R evue A nnuel l e # 2 | 2014-2015 www.portraitsdeterritoires.com | portraitsdeterritoires@gmail.com
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# édito Encore une belle année pour l’association! Dans cette nouvelle édition, nous voilà partis sur les traces des brasseries et malteries du Nord-Pas de Calais. D’un projet qui avait pour origine la mise en valeur architecturale des brasseries, nous sommes tombés amoureux d’un savoirfaire régional ancestral. Nous sommes allés à la rencontre de brasseurs passionnés par leur métier. Ces derniers nous ont ouvert les portes de leur univers, nous avons alors tenté de vous retranscrire photographiquement la beauté de ce patrimoine brassicole qui est le notre. Finalement, la photographie c’est un peu comme la bière, le tout étant de bien doser les ingrédients : une bonne maîtrise de son matériel, un cadrage bien pensé par ici, une pincée de réglages par là ... un zest de créativité et le tour est joué. Mais méprenez-vous le savant dosage des levures utiles à la fabrication de la bière a échappé à nos boitiers, chaque bière gardera sa part de mystères. L’association continue de faire de jolies sorties avec ses membres, à l’affût de nouveaux territoires à révéler. L’équipe des portraitistes s’est récemment agrandie, accueillant alors de nouveaux talents, qui ont également de beaux projets en tête, la suite est à venir. Bonne lecture
Eloïse Pimbert
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Publié par Association Portraits de Territoires Directeur de la publication Eloïse Pimbert Direction artistique Laurane Péan Rédacteurs Aurélien Lefèbvre, Quentin Madec, Benoit Masson, Arnaud Picavet, Eloïse Pimbert, Léo Thumerel, Jean-Philippe, Perrine Delalande En couverture : Fosse 9-9bis, Oignies, © Benoit Masson / Portraits de Territoires
#2 SOMMAIRE 03 édito 07 Quoi de neuf ? 09 Tour du 11-19 13
Les sites miniers
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Le Mont Saint-Frieux
20 L’anneau de la Mémoire 25 Les Brasseries 49 Bibliographie 51 Contact 5
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# Quoi de neuf ? Après une année bien remplie de collecte d’images qui a conduit les membres de l’association aussi bien dans l’audomarois que sur le littoral du Pas-de-Calais, l’envie collective se fait de plus en plus pressante de vouloir aller à la rencontre du regard des autres. C’est ainsi qu’après avoir exposé, à titre de ballon d’essai, dans un restaurant de la ville Préfecture du Pas de Calais, Arras, l’Association va établir ses quartiers visuels dans un bar de la Capitale des Flandres, avec l’espoir en 2016 de pouvoir présenter de nouveau à Arras, un travail abouti et ciblé. Dans un premier temps l’exposition lilloise, de plus grande envergure, dans un lieu particulièrement fréquenté par un public éclectique sera l’occasion d’avoir un premier retour extérieur sur le travail engrangé. En effet, faire des photos n’est intéressant que si les images sont partagées, si elles évoquent un intérêt, une émotion voire un choc chez celui qui les regarde. Le travail sur les
brasseries, réalisé par les membres de l’association, ne se veut pas uniquement documentaire, il cherche également l’interrogation, l’esthétisme, le jeu des couleurs ou des graphismes. L’arrivée de nouveaux membres au sein de l’association, porteurs de leur propre projet, est également une chance pour l’ensemble du groupe. De nouveaux regards, de nouvelles idées pour l’avenir, de nouvelles perspectives de travail photographique aussi se font jour. Ces interactions, déjà anciennes, ou nouvellement formées, se ressentent de plus en plus dans les travaux individuels des uns et des autres. Les séances de critiques collectives, au cours desquelles, chacun exprime son ressenti sur les images des autres, sont autant de moment d’interférences dans la vision photographique de chacun. Le regard individuel se nourrit nécessairement des images des autres. J-P Madec
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# Tour du 11/19 Loos-en-Gohelle
Ascension de cette tour de 66 mètres de haut, attenante aux deux plus hauts terrils d’Europe dont l’emprunte dans le paysage proche et lointain du nord de la France est très importante. En effet, elle est un signal depuis les villes alentours mais est également perceptible depuis le sommet du beffroi de Lille ou encore depuis le haut du mont Cassel dans les Flandres! D’abord laissée à l’abandon en 1986, à la fin de l’exploitation de la mine de charbon, elle est d’abord inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques en 1992 pour enfin être classée en septembre 2009. Aujourd’hui la base du 11/19, faisant référence aux puits n°11 et n°19, est un des lieux emblématiques de la mémoire de la mine et fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. La tour qui permettait d’extraire 8000 tonnes de produits bruts par jour est construite par la Société des mines de Lens dans les années cinquante et est constituée d’environ 10 000 tonnes de béton armé. À l’intérieur, les rainures de bois visibles sur les parois laissent imaginer un travail de banchage titanesque.
