Matériaux
INGÉNIERIE, SCIENCE, PROCÉDÉ ET CONCEPTION
Michael Ashby, Hugh Shercliff et David Cebon Traduction de la 3e édition américaine
Le manuel ultime pour mieux comprendre les matériaux
Disponible en librairie, ou via commande directe ici ou sur www.ppur.org
Matériaux
ingénierie, science, procédé et conception
Michael Ashby, Hugh Shercliff et David Cebon
3e édition américaine
traduite en français par Léa Deillon et Michel Rappaz Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Presses polytechniques et universitaires romandes
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La collection « Matériaux » est publiée sous la direction du professeur Michel Rappaz Egalement disponibles : Caractérisation expérimentale des matériaux I Propriétés physiques, thermiques et mécaniques Sous la direction de Suzanne Degallaix et Bernhard Ilschner Thermodynamique des matériaux De l’élaboration des matériaux à la genèse des microstructures Gérard Lesoult Physique des matériaux Maurice Gerl et Jean-Paul Issi Céramiques et verres Principes et techniques d’élaboration Jean-Marie Haussonne, James L. Barton, Paul Bowen et Claude Paul Carry Sélection des matériaux et des procédés de mise en œuvre De Mike F. Ashby, Yves Bréchet et Luc Salvo
Illustrations de couverture : Shutterstock.com, illustration du haut : © Visaro, illustration du bas : © Everett Collection
Version originale Materials Engineering, Science, Processing and Design Michael Ashby, Hugh Shercliff and David Cebon Third edition Copyright © 2007, 2010, 2014 by Michael Ashby, Hugh Shercliff and David Cebon Published by Elsevier Ltd. All rights reserved. ISBN 978-0-08-097773-7 This edition of Materials: Engineering, Science, Processing and Design by Michael Ashby, Hugh Shercliff and David Cebon is published by arrangement with ELSEVIER LIMITED of The Boulevard, Langford Lane, Kidlington, Oxford, OX5 1GB, UK
La Fondation des Presses polytechniques et universitaires romandes (PPUR) publie principalement les travaux d’enseignement et de recherche de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), des universités et des hautes écoles francophones. Le catalogue général peut être obtenu par courrier aux: Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL-Rolex Learning Center, CP 119, CH-1015 Lausanne, par E-mail à ppur@epfl.ch, par téléphone au (0)21 693 41 40 ou encore par fax au (0)21 693 40 27. www.ppur.org Version française Première édition ISBN 978-2-88915-025-0 © Presses polytechniques et universitaires romandes, 2013 CH-1015 Lausanne Tous droits réservés Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Imprimé en Italie
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Table des matières
Avant-propos Ressources Notes des traducteurs
xiii xvi xvi
Chapitre 1 Introduction : histoire et caractère des matériaux 1.1 Matériaux, procédés et sélection 1.2 Propriétés des matériaux 1.3 Propriétés limitant la conception 1.4 Résumé et conclusions 1.5 Lectures complémentaires 1.6 Exercices
1 2 4 9 11 11 11
Chapitre 2 Classification des matériaux et des procédés 2.1 Introduction et présentation du chapitre 2.2 Diagramme de classification des matériaux 2.3 Diagramme de classification des procédés 2.4 Interaction procédé-propriété 2.5 Cartes de propriétés des matériaux 2.6 Gestion de l’information assistée par ordinateur pour les matériaux et les procédés 2.7 Résumé et conclusions 2.8 Lectures complémentaires 2.9 Exercices 2.10 Conception assistée avec le logiciel CES 2.11 Explorer la science avec CES Elements
13 14 14 18 21 22 24 25 26 27 28 29
Chapitre 3 Stratégie de recherche du matériau adéquat 3.1 Introduction et présentation du chapitre 3.2 Le processus de conception 3.3 Informations requises lors de la conception 3.4 La stratégie : transposition, tri, classement et documentation 3.5 Exemples de transposition 3.6 Résumé et conclusions 3.7 Lectures complémentaires 3.8 Exercices 3.9 Conception assistée avec le logiciel CES
31 32 32 36 38 42 45 46 47 48
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vi Table des matières Chapitre 4 Rigidité et poids : densité et module élastique 4.1 Introduction et présentation du chapitre 4.2 Densité, contrainte, déformation et module élastique 4.3 Vue d’ensemble grâce aux cartes de propriétés des matériaux 4.4 Aspects scientifiques à l’origine de la densité et de la rigidité 4.5 Manipuler le module élastique et la densité 4.6 Résumé et conclusions 4.7 Lectures complémentaires 4.8 Exercices 4.9 Conception assistée avec le logiciel CES 4.10 Explorer la science avec CES Elements
51 52 52 62 64 75 80 80 81 83 84
Chapitre 5 Flexion, flambage et vibration: conception limitée par la rigidité 5.1 Introduction et présentation du chapitre 5.2 Solutions classiques aux problèmes d’élasticité 5.3 Indices de matériau pour des composants élastiques 5.4 Tracer des limites et des indices sur les cartes 5.5 Etudes de cas 5.6 Résumé et conclusions 5.7 Lectures complémentaires 5.8 Exercices 5.9 Conception assistée avec le logiciel CES 5.10 Explorer la science avec CES Elements
87 88 88 97 104 107 114 115 116 117 118
Chapitre 6 Au-delà de l’élasticité: plasticité et ductilité 6.1 Introduction et présentation du chapitre 6.2 Résistance, travail plastique et ductilité: définitions et mesures 6.3 Cartes pour la limite élastique 6.4 Origines de la résistance et de la ductilité 6.5 Augmenter la limite élastique 6.6 Résumé et conclusions 6.7 Lectures complémentaires 6.8 Exercices 6.9 Conception assistée avec le logiciel CES 6.10 Explorer la science avec CES Elements
119 120 120 124 127 136 144 145 146 147 147
Chapitre 7 Eviter et contrôler la plasticité: conception limitée par la résistance 7.1 Introduction et présentation du chapitre 7.2 Solutions classiques aux problèmes de plasticité
149 150 150
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Table des matières vii 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8
Indices de matériau pour la conception limitée par la plasticité Etudes de cas Résumé et conclusions Lectures complémentaires Exercices Conception assistée avec le logiciel CES
160 164 169 170 170 172
Chapitre 8 Rupture et ténacité 8.1 Introduction et présentation du chapitre 8.2 Résistance et ténacité 8.3 Mécanique de la rupture 8.4 Cartes de propriétés des matériaux pour la ténacité 8.5 Origines de la ténacité 8.6 Ajuster les propriétés: compromis résistance–ténacité 8.7 Résumé et conclusions 8.8 Lectures complémentaires 8.9 Exercices 8.10 Conception assistée avec le logiciel CES 8.11 Explorer la science avec CES Elements
175 176 176 178 185 186 191 194 194 195 196 196
Chapitre 9 Sollicitations cycliques, endommagement et rupture 9.1 Introduction et présentation du chapitre 9.2 Vibrations et résonance : coefficient d’amortissement 9.3 Fatigue 9.4 Cartes pour la limite d’endurance 9.5 Origines de l’amortissement et de la fatigue 9.6 Ajuster la résistance à la fatigue 9.7 Résumé et conclusions 9.8 Lectures complémentaires 9.9 Exercices 9.10 Conception assistée avec le logiciel CES
199 200 200 201 210 211 212 214 215 215 217
Chapitre 10 Conception limitée par la rupture 10.1 Introduction et présentation du chapitre 10.2 Solutions classiques aux problèmes de rupture 10.3 Indices de matériau pour la conception limitée par la rupture 10.4 Etudes de cas 10.5 Résumé et conclusions 10.6 Lectures complémentaires 10.7 Exercices 10.8 Conception assistée avec le logiciel CES
219 220 220 221 225 238 238 239 242
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viii Table des matières Chapitre 11 Frottement et usure 11.1 Introduction et présentation du chapitre 11.2 Propriétés tribologiques 11.3 Cartes pour le frottement et l’usure 11.4 Physique du frottement et de l’usure3 11.5 Conception et sélection : matériaux pour gérer le frottement et l’usure 11.6 Résumé et conclusions 11.7 Lectures complémentaires 11.8 Exercices 11.9 Conception assistée avec le logiciel CES
