r er geagradrs d s
b. vollmer
lucie & simon
jean-françois bauret jean - f r an ç ois b a ure t pascal ferro pascal fe r ro l u cie &lucie si monet simon miche l pe ir o michel peiro f er n an d p io fernand pio f réd é r i q ue p l a s cha r l frédérique o tte t a ng uy plas charlotte tanguy
revue de photographie photographic review 1
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l’autre
”L’autre”, par Pascal Ferro.
Jean-François Bauret Charlotte Tanguy Pascal Ferro Frédérique Plas Michel Peiro Fernand Pio Lucie & Simon
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L’ a u tr e
L’image de soi. La volonté d’être représenté en image est inhérente à la nature humaine ; peut-être moins [peut-être plus aussi] courue aujourd’hui parce que les occasions de se voir portraituré sont immenses. Des portraits du Fayoum au début de notre ère affirmant clairement l’identité de l’individu dans son voyage vers l’au-delà jusqu’aux pratiques protéiformes ultra contemporaines, en passant par exemple par les peintures saisissantes de réalisme en Flandres au sortir du Moyen Age ou par les portraits psychologiques au siècle des Lumières, la représentation du visage humain révèle le particularisme de chacun des êtres. Depuis la Renaissance, l’homme s’affirme au centre d’un monde qui s’ouvre. Le peintre dépasse le statut d’anonyme, s’affiche en tant qu’artiste-individu et prend une place égale à celle de la personne représentée. L’art du portrait n’en demeure pas moins attaché à son commanditaire. En se faisant représenté, celuici affirme sa dévotion, sa puissance ou tout simplement aujourd’hui son existence parmi les vivants. La photographie n’échappe pas à la règle. Dès son invention au XIXème siècle, elle renouvelle cette pratique liée à la commande. Carjat, Nadar fixent l’image des grands de leur siècle : politiques, bourgeois, artistes… tant d’autres. L’individu regarde l’appareil comme il se détaille dans un miroir… … le portrait serait une affaire de narcissisme.
La photographie est trace, empreinte. Reflet somme toute fort réaliste de prime abord, il semble être l’image d’un être au naturel. Pourtant, bien plus souvent, il livre l’image d’un individu se constituant en train de poser. « Je suis assez près du sujet pour le toucher et il n’y a rien entre nous sauf ce qui se passe pendant que nous nous observons l’un l’autre. Cet échange comporte des manipulations, des soumissions. Ce 3
sont des relations qu’on ne pourrait se permettre dans la vie quotidienne ». Richard Avedon ( photographe 1923-2004) La personne photographiée affiche une certaine image… parmi d’autres. Quête d’authenticité pour celle-ci, avoir et paraître pour celle-là, l’art du portrait oscille entre ces opposés. Attachement à l’imitation ou à son rejet à travers sa déconstruction, la représentation du visage humain ne cesse d’interroger le médium photographique à travers le temps et les lieux. A la fois immuable et sans cesse renouvelé… … le portrait serait une question de convention.
Dans l’usage social commun, une photographie ancienne, quelle que soit sa qualité, possède une valeur sentimentale. Un visage d’avant possède une aura plus grande qu’un visage contemporain ; à cause certainement du « çà a été » (Roland Barthes, La chambre claire, 1980). Voir des photos anciennes, c’est souvent regarder des yeux de disparus, êtres chers ou inconnus. Lien intime à la mémoire. Portraits peints des temps anciens et modernes, portraits photographiés des deux siècles passés ou d’aujourd’hui, ils seraient une manière de dire à travers les âges au Tout puissant ou tout simplement aux vivants je suis là - j’ai été… … le portrait lutterait contre l’oubli.
