SERGE DASSAULT RATTRAPÉ PAR L’« ACHAT DE VOTES »
DOMINIQUE BAUDIS UNE VIE DE LIBERTÉS
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Alain Finkielkraut, Immortel à vif CULTURE – PAGE 10
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Samedi 12 avril 2014 - 70e année - N˚21534 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
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ès qu’un internaute se connecte sur un site marchand, le grand fichage commence – grâce aux cookies, des petites lignes de code déposées à son insu sur son navigateur. A l’aide de superordinateurs, les agences spécialisées établissent ensuite pour chaque consommateur un profil très précis, permettant de lui présenter des publicités ciblées, qui le suivront partout sur Internet.
« Big Brother » est le vendeur de demain. Ces techniques, désormais très au point, ne sont que le prélude de ce qui guette les e-consommateurs. Armées de logiciels d’intelligence artificielle, des sociétés employant les meilleurs mathématiciens se sont lancées dans l’« analyse prédictive » : les professionnels du e-commercene se contentent plus d’observer les faits et gestes des internautes pour
réagir, ils veulent prévoir les comportements de ces derniers, c’est-à-dire lire l’avenir, afin d’agir par anticipation. Face à cette « machinerie », les internautes ont longtemps été insouciants ou résignés. Mais une prise de conscience apparaît, avec l’amorce de mouvements de résistance. p LIRE DANS LE SUPPLÉMENT CULTURE & IDÉES L’ENQUÊTE D’YVES EUDES
UKRAINE : GÉNÉRATION MAÏDAN t Ils ont 30ans
et veulent changer l’Ukraine. Malgré les entraves de Moscou
M LE MAGAZINE DU « MONDE » ●
UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG
t Vladimir Poutine menace de couper le gaz à l’Ukraine
AUJOURD’HUI
t La Russie
France-Mexique : retour de flamme
a été suspendue du Conseil de l’Europe
A l’occasion de la visite de François Hollande, le président mexicain, Enrique Peña Nieto, salue, dans un entretien au Monde, la réconciliation entre les deux pays. Au cœur de ce rapprochement, les échanges économiques.
LIRE P. 3 ET L’ENQUÊTE DE SYLVIE KAUFFMANN P. 16-17
Hommage aux victimes de la répression, à Kiev, le 22 février. G. HERBAUT/POUR « LE MONDE »
Nicolas Poussin « L’Inspiration du poète » Le Mondepoursuit son voyage parmi les chefsd’œuvre de la peinture.
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rançois Hollande a définitivementcassé l’image du « président normal » qu’il prétendaitêtre il y a vingtdeux mois. Toutes ses décisions depuis la sévère sanction qui lui a été infligée aux municipales vont dans le même sens. Il s’est résigné à nommer Manuel Valls, homme dont il se méfiait mais qu’il a prié d’exécuter « sa » politique. En composant un gouvernement à sa main, en changeant de secrétaire général à l’Elysée et enlimogeantle « patron» duParti socialiste, il a cherché à réaffirmer sa prééminence. Au lendemain de son élection, M. Hollande avait refusé un nettoyage politique de toute l’administration. Depuis deux
ÉDITORIAL ans, le PS a souvent imputé les difficultés de l’heure à une résistance politique des hauts fonctionnaires, sans jamais la démontrer. La dureté de la crise, que François Hollande a sousestimée, la chute vertigineuse de sa popularité le conduisent aujourd’hui à une brutale reconcentration des pouvoirs. Dansla célèbre série d’anaphores qu’il avait utilisée dans son débat avec Nicolas Sarkozy,
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L’emploi à domicile a enregistré, en 2013, une baisse comme il n’en avait pas connu depuis dix ans. Le nombre d’heures déclarées a chuté de 6,1%, et plus de 70000 particuliers employeurs se sont «évaporés ». Le phénomène s’accompagne d’un retour du travail au noir.
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avantle deuxième tour de la présidentielle – « Moi, président… », répété quinze fois –, il s’était notammentengagé à ne pasrecevoir « les parlementaires de la majorité à l’Elysée ». Il ne les a pas reçus ensemble, mais par petites grappes.« Je ne m’occuperai pas de tout », avait-il aussi proclamé. Aujourd’hui, il verrouille toutes les nominations, tel un hyperprésident. M. Hollande s’est constitué une garde rapprochée. Le signe le plus éloquent est la nomination de Jean-Pierre Jouyet – un ami intime, ancien de la promotion Voltaire, comme lui, à l’ENA, auquel il a longtemps reproché d’avoir été, pendant dix-huit mois, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes de Nicolas Sarkozy – comme secrétaire général de l’Elysée. Si ce souci de bien s’entourer est politiquement légitime, il déclenche d’autres nominations contestables. Il en est ainsi de la désignation, sous réserve du feu vert des commissions parlementaires, de Pierre-René Lemas, jusqu’alors secrétaire général de l’Elysée, à la tête de la Caisse des dépôts. De longue date, les présidents ont toujours veillé à y placer un proche. Encore fallait-il qu’il ait les compétences requises, ce qui était le cas de M. Jou-
yet. Un doute plus que sérieux est permis à propos de M. Lemas : ce préfet connaît certes le tissu local, mais il n’est pas unfamilierdestechniquesfinancières et n’a pas la moindreexpérience bancaire. M. Valls avait fait ce procès à M. Sarkozy quand, en décembre2011,il avaitenvisagéde nommer Xavier Musca, secrétaire général de l’Elysée, à la tête de la Caisse des dépôts. Cet ancien directeur du Trésor avait certes toutes les qualifications nécessaires, mais sa nomination aurait été perçue comme un recasage politique. « Ce n’est pas opportun, avait alors asséné Manuel Valls. On nomme un proche du président à la tête de la Caisse des dépôts, qui est indispensable à notre économie.» La promotion-sanction d’Harlem Désir est aussi inopportune. Le président limoge un premier secrétaire du PS qu’il avait luimême promu, pour le remplacer par Jean-Christophe Cambadélis. Et il donne une prime à celui qui a fait du PS un astre mort, en nommant ce député européen – classé 740e sur 766 pour son taux de présence… – secrétaire d’Etat aux affaires européennes. Cet épisode serait baroque si ce n’était pas un mauvais signal envoyé à l’Europe. Un de plus. p
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international
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Samedi 12 avril 2014
A Londres, les Frères musulmans sous surveillance M. Cameron a commandé un rapport sur les islamistes égyptiens, dont certains sont réfugiés en Grande-Bretagne Londres Correspondance
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n annonçant, le 1er avril, l’ouverture d’une grande enquêtesur les Frères musulmans, David Cameron a suscité un flot d’interrogations sur ses intentions. A-t-il cédé aux pressions de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, deux pays résolument opposés à cette organisation ? Ou biencherche-t-il à enrayerle début d’un regroupement des Frères musulmans à Londres, pour éviter de faire de la capitale du RoyaumeUni une base arrière de l’islamisme? L’enquête lancée par le premier ministrebritanniquen’est pasjudiciaire. Il s’agit d’un rapport commandé au Foreign Office, avec la coopération des services secrets intérieursetextérieurs,quidoitfaire le point sur cette organisation née il y a près d’un siècle en Egypte et qui a gagné toutes les élections de l’après-Moubarak, avant d’être chassée du pouvoir par le coup d’Etat militaire de juillet 2013.
L’enquête est lancée six semaines après la commande par Riyad de 72avions de combat à BAE Systems M. Cameron a lui-même énoncé les questions auxquelles il voulait avoir une réponse : « Quelles sont leursvaleurs?Quelleestleurprésence au Royaume-Uni ? Croient-ils en l’extrémisme, ou en l’extrémisme violent? Quels sontleurs réseaux? » Dans un communiqué, les Frères musulmans répliquent qu’ils sont une organisation légale, qui condamne toute violence et qui promeut la démocratie. Ils rejettent la responsabilité des troubles en Egypte sur le régime militaire, « dont la violence sans limite a menéàlamortillégalede2000personnes et à la détention de 20000 Egyptiens». L’organisation se dit prête à coopérer pleinement aveclegouvernementbritannique. «Unetelleenquêteestunesurprise majeure : les Frères musulmans sont au Royaume-Uni depuis très longtemps. Ils ne viennent pas de s’installer », s’étonne Fawaz Gerges, de la London School of Economics. L’étonnement est d’autant plus important que l’enquête a été confiée à John Jenkins, qui est actuellement l’ambassadeur du
Manifestation de soutien au président déchu Mohamed Morsi devant l’ambassade d’Egypte à Londres, en octobre 2013. PETER MARSHALL/DEMOTIX/CORBIS
Royaume-Uni en Arabie saoudite. Ce pays est très opposé aux Frères et vient de les classer en tant qu’«organisationterroriste», comme l’avait fait l’Egypte en 2013. « Il est difficile de voir comment M. Jenkins pourra réaliser ce rapport de façon indépendante tout en conduisant son travail d’ambassadeur dans un pays non démocratique en opposition politique ouverte aux Frères musulmans », s’inquiète l’organisation. Le Royaume-Uni est soupçonné d’avoir cédé aux pressions de son principal allié dans le Golfe. « Il est clairque l’Arabiesaouditeet l’Egypteontinfluencéladécisionbritannique, estime Maha Azzam, chercheuse à l’institut Chatham House. Ces deux pays cherchent à tuer dans l’œuf toute tentative de regroupement des Frères musul-
mans, pour faire taire leur voix. » Les relations économiques étroites entre Londres et Riyad ajoutent à la suspicion de connivence: l’annonce de l’enquête intervient en effet six semaines après la commande de 72 avions de combat Eurofighter Typhoon à l’entreprise britannique BAE Systems par l’Arabie saoudite. M. Gerges abondedans le même sens, mais ajoute une deuxième explication à cette enquête. « Le gouvernementbritannique ne veut pas reproduire l’erreur des années 1990, quand Londres avait été une base pour de nombreux djihadistes. Annoncer publiquement cette enquête permet à la fois de faire passer un message aux islamistes, de leur dire qu’ils sont surveillés, et de rassurer les alliés britanniques, dont l’Arabie saoudite.»
Downing Street a-t-il de bonnes raisons de s’inquiéter d’un regroupement des Frères musulmans au Royaume-Uni? Difficile de se faire une idée précise de l’organisation outre-Manche. Elle n’a pas d’existence légale et n’est enregistrée nulle part. Elle n’a pas de siège. Les nombreuses tentatives de rencontrer un de leurs représentants à Londres ont été infructueuses. La presse britannique fait grand bruitd’unpetitappartementà Cricklewood, dans la grande banlieue nord de Londres, qui serait leur nouveau lieu de rassemblement. Mais le logement modeste, situé au-dessus d’un ancien vendeur de kebabs, est de fait le siège d’une petite maison d’édition, World Media Services, qui existe depuis deux décennies. Celle-ci anime effectivement un site Internet
La diplomatie égyptienne s’active contre la confrérie Le Caire Correspondance
Dans les couloirs du ministère égyptien des affaires étrangères, les diplomates se réjouissent. Après l’annonce de Londres, le 1er avril, d’ouvrir une enquête sur les activités des Frères musulmans sur son territoire, Washington a décidé, mercredi 9 avril, d’inscrire Ansar Beit Al-Makdis sur le registre des organisations terroristes étrangères. Active depuis la destitution du président Mohamed Morsi par l’armée en juillet2013, la cellule, qui serait basée dans le nord du Sinaï, a revendiqué les principaux attentats qui ont secoué l’Egypte ces derniers mois. « C’est un pas en avant dans la condamnation du terrorisme. Nous serons bientôt en mesure de prouver les relations qui existent entre ce groupe et les Frères musulmans », assurait un porte-parole de la diplomatie égyptienne dans les colonnes du journal gouvernemental Al-Ahram. En décembre 2013, la confrérie a été étiquetée « organisation terroriste» par le gouvernement égyptien.
« Néanmoins, rien ne prouve pour l’instant que les Frères musulmans ont fait le choix de la violence armée», nuance Adel Souleimane, général à la retraite, aujourd’hui à la tête d’un think tank spécialisé dans la stratégie militaire. Pourtant, LeCaire ne ménage pas ses efforts pour rallier les pays arabes et, au-delà, la communauté internationale à sa lutte contre le terrorisme. Dans les ambassades occidentales, on évoque un travail «tous azimuts», même si la demande n’a pas été explicitement formulée par les autorités égyptiennes. Le ministère des affaires étrangères affirme coopérer et échanger des informations avec plusieurs Etats. «Nous fournirons tous les documents nécessaires afin que les pays nous viennent en aide contre le terrorisme», a déclaré un de ses porte-parole. Adly Mansour, le président par intérim, a fait le déplacement au sommet annuel de la Ligue arabe, fin mars au Koweït, pour porter le message de l’Egypte. M. Mansour a demandé la réactivation de la convention antiterroriste, texte non contraignant et jamais appli-
qué, ratifié en 1998 par 18 Etats sur 22 des membres de l’organisation panarabe. « Cette démarche diplomatique n’est pas nouvelle, remarque Hicham Mourad, professeur de relations internationales à l’Université du Caire. Dans les années 1990, l’Egypte de Moubarak, alors frappée par une vague de terrorisme, était à l’initiative de cette convention.»
« Véritable menace » L’Arabie saoudite a été la première, début mars, à qualifier les Frères musulmans d’«organisation terroriste» sur son territoire. «Pour la famille royale, les Frères représentent une véritable menace, car ils constituent une alternative politique sérieuse à la monarchie», précise M. Mourad. Cependant, mis à part les Emirats, le Koweït et l’Arabie saoudite, qui ont ouvertement soutenu le coup d’Etat militaire contre la confrérie, il est peu probable que d’autres pays arabes répondent favorablement à l’appel égyptien. « En Tunisie, au Maroc, les Frères musulmans sont des acteurs de la vie politique, note l’universitaire.
Début mars, la Jordanie a publiquement refusé de les inscrire sur une liste terroriste.» Toute la question consiste à savoir ce que recouvre l’appellation « terrorisme». Si, à l’extérieur, le gouvernement égyptien pratique un lobbying plus ou moins appuyé, il est passé à la vitesse supérieure à l’intérieur de ses frontières en étendant, début avril, le champ d’application de sa législation antiterroriste. Désormais, «porter atteinte à l’unité nationale», «l’ordre public» et «aux systèmes de communication» sera passible de la peine de mort. Ces amendements au code pénal doivent être signés prochainement par le président intérimaire. Dans un communiqué commun, 15 organisations de défense des droits de l’homme égyptiennes dénoncent le retour d’un état d’urgence qui ne dit pas son nom. «Tant que le gouvernement aura recours à la torture, aux meurtres d’opposants et à des peines de mort massives, il ne pourra pas mettre fin aux actions terroristes», préviennent les signataires. p
Marion Guénard
reprenant la littérature de la confrérie, mais son propriétaire dément faire partie de l’organisation ou la représenter. « Il n’y a pas d’organisation parce que c’est un réseau », explique M. Gerges. Les liens sont informels. Il existe cependant quelques signes tangibles d’un regroupement au Royaume-Uni. Plusieurs hauts dirigeants des Frères s’y sont installés, dont Gomaa Amin et Mohammed Soudan, un ancien haut responsable du parti Liberté et justice, l’aile politique du groupe. « Il ne s’agit que de quelques individus: on parle de trois ou quatre personnes », tempère Mme Azzam. C’est aussi depuis Londres que les Frères musulmans gèrent leurs affaires judiciaires. En novembre 2013, ils ont recruté deux
ténorsdubarreau de Londres,dont Ken Macdonald, l’ancien directeur du parquet britannique. Celui-ci siège à la chambre des Lords et possède un excellent réseau politique. Il a notamment saisi le procureur de la Cour pénale internationale pour lui demander d’ouvrir une enquête pour crimes contre l’humanité contre le régime militaire égyptien.Il va égalementreprésenter les Frères dans le cadre de l’enquête menée par Downing Street. « Mes clients estiment qu’ils n’ont rien à craindrede cette enquête », assure-t-il. Si le gouvernement britannique décidait malgré tout de restreindre la liberté d’expression des « Frères » londoniens, il prévient qu’il n’hésiterait pas à utiliser tout les recours judiciaires possibles. p Eric Albert
AuCaire, le procès d’Al-Jazira tourne à la farce Le Caire Correspondance
« Quelqu’un doit nous expliquer pourquoi nous sommes en prison depuis quatre mois alors qu’il n’y a pas une once de preuves contre nous», a crié Mohammed Fahmy à travers les grilles de la cage, tandis que le juge levait la séance. Jeudi 10 avril, trois journalistes d’Al-Jazira en anglais, chaîne possédée par le Qatar, principal soutien des Frères musumlmans dans le monde arabe, comparaissaient devant le tribunal de la prison de Torah, au sud duCaire. Arrêtés fin 2013, Mohammed Fahmi, Peter Greste et Baher Mohamed sont accusés d’avoir sali la réputation de l’Egypte et de s’être rendus complices de la confrérie. Lors de cette cinquième audience, le parquet a projeté trois vidéos trouvées sur des disques durs des journalistes et présentées comme des pièces à conviction. Aucune d’entre elles n’avait été produite par Al-Jazira. La première était une
série de reportages consacrés au traitement des chevaux dans le sud de l’Egypte et diffusée sur Sky News Arabia. La seconde, des rushs tournés lors d’une conférence de presse à Nairobi, peu après les attentats contre un centre commercial en octobre2013. La dernière, un reportage produit par la BBC sur la situation sécuritaire en Somalie en 2011. Ancien correspondant de la BBC, Peter Greste était basé au Kenya avant d’être envoyé en Egypte, où il a été arrêté quelques semaines après son arrivée. «Il est évident que le procureur n’a même pas regardé nos vidéos », s’est insurgé le journaliste australien. « Nous sommes punis pour être des employés d’Al-Jazira», a surenchéri Mohammed Fahmi. Sans lien avec la chaîne qatarie, cinq étudiants étaient dans le box des accusés. L’un d’entre eux, Khaled Raouf, en grève de la faim depuis quinze jours, s’est effondré pendant l’audience. Le procès a été ajourné au 22 avril. p M. Gu.
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international & europe
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Moscou menace l’Europe de couper le gaz à l’Ukraine M. Poutine a écrit à dix-huit chefs d’Etat de l’UE pour exiger le paiement de la dette de Kiev
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ans une lettre adressée à 18 chefs d’Etat européens jeudi 10 avril, le président Vladimir Poutine menace de fermer le robinet du gaz vers l’Ukraine si Kiev ne rembourse pas sa dette gazière, soit 2,2milliards de dollars (1,6 milliard d’euros). « La dette de Naftogaz [NAK, la compagnie gazière ukrainienne] ne cesse d’augmenter. (…) Alors qu’une ristourne s’appliquait en mars, l’Ukraine n’a pas versé un seul dollar. (…) Dans ces conditions, Gazprom est obligé de recourir désormais au système de prépaiement, et en cas de non-respect du contrat, se réserve le droit de cesser ses fournitures, partiellement ou totalement », prévient le président russe dans une lettre diffusée à la presse par GPlus Europe, le communiquant du Kremlin et de Gazprom pour l’Europe. Rappelant que la Russie n’avait cessé de « subventionner l’Ukraine », à hauteur de plus de 35 milliards de dollars ces quatre dernières années, M. Poutine demande un soutien « sur un pied d’égalité » avec les partenaires européens.
« Promesses » L’Union européenne (UE), accuse-t-il,nefaitqu’abuserunpayséconomiquement exsangue : « Que des promesses, aucune action réelle. L’UE se sert de l’Ukraine en tant que fournisseur de produits agricoles, de métaux, de ressources minérales tout en lui vendant ses produits chimiques et ses machines outils, ce qui créée un déficit de la balance commerciale de plus de 10milliards de dollars.» Il met en garde contre le risque de voir l’Ukraine subtiliser le gaz russe destiné à l’Europe. Onze milliards de mètres cubes doivent
être stockés dans les réservoirs ukrainiens pour assurer le transit, rappelle-t-il. Ce point était l’objet d’une discussion au Parlement ukrainien jeudi. « Naftogaz n’a que 7,2 milliards de mètres cubes au lieu des 20 milliards prévus. Je ne suis pour rien dans le vol de ce gaz », a déclaré le premier ministre par intérim Arseni Iatseniouk. Va-t-on vers une nouvelle guerredu gaz ? Le spectre des crises de 2006 et 2009 resurgit, quand Moscou avait coupé le robinet vers l’Ukraine, privant d’énergie des millions de foyers européens (Gazpromassure30 %delaconsommation gazière du Vieux Continent). A l’époque, 70 % du gaz destiné à l’Europe transitait par l’Ukraine. Avec la mise en service du gazoduc Nord Stream sous la Baltique, ce volume est tombé à 15 %. Toutefois la totalité du gaz russe vendu à la Turquie, à la Grèce, à la Bulgarie continue de transiter par le territoire ukrainien. La menace de M. Poutine intervient après que les autorités proeuropéennes de Kiev ont refusé l’augmention de 80 % imposée par
Vladimir Poutine, jeudi 10 avril, dans la résidence présidentielle de Novo-Ogariovo, en banlieue de Moscou. MIKHAIL KLIMENTYEV/RIA-NOVOSTI/AFP
Gazpromau1er avril.Moscouaccentue plus que jamais la pression sur sa voisine slave au moment où les caisses du pays sont vides, où les régions du sud et de l’est sont au bord du chaos tandis que 40 000 soldats russes, sont installés à la frontière ukraino-russe. La Russie cherche à conforter sa
position à la veille d’une rencontre quadripartite (UE, Etats-Unis, Russie,Ukraine)pourtrouverunesolution à la crise ukrainienne qu’elle a largement contribué à créer par son chantage commercial et son annexion de la Crimée. Le Kremlin ne cache pas son intention d’imposer un protectorat sur sa voisine.
Le Conseil de l’Europesuspendles droits de vote de la Russie Bruxelles Bureau européen
Lors d’un entretien téléphonique, dans la nuit de jeudi 10 à vendredi 11avril, Barack Obama et Angela Merkel ont examiné la possibilité de «nouvelles sanctions» à l’encontre de Moscou. Le président américain a « souligné le besoin pour les Etats-Unis, l’Union européenne et les autres pays partenaires de se préparer à répondre à une escalade russe » en Ukraine. Barack Obama et Angela Merkel se sont inquiétés de « la situation dans
l’est de l’Ukraine, où des séparatistes prorusses, apparemment avec le soutien de Moscou, continuent à mener une campagne orchestrée de sabotage et de provocation». Quelques heures plus tôt, à Strasbourg, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe votait à une large majorité la suspension jusqu’à la fin 2014 des droits de vote de ses 18 membres russes. La question des sanctions économiques divise profondément les Européens en fonction de leur dépendance énergétique, commerciale ou financière avec la Russie.