243 244 244 246 248 251 257 258 258 259
Chapitre 12 Agitation des atomes: matériaux et chaleur 12.1 Introduction et présentation du chapitre 12.2 Propriétés thermiques: définitions et mesures 12.3 Cartes pour les propriétés thermiques 12.4 La physique des propriétés thermiques 12.5 Ajuster les propriétés thermiques 12.6 Concevoir en exploitant les propriétés thermiques 12.7 Résumé et conclusions 12.8 Lectures complémentaires 12.9 Exercices 12.10 Conception assistée avec le logiciel CES 12.11 Explorer la science avec CES Elements
261 262 262 267 269 275 275 286 287 287 288 290
Chapitre 13 Utilisation des matériaux à haute température 13.1 Introduction et présentation du chapitre 13.2 Dépendance thermique des propriétés des matériaux 13.3 Cartes pour le comportement en fluage 13.4 Aspects scientifiques : diffusion et fluage 13.5 Matériaux pour résister au fluage 13.6 Concevoir avec le fluage 13.7 Résumé et conclusions 13.8 Lectures complémentaires 13.9 Exercices 13.10 Conception assistée avec le logiciel CES 13.11 Explorer la science avec CES Elements
293 294 294 300 303 313 316 324 325 325 327 328
Chapitre 14 Conducteurs, isolants et diélectriques 14.1 Introduction et présentation du chapitre 14.2 Conducteurs, isolants et diélectriques 14.3 Cartes des propriétés électriques 14.4 Approfondissement : origines et manipulation des propriétés électriques
329 330 331 337 339
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Table des matières ix 14.5 14.6 14.7 14.8 14.9 14.10
Conception basée sur les propriétés électriques des matériaux Résumé et conclusions Lectures complémentaires Exercices Conception assistée avec le logiciel CES Explorer la science avec CES Elements
351 359 359 360 362 363
Chapitre 15 Matériaux magnétiques 15.1 Introduction et présentation du chapitre 15.2 Propriétés magnétiques : définition et mesure 15.3 Cartes des propriétés magnétiques 15.4 Approfondissement : origines et manipulation des propriétés magnétiques 15.5 Sélection des matériaux pour des applications magnétiques 15.6 Résumé et conclusions 15.7 Lectures complémentaires 15.8 Exercices 15.9 Conception assistée avec le logiciel CES 15.10 Explorer la science avec CES Elements
365 366 366 372 374 380 386 386 387 388 389
Chapitre 16 Matériaux pour l’optique 16.1 Introduction et présentation du chapitre 16.2 Interactions entre matériaux et radiations 16.3 Cartes des propriétés optiques des matériaux 16.4 Approfondissement : physique et manipulation des propriétés optiques 16.5 Conception de systèmes optiques 16.6 Résumé et conclusions 16.7 Lectures complémentaires 16.8 Exercices 16.9 Conception assistée avec le logiciel CES 16.10 Explorer la science avec CES Elements
391 392 392 398 399 407 408 409 409 410 411
Chapitre 17 Durabilité : oxydation, corrosion, dégradation 17.1 Introduction et présentation du chapitre 17.2 Oxydation, inflammabilité et photodégradation 17.3 Mécanismes d’oxydation 17.4 Résistance à l’oxydation, à la combustion et à la photodégradation 17.5 Corrosion : acides, alcalins, eau et solvants organiques 17.6 Approfondissement : mécanismes de corrosion 17.7 Combattre la corrosion 17.8 Résumé et conclusions 17.9 Lecture et logiciels complémentaires 17.10 Exercices
413 414 415 417 421 424 427 432 446 447 448
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x Table des matières 17.11 Conception assistée avec le logiciel CES 17.12 Explorer la science avec CES Elements
449 450
Chapitre 18 Chauffer, déformer, assembler et polir : procédés 18.1 Introduction et présentation du chapitre 18.2 Sélection des procédés dans la conception 18.3 Attributs des procédés : compatibilité avec les matériaux 18.4 Procédés de mise en forme : attributs 18.5 Procédés d’assemblage : attributs et origines 18.6 Procédés de traitement de surface (et de finition) : attributs et origines 18.7 Estimation des coûts des procédés de mise en forme 18.8 Sélection des procédés assistée par ordinateur 18.9 Etudes de cas 18.10 Résumé et conclusions 18.11 Lectures complémentaires 18.12 Exercices 18.13 Conception assistée avec le logiciel CES 18.14 Explorer la science avec CES Elements
451 452 452 455 456 466 469 470 474 476 486 487 488 488 490
Chapitre 19 Suivre la recette : procédés et propriétés 19.1 Introduction et présentation du chapitre 19.2 Des procédés aux propriétés 19.3 Microstructure des matériaux 19.4 Evolution de la microstructure pendant les procédés 19.5 Procédés de mise en forme des métaux 19.6 Mise en forme des autres matériaux 19.7 Fabrication des matériaux hybrides 19.8 Résumé et conclusions 19.9 Lectures complémentaires 19.10 Exercices 19.11 Conception assistée avec le logiciel CES
491 492 493 496 497 513 529 534 536 537 538 539
Chapitre 20 Matériaux, procédés et environnement 20.1 Introduction et présentation du chapitre 20.2 Consommation des matériaux et croissance de la demande 20.3 Cycle de vie des matériaux et critères d’évaluation 20.4 Définitions et mesures : énergie intrinsèque, énergie de mise en forme et valeur en fin de vie 20.5 Cartes des énergies embarquées 20.6 Sélection des matériaux pour une conception écologique 20.7 Résumé et conclusions 20.8 Annexe : quelques grandeurs utiles
541 542 542 545
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547 553 556 561 562
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Table des matières xi 20.9 Lectures complémentaires 20.10 Exercices 20.11 Conception assistée avec le logiciel CES Leçon guidée no 1 : quelques éléments de cristallographie Introduction et présentation du chapitre PARTIE 1 : Structures cristallines Partie 2 : Espaces interstitiels Partie 3 : Description d’un plan du réseau Partie 4 : Description d’une direction du réseau Partie 5 : Structures des céramiques Partie 6 : Cristaux polymères
562 563 564 GL-1 GL1-2 GL1-2 GL1-6 GL1-8 GL1-10 GL1-12 GL1-16
Leçon guidée no 2 : diagrammes de phases et transformations de phases GL-21 Introduction et présentation du chapitre GL2-2 PARTIE 1: Terminologie et définitions de base GL2-3 PARTIE 2 : Diagrammes de phases simples et leur utilisation GL2-7 PARTIE 3 : Le diagramme fer-carbone GL2-24 PARTIE 4 : Interprétation de diagrammes de phases plus complexes GL2-28 PARTIE 5 : Transformations de phases et évolution des microstructures GL2-35 PARTIE 6 : Solidification proche de l’équilibre GL2-37 PARTIE 7 : Changements de phases à l’état solide proches de l’équilibre GL2-51 PARTIE 8 : Changements de phases à l’état solide hors équilibre GL2-59 Annexe: Données matériaux pour l’ingénierie Index
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A-1 I-1
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…
Avant-propos
Un enseignement basé sur la science ou sur la conception ? Deux manières d’aborder les matériaux La plupart des sujets, notamment l’enseignement, peuvent être approchés par différents biais. La manière d’apprendre une langue, par exemple, dépend de ce que la personne veut en faire: veutelle être capable de lire la littérature de cette langue ou veut-elle simplement pouvoir se débrouiller dans ce pays étranger. Il en va de même du présent sujet que sont les matériaux. La figure ci-dessous présente le nombre d’étudiants enregistrés en 2006 dans les universités américaines en ingénierie et dans des départements où les aspects matériaux sont nécessaires. Les départements de génie mécanique, de génie civil et de génie chimique représentent à eux seuls les deux tiers de ces effectifs. Les techniques aérospatiales, la fabrication et l’ingénierie générale sont un autre 20%, alors que les aspects plus scientifiques des matériaux – la science des matériaux, les sciences de l’ingénieur et la physique – font un petit 3%. Toutes ces disciplines requièrent un enseignement dans le domaine des matériaux, mais cet enseignement diffère pour chacune d’entre elle.
