Maladie de peau
A P E A U L O
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Sommaire
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Préface
I-Évolution des façades au cours de l’histoire -Façade épaisse -Révolution industrielle -Évolution outre Atlantique -Façades vitrées fonctionelles -Les années 70 -Habitat, mouvement moderne - Rénovation / Modernisation d’après guerre
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II-Exemples d’utilisation de l’enveloppe et effets architecturaux 21 22 1-Maison suspendue -Paul Nelson 31 2-Cabrillo marine Aquarium -Franck O Gehry 37 3-Grand Théâtre d’Albi -Dominique Perrault III-Enveloppe ingénieuse ou emballage décoratif ? -Caractéristiques de la société actuelle -Rôle climatique -Rôle d’une peau régulatrice -Rôle de protection solaire -Rôle acoustique -Support technologique
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IV- Enveloppe, architecture et ville. - Culture de l’immatériel - Architectue phénoménologique - Importance de la lumière -Ecran filtre - disparition de la limite
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V-Enveloppe et Psyché des usagers . – Théories de Freud et Winnicott: l’inconscient et la censure - Enveloppe et ouverture des perceptions - Winnicott, espace transitionnel - La transparence - Projection : retrait de l’enveloppe
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VI-Application à l’habitat individuel -Enveloppe attenante : - “bent” : le danger de l’enveloppe décor - “ipera 25 atlas” : ouverture de l’habitat - Enveloppe distante : - “M9-C” BP arctitectures : espace vitrine
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Conclusion bibilographie remerciements
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PRÉ
FACE L’ écriture de ce mémoire est l’occasion pour moi de m’intéresser et d’étudier un phénomène qui se démocratise et qui se vulgarise depuis les années 90. Ce phénomène modifie la conception d’un bâtiment en lui attribuant une enveloppe légère, indépendante de la structure porteuse et même le plus souvent sans fonction d’isolation. En effet, de plus en plus, les édifices publics se parent d’une double peau, non structurelle pour de multiples raisons. Nous ne parlons plus de façade mais bien d’une enveloppe comme une seconde peau qui s’ajouterait au bâtiment pour le protéger du climat ou du regard par exemple.
Si nous prenons le temps de lire les définitions du mot « enveloppe », dans le dictionnaire petit Larousse, celui ci explicite clairement les intentions d’un tel procédé : « Qui sert à envelopper. Membrane enveloppant un organe. / Limites d’un budget à l’intérieur desquelles certains aménagements peuvent être apportés. / Morceau de papier qui sert à former une pochette, destinée à contenir une lettre, une carte, etc... Ces définitions décrivent 3 notions sous-jacentes à l’enveloppe et applicables au bâtiment : tout d’abord il s’agit d’une membrane, donc elle possède une matérialité, une réalité, une épaisseur à définir. Ensuite elle se place autour et phagocyte l’édifice, elle ne se limite pas aux quatre façades traditionnelles, elle transforme totalement la perception que l’on peut avoir de la construction. Et pour finir elle est destinée à contenir quelque chose quelque chose de précieux, d’important, qu’elle protège. Avec toutes les possibilités qui s’offrent aux architectes le thème de l’enveloppe n’a jamais été aussi passionnant. On observe un grand désir d’expérimentation, il est donc opportun de poser un œil sur celle-ci pour tenter d’en extraire les bons procédés et de comprendre quelles sont ses origines. La recherche esthétique et bioclimatique ainsi que la présence des normes HQE toujours plus pesantes engendrent l’utilisation de ces enveloppes, par les architectes d’une façon de plus en plus systématique. Nous pouvons également nous questionner sur l’intérêt de ces immeubles sans fenêtre, sans trait spécifique de la façade commune, pour lesquels on ne parle plus de porte ni de fenêtre mais bel et bien d’enveloppe. Ces bâtiments donnant l’impression d’édifier une architecture sans visage, une architecture masquée et nous renvoyant l’illusion de grandes boites aveugles
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introverties, investissent nos villes. Cette nouvelle architecture n’est pas seulement pensée et conçue dans les agences d’architecture, mais elle se démocratise et fait sa place jusqu’au cœur des démarches de projets étudiants. Peut-être est ce par un souci d’exercice bien plus facile que d’afficher de grands murs béton, murs tant appréciés par nous autres architectes et tant décriés par le grand public? Au prix de représailles, une architecture plus civilisée, tout en politesse se développe et la plus part des architectes prennent le parti d’envelopper leur bâtiment tel de grands paquets cadeaux au cœur de la ville. Mais que cache ce nouveau processus de fabriquer la ville et le projet architectural ? Est-ce une réponse pour une architecture en temps de crise, crise économique, sociale, politique engendrant une crise des projets architecturaux? Quels enjeux l’enveloppe met-elle en application et quels maux de notre société matérialise-t-elle ? L’utilisation de l’enveloppe est-elle une démarche d’architecte ou un principe utilisé dans certains contextes, une nécessité économique et pratique ? Nous allons, dans un premier temps, nous attarder sur l’installation historique de ce processus d’enveloppe. D’où vient-elle, quelles sont ses origines ? Quelles démarches intellectuelles véhicule-t-elle ? Et, au-delà des sempiternels débats « signe contre fonction » ou « symbole contre espace » ou des étiquettes du type « maniérisme » ou « façadisme », qu’est-ce qui se joue autour de ces façades qui n’en finissent pas de revenir, de travailler et faire travailler les architectes ? Dans une seconde partie nous nous attarderons sur les effets architecturaux, à l’aide de trois d’exemples d’époque différentes, nous étudierons les nouveaux espaces générés par de telles mises en œuvre. Quels processus de projets et quelles idéologies mènent jusqu’à la mise en place d’enveloppe architecturale? Ensuite, dans une troisième partie, nous nous demanderons si l’enveloppe architecturale est de l’ordre de la technique ou bien un simple emballage décoratif. Pour cela je vous inviterai à visionner ces différents potentiels actuels ou futurs en termes de bien être architectural ou urbain. Quelle part doit jouer l’architecture dans la ville et quelle responsabilité peut-elle avoir au sein de la vie urbaine ? Peut-elle l’améliorer? Cette réflexion nous mènera alors à une quatrième partie, nous permettant de resituer l’interaction de l’architecture d’enveloppe avec son contexte, la ville, ainsi que son interaction grandissante entre son image et les usagers. Nous y comprendrons les enjeux architecturaux qui se jouent de notre société du XXI° siècle. Suite à cette prise de conscience je souhaite que nous nous attachions à une psycho analyse de ces espaces d’entre deux produits par l’enveloppe, afin d’analyser quels effets ils
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produisent sur l’usager. En quoi est-il la cible privilégiée de ce nouvel espace apparu pour la première fois dans les années 30 ? Pour cela nous approcherons les théories de Freud et Winnicott, parlant de l’inconscient et de l’espace transitionnel, notions qui rapprochées de l’architecture nous offriront un regard neuf sur l’espace flottant qu’engendre l’enveloppe. Pour finir avec cette étude, nous allons réfléchir à son application au niveau de la sphère la plus privée qu’est l’habitat. Que nous apprennent les constructions individuelles traditionnelles, selon les cultures ? Comment ce procédé peut-il tirer parti de son passé, au cœur des édifices publics, pour servir au mieux le bien être individuel ? C’est sur cette ouverture d’une possible déclinaison des dispositifs existant à l’échelle de l’édifice public à celle du logement, individuel ou collectif, que se clôturera ce mémoire.