Le sujet modifie ses visages à travers les événements de sa vie - du temps qui passe. Le photographe emmagasine des visages-instant de personnes au gré de ses rencontres ; rares sont les photographes attachés à un seul modèle. L’autoportrait ne fait pas exception à la règle à travers les visages multiples du sujet-photographe mis en scène. Le portraitiste est épris d’une forme de boulimie prédatrice, il a besoin de se nourrir de l’autre. 4
« L’amour est l’exception du vide » Camille Laurens (écrivain 1957- ), Cet absent-là, 2004. « En prenant ta photo, je te lie à moi si je veux, je te fais entrer dans ma vie, je t’assimile un peu, et tu n’y peux rien… » Hervé Guibert (écrivain - photographe 1955-1991), L’image fantôme, 1981. Ce travail d’accumulation d’images, de visages, d’existences ne trouve point d’arrêt, il est infini… … le portrait serait un acte de collection.
Dépassant le réalisme-souvenir de l’artisan photographe filmeur, l’artiste photographe livre sa perception personnelle de l’autre, à un moment et dans un contexte donné. Car, au-delà du procédé d’enregistrement mécanique, chimique, numérique de son appareil, le photographe compose avec son sujet et dévoile forcément une part de lui-même. Toute représentation de l’autre porte une part d’auto-identification, un « style ».
Martha, Jean François Bauret
Envie, pudeur… expression de soi, représentation de soi … autant de points de rupture entre l’intention et l’effet chez le photographe et le portraituré… … le portrait serait le produit d’un autre-moi.
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L’idée des séries présentées dans le présent opuscule n’est pas de couvrir avec exhaustivité l’actualité du genre. En la matière la diversité est immense. Assez naturellement, il m’a semblé qu’une certaine cohérence naissait autour d’images délibérément construites, de portraits posés dans lesquelles d’incessants allers et retours s’établissent entre sujet représenté, sujet photographe et sujet regardeur. Un angle d’attaque comme un « autre ».
Jean-François Bauret montre avec une extrême sobriété un être sans fard. L’essence finalement de cet autre qui me regarde. Charlotte Tanguy met en scène des images-souvenirs qui pourraient appartenir à chacun d’entre nous. Pascal Ferro puise dans l’intériorité de l’être par l’usage d’une imperfection optique clairement affirmée. Fréderique Plas s’intéresse au relâchement, à la confidence, à cet abandon dans lequel se laisse parfois aller le sujet. Michel Peiro cadre sur deux existences, sorte de tragi-comédie de couple qui ne forme plus qu’un : grotesque et beau. Fernand Pio nous montre l’instant dans chacun de ces visages mais aussi le temps passé et le temps qui passe. Lucie & Simon nous livrent sous forme de romance et sous un angle inattendu l’intimité de la réalité quotidienne.
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j ean - fr anç o is b a ure t
Cher Pierre, Cher Pascal ,
Vous m’avez demandé de parler du portrait et je pense aux photos sur porcelaine que l‘on voyait souvent sur les pierres tombales. Le portrait se résumant à laisser une trace de notre passage, un souvenir en pierre ou en images. On peut se poser la question de l’image que l’on aimerait mettre sur notre tombe, nu ou habillé, dans l’être ou dans le paraître alors que l’on a plus besoin de tricher et de jouer la comédie dans un repos éternel quand la pièce est terminée. Je pense souvent aux très belles images des condamnés attendant la mort pendant la révolution soviétique alors que l’être humain préfère malheureusement les visages retouchés sans rides et sans boutons à la réalité avec le fantasme des Princes et des Princesses restant jeunes éternellement dans leur costume du dimanche. Je vous envoie une vingtaine d’images que j’aime bien, des anciennes et des récentes afin que vous puissiez choisir les plus authentiques et les plus justes.