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Nombre d'étudiants inscrits (Automne 2006 aux USA)
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Milliers
0 Nombre d'étudiants inscrits aux USA dans des disciplines liées aux matériaux
Traditionnellement, l’enseignement des matériaux commence par les fondamentaux: les électrons, les atomes, les liaisons entre atomes et leurs arrangements, la cristallographie et les défauts cristallins. Sur ces bases sont abordés ensuite la théorie des alliages, les cinétiques des transformations de phases et le développement des microstructures aux échelles des microscopies électronique
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xiv Avant-propos et optique. Ceci définit le cadre pour la compréhension et l’appréhension des propriétés des matériaux, à l’échelle où elles sont habituellement mesurées, c’est-à-dire au millimètre ou au centimètre. Une telle approche, basée sur la science, met en avant les aspects physiques, mais laisse dans l’ombre le comportement des structures et des composants dans la pratique, ainsi que les méthodes de sélection et de conception des matériaux. Une alternative consiste à renverser cette approche et se baser sur la conception. Ainsi, les conditions que les matériaux doivent satisfaire pour le bon fonctionnement d’un composant lors de son utilisation deviennent le point de départ de l’enseignement. On commence donc par présenter la gamme des propriétés de chaque matériau, la manière dont ces propriétés peuvent limiter les performances, l’influence des opérations de mise en forme et de fabrication sur ces propriétés et les moyens d’accéder aux données nécessaires pour une telle évaluation. Une fois établie l’importance de certaines de ces propriétés, il y a alors une bonne raison et un contexte clair pour approfondir les aspects fondamentaux sous-jacents. Cet approfondissement est aussi nécessaire car il permet une meilleure orientation dans le choix des matériaux et des procédés, en offrant une meilleure compréhension de leur comportement. Chacune de ces approches a sa place, en fonction de la manière dont l’étudiant veut utiliser cette information. Si le but est la recherche scientifique pure, l’enseignement traditionnel est certainement le plus approprié. Pour la conception en ingénierie et la recherche appliquée en industrie, la seconde alternative a certainement plus de sens et c’est cette dernière que ce livre a adoptée.
Qu’y a-t-il de différent dans ce livre ? Il existe de nombreux ouvrages basés sur la science des matériaux utilisés en ingénierie, et encore beaucoup plus sur la conception. Qu’est ce qui est donc nouveau dans ce livre? Tout d’abord, son approche basée sur la conception a été spécifiquement développée pour guider le choix du lecteur, grâce à la compréhension du comportement des matériaux dans un large éventail de disciplines de l’ingénierie. L’approche est systématique, allant des conditions requises pour une application, aux recommandations nécessaires au choix optimal des matériaux. Cette démarche est illustrée par de nombreuses études de cas. Elle est aussi mise en pratique au travers de multiples exemples et dans des exercices complémentaires. En outre, cet ouvrage met l’accent sur la communication visuelle: les propriétés des matériaux sont présentées sous forme de cartes de propriétés et de schémas en couleurs. Cet aspect très graphique constitue un point essentiel de ce livre, car il permet de mémoriser visuellement l’information, et ainsi de bien comprendre les origines des propriétés, leur combinaison et leurs limites, tout en fournissant un outil efficace pour la sélection des matériaux et la compréhension de leur utilisation dans diverses applications. Il faut encore mentionner l’étendue de cet ouvrage. Le but est de présenter les propriétés des matériaux, leurs origines et la façon dont elles influencent la conception en ingénierie. Comme l’indique la table des matières, ce livre aborde: • les propriétés physiques; • les caractéristiques mécaniques; • le comportement thermique; • les propriétés électriques, magnétiques et optiques;
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Avant-propos xv • la durabilité; • l’influence de la fabrication et de la mise en forme sur les propriétés; • les aspects environnementaux. Pour tous ces sujets, nous avons toujours opté pour une présentation simple, directe et claire, développant les aspects scientifiques de base à un niveau suffisant pour aider à mieux comprendre et guider le choix des matériaux dans une conception donnée, mais en évitant les détails plus compliqués qui n’y contribueraient pas. Finalement, afin d’offrir un apprentissage indépendant et une meilleure compréhension, certains sujets sont abordés au travers d’exercices incorporés dans le corps du texte. Ceci fonctionne particulièrement bien pour des sujets impliquant un ensemble de concepts et d’outils. Par exemple, la cristallographie requiert des concepts de symétrie et de géométrie tridimensionnelle qui seront acquis facilement au travers de petits problèmes à résoudre. Une introduction aux diagrammes et aux transformations de phases demande de pouvoir lire des diagrammes contenant des informations chimiques et thermodynamiques. Leur utilisation pour comprendre et prédire la formation des phases et des microstructures sera rendue plus accessible au travers d’applications et d’exercices pratiques. Ces deux sujets ont donc été présentés sous forme de leçons guidées, avec des exercices placés directement après l’introduction de chaque nouveau concept. Gagnant ainsi progressivement confiance, les étudiants qui auront fait ces exercices pourront maîtriser le sujet traité et appliquer les concepts présentés. Ainsi, cristallographie d’une part, diagrammes et transformations de phases d’autre part, sont présentés de cette manière. Les deux apparaissent assez succinctement dans les principaux chapitres, mais sont approfondis dans deux leçons guidées à la fin de l’ouvrage.
Cet ouvrage et le logiciel CES Materials and Process Information De nos jours, la conception en ingénierie s’appuie largement sur un environnement informatique. L’analyse des contraintes par méthode des éléments finis (MEF), la conception assistée par ordinateur (CAO), les outils de conception pour la fabrication et les outils de gestion des données d’un produit sont des sujets d’étude faisant partie de la formation en ingénierie. Le logiciel CES Materials and Process Information1 pour l’éducation (CES EduPack) fournit un environnement informatique pour la sélection optimale des matériaux. Le contenu de ce livre est indépendant de tout support informatique. Mais en même temps, il est conçu pour être connecté avec les applications de CES qui utilisent les méthodes présentées ici. Utiliser CES EduPack en parallèle permet donc d’enrichir cet enseignement. Il permet de faire des sélections de matériaux plus réalistes, combinant un ensemble de contraintes sur les attributs matériaux et procédés, ce qui permet à l’utilisateur d’explorer les différentes manières dont les propriétés peuvent être combinées. Le logiciel CES EduPack contient également un outil d’approfondissement pour la science des matériaux. La base de données de CES Elements contient des données physiques, cristallographiques, mécaniques, thermiques, électriques, magnétiques et optiques pour l’ensemble des 111 éléments stables du tableau périodique. Il permet de mettre en relation, à un niveau plus fondamental, différentes propriétés abordées dans le texte. 1
CES EduPack, Granta Design Ltd., Rustat House, 62 Clifton Court, Cambridge CB1 7EG, UK. www.grantadesign. com.
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Chapitre 1
Introduction : histoire et caractère des matériaux
Professeur James Stuart, premier professeur d’Ingénierie à Cambridge.