De la base au sommet, nous avons progressé, accompagnés d’un guide du CPIE Chaîne des Terrils: Frédéric Kowalski qui nous a apporté des explications très pertinentes sur l’histoire et le fonctionnement du bâtiment. Le « bâtiment de recette », situé sous la tour, dispose encore de ses rails servant à diviser et trier les différentes berlines contenant le charbon. Le sommet de l’immense ascenseur vertigineux, lui, n’est pas un belvédère mais une immense pièce sombre et silencieuse accueillant les derniers éléments de la machinerie d’extraction. Servant actuellement de porte-drapeau pour les événements régionaux tels que « La Route du Louvre », la question d’un nouvel usage pour cette tour endormie est aujourd’hui posée. Peut-elle devenir un musée à l’instar du centre historique minier de Lewarde ?
Q.Madec
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# Les sites miniers
Loos-en-Gohelle & Oignies
Que ceux qui pensent que Le Nord Pas-de-Calais n’est qu’une vaste étendue plate ouvrent grand leurs yeux ! Munissez-vous de bonnes chaussures et accompagnez nous au sommet d’un de nos symboles régionaux, reconnu au patrimoine mondial de l’UNESCO : la chaîne des terrils. Emblème d’une puissante activité minière puis souvenir encombrant de son déclin (on ne dénombre pas moins de 339 terrils dans le Nord Pas-de-Calais), cette chaîne de reliefs artificiels, fruit du travail de milliers d’hommes, représente l’une des images identitaires fortes de notre région. Aujourd’hui ces terrils et les infrastructures qui les accompagnent trouvent une nouvelle jeunesse et marquent un renouveau pour le territoire et ses habitants. Les terrils de Loos-en-Gohelle et la base du 11/19 représentent l’un des cinq lieux emblématiques de la mémoire de la mine dans la région. Depuis sa fermeture en 1986, le lieu a bien changé mais il a gardé son âme et ses repères : les bâtiments ont été sauvegardés et réhabilités avec un principe d’éco-aménagement et le chevalement métallique (45m de haut) et la tour d’extraction marquent toujours la skyline. Aujourd’hui le site est le support de nombreuses activités, qu’elles soient éducatives, scientifiques (renforcement de la biodiversité et sauvegarde de l’écosystème), culturelles (patrimoine de mémoire, représentations artistiques), sportives, … et même photographique, car le CPIE Chaine des terrils, installé sur le site, a été notre premier lieu d’accueil des stages photos ! Pour compléter le tableau, le site se trouve à proximité du Louvre Lens, lui-même installé sur un terril (mais plat celui-ci !), élément phare de la renaissance de la région à travers l’art et la culture. Notre balade au sein des terrils nous a amené à découvrir un autre site aujourd’hui reconverti : le terril d’Oignies et la base
9/9bis, faisant également partie des cinq grands sites miniers emblématiques de la région. Composé des bâtiments historiques de la fosse, du terril et de la cité jardin De Clercq, ce site fut le dernier à remonter du charbon dans le Nord Pas-de-Calais, ce qui marqua la fin de l’exploitation minière le 21 décembre 1990. Classé aux Monuments Historiques en 1994, l’ensemble des bâtiments de style néo-régionaliste reprend vie à partir de 2003 avec un projet de reconversion autour de la pratique musicale et de la valorisation du patrimoine. Dix ans plus tard, le Métaphone, bâtiment contemporain abritant une salle de spectacle exceptionnelle avec une programmation musicale éclectique sort de terre et représente l’équipement phare du site. Aujourd’hui, l’ensemble du projet se finalise avec des studios d’enregistrement, un café-concert, une salle de danse, un centre de ressources musicales, des salles de séminaires … En plus de cette activité culturelle forte et atypique, la chaîne des terrils offre un dépaysement des plus étonnants. Formés de déchets de charbons, ces sombres géants abritent une faune et une flore bien particulière grâce à la composition si spécifique de son sol. En effet, certains terrils sont encore en combustion et dégagent une chaleur qui permet le développement de plantes inhabituelles dans notre région. Au contraire, d’autres présentent une absence quasi-totale de végétation, si bien que l’on se retrouve parfois au milieu de paysages lunaires, à la fois intrigant et hors du temps, dominant le vaste paysage de la région. Autant dire que pour des passionnés de photographie attachés à notre histoire locale, ces lieux nous ont offerts une grande diversité de thèmes et de sujets photographiques et nous nous en sommes donnés à cœur joie ! Alors que vous soyez plutôt branché musique et art, nature et randonnée ou simplement curieux des trésors de votre région et de son histoire, n’hésitez plus et venez découvrir les terrils !
