Resume etude mariage des enfants au senegal

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ETUDE DE RECHERCHE SUR LE MARIAGE DES ENFANTS DANS LES REGIONS DE KEDOUGOU ET LOUGA,SENEGAL RESUME


CONTEXTE

Dans les régions de Kédougou et Louga, l’âge moyen du mariage est de 13 ans et les filles peuvent être fiancées lorsqu’elles ne sont âgées que de 8 jours. Chez certaines communautés, l’âge n’est pas le plus pertinent facteur de différenciation mais ce sont plutôt les caractéristiques physionomiques qui sont déterminantes : l’apparition des premières règles, la croissance des poils pubiens et des poils des aisselles, la croissance de deux molaires à l’arrière de la bouche vers l’âge de 13 ans.

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Marrying Too Young End Child Marriage Published by the United Nations Population Fund UNFPA, New York

Vincent Tremeau

Qui sont ces filles : fiancées et épouses ?

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Le mariage d’enfants est une pratique très répandue dans certaines régions du Sénégal où les filles sont souvent mariées avant l’âge de 16 ans. Selon une enquête menée par l’UNFPA, 33% des femmes âgées entre 20 et 24 ans étaient mariées avant l’âge de 18 ans au Sénégal entre 2000 et 20111. Bien que la pratique du mariage des enfants soit une réalité, le phénomène est interdit par la loi sénégalaise qui fixe l’âge légal du mariage. En effet, l’article 111 du Code de la Famille stipule que « le mariage ne peut être contracté qu’entre un homme âgé de plus de 18 ans et une femme âgée de plus de 16 ans sauf dispense d’âge accordée pour motif grave par le Président du tribunal régional après enquête ». En outre, la loi exige le consentement des futurs époux. Dès lors, le mariage doit se faire entre adultes -âgé de plus de 18 ans- de façon consensuelle en dehors de l’usage de la force, de menace ou de la contrainte. Plan International dans une perspective d’actions spécifiques pour protéger les enfants de ce fléau mais aussi et surtout pour comprendre les causes profondes ainsi que les mécanismes sociaux qui soustendent cette question a fait une recherche dans les régions de Louga et de Kédougou.


POURQUOI LES PARENTS MARIENT LEURS ENFANTS ? Le mariage est considéré un rite qui célèbre le passage de l’enfance à l’âge adulte. Il est aussi une union entre deux personnes et leurs deux familles. Le mariage contribue à entretenir les liens entre les membres de la communauté tout en s’assurant que les valeurs sociales sont transmises en toute sécurité d’une génération à une autre. Les normes sociétales n’ont aucune tolérance pour une fille qui perd sa virginité hors mariage à plus forte raison que pour celles qui ont des enfants avant de se marier. Les croyances, les pratiques culturelles et traditionnelles ainsi que l’éloignement des zones urbaines et l’analphabétisme des parents se sont révélés être les causes principales du mariage des enfants. Toutefois, certains parents déclarent qu’ils donnent leurs filles en mariage non pas du fait des traditions mais de leurs mauvaises notes à l’école qui leur valent leur expulsion. Les parents font valoir que la raison pour laquelle ils continuent d’obliger leurs filles à se marier à bas âge

est que les filles ont de mauvaises notes et sont expulsées de l’école et ils ne veulent pas qu’elles finissent par perdre leur virginité ou devenir enceinte Quelles sont conséquences sur la santé maternelle des filles ? Une fois mariée, la jeune fille subit une pression de la part de ses beaux-parents car la situation d’une femme est valorisée par le nombre d’enfants qu’elle porte. Ainsi, il n’est pas inhabituel que les jeunes filles mariées commencent à avoir des enfants peu après le mariage. Il n’est pas rare de recevoir de très jeunes filles dont les organes ne sont pas assez développés et prêts à porter une grossesse. Il est toujours difficile pour ces jeunes enfants et elles finissent souvent par nécessiter une césarienne et qui sont obligées d’être transférées à l’hôpital. Parfois elles souffrent d’hypertension due à la grossesse ou à d’autres formes de complications qui peuvent même entraîner des saignements excessifs, une fausse couche ou même la mort.

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QUEL SERAIT LE LIEN ENTRE LE MARIAGE DES ENFANTS ET L’ÉDUCATION ? Une fois que les filles sont mariées, les tâches domestiques à remplir quotidiennement ne leur donnent pas le temps de faire leurs devoirs et de continuer aller à l’école. Dans la plupart des cas, les filles elles-mêmes abandonnent l’école sans y être obligées. Les enseignants ont été unanimes sur les performances des filles mariées : les filles en général ont de très mauvaises notes. Selon le proviseur du lycée de Bandafassi, depuis l’ouverture de son établissement il y a trois ans, aucune fille n’a jamais réussi au baccalauréat alors qu’au moins 60% des garçons réussissent chaque année.