Contenu du chapitre 1.1 Matériaux, procédés et sélection 1.2 Propriétés des matériaux 1.3 Propriétés limitant la conception 1.4 Résumé et conclusions 1.5 Lectures complémentaires 1.6 Exercices
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2 4 9 11 11 11
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2 Chapitre 1 Introduction: histoire et caractère des matériaux
1.1 Matériaux, procédés et sélection Les ingénieurs fabriquent des objets. Ils les fabriquent à partir de matériaux. En fonction de l’application souhaitée, ces matériaux doivent être capables de supporter des charges mécaniques, d’isoler ou de conduire la chaleur et l’électricité, de produire ou de repousser un champ magnétique, de transmettre ou de réfléchir la lumière, de survivre dans des environnements souvent hostiles, et tout cela sans nuire à l’environnement ni coûter trop cher. Par ailleurs, le matériau requiert un partenaire dans le processus d’élaboration. En effet, pour fabriquer quelque chose à partir d’un matériau, l’ingénieur a aussi besoin d’un procédé, et pas n’importe lequel : il faut en choisir un qui soit compatible avec le matériau qui est prévu d’être utilisé. Parfois le procédé joue un rôle prépondérant et il s’agit alors de trouver un matériau compatible avec celui-ci. Il est donc question d’une union entre un matériau et un procédé. La compatibilité n’est pas toujours facile à trouver, beaucoup d’unions échouent, et la défaillance d’un matériau peut avoir des conséquences catastrophiques, entraînant des problèmes de responsabilités et d’indemnisation. Cela sonne comme du pain béni pour les avocats, et c’en est parfois : des spécialistes travaillent comme experts témoins dans des cas juridiques impliquant la défaillance de matériaux. Mais notre but ici n’est pas d’entrer dans ce débat, mais plutôt de donner une vision de l’univers des matériaux (car même sur les planètes les plus éloignées, les mêmes éléments sont présents) et de celui des procédés, et de fournir des méthodes et des outils pour les choisir de sorte à assurer une union heureuse et durable. Les ingénieurs fabriquent des objets à partir de matériaux depuis plusieurs siècles déjà, et avec succès : pensez à Isambard Kingdom Brunel, Thomas Telford, Gustave Eiffel, Henry Ford, Karl Benz et Gottlieb Daimler, ou encore aux frères Wright. Alors pourquoi avons-nous besoin de nouvelles méthodes de sélection ? Un peu d’histoire aide à répondre à cette question. Ce chapitre commence avec le portrait de James Stuart, qui fut le premier professeur d’Ingénierie à l’Université de Cambridge, de 1875 à 1890 (notez le cigare sur le tableau). A cette époque, le nombre de matériaux disponibles pour les ingénieurs était limité à quelques centaines tout au plus. Les polymères synthétiques n’existaient pas, alors que de nos jours il y en a plus de 45 000. Il n’y avait pas d’alliages légers (l’aluminium n’est considéré comme un matériau d’ingénierie que depuis le 20e siècle), il y en a actuellement des milliers. Il n’y avait pas non plus de composites à hautes performances, il y en a maintenant des centaines. L’histoire des matériaux est développée plus en détail en figure 1.1, pour une période s’étendant sur plus de 10 000 ans. Cette figure montre grossièrement quand la première évolution de chacune des classes principales de matériaux a eu lieu. L’échelle de temps n’est pas linéaire car la plupart des matériaux utilisés de nos jours ont été développés lors des 100 dernières années. Leur nombre est énorme : plus de 160 000 matériaux sont disponibles pour les ingénieurs d’aujourd’hui, nous confrontant à un problème que le Professeur Stuart ignorait, celui d’effectuer une sélection optimale parmi ce large éventail. Avec la demande toujours croissante de performances, d’économie et de rendement, ainsi que l’impératif d’éviter toute nuisance à l’environnement, le bon choix devient très important. Une conception innovante signifie alors exploiter avec imagination les propriétés offertes par les matériaux. Ces propriétés sont aujourd’hui largement connues et documentées dans des ouvrages de référence comme le ASM Materials Handbook, qui comporte 22 volumes épais, et ce n’est
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1.1 Matériaux, procédés et sélection ancienne période – 10 000
métaux
polymères & élastomères
céramiques & verres
composites
– 5000
0
cuivre étain fer bronze
or
bois
fibres
pierre
silex
verre
poterie
torchis
– 10000
– 5000
1900
ciment
période récente
1940
1980
1990
2000
2010
polymères PC acryliques PTFE thermostables: PEEK nylon PS polymères bakélite époxys à haut module PE PMMA PP polyesters polymères conducteurs
réfractaires
ciment portland
silice fondue
cermets
fibres de verre
analoguediamant vitrocéramiques fibres de carbone céramiques techniques: Al2O3, SiC, Si3N4, PSZ nanotubes de carbone
kevlar-FRP composites céramiques CFRP GFRP composites à matrice métallique
papier
0
1960
alliages Al-Li zirconium verres métalliques aciers au aluminium titane aciers micro-alliés carbone super alliages mousses métalliques aciers alliés magnésium alliages à mémoire de forme nano-structures
fonte
caoutchouc
colles
peaux
1000 1500 1800
3
1000 1500 1800
1900
année
1940
1960
1980
1990
2000
2010
Figure 1.1 Le développement des matériaux au fil du temps. Les matériaux préhistoriques, à gauche, sont présents naturellement ; le défi des ingénieurs de cette époque était leur mise en forme. Le développement de la thermochimie, et (plus tard) de la chimie des polymères, a permis l’émergence de matériaux faits par l’homme, représentés dans les zones colorées. Trois matériaux, à savoir la pierre, le bronze et le fer, étaient si importants qu’ils ont donné leur nom à la période de leur prédominance.
qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Comment faire face à cette vaste quantité d’informations ? Heureusement, quelque chose d’autre a changé depuis l’époque du Prof. Stuart : il existe désormais des moyens numériques de stockage et de traitement de l’information. La conception assistée par ordinateur est devenue partie intégrante de la formation d’un ingénieur et peut s’appuyer sur des progiciels largement répandus de modélisation 3D, d’analyse par éléments fi nis, d’optimisation et de sélection des matériaux et des procédés. Un logiciel de sélection des matériaux et des procédés utilise des bases de données regroupant les attributs des matériaux et ceux des procédés, en documentant également leur compatibilité. Il permet d’effectuer des recherches et de présenter les résultats de manière à ce que la sélection remplisse au mieux les exigences d’une conception. Que ce soit pour un voyage à pied, à vélo ou en voiture, il est utile de se munir d’une carte. Le paysage des matériaux, comme le paysage terrestre, peut être complexe et porter à confusion ; les cartes y sont par conséquent aussi une bonne idée. Ce texte présente une
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4 Chapitre 1 Introduction: histoire et caractère des matériaux approche des matériaux et des procédés de fabrication guidée par la conception et utilisant des cartes : des graphiques innovants pour représenter le monde des matériaux et des procédés par des moyens facilement accessibles. Ces graphiques présentent les propriétés des matériaux de manière à offrir une vue d’ensemble, à révéler les relations entre différentes propriétés et à permettre leur sélection.
1.2 Propriétés des matériaux Quelles sont alors ces propriétés ? Certaines, comme la densité (masse par unité de volume) et le prix (coût par unité de volume ou de poids), sont assez familières. D’autres en revanche ne le sont pas et il est donc essentiel de les clarifier. Commençons par celles qui permettent de déterminer de manière sûre si un matériau peut supporter une charge : les propriétés mécaniques. Propriétés mécaniques Il est assez facile de plier élastiquement une règle en acier, « élastique » signifiant que celle-ci retrouve sa forme initiale lorsqu’elle est relâchée. Sa rigidité élastique (dans ce cas la résistance à la flexion) est donnée en partie par sa forme, en l’occurrence la faible épaisseur de la règle qui facilite son fléchissement, et en partie par une propriété de l’acier lui-même : son module élastique, E. Les matériaux avec un module élevé, comme l’acier, sont intrinsèquement rigides alors que ceux avec un module faible, comme le polyéthylène, ne le sont pas. La figure 1.2(b) illustre les conséquences potentielles d’une rigidité trop faible pour des ailes d’avion. Si la règle en acier se fléchit élastiquement, il est toutefois difficile de la plier de manière permanente s’il s’agit d’une bonne règle. La déformation permanente est reliée à la résistance, et non pas à la rigidité. La facilité avec laquelle une règle peut être fléchie de manière permanente dépend là encore de sa forme, ainsi que d’une autre propriété de l’acier : sa limite élastique, σy. Les matériaux possédant une limite élastique élevée, comme les alliages de titane, sont difficiles à déformer de manière permanente et cela même si leur rigidité, donnée par E, n’est pas forcément élevée. En revanche, les matériaux avec une faible limite élastique, comme le plomb, peuvent facilement être déformés de manière permanente. Lorsque les métaux sont déformés, ils deviennent généralement plus résistants (cet effet est appelé « écrouissage »), mais il existe tout de même une limite ultime, appelée la résistance maximale en traction, σts, au-delà de laquelle le matériau rompt (la déformation au moment de la rupture est appelée ductilité). La figure 1.2(c) donne une idée des effets négatifs que peut avoir une résistance inappropriée. Jusqu’ici tout va bien, alors considérons encore une autre propriété. Si, au lieu d’être en acier, la règle est désormais faite de verre ou de PMMA (Plexiglas, Perspex), comme le sont les règles transparentes, il est alors absolument impossible de la déformer de manière permanente. La règle va en effet se rompre soudainement, sans préavis, avant d’acquérir une déformation permanente. Les matériaux qui rompent de cette manière sont qualifiés de fragiles, par opposition à ceux dits tenaces. Comme il n’y a pas de déformation permanente dans ce cas, σy n’est pas la bonne propriété pour décrire ce comportement. La résistance des matériaux à la propagation d’une fissure et à la rupture est mesurée par la ténacité à la
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1.2 Propriétés des matériaux 5
(a)
propriétés adaptées
(b) pas assez rigide (E trop faible)
(c) pas assez résistant (σy trop faible)
(d)
pas assez tenace (K1c trop faible)
(e)
trop lourd (r trop élevée)
Figure 1.2 Propriétés mécaniques.