B.Masson
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# Le Mont Saint-Frieux Neufchâtel-Hardelot
A la découverte de la côte d’Opale En cette belle journée d’octobre 2014, le rendez-vous est donné à Neufchâtel-Hardelot pour découvrir une figure emblématique de la côte d’Opale : le Mont Saint Frieux. Situé entre Etaples et Outeau cet ensemble géographique donne tout son relief au littoral du Nord. Cet espace naturel est aujourd’hui géré par EDEN 62, structure du Département du Pas-de-Calais qui a pour vocation de préserver cet espace naturel important pour le littoral nordique. Cette découverte a été possible grâce à Francis Villette et Olivier Darcourt d’Eden62 (photographie page suivante), qui ont fait découvrir cette réserve naturelle à l’Association. Au programme de la journée : randonnée sur le Mont Saint Frieux, découverte de la faune et flore locales, et des souvenirs d’un passé récent : les blockhaus.
Durant cette sombre période, la côte littorale nordique s’est vue transformée massivement par les occupants. C’est ainsi que de nombreux bunkers ont été érigés en haut des dunes de sables pour bénéficier d’une position de force contre une éventuelle attaque des Alliés pour récupérer le pays. Ces traces du passé persistent aujourd’hui, les blockhaus sont toujours présents, mais leur fonction a évolué, passant ainsi d’une fonction défensive à une fonction du souvenir. En plus de ce rôle patrimonial (« conserver pour ne pas oublier-»), ces blokaus sont devenus des lieux de nidification et de refuge pour la faune locale. Petits insectes, chauves souris vivent ainsi dans ces espaces clos, abrités et oubliés du grand public. Si l’on devait résumer cette journée sur la côte d’Opale en trois mots, ils seraient sans doute, nature, aventure et découverte. Nous remercions aussi nos deux guides du jour, Francis Villette et Olivier Darcourt.
Ce rendez-vous matinal a permis à l’association de travailler les lumières, l’évolution des paysages avec l’avancée de la journée, de comprendre la création de cet ensemble géographique et son rôle durant le second conflit mondial.