Elle devrait s’inviter à l’agenda d’une réunion des ministres des affaires étrangères des Vingt-Huit, les 14et 15 avril au Luxembourg. Les Européens devraient aussi, ce jour-là, examiner les modalités d’une réponse commune au courrier envoyé par Vladimir Poutine à dix-huit pays clients de Gazprom, dont la France, l’Allemagne et la Pologne. «La lettre est davantage vue comme une menace, même si elle propose d’ouvrir des consultations», dit-on dans l’entourage d’Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen. « Nous
La« république de Donetsk » ? Onze étages sans ascenseur Donetsk Envoyé spécial
Une république qui fonctionne sur onze étages sans ascenseur est un concept géopolitique incertain. Mais l’incertitude est devenue le nouveau parfum de l’Ukraine, pays en danger où la visibilité politique ne se compte plus qu’en heures. Il faut donc prendre au sérieux ces jeunes hommes masqués et armés de bouts de bois que l’on croise par dizaines, en empruntant l’escalier de l’administration régionale à Donetsk. Le bâtiment a été pris le 6 avril par des militants prorusses. Depuis, une fourmilière anarchique s’est développée. On y transporte des bocaux de légumes, des biscuits et de l’eau. On déplace des meubles, on érige des protections contre d’éventuels assaillants. Les ascenseurs ont été coupés pour empêcher un assaut par le soussol. On monte la garde, on organise une circulation alternée à cause de l’étroitesse du passage, on se donne des airs de conspirateur. Et puis, il y a le onzième étage, celui des représentants politiques, où le mobilier n’a pas été dégradé. C’est là que la « république nationale de Donetsk» prétend accomplir ses premiers pas. Elle a son sceau. Elle dispose d’un conseil populaire de 82 membres qui se crient dessus pour des virgules, rassemblés dans une salle de réunion ouverte à quelques journalistes. Et puis, il y a un présidium de
LITU. P O LO G N E
Reportage
Pour l’élite politico-militaire aux manettes de la Russie, il s’agit d’en finir avec le nouveau gouvernement de Kiev, décrit comme une « junte » et d’empêcher à tout prix que la présidentielle prévue pour le 25 mai se déroule normalement. Le seul président légitime est Viktor Ianoukovitch, lequel,
RUSSIE
BIÉLORUSSIE
Kiev
Kharkiv
UKRAINE
Donetsk
MOLD. ROUMANIE
Donbass
Odessa
Crimée Sébastopol
Mer Noire TURQUIE
50 km
douze personnes. Sa voix officielle est celle de Denis Pouchiline. Ce jeune homme de 32 ans originaire de Makiivka (11 km au nord-est de Donetsk) est apparu, lors des manifestations à Donetsk organisées depuis un mois, comme l’adjoint du « gouverneur populaire », Pavel Goubarev, arrêté par les autorités. Sur Internet, il est surtout connu comme l’un des cadres en Ukraine de l’entreprise MMM, la pyramide de Ponzi la plus ravageuse dans l’ère postsoviétique, avec des centaines de milliers d’investisseurs. C’est lui qui intervient devant la presse pour présenter les propositions qu’aurait adressées le gouverneur, l’oligarque Sergueï Tarouta, à la « république ». Au cœur des négociations se trouvent, selon Denis Pouchiline, la tenue d’un référendum sur le statut du Donbass, une amnistie générale, ainsi que des « patrouilles communes » avec la police de Donetsk, dans un parallé-
lisme évident avec les nationalistes de Pravyi Sektor (« Secteur droit») à Kiev, après la révolution de Maïdan. Enfin, pas question de déposer les armes, tout juste de se retirer des deux derniers étages du siège si les demandes de la « république » sont entendues. Le gouvernement provisoire veut aussi créer au plus vite une « armée populaire ». Les autorités régionales, elles, n’ont qu’un objectif: l’évacuation du bâtiment, pour crever l’abcès. Une logique imparable il y a deux jours encore, qui ne l’est plus, car la contestation coagule vite des colères multiformes, qui pourraient s’exprimer en d’autres lieux. Quelques mineurs sont apparus devant le siège de l’administration, effarés par la perte de leur pouvoir d’achat : la hryvnia a chuté de 10,9 pour un euro au 1er janvier à 16,3, selon la Banque nationale. Le premier ministre, Arseni Iatseniouk, a dû percevoir cet engrenage: il s’est rendu à Donetsk vendredi, plus d’un mois après sa nomination. Puis viendra le week-end, qui permettra à de nombreux salariés de venir devant le siège, devenu le symbole de la défiance du Donbass contre le pouvoir central. Face à Denis Pouchiline, à l’aise dans son costume, les « députés du peuple » demeurent silencieux. Se rendent-ils compte que leur aventure a un impact au-delà même des frontières de l’Ukraine ? Que dans cette salle de réunion, où l’on devrait parler voirie
et pensions de retraite, se joue une tragi-comédie dont personne ne mesure encore les déflagrations ? Ni les propos martiaux du gouvernement à Kiev, contre les « terroristes » et les « séparatistes » qui occupent les bâtiments publics à Lougansk et à Donetsk, ni la menace d’un assaut ne semblent les perturber. « Toutes les deux heures, on entend parler d’une attaque imminente, explique Denis Pouchiline. Personne ne veut assumer la responsabilité d’un bain de sang. Mais un assaut ne résoudrait rien. Si on nous tue ou si on nettoie le bâtiment, bien plus de gens viendront devant. »
« Première vague » Penché sur un livre juridique dans la salle du conseil, Nikolaï Solntsev, 44 ans, a un air absorbé. Il est l’un des 82 membres. Nous l’avions rencontré place Lénine, deux semaines plus tôt, lors d’une manifestation. « Commissaire politique » du Front de l’Est, l’une des organisations qui a émergé dans la contestation prorusse, il nous avait annoncé une « possible explosion sociale contre les clans oligarchiques ». Il jubile. « Ce n’est que la première vague de la contestation. Le peuple se soulève et se trouve en situation de guerre contre le pouvoir. » Et la majorité silencieuse ? « Ce sont des séparatistes cachés ! » Leur objectif ? « 80 % des gens pensent qu’on devrait créer notre territoire autonome dans le cadre d’une Ukraine fédéralisée. » p Piotr Smolar
sommes exactement dans la configuration de 2009, quand les Russes avaient interrompu leurs livraisons, au prétexte que les Ukrainiens en prélevaient une partie», constate-t-on à l’Elysée. Les ministres des affaires étrangères devaient discuter lundi de l’envoi en Ukraine d’une mission civile d’experts chargés de venir en aide au gouvernement en matière de police et de justice. L’objectif de la mission serait de « rétablir la confiance dans l’état de droit en Ukraine ». p
Philippe Ricard
PORTRAIT DE PHILANTHROPE
Moscou Correspondante
après une fuite honteuse fin février, a trouvé refuge dans une villa cossue de Barvikha, dans la banlieue chic de Moscou. De temps à autre, l’ex-président se rend à Rostov-sur-le-Don, non loin de la frontière ukrainienne, et donne une conférence de presse pour rappeler que son retour à la tête de l’Ukraine est imminent. Ses partisans font tout ce qu’ils peuvent pour tenter d’arracher les régions orientales et industrielles de l’Ukraine à la tutelle de Kiev. Ainsi, selon les médias ukrainiens, Alexandre Efremov, le chef de la fraction du parti russophone des régions à la Rada (le Parlement ukrainien)quifutjadisgouverneur de Lougansk, serait le chef de file et le financier de la contestation en cours dans cette région frontalière de la Russie. Tout récemment, les manifestationsontgagnéNikolaievsk, port par lequel partent tous les convois d’armes russes destinés à l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine et le Proche-Orient, la Syrie de Bachar Al-Assad en tête. p Marie Jégo
Jérôme Lecat Philanthrope entrepreneur
A son actif, trois start-ups créées entre Paris et San Francisco. Jérôme Lecat, qui dirige un des leaders mondiaux du stockage de données de masse, fait partie des jeunes entrepreneurs que François Hollande a rencontrés en Californie en février dernier. En école d’ingénieur, il installe un virement mensuel de 100 Francs à l’association SOS Villages d’Enfants. Un premier déclic, lié à sa conviction que « réussir dans la vie donne des responsabilités ». En 2010, avec sa femme Anya, il crée la Sugar Foundation (www.fondation-sugar.fr) sous l’égide de la Fondation de France. « Le sucre, pour mettre de la douceur dans la vie des gens… » Sa cible : l’enfance et l’adolescence. « C’est en donnant les moyens aux enfants de devenir des adultes passionnés et équilibrés que l’on peut changer le monde ». Avec 50 000 € à 100 000 € par an, la fondation soutient des projets variés : art-thérapie (danse, mime, théâtre, cirque) avec les associations Machu Pichu et Isao, Maisons d’accueil avec Henri Cohen Solal, thèses de doctorat de travailleurs sociaux en collaboration avec l’Université Paris VII, sensibilisation à la nutrition avec le Cirque des Légumes… Pragmatique, il déplore que les Français assujettis à l’ISF n’utilisent pas davantage les dispositifs fiscaux permettant de choisir l’allocation de son impôt. « Pour ma part, de toute façon je donnerais cet argent. Du coup, c’est un impôt que je suis heureux de payer ! » Fondation de France : le cadre idéal de votre philanthropie www.fondationdefrance.org
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international
Samedi 12 avril 2014
Pour Enrique Peña Nieto, «le moment mexicain arrive» A l’occasion de la visite de M.Hollande, le président du Mexique évoque, dans un entretien au «Monde», le réchauffement des relations bilatérales Entretien Mexico Correspondance
L
e président mexicain, Enrique Peña Nieto, a accueilli, jeudi 10 avril, François Hollande pour une visite d’Etat de deux jours, destinée à officialiser la réconciliation entre les deux pays. M. Peña Nieto a accordé au Monde un entretien sur la nouvelle coopération entre les deux pays. L’affaire Florence Cassez, une Française emprisonnée sept ans à Mexico pour enlèvements et libérée en janvier 2013, après une mobilisation ayant mis en lumière les lacunes de l’enquête, avait provoqué une crise diplomatique entre la France et le Mexique. La visite d’Etat vientelle solder le contentieux ?
Notre rencontre confirme les retrouvailles entre la France et le Mexique, initiées lors de ma venue à Paris en octobre2012, deux mois avant mon entrée en fonctions. A cette occasion, M. Hollande et moi avions abordé cette affaire qui avait provoqué une crispation entremonprédécesseur,FelipeCalderon, et M. Sarkozy. Nous partagions déjà le même avis sur le fait qu’elle ne devait plus prendre en otage nos relations bilatérales. Laquarantained’accordsdecoopération signés jeudi marque une nouvelle étape. Par une heureuse coïncidence, cette visite a lieu au momentducinquantièmeanniversaire de celle, historique, du général de Gaulle qui avait invité le Mexique à marcher « la mano en la mano» avec la France.
M. Hollande est accompagné de nombreux dirigeants de grands groupes français. Ce « nouveau souffle » est-il animé surtout par l’économie ?
Oui, même si notre rapprochement est aussi culturel ou éducatif. Nous avonscréé un conseilstratégique, composé de grands patrons des deux pays. La France, comme d’autres pays, s’intéresse au Mexique. Mon gouvernement a lancéune série de réformesstructurelles qui vont stimuler la croissance. La première a été celle de l’éducationpouraméliorerlaqualité de notre capital humain. Ensuite, la réforme financière, qui développera le crédit, stimulant l’économie. Quant à la réforme fiscale, elle va doter l’Etat d’une capacité financière supplémentaire investie dans l’éducation ou les infrastructures. Elle va aussi promouvoir le travail légal [60 % de la population active travaillent dans le secteur informel] et ouvrir l’accès
à la Sécurité sociale à des populations qui en sont exclues. Enfin, la réforme énergétique, quiestsansdoutela plusimportante. L’Etat reste propriétaire du pétrole mais son monopole s’ouvre aux investisseurs privés. Début 2013, des économistes ont inventé une expression, le « Mexican moment », pour décrire ce décollage. Pourtant, la croissance s’est limitée à 1,1 % en 2013 et 3 % sont attendus en 2014. Pourquoi le Mexique ne décolle-t-il pas ?
Le« Mexicanmoment» arrive.Il faut juste attendre le vote par le Congrès de lois secondaires qui donneront corps aux réformes. Sans compter que notre économie a été victime de la crise et du redémarrage progressif des Etats-Unis. 80 % des exportations mexicaines sont destinées à votre voisin américain. Le rapprochement avec la France peut-il être un tremplin pour les diversifier ?
Le président mexicain, Enrique Peña Nieto, et François Hollande, le 10 avril, à Mexico. EDUARDO VERDUGO/AP
Sans aucun doute. La place qu’occupela Franceau sein de l’Europe peut jouer un rôle déterminant pour appuyer notre volonté d’élargir notre accord de libreéchange avec l’Union européenne. Sans compter les investissements français au Mexique, notamment dans l’aérospatiale, où la France occupe une place de choix.
L’embarras face à l’affaire Versini-Montiel « LA VISITE du président français est mon seul espoir», clame Maude Versini, mère de trois enfants retenus au Mexique par leur père, Arturo Montiel. L’affaire est épineuse : son ex-mari est le cousin par alliance et l’ancien mentor politique du président mexicain, Enrique Peña Nieto, qui lui avait succédé en 2005 au poste de gouverneur de l’Etat de Mexico. « Le Quai d’Orsay m’a conseillé de ne pas me rendre au Mexique », confie-t-elle à Paris, soulignant
que François Hollande ne défendra pas son cas en public. Mme Versini avait la garde de ses jumeaux de 9 ans et du cadet autiste de 8 ans depuis son divorce en 2007. Après un séjour des enfants en décembre2011 au Mexique, M. Montiel a refusé de les rendre à leur mère, l’accusant de les maltraiter. Le 13 mars, un nouveau recours de Maude Versini a été rejeté par un tribunal de l’Etat de Mexico. Son avocate, Clémence Witt,
dénonce « la partialité des juges ». Jeudi 10 avril, M. Hollande a déclaré, devant la communauté française de Mexico, que « la France n’abandonne personne », évoquant des « drames conjugaux». M.Peña Nieto, de son côté, a déclaré : « Cette affaire privée, qui est entre les mains de la justice, n’est pas à l’agenda de notre rencontre.» Si la diplomatie échoue, l’ultime recours de Mme Versini sera la Cour suprême du Mexique. p
F. Sa. (à Mexico)
L’insécurité freine aussi le développement du Mexique. La création d’une gendarmerie nationale, avec l’aide de la France, estelle un élément-clé de votre stratégie de lutte contre les cartels ?
C’est un des axes stratégiques. LaFrancevanousaideràformerles instructeurs de nos futurs gendarmes, dont les premiers devraient être opérationnels en juillet. Ce corps spécialisé sera sous l’autorité de la police fédérale. Il remplacera les forces de l’ordre locales dans les régions victimes d’une faiblesse institutionnelle.Maislagendarmerie ne représente qu’une partie de la solution au problème. Par exemple, notre stratégie prévoit aussi uneréformede lajustice,avecl’instauration de procédures orales. Le magazine d’investigation, « Zeta », a révélé que le niveau de violence reste identique à celui de votre prédécesseur (23 000 morts depuis quatorze mois). Votre nouvelle stratégie donne-t-elle les résultats escomptés ?
Je ne connais pas ces chiffres et lesconteste.Leshomicidesontbaissé de 16 % depuis un an. Ceux liés au crime organisé ont chuté de plus de 30 %. D’autant que, sur les 122 narcotrafiquants les plus recherchés, 65 ont été arrêtés et 10 autres tués par les forces de l’ordre. Dans le Michoacan (ouest), des groupes d’autodéfense ont été créés par des habitants exaspérés par l’impuissance des autorités. Ces milices menacent-elles l’Etat de droit ?
Cesgroupessesontcréésenréaction au non-respect de la loi dans cette région. Le gouvernement a proposéàleursmembresd’enregistrer leurs armes et de leur confier des tâches de sécurité locale. Certains l’ont fait, pas d’autres. Pour rétablir l’Etat de droit, nous avons renforcé le déploiement des forces del’ordre. Letravailn’estpasterminé mais en bonne voie. Quand les conditions de sécurité seront rétablies, ces groupes disparaîtront. p Propos recueillis par Frédéric Saliba
Israëlprenddes mesuresde représailleséconomiquescontrel’Autoritépalestinienne
Washington a mis en cause le gouvernement de Benyamin Nétanyahou au sujet de la crise que traverse le processus de paix au Proche-Orient Jérusalem Correspondant
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L
’escalade politique et verbale entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi entre Israé-
liens et Américains, réduit chaque jour davantage les chances de survieduprocessusde paix au ProcheOrient. Mettant à exécution sa menace de répondre par des « mesures unilatérales à toutes les
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mesures unilatérales » des Palestiniens, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a ordonné, jeudi 10 avril, le gel du transfert des taxes collectées par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne. Cessommes,qui atteignentchaque mois environ 100 millions de dollars (72 millions d’euros), représententles deux tiers du budgetde l’Autorité palestinienne (hors donations étrangères) et servent, notamment, à payer les salaires de ses quelque 150 000 fonctionnaires. Israël a précisé que le produit de ces taxes servira à rembourser une partie de la dette palestinienne, en particulier à la compagnie israélienne d’électricité. Cette arme économique a été utilisée à plusieurs reprises dans le passé, notamment en novembre 2012, lorsque la Palestine est devenue Etat observateur non membre des Nations unies, et en octobre 2011, lorsqu’elle a été admise à l’Unesco. En complément de ces mesures fiscales, les autorités israéliennes ont annoncé un plafonnement des dépôts palestiniens dans les banques israéliennes et une suspension de leur participation dans le projet de prospection gazière au large de Gaza, lequel, de toute façon, est en panne. Ces représailles israéliennes s’ajoutent au blocage de l’extension dans la bande de Gaza du réseau de téléphonie mobile Wataniya (que dirige l’un des fils de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne) et à la suspension du projet de mise en place du réseau 3G en Cisjordanie. Mercredi, M. Nétanyahou avait ordonné à ses ministres de cesser tout contact avec leurs homologues palestiniens, une mesure à laquelle échappent les discussions
diplomatiques et la coopération sécuritaire, lesquelles représententl’essentiel des relationsbilatérales. Toutes ces dispositions visent à sanctionner M. Abbas pour avoir demandé l’adhésion de la Palestine à quinze conventions internationales, dont les Nations unies sont, pour certaines, dépositaires. Jeudi, l’ONU a jugé les requêtes palestiniennes recevables, et celles-ci pourraient être effectives le 2 mai. L’initiative de Mahmoud Abbas était elle-même une réplique au refus du gouvernement israélien de libérer, le 29 mars, un dernier groupe de 26 prisonniers
Le premierministre israéliena ordonné legel du transfertdes taxescollectéespour lecomptede l’Autorité palestinienne palestiniens – comme il s’y était engagé –, dans le cadre d’un accord global pour prolonger les négociations de paix au-delà de la date butoir du 29 avril. Les Israéliens ont été ulcérés de constater que le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a paru donnerraison auxPalestiniens,en soulignant que le refus israélien s’était accompagné de l’annonce de « 700 logements de colonisation » à Jérusalem-Est. Israël s’est déclaré « profondément déçu » de la réaction américaine. Nul doute que Washington, qui a qualifié de « fâcheuse» la décision israélienne de cesser les contacts officiels avec les Palestiniens,va réagirnégativement aux représailles financières qui viennent d’être adoptées à Jérusalem.
Encore que la Maison Blanche est placée dans une situation contradictoire : une disposition votée par le Congrès oblige en effet l’administration à suspendre l’aide financière américaine aux Palestiniens, dès lors que ceux-ci demandent leur adhésion à des agences de l’ONU. Si cette épée de Damoclès frappe l’Autorité palestinienne, celle-ci pourrait connaître une grave situation financière, voire politique. Incapable de subvenir à ses besoins, la direction palestinienne pourrait être tentée de jeter l’éponge – c’est-à-dire de se dissoudre –, ce qui reviendrait à rendre Israël responsable de la gestion de la Cisjordanie, tant sur le plan économique que sécuritaire. C’est en se plaçant dans la perspective d’une crise financière que M.Abbas a demandé mercredi aux pays de la Ligue arabe d’honorer leur promesse de fournir 100 millions de dollars par mois à l’Autorité palestinienne. Le président palestinien a également obtenu le feu vert de ses pairs pour poursuivre les pourparlers avec Israël au-delàdu29avril, à conditiontoutefois que ceux-ci aient clairement pour objectif la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale. Autant dire qu’à ce stade, les chances d’une prolongation des discussions s’amenuisent, même si une nouvelle rencontre tripartite (avec l’émissaire américain Martin Indyk) a eu lieu jeudi 10 avril, à Jérusalem. A Washington, l’exaspération devant ce surplace diplomatique s’accentue, le président Barack Obama ayant fait savoir qu’il partageait la frustration de son secrétaire d’Etat. Les Etats-Unis sont en train de « réévaluer» leur rôle dans le cadredu processusde paix,en particulier,a sou-
ligné John Kerry, parce que le temps que l’administration peut consacrer à ce dossier est limité. D’autant que ces atermoiements israélo-palestiniens ne doivent pas faire illusion : toute cette énergie diplomatique n’a plus pour but de négocier les contours d’un Etat palestinien, ni même un « accord-cadre », pas plus que de se mettre d’accord sur lesgrands principesd’une négociation, mais de trouver une issue à la question de la libération de 26 prisonniers palestiniens, ce qui pourrait permettre, peut-être,d’envisager une prolongation des discussions – jusque-là stériles –, au cours des prochains mois… p
Laurent Zecchini
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international & planète
Samedi 12 avril 2014
EnItalie,lajusticeautorise la procréationavecdonneur etvalideunmariagegay L’Eglise catholique avait jusque-là freiné les évolutions législatives sur les sujets de société
Rome Correspondant
S
oumis à la pression de l’Eglise et des milieux catholiques, les responsables politiques italienssont pluslentsqu’ailleursà adapter la loi à l’évolution des mœurs. Le divorce n’existe que depuis 1970, l’avortement n’est autorisé – à certaines conditions – que depuis 1978. A chaque fois, la hiérarchie catholique, disposant de solides relais, a fait tout son possible pour empêcherl’évolution de la législation ou compliquer considérablement son application. Un couple souhaitant divorcer par consentement mutuel doit attendre trois ans minimum entre le jugement de séparation et le prononcé officiel de son divorce. Ainsi est-il très difficile de trouver dans le milieu hospitalier un médecin qui accepte de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, la plupart se réfugiant derrière l’« objection de conscience », un droit qui leur est reconnu. Toutefois les mutations de la sociétéfinissentparprendreledessus sur ces freins culturels. Mercredi 9 avril, deux décisions judiciairesontdonnéraisonàceuxquisouhaiteraient que l’Italie intègre le peloton des pays dits « avancés » en matière d’éthique. La première émane de la Cour constitutionnelle, qui a jugé que l’interdictionde la procréation assistée avec don d’ovocytes ou de spermatozoïdes était contraire à la loi. La seconde provient du tribunal de Grosseto (Toscane)qui a validéle mariage de deux homosexuels italiens contracté à New York, ordonnant aux officiers d’état civil d’enregistrer cette union. Il a fallu dix ans de lutte aux associations pour venir à bout de la « loi 40 » qui interdit depuis 2004 la procréation assistée avec donneur. Elle a été peu à peu démantelée à travers les jugements de plusieurs tribunaux. Toutefois, son abrogation par référendum en 2005 a échoué. L’Eglise
Silvio Berlusconi évite les arrêts domiciliaires Condamné à quatre ans de prison ferme (dont trois amnistiés) pour fraude fiscale en août 2013, Silvio Berlusconi devrait purger le restant de sa peine en étant soumis à des travaux d’intérêt général. Jeudi 10 avril, le substitut du procureur de Milan a accédé à cette demande formulée par les avocats de l’ex-Cavaliere, qui éviterait ainsi les arrêts domiciliaires. Le tribunal devrait se prononcer dans les prochains jours. M. Berlusconi, inéligible et privé de ses droits civiques, espère qu’il pourra ainsi participer à la campagne des européennes en soutenant Forza Italia.
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Les fleuves espagnols toujours plus sollicités pour les terres agricoles Ecologistes, scientifiques et pêcheurs contestent les plans hydrologiques présentés par Madrid
italienne a milité ardemment en faveur de l’abstention, évitant ainsi que le quorum soit atteint. Les couples italiens qui en avaient les moyens pouvaient se rendre à l’étranger, notamment en Espagne, ou se résigner à ne pas avoir d’enfant. La loi reste toutefois en vigueur pour les familles monoparentales et les couples du même sexe. L’hebdomadaire Famiglia Cristiana (Famille chrétienne) condamne « la fécondation pour tous » et dénonce « une folie italienne».
« Révolutionnaire » Les « mariés de Grosseto » ont ouvert une autre brèche. Le tribunal a jugé que les registres d’état civil de la ville ne comportaient « pas de référence à la notion de genre » et que le couple devait par conséquenty être inscrit. Lesassociations de défense des homosexuelssaluentune décisionhistorique dans un pays où les unions de couples de même sexe ne sont toujours pas reconnues officiellement. Cet « événement révolutionnaire mérite une réaction politique positive » du président du conseil Matteo Renzi, a estimé le porteparole du Gay Center. Mais le chef du gouvernement n’a fait aucun commentaire sur les deux événements. A la tête d’une coalition gauche-droite où les partisans de l’évolution de la législation et les tenants du statu quo se recrutent dans les deux camps, il estime avoir d’autres priorités. Catholique pratiquant, il s’est prononcé timidement en faveur d’un contrat d’union civile sur le modèle anglais pour les couples homosexuels. Proche de l’ancien président du conseil de gauche Romano Prodi, il n’ignore rien des difficultés rencontrées par ce dernier lorsqu’il a tenté, en 2007, d’instituer sans succès un pacs à l’italienne (« dico ») qui a mobilisé contre lui toute la droite avec l’appui de la hiérarchie catholique. « Il y a toujours d’autres priorités », se désole Michela Marzano, députée du Parti démocrate (PD, centregauche).Professeurdephilosophie à l’université Paris-Descartes, elle souligne, «outre le poids de l’Eglise, l’incapacité des élites politiques et intellectuelles italiennes à penser le changement. C’est probablement dû à un manque de formation culturelle, comme si l’Italie s’était arrêtée aux années 1950». Pourtant, certains signes attestent d’un changement de mentalité, même à droite. Au sein de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, des voix se sont élevées afin que le parti colle davantage aux attentes d’unepartiede lasociété. «Il faudra se battre tous les jours si l’on veut que le pays s’adapte, prévient Michela Marzano. C’est un travail pédagogique de longue haleine.» p
Le réservoir de Mequinenza, construit dans le lit de l’Ebre, dans le nord-est de l’Espagne. KIKE CALVO/NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY/CORBIS Madrid Correspondance
A
vec près de cinq ans de retard sur le calendrier fixé par l’Union européenne, l’Espagne vient d’achever la refonte de ses bassins fluviaux. Ce délai n’est pas un hasard. Le sujet est un véritable casse-tête pour Madrid. Les grands fleuves espagnols traversent plusieurs régionsautonomes,cequi ne manque pas de provoquer des tensions entre administrations lorsqu’il faut définir les volumes d’extraction autorisés. Mais, surtout, l’Espagne manque d’eau pour l’usage intensif qu’elle en fait. « Près de 80 % de l’eau consommée dans le pays sert à l’irrigation de 3,5 millions d’hectares de terres agricoles, explique Santiago Martin, responsable de l’association Ecologistes en action. Ce n’est pas soutenable. Or nous pourrions tout à fait continuer de nourrir le pays et exporter la moitié de notre production en abandonnant l’irrigation de 500 000 ha. » Le gouvernement reste sourd pour le moment aux cris d’alarme des écologistes, des scientifiques et
des pêcheurs. Les nouveaux plans hydrologiquesprésentés, pourtant destinés à s’aligner sur une directive de l’UE qui vise à la protection de la ressource, prévoient ainsi une augmentation(445000ha)des terres irriguées par l’Ebre et la constructionde35nouveauxbarrages. Le fleuve, long de 930 km, traverse sept régions de la moitié nord de l’Espagne et irrigue déjà plusde960000hadeterresagricoles. Son bassin fluvial est aussi mis à contribution par 378 centrales thermo-électriques. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté fin mars dans le delta de l’Ebre, en Catalogne, contre le projet qui menacerait, selon eux, cette zone classée Réserve de biosphèreparl’Unescoen2013.«Lenouveau plan fixe comme objectif de prélever 50 % de son débit moyen alors qu’il y a beaucoup de variationsd’uneannéesurl’autre,s’insurge Julian Ezquerra, porte-parole du réseauBassinbleu,quiregroupeles associations de défense de l’Ebre. Les années de sécheresse, la demande sera supérieure au débit.» Dans le delta de l’Ebre, une réduction du débit signifierait un manque de sédiments et de nutri-
ments pour les élevages de moules et d’huîtres, mais aussi pour la pêche, fertile à l’embouchure. La faiblesse du débit empêcherait aussi le fleuve de pouvoir repousser l’eau de mer qui pénètre de plus en plus dans le delta et le menace d’anoxie, une diminution critique d’oxygène.
Sur certains tronçons, lesquantités d’eau autoriséesàl’extraction sont supérieures aux ressources disponibles En amont, la surexploitation et les nombreux barrages ont déjà freiné la migration de certaines espèces de poissons et favorisé le développement d’algues, qui ne sont plus arrachées par les crues. « Des espèces comme le barbeau et la truite ont presque disparu, alors que d’autres, invasives, ont proliféré », ajoute Julian Ezquerra. Le plan hydrologique de l’Ebre n’est pas le seul à provoquer l’indignation. Depuis 1978, une dérivation du Tage, le plus long fleuve
d’Espagne, vers le Segura permet d’irriguer les champs mais aussi les terrains de golf et les installationsde tourismedemassedeMurcie,une régionvictimedesécheresse chronique. Mais il provoque l’agonie du fleuve plus en aval, autour de Madrid. Le Jucar, dont l’embouchure se situe près de Valence, termine, lui, sa courseà un débit insignifiant,de 0,5 m3 par seconde et dans un état préoccupant de pollution aux nitrates, aux phosphates et aux pesticides. « Il est largement ponctionné sur sa course, surexploité pour l’agriculture et l’approvisionnement en eau de Valence », résume Graciela Ferrer, porte-parole de l’associationJucarvivant.Orlenouveau plan non seulement ne fixe aucune restriction, mais garantit à ceux qui ont des droits d’irrigation des quantités d’extraction supérieures aux ressources disponibles sur certains tronçons. La contestation ne devrait pas s’arrêterà des manifestationslocales. Les écologistes et le gouvernement catalan envisagent déjà de porter un recours devant la Cour de justice européenne. p Sandrine Morel
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Etats-Unis « Obamacare » : démission de Kathleen Sebelius, secrétaire à la santé
WASHINGTON. Barack Obama devait annoncer, vendredi 11 avril, la démission de la secrétaire à la santé, Kathleen Sebelius. Tenue pour responsable des débuts chaotiques de l’Obamacare, elle s’éclipse alors que la réforme de la santé a atteint un objectif inespéré : 7,1 millions de personnes ont souscrit un nouveau contrat d’assurance santé au 31 mars. Mme Sebelius devrait être remplacée par Sylvia Mathews Burwell, directrice du budget. – (AP.)