Je vous invite donc à vous plonger dans l’univers de l’enveloppe et vous laisser transporter par les effets qu’elle produit sur l’homme et sa société.
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I-ÉVOLUTION DES FAÇADES AU COURS DE L’HISTOIRE
Cathédrale de Chartres1
1 http://www.cathedrale-chartres.org
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Qui est apparu le premier de l’œuf ou de la poule ? Cette même question absurde peut être posée entre le toit et le mur. Elle a le mérite s’interroger sur le fait de savoir si l’homme a d’abord eu nécessité de se protéger des éléments climatiques (pluie, grêle, neige…) ou bien des agression physiques dues aux bêtes sauvages. Il est sur que l’homme a eu besoin de construire pour se protéger des intempéries climatiques qu’il s’agisse de la chaleur, du froid, vent ou de la pluie. Par la suite, il a éprouvé l’envie de délimiter sa sphère privée. Tout individu a en mémoire une maison de famille, une grange d’enfance, un château fort ou tout autre construction explorée dans laquelle les pièces étaient si sombres, les murs si épais et les ouvertures si petites que l’on y ressentait le goût de l’obscur et du mystique qui habitait les lieux à l’époque. Autrefois, la dimension des ouvertures était essentiellement définie par la question de déperdition calorifique et non par recherche constructive. Avant l’existence du verre à vitre qui ne sera vraiment répandu qu’à partir du XV° siècle, toute ouverture était source de porosité climatique d’autant plus importante qu’elle était grande. Petit à petit, l’usage du verre translucide s’étend et la préférence pour l’obscur s’inverse, pour laisser place à la clarté non sans l’aide d’avancées constructives. L’essor du gothique prône et permet techniquement l’ouverture toujours plus grande de la peau extérieure des bâtiments mais exclusivement dans un cadre religieux pour que la lumière, venue du ciel, inonde des cathédrales comme à Bourges ou à Chartres par exemple. L’ électricité et le gaz n ’existant pas il faut alors redoubler d’ingéniosité pour faire pénétrer la lumière dans les édifices. L’enveloppe se transforme alors en un squelette nervuré d’arcs et de piliers qui affranchissent les murs extérieurs de leur unique fonction porteuse. Elle devient plus élancée, la morphologie des édifices religieux se modifie considérablement pour se parer d’une dentelle de lumière constructive. Mais parallèlement, le logement conserve longuement ses petites fenêtres du fait du prix du matériau verre. Il faudra attendre l’industrialisation, pour que l’habitat bénéficie des mêmes avantages lumineux que les édifices religieux. Dès la révolution industrielle, le verre et le fer deviennent les matériaux fétiches du monde du bâtiment et les avancées apparaissent à allure effrénée. La dématérialisation est le maître mot de cette période au profit de la structure porteuse notamment illustrée par les grandes serres édifier par les jardiniers, entrepreneurs et ingénieurs. L’enveloppe devient alors
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Cristal Palace - Joseph Paxton2
ici un véritable filigrane, telles les nervures d’une feuille d’arbre, au profit de l’ensoleillement intérieur que nécessitent de tels programmes. Il est important de noter que, pour ce type de constructions, cette transformation radicale de l’architecture et donc des façades s’effectue pour la grande majorité sans architecte. C’est bien, un jardinier de formation, comme joseph Paxton qui peut s’affranchir des canons de beauté de cette époque au bénéfice de grands édifices, recherchant une enveloppe optiquement abstraite, tel le Crystal palace londonien. Il est important, à l’époque, d’offrir des lieux agréables propices au commerce par leur clarté et moins coûteux en termes de construction, également rapides à installer et à démonter ainsi qu’accessibles à un nombreux public. C’est en ce temps que les serres habitables se démocratisent et font apparaître de nouveaux espaces architecturaux et donc de nouveaux usages qui les accompagnent. Passages couverts parisiens, gares, grands magasins se parent alors de verrières qui servent à abriter bon nombre de lieux collectifs et semi intérieurs. A la fin du XIX, la serre est domestiquée par les architectes et se transforme en véranda, offrant à l’habitat de nouveaux espaces de vie avec des propriétés thermiques non négociables. Outre atlantique, simultanément, l’architecture commerciale aussi pose question, ce qui pousse l’innovation architecturale. Les magasins ont besoin de grandes ouvertures pour rendre plus visible leurs offres. Apparaissent, alors, au milieu du XIX, les immeubles à structures métalliques. Les incendies de Chicago (1871 et 1874), tristement célèbres, du fait qu’ils interdisent par la suite l’usage du bois, obligent les architectes à innover, à adopter de nouvelles techniques. Ils offrent l’opportunité de la démocratisation des structures poteauxdalles et des murs-rideaux. Le regain d’intérêt pour l’architecture et l’essor économique se traduit par l’écoute du besoin d’espace intérieur de plus en plus libre. Seuls quelques points porteurs sont tolérés. La façade en subi les répercutions, elle devient de plus en plus vitrée même si les habitudes architecturales sont difficiles à abandonner. Ainsi, elle conserve, encore quelques temps, les stigmates des conceptions passées tels que des socles de pierres à fort bossage ou encore une différenciation en façade des différents niveaux suivant leur fonction. C’est donc à cette époque qu’apparaît la liaison étroite entre la fonction intérieure d’un édifice et sa forme extérieure. Le « Form follows fonction » de Sullivan reflète cette idée, tout en conservant une part d’ornements nécessaires à l’enrichissement du bâtiment. La peau extérieure devient de plus en plus indépendante, par conséquent elle se dissociera naturellement de la structure porteuse au fil des années. Pour la seconde fois dans l’histoire, l’innovation se fera, sans l’aide des architectes, trop ancrés dans leurs habitudes et leurs revendications stylistiques. Ce sont des besoins fonctionnels, une soif de lumière toujours plus grandissante, qui poussent Richard Steiff,
Carson Building - Sullivan- Chicago3 2 http://www.pkfoot.com/38712/championnats/angleterre/dou-proviennent-les-surnoms-clubs-foot-anglais 3 http://artebajocinca.blogspot.fr/2010/05/arquitectura-y-urbansimo-del-siglo-xix.html 12
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Société Margarethe Steiff GmbH 4
Usine Fagus5
Hallidie Building 6-7 4-www.steiffnews.com/margaretsteiff2.asp 5- http://fr.wikiarquitectura.com/index.php/Usine_Fagus 6-http://en.wikipedia.org/wiki/Hallidie_Building 7-http://www.socketsite.com/archives/2012/01/sorry_cardinal_but_lets_hear_it_for_the_hallidies_blue.html