A.Lefebvre
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# L’Anneau de la mémoire Notre-Dame de la Lorette
Sorti de terre en 2014, l’anneau de la mémoire conçu par l’architecte Philippe Prost présente les noms des soldats tués sur le front du Nord-Pas de Calais entre 1914 et 1918. Entre ciel et terre, comme en lévitation, cette sculpture de fer est en porte-à-faux sur la colline, témoignant de la fragilité de la paix. Cet ovni dans le paysage est posé au milieu d’un terrain naturel de 2,2 hectares. Mystérieux et sombre de l’extérieur, il ne laisse rien transparaitre de ce qu’il abrite. C’est lors d’un dimanche après-midi ensolleilé que l’équipe est allée arpenter le mémorial international Notre-Damede-Lorette. Nous avons alors entamé une plongée dans la pénombre à travers une tranchée pour atteindre le centre de l’anneau. Au bout de ce tunnel, le soleil nous éblouit, reflété sur les 500 panneaux d’inox couleur bronze accueillant le nom des soldats morts dans notre région. Véritable parcours, ce mémorial nous invite à longer ces
murs de noms dans un recueillement dynamique, parfois même étourdissant tant la liste est longue. Chacun y cherche un nom familier, comme pour redonner un peu d’humanité à ces lettres gravées. Les jeux d’ombres et de lumières rendus possibles grâce aux brèches et vues qu’offre la structure d’acier et de béton, plonge les visiteurs au cœur d’un paysage autrefois meurtri. Le parcours se termine par la traversée de la prairie intérieure du monument où un panorama sur les plaines de l’Artois se dévoile en passant sous l’anneau. Cette visite nous a donné l’occasion de poser un regard sur un passé historique marqué qu’il ne faut pas oublier, révélé par ce monument contemporain. Par la dynamique qu’il induit, ce mémorial nous invite à être acteur de cette histoire, comme pour nous faire prendre conscience qu’il ne tient qu’à nous que cela ne se reproduise plus. Venus en groupe, c’est réparti sur les différents endroits du site, que chacun a pu interpréter à sa manière ce témoignage de l’histoire. P.Delalande & B.Masson
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Portrait[s] d’un Patrimoine insoupçonné : Les Brasseries & Malteries en Nord-Pas-de-Calais Suivant la thématique « Portraits d’un Patrimoine Insoupçonné », nous valorisons le patrimoine de la région Nord-Pas-de-Calais à travers la photographie et plus particulièrement celui des anciennes Brasseries et Malteries désaffectées. à cela s’ajoute, en parallèle, un travail de collaboration avec les brasseries artisanales d’aujourd’hui. L’opposition visuelle “ateliers désaffectés” et “usine en mouvement” contribue à faire le lien entre passé historique glorieux et présent prometteur d’avenir mais aussi entre histoire respectée et tradition vivante.
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#3--Brasserie Motte-Cordonnier Armentières
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La Brasserie de l’Étoile Véritable symbole d’une industrie brassicole de grande ampleur disparue, l’ancienne brasserie-malterie Motte-Cordonnier représente selon la presse et les ouvrages spécialisés le « dernier château de l’industrie » encore sur pied dans la métropole Lilloise. Celui-ci est captivant, tant par sa grandeur que pour la qualité de ses espaces intérieurs et de ses détails architecturaux. Il est conçu entre 1922 et 1923 par l’architecte Marcel Forest sur un terrain de huit hectares le long de la Lys et renvoie directement à l’apogée de la fabrication de la bière à Armentières. Le donjon du bâtiment principal, contenant la cage d’escalier, se dresse comme un beffroi face à celui de la ville d’Armentières que l’on aperçoit au loin depuis le sommet. Central, il manifeste à lui seul la puissance industrielle des Motte-Cordonnier, alliance d’une famille d’industriels du textile et de brasseurs. Les étiquettes de bière « Bock Titan » ou « Alpha » mettent d’ailleurs en avant au travers d’un logo le bâtiment principal et sa tour où se déroule l’opération de brassage. Celle-ci est inscrite à l’inventaire des monuments historiques depuis 1999. Par ailleurs, les papiers à en tête des factures sont décorés de la gravure du site industriel dans son ensemble, mettant en face à face la brasserie et la malterie, les deux édifices principaux, indispensables à la fabrication de la bière. Les vitraux de la tour arborent l’étoile à cinq branches propre aux marques des bières Motte-Cordonnier, telle que la fameuse « Vega ». Cette étoile peut être vue comme une évolution de l’étoile de David, utilisée pour symboliser la bière dès le MoyenÂge. À l’origine, les six branches, formés de triangles