Argentine Buenos Aires paralysée par une grève
BUENOS AIRES. Une grève générale contre la baisse du pouvoir d’achat a paralysé la capitale de l’Argentine, jeudi 10 avril (40% d’inflation attendue en 2014) et l’insécurité. Le gouvernement péroniste de Cristina Kirchner a dénoncé une grève « politico-électorale» en vue de la présidentielle de 2015. – (Corresp.)
Nicaragua Un séisme d’une magnitude de 6,2 secoue Managua
MANAGUA. Un séisme d’une magnitude de 6,2 a secoué, jeudi 10 avril, Managua, privant la capitale du Nicaragua d’électricité et de téléphone. Un premier bilan fait état de 33 blessés et d’un mort. Plus de 800 maisons ont été détruites ou endommagées. – (AFP.)
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Samedi 12 avril 2014
M. Dassault mis en examen pour «achat de votes» L’ancien maire de Corbeil-Essonnesreconnaît «des prêts et des dons d’argent» mais nie toute visée électorale
L
e rendez-vous de Serge Dassault devant les juges qui enquêtent sur un système présuméd’achatsdevote àCorbeilEssonnes (Essonne), cette ville dont il fut élu trois fois maire, était attendu. Mais au vu du grand âge du sénateur – 89 ans depuis le 4 avril –, les magistrats Serge Tournaire et Guillaume Daïeff ont pris quelques précautions. Leur face-à-face avec l’industriel s’est déroulé en deux temps, les mardi 8 et jeudi 10 avril, et chaque fois l’interrogatoire n’a pas excédé la demi-journée. C’est à l’issue de sa seconde matinée d’audition que le milliardaire a été mis en examen pour « achat de votes », « complicité de financement illicite de campagne électorale», « financement de cam-
pagne électorale en dépassement du plafond autorisé ». L’enquête porteprincipalementsur lesconditions de son élection à la mairie de Corbeil-Essonnes en 2008, puis sur celles de son successeur JeanPierre Bechter, en 2009 et 2010. Mais la campagne de Cristela de Oliveira, candidate battue aux législatives en 2012, est également visée. M. Dassault n’est soumis à aucun contrôle judiciaire.Aussitôt sorti du bureau des juges, il s’est rendu au Sénat pour les questions d’actualité. Samedi, il devait décoller pour la Chine où des rendezvous d’affaires l’attendent à Shanghaï et Pékin. En matière d’achat de votes,l’articleL 106 du code électoralest limpide. Toute personne qui « par des dons (…) en argent ou en nature,
par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois (…) faits en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieursélecteursaura obtenuou tentéd’obtenir leur suffrage,soit directement, soit par l’entreprise d’un tiers » encourt une peine de deux ans de prison. Le financement illicite de campagne électorale et le dépassement de son plafond – qui varie selon la taille de la ville – sont punis d’une amende de 3 750 euros et d’un an d’emprisonnement. Depuis le début de cette affaire, la ligne de défense de l’industriel ne varie guère : Serge Dassault ne niepas avoirversé de l’argent à certains Corbeil-Essonnois, mais jamais il ne l’a fait dans le but d’acheter des voix, assure-t-il. « Les prêts ou les dons qu’il a consentis
(…)ont été motivés par son seulsouhaitdemettre safortunepersonnelle au service de personnes en difficulté ou désireuses de lancer des projets professionnels », a répété son avocat Me Pierre Haïk, le 10 avril, dans un communiqué.
Un système pyramidal Cette vision d’un SergeDassault philanthropese heurte aux témoignageset documentsrecueillispar les enquêteurs. Mamadou Kebé, un homme du quartier des Tarterêts, au casier d’un délinquant « plutôt actif », a longuement décrit le système pyramidal mis en place par l’entourage de l’ancienmaire, le recrutement et la formation des équipes de rabatteurs,les fichiers d’électeursdistribués à quelques jours du scrutin,
les listes des candidats au permis de conduire remises à la mairie, une fois l’élection gagnée. M. Kebé a expliqué avoir négocié sa rémunération et celle de ses équipiers « directement avec Serge Dassault,dans sonbureau», en présencede son garde ducorps. Ilassure avoir reçu des consignes pour ouvrir des comptes à l’étranger. En quelques allers-retours, M. Kebé a rapporté du Liban 1,2 million d’euros en coupures de 500 euros qu’il a ensuite partagés avec ses coéquipiers. Mamadou Kebé, poursuivi dans cette affaire notamment pour«blanchimentde fraude fiscale », est par ailleurs accusé d’avoir harcelé par SMS les enfants de l’industriel. Son témoignage est néanmoins pris au sérieux par les enquêteurs. Six personnes sont
désormais visées dans ce dossier. Mi-janvier, Jean-Pierre Bechter, l’actuel maire de Corbeil-Essonnes, était mis en examen pour « recel d’achat de votes » notamment, et « financement illicite de campagnes électorales ». Un mois plus tard, c’était au tour de Jacques Lebigre, le numéro 2 de l’UMP de l’Essonne, d’être poursuivi pour des chefs similaires. Serge Dassault s’était déjà retrouvé face à la justice. En 1998, la Cour de cassation belge l’avait condamné à deux ans de prison avec sursis pour « corruption active » dans le dossierAgusta-Dassault,une affaire de pots-de-vin. A cette époque déjà, M. Dassault n’avait semble-t-il pas vraiment compris ce qu’on lui reprochait. p Emeline Cazi et Simon Piel
A Corbeil, le «fils de» qui voulut être maire pour s’affranchir de son père Portrait Et dire que s’implanter à CorbeilEssonnes, devenir maire de cette ancienne banlieue industrielle coincée entre la Francilienne et la nationale 7, était le moyen qu’avait trouvé Serge Dassault pour exister enfin. Ce soir de juin1995, lorsque, « jeune» élu, il trinque en tricot et chemise à ses triomphants 55,7%, c’est une victoire personnelle qu’il savoure, en plus de se délecter d’avoir battu les communistes qu’il exècre. Sur le perron du Clos des Pinsons, son QG électoral, parade ce soir-là un homme qui, toute sa vie, a cherché la reconnaissance du père et réussit, à 70 ans, sans rien lui devoir. A Corbeil, le fils de Marcel Dassault découvre un autre monde. Il s’émerveille de ces « petits véhicules» à roulettes, «très pratiques», rangés à l’entrée des supermarchés, pique-nique gaiement avec les familles des Tarterêts, s’aventure dans une cave pour soutenir une association qui y amasse paquets de céréales et kilos de farine pour les moins bien lotis. «Les différentes campagnes électorales et le contact des gens (…) m’ont beaucoup plus enrichi (…) que si j’avais passé mon temps à palabrer dans les salons parisiens», a un jour confié Serge Dassault à France Soir. Dommage qu’au soir de sa vie et près de vingt ans après cette joyeuse soirée électorale de 1995, les ennuis judiciaires arrivent par cette ville dont il fut trois fois maire et viennent ternir la légende de l’héritier qui s’est amouraché de la banlieue. Le 10avril, il était mis en examen pour « achat de votes». La greffe a mis des années à prendre entre Corbeil et le milliardaire. Il a fallu dix-huit ans pour
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Serge Dassault, suivi de Jean-Pierre Bechter, alors tête de liste aux municipales, en campagne, le 9 mars, sur un marché de Corbeil-Essonnes (Essonne). ALBERT FACELLY/DIVERGENCE
que la ville communiste se laisse séduire par un homme dont les idées bien arrêtées sur les étrangers, le chômage et l’insécurité heurtent une partie de l’électorat. Serge Dassault avait repéré cette ville de bord de fleuve lorsqu’il était affecté au centre des essais en vol de Melun-Villaroche (Seine-etMarne). L’envie de se lancer en politique le démange au tournant des années 1970. L’Oise est déjà toute acquise à son père. Le fils cherche une ville où s’implanter. «Vous ne prendrez jamais Corbeil», lui souffle le préfet d’alors. Serge Dassault voulait décrocher l’ingagnable. Les récits du parachutage de l’avionneur en Essonne insistent souvent sur l’obstination d’un « fils de» mû par ce besoin de réussite personnelle, et qui, malgré trois échecs, s’est présenté une quatrième fois avant de décrocher Corbeil. Mais à trop coller à leur sujet, les conteurs de l’histoire officielle oublient souvent de rappeler l’accord négocié entre Serge Dassault et le FN en 1995: l’extrême droite s’est retirée en échange de trois places sur la liste de l’industriel. Les récits minimisent aussi l’impact que peut avoir l’arrivée d’un candidat toujours prompt à sortir son carnet de chèques dans une ville qui comptait déjà des quartiers durement frappés par le chômage.
Rien n’était plus facile, au milieu des années 1990, que d’apercevoir M. Dassault lorsqu’il venait à Corbeil. Il suffisait de repérer l’attroupement qui se formait derrière cet homme, pantalon remonté bien haut, le visage à moitié mangé par ses lunettes, alors qu’il s’avançait dans la ville. «Les gens [lui] couraient après, racontait Thérèse Simonot, une fidèle supportrice, à Daniel Karlin et Rémi Lainé venus à Corbeil tourner un documentaire en 1995. Il appelait son chauffeur, son garde du corps, [il demandait] sa serviette et je l’ai vu combien de fois sortir un billet de 500francs», signer «combien de chèques»? « [A] des gens qui étaient dans la misère, qui lui demandaient de l’argent, il en donnait. Des notes d’électricité, des notes de loyer, des notes de tout ce que vous voulez, il payait.» Serge Dassault suivait l’exemple paternel. Ce père dont il voulait tant se démarquer mais dont il a laissé quasi intact le grand bureau qu’il occupait au « Rond-Point» – le siège parisien du groupe familial, sur les Champs-Elysées – préférant s’asseoir à sa table de travail de jeunesse. Marcel Dassault a distribué sans compter pendant trente ans, dans l’Oise. La légende veut qu’il ait rénové tous les clochers de sa circonscription. Un jour qu’il
organisait un loto et que trente mains se sont levées à la sortie du numéro gagnant – une R5 était en jeu – Marcel Dassault a départagé tout le monde en annonçant « s’il y a 30 gagnants, qu’on leur offre 30 voitures! », écrit Le Parisien en 2011. Le fils milliardaire comprend mal pourquoi il n’aurait pas le droit «d’aider les gens» lui aussi. C’est ce que Serge Dassault répond chaque fois qu’on l’accuse d’avoir acheté l’électorat populaire en finançant une pizzeria, des permis
Lagénérosité del’industriel luiestrevenuecomme unboomerang, audébutdeson troisièmemandat de conduire, des vacances. Il a toujours voulu « sortir les jeunes de leurs problèmes», être «utile » aux «gosses qui pouvaient avoir un travail», explique-t-il au JDD, en décembre2013. Une forme de redistribution des richesses. Les musulmans de Corbeil lui doivent une partie du financement de la mosquée. Les catholiques, la réfection de l’église Saint-Etienne pour laquelle il a versé 1,4million d’eu-
ros. C’est lui aussi qui prête 60millions d’euros à l’homme d’affaires Yazid Sabeg – ce dernier gravite dans son entourage depuis plusieurs années – pour sauver la société de semi-conducteurs Altis, l’un des plus gros employeurs de Corbeil. C’était sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le ministre de l’industrie, Christian Estrosi, avait même fait le déplacement. René Bloch, très proche de la famille Dassault, porte un regard plus nuancé sur le rôle de Père Noël que s’attribue son ami d’enfance. « Serge et Marcel Dassault connaissent très bien les faiblesses humaines et les buts à atteindre en matière électorale, ils ont su en jouer. Mais à l’époque de Marcel Dassault, la réglementation était beaucoup moins sévère qu’aujourd’hui. Même aux débuts de Serge, on ne s’en formalisait pas », expliquait en janvier au Monde, celui qui, « le 5juillet 1950, marie, selon la tradition juive», Serge à la jeune Nicole, «rencontrée à une vente de charité». Il serait injuste de réduire l’histoire de Serge Dassault et Corbeil à ces seuls liens d’argent. M. Dassault a aussi des idées pour la société. Elles sont parfois déroutantes, innovantes. Toujours décomplexées. Aux futurs jeunes mariés, il a ainsi exigé une lettre de motiva-
tion… pour lutter contre les mariages blancs. Comme solution à la délinquance des mineurs, il propose d’incarcérer les parents pour les «faire réfléchir sur leur responsabilité». Serge Dassault a aussi suggéré de verser «un salaire de père ou mère au foyer» aux parents isolés. La trop grande générosité de l’industriel lui est revenue comme un boomerang, au début de son troisième mandat. En 2009, le Conseil d’Etat invalide sa troisième élection: «des dons d’argent» ont pu «altérer la sincérité du scrutin». Serge Dassault est condamné à un an d’inéligibilité. Coup dur pour l’industriel qui désigne CorbeilEssonnes comme son «troisième amour» (après sa femme et les avions) et où il se rend quasi tous les jours. Il confie la mairie à son bras droit Jean-Pierre Bechter. Lorsqu’il est élu maire en octobre2009, ce dernier a d’ailleurs cette phrase admirable: «M. Dassault fera tout et je ferai le reste.» Malgré les indignations de l’opposition de voir se représenter un homme mis en examen notamment pour «recel d’achats de votes», M.Bechter a été une nouvelle fois porté au pouvoir à Corbeil, le 30mars. A ses côtés, sur les photos de la victoire, devant caméras et micros, Serge Dassault, tout sourire, parade. p E. Ca. et S. Pi.
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YvesJégo:«Lecentreaura uncandidatàlaprésidentielle» Le nouveau chef de l’UDI plaide pour une «opposition responsable» Entretien
A
près l’annonce par JeanLouis Borloo, dimanche 6 avril, de sa démission pour raisons de santé, Yves Jégo a été élu président de l’UDI par intérim, jusqu’au congrès du parti, en octobre.Ledéputéde Seine-et-Marne, qui doit publier un livre le 30 avril (Marine Le Pen arrivera au pouvoir. Sauf si…, First, 190 p., 12,95euros), affirme que sa formation pourrait voter certaines réformes proposées par Manuel Valls. L’UDI peut-elle exister sans Jean-Louis Borloo ?
Je suis son successeur et j’ai deuxmissionsessentielles: préserver l’unité du parti et assurer la continuité du travail engagé. C’est un défi, tant Jean-Louis Borloo était l’âme et le ciment de cette famille politique. La question est de savoir si l’on sera collectivement digne de lui.
Craignez-vous le retour de la guerre des chefs au centre ?
Le temps des candidatures n’est pas venu. Avec ce qui s’est passé chez nos amis de l’UMP entre François Fillon et Jean-François Copé, et les congrès du PS, nous avons le contre-exemple de ce qu’attendent les Français. Je veux être le gardiende l’unité du parti. J’espère qu’il n’y aura pas de dérapage. Le congrès d’octobre est un risque pour l’UDI ?
Il pourrait y avoir un risque de dislocation inhérent à des batailles de personnes non régulées. La façon dont nous allons gérer cette transition donnera une image de la façon dont nous gérerions la France si nous étions au pouvoir.
François Bayrou va-t-il prendre en main l’alliance UDI-MoDem ?
François Bayrou n’a pas besoin d’un parti pour assurer sa propre existence politique. Il réalise en fait deux ambitions: être maire de Pau et participer à reconstituer une force centrale de la vie politique. C’est autour de l’UDI que se fera cette force dans laquelle François Bayrou aura toute sa place. Comment peser face à l’UMP sans Jean-Louis Borloo ?
Depuis les municipales, on a vu que l’œuvre de Jean-Louis Borloo portait ses fruits. Nous avons gagné 57 villes sur les 155 conqui-
ses par l’opposition. Nous sommes une force politique majeure. Si je veux mobiliser l’UDI, c’est pour que les élections européennes confirment que nous sommes le troisième parti de France. Ensuite, ou l’UMP nous respectera, ou nous en tirerons les conséquences. C’est-à-dire ?
Dans une alliance, chacun respecte l’autre. Nous aspirons à être respectés pour prouver ainsi que 1+1 fait plus de 2.
«L’UMP, c’est un archipel, une juxtaposition d’écuries présidentielles» Le centre droit aura un candidat à la présidentielle de 2017 ?
Naturellement. C’est l’essence même de la Ve République. Si nous sommes dans un processus de primaire, l’UDI pourra avoir plusieurs candidats. Mais je suis persuadé que l’élection présidentielle se jouera au centre. Quel est le leader de l’opposition qui sera capable de recentrer le discours de la droite pour gagner la présidentielle ? Sera-t-il issu de l’UMP, de l’UDI ou du MoDem ? La question reste ouverte, comme celle des modalités de sélection des candidats.
Yves Jégo, à Bordeaux, le 10 avril. CHRISTOPHE GOUSSARD POUR « LE MONDE »
L’UMP, c’est un archipel, pour ne pas dire une juxtaposition d’écuries présidentielles. J’ai été très choqué de l’attitude de certains députés UMP pendant le discours de politique générale du premier ministre. Dans l’état d’urgence de la France, la dignité d’un parti
d’oppositionauraitétéd’êtreattentif et d’éviter de donner l’image d’une cour d’école. L’opposition systématique, tellement confortable, trouve ses limites en période de crise. L’UDI doit porter le message de l’opposition responsable : si Manuel Valls a le courage d’engager clairement et rapidement les
L’UMP s’est-elle trop rapprochée des thèses frontistes ?
réformes nécessaires, nous devons avoir le courage de les soutenir. Quelles réformes voteriez-vous ?
Par exemple,celles sur lasimplification territoriale ou la baisse des charges pour les entreprises, si le financement est chiffré. Pourquoi ne pas avoir voté la confiance au gouvernement
de Manuel Valls ?
Nous nous sommes interrogés. Nous avons décidé de voter contre car, trop longtemps, le centre a été qualifié de girouette. Nous sommes le centre droit, nous sommes dans l’opposition, il ne doit pas y avoir d’ambiguïté. p
Et si Alain Juppé est candidat ?
Alain Juppé, par ses prises de position, par son engagement européen, est évidemment l’expression d’une sensibilité qui n’est pas éloignée de la nôtre. Mais l’idée de l’homme providentiel n’existe plus. Le leader de 2017 ne sera pas forcément celui qui est sous les projecteurs en 2014. Quels sont vos objectifs pour les élections européennes ?
Un score à deux chiffres serait un vrai succès.Si nous ramenonsle débat sur les enjeux de la construction européenne et sa capacité à protéger les citoyens, nous sortirons du brouillard dans lequel Mme Le Pen a enfermé le débat. Vous allez publier un livre qui désigne Mme Le Pen comme votre adversaire principal. Comment pensez-vous lutter contre elle ?
Les Français sont pour partie en
M.Bayroupour«booster» lacampagnedeseuropéennes C’ÉTAIT LA VEDETTE américaine du premier meeting des centristes pour les élections européennes du 25 mai. François Bayrou a participé à la réunion publique de l’Alternative, jeudi 10avril, à Bordeaux, qui devait donner le top départ de la campagne nationale. L’occasion, aussi, de lancer la liste du Sud-Ouest, conduite par Robert Rochefort, vice-président du MoDem et député européen sortant. L’Alternative – l’alliance entre l’UDI et le MoDem – compte en effet sur M. Bayrou pour « booster » la campagne européenne. Et ce d’autant plus que Jean-Louis Borloo s’est retiré de la vie politique. Alors, François Bayrou, seul maître à bord ? « Jean-Louis Borloo sera engagé autant que je le suis. Nous aurons l’occasion de le manifester ensemble. Il aura sa place et moi la mienne», balaie le président du MoDem. Et d’ajouter : « Chacun aura la forme de son engagement. Oubliez l’idée d’une prééminence.» Les européennes constituent la mère des batailles pour les centristes. C’est avec ce scrutin qu’ils veulent frapper un grand coup. « Nous sommes ceux qui croient à l’Europe du plus profond de nos
désarroi et pour partie en colère. Ceuxquisontencolèresonthypnotisés par la dialectique du FN. Ceux qui sont en désarroi voient combien le PS les a déçus et combien l’UMP n’arrive pas à les convaincre. Ils cherchent des alternatives. Lors desprochainesélections,les débats se joueront entre l’extrême droite populiste et l’alternative républicaine que nous représentons. Je renouvelleà MarineLe Pen maproposition de débattre sur l’Europe. Si nous ne construisons pas d’alternative à l’UMP et au PS, c’est Marine Le Pen qui en profitera.
fibres», a affirmé François Bayrou. Le leader centriste a eu des mots durs à propos de la nomination d’Harlem Désir au poste de secrétaire d’Etat aux affaires européennes: un « lot de consolation» réservé « à celui dont tous les socialistes ont dit la vacuité du bilan». « J’ai été choqué et scandalisé.»
Le FN, adversaire principal Sur le fond, sans défendre un fédéralisme stricto sensu, les centristes veulent une Union européenne plus intégrée, avec comme objectif un président de l’Europe élu au suffrage universel. Ils veulent aussi une Europe plus sociale avec, notamment, un smic européen. L’Alternative entend se placer comme seule réponse aux europhobes. Cependant, sur la stratégie, les avis divergent. Si l’UDI, et notamment Yves Jégo, veut faire du FN l’adversaire principal, François Bayrou n’est pas de cet avis. Il précise: « Nos deux adversaires sont, d’une part, le sentiment de défiance à l’égard de l’Europe et d’autre part, la lassitude envers la politique. Cela s’incarne dans l’extrême droite. Mais c’est le symptôme, pas la cause du problème.» p A. Me.
Dans la rue, à l’école, sur internet, la haine se répand. L’indifférence nous guette. L’unité de notre pays est menacée. Face à ces dangers, il est urgent de réagir et de se ressaisir
Nous souhaitons vivre dans une société apaisée, où les différences de religion, de couleur, d’origine sont admises, comprises et respectées plutôt que dans une société de violence.
Abel Mestre
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Samedi 12 avril 2014
Quand le chômage alimente le vote en faveur du Front national Une étude souligne la corrélation entre le succès du FN et le désarroi social
L
e chômage est au plus haut, l’abstention aux élections municipales n’a jamais été aussi forte, le Front national n’a jamais conquis autant de villes : y a-t-il un lien entre ces trois phénomènes ? Une étude réalisée par le cabinet de conseil Taddeo, consacrée aux relations entre l’emploi et les dynamiques électorales, apporte plusieurs éléments de réponse. Elle se fonde sur le croisement de deux séries de données: les résultats des municipales de 2008 et de 2014danslesquelque900communes de plus de 10 000 habitants, et letaux de chômageenregistrédans ces mêmes communes au premier trimestre 2008 et au troisième trimestre 2013. Premier enseignement: il n’y a pas de corrélation entre le niveau du chômage et celui de l’abstention. Dans les villes où le taux de chômage était inférieur à 8 % à la veille du scrutin, le taux d’abstention moyen au premier tour des dernières élections municipales était de 42 %. Dans celles où le chômage dépassait les 14 %, le taux moyen de l’abstention fut même légèrement inférieur: 40,9 %.
La comparaison des données dans le temps confirme cette observation. Là où le taux de chômage a augmenté de moins de 3 points enprès desix ans, l’abstention a progressé en moyenne de 2,1 pointsd’une électionmunicipale à l’autre. Dans les villes où le taux de chômage a gagné de plus de cinq points, la hausse de l’abstention a été relativement moindre: + 1,9 point. Pour Julien Vaulpré, directeur général de Taddeo, « ces chiffres contredisent une idée reçue », celle d’une corrélation entre taux de chômage et abstention.« Cette corrélation suppose que le fait d’être exclu du monde du travail, donc d’une certaine façon d’être marginalisé au sein de la société, pousserait à se mettre en retrait de la vie démocratique.Or le croisement des données montre que ce raisonnement ne tient pas. Les villes où le chômage a progressé ne sont pas devenues plus abstentionnistes », souligne Julien Vaulpré. Ce qui est vrai pour l’abstention ne l’est pas pour le vote en faveur du Front national. C’est le second enseignement de l’étude qui, cette
Marine Le Pen veut un référendum sur la sortie de l’euro La présidente du FN a défendu son programme économique, jeudi 10 avril, sur France 2, jugeant une nouvelle fois nécessaire la sortie de l’euro. Si elle est élue présidente de la République en 2017, Marine Le Pen promet un référendum sur le sujet. « Chaque pays aura sa monnaie nationale », a-t-elle assuré lors de l’émission « Des paroles et des actes », et il y aura une
« monnaie commune » avec des « parités fixes et ajustables ». La dirigeante d’extrême droite préconise également d’instaurer un « protectionnisme intelligent », qui reviendrait à « émettre des droits de douane quand on est face à une concurrence internationale déloyale » mais « ne pas taxer les importations de café parce qu’on n’en fabrique pas en France ».
