué au moins un atelier sportif. Ces activités périscolaires ne sont pas obligatoires, mais, selon Martial Byl, « 85 % des enfants pratiquent les rythmes scolaires ». Le maire adjoint (PS) chargé des sports, Omar Aït-Bouali, confirme que la nouvelle organisation a trouvé son « rythme de croisière » après quelques difficultés initiales. En octobre 2013, une vingtaine d’écoles, sur les trente-deux que compte la
ville, s’étaient mises en grève, protestant contre la mise en place de la réforme. L’école élémentaire Jean-Jaurès avait même été bloquée par des parents mécontents. Aujourd’hui, la situation apparaît apaisée. « Le début a été un peu difficile », confirme Nathalie Lourenço, membre du CMA gymnastique. « Il fallait que les enfants ne confondent pas périscolaire et centre de loisirs, surtout pour les plus petits », explique-t-elle, tout en évoquant « quelques problèmes de communication avec les parents ». Pour la jeune femme, vêtue du survêtement bleu auquel on reconnaît les animateurs, l’initiative permet de faire découvrir d’autres sports aux enfants, alors que seulement « trois ou quatre à tout casser », parmi la vingtaine de jeunes dont elle s’occupe ce jeudi, « font du sport en club ». Cassandra, 7 ans, apprécie particulièrement « quand on marche sur la barre et quand on fait le ouistiti [se déplacer le long de la barre à la force des bras] ». Comme beaucoup, elle n’a aucune expérience de sport en club, même si elle a déjà essayé la piscine, le tennis ou le judo avec le centre de loisirs. A la fin du trimestre, les enfants seront évalués. Il y aura la remise d’une médaille et d’un diplôme pour tout le monde, l’essentiel étant de participer. Même si aucune enquête de satisfaction n’a été encore lancée, les premiers retours semblent positifs. « Le sport, c’est l’élément qui a le mieux fonctionné dès le départ», à côté des activités culturelles et d’animation citoyenne, estime Omar Aït Bouali. « Dans cinq-six ans, les bénéfices seront là », anticipe-t-il. Ces activités ne viennent pas remplacerles activitéssportivesdéjàorganisées sur le temps scolaire, elles sont « complémentaires», insiste l’élu: « Enfin, l’éducation populaire entre à l’école.» p Cette initiative concourt au prix « Le Monde » - Fais-nous rêver, qui vise à récompenser un projet d’éducation par le sport. Pour en savoir plus : Apels.org
’ai souvent admiré Cantona pour sa capacité à ne jamais perdre un ballon. C’est le type de joueur qu’est Konstantinos.» La comparaison dit toute l’estime que porte Roy Carroll, ancien gardien de Manchester United actuellement à l’Olympiakos, à Konstantinos Mitroglou, buteur de la sélection grecque qualifiée pour son deuxième Mondial successif au Brésil. Acheté 200000 euros en 2007 par le club du Pirée, l’attaquant de 25 ans a été vendu fin janvier au club de Fulham, lanterne rouge de Premier League, pour la « modique» somme de 14millions d’euros. Une aubaine pour les finances du club grec, qui devra néanmoins se passer de son attaquant vedette contre Manchester United en huitième de finale de la Ligue des champions (2-0 à l’aller) le 19 mars. En novembre, la Grèce salue « Mitroglycérine», auteur de trois buts en deux matchs de barrage face à la Roumanie (1-0, 3-1). Largement ignoré par l’ex-sélectionneur Otto Rehhagel, très défensif, peu utilisé jusqu’à l’Euro 2012 par le nouvel entraîneur portugais Fernando Santos, il devient incontournable lors de la campagne des éliminatoires pour le Mondial 2014.
