Plateformag #2

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S O M M A I R E


AROUND A GLASS OF WINE «DÉGUSTATION» Vinciane Verguethen INTERVIEW du vigneron Marc Parcé FORMES D’EN HAUT «FLOWERS» Jose Ángel González INTERVIEW de la créatrice Emilie Zanon HOW DO YOU BUILD? «PINNACLE PARK» David McGee INTERVIEW de l’architecte Sandra Planchez éBAUCHES DE CORPS «CORPORELLES» Isa Marcelli INTERVIEW de l’écrivain Louise Imagine LIGHTS & MOVES «EPHEMERAL QUALITIES OF BEING» Shari Baker INTERVIEW du danseur chorégraphe Hiroaki Umeda WRITINGS «GRAFFITOLOGIE» Thomas Metais INTERVIEW du pochoiriste STF CLAIR OBSCUR «AMBERLIGHT» Ann Marie Simard INTERVIEW du peintre Antoine Josse


AROUND A GLASS OF WINE


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« DÉGUSTATION » Vinciane Verguethen INTERVIEW du vigneron Marc Parcé


V I N C I A N E V E R G U E T H E N


dégustation Comment t’es venue l’idée de cette série ? Dans le cadre du festival RADAR, à Tourcoing, l’équipe de «Take A Sip» organisait un atelier de dégustation de vins, choisis en relation avec les artistes qui se produisaient ce soir-là. Il régnait dans la petite caravane une atmosphère très conviviale entre les curieux venus découvrir le concept et les amateurs de vin, venus profiter de l’expertise de l’équipe de «Take A Sip». Il n’en faut pas davantage pour «dégainer» et capter les jolis petits instants de cette soirée. Beaucoup de regards, d’écoute et d’échanges. Comment croise-t-on quelqu’un autour d’un verre de vin ? On ne le croise pas, mais on trinque avec lui ! Les discussions se nouent facilement et rapidement, la photo arrive presque en simple complément. Comme un moment où l’on saisit l’essence d’une rencontre, sans s’appesantir. Que représente pour toi un bon verre de vin ? Un moment d’accord entre intérieur et extérieur. vinciane.verguethen@gmail.com
















M A R C P A R C É


INTERVIEW C’est près de Maury, dans les Pyrénées Orientales que nous avons rencontré le vigneron.Ici, les amis, la famille, les enfants, l’hospitalité, la générosité, l’authenticité, le travail, se combinent dans une alchimie insoupçonnée.Les Parcé sont incontournables à Banyuls. Marc et son frère Thierry ont hérité des terres merveilleuses de leur arrière Grand-mère Thérèse. Ne restait plus à ces hommes qu’à exalter la terre avec toute l’ingratitude et la difficulté qu’exige le travail de la vigne sur ces parcelles, sans mécanisation possible. Aujourd’hui grâce à Aurélie Pereira,Vincent Legrand, Silvio Marocchino et Francis Victor, la famille étend sa démarche collective sur le terroir de Maury à la Préceptorie de Centernach, lieu de notre rencontre. Marc, pourquoi faute d’un abus de langage associe-t-on toujours le vin doux naturel à un vin cuit? Au XIX siècle, plusieurs histoires se greffent les unes aux autres pour résumer l’histoire des vins de Banyuls. Le développement du vin muté remonte à l’époque où Banyuls exportait beaucoup de vin sec en barriques vers New York. Afin que les barriques n’explosent pas pendant le trajet en bateau, ils comprirent qu’en ajoutant de l’alcool dans la barrique toute fermentation serait stoppée. Dans le même temps, à Banyuls, l’Abbé Rous décide de se lancer dans le négoce de vin. Il vendra son vin de messe à fort degré dans toute l’Europe faisant ainsi fortune. A cette époque, trois hectares de vignes permettaient d’être riche. L’histoire de l’appellation de Banyuls fut liée, pour le plus grand bonheur et le plus grand malheur, à l’histoire des apéritifs de vin. Le succès commercial des apéritifs fabriqués pendant près de 50 ans a détruit le caractère et l’identité de cette appellation. Le Banyuls était devenu “un apéritif”, classé comme tel dans la grande distribution. Par ailleurs, avec des techniques oenologiques anciennes comme l’oxydation qui gomme “l’effet terroir”, le Banyuls a été associé à un vin cuit. Suite à la dégringolade des marchés, quelle est l’orientation de cette appellation aujourd’hui? On se bagarre notamment au sein du syndicat de l’appellation des vins de Collioures (Marc Parcé en est le président) pour reconstruire une identité autour de l’appellation et une identité de terroir. Il faut classer les vins doux en différentes catégories identifiables par le consommateur, un blanc doit être blanc, un rouge : un muté sur grains, un oxydatif : un oxydatif... On a d’ailleurs découvert à la Rectorie et à la Préceptorie des cuvées mutées sur grains avec une expression fantastique de fruit rouge et une finition tannique et vineuse que nous ignorions. Etes vous les seuls à produire ce genre de cuvée? Le mutage sur grain date des années 60, découvert par mon cousin. C’est un vin avec une véritable identité de terroir qui demande une grande exigence. Nous sommes très peu à le faire. Les grenaches noirs sont triés, après une macération de quelques jours identique à une vinification de rouge. Puis, la fermentation est stoppée par l’ajout au moût de 7 à 10 % d’alcool. Ensuite on laisse macérer pendant deux à trois semaines pendant lesquelles l’alcool va extraire les arômes du raisin (“Cuvée aurélie” et “Th” à la Préceptorie et “Léon Parcé” à la Rectorie). Vous êtes président de l’association SEVE qui regroupe des viticulteurs, expliquez nous son rôle. C’est une association qui gère des vignerons depuis 10 ans et qui travaille sur la réforme des appellations, le lien au terroir. Comme un club de réflexion, nous suivons auprès de l’INAO la réforme des appellations pour la faire évoluer dans le bon sens, et nous nous engageons avec des personnalités comme Jean-Michel Deiss et Hubert de Vilaine pour cela. Le mot d’ordre 20 ans auparavant était de tout mettre en appellation (A.O.C), alors qu’il n’y avait pas la place pour que 70% des produits soient en appellation. On trompe le consommateur. Une appellation a une relation au terroir, ce qui représente 10 à 15 % des vins réellement. Le modèle AOC n’est pas adapté à tous les segments de marché. Or, on l’a généralisé comme seul modèle de développement, sans tenir compte des évolutions, des progrès au niveau oenologique et agronomique qui, pour cette fin de XXème siècle, démontraient une uniformisation des parcours de production. Si on revendique un vin de terroir on doit le justifier. Pourquoi les vins français ne sont pas performants sur le marché international? La crise du vin en France, c’est la crise d’une filière, pas uniquement des vignerons, mais aussi du négoce. Il faut donc organiser un certain nombre de choses pour développer la performance sur le marché. Les vignerons ont plus investi dans les caves ou dans les vignes que dans la mise en marché. La France produit des vins d’élite ainsi que des vins de masse. Il ne faut pas les opposer mais les complémentariser. Le but de notre action est de ne pas tromper le consommateur en lui faisant croire que l’on produit des vins d’appellation alors qu’il s’agit de vins de masse, et utiliser le mot “terroir” pour faire du marketing. Le problème des vignerons aujourd’hui ne peut être résolu selon une pensée unique mais globale, en réfléchissant aux problèmes de demain : environnement (eau), agriculture durable, etc...La notion de terroir intéresse (thé, café, fromage...) et n’est pas restrictive. Elle doit être une réponse à la mondialisation et à la standardisation.









