« Migrations, Territoires et Développement: à la recherche d’un nouveau modèle d’interactions » Par Jacques OULD AOUDIA* De quoi allons-nous parler ? De la migration internationale, des diasporas, du développement, des territoires d’origine des migrants, des pays d’accueil, .... et des liens que les migrants tissent chaque jour entre tous ces mots. Nous en parlerons en 8 épisodes. N’hésitez pas à réagir, critiquer, proposer, contester, approuver... Vous avez votre espace pour vous exprimer.
[Episode n° 8] : Extension du concept de Communauté de Développement Solidaire au Maroc et dans le reste du monde Sous des formes variées, les Communautés de Développement Solidaires pourraient se multiplier, au Maroc mais aussi dans l’ensemble des pays concernés par l’émigration. La forme des Communautés de Développement Solidaire n’est pas fixée. Elle évoluera au grès des demandes et des attentes des participants, sous l’impulsion tant des territoires que des diasporas. Nous pouvons faire l’hypothèse que les mutations identifiées dans le cas du Maroc (émergence des acteurs dans les pays d’origine et individualisation des membres des diasporas dans les pays d’accueil) sont, à des intensités diverses, généralisables. La multiplication sans précédent des personnes instruites dans le monde entier induit une demande inédite de participation (politique, économique, sociale, culturelle) à la vie des territoires. Les révoltes arabes témoignent de cette demande. La naissance de la plupart des pays du Sud aux Indépendances s’est effectuée avec des
effectifs de personnes instruites très restreints (il y avait 450 bacheliers marocains en 1956, année de l’Indépendance), et cette situation a été en totale cohérence avec un mode de gouvernance des pays très centralisé. Aujourd’hui, des centaines de millions de personnes dans le monde, répartis sur tous les espaces des pays, ont acquis un niveau d’instruction qui les rend capables de s’exprimer et de revendiquer une place dans la société (ce qui est une rupture majeure par rapport à la situation qui prévalait il y a seulement un demi-siècle). Les réponses des Etats seront différentes à court moyen terme, selon leur histoire, leur légitimité et leurs capacités politiques, mais sur le long terme, l’émergence d’une multitude d’acteurs locaux est inéluctable. Dans les régions du monde qui ont fourni d’importants contingents de migrants, internes et internationaux, ce sont des forces issues de ces acteurs émergents qui pourront impulser la création de Communautés de Développement Solidaire. Au Maroc, ces forces se situent principalement au niveau des Collectivités locales (Communes), mais dans d’autres pays et continents, avec d’autres traditions, ces forces pourraient être des syndicats paysans, des réseaux de fondations ou d’universités, des associations de défense de l’environnement, ou une combinaison de ces acteurs plus ou moins liés aux collectivités territoriales.... L’essentiel est que ces acteurs du territoire soient perçus comme crédibles, authentiques, offrant des garanties de confiance autour de laquelle les membres de la diaspora s’engageront et agrègeront autour d’eux d’autres personnes, d’autres ressources, d’autres énergies. Parallèlement, nous faisons l’hypothèse que les mutations identifiées dans la diaspora marocaine sont partagées par d’autres diasporas, avec bien évidemment les caractéristiques propres de chacune d’entre elles. Des compétences accrues, un désir d’ancrage avec le pays d’origine (ou celui de leurs parents) mais un ancrage vécu sur un mode individualisé, ponctuel, non soumis aux obligations communautaires... La démocratisation des nouvelles technologies de l’information et la multiplication des moyens de communication virtuels offrent de nouveaux et puissants outils pour mettre en relation cette multitude d’acteurs de territoire et ces membres des diasporas qui souhaitent « faire quelque chose » avec / pour le pays des origines. Ainsi, le terrain est propice à l’éclosion de par le monde, de multiples Communautés de Développement Solidaires, de formes et de natures très différentes, qui construiront les institutions qui manquent à la 4° dimension de la mondialisation, celle qui concerne la circulation des personnes. Des institutions mondialisées où acteurs des territoires et migrants auront la parole. Des institutions où pourront se vivre concrètement un attachement à l’identité de ses origines compatible avec l’ouverture sur les autres. -------*Jacques OULD AOUDIA est chercheur en économie politique du développement. jacques.ould-aoudia@dbmail.com Activité professionnelle : Jusqu’en 2011 : Économiste à la DG du Trésor (Ministère de l’Economie, France): analyse des fondements institutionnels et de l’économie politique du développement, notamment dans le monde arabe. Chercheur associé à l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES, Maroc). A titre bénévole : Président de l’association « Migrations & Développement » créée en France par des migrants marocains en 1986. http://www.migdev.org/ Est l’auteur de plusieurs publications dont : « Captation ou création de richesse ? Une convergence inattendue entre Nord et Sud », Gallimard, Le Débat n°178, janvierfévrier 2014. « Des migrants marocains acteurs du développement » (avec Yves Bourron), Hommes & Migrations n°1303, juilletseptembre 2013. Avertissement / Disclaimer : Le contenu des textes qui sont publiés dans ce blog n’engagent que leur auteur et non ses institutions d’attache.