Ecarts de conduite Né le 12mars 1988 à Kavala, Konstantinos Mitroglou émigre très jeune avec sa famille en Rhénaniedu-Nord-Westphalie (Allemagne). Malgré ses bonnes performances chez les jeunes, le Borussia Mönchengladbach ne conserve pas l’espoir. De retour dans son pays natal, dont il maîtrise mal la langue, il passe à la postérité en mimant des coups de pistolet ou de mitraillette pour célébrer chacun de ses buts. Un hommage outrancier au trophée de meilleur buteur de Bundesliga… en forme de canon. En 2013, lors d’un match de coupe, le « pistolero», un autre de ses surnoms, prend un avertissement après avoir fait mine de tirer sur les supporteurs rivaux du Panathinaïkos. En août2008, lors du premier match de l’entraîneur Ernesto Valverde, l’Olympiakos, mené 2-0 par Famagouste (Chypre), obtient un penalty. Alors que c’est l’Argentin Galletti qui doit tirer, Mitroglou s’empare du ballon, frappe et manque sa cible. Battus 3-0, les Grecs échouent en phase de poules de la Ligue des champions. Un revers pour Valverde, qui ne pardonnera pas à son attaquant, cantonné au banc de touche. C’est finalement lors de la saison 2011-2012, grâce à un prêt au club d’Atromitos, que le footballeur va éclore. En 38 rencontres, il inscrit 19 buts et décroche le titre de meilleur joueur du championnat grec. Une première pour un joueur qui n’évolue pas au sein de l’un des trois ténors, Olympiakos, Panathinaïkos et AEK Athènes. A l’été 2012, Mitroglou revient par la grande porte à l’Olympiakos. En 61 matchs, il marque à 37 reprises, dont 14 buts en 10 rencontres de championnat, cette saison avant son transfert en Angleterre. Il réussit aussi, le 2 octobre2013, un triplé en Ligue des champions face à Anderlecht. Souvent raillée pour son manque d’éclat offensif, la Grèce compte sur son nouveau buteur pour redorer sa réputation cet été au Brésil. p
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à moi de jouer
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s r e v n e ’ l à e t ê t La
haîné c n e a habi D rter o u p o e b r , notre ans le ciel d’A e g i t l o on de v s aériennes d i v a n d’u tie A bord utres acroba a ngs et i p o o l les
ANUEL
JEAN-M
Adrien Pécout
O
Abou Dhabi, envoyé spécial
n me donne un gilet de sauvetage. « Mais tu n’auras pas à t’en servir. » On me donne un parachute. « Mais tu n’auras pas à t’en servir. » On me donne une poche en plastique en cas de vomissement. « Ça, en revanche, tu t’en serviras peut-être… » Les mots du technicien chargé de me harnacher se veulent rassurants. Quitte à me déplacer jusqu’à Abou Dhabi, j’aurais préféré continuer à me balader sur la corniche et prendre le soleil sur la terre ferme. Ou bien me claquemurer au 38e étage de mon hôtel pour contempler l’immensité de cet ancien désert, métamorphosé par la grâce de ses rentes pétrolières en forêt de gratte-ciel. Ce serait occulter que le but de ce voyage dans la capitale des Emirats arabes unis consiste justement à effectuer mon baptême de l’air acrobatique. Et pas à bord de n’importe quel engin. L’avion de course aérienne et de voltige
Les immeubles d’Abou Dhabi semblent s’entrechoquer comme dans un kaléidoscope grandeur nature sur lequel je m’apprête à étrenner mes galons de copilote est plutôt du genre nerveux. Avec environ 7 mètres de long et 600 kg à vide, ce petit biplace possède le gabarit idéal pour franchir le plus vite possible, à seulement une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, des pylônes gonflables qui flottent sur l’eau. Je vais tester la solidité de mon estomac en marge d’un championnat de courses aériennes. Ouvert en 2003, à mi-chemin entre la formule 1 et le slalom de ski, le Red Bull Air Race lance
pour la septième fois sa saison à Abou Dhabi, une destination idéale pour ces bolides à hélicequi éclusent deux litres de carburantà la minute, dansune des capitales du pétrole. « On ne devrait pas tomber en panne sèche », me dis-je naïvement au moment de grimper sur l’une des ailes de l’avion. A l’intérieur, un premier défi m’attend : étendre mes guiboles dans la carlingue. « Détends-toi, mets tes pieds surles pédales, tu vas les sentir bouger toutesseules », explique le pilote, qui a accepté, au lendemain de sa course, de s’encombrer d’un copilote aussi peu proactif. Je m’assois dans le baquet. Il est exigu et il fait une chaleur pesante. « Ne t’inquiète pas, je ne suis pas un barjot », me lance, sans rire, Mikaël Brageot. A 26 ans, ce pilote professionnel de voltige vient d’intégrer la catégorie des « challengers », l’antichambre de la compétition principale. Même s’il a terminé sixième sur six dans sa catégorie, le sportif de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) garde foi en ses facultés. Encore heureux : je n’apprécierais que très modérément de jouer le rôle du copilote dans un remake de la comédie Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Sponsorisé par l’horloger suisse Breitling, le