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inventeur et entrepreneur, neveu de la fondatrice du fabricant de jouets Margarete Steiff GmbH, à suspendre une peau de façade double en panneaux translucides, créant ainsi une façade homogène sur trois étages. (1903)WVV. Nous pouvons noter toutefois que cette prouesse est encore réservée aux usines et se situe en périphérie des villes. Ce dispositif n’a donc pas encore acquis ses lettres de noblesse et les qualités urbaines qui lui seront, plus tard reconnues, ne sont pas encore envisagées. Cependant, cette modification de façade reflète une volonté de pureté et également d’honnêteté sociale que revendique la société de l’époque:« le verre le matériaux qui, plus que tous les autres, est capable de représenter la complexité de notre société actuelle » . Ainsi un immeuble totalement vitré n’a rien à cacher de ses usages et donc ses usagers rien à se reprocher. C’est avec Walter Gropius en 1911, que l’introduction en ville, de la façade totalement vitrée, franchit sa première étape, lors de la construction de l’usine Fagus qui est la première à comporter une façade de verre suspendue et donc libérée de toutes ses fonctions porteuses. Il affirme ici, la volonté clairement énoncée, d’affranchir la façade de la structure et réalise le premier mur rideau. Il affiche, sans ambiguïté, son objectif avec le traitement de cet angle en verre sur trois niveaux ne présentant aucun poteau aux passants. Une sensation de légèreté émerge alors de la façade. Toutefois, la réelle arrivée d’un mur rideau sur une façade en centre urbain est due à Willis Polk qui pare le Hallidie building (1917) d’une double façade vitrée sur quatre niveaux. La sensation, perçue du coté urbain, par un tel dispositif, est que la vie interne du bâtiment est comme encadrée, mise en scène ou en valeur. L’ édifice attire le regard, la curiosité et participe à la scène urbaine. Le monde de la finance est mis en valeur, il est assumé aux yeux de tous. Il est bien le reflet de la mentalité de cette nouvelle société tendant vers une société d’image, qui veut tout montrer voir assumer sa modernité et même la venter. A travers ces deux exemples, nous voyons clairement que l’évolution de la société modifie la conception des bâtiments : un principe de façade purement dicté par des besoins fonctionnels, pour l’usine GmbH est ensuite, réemployé, pour le building Hallidie, mais reconsidéré pour participer à l’urbain. Le fait d’introduire une telle façade en ville modifie foncièrement les comportements, et les usages des personnes pratiquant la ville autant que ceux utilisant le bâtiment. Dans les années 70, le mouvement international facilite la multiplication des murs-rideaux dans le monde entier. La façade de verre trempé devient alors le symbole de l’immeuble de bureau. La propagation des façades lisses et identiques est aussi due à l’apparition de nombreux architectes anonymes et de promoteurs. Les créations de façades élégantes, conçues à l’origine dans un esprit créatif, dégénèrent en surfaces monotones.
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“La fonction des architectes consiste à comprendre la profondeur de la vie, à réfléchir sur ses besoins jusqu’aux conséquences extreêmes, à aider els personnes économiquement faibles, à équiper le plus grand nombre possible de ménages d’utilitaires parfaits ; mais leurs fonctions ne consiste jamais à inventer de nouvelles formes.” Adolf Loos, 1934
Villa Müller - Adolf Loos8
L’exploitation d’un système à son extrême, tend à générer des façades fades et monotones qui contaminent le paysage urbain sans lui donner de véritable visage. La pluralité des façades vise à disparaitre avec l’exploitation et l’engouement pour les murs-rideaux. Notons que depuis le début de l’étude de l’évolution historique des façades, les modifications se portent essentiellement sur les usines, les bâtiments d’entreprise ou autres bureaux. A l’instar des architectes du XIX siècle qui ne se préoccupaient que de grands programmes publics, les façades ont beaucoup évolués au sein des bâtiments publics délaissant l’habitat. C’est au XX siècle, une fois le dispositif maîtrisé, que les architectes se tournent vers le logement. La question de la lumière, sa place dans les constructions et son introduction, plus particulièrement, dans l’habitat est, à partir de ce jour, une préoccupation majeure en architecture. Il suffit de se pencher sur les revendications du mouvement moderne pour l’illustrer simplement. Transparence et structuration pour Mies Van der Rohe, hygiénisme et recherche de l’ensoleillement chez Le Corbusier amorcent le long règne du mur rideau. L’architecture doit alors s’affranchir du dogme de la décoration et servir des causes plus nobles, s’élever au rang de bienfaitrice et servir le progrès de l’humanité. Avec l’invention et la démocratisation de l’utilisation du béton armé, au début du XX° siècle, la fusion structure ossature prend totalement fin. Tout à coup la fusion des fonctions structures porteuses, isolation, étanchéité, vue, finitions, ornements... ne sont plus liées à la même et unique épaisseur. Chaque partie peut exister indépendamment, à la guise de l’architecte, et pour servir le projet. Une liberté sans précédent est née, et les architectes du mouvement modernes vont l’exploiter en générant, notamment, la réputée façade libre. L’ornement est alors déclaré futile et l’architecture doit parler de sa fonction et de son but précis et ne pas se perdre dans des exercices superflus. Elle doit se recentrer sur ce qui est capital pour l’époque. Adolf Loos, après sa critique de l’ornement dans son œuvre “ornement et crime”, se penche sur l’enveloppe du bâtiment et s’appuie également sur les mêmes théories que Gottfried Semper, à savoir que l’architecture doit, dans l’habitat, constituer des espaces “chauds et intimes” en référence à la fonction similaire que remplissent les vêtements. Les fenêtres des maisons que construit Loos sont relativement petites, souvent opaques ou recouvertes de rideaux, elles laissent passer la lumière et non le regard et donnent un sentiment de protection et de sécurité. Les ouvertures défient les lois de la transparence et de la perspective. Une fois les rideaux tirés, ces maisons doivent permettre à leurs habitants, pour un moment, de s’extraire du monde et de se recentrer sur eux-mêmes et sur le privé. Il suffit de jeter un œil à la maison Müller pour comprendre la mise en œuvre de ces principes. Loos crée un espace intérieur soucieux des ambiances suivant les différentes fonctions, les hauteurs de plafonds sont différentes suivant qu’il s’agisse d’une pièce de vie familiale, plus intime ou de passage. Les niveaux se
8- http://sharicheung.blogspot.fr/2008/03/1-1-adolf-loos-villa-mller_11.html
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Villa Müller - Coupe ombrée9
Villa savoye- Le Corbusier-10