Photos : MATHIEU DROUET ©


FORMES D’EN HAUT


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« FLOWERS » Jose Ángel González INTERVIEW de la créatrice Emilie Zanon


J O S E Á N G E L G O N Z Á L E Z


FLOWERS Qu’est ce que la fleur représente pour toi en terme d’émotion et d’esthétique ? Je crois dans les anciens canons de la beauté. L’idée que la fleur soit vue comme une simple élément décoratif, ou pire, comme un accessoire à l’ancienne pour les salons de thé m’offense. Les fleurs, comme des balles d’arme à feu de lumière, me dévoilent les yeux comme des feux dans un monde glacé. Je les ressens comme des écouteurs vers mes entrailles. Les fleurs me définissent. Elles sont les tâches d’huile que j’aimerais laisser sur un napperon après avoir mordu le monde. Pourquoi ce parti pris d’extraire les fleurs de leur contexte naturel ? J’aime bien les glacer sur place, les soumettre à moi-même, les cadrer. Je ressens qu’ils méritent cette soumission (ils me pressent de le faire avec leur appel muet). C’est une manière douce d’être humble : je n’y touche même pas pour les faire miennes. La fleur est traitée comme une matière, une forme, une couleur… Je ne pense pas de cette manière, quel que soit le sujet. Je pense que toute photo est auto-portrait avant tout. D’un autre point de vue je ne me considère pas photographe, mes connaissances en art et technique sont limitées. Je fais ce que je peux. Comme presque tous les noyés le font, je fais des éclaboussures pour ne pas couler. http://www.flickr.com/photos/bichito gonzalez.joseangel@gmail.com










E M I L I E Z A N O N


INTERVIEW Comment t’es venue l’idée de fabriquer des chapkas ? La nouvelle collection que je propose aujourd’hui est le fruit de diverses rencontres et observations. Au départ, une simple constatation : les gens, dans la rue, recherchent de plus en plus à se protéger, à s’isoler... Se protéger du froid mais aussi se protéger dans le paysage urbain des pollutions de l’air, des pollutions sonores ; ils cherchent à se calfeutrer dans un monde de confort, de douceur, onctueux et bienveillant. Chaque pièce est unique et inspirée par une trombine, une attitude, une personnalité aperçue ou rencontrée, simples gens, devenus muses ou égéries à leur insu. Pourquoi les faire transformables ? Chacune de ces chapkas peut se transformer, se développer en fonction des moments, des humeurs de son propriétaire ; à lui de l’adopter, d’en faire une délicieuse coquille, et même de l’envisager comme une précieuse amulette. J’avais envie de créer des volumes innovants... J’aime les transformations ; elles sont pour moi comme des surprises. J’aime l’aspect «gadget» de l’accessoire... J’aime m’amuser à créer des systèmes de fixation, d’ouverture, de fermeture... Comment choisis tu les matières ? J’ai tenté dans le choix de mes matériaux et de mes tissus, de faire renaître des motifs passés, des étoffes usées et de les marier avec des matières confortables, très douces et inusables. J’essaye toujours aussi de proposer des couleurs imprévues. Comment comptes-tu développer ta collection ? Je travaille actuellement de manière artisanale, la pièce unique... en attendant de proposer une autre gamme pour l’hiver prochain... J’ai remporté cette année, lors du Grand Prix de la Création de la ville de Paris, le prix «Visa pour Montréal» : je vais partir à Montréal pendant 6 mois pour travailler ma collection en série... Il y aura différentes gammes : de la pièce luxe jusqu’au modèle en série... J’aime l’idée que tout le monde y trouve son prix... Et l’été que feras tu? Des maillots de bain. http://www.myspace.com/meelxee







Photos : Suzane Brun Š Make-up : Estelle Jaillet


HOW DO YOU BUILD ?