pilote vit aussi bien de ses courses aériennes que de ses compétitions de voltige. A un niveau bien plus modeste et moins acrobatique, 40 000 licenciés pratiquent l’aviation au sein de la Fédération française de l’aéronautique (FFA), en tant que simples amateurs, dans l’un des 600 aéro-clubs du pays. On n’a pas encore quitté le plancher des vaches que déjà mes mains se cramponnent, de partet d’autre, aux structurestubulairesde l’appareil. « Adrien, tu as un problème avec ton micro, je ne t’entends pas quand tu me parles! » Alors que je m’apprêtais à refuser formellement de décoller tant que ce dysfonctionnement ne serait pas résolu, un assistant perce le mystère : il suffisait de tourner dans le bon sens l’accessoire vissé sur mon casque… Acte manqué pour retarder l’échéance ? Le toit de l’avion se referme maintenant sur nous. Au lieu de s’envoler vers la corniche où des centaines de spectateurs observent les concurrents enchaîner leurs séries de huit obstacles, le « challenger Mika » se contentera de franchir la porte destinée aux baptêmes de l’air avec journalistes: la mediagate. Nous survolons les alentours de la zone portuaire, le souk aux poissons et de grandes carcasses d’immeubles encore en construction. « Tout va bien ? Tu veux continuer ? » La question revient avec une bienveillante régularité. « Regarde la mediagate, nous allons passer entre les deux pylônes. » Haute d’une vingtaine de mètres, cette structure gonflable mesure à peine une douzaine de mètres de large. On jurerait moins quand on se trouve à l’intérieur d’un avion vrombissant dans cette direction, juste au-dessus de la jetée, lancé à plus de 300 km/h. Devant moi s’agite tout seul le manche de
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l’avion. Ma vie ne dépend que de lui. Depuis son siège arrière, Mikaël Brageot le manie au millimètre. L’obstacle franchi, notre machine se cabre vers la droite, presque à la verticale. « Contracte tes abdos quand ça tourne lors des virages, tiens bien ton cou, je vais mettre un peu de facteur de charge, nous allons passer à 3 G, me dit Mickaël dansle casque. Tu dois avoirle réflexe de contracter tes muscles au bon moment. » Il n’est ici nullement question de téléphonie mobile, mais de force gravitationnelle: en cas d’accélération, une charge de 3 G représente une compression équivalente à trois fois son poids. Les concurrents du Red Bull Air Race, des professionnels de l’aviation triés sur le volet par les organisateurs,ont le droit d’atteindre en course jusqu’à 10 G. Au-delà, le danger est trop important. Comme le sang peut descendre jusqu’aux pieds et quitter le cerveau, le pilote pourrait voir apparaître un voile gris puis noir devant ses yeux… A l’étroit dans ma combinaison ignifugée, je commence déjà à serrer les mâchoires au bout du deuxième franchissement de porte. « Wouhouuu ! », s’exclame Mikaël Brageot, qui fournit en même temps des informations en anglais au contrôleur aérien. « Maintenant, tu veux passer à un peu de voltige, plus haut dans les airs ? » Au micro, pas téméraire pour un dirham, j’acquiesce timidement. S’ensuivent deuxloopingset un tonneau,rotations littéralement renversantes au cours desquelles les immeublesd’Abou Dhabi semblents’entrechoquer comme dans un kaléidoscope grandeur nature. Le signal du retour sonne comme une délivrance. J’ôte le double mousqueton métallique fixé autour de ma taille. « A la fin d’une séance de dix minutes de voltige aérienne, notre cerveau est épuisé, vu tous les efforts de concentration que cela suppose. Pareil à la fin de deux petites minutes de course aérienne», conclut Mikaël Brageot. Mon visage, ruisselant, s’extrait de sa protection. Les jambes posées sur une chaise pour faciliter la circulation du sang, je passe une bonne heure à me remettre de ces sept minutes riches en influx nerveux. Et pas peu fier de ne pas avoir utilisé la pochette en plastique fournie en début de vol. p
pratique course
Red Bull Air Race, sous haute sécurité
Vous n’aviez plus de nouvelles du Red Bull Air Race ? Logique, la firme autrichienne a interrompu pendant trois ans son championnat de courses aériennes pour des raisons de sécurité. En 2010, un avion s’était détruit contre les flots, sans
quadragénaires au sein de la Fédération française aéronautique, créée en 1929. En 2013, cette passion a coûté la vie à 71 pilotes en France.
conséquence tragique. Désormais, pour éviter les plongeons malvenus, la hauteur des pylônes a été fixée à 25 mètres de haut. Soit 5 mètres de plus qu’auparavant. Et tout avion qui les franchirait en volant trop bas, sous une partie peinte en rouge, se verrait disqualifié.