Très amicalement
Jfb
http://jfbauret.free.fr/
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Michèle
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Publicité Sélimaille
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Trois femmes
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c h ar l o tt e t a ng uy Museum Ces photographies constituent une collection d’ancêtres universels, au-delà de toute valeur affective (on ignore systématiquement leur identité, leur nom, ce que fut leur vie). Un meta-album photo où le symbole primerait sur la réalité. La « photographie de photographies » agit comme un écho à la double mise en scène de ces images-souvenirs: scénographie lors de la prise de vue puis disposition dans l’espace de ces photographies familiales exposées sur les rebords des cheminées. La série ”Museum” témoigne de notre rapport aux portraits de famille en tant que vitrine d’une histoire qui nous échappe, dont les acteurs nous sont trop lointains et méconnus pour exister en dehors de l’image figée, parfois unique, que l’on possède d’eux, et sur laquelle on s’appuie dans une tentative de nous situer dans un temps qui dépasserait celui, compté, de notre propre existence. Charlotte Tanguy 210 rue Saint-Maur 75010 Paris 06 78 49 56 70 www.charlottetanguy.fr
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pascal f e r ro Veduta « de l’italien qui signifie vue et qu’on peut interpréter comme ce qui se voit et donc comment on le voit » Wikipédia. A la Renaissance, avec l’invention de la perspective, la fenêtre s’ouvre en arrière plan sur un monde souvent imaginaire, et infini. Elle est là pour exciter le regard. « Le tableau est pour moi comme une fenêtre » Alberti, 1435. Dans un mouvement de perspective inversée, cette ouverture, élément purement graphique, j’ai envie de la diriger vers l’intériorité de l’être se livrant à l’épreuve de son portrait. Souhait de se montrer, de cacher. Quand on regarde quelqu’un, on n’en voit que la moitié ; vision un peu floue, tout comme quand on se rappelle un être cher en faisant appel à sa mémoire. La vision que l’on a de l’autre est forcément partielle, fragmentaire, histoire de cadre dans lequel on s’établit.
Pascal Ferro Photographie www.pascalferro.com 26, rue des Rois de Majorque 66 000 Perpignan Tel : +33 (0) 04 68 35 40 12 +33 (0) 06 22 33 18 34 Contact : pe.ferro@yahoo.fr 35
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fr é d é r i que p la s Sur mon canap’ Voici quelques portraits de quelques personnes que j’ai voulu photographier dans mon canapé. Entre autres, j’avais en tête des souvenirs de peintures de Lucian Freud, de « jeune femme sur un canapé »… et la photographie que j’avais faite d’une amie, un profil, que je trouvais très intime… Je voulais un désir partagé, que ces personnes aient à la fois envie d’être photographiées là, dans ce canapé, et qu’elles aient envie de chercher comment y mettre leur corps, leur tête, leurs bras, leurs mains… Mon envie était d’enregistrer quelque chose, une position, un geste, un regard, un détail, qui soit de l’ordre de leur intimité, même si c’est une vue de l’esprit puisque j’étais là… mais parfois, elles ont manqué s’endormir, donc je me suis dit qu’on approchait à quelque chose d’intime, un relâchement d’avant le sommeil, une confidence… www.frederiqueplas.com frederiqueplas@free.fr + 33 (0)6 63 33 96 88
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Frédérique Plas
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m i ch e l p e ir o Fu sion #1 Cette sér ie e s t né e d’ une re nco ntre f urti ve a ve c de ux c o m é di e ns, C l a i re et Tomas. Qu e fa ir e, que m e t t re e n pl a ce l o rsqu’o n ne se c o nnaî t pa s e t qu’o n se c ro i s e le t emps d’ u n e p r ise de v ue s ? C ’ e s t l à q ue l e ur ta l e nt e t l ’i m pro vi sa ti o n pre nne n t t ou t leu r s en s. Ma sses m o l l e s s e m é l a ng e a nt a u gré de s c o nta c ts ha sarde ux , l e s vi sage s se con fon den t et se m i x e nt , bo us cul a nt d e f a i t l e s c a dre s ( tro p ? ) é tabl i s du po rtrait . Fu sion d es de ux . « I l y a d es ca ri ca t ure s p l us re s s e m bl ante s que de s po rtra i ts, de s c a ri c a tures où l’ exa gér a tion es t à pe i ne s e ns i bl e , e t i nve rse me nt, o n pe ut e x agé re r à o utra nc e san s obt e nir u n v ér it a bl e e f f e t de ca ri ca t u re » Be rgso n, L e Ri re (1 8 9 9 ). Mic h el Peir o Ph o t o g ra p h i e s w w w.m i c he l pe i ro.c om T él : +3 3 ( 0 ) 6 5 0 5 4 4 1 8 7 m ic h el.p eiro @ g m a i l . co m