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« PINNACLE PARK » David McGhee INTERVIEW de l’architecte Sandra Planchez


D A V I D M C G H E E


PINNACLE PARK Cette série débute sur un arbre… Pour moi cet arbre est le symbole de ce qu’a été ce lieu. L’ouest de Dallas, il y a une vingtaine d’années était une terre riche avec des forêts denses et étendues. Aujourd’hui les forêts et les zones saturées d’eau ont disparu au profit de dépotoir, des autoroutes sans cesse grandissantes, de vastes complexes d’entrepôts et de magasins de grossistes. Les collines et vallées qui ont un jour dessinés les contours de cette région ont disparu pour toujours. Cet arbre est l’un des survivants des dernières zones encore existantes de Pinnacle Park. C’est très cinématographique et beau alors que le sujet est dramatique… C’est vrai que ce n’est pas séduisant comme sujet. Pour capter l’attention du spectateur, j’ai essayé de donner à cette série un sentiment cinématographique afin d’attirer l’attention sur la transition qui se passe d’une image à l’autre. Il y a trois aspect à prendre en compte : l’artiste, le sujet, et le spectateur. Les deux premiers sont importants mais le troisième est fondamental car sans lui ils n’ont pas de véritable existence ; toute tentative visuelle a besoin d’un spectateur. Vous avez d’autres projets comme celui-ci ? Oui mais ce sont des projets sur le long terme qui ont pour but de révéler la manière dont la destruction prend place petit à petit, pernicieusement. Lorsque la construction commence, cela se fait lentement, comme si tout était planifié pour que la population oublie ce qui avait été et accepte toute les transformations faites sur leur environnement. Nous atteignons un moment critique pour notre planète et nous-mêmes où, à une grande échelle, nous remplaçons notre environnement naturel avec l’interprétation commerciale que nous en avons. Espérons que nous pourrons réparer les dégâts. http://www.flickr.com/photos/mambolove http://www.davidmcghee.net












S A N D R A P L A N C H E Z


INTERVIEW Pourquoi le choix de l’architecture ? C’est un des derniers métiers ancrés dans le réel, dans la matérialité, le toucher. L’architecture virtuelle ne m’intéresse qu’en tant que potentiel de construction à venir. Construire dans la ville et pour les gens, améliorer leur cadre de vie, l’architecture est aux confins de l’art, la technique, la philosophie, la sociologie... C’est une matière de réflexion toujours en mouvement, en évolution permanente. La question écologique aujourd’hui et toutes «les tartes à crème» règlementaires que l’on nous impose pour faire de l’écologiquement correct, doit se transformer peu à peu en une vraie pensée sur l’économie de moyens, de matière, de prétention même pour proposer des architectures à la fois fortes et modestes, qui rayonnent mais ne friment pas... Un double diplôme d’architecte et d’urbaniste permet-il d’avoir une vision plus globale de la ville ? En sortant de l’école, on ne sait pas grand chose de la fabrication de la ville qui s’organise avant tout à partir d’opportunités foncières et d’impératifs économiques et financiers. L’école est un formidable champ d’expérimentation pour les étudiants (et leurs enseignants) qui laissent de côté ces aspects, pour se concentrer sur la générosité des idées et des envies de concevoir une ville et des bâtiments plus beaux, plus sociaux, plus en phase avec le paysage... Quand on est projeté dans la vie réelle, on déchante souvent un peu. Ainsi, mieux connaitre le fonctionnement de la ville, ses contraintes politiques, sociales, administratives... aide à essayer de les contourner pour produire une architecture de qualité. Il est certain que l’architecte aujourd’hui n’est qu’un maillon assez faible finalement de la production de la ville au sens large, puisque près de 80 % des constructions se font sans architecte, en tous cas en France. Il y a certes les architectures symboles et l’effet «marque» de petits groupes d’architectes et de programmes remarquables, mais la production globale reste encore assez pitoyable, entre pastiche et mouvement moderne mal digéré. Tu enseignes l’architecture, penses-tu que la ville pourrait trouver sa place dans la culture populaire ? (lieux de diffusion Pavillon de l’Arsenal, Cité de l’Architecture de Chaillot) La ville est un lieu de culture populaire, mais sur d’autres thèmes que celui de l’architecture. Le pavillon de l’arsenal et la cité de l’architecture, en tout cas pour leurs expositions et galeries temporaires d’architectures contemporaines, ne sont pas ou très peu fréquentés par le grand public. Et c’est dommage. Mais le problème démarre dès les enseignements à l’école où art, architecture, musique... sont des enseignements de pacotille. Donc pas de culture, donc pas d’envie chez les plus grands (ou alors confusion fréquente entre décoration, très médiatisée et architecture, ce qui n’est pas la même chose). En tant qu’urbaniste, les entrées de ville sont elles les enjeux d’aujourd’hui ? Des enjeux certes, mais qui y réfléchit dans la réalité opérationnelle de la ville ? Personne, bien que les réflexions sur ce thème des architectes, sociologues, philosophes, s’expriment à travers de très nombreux ouvrages depuis trente ans, dont un des plus célèbre encore aujourd’hui est l’enseignement de Las Vegas (Venturi Izenour Scott Brown). Dans l’exercice de ta profession d’architecte, quelle place tient l’Ecologie et ses «normes» ? J’essaie d’aborder ces questions bien au-delà et différemment des labels et des normes telles que l’on nous les impose en France. J’estime qu’en tant qu’architecte, travailler sur des constructions les plus justes en terme de rapport entre économie, confort, qualité dans la ville, durabilité... est fondamental et passionnant. Mais ce n’est pas encore inscrit dans la mentalité de certains d’entre nous, et de surcroit tout les pousse, notamment avec le développement ultrarapide des pays émergents, à faire le contraire, plus haut, plus grand, plus ostentatoire, plus cher... Donc l’architecte et l’architecture sont arrivés aujourd’hui dans une situation de paradoxe extrême avec un certain nombre de curseurs à régler dans l’élaboration du projet qui sont en contradiction permanente. C’est difficile et il faut se battre, mais l’important est de se fixer des objectifs au-delà des frénésies, du moment mais en toute conscience de ses choix et de ses envies pour le monde de demain, celui que l’on laissera à nos enfants... http://www.acote-architecture.com






ÉBAUCHES DE CORPS


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« CORPORELLES » Isa Marcelli INTERVIEW de l’écrivain Louise Imagine