rupture, K1c. Les aciers sont tenaces (en fait la plupart le sont, mais les aciers peuvent aussi être fragilisés) et ont donc des valeurs de K1c élevées. Le verre au contraire symbolise parfaitement la fragilité et possède une valeur de K1c très faible. La figure 1.2(d) suggère les conséquences d’une rupture et d’une ténacité inadéquate. Nous avions commencé cette section avec la propriété de densité, c’est-à-dire la masse par unité de volume, de symbole ρ. La densité n’est pas une propriété pertinente dans le cas d’une règle. Mais pour la majorité des véhicules, un poids plus élevé est synonyme d’une augmentation de la consommation de carburant. Cette augmentation reste modeste pour les automobiles, mais est déjà plus importante pour les camions et les trains, encore plus pour les avions, et devient même énorme pour les engins spatiaux. La minimisation du poids se fait principalement par une conception intelligente, nous reviendrons sur ce point plus tard,
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…
Chapitre 2
Classification des matériaux et des procédés
Contenu du chapitre 2.1 Introduction et présentation du chapitre 14 2.2 Diagramme de classification des matériaux 14 2.3 Diagramme de classification des procédés 18 2.4 Interaction procédé-propriété 21 2.5 Cartes de propriétés des matériaux 22 2.6 Gestion de l’information assistée par ordinateur pour les matériaux et les procédés 24 2.7 Résumé et conclusions 25 2.8 Lectures complémentaires 26 2.9 Exercices 27 2.10 Conception assistée avec le logiciel CES 28 2.11 Explorer la science avec CES Elements 29
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14 Chapitre 2 Classification des matériaux et des procédés
2.1 Introduction et présentation du chapitre Un produit réussi allie de bonnes performances à un bon rapport qualité-prix tout en donnant entière satisfaction à ses utilisateurs. Ce produit utilise les meilleurs matériaux au vu de la tâche considérée et exploite entièrement leur potentiel et leurs caractéristiques. Les familles de matériaux (les métaux, les polymères, les céramiques, etc.) sont introduites en section 2.2. Que faut-il savoir à leur propos, pour les utiliser dans le but de concevoir des produits ? Cette question constitue le sujet de la section 2.3, dans laquelle différents types d’informations au sujet des matériaux sont distingués. Mais, en fin de compte, ce n’est pas un matériau qui est recherché, mais plutôt un certain profil de propriétés : celui satisfaisant au mieux les besoins de la conception. Chaque famille a son propre profil caractéristique, il y a un « air de famille », qui sert à décider quelle famille utiliser pour une conception donnée. La section 2.2 explique comment ces profils fournissent le point de départ d’un système de classification des matériaux, permettant d’organiser et de manipuler les informations les concernant. Le choix du matériau ne représente que l’un des deux aspects du problème. L’autre aspect est le choix d’une séquence de procédés pour la mise en forme, l’assemblage et les finitions. La section 2.3 introduit les différentes familles de procédés et leurs attributs. Les choix du matériau et du procédé sont étroitement liés car certains procédés permettent de transformer un matériau donné, alors que d’autres ne le permettent pas. La transformation du matériau peut de plus changer ses propriétés, voire même en créer de nouvelles. Au sein des différentes familles de procédés, il y a également un « air de famille » : des points communs dans les matériaux que les membres d’une famille permettent de transformer ou dans les formes qu’ils permettent de réaliser. La section 2.3 introduit une classification des procédés analogue à celle des matériaux. Les airs de famille apparaissent de manière plus frappante sur les cartes de propriétés des matériaux, un aspect central de ce livre (sect. 2.5). Ces graphiques, dont les axes représentent des propriétés des matériaux, montrent l’emplacement de chaque famille et de ses membres. Les matériaux ont beaucoup de propriétés qui peuvent être considérées comme les axes d’un espace « matériau-propriété », une carte étant alors une coupe bidimensionnelle à travers cet espace. Chaque famille de matériaux occupe une partie finie de l’espace, distincte de celles occupées par les autres familles. Les cartes procurent une vue d’ensemble des matériaux et de leurs propriétés. Elles révèlent des aspects de la science sous-jacente à ces propriétés et fournissent un outil puissant pour la sélection des matériaux. Les attributs des procédés peuvent être traités de façon similaire pour créer des cartes procédé-attribut, mais laissons cela pour le chapitre 18. Les systèmes de classification présentés dans les sections 2.2 et 2.3 donnent une structure pour la gestion de l’information assistée par ordinateur, introduite en section 2.6. Le chapitre se termine par un résumé, des suggestions de lectures complémentaires ainsi que des exercices.
2.2 Diagramme de classification des matériaux Classification des matériaux Il est conventionnel de répartir les matériaux de l’ingénierie selon six grandes familles présentées en figure 2.1 : les métaux, les polymères, les élastomères, les céramiques, les verres et les composites, ces derniers étant des matériaux élaborés par combinaison de plusieurs membres des autres familles. Cette répartition a du sens car les membres d’une même famille ont des aspects en commun : des propriétés similaires, des méthodes de transformation similaires et, souvent, des applications similaires. La figure 2.2 montre des exemples pour chacune des six familles.
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2.2 Diagramme de classification des matériaux 15 aciers fontes alliages Al
métaux alliages Cu alliages Zn alliages Ti
alumine carbure de silicium
céramiques nitrure de silicium zircone
PE, PP, PET, PC, PS, PEEK PA (nylons)
structures sandwiches
composites
structures segmentées treillis et mousse
verre sodocalcique verre borosilicate
verres
polymères polyesters phénoliques époxys
isoprène néoprène caoutchouc butylique
élastomères caoutchouc naturel silicones EVA
verre de silice vitrocéramiques
Figure 2.1 L’assortiment des matériaux d’ingénierie. Les métaux, les céramiques, les verres, les polymères et les élastomères constituent les familles de base et peuvent être combinés dans des géométries variables pour créer des matériaux composites.
métaux
céramiques hybrides
verres
polymères
élastomères
Figure 2.2 Exemples d’objets pour chaque famille de matériaux. La disposition suit le schéma général de la figure 2.1. Au centre, le composite est une structure sandwich, réalisée en combinant des tôles d’aluminium rigides et résistantes et un cœur léger en balsa.
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16 Chapitre 2 Classification des matériaux et des procédés règne
matériaux
famille
classe sous-classe
• céramiques
aciers
• métaux
alliages Al
• élastomères
alliages Ni
• verres
alliages Cu
• polymères
alliages Ti
• composites
alliages Zn
1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000
membre
6013 6060 6061 6063 6082 6151 6463
attributs Density Al 6061
Mechanical props. densité
Thermal props. prop. mécaniques Electrical props. prop. thermiques Optical props. prop. électriques Corrosion props. prop. optiques
prop. de corrosion
--documentation specific --–general spécifique – générale
profils des matériaux
Figure 2.3 La taxinomie du règne des matériaux et leurs attributs. Les logiciels de sélection assistée par ordinateur stockent les données dans des structures hiérarchiques telles que celle-ci. La figure 2.3 illustre le développement d’une famille pour faire apparaître ses classes, sousclasses et membres. Chaque membre est caractérisé par un ensemble d’attributs : ses propriétés. A titre d’exemple, l’univers des matériaux contient la famille métaux, qui à son tour contient la classe alliages d’aluminium, regroupant des sous-classes telles que série 6000 dans laquelle figure le membre particulier alliage 6061. Ce membre, comme tous les autres membres de l’univers des matériaux, est caractérisé par un ensemble d’attributs qui inclut non seulement les propriétés présentées au chapitre 1, mais également ses caractéristiques de transformation, les conséquences environnementales de son utilisation ainsi que ses applications typiques. Tous ces éléments forment son profil de propriétés. La sélection implique alors de chercher la meilleure combinaison entre les profils de propriétés des matériaux et le profil requis par la conception. Comme mentionné auparavant, les membres d’une famille ont des caractéristiques communes qui sont pour certaines brièvement évoquées ci-dessous. Les métaux ont des rigidités relativement élevées, mesurées par le module E. La plupart, lorsqu’ils sont purs, sont mous et facilement déformables, ce qui signifie que σy est faible. Ils peuvent être renforcés par l’ajout d’éléments d’alliage et par des traitements mécaniques ou thermiques, augmentant σy. Ils restent cependant ductiles et peuvent donc être mis en forme par des procédés de déformation. De manière générale, ils sont également tenaces et ont donc une ténacité à la rupture K1c élevée qui s’avère souvent utile. Ce sont par ailleurs de bons conducteurs électriques et thermiques. Mais les métaux ont aussi leurs faiblesses : ils sont réactifs et la plupart se corrodent rapidement s’ils ne sont pas protégés. Les céramiques sont des matériaux non métalliques et inorganiques, comme la porcelaine ou l’alumine, utilisée notamment pour fabriquer les isolateurs de bougies d’allumage. Elles possèdent beaucoup de caractéristiques attrayantes. Elles sont en effet rigides, dures et résistantes à l’abrasion. De plus, elles conservent leur résistance mécanique à des températures élevées et résistent bien à la corrosion. La plupart sont aussi de bons isolants électriques. Mais elles aussi ont leurs faiblesses : contrairement aux métaux, les céramiques sont fragiles avec des faibles valeurs de K1c. Elles ont par conséquent une faible tolérance aux sites de