Passe ta licence d’abord
Tour du monde en avion
Le Red Bull Air Race réunit douze pilotes qui se livrent à tour de rôle à une course contre-la-montre à travers une série de huit obstacles. A côté d’eux, six challengers comme Mikaël Brageot concourent dans une nouvelle catégorie créée pour étoffer, à terme, le vivier de concurrents sur la course principale. Pour l’heure, les prétendants peuvent
RED BULL CONTENT POOL
s’estimer heureux: ils ont un obstacle de moins à franchir. Outre Abou Dhabi, le circuit 2014 a sept dates prévues d’ici au mois de novembre : Croatie, Malaisie, Pologne, Royaume-Uni, Etats-Unis deux fois, et Chine. conditions de vol
Où pratiquer
En ce qui concerne l’aviation
légère, sans parler de voltige et des acrobaties de Mikaël Brageot et Nicolas Ivanoff, la France figure en tête des pays européens avec 40000 pilotes privés répartis dans 600 aéro-clubs. Une population à plus de 90 % masculine et parmi les plus âgées des fédérations sportives françaises, avec une surreprésentation de
Pour jouer les Saint-Exupéry et voyager en toute liberté sans aucune limitation de vitesse, la licence de pilote privé s’impose. A l’échelon européen, ce Graal s’appelle PPL. Parmi les conditions sine qua non : avoir accompli au minimum 45 heures de vol, sachant qu’en France le coût moyen de l’heure de vol se situe entre 75 ¤ et 115 ¤. Par ailleurs, un brevet de base permet le pilotage d’un monomoteur dans un rayon de 30 kilomètres, à condition d’avoir effectué dix heures de vol au préalable. matériel
L’avion
Même si le pilote professionnel
Nicolas Ivanoff a dû contracter un emprunt auprès de sa banque pour s’acheter son avion de voltige, qu’il estime à près 300 000 ¤, une solution moins onéreuse reste possible : louer des machines sur Internet, comme sur le site Monavion.fr, à partir de 206 ¤ pour douze heures. Ne manque plus qu’une combinaison ignifugée pour parer à tout incendie, un casque, et une carte aéronautique pour ne pas se laisser ballotter au hasard du vent.
Simulateurs de vol
En cas de frayeur à l’approche d’un vol, les apprentis pilotes pourront toujours se faire la main devant leur écran d’ordinateur sur le logiciel Microsoft Flight Simulator ou encore sur X-Plane, qui bénéficie au passage du blanc-seing de l’Administration fédérale de l’aviation américaine (FAA).