I S A M A R C E L L I


corporelles Comment vous est venue votre passion pour la photo ? Je m’intéresse à la photo depuis très longtemps et j’ai eu la chance de compter beaucoup de photographes parmi mes amis. Mais ce n’est qu’il y a 4 ou 5 ans en achetant mon 1er appareil photo numérique, pour garder des traces de mon travail et regarder grandir mes filles, que j’ai réalisé quel outil formidable de création j’avais entre les mains. C’était une période un peu difficile pour moi et j’ai démarré une sorte de journal en images. Ce qui m’importait c’était de mettre en lumière les choses qui avaient du sens pour moi. J’ai vite été totalement happée par cette pratique d’autant que contrairement à mon métier, je crée des mosaïques pour la décoration d’intérieurs, un processus long, lourd et fastidieux, la photo, elle, me permet d’aller très vite. la série présentée parle des femmes, de leur corps … J’ai une passion pour le portrait. Cette série pour moi est une tentative de portraits de femmes. Je viens d’avoir 50 ans et je ne trouve pas cela facile du tout de vieillir physiquement. Etant totalement instinctive j’ai du mal à expliquer pourquoi, comment. J’ai sûrement quelques questions encore sans réponse sur la féminité, le corps, la sensualité. votre photographie est très « sensible » émotionnelle … Un peu comme moi sans doute… C’est peut-être intéressant sur un plan purement créatif. Mais ce ne sont pas de véritables atouts pour vivre dans la société d’aujourd’hui. avez- vous d’autres projets en cours … Depuis peu je me suis initiée à la photographie argentique et au développement. Je retrouve un aspect «artisanal» dans la chambre noire qui me correspond bien. Je pensais avoir compris quelques petites choses mais mes 5 derniers rouleaux sont partis tout droit à la poubelle. Comme quoi il me reste encore tellement de choses à apprendre… http://www.flickr.com/photos/isamarcelli












L O U I S E I M A G I N E


INTERVIEW Comment vous est venue cette nouvelle ? J’ai une affection toute particulière pour ces instants apparemment anodins d’un point de vue extérieur, mais qui, pour un être en particulier prennent une importance capitale… Les quelques poignées de secondes où vous vous êtes ennuyé à faire la queue dans un supermarché sont peut-être les secondes les plus belles ou, malheureusement, tragiques d’une autre personne. Quel est le rapport au corps de cette femme ? Elle est emprisonnée, physiquement et intellectuellement, dans un carcan étroit où elle ne parvient plus à respirer… L’enfermement est tel que la lutte à mener ne consiste même plus à maintenir un certain espace vital autour d’elle, mais se déroule à l’intérieur de son propre corps… Trouver ne serait-ce que la force de se relâcher... Cette nouvelle parle de quelque chose de très intime dans un lieu impersonnel… Il s’agit d’un mal-être extrême, vissé jusque dans la chair, qu’elle transporte avec elle dans tous les lieux où elle s’aventure… Y compris dans un salon de thé, pourtant loin du véritable champ de bataille. Il me semble que nous transportons tous avec nous nos plaies cachées, y compris celles que nous ne voulons pas assumer. Elles font de nous ce que nous sommes. La douleur est omniprésente. Elle est palpable, je l’espère, installée jusque dans sa pensée blessée, hésitante, sans cesse en mouvement… Ce personnage est profondément humain, empêtré dans ses émotions et ses hésitations. Je voulais que le lecteur puisse ressentir et comprendre son état d’esprit, se mette à sa place le temps du texte. Et, pourquoi pas, que cela fasse écho à ses propres instants de faiblesse… Quelle est la part de vécu dans ce texte ? Chaque texte parle de la personne qui l’a écrit, c’est certain, mais pas seulement. Il s’agit bien évidemment d’une fiction même si le sentiment qu’elle éprouve ne m’est pas étranger. Je crois que pour la plupart d’entre nous, la période de l’adolescence réserve son lot de mal-être et de questionnements… http://www.flickr.com/photos/louiseimagine http://www.myspace.com/louiseimagine