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2.2 Diagramme de classification des matériaux 17 concentration de contraintes (tels que les trous ou les fissures), ainsi qu’aux fortes contraintes de contact (par exemple aux points d’ancrage). La conception avec les céramiques est ainsi plus difficile qu’avec les métaux. Les verres sont des solides non cristallins (« amorphes »), une notion expliquée plus en détail dans le chapitre 4. Les plus communs sont les verres sodocalciques et les verres borosilicates, couramment utilisés pour la fabrication de bouteilles et de plats allant au four (Pyrex). Il en existe néanmoins beaucoup d’autres. L’absence de structure cristalline supprime la plasticité et les verres sont donc, comme les céramiques, durs et remarquablement résistants à la corrosion. Ils sont aussi d’excellents isolants électriques et sont évidemment transparents à la lumière. Mais comme les céramiques, ils sont fragiles et vulnérables aux concentrations de contraintes. Les polymères sont des solides organiques basés sur des longues chaînes d’atomes de carbone (ou parfois de silicium). Les polymères sont légers, avec des densités ρ inférieures à celles des métaux les plus légers. Ils sont aussi plus souples que les matériaux des autres familles, avec des modules E environ 50 fois moins élevés que ceux des métaux. Ils peuvent toutefois être résistants et, grâce à leurs faibles densités, leurs résistances par unité de masse sont comparables à celles des métaux. Leurs propriétés dépendent fortement de la température de sorte qu’un polymère tenace et flexible à température ambiante peut être fragile à la température d’un congélateur ménager (– 4°C) et devenir caoutchouteux dans l’eau bouillante (100°C). Certains polymères ont cependant des résistances utiles à des températures supérieures à 150°C. Si ces aspects sont tolérables dans une conception, les avantages des polymères peuvent être exploités. Et ils sont nombreux. Ils sont faciles à former (c’est pour cette raison qu’ils sont appelés plastiques) : des pièces complexes accomplissant plusieurs fonctions peuvent être moulées à partir d’un polymère en une seule opération. Leurs propriétés sont adéquates pour fabriquer des composants qui s’emboîtent, rendant l’assemblage rapide et bon marché. De plus, en dimensionnant précisément le moule et en colorant au préalable le polymère, aucune opération de finitions n’est nécessaire. Une bonne conception exploite ces propriétés. Les élastomères, utilisés notamment pour fabriquer les élastiques et les chaussures de sport, sont des polymères possédant des propriétés uniques. Leurs rigidités, mesurées par E, sont extrêmement faibles (500 à 5000 fois inférieures à celles des métaux) et ils sont capables d’être déformés de plusieurs fois leur longueur initiale tout en retrouvant leur forme initiale lorsqu’ils sont relâchés. En dépit de leurs faibles rigidités, ils peuvent être résistants et tenaces, comme en témoignent les pneus de voitures. Les composites sont des combinaisons de deux matériaux, ou plus, dans le but de bénéficier des avantages de chacun. Les polymères renforcés par des fibres de verre ou de carbone (GFRP de l’anglais «Glass Fiber Reinforced Polymers» et CFRP de l’anglais « Carbon- Fiber-Reinforced Polymers ») sont des composites, comme le sont également les structures sandwiches, les mousses et les laminés. La plupart des matériaux naturels (le bois, l’os, la peau, les feuilles) sont aussi des composites. L’os par exemple est un mélange de collagène (un polymère) et d’hydroxyapatite (un minéral). Les composants composites sont toutefois chers et relativement difficiles à mettre en forme et à assembler. Par conséquent, en dépit de leurs propriétés attrayantes, le concepteur ne va les utiliser que lorsqu’une performance supérieure justifie un coût plus élevé. Aujourd’hui, la demande croissante de performances élevées et d’efficacité énergétique favorise l’expansion de leur utilisation.
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Chapitre 3
Stratégie de recherche du matériau adéquat
Objets illustrant les concepts décrits dans le texte : traction, traction avec engrenage, cisaillement et pression. (Avec la permission de A-Best Fixture Co., 424 West Exchange Street, Akron, Ohio 44302, USA.)
Contenu du chapitre 3.1 Introduction et présentation du chapitre 32 3.2 Le processus de conception 32 3.3 Informations requises lors de la conception 36 3.4 La stratégie : transposition, tri, classement et documentation 38 3.5 Exemples de transposition 42 3.6 Résumé et conclusions 45 3.7 Lectures complémentaires 46 3.8 Exercices 47 3.9 Conception assistée avec le logiciel CES 48
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32 Chapitre 3 Stratégie de recherche du matériau adéquat
3.1 Introduction et présentation du chapitre Le but de ce chapitre est de développer une stratégie de sélection des matériaux et des procédés guidée par la conception, c’est-à-dire une stratégie utilisant les exigences de la conception comme point de départ. A cette fin, il est nécessaire de commencer par considérer brièvement la conception en elle-même. Ce chapitre présente une partie des termes et des expressions, autrement dit le vocabulaire, utilisés dans le domaine de la conception. Les différentes étapes d’un processus de conception sont ensuite détaillées et nous verrons comment la sélection des matériaux est reliée à chacune de ces étapes. La conception d’un nouveau produit émane d’un besoin du marché. Ce besoin est d’abord analysé et exprimé comme un ensemble d’exigences de conception. Des moyens de répondre à ces exigences, c’est-à-dire des concepts, sont alors recherchés. Ces concepts sont ensuite développés (conception préliminaire) et perfectionnés (conception détaillée) pour finalement établir un cahier des charges regroupant les spécifications du produit. Nous verrons dans ce chapitre que les choix du matériau et du procédé évoluent parallèlement au processus de conception. Ces connaissances permettent dès lors de développer une stratégie de sélection en quatre étapes : la transposition, le tri, le classement et la documentation. Ces étapes sont passées en revue et la première, celle de transposition, est illustrée à travers plusieurs exemples.
3.2 Le processus de conception Une conception originale commence par une idée novatrice et se poursuit en rassemblant les informations nécessaires pour concrétiser cette idée. Une conception évolutive, en revanche, part d’un produit existant et cherche à le modifier de sorte à améliorer ses performances, réduire son coût, voire combiner ces deux objectifs. Conception originale Une conception originale part de rien, ou presque, et implique une nouvelle idée ou un nouveau principe de fonctionnement. La cassette audio, le disque compact ou encore le lecteur MP3 par exemple étaient tous totalement nouveaux, à leur époque. Cette conception peut être stimulée par l’apparition de nouveaux matériaux. En effet, le silicium ultrapur a permis l’avènement du transistor, le verre ultra-pur a rendu possible la fibre optique, les aimants à fort champ coercitif ont permis de réaliser des écouteurs miniatures et le laser solide est à l’origine de l’invention du disque compact. Un nouveau matériau inspire donc un nouveau produit dans certains cas. Mais un nouveau produit peut aussi parfois nécessiter le développement d’un nouveau matériau. Ainsi, la technologie nucléaire a mené au développement de nouveaux alliages de zirconium et de nouveaux aciers inoxydables, la technologie spatiale a favorisé le développement des alliages de béryllium et des composites légers, et actuellement la technologie des turbines guide le développement d’alliages haute température et de céramiques. La partie centrale de la figure 3.1 résume schématiquement le processus de conception. Le point de départ est un besoin du marché ou une idée novatrice et le résultat final est un cahier des charges complet d’un produit répondant au besoin initial ou incarnant l’idée de départ. Un besoin doit être identifié avant de pouvoir y répondre. Il est essentiel de le définir précisément, c’est-à-dire de formuler un énoncé du besoin généralement sous la forme « un produit
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3.2 Le processus de conception 33
données matériaux choix d’une famille de matériaux
(métaux, céramiques... )
choix d’une classe de matériaux
(acier, alliage Al, alliage Ni)
choix d’un seul matériau
(Al 6061; acier inox 304)
besoin du marché: définition du problème élaboration d’un concept
explorer des principes de fonctionnement
conception préliminaire
définir l’aspect général et l’échelle
conception détaillée
optimiser la forme, fabriquer et assembler
données procédés choix d’une famille de procédés (coulée, moulage... )
choix d’une classe de procédés (moule permanent, coulée en sable... )
choix d’un seul procédé
(coulée sous pression... )
cahier des charges
Figure 3.1 Organigramme du processus de conception, qui montre comment les sélections du matériau et du procédé interviennent. Des données sur les matériaux sont nécessaires à chaque étape, mais l’ampleur et la précision des informations varient. Les lignes en pointillés suggèrent la nature itérative d’une conception originale et le chemin suivi lors d’une conception évolutive.