multiplient et communiquent ensemble sans la désagréable sensation de rupture. En bref un souci de vie intérieure est clairement exprimé ici, tout autant que l’envie de la préserver par la mise en place de petites fenêtres qui forment une façade comportant de très faibles ouvertures visant à réduire les échanges visuels venant de personnes extérieures. Tout est mis en œuvre pour respecter le calme et l’intimité de la famille. La société de l’époque différencie alors clairement ce qui est de la scène publique et de la relation privée. Ces deux sphères ne se mélangent pas. Le dehors, «domaine de l’échange, de l’économie et des masques» est effacé au profit d’un retournement vers le dedans, lieu privilégié, selon Loos, «de l’inaliénable, du non-échangeable et de l’indicible.» Depuis l’extérieur, ce que propose Loos aux regards des passants, est une enveloppe austère et froide qui dissimule la vie privée. Rien ou presque ne doit filtrer derrière ce masque d’anonymat, de moralité et de respectabilité. Les façades deviennent libres de leur expression et de leur fonction : sobriété, et protection vis à vis de la sphère privée. L’importance à l’époque est de créer, pour les familles, un espace de vie à la fois fonctionnel et protecteur. L’attention est donc portée sur l’agencement intérieur et centré sur la vie familiale au sein de la maison. La conséquence sur la façade est donc sa neutralité avec l’exigence de ne rien laisser transparaître de ce qui peut se passer à l’intérieur. Le Corbusier d’ailleurs, avec ses “machines à habiter”, conçoit la façade comme un appareil photo qui souligne des cadrages permettant de transformer la fenêtre comme véritable tableau servant à l’ambiance intérieur de l’habitat. Depuis l’extérieur, elles deviennent l’indice qui permet de lire l’aspect rationnel et fonctionnel de la structure de l’édifice. La surface de la façade permet donc, pour Le Corbusier de passer vers l’au delà. En effet, à l’intérieur, elle permet le lien vers le paysage , grâce à ses grandes baies en horizontal et donc voir au delà de la limite que constitue la paroi ; de l’extérieur la façade permet de comprendre l’esprit de l’organisation intérieur du bâtiment. La façade possède donc une valeur secondaire, une valeur de «superflu nécessaire». La notion de frontière est clairement comprise et celle-ci est travaillée en tant que telle. Doit-elle être fermée comme chez Loos ou plus largement franchissable comme le souhaite Le Corbusier ? Les constructions ne se suffisent plus à elles mêmes comme objet architectural mais tiennent compte de leur contexte et de la relation qu’elles entretiennent avec leur site ainsi que les personnes qui le pratiquent. De cette époque ressort l’intérêt de créer un habitat fonctionnel et donc d’afficher un souci de bien être de la personne. C’est le début, en quelque sorte, d’une société marquée par le souci de l’individu et de sa manière de vivre. Une autre considération apparait également c’est la préoccupation de l’urbain et de l’interaction entre l’objet architecturale et l’urbanité. L’architecte prend conscience que l’architecture porte un impact sur la ville, qu’elle change le rapport à la rue suivant sa façade
9-http://xiaonanquan.blogspot.fr/2010/04/parti-poche-diagram-of-villa-muller.html 10-http://blog.parisinsights.com/a-masterpiece-of-modern-architecture/
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Renhovation tour Lopez -Paris-11
et que la réciproque est également possible. En effet, une certaine configuration urbaine engendrera une certaine architecture. Ces prises de conscience sur la manière de constituer le projet va considérablement modifier les mentalités et commencer à placer l’homme au centre du projet. Un peu plus tard dans l’Histoire, au moment de la crise pétrolière des années 70, les immeubles d’après guerre construits en masse pour reloger les sinistrés, sont pointés du doigt. Plusieurs critiques leurs sont faites. Les bâtiments à mur rideaux ne peuvent pas être aérés, sauf à l’aide d’une climatisation, et ils présentent tous de sérieux problèmes énergétiques. Le défaut d’isolation est la tare de cette génération d’immeubles. Ces critiques couplées à une prise de conscience environnementale vont entraîner une vaste campagne de réhabilitation ayant pour conséquence la modification du visage des immeubles et notamment la mise en place d’une peau secondaire visant à résoudre les soucis thermiques. Les immeubles passoires, construits en urgence après guerre, pour reloger le maximum de personnes dans le besoin, doivent être “réparés”. La solution, adoptée en majorité, est de les envelopper, comme sous une cloche, mais cette fois ci en tenant compte de la possibilité d’aération. Une rénovation connue est celle du bâtiment parisien accueillant les bureaux de la CAF réhabilité par l’agence ARTE Charpentier. Ce bâtiment ,réalisé en 1959 par Raymond Lopez, souffre de déperditions hivernales et de surchauffes estivales, du fait de sa façade suspendue intégralement par les grilles en façade au dernier plancher de l’ossature réalisant ainsi un véritable rideau stricto sensu. La rénovation consiste alors en la constitution d’une double peau générant un vide ventilé et visitable de 60 centimètres. Cette modernisation, comme la majorité de celles effectuées sur les édifices de cette époque, vise à la performance thermique, climatique, acoustique, lumineuse et visuelle. Nous comprenons bien, qu’à chaque époque, une préoccupation précise fait œuvre en architecture. Une fois le but atteint et admis dans le processus de projet, que ce soit pour l’intérêt de la clarté ou pour différentes visées fonctionnelles, l’architecture se tourne vers un autre territoire à conquérir ou se penche sur les problèmes engendré par les procédés précédents. L’utilisation généreuse du verre en façade, ces dernières décennies, a permis l’émergence d’enveloppes nouvelles. Elles apparaissent comme la solution permettant d’adapter le confort intérieur, sans pour cela remettre en cause la façade légère et les grands vitrages reconnus comme une avancée technologique et architecturale. Je pense maintenant opportun de quitter l’histoire de l’architecture globale pour nous attacher à trois exemples qui permettront de comprendre plus précisément l’évolution des la façade enveloppe, de ses prémices à nos jours.
11- http://www.arte-charpentier.com/fr/projets/1289-tour_lopez.html
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II- EXEMPLES D’UTILISATION DE L’ENVELOPPE ET EFFETS ARCHITECTURAUX. Je vous propose maintenant de nous pencher sur quelques exemples afin de comprendre d’autres mécanismes de projets qui engendrent des façades enveloppes dès la conception et non pas comme pansement énergétique. Pour cela je débuterai l’étude par la maison suspendue de Paul Nelson qui est pionnière dans la conception d’un habitat avec une enveloppe résille. Je poursuivrai par le musée Cabrillo Marine de Franck Gehry qui relie les différentes parties de corps de bâtiment par une structure aérée. Et pour finir, nous regarderons le projet de Dominique Perrault : le grand théâtre d’Albi qui adopte une nouvelle façon de mettre en place une enveloppe autour d’un édifice public afin de le faire participer à la vie urbaine. Je développerai ces exemples, dans l’ordre chronologique de leur conception, afin de mieux percevoir en quoi les mentalités de la société ont évolué. Nous nous demanderons, pour chaque cas, dans quels contextes politiques et économiques ils ont été édifiés, puis s’ils ont été bien accueillis par la critique et bien sur quels concepts l’architecte a voulu mettre en place à travers ces réalisations.