Le salon de thé C’était une tension intense, piquée dans la moelle épinière, agrafée au bas du cou. Une aiguille froide, lourde, alignant les os de sa colonne sur un tracé précis. C’était ce qui l’empêchait de reposer sa nuque, dos pressé contre support mais tête toujours haute, plantée comme un périscope. Un léger tremblement lui échappait parfois, trahissant la fatigue de ses muscles. Et se tenir convenablement, rentre ton ventre, met ton dos droit, cela lui devenait insupportable. Elle voulait hurler, fissurer à la force de son cri le bloc qui l’oppressait. Juste poser sa nuque contre un coussin ou même un mur, peu importe, support quelconque et se laisser aller. Elle y pensait, y repensait encore à l’heure de sortir, lorsque enfin hors de chez ses parents, loin des yeux qui la scrutaient, assise à sa table habituelle sur la banquette du salon de thé, elle se versait délicatement une tasse brûlante. Elle en rêvait avec délectation alors que dos plat, tête perchée sur son corps raide, elle s’appliquait à ne pas tâcher le napperon en dentelle blanche. Poser sa nuque, simplement. Elle y pensait sans cesse, à ce relâchement, ce merveilleux repos. Se laisser gagner par la mollesse, envahir sans résister, y plonger et succomber. Elle y pensait lorsqu’elle découpait méticuleusement le speculos au-dessus de l’assiette en porcelaine, en quatre morceaux exactement -on lui avait si bien appris à le faire- tête effleurant le coussin mais n’osant pas le toucher. Elle pouvait en deviner l’épaisseur, la matière qui se tasse pour accueillir la raideur de sa chair. Elle y pensait toujours lorsqu’elle plongeait chaque petit morceau de biscuit dans le thé fumant. Franchir ces quelques millimètres et se laisser aller au contact moelleux sur sa nuque tendue, sur sa nuque éperdue, quand le biscuit chaud et tiède fondait sous sa langue. Elle y pensait encore, la chaleur du breuvage s’écoulant dans sa gorge, fermer les yeux enfin et se laisser gagner par la mollesse… Personne ne s’en rendrait compte, pensait-elle, personne, chavirement imperceptible de sa tête si lourde, tout son corps vers le repos, personne, personne ne pouvait voir ni même imaginer dans ce café bondé… Elle semblerait toujours droite, son corps rigide, ses mains demeureraient posées, paumes à plat, phalanges blanches sur l’osseux de ses genoux. Ses épaules seraient toujours solidement ancrées sur son buste, à peine pourrait-on remarquer si l’on y faisait attention -si l’on y prêtait une attention toute particulière- qu’elle avait curieusement les paupières fermées. Elle éprouvait une sorte de jouissance à se savoir ici sans que personne ne s’en doute, seule au milieu de tout ce monde, fondant son rêve dans le chahut ambiant, loin des yeux accusateurs, ces petits yeux qui l’espionnaient, la suivaient partout où qu’elle se trouve chez elle, quoi qu’elle y fasse ou veuille y faire. La foule l’enveloppait, la berçait, l’aidant à s’échapper, entourée de visages inconnus sans une once d’hostilité. Elle y écoutait parfois les conversations extérieures, envoûtée par les voix anonymes déliant des bribes de leurs vies, par les rires éclatés les silences gênés, l’éloignant toujours plus un peu plus de ses propres frayeurs… Elle buvait son thé à petites gorgées, fruits de la passion, aujourd’hui, nouveau goût pour changer, et passion voilà qui ne manquait pas d’ironie. Elle eût un petit sourire gêné en passant la commande lorsque le serveur l’interrogeait du regard, elle se sentit même rougir mais ne voulut pas reculer, assumer alors que voix tremblante, timbre vacillant prêt à se rompre, elle choisit le parfum, passion en breuvage ambré. Seul moyen peut-être d’y tremper les lèvres, de s’en délecter. Elle buvait le nectar, obscure sensation de commettre la faute sans pouvoir résister, se rendit compte avec un frisson de plaisir -ou serait-ce d’inquiétude ?- que passion elle adorait, comme une palpitation entre les reins, une chaleur nichée au centre. Elle buvait lentement, surtout ne pas précipiter ni gâcher l’émotion. La passion diffusait ses saveurs tout le long de sa langue. Trente merveilleuses minutes dans ce salon de thé, entourée et heureuse. Trop peu, si peu mais déjà bien quand possible de s’échapper. Combien de stratagèmes échafaudés pour se soustraire à leur étroite surveillance ? Trouver les justes arguments, mensonges éhontés, endormir les soupçons. En choisir un, isolé, père ou mère, alors que l’autre est affairé, puis aller vite, très vite dans l’annonce. Pas trop abrupt ni innocent, prétexte d’un oubli au gymnase ou au lycée ou n’importe où, plus rien à foutre de la crédibilité. Pas la peine de vous déranger, je serais vite revenue, non non je vous remercie mais j’y vais seule, toute seule, promis moins d’une demi-heure et je serais rentrée. Puis sans laisser le temps de réagir ni d’avertir, se ruer dehors et courir, courir comme une folle à s’arracher les jambes tout le corps déboîté, et, en pleurant presque en hurlant presque, rire à cette poignée de minutes gagnées, trente minutes de liberté.


Là et bien là, assise dans le salon de thé, posée juste au bord de son siège, dos bien droit, cheveux lissés, elle buvait la passion, doigts crispés sur les plis parfaits de sa jupe longue, genoux pressant l’un contre l’autre. Tandis que son corps se réchauffait, que la peur peu à peu s’estompait, elle se plaisait à imaginer, gorgée après gorgée, tout ce qu’il lui serait possible de faire si, pour une fois, une simple fois, elle se laisser aller à reposer sa nuque contre la banquette. Si cette fois là, enfin, depuis le temps qu’elle y songeait, elle se décidait à ne pas rentrer. Pousse-toi assied-toi cesse de faire ta mijaurée, pas ta place tu nous gênes trop longtemps que tu traînes, viens ici plante-toi là, bouge plus et tais-toi… Voix cassantes, méprisantes, crachats de mots bouillie de sons, sortis tout droit de leurs bouches amères, elle voulait en effacer la trace, une bonne fois, cette fois, au plus confus du brouhaha, elle cherchait à oublier -rouge à lèvre de la mère qui s’agite et dérape sur ses dents porcelaine- diluer ces propos abjects, en gommer le sens. Loin aux tréfonds d’elle-même -au plus secret- elle se cachait, pas entendre, rien entendre, elle finissait par y parvenir quand ils hurlaient et la jugeaient. Quand ils se taisaient la regardaient. Elle n’avait qu’à s’imaginer assise, tête adossée sur la banquette du salon de thé. Elle se prenait à rêver qu’on lui adresse la parole, peut-être le serveur, par pure politesse ou intrigué par ses venues régulières, un client quelconque, n’importe qui, elle aurait tant voulu, mais qu’aurait bien-t-on pu trouver à lui dire et elle à répondre, il est vrai pas grand-chose, elle avait si peu d’intérêt. Elle songeait parfois à acheter un briquet et un paquet de cigarettes, posés à son côté sur le bord de la table, bien en évidence, une chance qu’on lui demande l’un ou l’autre, déjà un début de discussion pas très glorieux, mais déjà ça. Elle n’était jamais passé à l’acte -crainte d’une fouille parentale une fois rentrée- s’imaginant sans peine les conséquences dramatiques qui en découleraient. Défi pour le temps qu’il lui restait : soutenir les regards. Aujourd’hui elle y parviendrait pour sûr, car triste habitude de baisser les yeux dès qu’ils en croisaient d’autres, elle devait résister, pas si compliqué que ça quand même, le temps d’un sourire, pas plus rien de plus, pourquoi donc s’affoler ou rougir, pas de quoi s’emballer, tout son cœur estomac sans dessus retournés, penser à autre chose peut-être, cela faciliterait, penser à la passion coulant ruisselant tout le long de sa gorge, goût sucré chaloupé et sourire, un beau sourire, lèvres étirées, quelques misérables muscles sollicités, pourquoi si difficile, elle ne parvenait pas à se l’expliquer. Et là, à l’instant même, alors que, en passant, le serveur venait de la frôler, alors que machinalement elle levait la tête vers lui, alors qu’elle trouva son regard sans même s’y attendre, elle demeura bouche bée, rougissant jusqu’aux oreilles puis se détourna vivement sans un mot ni esquisse de sourire. Recroquevillée sur son siège, serrant très fort le tissu de sa jupe entre ses poings, elle perdait son visage bouleversé dans la chaude et douce fumée du thé, se maudissait plus que d’habitude, furieuse et malheureuse, pas aujourd’hui encore qu’elle y arriverait, indécrottable, bonne à jeter. Dernière gorgée. Temps de partir, interdit de flâner. Elle posa les pièces l’une à coté de l’autre, laissant un petit pourboire… Avant de s’en aller, elle ferma les yeux quelques instants à peine, pour dans le noir s’imprégner de la foule, se sentir acceptée, éperdue et confiante, absorber les éclats de rires, contaminée par l’atmosphère, le léger pétillement papillonnant dans l’air, car sa place pour quelques minutes, une poignée d’éternité, elle l’avait trouvée… Elle inspira profondément, chercha au fond, tout au fond la force de se lever. Rebrousser chemin. Marcher, chaque pas rapprochant de là-bas, leurs grincements de dents, elle entendait déjà leurs rires mesquins, trouver la force de rentrer. Prenant à deux mains appuis sur la table, elle se leva, lissa une dernière fois les plis parfaits de sa jupe, réajusta sa coiffure, mèches emprisonnées derrière l’oreille. Posa un pied. L’autre. Plus possible de reculer.