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Le lien entre le mariage des enfants et l’éducation est clairement établi. L’éducation des filles devient un différentiateur ainsi qu’un facteur de motivation pour le mariage des enfants. Elle influence aussi bien qu’elle est influencée par les mariages des enfants. Les filles qui sont mariées à un très jeune âge sont obligées d’abandonner l’école pour s’occuper des travaux domestiques tandis que celles parmi les filles qui réussissent à s’échapper du mariage jusqu’à ce qu’elles atteignent le second cycle du lycée utilisent généralement l’éducation comme excuse pour refuser de se marier. Par conséquent la scolarisation formelle est devenue une dimension importante dans la prévention des mariages des enfants.


LE MARIAGE DES ENFANTS : UNE VIOLATION DES DROITS Bien que dans la plupart des cas, les jeunes filles mariées connaissent leurs partenaires qui font partie de la famille élargie, leur opinion est rarement demandée sur la célébration du mariage. Elles sont exclues du processus de leur mariage conclu par leurs parents. Il y a peu de résistance au mariage d’enfants parce que les filles sont mariées à un âge où elles sont trop jeunes pour comprendre les ramifications du mariage, elles sont influencées par les pratiques culturelles et communautaires pour lesquelles se marier tard, est un signe de malédiction. Il n’y a souvent aucune forme d’organisation dédiée à les sensibiliser sur leurs droits pour s’opposer au mariage ni aucun mécanisme de rapportage pour dénoncer cette pratique. Elles considèrent que c’est un acte divin auquel elles ne pouvaient pas s’échapper et aspirent à être de bonnes épouses et mères. Néanmoins, elles ne sont pas prêtes à reproduire le même schéma pour leurs enfants.

RECOMMANDATIONS Une approche de sensibilisation combinée avec la création de mécanismes de protection communautaire est nécessaire. - Sensibiliser les collectivités touchées par la pratique sur les conséquences du mariage d’enfants ainsi que l’interdiction de la loi. - Impliquer les écoles à travers les Gouvernements scolaire qui doivent être la porte d’entrée pour la sensibilisation. Les enseignants doivent être sensibilisés et impliqués dans la création d’organisations communautaires pour lutter contre cette pratique. Ils doivent organiser les enfants qui seront sensibilisés

sur les effets négatifs des mariages d’enfants et sur les mécanismes de rapportage lorsqu’un cas de mariage forcé survient. - Renforcer la sensibilisation des parents pour leur faire comprendre le lien entre le mariage d’enfants, le bien-être des enfants et la scolarisation ainsi que les conséquences juridiques de leurs actes - Mener des initiatives concertées impliquant les intervenants stratégiques dans les collectivités, comme les chefs religieux et traditionnels et les représentants locaux du gouvernement qui doivent travailler de concert. - Encourager l’usage des medias : les stations radio jouent un rôle important dans la sensibilisation du public sur les questions sociales. Elles présentent des émissions dans les langues locales, ce qui les rend accessibles et avec une grande disponibilité de téléphones mobiles dans les zones rurales, plusieurs stations de radio présentent des programmes talkshow qui donnent la voix au public pour être entendu sur des questions qui lui tient à cœur. Implication du Gouvernement Le Gouvernement sénégalais a créé des mécanismes de la lutte contre les abus des droits de l’enfant et de protection des enfants contre les pratiques néfastes par le biais de la Stratégie Nationale pour la Protection de l’Enfance. Elle constitue une étape importante pour relever les défis et elle démontre la capacité des différents acteurs impliqués dans la protection de l’enfance de créer une vision unique, transversale et claire pour la protection des enfants. Renforcer la participation communautaire : L’efficacité de la stratégie a été testée par le CLPE (Comites Locaux de Protection de l’Enfance) de Dindefelo à Bandafassi et a fourni des résultats positifs en termes de réduction de la pratique des mutilations génitales féminines et les mariages d’enfants

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et l’accroissement de la rétention solaires des filles à Dindefelo. Le CLPE a joué un rôle déterminant dans l’application effective des lois existantes grâce à la collaboration des communautés membres et il a surtout mis les membres face à leurs responsabilités en ce qui concerne la nécessité impérieuse d’empêcher ou de faire état des cas de mariages d’enfants. Les comités de protection de l’enfance doivent inclure des chefs religieux et traditionnels et de tous les acteurs locaux impliqués dans la protection de l’enfant tels que le système scolaire, les Association d’enfants, les associations de femmes et les travailleurs de la santé.