L’abstention n’est pas liée au taux de chômage, contrairement au vote FN Front national : score moyen au premier tour des élections municipales de 2014, en fonction du taux de chômage 20 % 13,5 %
13,5 %
Moins de 8 %
de 8 % à 9,9 %
Abstention : évolution au premier tour des municipales entre 2008 et 2014, en fonction du taux de chômage Premier tour des élections
22,6 %
39,7
de 10 % à 11,9 %
de 12 % à 13,9 %
+ 2,3
+ 2,3
16,8 %
Plus de 14 %
42
14,9 %
+ 3 points et moins
42,8
+ 5 points et plus
Selon l’évolution moyenne du taux de chômage entre 2008 et 2013
+ 2,5
43,7
40
de 8 % à 9,9 %
+ 2,1 40,7
de + 3 points de + 4 points à + 3,9 points à + 4,9 points
en %
de 2014
+ 1,2
+ 2,4
42,5
36,3
de 10 % à 11,9 %
39,7 40,9
38,6
de 12 % à 13,9 %
Plus de 14 %
Selon le taux de chômage au troisième trimestre 2013
20,4 %
20,3 %
41,4
Moins de 8 %
Selon le taux de chômage au troisième trimestre 2013
16,4 %
de 2008
+ 3 points et moins
+ 2,5 40,3
+ 2,3
42,8
38,1
de + 3 points à + 3,9 points
40,4
de + 4 points à + 4,9 points
+ 1,9 38,3
40,2
+ 5 points et plus
Selon l’évolution moyenne du taux de chômage entre 2008 et 2013
Cette étude porte sur les résultats aux élections municipales de 2008 et 2014 dans l’ensemble des villes métropolitaines de plus de 10 000 habitants, soit 900 communes. SOURCE : TADDEO, EMPLOI ET DYNAMIQUES ÉLECTORALES
fois, met en évidence un lien très net entre le niveau de chômage et celui du FN : moins le premier est élevé, moins le second est important ; plus le premier est fort, plus le second l’est aussi. Sur ce point, le croisement des données fait ainsi apparaître des différences très marquées. Aux dernièresmunicipales,dansles villes de plus de 10 000 habitants où le taux de chômage était inférieur à 8 % et où des listes FN étaient présentes, celles-ci ont obtenu en moyenne 13,5 % des voix. Dans celles où le chômage se situait entre 10 % et 12 %, le score moyen du FN fut de 16,8 %. Là où le chômage dépassait les 14 %, le FN a recueilli en moyenne 22,6 % des suffrages exprimés. La corrélation entre chômage et vote FN se vérifie également si l’on compare les données dans le temps. Là où le chômage a aug-
menté de moins de 3 points entre lepremiertrimestre2008et le troisième trimestre 2013, le FN a obtenu en moyenne 14,9 % des suffrages aux dernières élections municipales.Làoù lechômagea progres-
«La question se pose d’un transfert d’électeurs potentiellement abstentionnistes vers le FN»
Julien Vaulpré directeur général du cabinet de conseil Taddeo sé de plus de 5 points, le FN a fait des scores nettement plus élevés : 20,4% en moyenne. Corrélé au vote en faveur du FN, le chômagenel’est donc pas à l’abs-
tention.Cettediscordanceva à l’encontre d’une idée reçue. « Pendant longtemps, l’abstention et le vote FN étaient analysés comme deux variantes d’un même sentiment de rejet, celui des partis et des candidats en présence », explique Julien Vaulpré. Cette interprétation est notamment dérivée des travaux del’économisteet sociologueaméricainAlbert Hirschman,qui expliquait que le mécontentement nourrit généralement deux attitudes : le retrait (« exit») ou la contestation (« voice »). L’étude réalisée par Taddeo montre que la réalité est aujourd’hui plus complexe. « A partir du moment où, dans les communes où le chômage est élevé ou a fortement progressé, on n’observe pas de poussée abstentionniste alors que le vote FN, lui, progresse, la question se pose d’un transfert d’électeurspotentiellementabsten-
tionnistes vers le FN, et donc d’un voteFN qui dansune certainemesure limite l’abstention », souligne Julien Vaulpré. Cette hypothèse mérite sans doute d’être affinée par des études plus pointues à l’échelle locale. Elle n’en confirme pas moins deux choses. La première est que le contexte économique pèse bel et bien dans le comportement des électeurs. La seconde est que le vote en faveur du FN n’est plus, aujourd’hui,assimilableà unesimple volonté d’exprimer un mécontentement, comme peut l’être le choix de l’abstention.En cela, comme le résume Julien Vaulpré, « il n’est plus seulement un vote de crise, mais bien souvent le vote de la crise ». Autrement dit un vote qui exprime de plus en plus souvent une adhésion, et de moins en moins une simple contestation. p Thomas Wieder
Lessyndicats,méfiantsenversManuelValls, défilentà Matignon
Après des rencontres officieuses, le premier ministre devait recevoir officiellement les partenaires sociaux vendredi 11avril
C
’est la CGT qui a ouvert le bal, vendredi 11 avril, à Matignon, des entretiens que Manuel Valls devait avoir tout au long de la journée avec les partenaires sociaux. Mais le nouveau premierministres’estdéjà entretenu,officieusement,avec lesprincipaux dirigeants, le week-end des 5 et 6 avril, avant de prononcer son discours de politique générale. Il a reçu Thierry Lepaon (CGT), Laurent Berger (CFDT), Jean-Claude Mailly (FO) et le président du Medef, Pierre Gattaz. Déjà, lorsqu’il était encore ministre de l’intérieur, il avait fait le tour des partenaires sociaux lors de discrètes entrevues. « Il n’a pas été cassant, confie un de ses visiteurs sous couvert d’anonymat, il a manifesté une volonté d’écoute. Mais cela ne veut pas dire qu’il entend.» La partie ne s’annonce pas facile pour Manuel Valls. Comme le nou-
veau ministre du travail, François Rebsamen, il n’a pas la réputation d’être très averti sur les questions sociales. Et, avec des hauts et des bas, les partenaires sociaux avaient plutôt noué de bonnes relations avec le tandem socialdémocrate Jean-Marc AyraultMichel Sapin. Vendredi, les uns et les autres devaient répéter ce qu’ils ont dit après son discours de politique générale. Pour la CGT, « le patronat a été entendu et servi. Le premier ministre confirme l’austérité salariale dans le public comme dans le privé. Il annonce de façon précise de nouveaux milliards d’aides aux entreprises, encore une fois sans aucun contrôle ni engagement en termes d’emplois et de salaires. » « Zéro charges pour les salaires payés au smic, ajoute la centrale, c’est condamner des millions de salariés aux bas salaires. » « La logique d’austérité perdu-
re », a affirmé M. Mailly, qui ne cachait pas au lendemain des municipales sa préférence pour le maintien de M. Ayrault, tout en souhaitantunchangementdepolitique… « Force ouvrière, affirme
La partie ne s’annonce pas facile pour Manuel Valls. Il n’a pas la réputation d’être très averti sur les questions sociales son secrétaire général, confirme son oppositionau “pacte de responsabilité-solidarité”. En réduisant à nouveau les cotisations patronales au niveau du smic, en allégeant les cotisations patronales d’allocations familiales, le gouvernement fragilisele financementde lasécurité sociale. »
M.Mailly reproche à M. Valls de « faire de la réduction du coût du travail,l’alphaet l’omégade sapolitique». Il s’est toutefois félicité de la nomination de M. Rebsamen, qui a lui aussi reçu les syndicats. « C’est un homme direct, dit-il, un vrai politique qui connaît le rapport de forces.» La CFDT, qui a été depuis vingtdeux mois le partenaire privilégié du gouvernement, a réagi de manière mitigée au discours de Manuel Valls. Elle a estimé que sur l’emploi, la confirmation du pacte de responsabilité, « la justice sociale et le pouvoir d’achat», la volonté d’inscrire son action « dans le cadre européen », ces « orientations répondent aux principaux défis à relever ». Mais, pour la centrale de Laurent Berger, qui sera la dernière reçue vendredi, il y a « des questions lourdes qui demeurent». Ainsi, « les allégements de cotisations
socialesannoncéspeuvent déstabiliser le financement des protections sociales et les droits des salariés ». La CFDT réclame « une concertation approfondie » sur ce sujet, « afin d’assurer la pérennité des droits et de leur financement». Elle entend être « exigeante et vigilante sur l’emploi, l’organisation, les conditions de travail et la qualité de l’action publique». Après l’ère Ayrault, plutôt riche surledialoguesocial,ilyaunesourde inquiétude parmi les syndicats, notamment sur la « méthode Valls ». La CFTC a souligné que, sur le pacte de responsabilité, le temps est « à sa concrétisation ». Pour la centrale chrétienne « la volonté de poser maintenant des actes concrets sur ce qui constitue la mère de toutes les batailles: l’emploi! ». Pour la CFE-CGC, le premier ministre « semble avoir entendu [le] cri d’alerte de la classe moyenne » mais il faut passer aux actes.
De son côté, M. Gattaz va demander à M.Vallsd’«accélérer l’application du pacte de responsabilité », avertissant que « le Medef peut [en] sortir n’importe quand » si, « en juin, il n’y a pas d’ordonnances, pas de simplifications». Cette concertation intervient à la veillede la « marche contre l’austérité » du Front de gauche et du NPA, samedi 12 avril à Paris. Aucun syndicat n’a appelé à y participer. Mais 36 responsables cégétistes – dont les secrétaires généraux de cinq fédérations, comme la fonction publique – ont signé l’appel pour cette marche. Déplorant la «montéedes positionnementsindividuels », M. Lepaon a estimé, le 1er avril devant sa commission exécutive, qu’« on ajoute à la confusion », en relevant « que des camarades se réfugient derrière la CGT, pour ne pas s’engager politiquement». p Michel Noblecourt
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france
Samedi 12 avril 2014
L’époused’un homme dansle comas’oppose en justiceà des soinsd’éveil Des médecins préconisent de stimuler un patient en état de conscience minimale
E
st-ce un effet collatéral de la forte médiatisationde l’affaire Vincent Lambert, ce patient tétraplégique en état de conscience minimale sur le sort duquelle Conseild’Etat doitse prononcer avant la fin juin ? La démarche est en tout cas sans précédent. L’épouse d’un homme de 58 ans – lui aussi dans un état pauci-relationnel – a saisi en urgence la justice, le 3 avril, pour s’opposer à son transfert de l’hôpital Pasteur de Colmar vers le CHU de Strasbourg, où il devait recevoir des soins d’éveil. Victime d’un traumatisme crânien après une chute de cheval le 16 juillet 2013, l’homme se trouve depuis cette date sous alimentation et hydratation artificielles. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande, lundi 7 avril, et a validé le transfert du patient – dont l’identité n’a pas été rendue publique. Les soins d’éveil « ne peuvent pas être qualifiés d’inhumains ou dégradants », a tranchéla juridictionadministrative, qui met en avant « le droit à la vie».
Face à des informations contradictoires, la famille s’est trouvée déboussolée sur la marche à suivre Ces soins consistent à diminuer voire à arrêter les substances à effet sédatif chez les patients en état pauci-relationnel et à tester successivement sur eux l’effet de différents médicaments. Certains services effectuent également, par exemple, des ponctions lombaires pour tenter de provoquer un éveil. Pour l’épouse, il s’agissait d’abord d’éviter de faire souffrir son mari s’il prenait conscience de son état, c’est-à-dire, selon elle, un « état de conscience minimale sans dignité », rapporte l’ordonnance du tribunal. « Ma cliente n’est pas opposée aux soins, souligne André Knaebel, son avocat. Elle a simplement voulu temporiser, le temps de réaliser unenouvelle expertise. Une partie du corps médical lui a toujours dit que c’était irréparable, que le cerveau ne refonctionnerait pas, sauf miracle.» Face à des informations parfois contradictoires, la famille s’est trouvée à la fois déboussolée et en désaccord sur la marche à suivre. Fin novembre, l’équipe médicale de Colmar avait d’abord commen-
cé à préparer l’épouse, les deux enfants et les cinq frères et sœurs du patient à l’idée qu’il faudrait peut-être, d’ici quelques mois, se poser la question d’un arrêt des soins dans le cadre de la loi Leonetti sur la fin de vie. L’épouse et une sœur rappellent que celui-ci avait, peu de temps avant son accident, fait part de sa volonté de ne pas vivre dans un état grabataire. Certains membres de la fratrie pensent qu’il faut cesser des soinsqu’ilsjugent déraisonnables. D’autres se prononcent, eux, pour la poursuite des soins et seraient même favorables à plus de stimulation. Conformément à la procédure prévue par la loi Leonetti, trois médecins extérieurs au dossier viennent alors examiner l’homme et jugent qu’il doit bénéficier de soins d’éveils. Un praticien du CHU Strasbourg estime ainsi en février que l’homme peut-être considéré « en état de conscience réactive adaptée aux stimulations de l’environnement avec la capacité de ressentir des émotions». Il constate qu’il « réagit à l’appel de son nom et de son prénom, au toucheret à desordressimplescomme le serrementde mains», rappelle l’ordonnance du tribunal. Des constatations que l’épouse juge « non dénuées de contradictions» car,pour elle, son mari « n’a jamais manifestéle moindresigne de communication ou de compréhension vis-à-vis de l’extérieur et n’a jamais faitl’objet d’unquelconquepronostic encourageant». « Une réunion d’information de la famille aurait dû se tenir fin janvier mais n’a jamais eu lieu, affirme Me André Knaebel. La famille a été laissée en suspens. On ne lui a pas expliqué en quoi consistent des soins d’éveil, une partie d’entre elle ne sait pas ce que c’est. » Daniel Monheit, l’avocat de l’hôpital de Colmar, refuse de confirmer l’absence de cette réunion et affirme au contraire que des discussions ont bien eu lieu entre la famille et les médecins. L’établissement strasbourgeois n’a pas encore décidé s’il comptait attendre les résultats d’une nouvelle expertise médicale pour démarrer ces soins. Demandée par l’épouse début avril, cette expertise pourraitêtre ordonnéepar le tribunal administratif de Strasbourg dans les prochaines semaines. Son avocat assure qu’elle se ralliera à l’avis de cette expertise. « Et si un jour devait se poser la question de l’arrêt total de l’alimentation, dit-il, elle se rangerait également derrière l’avis médical. » p François Béguin
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Au procès Agnelet, la plaidoirie funambule de l’avocat de la défense Vingt ans de réclusion criminelle ont été requis; le verdict était attendu vendredi 11avril Rennes Envoyée spéciale
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l tourneet retourne dans leprétoire, mains dans le dos, tête baissée, en remuant les lèvres, répétant pour lui seul les mots que, dans quelques minutes, il va jeter à la cour et aux jurés. L’avocat général Philippe Petitprez vient de requérir contre son client, Maurice Agnelet, vingt ans deréclusioncriminellepourl’assassinat d’Agnès Le Roux. Dans la salle d’audience, jeudi 10 avril, un silenceépaiscueillelesmotsduprésident: « La parole est à la défense.» Me François Saint-Pierre dévisage un à un ceux qui, depuis quatre semaines, partagent les heures étouffantes du procès de Maurice Agnelet. Ni les dorures du vieux Parlement de Rennes ni la lumière douce qui baigne la salle de la cour d’assises n’ont effacé la noirceur et la violence des derniers moments. Et c’est là, dans cette fournaise d’émotions, que l’avocat de la défense vient les chercher. A ces hommes et à ces femmes, magistrats professionnels et citoyens jurés, Me Saint-Pierre dit d’abordquelui non plusne sort pas indemne de ce procès. « Je connais Maurice Agnelet depuis 1988. Je l’ai défendu à tous ses procès. Mais ici, j’aiencoreappris.J’aisubidenouvelles émotions. J’ai éprouvé de nouveaux doutes sur l’homme que je défends», confie l’avocat. Et de poursuivre: «Lundi matin, quandleprésidenta luleprocès-verbal de Guillaume Agnelet, j’ai vacillé. Je ne m’y attendais pas du tout. (…) J’ai un cœur, j’ai une conscience. Alors oui, quand j’ai entendu Guillaume expliquer qu’il avait été le confident de son père et de sa mère, j’ai douté, c’est vrai. Je le connaisdepuislongtemps.Comprenez mon désarroi, à ce moment-là», leur lance-t-il. Me Saint-Pierre s’approche alors au plus près des braises, face à cette scène de crime que, selon Guillaume, sa mère, Anne Litas, lui aurait raconté. « Je ne peux pas imaginer quecettefemmechargesonfilsd’un telfardeaupourla vie », dit-il.Puisil l’affronte, cette scène, image après image, pour mieux la combattre.
Maurice Agnelet à la sortie du tribunal de Rennes, jeudi 10 avril. JEAN-SÉBASTIEN EVRARD/AFP
Dansun coin reculédela campagne italienne, Maurice Agnelet tirant une balle dans la tête d’Agnès Le Roux – « une balle, pardon, mais ça fait saigner » –, abandonnant le corps dénudé dans un sous-bois, roulant jusqu’à une gare de la frontière italienne « où à l’époque, il y a plus de gardes que de clandestins » pour se débarrasser de la voiture dans un parking avec les clés sur le contact. « C’est prendre beaucoup de risques, tout de même! », observe-t-il. Il n’imagine pas non plus celui qu’il défend « commettre un meurtre de sang-froid, parce qu’il est lâche, parce qu’il biaise, parce qu’il est fourbe ». Mais il y a la douleur et la détermination de Guillaume, qui pèsent si lourd dans la conscience de la cour et des jurés. Et de l’autre côté, il y a Thomas, fragile et silencieux, au premier rang du public. L’avocat funambule avance sur ce fil tendu au-dessus d’un précipice: défendre le père accusé, respecter l’aîné qui l’accuse, protéger le cadet qui le soutient. « Guillaume, dit-il,a en lui une colèreinextinguible et on le comprend. Cet homme, MauriceAgnelet, a fait vivre le martyr à ses fils en les embarquant
dans cette affaire. Ils ont choisi leur chemin. Thomas défendra toujours son père, c’est sa fierté. Guillaume, lui, a choisi de rompre. Ce que dit Guillaume est bien évidemment sincère, mais cela ne peut valoir preuve criminelle. » Le plus gros obstacle de la défense reste à franchir. Me Saint-Pierre s’approche du box, désigne son client. «Dans ce dossier, nous n’avons pas
« Maurice Agnelet attire les soupçons comme l’aimant le fer» Me Saint-Pierre avocat de la défense
de scène de crime, nous n’avons pas de preuve criminelle, mais nous avons Maurice Agnelet!» Sous les mots durs avec lesquels il s’adresse à lui, perce la colère de l’avocat qui a vu son client abandonner, dès le deuxième jour d’audience,lepersonnageduvieux monsieurfatiguéqu’illuiavaitassigné, pour émerger«comme un diable de sa boîte, alignant les blagues de mauvais goût, provoquant une
tension permanente ». La voix de Me Saint-Pierreenfleet gronde.Collé au box, il apostrophe Maurice Agnelet: « Pourquoiêtes-vousincapable de parler aux gens ? (…) Cet homme est prisonnier de ses fantômes. Il est son pire ennemi. Il attire les soupçons comme l’aimant, le fer. Mais est-ce que son rire, sa haine, sont une preuve criminelle? » Revenu face à la cour et aux jurés, Me Saint-Pierre retrouve alors le registre qui lui est familier. « Parlons raison, maintenant ! » Il évoque cette condamnation à vingt ans de réclusion criminelle prononcée par la cour d’appel des Bouches-du-Rhône, qu’il n’a « jamais acceptée ». « Dans toutes les erreurs judiciaires, souligne-t-il, les juges qui ont condamné étaient absolumentconvaincusdela culpabilité. Mais il manquait la preuve. C’est cela qui distingue un accusé d’un coupable.» Danscedossier,affirmeMe SaintPierre, « tout n’est qu’hypothèses. Mais une addition d’hypothèses, c’est toujours des hypothèses. S’il manque la preuve, vous devez acquitter Maurice Agnelet». Verdict vendredi 11avril. p Pascale Robert-Diard
Maurice Agnelet : « Je voudrais demander pardon » Les derniers mots de Maurice Agnelet, vendredi 11 avril, avant que la cour ne se retire, expriment-ils un regret ou un aveu ? « Si vous permettez, je voudrais commencer par demander pardon à la famille Le Roux (…) pour le mal que je leur ai fait par mes propos, par mes attitudes depuis la disparition… incroyable et… dramatique d’Agnès. (…)
Et je voudrais dire aussi la conviction que j’ai eue pendant ces quatre semaines que je m’étais mal occupé de mes enfants. C’est le regret le plus important pour moi. Je me suis rendu compte que j’avais gâché leur vie et celle de leur mère. (…) Sur le fond de l’affaire, tout a été dit. C’était juste ce pardon que je voulais exprimer aux deux familles. »
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Déchargede Nonant: l’exploitant se retournecontrel’Etat
La société Guy Dauphin Environnement (GDE), exploitante du centre de stockage et de tri de déchets industriels non dangereux de Nonant-le-Pin (Orne), bloqué depuis le 24 octobre 2013 par des opposants, a annoncé, vendredi 11avril, avoir déposé un référéprovision devant le tribunal administratif de Caen « afin d’obtenir réparation par l’Etat du préjudice entraîné par le refus des autorités préfectorales de faire lever (…) le blocage illégal » du site. p Gilles Van Kote n Lire notre reportage sur Lemonde.fr
Affaire Tapie Les juges-arbitres Bredin et Mazeaud placés sous le statut de témoin assisté
L’ex-président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud et l’avocat Jean-Denis Bredin, deux des juges-arbitres ayant octroyé, en 2008, plus de 400 millions d’euros à Bernard Tapie pour solder son litige avec le Crédit lyonnais, ont été placés, lundi et mercredi, sous le statut de témoin assisté. Le troisième, Pierre Estoup, est mis en examen pour « escroquerie en bande organisée». – (AFP.)
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Discrimination L’Inter-LGBT porte plainte contre Christine Boutin
Jérôme Beaugé, le président de l’Interassociative Lesbienne gay bi et trans, devait porte plainte, vendredi 11avril, contre Christine Boutin. Celle-ci avait déclaré, dans un entretien, le 2avril dans la revue Charles, que « l’homosexualité est une abomination».
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culture
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Samedi 12 avril 2014
Alain Finkielkraut, un Immortel contesté
Le philosophe a été élu à l’Académie française après un débat dû à ses prises de position jugées réactionnaires
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lain Finkielkraut a été élu jeudi 10 avril à l’Académie française, au premier tour, par 16 voix sur 28 – 3 voix sont allées à Gérard de Cortanze, une à Athanase Vantchev de Thracy. Huit bulletins ont été barrés d’une croix en signe de désaveu, après une polémique qui a échauffé les esprits. Il y a eu a-t-on appris des « éclats ». Quelques académiciens, dont une académicienne, ont fait savoir le 3 avril qu’ils désapprouvaient sa candidature, jugeant le philosophe trop « réactionnaire », parlant d’une personnalité « clivante » – un adjectif pourtant absent du dictionnaire de l’Académie. L’un d’entre eux est allé jusqu’à dire que c’était le lepénisme qui entrait sous la Coupole. Aussitôt,plusieursdes«Immortels» réagissaientavecforce.L’écrivain Jean d’Ormesson, selon Le Figaro du 3 avril, faisait savoir son sentiment : « Si Finkielkraut n’est pas élu jeudi, je ne mettrai plus les pieds à l’Académie. » Une déclaration aussitôt démentie par l’intéressé. Revenant sur ces faits, l’historiende l’art JeanClair, académicien depuis 2008, précise : « Quelques académiciens, comme Pierre Nora, Michel Déon, Max Gallo et même Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie, ont laissé entendre qu’ils soutenaient aussi Finkielk-
raut. Il faut dire qu’en écoutant ces critiques, nous doutions de la santé morale et mentale de nos confrères. » Jean Clair trouve en effet qu’accuser Alain Finkielkraut d’être « un fourrier du FN » est « une ignominie », quand on sait que le père de celui-ci, juif polonais, a été déporté à Auschwitz, avant d’émigrer en France.
« Campagne politique » Comment a réagi l’intéressé ? D’après la philosophe Elisabeth de Fontenay, une de ses amies, « il est très content, très fier ». Elle précise : « C’est formidable qu’il entre à l’Académie française, lui, un enfant de l’école de la République, naturalisé. » Elle reconnaît qu’« elle n’est pas toujours d’accord avec lui » et « ne partage pas toutes ses idées sur le déclin de la sociétéfrançaise etsurtout sur l’importance de Renaud Camus » – l’écrivain a appelé à voter Marine Le Pen en 2012 et a été condamné jeudi pour provocation à la haine ou à la violence. Mais elle trouve « honteux » d’assimiler sa pensée à du lepénisme. Alain Finkielkraut lui-même a déclaré sur France Info, après son élection : « Il est tout à fait normal d’avoir des opposants. Je regrette que cette opposition ait pris la forme d’une campagne politique et qu’on m’ait traité de réactionnaire.