LIGHTS & MOVES


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« EPHEMERAL QUALITIES OF BEING » Shari Baker INTERVIEW du danseur chorégraphe Hiroaki Umeda


S H A R I B A K E R


EPHEMERAL QUALITIES OF BEING Comment est née cette série ? Les images de cette série explorent l’essence de l’être, les qualités éphémères du mouvement dans l’espace. Les réminiscences que l’être laisse en retrait. La série est une étude de l’humain mis en mouvement, des danseurs, comme des fantômes d’être, momentanément présents dans un espace, et qui partent. A travers ces images, je voulais capturer ce que quelqu’un laisse derrière lui, son essence, prisonnier d’une lumière et des couleurs pures. Comme une suggestion d’entité passant devant le cadre. Le flou, le mouvement, la lumière, comment les travailles-tu ? Simplement, j’utilise la photographie dans sa forme la plus pure, capturant toujours la lumière, pour explorer, expérimenter, tenter de révéler le monde comme je le ressens. J’utilise l’appareil de manière à voir ce que nos yeux ne peuvent voir, décrire ce qu’on ne comprend pas. J’utilise une technique qui englobe différents moyens qui, j’espère, encouragera le spectateur à regarder, à ressentir, et à voir au-delà de l’image et dans l’essence de la photographie elle-même. La photographie peut être utilisée pour décrire un moment dans le temps. Dans ces images, je préfère expérimenter avec le temps lui-même, et explorer comment il peut intervenir avec la lumière et le mouvement. Cette notion de temps comme moyen m’intrigue et m’inspire pour créer un travail qui joue avec le concept d’arrêter le temps, de l’étirer, le déformer. Mes photographies sont simplement une suggestion, pour stimuler celui qui les regarde, inspirer un contact et, je l’espère, une volonté de comprendre les émotions capturées dans chacune d’elles. Qu’est-ce que la danse représente pour vous ? Je ressens la danse, elle est comme la photographie : une réponse créative. Lorsqu’un photographe peut utiliser la lumière et la couleur pour dépeindre une photographie, les danseurs utilisent leurs corps pour devenir la musique. Réunir les deux m’excite en tant que photographe, je tente de capturer l’essence de la musique, sa représentation visuelle. Dans cette série, j’expérimente avec l’exposition et le mouvement, des captures des danseurs, comme si ils devenaient de la lumière, de la couleur, du temps. J’essaie de connecter, à travers la photographie, de créer une intime compréhension, un rythme visuel de la musique. Un portrait de leur essence de façon visuelle. http://www.flickr.com/photos/floebee floebee@mac.com










H I R O A K I U M E D A


INTERVIEW Comment est née l’idée de mélanger la danse et la lumière ? Mon approche est visuelle car les gens regardent la danse, mais les jeux de lumières sont tout aussi importants pour la sublimer. C’est pourquoi, il est essentiel pour moi, d’imbriquer danse et lumière dans mes spectacles. Le spectacle est très impressionnant, comment faites-vous pour mettre en scène le mélange entre danse, lumière et l’histoire ? Parce que vous essayez de raconter une histoire ? Peut-être... Mais pour moi c’est avant tout une expérience pour le public. Mon intérêt est de savoir comment il va réagir au spectacle. C’est ce que je désire transmettre. Je compose un spectacle sur la façon dont bouge, la façon dont évolue mon corps (avec la lumière pour créer une illusion, et provoquer une expérience visuelle pour le public). Quand vous dansez, parfois, on ne sait pas vraiment si c’est vous qui bougez, ou les effets lumineux qui donnent cette impression. La première partie est comme une illusion au niveau des émotions, du visuel, «un spectacle en 3D... Oui «l’illusion» est exactement le concept de la 1ere pièce, «Adapting for Distortion». Tandis que la deuxième «pièce» (ou 2eme partie) semble plus paisible, parfois agressive, mais plus colorée, ... Vous choisissez spécialement les couleurs ? Oui il n’y a que des couleurs pour la pièce «Haptic». Je ne travaille d’habitude que sur du noir et blanc, donc je voulais essayer de ne travailler qu’avec de la couleur. Quelques mots pour décrire votre art ? Ma danse est un objet, aucun en particulier, mais elle n’est pas vivante. C’est comme par exemple une chaise, ce n’est pas quelque chose de spécial, mais juste un objet. Et mon show est une expérience. Par exemple, si vous montez dans un train, quelque chose se passe au niveau de l’espace, c’est la même chose. C’est la première fois que vous jouez en France ? Non, je suis déjà venu plusieurs fois en France, mais pour la deuxième pièce, c’est une première mondiale http://hiroakiumeda.com info@hiroakiumeda.com


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WRITINGS


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« GRAFFITOLOGIE » Thomas Metais INTERVIEW du pochoiriste STF