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fer n an d p io Depuis quelques années déjà, pour un certain nombre d’acteurs de la vie économique, la problématique du vieillissement se traduit avant tout en parts de marché conséquentes. Avec l’allongement de la durée de la vie et son cortège d’opportunités nos ”vieux” seraient devenus des acteurs à part entière du monde dans lequel nous vivons. Ils ne seraient plus tout à fait ces charmantes personnes recluses chez elles ou dans quelques maisons de retraite, désarmées le plus souvent face à la monotonie des jours, résignées à une fin de vie sans éclat, sans saveur, réfugiées la plupart du temps dans un coin de leur mémoire (quand elle fonctionne encore) . Nombre de médias nous les présentent toujours plus vigoureux, toujours plus actifs, dépensant leur argent, entretenant leur forme, s’éduquant à toutes sortes de technologies actuelles. L’institution valorise ce comportement, elle applaudit à leurs performances, elle les met si souvent en scène dans une sorte de ”stakhanovisme” à l’occidentale. A en croire la publicité et les campagnes d’information en tous genres, ils sont des exemples à suivre, d’ailleurs n’ exhibe t-on pas les centenaires commes des personnes méritantes? Certes, se dresse le spectre de la maladie, Alzheimer, Parkinson, et tant d’autres, mais qu’importe, un double langage, une double vérité s’installe, malades, mais biens portants, nostalgiques, mais tellement au fait de ce qui se passe, terriblement seuls, mais au centre de toutes les attentions. Toute cette agitation autour d’eux ne leur importe guère, ceux que j’ai cotoyés ont d’autres chats à fouetter. Face aux échéances, ils s’arment comme ils peuvent. À les entendre, il semble parfois qu’une immense lassitude leur fasse entrevoir la mort comme une délivrance. D’autres, au contraire, encore animés d’un féroce appétit de vivre évoquent à demi mots les insurmontables angoisses qui peuplent leurs nuits d’insomnie. Fernand Pio tel: 04 90 86 22 61 / 06 62 24 54 30 mail: fernandpio2@wanadoo.fr http://www.fernand-pio.ovh.org/ 77
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Scènes de vie
Dans cette galerie de portraits, les personnages sont mis en scène chez eux lors de diverses activités familières. Les images révèlent des instants intimes, précieux et délicats, qui au-delà de leur simplicité, témoignent d’une réalité quotidienne. Le point de vue depuis le plafond ou le ciel, vient rompre cette banalité en représentant de manière picturale ces fragments d’humanité. Recréant un univers visuel inconnu ; réorganisant les proportions, écrasant toute notion de perspective et de profondeur de champ, si propre à la photographie, cette vision fait perdre à l’œil du spectateur ses repères de lecture classique habituels. Le personnage vient s’inscrire dans cet espace défini. Elément primordial d’une mise en scène qu’il finit par inventer, cette confrontation entre quotidien banal et esthétique stricte agit sur lui comme un révélateur de sentiments. C’est à travers ses sentiments et émotions infiniment humaines et romantiques que le sujet donne son intérêt à l’image : exprimer les tourments du cœur et de l’âme, les « vertiges du quotidien » enfouis sous une apparence de banalité et d’habitude. Lucie & Simon +336.18.48.60.19 10 rue de Nesle 75006 Paris - France www.lucieandsimon.com 93
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La revue de photographie Regards est éditée par l’association bla-blART 20 rue JB Lulli, 66000 Perpignan, France. Directeur de publication: Pierre Corratgé Comité d’édition: Claude Belime, Pierre Corratgé, Jean Dauriach, Pascal Ferro, Michel Peiro. Communication: Odile Corratgé. Réalisation technique: Pierre Corratgé. Responsable de l’édition en langue anglaise: Sophie Mérou. Impression de la version papier par Crealink, Perpignan Contact: revueregards@yahoo.fr
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Prochains numeros: • Hors Série 1: Photographie et Ecriture • Polaroïd (parution janvier 2010, direction: Pierre Corratgé) • Rencontres (parution avril 2010, direction: Michel Peiro)
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