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1-La maison suspendue -Paul Nelson- 1936/1938
Maison suspendue Paul Nelson12
Je vais débuter les illustrations par le projet de la maison suspendue de Paul Nelson. Ce projet, non réalisé, est pourtant représentatif d’une époque bien précise et marque un tournant dans la manière de concevoir le projet architectural. Pour bien comprendre les enjeux de cette conception, je vous propose d’en apprendre un peu plus sur son auteur. Paul Nelson, américain, fait ses études aux Beaux arts de Paris. Il travaille par la suite dans les ateliers d’Emmanuel Pontremoli, puis ceux d’Auguste Perret. Il devient alors ami avec de nombreux artistes et associe l’aspect artistique à l’architecture. Ceci est un de ces fondements, il ne reniera jamais cette caractéristique. C’est également un homme de la renaissance, il est un véritable créateur, la curiosité et l’inventivité sont des traits de caractère très marqués chez ce personnage et qu’il développera chez Perret. Durant la seconde guerre mondiale, il est président du mouvement « France For Ever ». Son objectif principal est de propager la culture française en Amérique. Par la suite, il épouse une française et s’installe en France, car il y estime la vie plus décontractée. Cet homme s’interroge beaucoup sur la manière dont les personnes vivent, perçoivent et évoluent dans ses constructions. Les usages et l’appropriation des espaces par les usagers sont des éléments très importants pour lui. Parallèlement, l’architecture des années 30, tend à développer une construction ayant un plan qui n’intègre aucun élément portant et ou la structure est placée à l’extérieur de l’enveloppe et se présente comme un treillis métallique apparent. Je vais tenter de démontrer que la maison suspendue franchit une étape supplémentaire par rapport à cette manière de concevoir la structure. La commande de cette maison est effectuée par un artiste : Jean Helion. Il formule ses vœux dans un cahier d’art, en 1935, avec un article intitulé : « Termes de vie, termes d’espaces ». Jean Helion explicite clairement qu’il souhaite « une maison qui soit un organisme rythmé, un être, un terme qui aide la vie, le nid aide à mûrir, moulé sur lui, qui aide tous les aspects de la vie, ceux du corps et de l’esprit sans les séparer davantage » , mais il souhaite aussi, « un lieu d’isolement permettant tous les degrés d’intimité et de réclusion » . Il pense que la maison doit être conçue verticalement, en même temps qu’horizontalement pour engendrer des espaces fluides et vivants. L’espace et son organisation est un problème inhérent à l’architecture. “C’est à ce seul prix qu’elle peut avoir un sens plastique ». Helion a déjà une idée bien précise de la fonctionnalité de sa maison, et l’originalité de la demande va pousser Nelson à lui répondre : « une architecture qui libère l’individu de la sensation d’un mode empirique de vie imposé, une architecture qui
12- http://arpc167.epfl.ch/alice/WP_S10/?attachment_id=2943
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Maison suspendue Paul Nelson13
Maison suspendue - coupe-14
stimule la sensibilité de l’homme par le jeu de contrastes de ses volumes et de ses formes». Cette citation montre bien que Nelson a bien pris en compte la demande d’Helion qui recherche une composition nouvelle de la mise en espace. Suite à cette échange, Paul Nelson se demande si la maison et l’habitat en général ne pourrait pas être autre chose qu’une boite muette et si les fonctions par lesquelles elle est remplie ne pourraient pas échapper à cette “gravité euclidienne” qui caractérise les projets de cette époque qui multiplie et paralyse l’esprit. Il exprime que finalement, la maison doit développer « dans toutes ses dimensions », « une architecture dans tous les sens, comme un morceau de la sculpture, dans laquelle diagonales, coupes verticales, horizontales et angulaires sont faites sans parvenir à des solutions traditionnelles» . Il veut se libérer du plan classique qui superpose les étages les un aux dessus des autres et d’un mode de vie rigide. Le projet énoncé illustre fort bien ce principe qui se propage à peu à peu la société architecturale. Le projet idéal de la maison suspendue sous la forme d’une spatialité antigravitationnelle douée d’une flexibilité maximale est donc capable d’offrir des variations physiques et psychologiques à la limite du surréalisme. La maison ne doit donc pas, pour Nelson s’en tenir à des fonctions bien mises en forme, en ordre et en aucun cas se réduire à une simplicité d’utilisation, elle doit prendre en compte la mobilité, le déplacement. Il introduit la notion d’architecture à quatre dimensions en incluant la composante du déplacement architectural comme base génératrice d’architecture. La maison doit laisser une emprunte sur l’usager autant psychologique que physique. D’ailleurs il exprime, à propos de sa maison que : “ la construction générale de la maison consiste en une construction extérieure, rigide, à la quelle sont suspendues les pièces intérieures.» C’est ce principe de suspension des pièces qui permet de trouver à l’intérieur une liberté absolue et un maximum de flexibilité de distribution, puisqu’il n’y a plus de colonnes, mais seulement des espaces libres dans lesquels évoluent des volumes et des courbes. Pour Nelson, la maison doit exprimer, avec un égal respect, la vie privée et la participation du public. Il définit l’homme comme en « perpétuel dialogue » entre la société et une vie privée intérieure. La prise en compte de ces principes altère complètement la conception de la maison car elle devrait constituer un lieu dans lequel l’homme peut se retirer temporairement, et non en permanence. Nous comprenons alors que dans l’esprit de Nelson, une personne ne peut dissocier totalement sa vie intime, de sa vie privée mais que cette dernière doit être malgré tout préservée. Il est donc l’architecte pionnier qui se soucie de l’impact de l’architecture d’habitat sur l’urbain. Il parle même de dialogue et exprime donc la réciprocité de cette pensée. Au delà de la simple fonctionnalité, Nelson s’inquiète de l’état psychologique des usagers, de leur sentiment aise, malaise, vue ou caché à tous endroits de la maison.
13- http://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action 14- http://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action
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Parallèlement à cela, Nelson se préoccupe de la structuration de l’espace et de l’utilisation de la préfabrication. Ceci l’amène à créer deux grands portiques d’acier sur lesquels vont être suspendus les organes de la maison, le tout mis en place dans une cage d’acier, un claustra losangé. Ce claustra, cette enveloppe permet de servir les principes énoncés un peu plus haut et chers à cet architecte, à savoir : le vécu de l’espace, la sensation d’un espace intérieur protégé; espace qui conserve la sphère privée tout en participant également à la vie de la société en autorisant des échanges visuels bien définis. Ainsi l’enveloppe grillagée de Nelson est l’expression matérielle de son envie de liberté spatiale intérieure. Paul Nelson, par un tel dispositif semble prendre ainsi ses distances avec l’esthétique de Le Corbusier. Il ne conçoit pas sa maison sur les principes de plan libre de Le Corbusier mais plutôt sur l’espace libre. Il édifie une structure capable, structurellement stable, qui va accueillir les différentes pièces de la maison. Il conçoit d’abord l’architecture de ce projet par le vide. Nelson se rapproche de la section libre avec un espace intérieur entièrement exempt de colonnes et de parois. Vingt ans après la parution de ce projet, nous trouvons dans les écrits, un enthousiasme pour l’écriture architecturale déployée par Nelson dans la conception de la maison suspendue. Notamment à la lecture du “Carré bleu” , écrit en 1961 par Aulis Blomstedt, dont le questionnement porte sur la forme architecturale, nous comprenons que la maison est considérée comme “une forme architecturale épanouie et en même temps une structure extrêmement ferme». «Elle fait penser à une noix dans sa coquille», à la différence que la coquille est une résille qui laisse circuler le regard, et donc, permet de nombreux échanges intérieurs/urbains. La notion de continuité est couplée à la notion de propriété. En effet la limite de l’enceinte de la maison est clairement marquée par l’enveloppe claustra mais elle ne constitue pas une rupture visuelle. Elle représente la limite symbolique nécessaire à l’individu pour marquer la propriété vis à vis de la société et de sécurité pour les habitants de la maison. Une telle enveloppe ne serait- elle pas le substitut de la clôture pour le jardin? Elle permet de lier en marquant la différence, un espace de transition entre deux états, deux situations. La capacité de Nelson, à vouloir comprendre l’expérimentation de l’espace habité, engendre une contradiction inhérente entre l’orientation du public et l’introspection. C’est pourquoi le système de grilles, comme enveloppe, permet au mieux de gérer ces deux phénomènes. L’auteur du “Carré bleu” va jusqu’à qualifier le projet de : «model de l’espace architectural du XX siècle qui se présente au public pour la première fois.» Cette enveloppe capable permet également de prévoir l’évolution des fonctions du bâtiment et les besoins des utilisateurs. En effet dans ce volume, défini par la résille métallique, il est tout à fait possible de rajouter ou de soustraire un volume en fonction des besoins des propriétaires. Cette façon de composer le projet permet de prendre en compte l’évolution
15- http://www.lecarrebleu.eu/PDF_INTERA%20COLLEZIONE%20LCB/FRAPN02_CARR_1961_001.pdf
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dans le temps de la maison, tout en lui conservant sa façade d’origine. Le projet ne deviendra alors jamais une somme d’extensions rajoutées les unes aux autres par ajouts successifs. Nelson est en constante recherche d’une architecture vivante, et cette maison illustre bien les atouts d’une enveloppe capable. Nous pouvons dire, qu’à cette époque, la mise en place d’une telle enveloppe est la conséquence d’un intérêt tout particulier pour l’architecture évolutive, pour le bien être psychologique des habitants au sein de la famille mais également de la société et traduit l’ambition d’une architecture flexible offrant toutes sortes de mutations et d’évolutions. Nelson pense que la forme architecturale est soumise à une évolution commune à toutes les autres manifestations appartenant au domaine de la civilisation. Je vous propose maintenant d’effectuer un bon, dans le temps, d’une quarantaine d’années, pour atterrir au cœur d’une nouvelle manière de concevoir l’architecture et d’en interpréter les concepts. Le projet suivant met en jeu un édifice recevant du public qui doit nécessairement générer la prise en charge du déplacement d’un groupe d’individus.
