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Face au nazisme : le cas alsacien est présenté à la BNU
by Poly
L’ombre de la croix gammée
Riche de quelque 150 documents exceptionnels, Face au nazisme : le cas alsacien est une plongée dans un passé tourmenté, où la propagande s’immisçait au plus profond des existences.
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Par Hervé Lévy
L’ enjeu majeur de cette exposition, organisée à l’occasion du 80e anniversaire du décret du 25 août 1942 instaurant l’incorporation de force des jeunes AlsaciensMosellans, « est de présenter au grand public les conclusions les plus récentes des historiens sur une période où l’Alsace annexée connut un sort très différent de celui de la France occupée », résume un de ses deux commissaires, Jérôme Schweitzer, Conservateur des bibliothèques à la BNU. Et pour mieux comprendre les caractéristiques d’une époque complexe, le parcours débute dans les années 1930, où un certain autonomisme, notamment incarné par Karl Roos, se compromet avec l’idéologie nazie. La lecture de Das Narrenschiff, avec ses caricatures antisémites, est édifiante, même si son audience demeure limitée, avec un tirage ne dépassant pas 3 000 exemplaires. Face à l’hebdomadaire, le très francophile Henri Zislin mène le combat avec Dr Franc-tireur.
En 1940, la région est intégrée à l’Allemagne nationale-socialiste – dirigée par le Gauleiter du Land de Bade, Robert Wagner –, les Alsaciens devenant citoyens allemands. Les années qui suivent voient déferler des flots de propagande dans le but d’intégrer les habitants à la Volksgemeinschaft (communauté du peuple). De gré ou de force. La vue en coupe de la société est très complète, avec des films amateurs montrant des démonstrations de force du Parti, des affiches – un aigle martial, une serre posée sur chaque rive du Rhin, nous regarde, accompagné du slogan Ein Volk, ein Reich, ein Führer ! – et autres documents bien souvent inédits illustrant l’emprise sans cesse croissante des institutions comme la Hitlerjugend ou le Reichsarbeitsdienst. La culture se met au service de l’idéologie (et l’on découvre qu’un éphémère Musée de l’Armée fut installé à Strasbourg entre mai et août 1944), tout comme de l’enseignement, puisque la ville est un des trois établissements d’Europe à avoir le statut de Reichsuniversität (avec Prague et Poznań) et chargés de mettre en œuvre la nazification du savoir. Si la résistance n’est pas oubliée, une large section est dédiée à l’après-guerre et à la découverte aussi bien des atrocités du camp de concentration alsacien de Natzweiler-Struthof que du drame des Malgré Nous, versés de force dans la Wehrmacht ou la SS. Et l’Histoire n’est pas achevée, puisque dans les réserves de la BNU dorment quelque 4 000 ouvrages spoliés dont on recherche les légitimes propriétaires.
Les Dernières Nouvelles de Strasbourg. Le quotidien de l'Alsace allemande, Strasbourg : impr. des Strassburger Neueste Nachrichten, entre 1940 et 1944 – BNU, M.AFFICHE.487
À la Bibliothèque nationale et universitaire (Strasbourg) jusqu’au 15 janvier bnu.fr
Les Animaux fantastiques
Créatures de la culture geek et de la mythologie sont mises sous le feu des projecteurs avec Anatomie comparée des espèces imaginaires. Un voyage surprenant et pédagogique.
Par Julia Percheron – Photo de Jack Varlet
Avant l’exposition, il y eut un livre au titre éponyme. Sous la plume du paléontologue Jean-Sébastien Steyer associé à l’illustrateur Arnaud Rafaelian, dragons, vouivres, loups-garous ou encore le célèbre Marsupilami d’André Franquin ont été utilisés pour vulgariser les sciences de l’évolution. À présent, une « douzaine de ces personnages » habille le musée du Château des ducs de Wurtemberg, confie le scientifique. Le parcours réunit planches anatomiques, textes réalisés par les deux auteurs – devenus pour l’occasion commissaire et illustrateur de l’exposition – et sculptures signées par la société de moulage Ophys. Dans la première partie, les visiteurs peuvent observer « un mur rempli de squelettes aquatiques », de tapir et d’hippopotame, afin de mieux comprendre la discipline de l’anatomie comparée. Ce n’est qu’ensuite qu’ils plongent dans un monde fantaisiste, peuplé de bêtes folkloriques « monstrueuses ».
Bien sûr, l’une des figures phares du circuit n’est autre que le dragon. Profondément ancré dans l’imaginaire collectif « grâce à ses nombreuses représentations dans des œuvres mondialement connues, telles que Harry Potter, Game of Thrones ou Le Hobbit », ce monstre immense est à retrouver sous différentes formes. « Ce qui est intéressant et amusant, c’est de voir que cette espèce parle à tout le monde », sourit Jean-Sébastien Steyer. « Grands-parents et jeunes enfants ont tous une histoire avec cette créature. » La vouivre, cousine hideuse de ce reptile volant, fait aussi partie du voyage. La légende raconte qu’elle se terre dans les marécages d’Europe, s’étendant des plateaux du Morvan au Jura suisse… Aujourd’hui, ce serpent ailé hante les salles du château, « haut de plus de deux mètres », ailes griffues déployées et mâchoires prêtes à engloutir les inconscients passant devant lui. Plus loin, le moulage crânien du Spinosaurus, « mesurant pratiquement trois mètres sur trois », est tellement gigantesque que « le regard du spectateur se situe globalement au niveau de ses naseaux ! » Le bestiaire s’enrichit de personnages plus dociles, à l’image de Totoro, chat-chouette-panda de Miyazaki. « C’est un peu l’animal totem des trentenaires », plaisante l’auteur. Une maquette virtuelle projette d’ailleurs son anatomie externe et interne, donnant l’occasion de le disséquer visuellement et d’affiner son savoir scientifique !