équilatéraux superposés, représentent l’alchimie complexe des éléments permettant l’élaboration de la bière. Bien qu’elle ne présente que cinq branches, l’étoile Motte-Cordonnier peut être interprétée de la même manière. Quatre branches symbolisent les éléments naturels nécessaires à la fabrication de la bière : le feu, l’eau, la terre et l’air, indispensables au maltage et au brassage. Plus concrètement, l’orge provenant de la terre est mouillé avant l’étape de germination à l’air libre. Il est enfin chauffé en malterie pour devenir du malt utilisé au cours du brassage. La dernière branche incarne simplement le résultat du processus. Cette étoile apparaît comme un talisman au dessus de la cuve principale de brassage dans une des plus belles pièces de la
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brasserie – la grande salle des cuves en cuivre martelé – et renforce le côté mystique du lieu étrangement silencieux. Mais elle est également présente dans toute la métropole Lilloise, peinte ou gravée sur les façades des commerces, cafés, bars ou encore immeubles de logement. L’étoile omniprésente rappelle la main mise de l’entreprise sur les nombreux cafés et estaminets. En effet, avant la première guerre mondiale, Motte-Cordonnier était propriétaire de 427 établissements dans lesquels sa production de bière était vendue. Alors que les petites brasseries rurales traditionnelles ne livrent leur bière à fermentation basse qu’aux estaminets à proximité, la grande brasserie d’Armentières atteint une échelle de distribution impressionnante. En effet, la marque à l’étoile est présente jusque sur la Côte d’Opale, dans les Flandres et en Picardie. L’inscription « Bières MotteCordonnier » apparaît ainsi sur les tentures du restaurant au rezde-chaussée de l’hôtel Carlton à Lille après la deuxième guerre mondiale. S’intégrant avec élégance dans un environnement ayant déjà subi des démolitions, les bâtiments désertés depuis 2010, semblent être seuls au bord de la Lys. Ils attirent alors toutes les curiosités et les projets de requalification tous plus fous les uns que les autres. Ainsi un village de nuit ou plus pertinemment en 2005, une cité mondiale de la bière ont été envisagés. Aujourd’hui, un nouveau projet de grande ampleur s’apprête à voir le jour afin de permettre la réaffectation de ce lieu représentant un patrimoine unique. Le projet appelé « Euraloisirs » a pour vocation de rassembler des équipements sportifs, de loisirs et de santé en plus de logements et de commerces. Il se justifie par la proximité des parcs de la vallée de la Lys et des prés du Hem. De dimension urbaine, ce dernier s’attache à restructurer une partie entière de la ville d’Armentières et fait l’objet d’une concertation préalable pour associer le public à la réflexion permettant l’élaboration du programme attribué aux bâtiments de la brasserie. Il apparaît important d’étudier au mieux l’implantation architecturale des nouvelles fonctions dans les édifices existants pour faire renaître le lieu sans dénaturer l’identité de l’ancienne Brasserie-Malterie Motte-Cordonnier, représentant un témoin historique du patrimoine brassicole du nord de la France.
Q.Madec
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Dans l’existence il est des journées qu’on ne peut oublier. Ceci dit, il arrive que les souvenirs qu’ils nous en reste, bien que détaillés, semblent parfois coupés de toute réalité. C’est ce qui pour moi caractérise la visite de friches. Ces lieux constituent une sorte d’espace temps déconnecté, à cheval entre un passé et un avenir incertain. Ainsi l’état de ruine m’échappe et c’est d’ailleurs ce qui fascine. Visiter et photographier une ruine devient avant tout pour moi d’apprécier un instantané et chercher à le prolonger. C’est au mois de mars 2015 que j’ai fait mes premiers pas au sein de l’association. Ce fut l’occasion de ma première visite et non des moindres : l’ancienne Brasserie Motte Cordonnier d’Armentières. Jeune architecte, la visite de bâtiments ne m’est pas étrangère. Ceci dit, il est rare d’avoir dans la découverte d’un lieu une telle sensation de liberté. Bien que formant un groupe d’une dizaine de personne, la grandeur de l’ancienne brasserie a permis à chacun de s’y retrouver seul. Ce sentiment de liberté est cependant très paradoxal. Le site étant clos et surveillé, c’est à cette condition et par le biais associatif qu’il fut possible de déambuler aussi librement. Je me dirigeais alors à l’œil, attiré par les détails de machineries, un rayon de lumière traversant une pièce, une composition étonnante formée par une série d’objets laissés à l’abandon. Libre à moi de chercher le bon angle, les bons réglages photographiques, le tout animé par l’envie de faire surgir ce qui constitue pour chacun de nous la beauté de ces lieux. L’état de ruine, d’abandon, génère une esthétique très particulière. La non-présence humaine permet aux matériaux d’interagir librement avec les éléments auxquels ils étaient autrefois coupés. C’est le