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2-Cabrillo Marine museum - Frank O Géhry- 1977/1979
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Je vais vous inviter maintenant à observer une œuvre de Franck O Gehry peu connue du grand public. Dans la carrière de cet architecte et sa pratique de l’architecture, trois périodes sont clairement distinctes. La plus connue est la dernière avec la confection des formes à tendance sculpturale durant laquelle il produit le musée Guggenheim. Frank O Gehry est un architecte américano canadien. Il est né à Toronto en 1929, il étudie les beaux-arts et l’architecture à l’université de Californie du Sud à Los Angeles et également l’urbanisme à la Graduate School of Design, à Harvard. Il appartient au mouvement moderne. Il affiche clairement, dans les premières agences où il a travaillé ainsi que dans ses premières réalisations propres, un intérêt pour les vastes espaces ainsi que pour les grands contenants regroupant les organes d’un même projet. Il conçoit une immense enveloppe qui réunit des organes indépendants les uns des autres, comme pour le studio résidence à Malibu (1968-1972), où il crée un spacieux espace contenant, à l’intérieur, les différentes pièces. Il offre une liberté aux différents organes programmatiques d’un projet en les regroupant dans un large volume. A cette époque, ce processus s’opère dans une enveloppe structurelle et totalement opaque au regard telle une couverture enveloppe un corps humain pour le protéger, le réchauffer. Il expérimente le même procédé quelques années plus tard pour le Santa Monica place (1972-1980) ou il relie les différentes parties du centre commercial par une rue couverte. Gehry évolue dans sa manière de concevoir l’architecture. Il demeure moderne mais introduit une syntaxe post moderne en faisant éclater les boites à l’intérieur des bâtiments. Il dévie peu à peu du mouvement moderne en testant et faisant des expériences architecturales qui génèrent des volumes insolites, encore jamais vus. Gehry est un architecte qui, par sa curiosité et sa soif de connaissances, cherche à s’affranchir des conventions. Au moment où les formes architecturales se doivent d’être épurées et évocatrices de leurs seules fonctions, il crée des formes désaxées et recherche l’ampleur et l’envergure. Pour l’exemple de l’aquarium du Cabrillo marine, Gehry conçoit un grillage qui vient se placer entre les blocs plutôt épurés, renfermant des fonctions du programme essentiellement extérieur. Ce grillage est rapporté à un ensemble de bâtiments. Il pourrait paraître futile, considéré comme du magnétisme, du formalisme. Pourquoi met-il en place cette structure ? Est- ce par pure considération de la forme architecturale ? Et donc peut-il être accusé de formalisme comme il l’est souvent dans les critiques architecturales ?
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Cabrillo Museum - Franck Ghéry-18-19
Est- ce la simple considération de la forme qui le pousse à mettre en place une telle structure ou existe- t-il d’autres raisons? Nous allons voir, comment, dans ce projet, émerge les prémices de son style architectural reconnu internationalement. Le bâtiment du musée marine pourrait tout à faite exister en tant que tel sans cette structure grillagée, non structurelle qui englobe certains volumes et en regroupe la plupart. En réalité, nous devons prendre conscience que si ce dispositif n’était pas mis en place, le bâtiment n’aurait pas la même relation avec son entourage ni le même répondant à l’espace urbain, et la qualité de vie, au fil du parcours du musée, en serait totalement transformé. En effet, Gehry met en place cette infrastructure sur cet édifice, afin de donner une impression d’ampleur à son bâtiment, dans le même but qu’il a pu le faire sur la Gehy house. Il veut également créer l’impression d’une grande cour centrale. Le fait que les parties construites du musée soient ainsi jointes par une telle structure permet de les rapprocher et de les identifier comme appartement à la même entité, à la même enceinte. Le doute n’est alors plus permis. Il existe un sentiment d’intériorité même dans la cour centrale et extérieure du musée. A partir du moment où le visiteur pénètre dans le musée, il est pris en charge par l’architecture, il n’a plus à réfléchir pour savoir où il doit aller, où s’il est dans la bonne direction, il n’a plus qu’à se concentrer sur l’exposition. Certes un tel dispositif peut, pour les puristes de l’architecture moderne, être considéré comme un crime puisqu’il n’apparaît pas comme élément structurel du projet. Cependant, il est indéniable que cette mise en place apporte une amplitude à l’espace extérieur. Effectivement, plutôt que d’avoir à faire face à l’infinité du ciel lorsque nous quittons une partie du musée, le grillage apporte un rapport à la hauteur. C’est à dire que nous percevons un plafond et donc une hauteur maximum, mais contrairement à une limite opaque, cette trame ajourée permet la vue du ciel. Ainsi, le visiteur se sent comme protégé par ce grand volume auquel s’ajoute, à l’espace vécu, une impression de grandeur, de monumentalité. Tous ces faits sont clairement compréhensibles en observant les coupes ci jointes à gauche. Imaginez les sans ces volumes rouges. Le bâtiment deviendrait alors beaucoup plus comprimé et perdrait de sa prestance. Quand je parle de prestance, je veux dire que le bâtiment se trouverait aplati. Il se résumerait à quelques volumes cubiques juxtaposées ou éloignés les uns des autres. La structure grillagée permet de lui retirer un peu de la gravité et de la pesanteur inévitable induite par la forme simple des volumes épurés du programme. Je pense pouvoir dire que Frank O Gehry, par ce traitement du bâtiment, a souhaité créer une uniformité ou du moins une unité tout en laissant la lisibilité de la partition programmatique de l’édifice. Encore une fois, par une telle mise en œuvre, l’architecte offre une lisibilité et un
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échange entre urbain et architecture. L’usager est au centre du projet, la préoccupation de savoir comme il ressent l’espace et comment il le parcourt est une des composantes génératrices du projet. Je me permettrai d’avancer que les architectes se recentrent sur l’individu ainsi que sur son ressenti architectural. Cet exemple, qui met en œuvre une enveloppe n’englobant que partiellement le bâtiment permet néanmoins de comprendre le changement d’idéologie qui s’opère dans l’architecture. Le besoin d’encadrer les usagers et d’offrir une prestance au bâtiment est une constante perçue chez Géhry à partir de ces années là. Le temps de se rapprocher de notre époque actuelle est arrivé, nous allons nous pencher sur l’œuvre de Dominique Perrault qui voue une attention toute particulière dans nombreux de ses projets.