Parce que je ne vois pas au nom de quel progressisme je pourrais être classé au nom de la réaction. » Il a poursuivi : « Il y a cinquante ans, soixanteans peut-être, on se serait offusqué dans certains cercles de l’Académie contre un enfant de juif polonais avec un nom à coucher dehors. Aujourd’hui, on me reproche mon identité nationale. » Fils d’immigré, le philosophe de 64 ans s’inquiète des ratés de l’immigration et de l’intégration dans L’Identité malheureuse (Stock, 2013). Il défend la thèse d’un « refus d’intégration » gagnant la jeunesse française, ce qui a suscité un débat animé, sur un plateau télévisé, en février dernier, avec Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur – ce dernier lui reproche son « absence de confiance dans ce pays ». Sa propre histoire est pourtant un magnifique exemple de l’intégration à la française. Naturalisé à l’âge d’un an, fils d’un maroquinier, il va suivre une belle scolarité, qui le mène en 1972 à l’agrégation de lettres modernes. En 1976, il enseigne à l’université de Berkley,au départementde littérature française. En 1989, il devient professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique. En même temps, il écrit. Beaucoup. Avec La Défaite de la pensée (Gallimard, 1987), il commence
Alain Finkielkraut, le 10 avril. AFP/FRANÇOIS GUILLOT
son grand réquisitoire sur le déclin de la culture française, qui serait menacée par la culture de masse, le jeunisme, le multiculturalisme, la perte de l’écrit. Selon lui, nous entrons dans une époque où « un clip vaut Shakespeare », « un feuilleton vaut Homère », la « vidéosphère» a remplacél’écriture, le relativisme aplatit toute hiérarchie de valeurs. Il continue cette plainte « antimoderne » avec Le Mécontemporain (Gallimard, 1992) consacré à Charles Péguy, où il s’en prend « au modèle cumulatif des sciences et des techniques », qui s’étendrait désormais « à tous les secteurs de l’existence» au nom du « progrès », jusqu’à détruire l’humain artiste, idéaliste, cultivé. Il poursuit cette critique teintée de technophobie avec Internet, l’inquiétante extase (Milleet unenuits,2001),où il affir-
me qu’à l’âge du réseau les outils critiques et théoriques disparaissent au profit d’une dilution du réel, de la pensée et de la mémoire. En 2007, reprenant les débats qu’il anime dans son émission de France Culture, « Répliques », il publieQu’est-cequelaFrance?(Gallimard), où il entame sa recherche sur l’identité française et défend « la patrie charnelle » qu’il juge menacée. Une quête qu’il continue dans L’Identité malheureuse, un livre très critiqué, et très lu : 80000 exemplaires sont vendus. C’est probablement cette critique persévérante, parfois brillante, s’attaquant à tous les domaines du modernisme, qui lui a valu son élection à l’Académie. Ce qui fait dire au philosophe Ruwen Ogien, auteur de Philosopher ou faire l’amour, à sortir chez Grasset : « Le climat de panique morale (tout
fout le camp, le pays décline, les jeunes sont foutus, etc.) qu’Alain Finkielkraut a entretenu pendant vingt ans a certainement joué un rôle dans l’ouverture des portes de l’Académie.» Le philosophe succède au fauteuil 21 à l’écrivain Félicien Marceau, disparu en 2012. Ironie de l’histoire, l’élection de ce prédécesseur avait déjà suscité la polémique, en 1975. Exilé en France, Félicien Marceau avait été condamné par contumace à quinzeans de travauxforcéspar leConseilde guerre de Bruxelles pour collaboration. C’est de cet homme dont l’entrée à l’Académie avait provoqué, en signe de protestation, la démission du poète et ancien résistant, Pierre Emmanuel, qu’Alain Finkielkraut devra prononcer l’éloge lors de sa réception sous la Coupole. p Frédéric Joignot
INSTANTANÉ JAZZ
Freddy Cole, troubadour de la note bleue Freddy Cole, pianiste et « crooner », en quartet au Duc des Lombards, 10 avril 2014 : moment parfait. Tournée de très grands ducs. Lionel Frederick Cole, dit « Freddy», est le cadet de l’illustre Nat King Cole (1917-1965). De tous les Cole (Natalie, sa nièce), il est de loin le moins célèbre. Tout autant respecté dans la communauté des musiciens. Né en 1931 dans le Southside noir de Chicago. Son quartet? Kris Kaiser (guitare, façon Tal Farlow, nœud pap), Herman Burney (contrebasse, voir George Duvivier qu’il a bien fréquenté), Curtis Boyd (batterie). Des stars? Sûrement pas. Cela dit, pour peu que vous taquiniez Internet, vous tomberez sur une encyclopédie du jazz modeste. Ce récital ne se conçoit qu’en club, dans la chaleur, la proximité, l’intenable assentiment au monde. Il décline ballades, chansons et blues apparentés, sous la couleur d’amour. Amour, la vie telle qu’elle va, abandons et mélancolies, la chance aussi. Toutes les chansons, sauf la dernière, commencent plus ou moins par « Love» et vont y mourir par vagues en souriant. La dernière s’intitule Good Bye. C’est tout. Il lui arrive aussi de murmurer : «Je ne suis pas mon frère, je suis moi.»
Toucher de dentellière Freddy Cole, sapé comme un prince, est sans âge, enfin sans son âge. Il est de cette race des derniers troubadours de la note bleue. Pas un détail qui cloche. Côté batteur, des rimshots (claquements en bord de caisse) au millimètre. Pas un chorus (basse ou guitare) qui soit traité en numéro de cirque. Stricte circulation des âmes, prises de parole délicatement soutenues par le pianiste. Lequel a toujours vu un peu plus loin, question modernité, que son fantastique frère. Virtuosité? Pas un poil: l’exactitude, la seule exactitude du chant.
Compétition? Vous n’y êtes pas: l’écoute, la juste écoute d’un quatuor. Alors, performance? Oublions, je vous prie: non, l’unique élégance des sciences d’amour. Malgré la gloire planétaire de son frère, Freddy Cole aura osé persister dans cet art discret du piano chanté. Sa reconnaissance n’est venue qu’à pieds légers. Il
phrase comme phrasent les femmes (Billie Holiday). Il aime Billy Eckstine. Un toucher de dentellière. Depuis plus d’un demi-siècle, on serine que le jazz est mort. C’est scientifiquement vérifiable. Soit. Mais que faire d’un Freddy Cole et ses pairs, qui continuent de le servir à ce point comme un guide invisible ? p
Francis Marmande
été 14 les derniers jours de
l’ancien monde François-Mitterrand Paris 13 e 25 mars 3 août 2014 bnf.fr
une exposition du ministère de la Défense et de la Bibliothèque nationale de France
MINISTÈRE DE LA DÉFENSE MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
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culture
Samedi 12 avril 2014
CeciliaBartolibrille dansun terne«Otello»
Cendrillon trouve chaussure à son pied
La version épurée de Thierry Malandain relit avec bonheur ce ballet très connu
La diva italienne est deretour àParis dans uneproduction décevante del’œuvre de Rossini Danse
L
e Théâtre des Champs-Elysées peut se targuer d’avoir réussi un quasi-miracle : faire revenir Cecilia Bartoli dans Otello, de Rossini, quelque vingt ans après sa dernière apparition en Chérubin dans une reprise des mythiques Noces de Figaro montées par Giorgio Strehler à l’Opéra de Paris. Certes, la diva italienne a toujours honoré la capitale de ses époustouflants récitals annuels, au gré de ses succès discographiques. Mais cela fait bien longtemps qu’elle réserve ses productions lyriques à l’Opéra de Zurich (où elle est chez elle) ainsi qu’au Festival de Pentecôte, à Salzbourg, dontelle est depuis2012 la directrice artistique: elle a ainsi là-bas été à l’origine de projets comme Clari (Halévy), Le Comte Ory (Rossini), Semele (Haendel), Norma (Bellini), et même cet Otello d’il y a deux ans à Zurich, qui vient de sortir en DVD chez Decca. C’est dire avec quelle frémissante impatience on désire le lever de rideau.
Quand on a une Cecilia Bartoli en Desdemona, même l’invraisemblable devient vérité Il faudra pour cela attendre la fin d’une interminable ouverture ânonnée par un Ensemble Matheus des très mauvais soirs, justesse approximative, laideur des timbres, sans parler de la direction épileptique de Jean-Christophe Spinosi, dont il serait vain de s’épuiser à suivre la logique. Certes, cet opera seria de 1816 n’est pas l’ouvrage le plus réussi de l’auteur du Barbier de Séville : une intrigue décousue, comme survolée, dont les tensions tant musicales que psychologiques semblent parfois bien théoriques. Mais, quand on a une Cecilia Bartoli en Desdemona, même l’invraisemblable devient vérité. Car qui peut rivaliser avec elle aujourd’hui sur le seul terrain de l’incarnation musicale? On a beau la vêtir d’une peu seyante petite robe noire années 1960, lui donner des attitudes de
fillerebelledégénérée(leverred’alcool jeté à la figure de Rodrigo, la bouteille de bière qu’elle se renverse en pleinefigure dans un accès de rage impuissante contre son père), la Bartoli est inatteignable. Après la furia quasi incontrôlable de la fin de l’acte II, qui peut moduler ainsi un « Air du saule » sur les ailes de l’âme? Près d’elle, même un trio de ténors à contre-ut fait pâle figure. John Osborn n’est pas un Otello qu’on peut aimer au mépris des conventions sociales, pas plus que le Rodrigo d’Edgardo Rocha n’est un époux acceptable pour une âme bien née. Quant au Iago petite frappe de Barry Banks, comment lui prêter des visées de stratège de haut vol ? Reste la figure paternelle de Peter Kalman (Elmiro), dont le dédain haineux tue plus sûrement safilleque le couteaud’Otello.On a aiméla jolievoixde LilianaNikiteanu en Emilia un peu popote. Déjà partenaires « bartoliens » du Comte Ory, les metteurs en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser sontrestésd’unelittéralitéconfondante face au drame shakespearien : des portes ouvertes et fermées, une direction d’acteurs atone dans des décors hiératiques, rien qui touche ou bouge. Certes, une signalétiquesalle de réception ornée d’un somptueux lustre de Murano rappelle que les protagonistes, fors Otello, sont issus de la haute société vénitienne. A contrario, le quartier général d’Otello, un bric-à-brac de mobilier (chaises, tables, banquettes) avec billard désaffecté et vieux frigo, dit l’extraction populaire. Dans son subtil délabrement de palais patricien, la vaste chambre solitaire de Desdemona semble mimétique d’une vision sans tragique ni poésie. p
E
t tout ça à cause d’une chaussure et d’un pied minuscules ! Les murs de stilettos noirs, qui servent de décor à Cendrillon, chorégraphié par Thierry Malandain, ciblent parfaitement l’objet du désir et du délit : l’escarpin est l’indice qui va permettre au Prince de pister Cendrillon et de trouver chaussure à son pied comme on dit, mais qui va aussi obliger les deux méchantes sœurs à se mutiler pour tenter de réaliser leur rêve. Ainsi va la vie au pays des contes. Cettescénographieuniquedonne le ton ajusté de cette version très réussie d’un ballet maintes fois revisité. Econome dans le meilleur sens du terme – à l’exception peut-être de la somptueuse partition de Prokofiev –, Thierry Malandain a opté pour une voie très sobre, presque raide, loin du faste souvent convoqué pour ce scénario d’amour, de jalousie et de méchanceté. Ce qui oblige à beaucoup d’astuce et de stratagèmes.
La citrouille et le carrosse se résument à un immense cerceau lumineux.La scènedu bal faittourner manège les courtisans du Prince avec des mannequins grandeur nature qui accentuent l’image d’une cour de pantins. Quant aux costumes, ils parient sur la simplicité et la légèreté dans une gamme noir, blanc, gris, chair : la robe du soir de Cendrillon a tout d’un chiffontrès secondepeau. Mais cerégime, qui n’a rien de sec, bien au contraire,n’empêche pas la richesse du conte d’exploser. En fou amoureux de la tradition et de l’histoire du ballet, Thierry Malandain, qui s’est déjà frotté nombre de fois à l’exercice de la relecture, qu’il s’agisse de son Casse-Noisette ou de son Boléro, maintient un fil tendu avec certaines versionsemblématiques,comme, par exemple, l’opéra créé en 1899 par Jules Massenet, auquel il a emprunté un chœur d’elfes protecteurs de Cendrillon. Son choix de faire interpréter la marâtre et les deux sœurs par trois hommes travestis fait écho, par exemple, à
la version chorégraphiée en 1948 par le Britannique Frederick Ashton, qui cernait d’un trait appuyé le comique grotesque des « ugly sisters ». Ou bien à celle mise en scène en 1986 par Rudolf Noureev, dans laquelle la marâtre est un homme dansant sur pointes.
Trio diabolique Dans leur foulée, la triplette masculine de Malandain se révèle plus diabolique que burlesque. Crânes rasés, ultramaquillées, méchamment ambivalentes, ces troisméchantessurfilentd’un frisson de peur tout le ballet. La bellemère en particulier, harnachée de deux béquilles qu’elle brandit comme des armes, galope de façon terriblement agressive. Le travestissement est aussi décliné tout au long du spectacle, en particulierlors des séancesd’essayage de la fameuse chaussure. La plus belle des femmes se révèle alors être un homme dissimulé sous une robe. Une torsion supplémentaire dans la quête érotique du Prince qui donne sa touche spé-
cifique à la Cendrillon de Malandain. Ce contexte affûté oblige à un sans-faute chorégraphique. L’écriture classique-contemporaine de Thierry Malandain se révèle ici sans faille. Du point de vue narratif, la danse, et uniquement la danse, mène le jeu et enclenche avec précision les différents virages de l’histoire.Elle habilleaussi de sentiments et de sensations fines chacun des protagonistes. L’invention gestuelle, sans jeter de poudre aux yeux, fourmille de détails en conservant la ligne aérée, limpide, de Malandain. La troupede vingtdanseurstoustechniciens et interprètes épatants du centre chorégraphiqueMalandain Ballet Biarritz porte haut la stricte sensualité de ce Cendrillon d’une impeccable facture. p Rosita Boisseau
Cendrillon, de Thierry Malandain. Théâtre de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Jusqu’au 18 avril. 20 h 30. Dimanche, 15 h 30. Tél. : 01-53-65-30-00. De 11 ¤ à 33 ¤.
“Sensualité et effroi. Hitchcock revu par Xavier Dolan.” Télérama
“Un thriller psychologique du meilleur cru.” Le Monde
PRIX FIPRESCI
De la Critique Internationale 70e Mostra de Venise
“Une réussite éclatante.” Positif
Marie-Aude Roux
Otello, de Rossini. Avec Cecilia Bartoli, John Osborn, Edgardo Rocha, Barry Banks, Liliana Nikiteanu, Peter Kalman, Nicola Pamio, Enguerrand De Hys, Moshe Leiser et Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Calvaca (costumes), Christophe Forey (lumières), Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction). Théâtre des Champs-Elysées, Paris 8e. Le 9 avril. Jusqu’au 17 avril. Tél. : 01-49-52-50-50. De 5 ¤ à 140 €.. Theatredeschampselysees.fr
un film de
XAVIER DOLAN
AU CINÉMA LE 16 AVRIL Adaptation : la gachette
Opéra
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disparition
Samedi 12 avril 2014
Défenseur des droits et ancien maire de Toulouse
Dominique Baudis
I
l aura travaillé jusqu’aux derniers jours, rassemblant ses maigres forces pour mener à bien les combats quiluitenaientà cœur.Mardi 8 avril encore, hospitalisé au Val-de-Grâce, à Paris, Dominique Baudis, le Défenseur des droits depuisjuin2011,réclamaitdesparapheurs à ses collaborateurs. Il est mort jeudi 10 avril dans son sommeil d’un cancer généralisé, entouré de sa femme Ysabel, de ses trois enfants, de sa mère et d’amis proches. Il allait avoir 67 ans quatre jours plus tard. Sa maladie avait été diagnostiquéeenjuin2013,uncancerdupoumon doublé d’un œdème au cervelet dont il avait été opéré pendant l’été. En chimiothérapie, il avait repris dès la rentrée son poste de Défenseur des droits, ne laissant rien paraître de la maladie qui le rongeait. Malgré la fatigue, il continuait à interpeller le gouvernement, à alerter la presse, à écrire auxprocureurs,àouvrirdesenquêtes sur des affaires de discrimina-
En 2001. BRUNO CHAROY/PASCO
dontFrançoisHollande,doutantde son impartialité. En 2003, cet homme à qui tout réussit voit sa vie brutalement basculer dans le sordide. Une rumeur le met en cause dans une affaire liée au tueur en série Patrice Alègre. On parle de meurtre, de viols, d’actes de torture. Le président du CSA choisit de rendre public ce qui se murmuredanslesarcanespoliticomédiatiques en se rendant au journal de 20 heures de Claire Chazal, sur TF1. Il apparaît ce jour-là mal à l’aise, en sueur, et malgré ses dénégations, il continue à être la cible de soupçons sans jamais être mis en examen. Il racontera son calvaire dans un livre, Face à la calomnie (XO Editions) paru en 2005.
14 avril 1947 Naissance à Paris De 1971 à 1975 Correspondant à Beyrouth 1977-1980 Présentateur du 20 heures de la Une 1983-2001 Maire (UDF-RPR) de Toulouse 2001 Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel 2007 Président de l’Institut du monde arabe 2011-2014 Défenseur des droits 10 avril 2014 Mort à Paris
tion, à régler des litiges entre citoyens lésés et administrations. «C’estunedesfonctionslespluspassionnantes que j’ai eu la chance d’exercer», expliquait-il au Monde ennovembre.Enjanvier,unerechute l’avait contraint à s’éloigner de son bureau, mais pas de ses dossiers qu’il continuait à gérer à distance, entre deux hospitalisations etdespériodesdereposàdondomicile. Droite et gauche ont salué la mémoire de cet homme « épris de liberté», selon les termes de François Hollande. Dominique Baudis, né le 14avril 1947 à Paris, fils de l’homme politique Pierre Baudis, a eu plusieurs vies et deux grandes passions : le journalisme et la politique. « Le fil rouge entre mes différents métiers, c’est d’être au service du public », dira-t-ilauMonde.Diplômédel’Institut politique de Paris, il part au Liban et couvre l’actualité du pays pour la radio et la télévision jusqu’au début de la guerre civile en 1975 lors de laquelle il est blessé. Il devient ensuite correspond à TF1 pour le Proche-Orient puis grand
reporter pour la même chaîne. Bel homme à la mise élégante et au regard bleu perçant, il devient une vedette du petit écran en occupant le siège de présentateur du journal de 20 heures sur la Une de 1977 à 1980, puis de celui du « Soir 3 » sur FR3 jusqu’en 1982.
Modéré et humaniste Le journaliste est aussi un homme engagé. Modéré et humaniste, il milite au centre dès le milieu des années1960,oùildevientresponsable des Jeunes démocrates. En 1971, il est élu conseiller municipal de Boulogne-Billancourt (Hauts-deSeine), mais c’est à Toulouse, dont son père est le maire de 1971 à 1983, qu’il se lance vraiment en politi-
que. En 1983, il lui succède au Capitole. Il y restera maire dix-huitans, trois fois élu dès le premier tour. «Ce sont les années les plus utiles de ma vie», confiait-il. De la même manière qu’il s’était investidanslejournalisme,ilselance à fond dans la politique, cumulant tous les mandats qui passent à saportée.En1984,ilestéluauParlement européen, en 1985, il devient conseiller général de Haute-Garonne, en 1986, il est élu à la région Midi-Pyrénées dont il devient le président. La même année, il accèdeàl’Assembléenationale,rééluen 1988, 1993 et 1997. Proche de François Bayrou, qui, très ému, a regretté jeudi ces « quarante années d’amitié qui s’en vont », il est alors
undesdirigeantsdeForcedémocrate, l’ancien CDS, l’une des composantes de l’UDF. En 1994, il conduit la liste UDFRPR qui recueille 25,58 % des voix aux élections européennes. Séducteur, bon vivant, amateur de bons restaurants et de bons vins, il est apprécié de ses amis du parti et ce d’autant plus qu’il ne manifeste aucune ambition nationale. A deux reprises, il refusera des postes ministériels, préférant, dit-il alors, se consacrer à sa ville. En 1995, Alain Juppé, premier ministre de Jacques Chirac, lui propose d’entrer au gouvernement. Il dit « non » une nouvelle fois et argumente ainsi auprès de son ami et avocat Francis Szpiner l’initiant
aux rivalités régionales: « Le maire de Toulouse ne peut pas être derrière le maire de Bordeaux.» Pendant un an, il retourne vers la presse, au poste de président du comité éditorial du Figaro. En 2000, il surprend le monde politique en annonçant qu’il démissionne de tous ses mandats. Il explique à ses amis qu’il craint « l’usure». «A unmomentdonné,on atoutdonné, on n’a plus d’énergie. La politique, ce sont des années qui comptent double, je n’ai jamais aucun regret d’avoir arrêté », dira-t-il au Monde. Jacques Chirac lui propose de devenir président du Conseil supérieur del’audiovisuel(CSA).Unenomination qui suscite la polémique, plusieurs personnalités de gauche,
L’affaire Alègre: l’épreuve de la calomnie UNE MAISON de ville, cachée au cœur de Toulouse, à quelques pas de la Halle aux grains. C’est ici que Dominique Baudis, alors président du CSA, recevait quelques journalistes de confiance, en pleine affaire Alègre. Très peu, en fait, tant journalisme et confiance n’allaient pas de pair, en ces années-là. C’était il y a onze ans, mais tous ceux qui ont couvert ce dossier n’ont rien oublié. Tant l’on avait assisté, en cette année 2003, à une curée médiatique jamais vue, à une mise en bière, aussi, d’un idéal journalistique. Tout cela, Dominique Baudis l’avait vu, disséqué, subi surtout. C’était un homme meurtri, sonné, mais toujours debout, que l’on rencontrait dans son grand salon. Il avait été reporter de guerre, présentateur de journaux télévisés, dans sa première vie. Il ne connaissait rien aux arcanes judiciaires, aux procédures pénales. Il avait dû forcer sa nature, au journal de Claire Chazal, au printemps 2003, pour venir combattre la calomnie. Discret, distant et prévenant à la fois, il était blessé à jamais.
Tout est parti de cet assassinat, en janvier1992, dans un hôtel glauque de Toulouse, de la prostituée Line Galbardi. L’une de ses anciennes collègues de trottoir, Christèle Bourre, alias « Patricia», est entendue par les gendarmes en 2001. Elle va accuser de ce meurtre le tueur en série Patrice Alègre, qui va finir par endosser les habits, trop grands pour lui, du tueur à la solde de puissants. « Patricia» va ensuite accuser de viols Dominique Baudis.
Triste printemps 2003 Puis sa collègue de trottoir, Florence Khelifi, alias « Fanny », va s’en prendre aux magistrats, en particulier un substitut toulousain, Marc Bourragué. Michel Bréard, alors procureur de Toulouse, ouvre, le 15 avril 2003, une information judiciaire sous « la pression médiatique», selon sa propre expression. Il protège les accusatrices, allant jusqu’à aider au déménagement de Florence Khelifi. Un gendarme, Michel Roussel, mène les investigations, seul avec
sa conscience. En recueillant la parole viciée des prostituées, en la couchant sur procès-verbal, il la crédibilise. La livre aux journalistes, qui rivalisent de médiocrité. Les procès-verbaux s’étalent dans la presse et, depuis cette affaire, l’on sait qu’ils ne disent pas toujours la vérité. Il faut se rappeler qu’en ce triste printemps 2003, les reporters débarquent par palanquées, à l’avion du lundi matin, pour ne quitter Toulouse qu’en fin de semaine, repus de pseudo-révélations. Libération, Le Parisien et Le Monde – qui se fourvoie, dans un article de juin2003, en inventant une maison de l’horreur –, les médias les plus aguerris tombent dans le piège. Il faut parler de cette reporter de France2, qui ira jusqu’à payer une chambre d’hôtel à « Djamel », un travesti prêt à tout inventer pour exister. Il faut se souvenir de l’animateur Karl Zéro jouant les investigateurs, quitte à payer pour de fausses confidences. Sans parler de La Dépêche du Midi, trop ravie de voir Dominique Baudis, le
rival honni de son propriétaire, JeanMichel Baylet, éreinté en place publique. Car au milieu de tout cela, il y avait Dominique Baudis, ballotté, bousculé, qui n’avait d’autre choix que d’espérer en la justice. Il a bien fait. Il n’a pas cherché à utiliser ses réseaux, ses accointances avec le pouvoir chiraquien. Et c’est un simple juge d’instruction, Thierry Perriquet, qui finira, après deux ans d’enquête, par lui délivrer un non-lieu salvateur, et par renvoyer les deux prostituées devant un tribunal correctionnel. « J’ai simplement été victime de la rancœur mais aussi de l’aveuglement et de l’acharnement de certains. J’aimerais que cette affaire puisse faire évoluer certaines mœurs judiciaires et médiatiques, je n’aurai pas subi cela en vain », dira M. Baudis au Monde, en 2005. Pas sûr qu’il ait été entendu. Pierre Georges l’avait écrit dans Le Monde: « Si cette affaire est vraie, c’est grave. Et si elle n’est pas vraie, c’est tout aussi grave »… Il avait vu juste. p
Gérard Davet
« Indépendance » «Je n’ai jamaisvu autantdesaloperies déversées sur quelqu’un, se souvient son avocat Francis Szpiner, c’était un homme courageux, d’une dignité incroyable pour encaisserdes choses comme ça.» «Il a été victime d’une chasse à l’homme invraisemblable, abonde le conseiller d’Etat Camille Pascal, qui était à l’époque son directeur de cabinetauCSA.Ilaétébrûlédel’intérieur, même s’il disait le contraire.» DominiqueBaudis, dix ans plus tard, préférait se dire que l’épreuve l’avait grandi. « J’ai considéré que c’était un accident du travail violent, nous confiait-il pudiquement en novembre 2013. J’aurais préféré que ça n’arrive pas, mais j’ai surmonté. » Pendant la tourmente, il continue à se concentrer sur sa tâche au CSA et lance notamment la télévision numérique terrestre. « Contre vents et marées, il l’a imposée malgré une situation personnelle rocambolesque», souligne Camille Pascal. En 2007, il quitte ses fonctions pour être élu à l’Institut du monde arabe. Mais deux ans plus tard, il replonge en politique,acceptantde conduire la liste UMP de la circonscription Sud-Ouest pour les élections européennes de 2009. Il démissionne du Parlement européen, où il était vice-président delacommissiondesaffairesétrangères, pour être nommé Défenseur des droits par le président Nicolas Sarkozy en juin 2011. Un poste créé sur mesure, né de la fusion de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), du médiateur et du défenseur des enfants. Une structure constituée de 400 délégués territoriaux bénévoles et de 230 permanents, recueillant les plaintes de près de 100 000 Français par an. Il jure alors mener son action en toute « indépendance et impartialité» etassuretravailleren bonne intelligence avec le pouvoir socialiste à partir de 2012. Ce poste d’observation privilégié sur la société lui faisait sentir les effets de la crise sur des Français de plus en plus « excédés par les erreurs de l’administration ou les discriminations». Ces derniers mois, il s’était penché sur la question des Roms et notammentsur lascolarisationdes enfants dont les camps sont menacés de démantèlement. Il se flattait d’avoir obtenu des avancés de l’ancien premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et d’avoir porté le sujet au niveau européen. p Vanessa Schneider
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carnet
Samedi 12 avril 2014
AU CARNET DU «MONDE»
en vente actuellement K En kiosque
Décès M Jeannine Baudis, sa maman, Mme Ysabel Baudis, son épouse, Florence, Pierre et Benjamin, ses enfants, L’ensemble de ses collaborateurs, me
ont le très grand chagrin d’annoncer la disparition de
Dominique BAUDIS, Défenseur des droits,
survenue le jeudi 10 avril 2014, des suites d’une longue maladie.
Hors-série
« Le courage est cette qualité supérieure qui nous permet de faire face d’un cœur égal aux multiples désagréments de la vie. » Sangaré Oumar. M Marie Derain, Défenseure des enfants, adjointe du Défenseur des droits, Mme Maryvonne Lyazid, adjointe du Défenseur des droits chargée de la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité, Mme Françoise Mothes, adjointe du Défenseur des droits, chargée de la déontologie dans le domaine de la sécurité, M. Bernard Dreyfus, délégué général à la médiation avec les services publics, M. Antoine Grézaud, directeur de cabinet, M. Luc Machard, directeur général des services, M. Richard Senghor, secrétaire général, Les membres des collèges, Les agents Et les délégués du Défenseur des droits, me
Hors-série
ont l’immense chagrin d’annoncer le décès de
Hors-série M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits.