est requis pour effectuer la tâche X » et exprimé comme un ensemble d’exigences de conception. Trois étapes sont rencontrées entre l’énoncé du besoin et l’obtention du cahier des charges du produit (fig. 3.1). Ces étapes, expliquées ci-après, sont les suivantes : l’élaboration d’un concept, la conception préliminaire et la conception détaillée. Lors de l’étape d’élaboration d’un concept, toutes les options sont envisagées : plusieurs concepts alternatifs sont considérés, ainsi que différentes possibilités de distinguer ou de combiner ceux-ci. Lors de l’étape suivante, la conception préliminaire, seuls les concepts prometteurs sont conservés et leur mode de fonctionnement est analysé grossièrement. Cette étape implique le dimensionnement des composants et une sélection préliminaire des matériaux et des procédés, en examinant les répercussions de ces choix sur la performance et le coût. L’étape de conception préliminaire aboutit à un plan réalisable qui constitue le paramètre d’entrée de l’étape de conception détaillée. Au cours de cette dernière étape, les spécifications et les dimensions de chaque composant sont précisées. Les composants critiques peuvent de plus faire l’objet d’une analyse mécanique ou thermique détaillée. Des méthodes d’optimisation sont appliquées à chaque composant et groupe de composants afin de maximiser la performance, de minimiser le coût et d’assurer la sécurité. Les choix définitifs d’une géométrie et d’un matériau sont effectués. Les méthodes de production sont également analysées et leur coût est estimé. L’étape finit ainsi avec un cahier des charges détaillé.
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34 Chapitre 3 Stratégie de recherche du matériau adéquat Conception évolutive La plupart des conceptions ne sont pas originales dans le sens qu’elles ne partent pas d’une idée totalement nouvelle. Il s’agit alors d’une conception évolutive, qui part d’un produit existant et cherche à corriger ses défauts en le perfectionnant, en améliorant ses performances ou en réduisant son coût. Mais les principes sur lesquels il fonctionne, et même fréquemment la plupart de ses composants, ne sont pas abandonnés pour autant. Différents scénarios demandent une conception évolutive. Premièrement, le scénario le plus évident est celui du « rappel de produit ». Une conception évolutive est requise d’urgence s’il s’avère qu’un produit, après avoir été mis sur le marché, ne remplit pas les standards de sécurité. Le problème provient souvent de la défaillance d’un matériau et il faut alors trouver une alternative qui conserve les caractéristiques désirées du matériau original tout en palliant ses faiblesses. Le scénario du « mauvais rapport qualité-prix » peut également être mentionné : le produit fonctionne de manière sûre mais offre des performances qui sont perçues comme mauvaises étant donné son prix, ce qui requiert une conception évolutive dans le but d’améliorer ses performances. Il y a aussi le scénario de la « marge de profit inadéquate », quand le coût de production excède le prix que le marché peut supporter. Le prix d’un composant produit en masse est principalement lié aux matériaux et aux procédés utilisés. La réponse à ce problème consiste donc à réexaminer ces deux aspects avec comme objectif la réduction des coûts. Finalement, le scénario de « rester devant la concurrence » peut encore être cité. Les fabricants de produits ménagers et de gadgets électroniques (bouilloires électriques, téléphones mobiles) sortent chaque année des nouvelles versions de leurs produits et les fabricants de voitures développent de nouveaux modèles tous les deux à trois ans. Dans un marché où beaucoup de produits presque identiques se disputent l’attention du consommateur, les caractères visuels et le style permettent à certains produits de se distinguer. Une pensée plus créative intervient alors dans cette « conception industrielle », pour laquelle le choix d’un matériau, ou d’un changement de matériau, est dicté principalement par l’esthétique : la couleur, la texture, le toucher et la capacité à être formé ou finalisé d’une certaine manière. La conception évolutive est principalement liée à l’étape de conception détaillée, la dernière des trois cases de la partie centrale de la figure 3.1, mais pas uniquement. Les modifications nécessaires peuvent demander de changer de configuration (la phase de conception préliminaire), voire même de concept de base, en remplaçant un des moyens choisis pour remplir une fonction. L’organigramme en figure 3.1 reste donc un résumé utile à garder à l’esprit. Il sert aussi d’outil, un parmi d’autres, pour analyser des conceptions existantes et comprendre comment des détails insolites du produit final trouvent parfois leur origine dans des décisions prises lors des étapes d’élaboration d’un concept ou de conception préliminaire. Décrites de manière abstraite, ces idées ne sont pas faciles à comprendre mais l’exemple suivant aide à les clarifier. Dispositifs pour déboucher une bouteille Une bouteille de vin est généralement scellée par un bouchon. Cela créé un besoin du marché, à savoir le besoin d’accéder au vin se trouvant à l’intérieur. Ce besoin peut être formulé ainsi : « Un dispositif est requis pour permettre d’accéder au vin contenu dans une bouteille bouchée. » Nous pouvons de plus ajouter « facile d’utilisation, à un coût modéré et sans contaminer le vin ». Trois concepts permettant de répondre à ce besoin sont représentés en figure 3.2. Il s’agit, dans l’ordre, de retirer le bouchon par traction axiale, par cisaillement ou en le poussant hors de la bouteille depuis le bas. Dans le premier cas, une vis est introduite dans le bouchon et une traction axiale est appliquée sur celui-ci. Dans le deuxième cas, deux lames minces et flexibles sont insérées autour du bouchon et permettent d’appliquer un cisaillement lorsqu’elles sont
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3.2 Le processus de conception 35
? (a)
(b)
(c)
Figure 3.2 Un besoin du marché, celui d’accéder au vin contenu dans une bouteille bouchée, et trois concepts répondant à ce besoin. Des dispositifs basés sur chacun de ces concepts existent et sont disponibles sur le marché.
retirées. Le troisième concept consiste à percer le bouchon à l’aide d’une aiguille creuse, à travers laquelle un gaz est ensuite introduit afin de pousser le bouchon hors de la bouteille. Différents dispositifs basés sur le concept (a), celui de traction axiale, sont représentés schématiquement en figure 3.3. Le premier dispositif utilise une traction directe alors que les trois autres sont dotés d’une aide mécanique, à savoir respectivement un levier, un engrenage et un ressort. Ces représentations donnent une idée de la configuration, des mécanismes et de la taille de chaque dispositif. Finalement, lors de la conception détaillée, les composants
(a)
3.6
(b)
14.5
11.0 4.0 24.0
40.0
POIGNÉE 90.0
22.0
résine phénolique coulée et teintée dans la masse
22.0 2.0 4.0
2.0
(c)
2.0
(d)
112.0
dimensions en mm
BRAS
acier inox type 302 usiné à partir de barres
Figure 3.3 Représentations schématiques de dispositifs basés sur le premier concept : traction directe, avec levier, avec engrenage et avec ressort. Chaque système est constitué de plusieurs composants remplissant chacun une sous-fonction. Sur la partie droite figurent également des plans de conception détaillés pour le levier du dispositif (b).
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…
Chapitre 4
Rigidité et poids : densité et module élastique axe en torsion
colonne en compression
pneu sous pression connecteur en traction
connecteur en traction
aile en flexion colonne en compression poutre en flexion
Modes de sollicitation (Aéroport de Londres Stansted, avec la permission de Norman Foster and Partners, Londres, UK.).