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SPORT & FORME
enquête
Ueli Steck sur la face sud de l’Annapurna, au Népal, en octobre 2013. PATITUCCIPHOTO
Le sommet du doute En octobre2013, Ueli Steckaffirme avoir gravi seul la face sud de l’Annapurna dans le temps record de 28heures, maisil ne peut fournirde preuves. Sa nominationaux 22es Piolets d’or, qui débutentle 26mars à Chamonix, suscitela controverse ALPINISME|
Patricia Jolly
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Katmandou (Népal), envoyée spéciale
a nouvelle aurait dû réjouir Ueli Steck. Sa « première » en solo d’octobre 2013 dans la face sud de l’Annapurna (8091 m), réalisée dans le temps record de 28 heures, fait partie des cinq ascensions nominées pour les 22es Piolets d’or, organisés entre Chamonixet Courmayeur (Italie) du 26 au 29 mars. Cette grand-messe de la montagne célèbre « le goût de l’aventure, l’audace, le sens de l’exploration » et exalte « la beauté d’un geste individuel ou collectif ». Des critères a priori honorés par l’alpiniste suissede 38 ans,qui a déjàété récompensé en 2009 avec son compatriote Simon Anthamatten pour leur première de la face nord du Tengkampoche (6 500 m), au Népal. Las, dès la fin de sa campagne d’automne 2013 dans l’Himalaya, de méchantes rumeursont jeté le doute sur la véracité de sa performance. Les critiques ne sont pas nouvelles à propos de ce grimpeur atypique dans le milieu. A s’attaquer aux sommets comme à une discipline olympique chronométrée et à s’entraîner comme un coureur de grand fond avec préparateurs physique et mental, il a gagné le surnom de « Swiss machine ». L’ancien charpentier qui n’a jamais aspiré à devenir guide de haute montagne, et qui voulait « juste faire du sport », est parvenu à vivre de son art par l’entremised’une bonne dizaine de partenaires, ce qui n’est le cas que de quelques dizaines d’alpinistes au monde. Pêle-mêle, ses détracteurs lui reprochent l’absence de témoins oculaires, des pannes d’appareil photo et d’altimètre, voire l’oubli de brancher son GPS, dans ces tentatives solitaires et ces records dont il s’est fait une spécialité. Par ailleurs, il a été mêlé sur l’Everest (8 848 m), en avril 2013, avec deux compagnons à une violente rixe – dont l’origine relève de torts partagés – avec des sherpas. Christian Trommsdorff, himalayiste, vice-présidentdusyndicatnationaldesguides de montagne (SNGM), membre du comité technique et de pilotage des Piolets
d’or et président du Groupe de haute montagne, a ainsi reçu plusieurs courriels listant les « incohérences» de l’exploit d’Ueli Steck.Cescorrespondancesémanentessentiellement de journalistes, de guides de montagne et d’alpinistes allemands. « Les interrogations sont logiques car Ueli Steck est un alpiniste professionnel et, même s’il n’y a pas d’argent en jeu aux Piolets d’or, les remporter peut engendrer des retombées commerciales et médiatiques », explique Christian Trommsdorff, qui a rencontré le Suisse fin février pendant deux heures. « Il m’a immédiatement dit qu’il n’avait pas de preuve substantielle de son ascension, et que chacun était libre de le croire ou pas », poursuit-il.
« Ce qui arrive est un peu ma faute. Je ne suis pas quelqu’un qui aime se vanter car grimper n’apporte rien à l’humanité » Ueli Steck
La charte des Piolets d’or ne mentionne nullement la nécessité d’apporter des preuvesdes ascensionsrevendiquées. « Ce qui arrive est peut-être un peu ma faute, admet cependant Ueli Steck. Je ne suis pas quelqu’un qui aime se vanter car grimper sur des montagnes n’apporte rien à l’humanité. Alors, j’ai toujours fait ce qui me semblait juste : je donne des détails sur mes ascensions à qui m’en demande, et personne jusqu’ici ne m’avait reproché de manière aussi virulente de ne pas fournir de preuves. Non, je n’ai pas de photo du sommet de l’Annapurna, car j’ai perdu mon appareil et un gant dans une petite avalanche dans laquelle j’ai accepté pour la première fois que j’allais mourir. Ça ne s’est pas produit et j’ai continué à monter sur l’adrénaline.» Début mars à Katmandou, une partie du staff népalais de l’expédition de Steck