Ils s’associent à la peine de la famille et tiennent à témoigner de leur fierté d’avoir travaillé auprès d’un homme de conviction et d’engagement. Premier titulaire de la fonction de Défenseur des droits, il aura su marquer de son empreinte cette institution de la République dont il a voulu qu’elle soit respectée pour son indépendance et son impartialité.
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Collections ---------------------------------------------------------
Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Les membres du Conseil, Les collaborateurs du Conseil, ont la grande tristesse de faire part du décès de
M. Dominique BAUDIS,
Défenseur des droits, ancien président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, survenu le 10 avril 2014. Ils se joignent avec profonde sympathie à la douleur de ses proches.
Actuellement en kiosque le vol. n° 1 LA VOLUPTÉ DU BILLABONG d’Hervé Claude, illustré par Loustal
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En union avec son épouse, Son fils, Ses amis Et ses frères, ont la douleur d’annoncer le décès de
dit
« Philippe DECHARTRE », colonel des Forces françaises de l’intérieur, membre de l’Assemblée consultative provisoire,
Nos services
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ancien député, ancien ministre, doyen du Conseil économique, social et environnemental, grand-croix de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945 avec palme, médaille de la Résistance avec rosette, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, vénérable d’honneur de la Loge Paris du Grand Orient de France (GODF), membre des Loges Demain GODF et Cassin Grande Loge de France,
K Le Carnet du Monde
survenu le 7 avril 2014, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.
Professionnels
La cérémonie d’adieu aura lieu dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, à Paris 7e, le mardi 15 avril, à 10 heures.
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Les membres du bureau, Les conseillers, Les anciens membres, La secrétaire générale, L’ensemble du personnel, ont la tristesse de faire part du décès de
Philippe DECHARTRE,
résistant, ancien ministre, ancien doyen du Conseil économique, social et environnemental, grand-croix de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, croix de guerre 1939-1945, rosette de la Résistance, survenu le 7 avril 2014, dans sa quatre-vingt-seizième année. Les honneurs militaires lui seront rendus le mardi 15 avril, à 10 heures, dans la cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, à Paris 7e. Bernard Reygrobellet, président, Le bureau Et les membres du Club Nouveau Siècle, ont la tristesse d’annoncer le décès de
Philippe DECHARTRE,
ancien ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, ancien doyen du CESE, fondateur du Club Nouveau Siècle, grand-croix de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, croix de guerre avec palme, médaille de la Résistance avec rosette, survenu le 7 avril 2014, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Nous lui ferons nos adieux le mardi 15 avril, à 10 heures, dans la Cour d’honneur de l’Hôtel national des Invalides, à Paris 7e (entrée par l’Esplanade des Invalides). Nous partageons la grande peine de son fils, Emmanuel. Club Nouveau Siècle, 58, rue Ramey, 75018 Paris. (Le Monde du 11 avril.) Le Quatrième Groupe, organisation psychanalytique de langue française, Héloïse Castellanos-Colombo, présidente, L’ensemble des analystes-membres et des participants du Quatrième Groupe, ont la très grande tristesse de faire part du décès de leur collègue et amie,
Marie-Claude FUSCO, survenu le 9 avril 2014.
Jean DUPRAT-GÉNEAU,
Dès jeudi 10 avril, le volume n° 12 LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE
Jean-Paul Delevoye président du Conseil économique, social et environnemental,
Cet avis tient lieu de faire-part.
Elle a poursuivi avec courage jusqu’à son terme son engagement dans la formation des analystes au Quatrième Groupe dont elle a aussi assuré la présidence. Pendant de longues années, elle a, avec générosité, participé aux activités du département de psychothérapie analytique du Centre Victor-Smirnoff. L’intérêt qu’elle a toujours porté à la transmission de la psychanalyse, tout comme son ouverture aux autres alliée à une grande finesse analytique, lui ont valu de nombreuses amitiés dans la communauté analytique où elle était très présente. Tous présentent à sa famille, à ses proches, leurs sincères condoléances. Les enseignants, L’administration, Les étudiants de l’ESAM Design, Et ses amis, ont la douleur d’annoncer le décès de
M. Bernard GERBOUD,
Mme Marie-Noëlle Janiaud, son épouse, Béatrice, Isabelle, Eric, ses enfants, font part du décès de
M. Paul JANIAUD, survenu le 31 mars 2014, à l’âge de soixante-quatorze ans. Ils remercient toutes les personnes qui partagent leur peine. Ils remercient les donneurs de sang, sans qui Paul n’aurait pu vivre ces dernières années et tout le personnel médical pour son dévouement. Paul était un chercheur rigoureux et un militant infatigable. Ses cendres reposent à Combs-la-Ville, depuis le 4 avril. janiaud.mn@wanadoo.fr André Syrota, président-directeur général, Alain Tedgui, président du conseil scientifique Et l’ensemble des personnels de l’Inserm, ont eu la tristesse d’apprendre la récente disparition de
Paul JANIAUD,
directeur de recherche à l’Inserm, dont la personnalité fut marquante, tant sur le plan scientifique que dans les champs administratif, syndical, social et international. Paul Janiaud a commencé sa carrière scientifique en 1985 au sein de l’unité 196 de l’Inserm, dirigée par Ernesto Falcoff puis Jeanne Wietzerbin à l’Institut Curie, menant des recherches de biologie fondamentale axées sur le cancer, études qu’il poursuivra un temps à l’Institute für Biochemie, à l’université d’Heidelberg. Vivement intéressé par les évolutions de l’organisation de la recherche, il rejoint ensuite le Siège de l’Inserm. Son activité dominante sera sa participation aux premières expertises collectives, lancées en 1993 par la direction générale de l’Institut, pour répondre aux demandes des pouvoirs publics de disposer de bilans de connaissances scientifiques en tant qu’aide à la décision dans le domaine de la santé publique. Paul Janiaud prend alors la direction du service commun 15 de l’Inserm dédié à cette activité. Ce sont plus de dix expertises collectives qui seront organisées par ce service pendant son mandat. Paul Janiaud a été, par ailleurs, un acteur majeur de l’ouverture européenne de l’Inserm. Son action a été déterminante pour la participation française aux programmes européens de recherche en santé par l’impulsion qu’il a donnée au Club des organismes de recherche associés (CLORA), créé en 1991, à Bruxelles, puis directement auprès de la Commission européenne en tant que représentant de la France au Comité de programmes. Au ministère de la Santé, il a également participé au lancement du plan cancer auprès de la déléguée interministérielle pour la lutte contre le cancer. Et, plus récemment, l’un de ses derniers combats a été de promouvoir l’éthique biomédicale en Europe. Tout l’Inserm s’associe à la peine de ses proches et de tous ceux qui ont eu le bonheur de le connaître, de travailler avec lui, d’apprécier son extraordinaire dynamisme et d’admirer son courage et sa combativité vis-à-vis de la maladie qui a fini par l’emporter. Georges Vidal, son époux, Nayel, Belkiss, Syrine, son fils, sa belle-fille et sa petite-fille, Ginette et Alain, Doud et Lyliane, M’Baïreh et Sylvie, Djiraïta et Sabrina, ses frères et sœurs et beaux-frères Claudia Vidal, Pierre et Michèle, Monique, sa belle-mère, beau-frère et belles-sœurs, Frédérique, Charles Emmanuel et Eliane Yacé, Mamoudou et Pascale Keita, ses cousins et cousines, Jean Marc, Lionel, Stephen, Cyril, Maida, Naoula, Lise, Nyeleti, Djessereh, Anais, Djyllian, Djenae et Jade, ses neveux et nièces, Marcel Auguste et Marie Louise Bonnel, Les familles Lisette, Ferly, Vidal, Colomb, Sabatier, Yace, Maimay, LiguerLaubhouet, Kodjo, Demel, Thiam, Ekra, Laubhouet, Saïdi, Bouaïche, Bonnel, Da Costa, Bleu Lainé, Daplet, Parents et alliés Et la grande famille du Zonta, ont la profonde douleur de faire part du décès de
Mme Aline LISETTE-VIDAL,
La cérémonie religieuse aura lieu en l’église de Saint-Paulien, le mercredi 16 avril, à 15 heures.
Nous gardons le souvenir d’un vrai humaniste.
L’inhumation aura lieu au cimetière de Saint-Paulien.
Une cérémonie d’adieu est organisée le samedi 12 avril, à 10 heures, salle de la Coupole, au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
Josette, son épouse, Catherine, Nicole, Jean-Claude, François, Odile, ses enfants, Valerio, Vincent, Alain (†), Jean, Claire, ses petits-enfants, Célia, Romain, Zackary, ses arrière-petits-enfants, Myrriem, sa sœur, Ses compagnons de la France Libre, Ses camarades parachutistes coloniaux
Jean-Marie Sander, président de Crédit Agricole SA, Jean-Paul Chifflet, directeur général de Crédit Agricole SA,
ont la douleur de faire part du décès du
Jean Simon a été président des Caisses régionales de Saône-et-Loire, Ain-Saôneet-Loire et Centre-est (1985-2002). Il a occupé de nombreuses responsabilités dans les instances du groupe Crédit agricole : membre du bureau de la Fédération nationale du Crédit agricole, administrateur de plusieurs filiales et participations. A ce titre, il a pris part à toutes les grandes étapes de développement du groupe, jusqu’à la création et l’introduction en bourse de Crédit Agricole SA, en 2001.
colonel (er) Claude MADEMBA-SY,
grand-croix de l’Ordre du Lion, grand-officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, ancien des Forces françaises libres n°14923 et de la 2e DB (1er RMT), ambassadeur honoraire du Sénégal, survenu le 8 avril 2014, dans sa quatre-vingt-dixième année. La cérémonie religieuse aura lieu le samedi 12 avril, à 10 heures, en l’église Notre-Dame-de-Beaulieu de Briatexte (Tarn). Ni fleurs ni couronnes. Cet avis tient lieu de faire-part. Résidence le Grand-Champs, 20, rue du Grand-Champs, 81150 Lagrave. syodile@yahoo.fr Laurent (†) et Marie-Antoinette Le Chatelier, Marie-Laetitia Roux, ses enfants, Frédéric, Antoine, Nicolas Boyer et leurs conjointes, ses petits-enfants, Charlotte, Stella, ses arrière-petites filles, Paul (†) et Christiane (†) Roux, son frère et sa belle-sœur, Marie-Laetitia Wellhoff, née Roux, sa cousine, leurs enfants et petits-enfants, font part du rappel à Dieu, le 9 avril 2014, dans sa cent cinquième année, du
professeur Marcel ROUX,
chirurgien honoraire des Hôpitaux de Paris, membre de l’Académie de médecine, membre de l’Académie de chirurgie, officier de la Légion d’honneur. La cérémonie religieuse aura lieu le lundi 14 avril, à 10 h 30, en l’église Saint-Pierre de Charenton-le-Pont. Il sera inhumé le 16 avril dans la chapelle familiale d’Ajaccio.
Elle aimait les fleurs. Chassaleuil, 43350 Saint-Paulien, (France).
ont la tristesse de faire part du décès de
Jean SIMON,
chevalier de la Légion d’honneur, commandeur du Mérite agricole, ancien administrateur et vice-président du conseil d’administration de la Caisse nationale de Crédit agricole (1988-1999).
Ses obsèques sont célébrées ce vendredi 11 avril 2014, à 14 h 30, en l’église d’IssyL’évêque (Saône-et-Loire).
Commémoration Commémoration de la déportation des Juifs de France par l’association « Les Fils et Filles de Déportés Juifs de France », avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Cérémonie à la mémoire des déportés du convoi n°71 parti, il y a 70 ans, du camp de Drancy pour le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, avec à son bord 1500 personnes dont 288 enfants. Dimanche 13 avril 2014, à 12 heures. Lecture des noms des déportés du convoi n°71. Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e. Renseignements : FFDJF Tél. : 01 45 61 18 78. Email : klarsfeld.ffdjf@wanadoo.fr
Conférences « Le défi sociétal de la transition énergétique. » Un grand débat organisé par la Conférence des présidents d’université (CPU), le mardi 15 avril 2014, de 9 heures à 13 heures MINES ParisTech 60, boulevard Saint-Michel, Paris 6e. Entrée libre. Programme détaillé et inscription sur cpu.fr
15, rue Gabrielle, 94220 Charenton-le-Pont. Saint-Pée-sur-Nivelle (PyrénéesAtlantiques). Paris. New York. M. Yves Saint Léger, son époux, Stéphane (†), Claude (†), France, Christiane, Anne, ses enfants et leurs conjoints, M. Burton May Taylor, son frère, Ses petits-enfants, Ses neveux et nièces, ont la tristesse d’annoncer le décès de
Mme Edith SAINT LÉGER, née MAY TAYLOR,
survenu le 10 avril 2014, à Saint-Pée-sur-Nivelle. La cérémonie religieuse sera célébrée le samedi 12 avril, à 10 heures, en l’église de Saint-Pée-sur-Nivelle, dans l’intimité familiale. Les visites se font au funérarium de Biarritz, avenue du Sabaou, salon Gamaritz.
Conférence gratuite. Jaurès (1859-1914) : une cible à la veille de la Grande Guerre, par Magalie Lacousse, conservateur en chef Archives nationales, le dimanche 13 avril 2014, à 14 h 30, Musée de la Grande Guerre, Rue Lazare Ponticelli, 77100 Meaux (à 30 min par gare de l’Est). Réservation 01 60 32 10 45 ou reservation.museedelagrandeguerre@ meaux.fr
Communication diverse La belle dédicace de Danièle Sallenave (Dictionnaire amoureux de la Loire, Plon) a été mise en ligne sur Passiondulivre.com
Le Carnet
Annoncez vos événements culturels
survenu le 8 avril 2014, à Saint-Paulien, à l’âge de soixante-six ans.
survenu le 6 avril 2014.
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Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 carnet@mpublicite.fr Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne
Signatures Projections-débats Lectures Communications diverses
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météo & jeux
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Jours suivants Lundi
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Lever 07h05 Coucher 20h37 Dimanche
Les hautes pressions resteront bien positionnées sur le proche Atlantique, favorisant ainsi un flux de nord faible. Si le soleil sera voilé à peu nuageux sur la moitié Nord, avec des températures légèrement au-dessus des normales, en revanche les cumulus prendront de nouveau un peu plus d'ampleur au Sud du pays. On attend même quelques averses voire orages isolés en montagne des Pyrénées aux Alpes.
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Dans le monde
Alger assezensoleillé Amman assezensoleillé Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth assezensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires beautemps Dakar assezensoleillé Djakarta pluiesorageuses Dubai assezensoleillé Hongkong assezensoleillé Jérusalem bienensoleillé Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire bienensoleillé Mexico bienensoleillé Montréal bienensoleillé Nairobi assezensoleillé
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New Delhi assezensoleillé averseséparses New York assezensoleillé Pékin enpartieensoleillé Pretoria bienensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible enpartieensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible assezensoleillé Sydney assezensoleillé Téhéran bienensoleillé Tokyo soleil,oragepossible Tunis Washington assezensoleillé Wellington faiblepluie
Outremer
Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis
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Météorologue en direct au 0899 700 713
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
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Solution du n˚14-086
TF 1
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tout est permis avec Arthur. Invités : Tal, Ary Abittan, Baptiste Lecaplain, etc. 23.30 L’amour est aveugle. Télé-réalité (110 min) U.
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FRANCE 2
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20.47 Caïn.
Série. Duels. Dieu, Caïn, etc. (S2, 7-8/8, audio.) 22.25 Tour auto. Magazine. 22.35 Ce soir (ou jamais !). 0.12 La Parenthèse inattendue. Invités: Amel Bent, Frédéric Lenoir, etc. (110 min).
IV V VI
FRANCE 3 20.45 Thalassa.
VII
Shanghaï, voyage au centre du monde. 22.35 Météo, Soir 3. 23.10 La France face à Israël. Documentaire. Camille Clavel (2014). 0.30 Si près de chez vous (55 min).
VIII IX X Horizontalement
Solution du n° 14 - 086
Horizontalement
I. Minimisation. II. Anodine. Oslo. III. RTT. Mérite. IV. Cratères. EPO. V. Hit. Et. Ma. Or. VI. Egée. Egard. VII. Pauma. Œdipe. VIII. Inratable. At. IX. Et. Noce. Urge. X. Défenestrées.
Vendredi 1 1 avril
20.55 Vendredi,
I
I. En déployant les forces armées. II. Essence d’Afrique. Devient dérangeant à la fin de l’été. III. Préfère garder le silence. Des chiffres et une lettre. IV. Les patrons aimeraient les voir disparaître de l’entreprise. Ne lâchent rien. V. Quitte le Pacifique pour faire son cirque. La maison du maître. VI. Rongeur amateur de fruits. Encadrent la garnison. Fin de verbe. VII. Club de foot. Facilite les transports de liquide. Finit dans les papiers. VIII. Vous et moi. Toujours agité. IX. Suivent les dizaines. Elévation. X. Sorties brusques et bruyantes.
J
’ai, il y a peu, prédit ici le déclin probable des émissions de téléréalité culinaires. Non seulement deux membres du jury de « MasterChef» (TF1), les chefs Frédéric Anton et Yves Camdeborde, ont jeté l’éponge, mais il semble que le public aussi commence à se lasser de voir, notamment dans « Top-Chef» (M6), des épreuves répétitives (cuisiner des épluchures, déstructurer un plat classique) ou absurdement « novatrices» (telle celle consistant à préparer un repas dans une cuisine suspendue au sommet d’une grue). Pourtant, deux nouveaux programmes culinaires quotidiens sont proposés depuis le début de la semaine par TF1 (« L’Addition, s’il vous plaît ! », à 17 heures) et M6 (« Mon bistrot préféré», à 17 h 30), qui sont non seulement en concurrence directe mais tentent de tailler des croupières à « Dans la peau d’un chef », chaque jour sur France 2, à 16 h 55. Je n’ai pour l’heure regardé que « Mon bistrot préféré», qui sillonne les établissements de différentes régions, élimine les moins bons et rassemble les heureux sélectionnés lors d’une finale, diffusée le vendredi. Evidemment, la chose a un petit goût de réchauffé, surtout si l’on suit les émissions de Jean-Luc Petitrenaud qui, depuis des lustres, transporte sa gouaille et ses papilles au bord des zincs de tout poil. Mais on y révise ses classiques et l’on dévore de l’œil des plats en sauce qui vous font, rien qu’à les regarder, prendre dix kilos avant l’été. Tout cela m’a donné envie de rouvrir les Propos de table, de James de Coquet (Albin Michel,
Les soirées télé
Sudoku n˚14-087
Motscroisés n˚14-087 2
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Ankara
Chaque jeudi, l’essentiel de la presse étrangère
Les jeux 1
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“ITA” ce cyclone devrait enfin s’atténuer sur le nord-est de l’Australie
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0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Verticalement
1. Prend les bonnes mesures. 2. Diminution appréciable ou coup de mou. 3. Breuvage divin. Fait l’innocent. 4. Sans la moindre fantaisie. Passer à tabac. 5. Attaque l’utérus. Dans la main. 6. Eau troublée. Peut libérer. 7. Bonne couche à la cuisine. Manière d’avant. 8. Parlé dans la Grèce antique. 9. Mettent brutalement fin. Equipe le bâtiment. 10. Tranche de pâté. Suit le vu de près. Sa part est la plus belle. 11. Musique de la rue. Mettent en déroute. 12. Ne resteront pas en place. Philippe Dupuis Verticalement
1. Marchepied. 2. Intrigante. 3. Notateur. 4. Id. Emane. 5. Mimée. Aton. 6. Inerte. Ace. 7. Séré. Gobes. 8. Ismaël. 9. Tôt. Ardeur. 10. Isée. DI. Ré. 11. Ol. Pô. Page. 12. Notoriétés.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60
La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen
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80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre »)
20.55 Les Profs
Film Pierre-François Martin-Laval. Avec Christian Clavier, Isabelle Nanty (Fr., 2013). 22.20 Le Monde fantastique d’Oz pp Film Sam Raimi. Avec James Franco (EU, 2013). 0.30 La Cage dorée Film Ruben Alves. Avec Rita Blanco (55 min).
FRANCE 5 20.38 On n’est pas que des cobayes ! Peut-on se mettre dans une valise ? etc. 22.26 C dans l’air. Magazine. 23.37 Entrée libre. Magazine. 23.58 L’Emblématique Route argentine, Ruta 40 (90 min).
ARTE 20.50 Double jeu : Le Chemin des anges. Téléfilm. Martin Weinhart. Avec Senta Berger, Rudolf Krause, Gerd Anthoff (All., 2013). 22.20 Le cargo hisse les voiles. Documentaire (Allemagne, 2014). 23.15 Société - Les Noces persanes. Documentaire. Sudabeh Mortezai (All., 2010). 0.05 Court-circuit (60 min).
M6 20.50 NCIS.
Série. Les Ailes de l’espoir (S11, 7/24) ; Primitus victor. Protéger et honorer V. Question d’instinct. Fight Club (saison 6, ép. 5 à 7 et 10/25) U. 1.05 New Girl. Série. La Boule d’angoisse. Peace & Love (saison 1, 15 et 16/24, 55 min).
1990), un critique culinaire à l’ancienne qui, comme beaucoup de ses confrères, avait un joli coup de plume. Né en 1898, cet exquis et élégant réactionnaire goûtait peu les audaces de la nouvelle cuisine: « On disait autrefois: “La sauce fait passer le poisson.” Il faut renverser les termes de cet axiome et dire que le poisson fait passer la sauce, une petite sauce, courte, aqueuse, tournée en cinq minutes. Doit-on ce changement aux diététiciens dont le refrain a toujours été : “Surtout pas de sauces !” ? Mon avis est que notre “Mai 68 culinaire” est à mettre au compte de ces derniers, inspirés par des chroniqueurs gastronomiques soucieux de ménager leur canal cholédoque.»
Les nappages sont toujours de rigueur dans les bistrots, servis dans des caquelons aux sucs collés aux parois Et Coquet terminait sa chronique en s’interrogeant sur l’avenir de mets où la sauce tenait naguère le premier rôle. Nul doute qu’il serait rassuré de constater que les nappages sont toujours de rigueur dans les bistrots, servis dans des caquelons aux sucs collés aux parois. Et Coquet se réjouirait de ce que le chef d’un « néobistrot » lyonnais (chez qui les sauces sont à marée basse) ait perdu cette manche de « Mon Bistrot préféré» au profit d’une cuisine rassurante dans la plus parfaite tradition des mères lyonnaises. p
Samedi 12 avril TF 1 20.55 The Voice, la plus belle voix. Episode 14. 23.30 The Voice. « La Suite ».
0.35 Les Experts : Miami.
Série. Chambre noire. Mort aux enchères. Frères d’armes (S5, 8 à 10/24, 155 min) U.
FRANCE 2 20.45 Les Années bonheur.
Invités : Hermes House Band, Herbert Léonard, King Africa, Indila, Yannick, Lio, etc. 23.20 On n’est pas couché. Présenté par Laurent Ruquier (180 min).
FRANCE 3 20.45 La Disparue du Pyla.
Téléfilm. Didier Albert. Avec Lucie Jeanne, Véronique Genest (France, 2013, audio.). 22.25 Météo, Soir 3. 22.50 Inspecteur Lewis. Série. Meurtres en coulisses (saison 3, 2/4). 0.25 Appassionata - Gala hommage à Teresa Berganza. Par le Chœur et l’Orchestre du Teatro Real (60 min).
CANAL + 20.55 The Call p
Film Brad Anderson. Avec Halle Berry, Abigail Breslin, Morris Chestnut (Etats-Unis, 2013) V. 22.25 Jour de rugby. Top 14 (24e journée). 23.10 Jour de foot. L 1 (33e journée). 0.05 Magnum. Téléfilm. Philippe Katerine et Gaëtan Chataigner (France, 2014, 90 min).
FRANCE 5 20.35 Echappées belles.
Brésil : la route des terres conquises. 22.05 Visages du littoral. [2/4] La Manche. Documentaire. Gil Kébaïli. 23.00 A vous de voir. Les Technologies au service de l’autonomie. 23.30 Superstructures XXL (45 min).
ARTE 20.00 24 heures Jérusalem. [6 à 9/9]. 20 h 00 - 23 h 00. 23 h 00 - 1 h 00. 1 h 00 - 5 h 00. 5 h 00-6 h00. Documentaire (2014, 600 min).
M6 20.50 Hawaï 5-0.
Série. Pukana (S4, ép. 11/22, inédit) U ; Imi Loko Ka ’Uhane. Ho’Opio (S3, 21 et 22/24) U ; Ho’apono. Mana’o (saison 1, 7 et 8/24) U. 1.00 Supernatural. Série. Apocalypse 2014. Idoles assassines (S5, 4 et 5/22) V. Avec Jensen Ackles (95 min).
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débats
Samedi 12 avril 2014
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Quel avenir politique pour les Verts ?