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3-Grand théâtre d’Albi-Dominique Perrault- 2009/2014
Grand théatre d’Albi -Dominique Perrault-22
Le dernier projet que j’ai sélectionné pour cette partie «illustration» et qui permet de comprendre l’évolution et les constantes des questionnements en architecture concernant l’enveloppe, est celui de Dominique Perrault pour le grand théâtre de la ville d’Albi. Je réalise volontairement une ellipse temporelle, mon choix étant justifié du fait que cet architecte se caractérise des constructions ayant pour élément extérieur une enveloppe architecturale non porteuse et perforée. Dominique Perrault est une figure de l’architecture française depuis qu’il a remporté le concours pour la Bibliothèque nationale de France en 1989, période où la génération d’architectes postmodernes tire les rênes de l’architecture. Ce mouvement revendique, entre autre, une forte révolte contre le monde doctrinal existant mais surtout prône le sentiment au contact de l’architecture et de la quatrième dimension, le temps et donc le déplacement, en architecture. Il est alors important de vivre le présent, le parcours dans un édifice. Cette période, fondatrice de la société de la seconde moitié du XX° siècle, est marquée par l’explosion de la culture de masse, relayée par une industrie des médias toujours plus puissante. Quelques années après, Dominique Perrault a eu l’honneur d’être élu comme commissaire du Pavillon de la France à la Biennale d’architecture de Venise 2010. Ceci lui vaut une notoriété et l’élève au rang d’architecte référence d’une époque, notre époque contemporaine. Ces concepts et ces idées intéressent de plus en plus les médias et le corps professionnel de l’architecture. Dominique Perrault ayant l’envie de transmettre, il se prête aisément aux jeux de la communication médiatique. Il va donc être d’autant plus facile pour nous de comprendre les mécanismes sous-jacents d’une telle production architecturale. Sur son site internet, il explique sa préoccupation pour le territoire qu’il pense en incessante mutation. Les constants changements du milieu ont pour conséquence d’accroître la complexité, la disparité, la densité de ces espaces. De ce fait, il n’est plus possible d’y associer une seule architecture dont la terminologie se résumerait aux mots “murs”, “portes”, “façades” et “toitures”. Il fait donc de la lisibilité urbaine son cheval de bataille et souhaite réconcilier architecture et ville. Il désire penser l’architecture comme composante à part entière du paysage. Dominique Perrault explique que ce procédé d’enveloppe lui permet d’édifier ou bâtir, sans que l’objet opacifie le diaporama dans lequel vous venez de le poser. Il exprime que ceci n’a pas à voir avec l’échelle des choses mais bien sûr d’avantage avec les matériaux, mais plus
22 - http://www.perraultarchitecte.com/fr/projets/2545-grand_theatre_dalbi.html
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encore avec ce que vous attendez de l’architecture. Pour Dominique Perrault, “Le matériaux de l’architecture d’aujourd’hui, ce n’est plus inexorablement le verre, le béton, le métal, mais le territoire tel qu’il existe, tel qu’on l’infiltre, tel qu’on y circule.” Peut-être pense-t-il que la maitrise de l’architecture objet est dépassée et que pour survivre, l’architecture doit s’attacher à de nouvelles composantes que sont la vie sociale et urbaine. L’architecture ne doit plus être muette et égocentrée, elle doit s’ouvrir à son entourage, son site. La notion de dialogue est, comme chez les précédents architectes évoqués, c’est une composante fondamentale dont doit prendre compte l’architecture. Nous pouvons nous demander si Dominique Perrault n’est pas plus un urbaniste qu’un architecte. Dans une de ses interviews il avoue, concernant ce projet, “ utiliser le prétexte de l’architecture et du programme pour requalifier l’espace urbain.” Il ne pense pas seulement construire l’architecture mais voit au delà, il souhaite transformer la ville pour qu’elle soit plus vivante. Il est vrai que dans son travail il effectue de nombreuses analyses urbaines, mais pour lui, de nos jours le travail d’un architecte est indissociable de celui d’un urbaniste. Un architecte responsable doit obligatoirement prendre en compte l’environnement proche et éloigné du bâtiment suivant son impact dans la ville. Comme Le Corbusier, il pense que l’architecture peut aider à soigner les maux d’une société à la différence que l’architecture dans le sens de Perrault englobe l’espace urbain. Dans l’article du journal le monde, Frédérik Edelmann, parle du le travail de Dominique Perrault et affirme qu’il a lancé la mode des mailles métalliques et rendu à l’angle droit toutes ses prérogatives. Concernant le projet du grand Théâtre d’Albi, sujet de mon exemple car pour moi représentatif de sa démarche, il édifie un bâtiment plutôt monolithique arborant une maille métallique et s’ouvrant différemment suivant les orientations. Qu’est- ce- que ce choix génère dans la pratique urbaine et architecturale? Le contexte de ce bâtiment public est d’une importance capitale pour Perrault. En effet, il souhaite créer une architecture symbole en périphérie d’un site classé. Il décide alors de décliner, tout au long de la promenade, un chapelet d’espaces publics qui glissent le long du bâtiment. Sur les images que je vous présente du futur bâtiment, nous comprenons que le fourreau, la maille métallique orangée, est une composante fondamentale. Sur toutes les représentations, elle semble s’ouvrir, dévoilant le cœur du bâtiment, comme s’il s’agissait d’un écrin protégeant un bijou intérieur. Elle permet donc nettement la mise en scène de l’édifice. Il se joue ainsi de ce mal nécessaire : la séparation imposée par l’acte de bâtir des murs. Dans sa cotte de maille, l’édifice n’est ni totalement fermé, ni totalement ouvert. D’ailleurs Perrault explique lui même que “cette house de couleur rouge, telle un vêtement, va épouser les deux cotés de la verticalité de l’édifice et s’en éloigner sur les autres pour s’ouvrir comme un grand
23 -http://www.lemoniteur.fr/155-projets/portfolio/769255-projet-du-futur-grand-theatre-d-albi-tarn-par-dominique-perrault-architecture