L’organigramme ou comités de protection de l’enfant a déjà été défini par la Stratégie Nationale de Protection de l’Enfant. De plus, il faut adopter une approche multi sectorielle et multi dimensionnelle pour mettre fin aux mariages des enfants de que des stratégies spécifiques comme l’accès et la disponibilité pour les jeunes aux services de Santé de la Reproduction et Développement des Adolescent (es) Et Jeunes (SRAJ), au développement des compétences et du leadership.

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QUELQUES TEMOIGNAGES à la fin de l’année scolaire, elle a abandonné parce qu’il l’a forcée à se marier. J’ai été très déçu parce que deux ans plus tard, j’ai appris qu’elle était décédée pendant l’accouchement. Je n’ai pu rester dans cette école, j’ai dû partir. Les enseignants n’aiment généralement pas travailler dans ces zones parce que c’est ennuyeux et ne présente pas de logements décents, il n’y a pas d’électricité, pas d’internet et rien d’attrayant, toutefois, j’ai accepté de rester, mais les pratiques traditionnelles me mettent très mal à l’aise. Lorsque je suis arrivé à Gueli, j’ai trouvé la même situation.

Je sais que je ne vais pas terminer mes études parce qu’avant que je ne finisse le collège moyen, je vais être mariée et même si mon mari voudrait que je reste à l’école, ses parents ne me permettront pas de le faire. Pourquoi devrais-je donc me fatiguer à travailler dure à l’école? Je pars à l’école maintenant seulement à rester loin du travail à la maison. Lorsque je suis à l’école, je me repose un peu parce que je suis avec mes amies, nous apprenons mais la principale raison pour laquelle nous sommes ici, c’est rester loin des travaux domestiques

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Mes problèmes ont commencé lorsque j’ai commencé à avoir mes menstruations, car chaque fois que j’ai mes règles, mes seins ont tendance à s’enfler et deviennent trop grands. Lorsque cela se produit, mes parents le remarquent et commencent à me poser des questions sur le fait d’avoir des relations sexuelles avec des garçons, ils pensaient que j’avais perdu ma virginité et devenue enceinte. Je leur ai expliqué comme je le pouvais que j’étais encore vierge mais ils n’écoutèrent point, et un jour, mon père décida qu’il était temps de me marier. C’était un jeudi, j’avais 14 ans et ma tante m’a appelée après mon arrivée à la maison de l’école et elle m’a dit que j’allais me marier le lendemain après les prières de 5 PM. L’homme avec qui on allait me marier était d’un autre village et je ne l’avais jamais vu auparavant. Je n’avais jamais pleuré autant jusqu’à ce jour, j’ai supplié mon père, mais il ne voulait rien entendre, parce qu’il était convaincu que je m’amusais avec les garçons et j’avais perdu ma virginité c’est pourquoi il m’a donnée en mariage a un homme qui n’était pas du village. Il avait décidé de son propre gré que je n’allais pas épouser mon cousin à qui j’étais fiancée parce qu’il voulait éviter d’être déçu par ce que j’avais perdu ma virginité

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Ma mère est décédée quand j’étais encore très petite et j’ai été élevée par ma tante dont je porte le prénom. J’ai eu une éducation normale et ma tante m’a toujours traitée comme sa propre fille. j’ai fréquenté l’école primaire et j’ai toujours été parmi les meilleurs élèves de mon école et j’ai réussi à l’entrée en sixième et au Certificat la même année lorsque j’avais 12 ans. J’ai commencé l’école secondaire et j’ai été très bien là-bas aussi. Mais mon apparence physique a commencé à changer rapidement parce que mes seins apparaissant plus rapidement que pour les filles qui ont mon âge parce que je suis physiquement plus grosse qu’elles. Lorsque j’ai eu 14 ans, j’ai ressemblais a une grande fille.

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J’ai été enseignant dans une école primaire dans le Ferlo avant de venir à Gueli, j’ai dû demander une mutation parce que je ne me sentais pas à l’aise avec le nombre de jeunes filles qui abandonnaient chaque année en raison des mariages. J’enseignais la classe de première et en un an, j’avais perdu 3 filles à cause du mariage d’enfants. Ma meilleure élève qui n’avait que 12 ans, est venue me voir en pleurant et me disant que son père voulait qu’elle se marie. Je suis allé voir le père pour le convaincre de la laisser poursuivre ses études et il accepta. À ma grande surprise,


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