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retour de la pluie, du courant d’air, de l’humidité, de la poussière, de l’hétérogénéité. Les matériaux se corrodent, s’écaillent, ils prennent du relief. La patine apparait. Les couleurs changent, se matifient, se diversifient. L’absence de lumière artificielle nous permet d’apprécier des jeux d’ombre marqués. Toutes ces transformations, parce que d’accoutumée non souhaitées, prennent ainsi une valeur nouvelle. Cependant l’esthétique qui ressort de cette ruine ne tient pas qu’aux matériaux et à leur mutation. Visiter une usine désaffectée permet ce que je pourrais appeler une esthétique de la disparition. Par le manque de machineries probablement déplacées pour leur valeur marchande, il devient difficile d’imaginer ce qui a pu être produit dans certaines salles. Tous ces éléments techniques, bien que disparus laissent des traces. Reste le plus souvent de leur présence des négatifs. Des trous circulaires dans les planchers, des murs éventrés pour les soutirer, des socles massifs ne supportant plus aucune charge. Tout ces déhanchés qu’à fourni l’architecture pour intégrer la technique créent maintenant des percées étonnantes dans le bâtiment, une géométrie émerge alors, me renvoyant au travail de l’artiste Gordon Matta Clark. Artiste perçant littéralement des maisons amenées à être détruites à l’occasion de la construction du centre Georges Pompidou de Paris. En plus des cadrages, la puissance de ces vides tient de leur grandeur permettant des jeux d’échelle étonnants avec le visiteur sans compter la multitude d’interprétation que l’on peut en avoir. Rampe de lancement de fusée, impact de guerre…Les situations ne sont plus normées par l’activité passée, l’imaginaire y trouve sa place. Libre à nous de le faire transparaître au travers d’un cliché.
L.Thumerel
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#4 Brasserie PVL Ennevelin
Après l’exploration de brasseries à l’abandon, Portraits de Territoires part à la découverte des brasseries en activités. En cela, l’association s’intéresse à l’évolution de la culture brassicole de la région. En 1910, il existait 1928 brasseries dans le Nord-Pas-de-Calais (1353 dans le Nord - 575 dans le Pas-de-Calais)1. Au début des années 2000, il n’en reste plus que 342 (230 dans le Nord – 112 dans le Pasde-Calais) . Aujourd’hui, dans notre région, de grandes brasseries industrielles persistent et de nombreuses brasseries artisanales voient le jour. Alors que la bière issue des traditions locales a été reconnue comme faisant partie du « patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France » (loi n°2014-1170 du 13 Octobre 2014), Portraits de Territoires souhaite rencontrer les brasseurs qui œuvrent au maintien de ce patrimoine. La visite de la Brasserie du Pavé à Ennevelin, en Pévèle, marque le début d’une série sur les brasseries en fonctionnement. Ouverte en 2013 par Dominiques Dillies, ancien photographe culinaire, la micro-brasserie est située dans un ancien corps de ferme en briques. Le lieu est
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divisé en 4 parties : le stockage des matières premières, les cuves de brassage, le stockage des bouteilles, et le magasin. Attentifs aux explications du brasseur, les membres de Portraits de Territoires ont suivi le processus de fabrication de la bière PVL (abréviation de « PéVèLe-»)-: la transformation de l’orge en malt, le brassage et la fermentation, c’est-à-dire la transformation des sucres en alcool et dioxyde de carbone. Avec une production de 350 hectolitres par an, la PVL vise un public local qui s’approvisionne sur place (50% des ventes) ou qui déguste la bière dans les bars et estaminets de la région. Cette visite fut l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la fabrication de la bière, mais surtout de rencontrer une personnalité passionnante. En effet, Dominique Dillies a pris le temps de nous expliquer et de nous transmettre la passion de son métier. Il nous a réservé un accueil chaleureux avant de nous faire déguster la gamme PVL : bière blonde, triple, ambrée, bière de noël et de printemps n’ont maintenant plus de secrets pour nous !
Données issues de l’ouvrage de Nathalie Van Bost, Brasseries et malteries du Nord-Pas-de-Calais, 2000, p18.