T H O M A S M E T A I S


graffitologie comment t’es venue l’idée de cette série ? Je n’ai pas vraiment d’idee avant de prendre des photos dans la rue. Je me laisse aller au gré des balades et de la lumière, en misant sur l’instinct et sur le hasard. Je clique quand les choses s’assemblent en un instant d’harmonie, quand la silhouette d’un passant anonyme entre en résonnance avec le décor. Qu’est-ce que l’urbain représente pour toi ? Campagnard pur souche, peut-être que je ne me sentirai jamais totalement à mon aise dans la ville. Cette inadaptation aux flux urbains crée une distance et préserve le regard de l’anesthésie progressive qui s’installe dans les lieux où l’on se sent bien. Ce qui est dur pour moi dans la vie urbaine c’est de porter sa solitude au milieu de la foule. En s’asseyant sur un coin de trottoir avec un appareil photo, on imagine ce qui se passe dans la tête d’un inconnu, on imagine toutes les histoires que notre bout d’asphalte a vu défiler, et on ne se sent pas seul. La présence des mots sur tes photos ... J’aime les murs qui gardent des traces de vie, les strates d’affiches déchirées et les mots griffonnés comme autant d’indices sur l’archéologie de la ville. On peut jouer avec leurs sens, sortis de leurs contextes, ca fait plein de petits éléments sur lesquels s’attarder dans une image. L’aspect calligraphique des écritures in situ me fascine également, et je peux bloquer sur un mot de langue inconnue simplement pour son graphisme. http://www.flickr.com/photos/tranuf












S T F


INTERVIEW Parle nous de ton univers… Plutôt noir diraient certains… mais, j’ai tendance à rajouter que tant qu’il y a du noir il y a de l’espoir ! La couleur noire est obtenue par le mélange des 3 autres couleurs primaires, non ? Mon univers est comme cette somme. Il synthétise ce que j’ai pu voir de la scène alternative et punk des années 80, et des rencontres avec ses acteurs. Pendant que le fluo disco faisait des ravages, la scène rock du moment cultivait une revendication engagée, qui passait par la fête sans se soucier de l’énergie dépensée, avec une pointe de burlesque, de provoc’. L’imagerie était déviante, brute, inoubliable. Même si j’essaie de travailler plus souple, cet univers est toujours sous-jacent.

Comment t’es tu approprié le pochoir... Le credo du punk’n’roll était DIY (do it yourself). C’est pourquoi j’utilise le pochoir, simple, même pour quelqu’un qui ne sait pas dessiner, d’application rapide et pratique dans la rue. Tu peux flécher un concert, revendiquer un ante ou pro quelque chose sur les murs de ton quartier. C’est grâce à un autre artiste urbain (Rnest) que j’ai appris les bases. Puis, rapidement tu te prends au jeu, la rue est tellement vivante niveau « street-art », tu as envie de te différencier. Pas 36 solutions du coup. Au début tu bidouilles pour faire différent, mais tant de choses ont déjà été faites, que finalement tu reviens à ce qui se fait, dans le thème ou la compo. En ce moment le principe est de faire un pochoir avec plusieurs calques. Je préfère nager en eau trouble. Je reviens vers la toile et me sers du pochoir différemment, j’essaie de le pousser dans ses recoins en tant que support. Et ma découpe passe par une déformation du visuel pour souligner une partie, qui troublera l’œil du spectateur. Tu revendiques un art totalement libre ainsi que populaire... Oui, c’est mon coté DADA. La base de ce mouvement a mis en avant le rejet de la raison et de la logique, l’extravagance, la dérision. Ses artistes se voulaient irrespectueux, extravagants, affichant un mépris total pour le conservatisme passé et présent. Ils recherchaient la liberté de créativité, pour laquelle ils utilisèrent tous les matériaux et formes disponibles. Ils cherchaient aussi cette liberté particulièrement dans le langage, qu’ils aimaient lyrique et hétéroclite. Il ne manquait plus qu’à la musique à intégrer ce mouvement sous une forme ou une autre. On pourrait dire que DADA étaient les grands-pères de la scène punk rock! Quant au côté populaire, il s’explique par la notion de don dans la peinture de rue, offerte au passant. C’est ce que j’entends par le mot populaire. Qu’elle soit posée dans la rue sous forme d’affiches, de stickers, ou brute sur le mur (et ça s’applique aussi au graff), la gratuité du geste sert le popularisme. Combien de personnes n’iront jamais dans un musée ou pousser les portes d’une galerie ? Et même si beaucoup ne font plus attention, je pense qu’il faut rester proche de ses contemporains et continuer d’investir des lieux communs. Différents types de supports t’offrent différentes sources d’inspirations ? Rien de plus facile pour l’imaginaire. La peinture en spray tient sur presque tous les supports, autant s’en servir. Dans la rue tout peut devenir support mais le lieu n’est pas propice à prendre son temps pour peindre. Quant à la toile, elle reste un support attrayant, parce que académique, sauf qu’elle reste trop souvent conventionnelle. En revanche de nombreux objets domestiques peuvent le devenir. Des objets qui ont une histoire, ou une forme susceptible d’être utilisée. A l’inverse le format n’a pas été pensé à la base pour être harmonieux, et vient perturber l’ordre des choses. Et ensuite quoi de plus naturel que d’essayer de raconter l’histoire de l’objet ou de jouer avec la typographie d’un titre, voire du titre de l’objet. D’où certaines séries de travaux sur 33 tours, ou les pochoirs et typo se mettent au service du rock’n’roll, de la musique et de la forme ronde du vinyl. Sur d’autres supports comme la couverture de livre cartonné et entoilé, ou la suggestion est illimitée de par le nombre de formats et de type de support ; ou encore sur de l’affiche récupérée dans la rue et de factures hasardeuses... La typographie occupe une grande place dans tes oeuvres... Autant qu’elle en occupe dans le paysage urbain… On est tellement submergé de publicité vantant la dernière chose à la mode qu’on n’y fait plus trop attention. Mais la Typo occupe de plusieurs manières différentes l’espace dans mes pièces. J’essaie de la montrer sous un jour différent, qu’elle perde son role uniquement informatif. Agrandie jusqu’a la limite où l’œil ne s’aperçoit plus que la ligne appartient à une lettre ou un chiffre, certaines polices d’écritures ont des caractères particulier. Une typo gothique devient une fois agrandie « pleins et déliés » et aérée, une police plus grasse devient paysage ou forme. La symbolique même de la lettre ou du chiffre sert ma peinture. Le spectateur se questionne sur le pourquoi, et laisse aller son imaginaire. Il prend le temps, son attention m’est accordé, je peux en profiter pour faire passer un message. Il raconte le tableau. http://www.myspace.com/stf_pochoiriste