corroboresa version.NgimaDawa,unaidecuisinier qui travaillait pour la première fois avec l’alpiniste suisse, a été joint par téléphone dans son village du Solukhumbu. Laurence Shakya, basée à Katmandou depuis trente ans, a traduit en français les propos qu’il exprimait en népali : « Nous n’avions pas de contact radio avec lui, a expliqué l’aide-cuisinier. Mais du camp de base, avec le recul, je pouvais voir sa progression grâce à sa lampe frontale. Vers 23h 30, il était juste en dessous du sommet [queM.Steckaffirmeavoiratteintuneheure et demie plus tard], mais je ne peux estimer exactement à quelle altitude. Je me suis relevé à 2 heures du matin, et j’ai compris qu’il descendait en voyant la lumière avancer vers le bas.» Tenji Sherpa, responsable du camp de base de l’expédition, fournit d’autres détails. «Ueli ne devait pas faire l’ascension seul, mais son compagnon [le Canadien Don Bowie] a d’abord été malade, puis les chutes de pierre et les dangers d’avalanche l’ont mis mal à l’aise, et il a renoncé. Ueli a décidé de partir quand même. Il a dit : “Je vais voir.” Du camp de base avancé, qui est plus proche de la paroi que le camp de base, on ne le voyait pas en permanence. Vers 18 heures, il a disparu pendant environ une heure; c’est le moment où il s’est abrité du vent dans un trou avant de repartir. On voyait alors sa lampe frontale. Je l’ai vu à minuità environ200mau-dessousdu sommet. Don et moi, on s’est couchés, jusque vers 4 heures où on l’a vu dans la descente. Nous sommes allés au-devant de lui. Son visage était très rouge, ses traits tirés, mais [il paraissait] heureux et très excité. » Des sherpas couvriraient-ils une star de l’alpinisme qui les rémunère sur un marché saturé ? « C’est l’agence qui nous emploie qui nous paie. Pas les étrangers pour lesquels nous faisons du portage, rétorque Tenji Sherpa, vexé. Ueli Steck est le premier athlète de ce genre que je rencontre en montagne. Il est capable de faire en une heure ce que les gens normaux font en une journée. » Lesinformationsdonnées parle staff de l’expédition sont en adéquation avec la présentation des faits livrés par Ueli Steck à la journaliste américaine Elizabeth Hawley, arbitre non officielle des ascen-
sions dans l’Himalaya népalais. Le Monde a pu consulter le rapport compilé par cette nonagénaire, installée à Katmandou, qui tient scrupuleusement depuis 1963 une base de données de toutes les expéditions, et traque impitoyablement la moindre incohérence dans un récit d’ascension. La cordée des guides français Stéphane Benoist et Yannick Graziani, elle aussi victorieuse de cette voie Béghin-Lafaille avec des variantes, une dizaine de jours après Steck (« Sport & forme » du 7 décembre 2013), se fait également l’avocate du Suisse. Ce dernier leur a adressé un SMS après sa présumée conquête: « G fait le sommet en solo cette nuit. » MM. Benoist et Graziani s’amusent des détracteurs qui s’étonnent que les deux Français n’aient pas retrouvé de « traces » du passage d’Ueli. Quandils ont « réalisé » le sommetà sa suite, il étaittombé entre-tempssoixantecentimètres de neige. « L’objectif d’Ueli lorsqu’il attaque une face, c’est d’arriver en haut et d’en revenir vivant, explique Stéphane Benoist. Le reste, tout ce qui préoccupe les gens d’en bas est secondaire. Pour moi, sa carrière est parfaitement cohérente [il détient notamment les records d’ascension de la face nord du Cervin, de l’Eiger et des Grandes Jorasses]. Il abordela montagnede manièretrès professionnelle. Il est parti seul, plus léger que nous, a bénéficié de meilleures conditions météo, et il est tout simplement plus fort. » « Je crois fermement que Ueli a fait le sommet,renchéritYannickGraziani.Ilfautsimplementqu’ilcomprennequ’ilachoisilecréneau des chronos, et qu’en tant qu’alpiniste professionnel il est fondamental qu’il présente des preuves de ce qu’il réalise.» De son côté, Lindsay Griffin, rédacteur en chef de l’American Alpine Journal – la bible de la montagne –, rappelle que 76 ascensions ont été sélectionnées cette année pour ces « Oscars» de la spécialité. «Un jury indépendantde six personnesen a ensuite retenu cinq dont celle d’Ueli Steck », précise-t-il. Cet épisode devrait cependant inciter les organisateurs à la réflexion. Inclure ou non dans leur charte une clause exigeant des preuves « substantielles» de chaqueascension?Ledébats’annoncehouleuxdansun milieuarc-boutésur sa liberté et rebelle à tout formatage. p
Nominations aux Piolets d’or Première de la face nord du Talung au Népal (7 439 m)
Ascension par Zdenek Hrudy et Marek Holecek (Rép. tchèque).
Kunyang Chhish East au Pakistan (7 400 m)
Ascension de la face sud-ouest par Simon Anthamatten (Suisse), Hansjörg et Matthias Auer (Autriche).
K6 West au Pakistan (7 040 m)
Ascension de la face nord-ouest par Raphael Slawinski et Ian Welsted (Canada).
Annapurna au Népal (8 091m)
Face sud par Ueli Steck (Suisse) en 28 heures en solo.
Mount Laurens en Alaska (3 052 m)
Expédition par Mark Allen (EtatsUnis) et Graham Zimmerman (Nouvelle-Zélande) en 67 heures aller-retour.