Les écologistes doivent tendre la main aux déçus du hollandisme Faire fructifier la victoire de Grenoble, loin de l’image d’un parti de «bobos» Sergio Coronado Noël Mamère Députés écologistes
M
anuel Valls est un hommeénergique,déterminé, aux convictions trempées. Avec lui, par le passé, nous avons eu des divergences profondes, sur des questions politiques majeures. Nous ne jugeons pas les hommes mais leur politique. A cette aune, force est de constater que le président de la République et les plus hauts responsables de l’Etat n’ont tiré aucune leçon du désaveu qui leur a été infligé à l’issue des élections municipales. Pire, ils ont choisi de s’entêter dans leur politique d’extrême rigueur pour les classes moyennes et populaires, de cadeaux au Medef et de minimalisme écologique. Le contenu du contrat passé en novembre 2011 entre les socialisteset les écologistes n’est plus qu’un élément de langage qui sert à fleurir les discours officiels. Dès lors, la décision de Cécile Duflot et Pascal Canfin de ne pas participer au gouvernement conduit par Manuel Valls ne nous a pas surpris. Le vote, très majoritaire, du conseil fédéral d’EELV est venu confirmer cette nouvelle donne. Dans ce contexte, tout à fait logiquement, nous avons fait le choix de l’abstention, avec quatre autres collègues de notre groupe. Si nous nous considérons dans la majorité, nous ne souhaitons pas accorder notre confiance, sans garanties, à un gouvernement qui s’obstine à ne pas entendre la souffrance, le désarroi, la colè-
re des Français. La confiance ne pourra être accordée tant qu’une réorientationde la politique économique, sociale et environnementale n’aura pas été amorcée. Elle n’a pas eu lieu et le discours de politique générale du premier ministre ne nous a pas rassurés. Il s’agit doncmaintenantpour les écologistes de préparer le « jour d’après ». Se contenter de camper sur une position de soutienà géométrie variableau gouvernement serait suicidaire. Nous devons dire, dès maintenant, quelle sera notre feuille de route pour l’avenir, au risque d’être disqualifiés pour longtemps. Le danger de l’indécision est que nous évoluions entre deux mauvais choix : le soutien sans participation et la marginalisation à la gauche de la gauche. Nous récusons ces deux postures. La première auraitpu se comprendreau débutdu quinquennat, mais elle nous semble aujourd’hui totalement irréaliste. Soit on assume ses responsabilités et on pèse de l’intérieur de l’appareil d’Etat pour changer les politiques publiques, soit on démontre que notre sortie est motivée par le refus d’une politique qui n’a plus de gauche que le nom et dont la sémantique écologique n’est qu’un paravent. Le discours du nouveau premier ministre révèle l’entêtement du gouvernement Hollande III à tenir un discours fondé sur le redressement des comptes publics et le pacte d’austérité, qui va forcément se traduire par l’amoindrissement de la protection sociale et des services publics et qui risque de réduire la capacité de notre pays à engager la transition écologique. Nous refusons également de théoriser l’existence de deux gauches: l’une radicale, l’autre réformiste, qui se combattraient jusqu’à l’extinction finale. Nous sommes des réformistes radicaux, qui avons
acquis une culture de gouvernement sans rompre avec leur ancrage dans les mouvements sociaux. Notre projet écologiste est tout autant en rupture avec la logique sociale-libérale qu’avec les illusions du grand soir. Entre ces deux impasses, nous devons continuer à porter l’espoir d’une troisième option, celle de l’écologie qui agit et qui rassemble. C’est cette dernière qui a marqué des points lors du dernier scrutin municipal. Ce qui s’est passé à Grenoble et dans d’autresgrandesvillesde France, oùdes lis-
Lesécologistes ont trop souvent été à la remorque d’un électorat des centres-villes urbains, au capital culturel élevé, sans prendre en compte lesbesoins des classes populaires tes autonomes écologistes ont obtenu 12 % en moyenne, montre que les germes d’une gauche sociale et écologiste existent bel et bien dans le pays. Faire vivre « l’esprit de Grenoble » doit être au cœur de notre stratégie pour les trois ans à venir. Une telle dynamique repose sur trois axes. D’abord, une alliance nouvelle entre les classes moyennes et les classes populaires. Les écologistes ont trop souvent été à la remorque d’un électorat des centres-villes urbains, au capital culturel élevé, sans prendre en compte les besoins des classes populaires. Or la crise écologique s’attaque d’abord aux plus démunis. Nous
LesVerts,cessophistesdelapolitique Jean de Kervasdoué
Membre de l’Académie des technologies
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uand ils apprirent que Manuel Valls était chargé de constituer le nouveau gouvernement,CécileDuflotetPascalCanfindéclarèrent: « Ce n’est pas une question de personne, mais d’orientation politique». Leur parti, EELV, refusa donc toute participation dans ce gouvernement.Il leur fut pourtant proposé un ministère de l’écologie aux larges compétences ainsi que des engagements précis en matière de transition énergétique et une dose de proportionnelle pour les législativesde2017.C’étaitbienalléchant,maisledésaccord politique l’a emporté; il ne doit rien au hasard. Remarquons que la cause immédiate ne touche pas les questions écologiques mais économiques et ce désaccord confirme que la rigueur qui s’annonce ne sera pas indolore. Membres du gouvernement Ayrault, ils connaissaient les grandes lignes du plan d’austéritéqui seprépare.Ilsonttrouvélàl’occasionde s’en désolidariser, en attendant de rompre l’alliance avec le Parti socialiste dont ils ne partagent pas les idées, et notamment pas celles portées par Manuel Valls. « Nous voulons un changement de cap », dit M. Canfin. « Les socialistes continuent de croire que la seule solution réside dans la croissance », développe Mme Duflot, qui souhaite « préparer un avenir intense en emplois, où l’on produit et consomme différemment». Croissance ici et décroissancelà, il est étonnant que l’alliance ait autant duré. Elle s’est construite sur un calcul électoral. Le Parti socialisteabesoind’appointpourconstituerunemajorité. Sans Parti communiste et autres partis de l’extrême gauche qui auraient un poids suffisant dans l’opinion, sans s’autoriser l’audace sacrilège de regarder vers le centre, l’arithmétique électorale des élections municipales de 2008 et des élections européennes de 2009 montrait aux responsables du PS que la seule voie possible était de s’allier avec les écologistes, d’où l’accord de 2011. Il a profité électoralement à ces derniers, le PS leur a offert des postes et des responsabilités bien au-delà de ce qu’ils représentent dans l’opinion. En outre, le Parti socialiste, sans plus trop savoir où il en était, s’est laissé imposer des analyses et des idées qui n’étaient pas les siennes. Il aura bien du mal à s’en dépêtrer et en paiera le prix. Les Français le constatentdéjà.Ilsuffitdecomparer,àconsommationidentique, sur trois ans, le prix de l’électricité. Si les écologistes ont appris du PS la politique locale et le goût du pouvoir, les socialistes ont adopté sans analyse approfondie de nombreux points de vue des écologistes politiques sur des sujets dits « de société»
etbienentendusurlesthèmesquel’onqualified’écologiques. En matière d’immigration, il y eut le conflit entre Cécile Duflot et Manuels Valls sur la question des Roms ; rappelons leur influence en matière de « genre» ou de « mariage pour tous». Rien de surprenant: cherchant sur Internet ce que lesécologistesdisaientd’eux-mêmes,j’aitrouvéladéfinitionsuivantesurlesitedesJeunesEcologistes.«L’écologie politique est un mouvement socioculturel nourri d’influences diverses (mouvements altermondistes, féministes,pacifistesetnonviolents,libertaires,socialistes, autogestionnaires, etc.) qui, depuis les années 1970, revendique la possibilité de mener une action politique prenant en compte les enjeux écologiques.»
Gardien de la foi écologique Or, comme tous les partis politiques prennent aujourd’hui en compte les enjeux écologiques, ce qui distingue véritablement aujourd’hui EELV des autres partis, ce sont ces autres « influences diverses ». Ils sont pour la décroissance, pour « vivre autrement ». Ils pensent qu’un pays comme la France peut faire fi de ce que Cécile Duflot appelle « la vision comptable » et qu’en français on peut traduire par : cesser d’emprunter et commencer à payer ses dettes. Oui, Cécile Duflot laisse entendre que « l’on peut organiser la solidarité grâce à l’Europe». Qui ? Comment? Avec quelle majorité politique et quels impôts? Mais là où leur influence est la plus remarquable, c’est en matière d’écologie. Ils ont réussi cet exploit de pouvoir définir la nature des problèmes, d’imposer les solutions, tout en se faisant accepter comme gardiens de la foi écologique. Leurs thèmes de prédilection touchent aussi à l’invisible, à l’impalpable qu’il faut craindre : les ondes radio, les radiations nucléaires, les manipulations génétiques, les traces infimes de pesticides ou les fines particules produites par tel ou tel moteur. Ils mythifient une nature qui n’a jamais existé et quand ils entendent des objections factuelles, ils excommunientles mécréants.Ainsiest né le catéchismeécologique qui fait fi de toutes données empiriques. Mais peu importe la vérité quand l’opinion est manipuléepar des organisationsaussi non gouvernementales que non scientifiques et non représentatives et quand la voie de la raison portée par les académies est tue. Les sophistes gouvernent. Platon, il y a vingt-cinq siècles, disait déjà qu’il ne fallait pas débattre avec un sophiste : la vérité ne l’intéresse pas, il veut seulement convaincre. Cela s’appelle aujourd’hui : enquête d’opinion, sondage, élément de langage. Les écologistes politiques se sont attribué le monopole du discours public sur les questions écologiques. Leur influence demeurera. Il suffit pour s’en persuader de voir ce que Manuel Valls était prêt à concéder sur le fond pour les garder dans sa majorité. p
devons rompre avec cette image de bourgeois-bohèmes qui nous colle à la peau. L’écologie populaire doit devenir notre obsession. Ensuite, un programme de transition écologique, axé sur nos fondamentaux: la crise climatique, le nucléaire et les pollutions. Nous devons et pouvons montrer que nos propositions d’alternatives énergétiques sont crédibles. Nous ne sommes pas des partisans de la taxation sans limites, mais les défenseurs d’une fiscalité écologique qui se substitue, à taux égal, à la politique fiscale actuelle, injuste et illisible. De ce point de vue, nous sommes très inquiets des deux premiers couacs du gouvernement : les déclarations de Ségolène Royal remettant en cause la pollutaxe sur les poids lourds, au prétexte de « l’écologie punitive», sont synonymes de régression ; le rattachement du commerce extérieur au ministère des affaires étrangères est le signe annonciateur de la signature du traité transatlantique (Tafta) qui fera tomber toutes les normes environnementales et sanitaires protectrices et permettra à des multinationales d’attaquer les Etats devant les tribunaux. Enfin, une stratégie qui tende la main à la fois aux déçus du hollandisme, notamment la gauche du Parti socialiste, qui se sent abandonnée, et aux groupes et mouvements citoyens qui cherchent désespérément une traduction politique à leurs actions de terrain. Il faut être capable de s’allier avec les forces de gauche qui n’ont pas le sectarisme comme boussole. Dans un tel contexte politique, notre programme ne doit pas se réduire à des mesures, mais s’appuyer sur ce qui nous manqueleplus : un grand récit,appropriable par la majorité de nos concitoyens, qui renoueavec l’utopie réalistedu projetéco-
logiste, en lui donnant un objectif : « le bien-vivre». S’ouvrir à la société était le projet initial d’EELV. Il a été oublié en chemin. Le signal envoyé par les électeurs, la défiance face aux appareils politiques, suppose que nous retrouvions rapidement le chemin qui a fait le succès des européennes. Là encore, l’esprit de Grenoble est précieux. L’innovation, l’expérimentation sociale, le mélange d’ouverture et de radicalité sont la meilleure réponse au sentiment d’impuissance qui pèse sur nos consciences. Alors que les crises climatique, énergétique et écologique sont en train de changer radicalementnos vies, les initiatives de transition, locale et régionale, sont les meilleurs antidotes à la crise du politique.A conditiond’offrir la perspective du rassemblement à vocation majoritaire autour de l’écologie politique. p
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Sur Lemonde.fr, Dominique Bourg, philosophe, vice-président de la Fondation Nicolas Hulot, s’interroge sur la spécificité de l’écologie française. Dans sa tribune, « Chute du PS et avenir de l’écologie politique », il prône le dépassement des clivages dès lors qu’il est question de sauvegarder la planète, un enjeu à même de rassembler toutes les tendances politiques. A lire également: « A quoi servent les écologistes en politique ? » Daniel Boy, chercheur au Cevipof, s’y interroge sur le poids réel du parti écologiste dans le jeu politique
Décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-D-20 du 17 décembre 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des services destinés à la production d’électricité photovoltaïque Saisie par Solaire Direct, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013 par laquelle elle sanctionne EDF à hauteur de 13 543 000 euros, pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur le marché émergent des services rendus aux particuliers souhaitant devenir producteurs d’électricité solaire photovoltaïque. En effet, EDF a abusé de la position dominante qu’elle détient en tant qu’opérateur historique sur les marchés de la production, de la distribution et de la fourniture d’électricité en mettant en œuvre des pratiques visant à avantager ses filiales EDF ENR puis EDF ENR Solaire sur le marché du photovoltaïque, dans des conditions qui leur donnaient un avantage non reproductible par leurs concurrents.
Historique de la procédure : des mesures conservatoires prononcées en 2009 Dans l’attente de sa décision au fond, l’Autorité de la concurrence a prononcé dès 2009 des mesures d’urgences (décision 09-MC-01), en imposant à EDF de mettre fin à certains comportements dénoncés par la plainte.
Ainsi, EDF a assuré la promotion et la commercialisation des offres photovoltaïques de sa filiale EDF ENR en mobilisant l’ensemble des moyens de communication propres à l’opérateur historique : - en utilisant la marque Bleu Ciel qui est la marque des offres d’EDF à destination des clients résidentiels, et notamment la marque de la fourniture d’électricité au tarif réglementé, - en mobilisant ses propres a g e n t s e t l ’e n s e m b l e d e s moye ns de communic ation à sa disposition (Lettres Bleu Ciel, factur es d’électr icité, campagnes publicitaires, site internet, salons et foires…) pour orienter les clients vers la plateforme téléphonique du Conseil Energie Solaire du 3929, destinée à informer les consommateurs tout en assurant la promotion des offres photovoltaïques de la filiale EDF ENR, - en utilisant pour ce faire la base de données de ses clients obtenue dans le cadre de sa mission historique de fournisseur d’électricité, avantage qui ne pouvait être reproduit par ses concurrents.
Des pratiques visant à créer une confusion dans l’esprit des consommateurs sur le rôle des entités du groupe EDF dans la filière photovoltaïque
EDF a ainsi introduit une confusion dans l’esprit des consommateurs qui ne pouvaient soupçonner que les offres photovoltaïques de la filiale EDF ENR n’étaient pas des offres de l’opérateur historique, fournisseur d’électricité.
Entre novembre 2007 et avril 2009, date du prononcé des mesures conservatoires, EDF a mis en œuvre toute une série d’actions dont l’objectif était de créer une confusion entre, d’une part, l’activité de la société EDF en tant que fournisseur historique d’électricité aux ménages au tarif réglementé et, d’autre part, l’activité de sa filiale EDF ENR sur le marché concurrentiel de l’équipement photovoltaïque.
Après avoir rappelé qu’il n’est pas interdit pour un opérateur historique de se diversifier, l’Autorité a précisé que de telles pratiques, qui ont permis à EDF ENR de profiter de l’avantage procuré par l’image de marque et la notoriété d’EDF dans des conditions de concurrence ne relevant pas de la concurrence par les mérites et non accessibles à ses concurrents, sont constitutives d’abus de position dominante.
L’usage de la marque de l’opérateur historique à partir du mois de mai 2009 EDF a renoncé, à partir de cette date, à utiliser ses marques propres et ses moyens de communication pour développer sa filiale. Cependant, elle a maintenu l’usage d’une marque – EDF ENR – et d’un logo dérivés de sa propre marque, bénéficiant toujours ainsi, dans les circonstances particulières de marché qui ont prévalu jusqu’au printemps 2010, d’un avantage concurrentiel non reproductible par ses concurrents.
Le secteur du photovoltaïque : un marché émergent animé par des PME Les pratiques d’EDF se sont déroulées sur le marché émergent des ser vices rendus aux particuliers souhaitant devenir producteurs d’électricité solaire photovoltaïque, où étaient présents des petites et moyennes entreprises ne disposant pas de marque notoire, ni d’une image de fiabilité à l’instar d’EDF, et qui avaient donc besoin d’engager d’importants i nve sti s s e m e nt s p o u r f a i r e connaître leur marque auprès du public. Ces pratiques ont donc fait obstacle à toute réelle possibilité de concurrence de la part de ces PME, qui du fait de leurs ressources limitées ne pouvaient répliquer un tel avantage. N’ayant pu atteindre une taille critique, les entreprises spécialisées dans cette activité ont d’ailleurs toutes disparu en 2010, lors de la crise qui a frappé le secteur en raison des changements réglementaires sur les tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque. EDF a introduit un recours devant la Cour d’appel de Paris contre cette décision de l’Autorité de la concurrence.
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Sylvie Kauffmann Kiev Envoyée spéciale
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etyana Tchornovol reçoit sur son lit d’hôpital, frêle et pâle, une intraveineuse plantée dans le bras, à l’unité de soins intensifs de la clinique Boris, de l’autre côté du Dniepr. Elle y fait des séjours réguliers depuis qu’elle a été violemment battue, la nuit du 25 décembre 2013 en rentrant chez elle, par trois hommes qui ont forcé sa voiture à s’arrêter en rase campagne, l’ont passée à tabac et jetée dans le fossé avant de l’abandonnerpar un froidpolaire.Les photos de son visage tuméfié, méconnaissable, ont fait le tour des réseaux sociaux et galvanisé les manifestants de Maïdan, qui occupaient la grande place de l’Indépendance à Kiev depuis que le président Viktor Ianoukovitchavait décidé,le 21 novembre, de renoncer à l’accord d’association avec l’Union européenne. Les nervis du régime avaient quelques raisons d’en vouloir à cette journaliste de 34 ans, mère de deux enfants, qui s’était spécialiséedans les enquêtessur la corruption de la nomenklatura ; l’après-midi même de son attaque, elle avait publié un article avec des photos de l’extérieur de la résidence privée du ministre de l’intérieur. Parmi les dossiers découverts dans le palais au luxe très kitsch du président ukrainien en fuite, en février 2014, les contestataires de Maïdan ont trouvé celui de Tetyana Tchornovol, avec un compte rendu précis de ses allées et venues et de ses appels téléphoniques. Trois mois plus tard, le fin visage de Tetyana Tchornovol ne porte plus de marques de l’agression, mais le traumatisme crânien a laissé des séquelles. « Quand mon cerveau reçoit trop d’informations, il déconnecte et je dois venir me reposer », explique-t-elle simplement. Inquiète, une de ses amies confie qu’elle ne peut pas travailler plus de quatreou cinq heuresd’affilée. Un handicap, dans ses nouvelles fonctions : le 5 mars, après le renversement du régime, Tetyana Tchornovol a été nommée chef d’une nouvelle agence de lutte contre la corruption.
Génération
Maïdan Ils ont 30ans et veulent changer l’Ukraine. Issus des classes moyennes et de la société civile, ils ont mis leur expertise au service d’un pari fou: transformer le système, mettre fin à la corruption. Malgré les entraves de Moscou
A vrai dire, c’est encore plus compliqué que cela. « Je suis, dit-elle, présidente d’un Bureau anticorruption qui n’existe pas. » Lorsqu’on lui demande qui l’a nommée, elle réfléchit quelques secondes et répond avecungrandsourire:«Maïdan».Sanomination a été annoncée à la foule par le premierministredugouvernementintérimaire,ArseniIatseniouk,maiselle-mêmeassure n’avoir eu aucun entretien personnel avec lui sur ce sujet. Elle n’a ni budget, ni locaux,ni personnel,juste deux bénévoles. La corruption en Ukraine, elle connaît. Elle peut vous en parler pendant des heures, son aiguille dans le bras, puisant dans des trésors d’énergie pour raconter, chiffres à l’appui,les turpitudesdes oligarqueset des anciens dirigeants. Ce qui lui manque en revanche,malgré son titre ronflant, ce sont les instrumentspour la combattre.Desinstruments juridiques, financiers, administratifs, policiers, judiciaires. « Moi, je suis journaliste,je saisenquêter,dit-elledans un éclair de lucidité. Mais je n’ai aucune expertise sur la lutte contre la corruption.» CommeIgorSoboliev,37ans, autrecombattant de la première heure sur Maïdanet bombardé, fin février, chef du comité de « lustration» pour faire le tri parmi les responsables compromis dans l’ancien régime(LeMondedu 8 avril),TetyanaTchornovol vient de la société civile, pas de la politique. Du jour au lendemain, ils se retrouvent impliqués dans la transition chaotique ukrainienne, mais sans moyens. « On leur a confié les deux tâches les plus explosives, commente Svitlana Zalishchuk, une de leurs alliées. Igor était un leader d’EuroMaïdan. Et maintenant il doit boire ce poison, la lustration! » De là à flairer un piège posé par la vieille garde,iln’ya qu’unpas…quelesinitiateurs du soulèvement pro-européen de Maïdan ne se privent pas de franchir. Non sans raison : il y a dix ans, la révolution orange a
tourné court. Dès que les manifestants ont eu le dos tourné, la classe politique a repris ses bonnes habitudes kleptocrates. «J’ai une fille de 3 ans. Je ne veux pas que, dans quinze ans, elle soit encore là à manifester sur Maïdan! » Hanna Hopko a 32 ans et vient dedécouvrirses premierscheveux blancs dans sa queue-de-cheval châtaine. Après les trois mois de manifestations et d’affrontements, c’est une autre partie, tout aussi cruciale, qui se joue maintenant dans cette révolution ukrainienne; Hanna Hopko y est en première ligne et cette foisci, elle ne lâchera pas. « C’est encore plus dur que de se battre contre les Berkout [police antiémeute], car là, nous nous battons pour l’avenir du pays », dit-elle entre deux réunions et cinq coups de téléphone. Spécialiste de santé publique, elle a fait ses classes de militante dans la lutte antitabac et contre la corruption dans le secteur de la santé. On lui a proposé un poste de viceministre de la santé dans le gouvernement provisoire, qu’elle a refusé, car elle savait qu’ellen’auraitpas les moyensd’ychanger leschoses.HannaHopkoincarnelagénération qui est le moteur d’EuroMaïdan, venue des classes moyennes éduquées, profondémentancréedans l’idéedémocratique et européenne. Elle et ses amis ont à peine connu l’Union soviétique, enfants. Leur génération avait 20 ans en 2004, assezpourtirerlesleçonsdel’occasionperdue. Aujourd’hui, elle est mûre. Et déterminée. S’ils veulent sauver l’esprit de Maïdan, transformer la formidable énergie du soulèvement en un authentique élan de réformes qui rendra le mouvement irréversible,ces trentenaires-làn’ont pas une minute à perdre. Il leur faut vaincre l’obstacle d’une classe politique qui, malgré Maïdan, espère encore préserver le système dont elle a tant profité. Et résister à la pression de Moscou qui fait monter la fièvre un peu plus tous les jours. C’est une
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k Tetyana Tchornovol, 34 ans, est responsable d’une agence de lutte contre la corruption. Ici, avec des militants de Maïdan, dans le parc du palais de l’ex-président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, à Kiev, le 25 février. GUILLAUME HERBAUT/INSTITUTE
K Daria Kaleniuk, 26 ans, juriste, dirige le Centre d’action anticorruption ; Igor Soboliev, 37 ans, est le chef du comité de « lustration », chargé de faire le tri parmi les responsables compromis dans l’ancien régime. DR J Hanna Hopko, 32 ans, a cofondé le groupe d’experts de la société civile ; Nataliya Gumenyuk, 30 ans, est la cofondatrice de la télévision indépendante Hromadske-TV ; Svitlana Zalishchuk, 30 ans, dirige l’association Tchestno. DR
vraie course contre la montre qui s’est engagée. Hanna Hopko a une façon très intense de s’exprimer, à la fois calme et fébrile. Lorsqu’ona essayé d’incendier sa voiture il y a trois mois, elle a expédié sa fille chez ses grands-parents,dans l’ouest du pays, et n’a pas eu le temps d’aller la voir depuis. Les experts qui manquent tant à Tetyana Tchornovol et Igor Soboliev, elle et ses amis les ont trouvés – et réunis. Ensemble, ilsontmontéungroupedeplusde80bénévoles, venus des ONG et des instituts de recherche. Ils vérifient le travail législatif, repèrentdesprojetsdeloiutilesquelespartis d’opposition avaient déposés en sachant qu’ils n’avaient aucune chance d’être adoptés, car les députés du parti au
«La meilleure chose qui puisse arriver à la Russie, c’est un EuroMaïdan» Daria Kalenjuk directrice du Centre d’action anticorruption
pouvoir, le Parti des régions, ne les voteraient jamais. Aujourd’hui, avec le renversementdesalliancesconsécutifà la révolution, ces textes pourraient être adoptés mais,curieusement,nesont passoumisau vote. Alors Hanna Hopko et son équipe mettent députés et ministres au pied du mur, leur préparent, chaque semaine, des « paquets de réformes de réanimation » pour ressusciter ce pays à l’agonie, avec un calendrier précis pour chaque texte et des manifestations devant le Parlement pour maintenir la pression. Lundi, c’est le projet de loi 2207, sur la transparence des marchés publics. Adopté. Mardi, victoire: c’est « leur » candidat qui est nommé à la tête de
la télévision nationale, Zourab Alassania, un journaliste de Kharkiv qui s’empresse d’annoncer les mesures nécessaires pour mettre fin à la machine à propagande et rendrel’institutionindépendante.Mercredi, ce sera le projet de loi 3678, sur la réforme des organes judiciaires. Jeudi, un revers : le projet de loi 3378 est rejeté ; les députés calent devant la perspective de devoir dévoiler leur patrimoine immobilier.«Onn’avaitpasasseztravaillélesdéputés », regrette une jeune juriste. Vendredi, le bilan n’est pas mauvais : dans la même semaine, fin mars, deux textes, le 2207 et le 0947 sur l’accès à l’information officielle, sont passés. Sous la pression des « experts». Daria Kaleniuk, juriste, fait partie de ce grouped’actionlégislatif.A26 ans,elledirige une ONG, le Centre d’action anticorruption. Elle a fait ses études de droit à Kharkiv et voulait devenir avocate. Quand elle a vu lespots-de-vinqu’ilfallaitpayerpouryparvenir, elle a décidé de se battre. Grâce à une bourse Fulbright, elle est partie faire un master de droit des services financiers au Chicago Kent College of Law: « Mon objectif était d’en revenir avec des outils juridiquespour combattrelacorruption.» Objectif atteint, en 2011. Elle crée son ONG avec un ami, coordonne son travail avec celui des journalistes d’investigation. Jusqu’à Maïdan, « nous étions limités, on ne pouvait que documenter la corruption ». Aujourd’hui, le moment est venu de passer à l’action. Daria n’y va pas par quatre chemins: « Ce que nous voulons,c’est changer le système.» Elle est tendue, tout entière concentrée sur sa tâche, « il faut aller vite ». Son mari s’occupe de leur fils de 2 ans. Elle cherche à coopérer avec les services antifraude de l’Union européenne sur les biens volés par Ianoukovitch et sa clique, « car gel des avoirs ne veut pas dire confiscation. Avec de bons avocats, ça peut
être contesté. Donc il faut nous dépêcher d’organiser la récupération et le rapatriement de ces avoirs, mais nous n’avons pas la capacité juridique». C’est tout le paradoxe de cette révolution. Pour pouvoir changer le système, il faut passer par une institution, le Parlement, qui n’a aucun intérêt à le changer. Le 25mai, les Ukrainiens éliront un nouveau président, pour remplacer celui qui a fui en Russie, et un nouveau maire pour la capitale, Kiev. Le Parlement, lui, attendra pour être renouvelé. Combien de temps ? On ne sait pas trop. Les députés ne sont pas pressés dese faire hara-kiri, « car beaucoup d’entreeuxdevraientêtreenprison»,soupire-t-on au sein de la génération Maïdan… Il suffit de les voir continuer à en venir aux mains en plein hémicycle. Réalistes, la plupart des militants démocrates défendent cette décision : si le Parlement avait démissionné, il y aurait eu vacance de pouvoir. « Il fallait être responsable», justifie Igor Soboliev. Mais une fois qu’un président aura été élu et sa légitimité assise, il faudra organiser des élections parlementaires. Quand? « Fin 2014, ou bien en 2017 », nous dit Oleh Tyahnybok, député et chef du parti nationaliste Svoboda, qui participe au gouvernement Iatseniouk. Comme Batkivchtchina (la formation de Ioulia Timochenko), son parti a pris le train de Maïdan en marche, il est en perte de vitesse. C’est pour cela que Maïdan ne désarme pas : pour maintenir la pression sur ces partis qui freinent.