Contenu du chapitre 4.1 Introduction et présentation du chapitre 52 4.2 Densité, contrainte, déformation et module élastique 52 4.3 Vue d’ensemble grâce aux cartes de propriétés des matériaux 62 4.4 Aspects scientifiques à l’origine de la densité et de la rigidité 64 4.5 Manipuler le module élastique et la densité 75 4.6 Résumé et conclusions 80 4.7 Lectures complémentaires 80 4.8 Exercices 81 4.9 Conception assistée avec le logiciel CES 83 4.10 Explorer la science avec CES Elements 84
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52 Chapitre 4 Rigidité et poids: densité et module élastique
4.1 Introduction et présentation du chapitre Un matériau soumis à une contrainte va se déformer. L’ampleur de la déformation dépend alors du module élastique du matériau. Une contrainte est appliquée à un matériau lorsqu’il est sollicité mécaniquement. La déformation (le changement de forme) est la réponse du matériau à cette contrainte. Elle dépend de l’amplitude de la contrainte et de la manière dont cette dernière est appliquée, c’est-à-dire du mode de sollicitation. Les modes de sollicitation usuels sont illustrés en première page de ce chapitre. Les câbles sont sollicités en traction alors que les entretoises et les colonnes doivent supporter des contraintes de compression. Les tubes sont par ailleurs plus résistants en compression que les cylindres solides car ils sont moins facilement sujets au flambage. Les longerons de l’avion et les poutres horizontales du toit de l’aéroport sont soumis à des flexions et l’arbre de transmission de l’hélice de l’avion est quant à lui sollicité en torsion. Finalement, les réservoirs sous pression comme les pneus doivent être capables de contenir une pression et ont souvent une forme arrondie et des parois minces. La rigidité est la résistance à une déformation élastique, ce qui signifie que le matériau retrouve sa forme initiale lorsque la contrainte est relâchée. La limite élastique et la résistance (chap. 6) sont respectivement définies comme la résistance à la déformation permanente et la résistance à la rupture. La contrainte est une excitation et la déformation est la réponse qui en résulte ; ce ne sont pas des propriétés du matériau. Par contre, le module élastique E (caractérisant la rigidité et défini ci-après), la limite élastique σy et la résistance en traction σts sont des propriétés du matériau. La rigidité et la résistance sont au cœur de la conception mécanique, souvent en combinaison avec la densité ρ. Ce chapitre introduit les notions de contrainte et de déformation, ainsi que les modules élastiques qui permettent de les relier. Ces propriétés sont ensuite résumées sur une carte de propriétés des matériaux, à savoir la carte module élastique-densité, qui constitue la première des nombreuses cartes explorées dans ce livre. La densité et le module élastique reflètent la masse des atomes, leur arrangement au sein du matériau et la force des liaisons interatomiques. Pour des matériaux purs, ces propriétés ne peuvent donc pas être modifiées. En revanche, elles peuvent être contrôlées en mélangeant différents matériaux pour former des composites ou en fabriquant des mousses, ce qui apparaît clairement sur les cartes de propriétés.
4.2 Densité, contrainte, déformation et module élastique Densité La légèreté est recherchée pour de nombreuses applications telles que les équipements sportifs et les moyens de transport. Le poids dépend en partie de la densité des matériaux utilisés, c’est-à-dire de la masse par unité de volume. La densité est donnée en kg/m3 ou parfois, par commodité, en Mg/m3 (1 Mg/m3 = 1000 kg/m3). La densité d’un échantillon de forme régulière peut être déterminée en le pesant avec une balance de précision et en mesurant précisément ses dimensions (pour obtenir son volume). La méthode de la « double pesée » est cependant plus précise. Elle consiste à peser tout d’abord l’échantillon puis à l’immerger totalement dans un liquide de densité connue. L’échantillon subit alors une force dirigée vers le haut qui est égale au poids du liquide déplacé (principe d’Archimède1). La densité se calcule ensuite en utilisant la formule indiquée sur la figure 4.1.
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4.2 Densité, contrainte, déformation et module élastique 53
masse m2
masse m1 Grams
Grams
échantillon de volume inconnu V
Figure 4.1 Mesure de la densité par la méthode d’Archimède.
1
Modes de sollicitation La plupart des composants doivent être capables de supporter une charge mécanique. Leur réponse élastique dépend de la façon dont ces charges sont appliquées. Comme expliqué auparavant, les composants des structures présentées au début de ce chapitre sont conçus pour supporter différents modes de sollicitation : traction, compression, flexion, torsion et pression interne. Un mode est généralement dominant et le composant peut alors être assimilé à un cas idéal tel que ceux représentés en figure 4.2. La tige est sollicitée en traction uniaxiale (a) alors que la colonne est sollicitée en compression uniaxiale (b). Lors de la flexion d’une poutre (c), l’axe neutre (qui équivaut à l’axe central pour une poutre de section symétrique) sépare les éléments en traction simple des éléments en compression simple. Le cylindre est quant à lui soumis à une torsion (d) qui entraîne un cisaillement. Finalement, un tube cylindrique soumis à une différence de pression (e) est sollicité en traction ou en compression biaxiale. Contrainte Considérons une force F appliquée perpendiculairement sur une des faces d’un élément de volume cubique, comme sur le schéma de gauche de la figure 4.3(a). La force est transmise à travers l’élément et compensée sur la face parallèle par une force égale de signe opposé, de sorte que l’élément est statique. La force s’applique sur tous les plans normaux à F. Si A représente la surface d’un de ces plans, la contrainte de traction σ dans l’élément (en négligeant son propre poids) est donnée par :
σ=
F A
(4.1)
1
Archimède (287-212 av. J.-C.), mathématicien, ingénieur, astronome et philosophe grec. Créateur de machines de guerre et de la vis d’Archimède utilisée pour puiser l’eau, il a aussi estimé π (comme 3 + 1/7) et découvert pendant son bain le principe portant son nom.
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54 Chapitre 4 Rigidité et poids: densité et module élastique F
F
M
M
F
(a) tige
F (b) colonne
(c) poutre po
T
pi
T
(d) cylindre
(e) tube
Figure 4.2 Modes de sollicitation et états de contrainte.
Si le signe de F est inversé, la contrainte est négative et il s’agit d’une compression. Les forces étant mesurées en newtons (N)2, la contrainte s’exprime en N/m2. Une contrainte de 1 N/m2 est cependant très faible (la pression atmosphérique vaut 105 N/m2) et l’unité usuelle est le MN/m2 (106 N/m2), appelée mégapascal (MPa)3. Considérons à présent un cas où la force est appliquée parallèlement à une face de l’élément de volume (fig. 4.3(b)). L’équilibre est alors maintenu par la présence de trois forces supplémentaires qui créent un cisaillement. Le plan grisé par exemple est soumis à une contrainte de cisaillement τ égale à :
τ=
Fs A
(4.2)
l’unité étant à nouveau le MPa. 2
Isaac Newton (1642-1727), scientifique et alchimiste anglais ayant établi les lois fondamentales du mouvement, la théorie de la gravitation universelle (bien que ce point soit quelque peu controversé), des lois d’optique, le calcul différentiel et bien plus encore. 3 Blaise Pascal (1623-1662), philosophe, mathématicien et scientifique français qui prenait un certain plaisir à publier ses résultats sans expliquer la façon dont il les obtenait. La plupart cependant se sont avérés corrects.
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4.2 Densité, contrainte, déformation et module élastique 55 contrainte
déformation
F
L
surf. A
(a)
Lo
F contrainte de traction s = F/A unité usuelle MPa Fs
s
pente E
s= E e
déformation en traction e = (L – Lo)/Lo
E = module de Young
Fs
t
Lo
pente G
Fs contrainte de cisaillement t = Fs/A unité usuelle MPa
volume V
p p
p
p
p p
pression p unité usuelle MPa
t= G g G = module de cisaillement
déformation en cisaillement g = w/Lo volume Vo
p
(c)
e
w
surf. A
(b)
déformation élastique
déformation volumique ∆ = (V – Vo)/Vo
g
pente K p=–K∆
∆
K = module de compressibilité
Figure 4.3 Contrainte, déformation et modules élastiques.
Exemple 4.1 Une cheminée en brique mesure 50 m de haut. La densité des briques est de ρ = 1800 kg/m3. Quelle est la contrainte axiale de compression au niveau de sa base ? Est-ce que la forme de la section joue un rôle ? Solution. Considérons que la cheminée a une section de surface A et une hauteur h. Le poids de la cheminée vaut alors F = ρAhg avec g l’accélération due à la gravité. L’équation (4.1) permet de calculer la contrainte de compression à la base σ = −F/A = −ρgh où le signe «−» indique une compression (la surface A se simplifie). Ce résultat est identique à une pression statique à une profondeur h dans un fluide de densité ρ. La contrainte ne dépend donc pas de la forme ou de la surface de la section. En supposant g = 10 m/s2, on trouve σ = −1800 × 10 × 50 = − 9 × 105 N/m2 = − 0,9 MPa.
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