CLAIR OBSCUR


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« AMBERLIGHT » Ann Marie Simard INTERVIEW du peintre Antoine Josse


A N N M A R I E S I M A R D


AMBERLIGHT Quelle est l’histoire de cette série ? C’est l’histoire de ma vie rien de moins, car je suis am., et amber, l’ambre, lorsqu’en lumière, est ma pierre précieuse préférée. L’ambre est d’origine naturelle, la nature n’est donc pas perdue mais retrouvée, comme le temps, ici. C’est un peu Proustien dans mon esprit, l’éternité comprimée dans une soirée. Cette série est comme une signature, un fil de vie raconté en lumières. Comme une balade vers une maison future. Cette série a aussi inspiré un petit livre photo avec des petits textes, Late Harvest - Homebound, que j’écris souvent en soirée ces temps-ci. Il y a de la nostalgie dans ces photos… Oui, car j’ai l’impression, tout au long de ma promenade de la soirée durant laquelle ces photos ont été prises, que quelqu’un que je connais pas tout à fait, mais pourtant, connais si bien me manque et pourtant par moments je ressens sa présence. D’où, aussi, souvenir d’avenir. Le clair obscur… «Darkness white light» me vient à l’esprit à entendre cette question, d’une belle chanson que je n’ai pas envie de citer, évoquer simplement. Aussi, je souhaitais que ces photos paraissent en noir et blanc tout en étant en couleur, alors toutes les structures sont noires car je n’avais pas envie de décider entre film noir et blanc et la couleur. C’est aussi la vie tout simplement, la photographie toute entière ... On vient tous d’un endroit d’apparence sombre, mais peutêtre même que nous-mêmes non seulement retenons la lumière mais sommes capables de projeter de la lumière et de la chaleur dans les moments de noirceur de la vie. Les lumières d’ambre sont chacune d’entre elles des éclats d’invincible espoir dans mon esprit. http://www.flickr.com/photos/wintergarden marigold.ad@gmail.com
















A N T O I N E J O S S E


INTERVIEW Tes paysages sont très épurés... Comme les terres Africaines... Riches et arides en même temps... Oui, comme plein d’autres endroits dans le monde... ce sont avant tout des No mans’ land et chacun d’entre nous pourra y retrouver un endroit qu’il a connu. Dans tes toiles, ombres et lumières semblent s’opposer, pourtant chacune trouve sa force par la présence de l’autre... En effet, certaines heures du jour donnent de l’épaisseur et de densité au ciel et à la terre. Toi-même, en artiste, n’oscilles-tu pas entre deux éléments ? La Terre de ta sculpture et la peinture de tes toiles ? Oui, c’est une façon très poétique d’opposer deux médiums. J’utilise en effet ces deux mode d’expression dans mon art. Peux-tu m’expliquer quelles différences il y a pour toi entre peinture et sculpture ? Comme tout le monde (ou presque !) j’ai commencé par dessiner et peindre mais très vite, n’étant pas satisfait de la profondeur de mes tableaux, j’ai senti une sorte de frustration de cette dimension absente... Mes peintures sont devenues bas-reliefs, puis ronde-bosses et se sont enfin libérées du mur. Aujourd’hui mes sculptures «existent» dans l’espace, comme une présence et chaque pas que je fais autour d’elles est comme un nouveau tableau à mes yeux. Pourquoi l’un et l’autre ? Les deux ont pour moi tout autant d’importance... La peinture me permet de réaliser des «situations» que je ne pourrais créer en 3 dimensions ; du plus la monochromie de ma sculpture est compensée par les couleurs de mes paysages. C’est aujourd’hui devenu un jeu ; comme une partie de tennis, certaines de mes peintures m’inspirent des projets de sculptures et vice versa. Il me suffit alors de passer de l’un à l’autre. Pourquoi as-tu abandonné un certain temps la peinture pour t’y remettre ? Je n’ai jamais vraiment abandonné la peinture, mais le manque de temps et l’abondance de projets sculpturaux ne m’ont pas permis d’avoir une production satisfaisant pour moi. Mon travail pictural a donc été très lent et très laborieux... Et j’ai fini par créer ma propre technique. Tu m’as expliqué que cette série de peinture est ancienne... Depuis tu aS placé des personnages dans tes toiles... Pour quelles raisons ? En effet, des personnages ont très vite colonisé mes tableaux ; dans un souci de cohérence entre la sculpture et ma peinture, il m’a paru nécessaire d’avoir le même discours dans ces deux modes d’expression. As-tu d’autres projets en cours ? Je cherche aujourd’hui à traduire picturalement la solitude de l’homme et ses difficultés à communiquer. En permanence à la Toast Galerie à Paris Du 05 mars au 05 avril 2009 à la galerie Reg’ART-Confrontations à Rouen À partir du mois de juin à la Galerie Dollita à Quiberon (Bretagne) http://www.myspace.com/antoinejosse









Ont participé à ce numéro : JULIE TADDUNI - Secrétaire de rédaction et communication SOPHIE L. CUVÉ - Graphiste ANN MARIE SIMARD - Traduction FELICITY CONSTANT - Traduction VINCENT BENHARTT - Traduction MATHIEU DROUET - Web LAURENCE GUENOUN - Photo Couverture et Collaboratrice MARIE COULANGEON - Collaboratrice ERIC BATTISTELLI - Collaborateur CARINE LAUTIER - Collaboratrice RODOLPHE RADUEL - Collaborateur PAOLA HABRI - Collaboratrice Remerciements pour leur aide et soutien à : LAURA BOUJENAH ERIC ECOLAN SEB PARRAUD ORIGINAL MUSIC SHIRT EMA MERCIER

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