A.Picavet
# 5 Brasserie Saint-Omer Saint-Omer
Sous un magnifique soleil, Mr Pecqueur, Directeur Général de la Brasserie de Saint Omer, nous a ouvert les portes de son usine. Fondée dès 1866, elle a notamment été connue sous le nom de Brasserie Artésienne, et n’a cessé d’être rachetée et de faire l’objet de fusions, avant d’être enfin rebaptisée Brasserie de Saint Omer en 1985. C’est seulement en 2008 que Mr Pecqueur fait l’acquisition de cette Brasserie familiale qui lui avait été rachetée 12 ans auparavant par le groupe Heineken. Nous voilà donc partis pour la visite d’une des plus grandes brasseries indépendante et industrialisée de la région : la brasserie de Saint Omer.
la brasserie de Saint Omer n’a pas terminé de s’agrandir. En effet, elle projette de délocaliser son usine de Gayant (Douai) afin d’accroitre sa superficie et d’augmenter sa production en s’installant à Arques.
La brasserie produit principalement des bouteilles, même si on retrouve des boîtes (canettes) ainsi que des fûts. L’eau, qui se doit d’être d’une grande pureté, provient directement des forages situés à Saint Omer, alors que le malt est importé de pays producteurs. Actuellement, 40% de sa production est exportée à l’étranger (Irlande, Espagne, Belgique, etc.). Avec une production d’environ 3 millions de bouteilles par jour, 2 millions d’hectolitres par an et près de 9 recettes de bières classées Saveur en Or,
L’unité de production est presque entièrement automatisée, et les bouteilles s’entrechoquent et s’alignent à l’infini. Suivant une visite guidée du haut des passerelles, la chaîne de production se livre à nous; laissant ainsi défiler sous nos yeux des bouteilles dont la couleur verte tranche avec le gris métallisé des machines. De la salle des recettes à l’unité de production, chacun a pu s’émerveiller dans l’immensité de cette usine et laisser libre cours à son imagination!
Loin des petites brasseries artisanales régionales, nous avons découvert ici une véritable industrie intégrée au coeur même de la ville. Si l’odeur du malt, le passage des poids lourds dans la rue étroite et le tintement des bouteilles sur les rails, n’étaient perceptibles, rien ne laisserait présager que la ville cache une vaste industrie brassicole parmi ses maisons!
E.Pimbert
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# Bibliographie Pour aller plus loin ...
LA TOUR DU 11/19 http://www.ina.fr/video/R07184192
LES SITES MINIERS - http://www.loos-en-gohelle.fr/loos-ville-pilote/ developpement-durable/zoom-sur-la-base-1119/ - http://9-9bis.com/le-9-9bis/projet/
LE MONT SAINT-FRIEUX http://www.eden62.fr/dunes-du-mont-saint-frieux/
L’ANNEAU DE LA MEMOIRE http://www.tourisme-lenslievin.fr/memorial-internationalde-notre-dame-de-lorette/
BRASSERIE MOTTE-CORDONNIER - Dossier de concertation préalable, Projet «-Euraloisirs-» Reconversion du site Motte Cordonnier Avenues Brossolette et Salengro. Articles : - Tonnerre (Delphine), « La Brasserie Motte-Cordonnier à Armentières, mémoire de la bière », La Voix du Nord, 15 juillet 2014. - Dum (J.-M.), « Du Grand Café Jean à l’hôtel Carlton : petite histoire d’un mythe lillois », La Voix du Nord, 17 septembre 2014
- Le Tellier (Marc), « Armentières : l’Étoile mystérieuse », La Voix du Nord, 20 juillet 2015. Livres : - Dubois (Pierre-André), Duronsoy (Nathalie), Van Bost (Nathalie), Nord-Pas-de-Calais terre de brasseries, Documents d’Ethnologie Régionale du Nord-Pas-deCalais, n°9, 1998. - Auteurs multiples, Métamorphoses. La réutilisation du patrimoine de l’âge industriel dans la métropole Lilloise, Le Passage Paris-New York Éditions, 2013. Sites internet : http://www.ville-armentieres.fr/patrimoine/fr/page/motte. php http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/ bieres/3histoire.htm
BRASSERIE DU PAVE - VAN BOST Nathalie, Brasseries et malteries. Nord-Pasde-Calais, Lille : La Voix du Nord, 2000. - http://www.brasserie-du-pave.fr
BRASSERIE DE SAINT-OMER http://www.brasserie-saint-omer.com/pagepresident.html
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