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epuis mars, une épine supplémentaire s’est introduite dans le jeu ukrainien. Une épine de taille, qui s’appelle Vladimir Poutine. Après s’être emparé de la Crimée en un tour de main et amputé l’Ukraine de 2,5 millions d’habitants, le président russe a massé ses troupeslelongde lafrontière.Latensionprovoquée par les opérations de déstabilisation dans les régions russophonesde l’est montedejourenjour.LaRussieréclameunrégime fédéral pour l’Ukraine, afin de pouvoir en contrôler la partie orientale. A Kiev, le traumatisme de la perte de la Crimée et la hantise de l’invasion sont si profonds qu’ils compliquent considérablement la tâche des démocrates : comment pousser des réformes radicales alors que l’unité du pays est menacée? «Nous avonsdeux fronts maintenant,la corruption et la Russie », souligne Svitlana Zaleshchuk, 30 ans, qui dirige l’association Tchestno (Honnêteté). Avec l’appui de Ioulia Timochenko, des oligarques ont été nommés gouverneurs pour « tenir » les régions de l’est. De forts soupçons de corruption pèsent sur au moins l’un d’entre eux, mais que faire ? Se priver de son autorité et risquer l’implosion de la région ? Les avis divergent. Daria Kaleniuk, elle, répond fermement : « Non, il ne faut sur-
toutpasralentirnotretravail.Sinous parvenonsà changerle système,celanous donnera un vrai soft power. Nous ne pouvons pas gagner avec le hard power. Lorsque nous serons comme un pays européen normal, avec des exigences élevées et l’Etat de droit, alors ce sont les Russes qui voudront changer leur pays. La meilleure chose qui puisse arriver à la Russie, c’est un EuroMaïdan.» C’est précisément, disent les diplomates européens, ce que redoute le président russe:lacontagion.Etc’estpourcela,prédisent-ils, qu’il fera tout pour empêcher le déroulement normal de l’élection présidentielle, qui marquerait le premier succès de la révolution ukrainienne. C’est aussi pour cela qu’Hanna Hopko et ses amis sont si pressés : « Le moment est fragile, lourd de dangers», disent-ils.
« En Ukraine, même le Parti communiste n’a plus d’idéologie » Alissa Ruban membre du parti Alliance démocratique Un jour de la fin mars, tard dans la soirée, Hanna a convoqué quelques-uns de ses amis du groupe des experts. Elle leur a dit que le moment était venu de créer un parti politique, qu’il fallait penser à des candidatures aux élections au Parlement lorsqu’elles auront lieu. Certains, comme la blonde Svitlana Zalishchuk, sont prêts à y aller. D’autres pensent qu’il faut encore privilégier le travail sur la société civile. Mais il est clair que la relève des élites, qui s’est tant fait attendre en Ukraine, est enfin prête. Lesya Orobets – encore une femme, encore une trentenaire – en est un autre symbole : fille d’un homme politique d’opposition mort dans un mystérieux accident de la route en 2006, elle est devenue députée l’année suivante, à 25ans. Elle vient de quitter le parti de Ioulia Timochenko pour se présenter à la mairie de Kiev comme candidate indépendante, soutenue par une jeune formation, l’Alliance démocratique. Ce nouveau parti a participé à la révolution de Maïdan et voudrait « introduire les valeurs de la démocratie-chrétienne européenne dans le débat », explique l’une de ses membres, Alissa Ruban, elle aussi engagée dans le groupe d’experts. « Nous voulons mettre de l’idéologie dans les partis politiques, poursuitelle, comme en Europe. En Ukraine, même le Parti communiste n’a plus d’idéologie.» Etoile montante, Lesya Orobets, dont la fougue, la crinière rousse et le gilet pareballes ne sont pas passés inaperçus cet hiver et qui s’est elle aussi séparée de ses deux enfants pour les mettre à l’abri, a comprisque l’avenir appartenaità la génération Maïdan, pas aux députés discrédi-
tés. Le premier ministre Iatseniouk, qui est en train de prendre ses distances avec son ancienmentorIoulia Timochenko,semble le comprendre lui aussi. « C’est un processus de cristallisation politique naturel, après une période d’unité forcée », commente la journaliste Nataliya Gumenyuk, 30 ans, cofondatrice de la télévision indépendante Hromadske-TV. Résolument tournées vers l’Europe à l’ouest,ces jeunes élites n’enattendentpas tout; elles savent que c’est aux Ukrainiens de faire le gros du travail. Ce qu’elles attendent en priorité de l’UE, c’est la liberté de circuler, et une assistance économique dont elles supplient qu’elle soit conditionnelle : « Surtout, ne donnez pas un sou à l’Ukrainesansque les réformessoientengagées », nous répètent hommes et femmes de la génération Maïdan. Surla place,toujoursferméeà la circulation par ses barricades de pneus, de sacs de sable et de ferraille, règne une étrange atmosphèrede lendemain de fête etde tragédie. Il arrive d’y croiser quelques ivrognes, remarquablement absents pendant lestroismoisde fièvre :la disciplineserelâche. Ce n’est pas faute de personnel paramilitaire, pourtant. Les hommes du groupe nationalistePraviy Sektor,quiont participé à la défense de Maïdan en janvier et février, incapables de se défaire de leurs treillis, de leurs jambières et de leurs gilets pare-balles,ontdumal àaccepter dese retirer, petit à petit. Avec les beaux jours, Maïdan devient un lieu de pèlerinage, de recueillement aussi, aux multiples endroits où sont tombés, sous les balles des snipers, les hommes de « la centurie céleste ». « Ils sont morts pour rien », dit une vieille dame, pensive, fichu sur la tête, devant l’un des autels improvisés, couverts de bougies et de fleurs. « Rien n’a changé», ajoute-t-elle, en se tournant vers la rue Grouchtchev, où siègent, presque face à face, le gouvernement et le Parlement. « Ce sont toujours les mêmes. Et en plus, on a perdu la Crimée. » La vieille dame se trompe. Beaucoup de choses ont changé. De jeunes entrepreneurs du secteur high-tech offrent même, eux aussi, leur expertise (www.warroom.today) pour « faire de l’Ukraine un pays totalement différent ». Dans son bureau chargé de livres à l’université Mohyla de Kiev, le philosophe Constantin Sigov s’émerveille de ce « pays porté par une immense énergie de renouveau et d’éthique », qui ouvre « une ère nouvelle pourl’Europe», comparableà celleouverte par la chute du mur de Berlin. A condition, reconnaît-il, de « ne pas se laisser intimider parlapeuretle mensonge», de «ne paslaisser Poutine étouffer le débat ». A condition aussi que la génération Maïdan ait le temps de transformer cette énergie en un changement de système. Un vrai, cette fois. p
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décryptages
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Samedi 12 avril 2014
Le préoccupant retour du Japon sur le marché des armes par Philippe Pons Correspondant à Tokyo
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e renoncement du Japon à la chasse à la baleine dans l’Antarctique a eu plus d’échosdans les médiasinternationaux qu’une décision de Tokyo tout aussi significative, non pour la vie des cétacés mais pour les équilibres régionaux, de revenir sur le marché mondial des armes auquel il avait renoncé pendant près d’un demi-siècle. Une décision qui suscite inquiétudes et critiques en Chine, bien sûr, mais aussi en Corée du Sud, alliée, comme le Japon, des Etats-Unis. Alors que la tension pour des différends historiques et territoriaux avec ces deux pays ne faiblit pas, Pékin et Séoul voient dans ce retour du Japon sur le marché des armes une nouvelle avancée du premier ministre, Shinzo Abe, sur la voie de la révision de la Constitution pacifique de 1947 – qui lui interdit le recours à la guerre – afin de permettre à l’Archipel de participer à un système de défense collective et de pouvoir se porterà la rescoussed’alliésmenacés.Or, les dispositions constitutionnelles actuelles ne le lui permettent pas. Le Japon serait ainsi en mesure de jouer un plus grand rôle dans l’ordre régio-
nal, afin, notamment, de contrer la puissance militaire chinoise. En 1967, en pleine guerre froide, le Japon s’était interdit l’exportation des armes vers les pays communistes et ceux placés sous embargo des Nations unies ou impliqués dans des conflits internationaux. Ces restrictions furent renforcées en 1976 et s’étaient traduites par une interdiction totale des ventes d’armes à l’étranger. Après avoir été indirectement impliqué dans l’effort de guerre des Etats-Unis au Vietnam – en ayant servi en quelque sorte de porteavions avec les bases militaires américaines dans l’Archipel –, le Japon réaffirmait son pacifisme. Bien qu’à partir de 2004 Tokyo ait assoupli ces dispositions en autorisant les firmes japonaises à participer à la production d’armement avec les Etats-Unis, l’interdiction des exportations de matériel militaire demeurait. Sa levée s’inscrit dans ce que Tokyo nomme un « pacifisme proactif ». Désormais, le Japon peut vendre du matériel militaire – qualifié, autre euphémisme, de «matériel de défense» dans les documents officiels – à certains pays s’il le juge bon à condition qu’ils ne représentent pas une menace pour la paix et la sécurité mondiales et en veillant à ce que ces armes ne soient pas réexportées vers un pays tiers. Le Japon, qui produit des munitions, des fusils d’assaut, des chars, des navires et l’hydravion US-2, envisage de vendre du matériel militaire aux Philippines ou au Vietnam qui
ont, eux aussi, des différends territoriaux avec Pékinet de renforcerainsi lesliens avec ces pays. Parallèlement, il entend développer la production de matériel militaire en partenariat avec les Etats-Unis (bombardier furtif F-35) et des pays européens. Le gouvernement Abe compte en outre réviser la charte de son aide au développement afin de pouvoir apporter une assistancemilitaire– son assistanceest actuellementuniquementcivile – et pour « promouvoir les valeurs universelles de liberté, de démocratie etde droitsde l’homme», a déclaré le vice-ministre des affaires étrangères Seiji Kihara.
Le recul de la présence américaine Le retour du Japon sur le marché des armes n’a pas qu’une dimension stratégique. Depuis des années, le patronat réclame la levée de l’interdiction d’exporter du matériel militaire afin de stimuler la production d’armement, jusqu’à présent fortement intégrée à l’industrie civile et de favoriser le développement d’un véritable complexe militaro-industriel. Le marché des armes japonaises est étroit – 16 milliards de dollars en 2010, soit 0,6 % du produit intérieur brut – et les équipementsproduitspeu compétitifs en matière de prix. Au-delàdu débatsur le bien-fondédu pacifisme constitutionnel nippon dans l’environnement mondial actuel et des craintes, sans doute excessives, suscitées par une « remilitarisation » de l’Archipel, dont les capacités offensi-
ves sont encore lointaines, se pose la question du contexte dans lequel s’opère ce revirement de la politique de défense du Japon. Tokyo cherche à réagir à un relatif recul de la présenceaméricaine dans la région et à la volonté hégémonique de la Chine en renforçant ses liens avec l’Australie, l’Inde et les pays du Sud-Est asiatique. Mais ce repositionnement du Japon, souhaité par Washington, intervient avec en toile de fond le grand dessein de Shinzo Abe de tourner la page de la guerre. Sa volonté d’affirmer un retour du Japon sur la scène mondiale, légitime en soi, se conjugue à un négationnisme qui provoque un tollé en Chine et aussi, plus gravement, aux yeux de Washington, en Corée du Sud. Une tension à propos de l’histoire – au sujet des Coréennes contraintes à se prostituer pour l’armée impériale – et d’une visite au sanctuaire Yasukuni, où sont honorés parmi les morts pour la patrie des criminels de guerre, qui entame la solidité de l’alliance tripartite Corée du Sud - EtatsUnis - Japon. Ce négationnisme suscite chez les alliés américains et européens de Tokyo un malaise plus profond que ne semble le penser le gouvernement Abe. La dignité du Japon sur la scène mondiale ne passe pas par la négation de l’inconduite– y comprisenvers sa propre population – d’une partie de son armée. M. Abe tarde à en prendre conscience. p pons@lemonde.fr
POLITIQUE | CHRONIQUE
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Du piment dans la dyarchie
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LA VOLONTÉ DU PREMIER MINISTRE SE CONJUGUE À UN NÉGATIONNISME QUI PROVOQUE UN TOLLÉ EN CHINE ET EN CORÉE DU SUD
E
n une semaine, François Hollande s’est sorti de la très mauvaise passe dans laquelle le désastre municipal menaçait d’engloutir son quinquennat. En changeant tout : le premier ministre, le gouvernement, la direction du PS et sa propre équipe. Il a redistribué les pouvoirs et s’est sauvé lui-même. Comme nombre de ses prédécesseurs, il doit une fière chandelle au général de Gaulle et à Michel Debré qui, en 1958, ont conçu au sommet de l’Etat une dyarchie redoutablement protectrice pour la fonction présidentielle. François Hollande a fait endosser au fidèle Jean-Marc Ayrault les erreurs du début du quinquennat, qui tenaient en partie au manque d’autorité du chef du gouvernement mais relevaient aussi de sa propre responsabilité: il y avait du mou dans le manche présidentiel, une difficulté à trancher, une incapacité à être clair, un manque de fluidité dans le rapport entre les deux maisons. Puis le président a nommé à Matignon l’antithèse absolue du fidèle Nantais. Manuel Valls est un homme déterminé, autoritaire, ambitieux, qui connaissait parfaitement, avant même d’être nommé, le fonctionnement de Matignon et qui a immédiatement obligé le président de la République à se remanier lui-même pour ne pas perdre en autorité. C’est le grand enseignement de la période : le premier ministre existe. Il reste un personnage-clé dans les institutions de la Ve République. Le quinquennat ne l’a pas tué, il n’en a pas fait « le collaborateur» du président comme le voulait Nicolas Sarkozy qui, sans cesse, rabaissait François Fillon sans oser s’en débarrasser. Le premier ministre est indispensable au pré-
Le Monde rend hommage à Jacques LE GOFF, parrain de cette collection
L’œuvre historique de référence
sident. Il est, au gré des circonstances, son allié ou son aiguillon, son fidèle ou son concurrent avec toujours le risque de servir de fusible car rien ne doit venir ternir le soleil présidentiel. C’est ce qui donne du piment à la dyarchie. On sait comment l’aventure commence, on ne sait jamais comme elle va se terminer. A Matignon, M. Ayrault ressemblait beaucoup au Pierre Mauroy des années 1981-1984: même profil social-démocrate, même fidélité à celui qui l’avait nommé dans un contexte de grande difficulté économique. Son sort était scellé. Le positionnement de M. Valls est plus complexe. On l’a beaucoup comparé au Lionel Jospin des années 1997-2002: même
Manuel Valls a sauvé le président, mais il a tout à prouver méthode, même ambition, mais ce dernier avait remporté les élections législatives, ce qui n’est pas le cas de M. Valls, qui ne peut se prévaloir que de son score à la primaire socialiste de 2011 : 5,6 %. En réalité, le premier ministre tient davantage de Dominique de Villepin. Le Villepin de l’année 2005, qui, sabre au clair, s’était im- posé à Jacques Chirac à la faveur du désastre référendaire: même énergie, même positionnement libéral, même difficulté à se faire accepter par son propre camp. Dans les deux cas, Matignon avait été une belle aventure mais sans lendemain. M. Valls a sauvé le président, mais il a tout à prouver. p fressoz@lemonde.fr
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Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée.
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Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e
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Fiat : objectif Chrysler
et qu’ils tentent difficilement d’éteindre avec pieds. « C’est du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » Surlesmursdecette rue,destracesnoirâtressont boutique. bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa incendié pas. «
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Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu françaises qu’ilsdes banques renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une aide de l’Etat de 10,5 d’euros. Montantmilliards équivalent à celle accordée fin 2008. Page
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27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012.
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Samedi 12 avril 2014
CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n
Maires tout-puissants
P À AMIENS, LA NOUVELLE ÉLUE, BRIGITTE FOURÉ, PROPOSE DE CRÉER UN FESTIVAL DU MACARON
lus de cent villes de gauche sont tombées dans les filets de la droite aux élections municipales des 23 et 30 mars, et, déjà, on sent le monde culturel gagné par la fébrilité. Pour preuve, le titre du dernier numéro de La Lettre du spectacle, revue professionnelle bien informée: « La culture secouée par la déferlante bleue. » Car nombre de maires UMP ou UDI fraîchement élus envisagent de changer de cap. A Belfort, Toulouse, Saint-Etienne, Caen, Tours, Angers, Bobigny, Reims, Amiens… La Lettre du spectacle donne quelques exemples. A Toulouse, Jean-Luc Moudenc veut en finir avec le « copinage» dans les subventions et les nominations. A Angers, Christophe Béchu entend privilégier le vénérable théâtre à l’italienne et non Le Quai, emblème des socialistes désormais battus. A Bobigny, le centriste Stéphane De Paoli va « réinvestir les lieux culturels lourdement financés par la ville pour soutenir en priorité la jeune création de Bobigny». A Amiens, Brigitte Fouré dénonce une création « réservée à une élite » et lance des pistes : favoriser la pratique amateur, rapprocher tourisme et culture, créer un festival du macaron. Que la droite reproche à la gauche de privilégier une culture élitiste et coupée du peuple
Le Quai d’Orsay vend son pied-à-terre new-yorkais
A
vendre, magnifique duplex, 650 mètres carrés environ, splendide séjour, 6 chambres. Charges annuelles: 289000 dollars. Prix demandé : 48 millions de dollars (35 millions d’euros). L’heureux propriétaire de cet appartement situé au 740Park Avenue, l’adresse la plus huppée de Manhattan, n’est autre que le Quai d’Orsay. Il s’agit de la résidence de l’ambassadeur de France auprès des Nations unies, qui, comme vient de la révéler le site Internet French Morning, est mise en vente dans le cadre d’un vaste programme de cessions. La décision avait été prise au printemps 2013, mais on ignorait jusqu’à présent la mise à prix. France Domaine, l’organisme qui gère les biens domaniaux, en avait fait une estimation très conservatrice à 17 millions. Mais le 740 Park Avenue n’est pas une adresse comme les autres. Construit au début de la Grande Dépression par l’architecte Rosario Candela et James T. Lee, le grand-père de Jacqueline Kennedy, qui y a passé une partie de son enfance, l’immeuble est devenu une adresse emblématique. Le journaliste Michael Gross lui a consacré un livre, 740 Park, The Story of the World’s Richest Apartment Building. Park Avenue est aussi le titre d’un documentaire, sorti en 2012, sur l’accroissement des inégalités aux Etats-Unis. La liste des milliardaires qui ont habité l’un des 31 appartements est impressionnante. Les Vanderbilt, Rockefeller, Chrysler y ont vécu. La liste est aujourd’hui complétée par Steve Schwarzman, le cofondateur du fonds d’investissement Blackstone, John Thain, l’ex-patron de Merrill Lynch, ou encore l’industriel David Koch, principal soutien financier du Tea Party.
Quant au voisin de palier de l’ambassadeur, il s’agit du consul d’Allemagne. Un club très fermé où, pour entrer, il faut montrer patte blanche. Même lorsqu’on est le gouvernement français. Ainsi, l’agent immobilier Alice Mason raconte dans le livre de Michael Gross qu’en 1979 le gouvernement français, pourtant déjà propriétaire dans l’immeuble depuis 1949, avait dû faire des pieds et des mains pour acheter l’appartement actuel, car l’un des occupants était hostile à cette transaction. L’intermédiaire avait conseillé à l’ambassade de faire tout un lobbying auprès des copropriétaires, notamment en organisant des soirées, et d’attendre que le grincheux parte en vacances pour faire une offre, qui fut finalement approuvée.
Pas une mauvaise affaire L’appartement est aujourd’hui occupé par Gérard Araud, dont le mandat se termine cet été. Une autre résidence, sans doute dans un immeuble moins prestigieux, est en cours de réalisation. Sur le plan immobilier, l’Etat français n’a pas fait une mauvaise affaire. L’appartement, situé aux 12e et 13e étages, avait été acheté pour 600 000dollars (2 millions d’aujourd’hui) au producteur de films Keith Barish (Le Fugitif, Le Choix de Sophie ou encore 9 semaines 1/2). Le Quai d’Orsay a intérêt à ne pas trop traîner pour réaliser la transaction. En effet, le ministère bénéficie jusqu’en 2015 d’un régime dérogatoire, qui lui permet de toucher l’intégralité du montant de la vente. Au-delà, 30 % du prix des cessions des immeubles situés à l’étranger devront servir au désendettement de l’Etat. p
Stéphane Lauer (New York, correspondant)
imposé dans la rue des statues en bronze de 3,3 mètres de haut de Lénine ou de Mao. Oui, certains adjoints à la culture ne sont pas au niveau – certains ministres non plus. Oui, des responsables de musées municipaux sont mis au supplice par un élu. Oui, c’est parfois le règne du copinage – à Paris aussi. Mais les progrès en quinze ans sont vertigineux. « Des maires se sont longtemps effacés devant les experts culturels du ministère, car ils ne s’estimaient pas compétents, explique JeanPierre Saez. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins complexés. Ils paient, donc ils décident. » D’où l’idée de ce dernier qu’il faut aller plus loin dans la décentralisation. Il l’écrit dans le n˚43 de L’Observatoire (hiver 2013, 22 euros), intitulé « Décentralisation et culture: vers un grand chambardement? ». L’inquiétude pointe néanmoins. D’abord, à Paris comme en province, les budgets culturels stagnent, voire baissent. D’où un risque de repli sur soi, de couper les subventions et d’annihiler les audaces. Inquiétude encore dans les villes gagnées par le FN. Inquiétude, enfin, générée par une phrase de Manuel Valls lors de son discours de politique générale, le 8avril. Le premier ministre entend supprimer la clause générale de compétence. Formule abstraite, effets concrets: un théâtre ou un festival ne pourraient plus être financés à la fois par une région, un département et une ville. De quoi susciter une belle frousse. Le cabinet de la ministre, Aurélie Filippetti, assure que la création ne sera pas concernée. Comme si un parfum d’exception culturelle flottait à nouveau. p
Les statues de Frêche Il semble donc fini le temps où les maires étaient moqués, voire méprisés. « Ils n’y connaissent rien… », « Leurs femmes se piquent de culture et leur imposent leurs goûts… » sont des phrases qu’on a beaucoup entendues de la part de directeurs de théâtre ou de musée, qui, fuyant la décentralisation comme la peste, imploraient la protection de l’Etat éclairé. Oui, il y a eu quelques couacs – à gauche comme à droite. Oui, en 2010, le maire de Montpellier de l’époque, Georges Frêche, avait
guerrin@lemonde.fr
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HORS-SÉRIE
O P R A L O P OL AR /////////////////// LE TRIOMPHE DU MAUVAIS GENRE ///////////////////////
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JA CLUSIF / X E / / / / ///////
FIDEN Y / CON O R L L E S E M
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E, MENSONGE ET POLITIQUE ///////// SEX /// LITÉ INA RIM ERC CYB LA DE À L’HEURE
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Il est partout. De Valparaiso à Reykjavik. De Tirana à Tel-Aviv. En passant par Rio de Janeiro, Melbourne, Vladivostock, Shanghaï, Montréal, Edimbourg, Istanbul, Le Caire, Athènes ou Stockholm… Jules Verne proposait d’effectuer le tour du monde en 80 jours, désormais, n’importe quel lecteur peut entreprendre le même voyage, de son canapé, en 80 polars. Vous allez à Barcelone ? Les aventures de Pépé Carvalho écrites par Manuel Vazquez Montalban sont pour vous. Santiago ? Heredia, le privé de Ramon Diaz-Eterovic, sera un pilote parfait ? Washington ? Les livres de George Pelecanos vous conduiront dans des quartiers bien éloignés de la Maison Blanche. Pékin ? Partez sur les traces de l’inspecteur Chen, le héros de Qiu Xiaolang…
Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté vendredi 11 avril 2014 : 318 703 exemplaires.
mériterait un dégagement aussi long que savoureux. Allons sur un autre terrain. Tous ces exemples montrent que c’est désormais à l’échelon de la ville que la culture divise et passionne. Bien plus qu’au niveau de l’Etat, où on ne sait plus trop, depuis des années, ce qui sépare un ministre de gauche d’un ministre de droite. On s’en rendra mieux compte dans les semaines qui viennent, quand plusieurs communautés urbaines – dont le budget culturel est en hausse – passeront sans doute à droite : Bordeaux, Aix-Marseille, Paris, Lille, Toulouse, Lyon, Strasbourg… Le sacre de la ville est confirmé par une étude que vient de publier le ministère sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales (coll. « Culture chiffres», mars 2014). C’est 7,6 milliards d’euros. Plus du double de celles de l’Etat. Surtout, les trois quarts de ces 7,6 milliards viennent des villes ou groupements de villes, loin devant les départements et les régions. Les municipalités font surtout vivre des lieux de proximité: bibliothèques, médiathèques, conservatoires, écoles d’art, musées, théâtres… Ce qui fait que la culture accapare 15 % du budget des villes de plus de 100 000 habitants, avec, pour certaines, des
pointes à 20 %, surtout là où il y a un Opéra, l’équipement le plus cher. « On sait que l’offre culturelle de l’Etat, durant les années 1980, a été multipliée par trois, sous l’impulsion de Mitterrand. On sait moins que, durant la même décennie, le budget culturel des grandes villes a été multiplié par quatre», commente Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles. Qui en tire cette conclusion: « Pour une ville importante, la culture est devenue un enjeu. Aucune n’est à la traîne et aucune n’affiche une offre déplorable. Et pour la création émergente, je trouve souvent les villes de province plus audacieuses que Paris.» Dans une France jacobine, Paris écrase tout en cumulant l’argent et les équipements de l’Etat et de la municipalité. Sans que le public sache toujours qui finance tel spectacle ou telle exposition. En revanche, les pratiques amateurs sont bien plus aidées en région que dans la capitale. Comme à Toulouse, où l’ancienne municipalité PS a fait travailler de concert ses services culturels et socioculturels.
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