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rideau sur la place du théâtre et celle des cinémas. Les courbes et contre courbes nécessaires à la statique de ce tissus créent une architecture libre, joyeuse et lyrique. Cette enveloppe semble s’affranchir du poids et de la rigueur de l’architecture. Mais surtout on y trouvera brillance, reflet, couleur, qui évoquent une architecture “habit de lumière”. Cette peau en métal tissé comme une dentelle va protéger les fonctions de la ville. Elle va filtrer la lumière, couper le vent, briser la pluie. Ce grand ornement a des vertus de développement durable. La maille métallique s’adaptera aux espaces et usages qu’elle enveloppe. Elle pourra être tissée plus large pour offrir des vues de l’intérieur vers l’extérieur, plus serrée sur les autres parties, pour cacher des murs pleins, ou bien pour tamiser, tel un brise-soleil, la lumière dans les grands foyers. Ce voile tendu dégagera de grands arcs au niveau des espaces publics pour laisser entrer visiteurs et spectateurs puis elle s’élèvera dans le ciel au dessus du volume construit pour créer une silhouette immatérielle émergeant dans le paysage des toits de la ville d’Albi.” L’intention de ce bâtiment est donc d’émerveiller, et de réveiller l’imaginaire des citadins. Est-ce le reflet d’une société de crise, qui a la tête plongée dans ses problèmes? Dominique Perrault semble vouloir palier à un tel problème en édifiant une architecture théâtre. C’est à dire une architecture capable de générer la surprise au détour de ses façades, à l’instant de son parcourt. Il parle “d’habit de lumière” d’architecture libre, joyeuse et lyrique permettant de faire s’élever l’esprit des gens, les sortir de la morosité ambiante. De plus le fait que cet écrin s’éloigne de son enveloppe à certains endroits génère des espaces de transition en frange du bâtiment. Nous pouvons le constater sur la coupe (ci-jointe), l’espace urbain semble s’inviter totalement dans le théâtre. La vie urbaine peut se jouer jusque dans le bâtiment, il n’y a plus de limite franche et brute à une architecture. Perrault souhaite construire des murs protecteurs qui ne divisent pas, ne séparent pas l’espace public de son architecture. Il est vrai, comme nous le montrer la maquette, que si on retire au bâtiment sa résille métallique, alors il perd sa douceur, son mystère et son invitation polie à venir le visiter. Le bâtiment ne présente pas d’avant, d’arrière ou de façade principale clairement marquée, la perception de l’édifice est différente et multiple selon l’angle par lequel on l’appréhende. Lorsque l’on entre dans le théâtre, l’espace public se prolonge par la grande baie vitrée. D’ailleurs la coupure avec la ville ne s’effectue qu’au moment où l’on pénètre dans la salle. La rupture, entre l’extérieur et l’intérieur, est retardée au maximum : un écrin de coursives, de balcons et de foyers crée une relation inédite entre le théâtre et la ville. Sur le site internet officiel de la ville d’Albi, une autre théorie est avancée concernant les mailles métalliques de Perrault : “ce sont plutôt les mailles métalliques, éléments récurrents dans son architecture, qui donnent un style à ses projets. Ces “tissus” de métal qui enveloppent les façades sont assez manifestes de sa manière de concevoir l’espace avec l’idée
24 -25 http://www.lemoniteur.fr/155-projets/portfolio/769255-projet-du-futur-grand-theatre-d-albi-tarn-par-dominique-perrault-architecture?12194626=12194618#12194626
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d’apparition et disparition de l’édifice. Ils offrent une certaine perméabilité et une ouverture vers l’intérieur tout en permettant d’importantes économies d’énergie et d’isolation.” Il est vrai qu’une telle maille a pour atout de rendre la construction vivante et participative à la dynamique urbaine. Je m’explique, de jour, la résille fragmente le regard et diminue la visibilité du noyau dur, elle permet donc, comme dans les autres projets évoqués, de le rendre plus aérien, plus céleste. Mais du fait du tissage de cette maille plus dense que précédemment, le bâtiment semble se parer, la nuit, d’une tenue d’exception, d’une fine dentelle pour séduire les quelques passants. Il devient alors plus féminin et adoucit le vécu de la ville lorsque l’obscurité arrive. C’est ainsi que la nuit, la maille métallique permet de participer à la vie de cet équipement public qui a pour fonction le partage de l’art et de la culture. Dominique Perrault réussit, avec ce projet, à manier l’art de jouer avec la matière et la pesanteur et les différents visages d’un édifice public en fonction des heures de la journée. En mettant en scène le vu et le caché, l’extérieur et l’intérieur, la matière et la lumière, le projet albigeois traduit là encore cette recherche expérimentale visant de nouvelles formes d’espaces publics qui ne connaissent plus les limites franches d’une façade architecturale.
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Les études de ces trois cas d’architecture, représentatifs de l’évolution de l’enveloppe au fil de l’histoire, nous ont permis de lier plusieurs concepts indissociables de la notion d’enveloppe. A savoir notamment la prise en compte du programme et de la fluidité des circulations, du dialogue entre architecture et environnement urbain ainsi que du bien être de l’usager et légèreté de l’architecture proposé. Nous avons vu que la dimension urbaine et l’activité qui lui est liée sont deux composantes influentes sur la mise en place d’un système de résille architecturale et que cette dernière permet de transcender les perceptions d’un individu à son contact. Nous allons maintenant regarder comment, à notre époque, l’enveloppe peut se définir comme ingénieuse et non pas comme simple emballage décoratif dénué de toute fonction.
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III- ENVELOPPEMENT INGÉNIEUSE OU EMBALLAGE DÉCORATIF ?
Fonction
Construction
Forme
Écologie
Après avoir pris le temps de comprendre les mécanismes historiques de l’évolution de l’enveloppe architecturale et ses effets architecturaux sur quelques exemples, je vous propose de vous questionner sur le rôle qu’elle joue dans le projet. Dans notre monde de la rapidité, le changement est constant, l’effet de mode nécessaire et l’évolution permanente est la seule valeur significative, toute absence de mouvement est vécue comme une régression. Le temps de vie des objets se raccourcit et leur évolution est permanente. Les médias participent également à cette surenchère du neuf, du spectaculaire, du toujours plus ingénieux. La conséquence, en architecture, se traduit par un problème d’adaptation aux nouveaux styles de vies ou de technologies. Un nouveau procédé qui permet sans doute de rendre l’architecture plus “adaptable”, apparait alors dans les projets : il s’agit de l’emballage, de l’enveloppe architecturale qui procure au bâtiment un “joker”, un visage pouvant répondre à toute évolution rapide des usages urbains et architecturaux. Dans ce monde, axé sur la rapidité, modifiant instantanément les images, évoluant au rythme de l’informatique, l’enveloppe se présente comme une réponse adéquate. Mais cette réponse est-elle purement superficielle ? Est-ce uniquement un éloge de l’ornement ? Ou bien fait-elle partie d’un nouveau processus de projet et d’une nouvelle innovation architecturale ? L’enveloppe est-elle réduite à l’expression d’un rigorisme épidermique considérant la membrane extérieure comme le véhicule privilégié de la poétique architecturale? A-t-elle une existence en termes de surface ou n’a-t-elle de réalité que dans les trois dimensions en fédérant de nouveaux espaces caractéristiques de notre société? L’enveloppe peut-elle s’adapter aux besoins changeants des utilisateurs et devenir un élément de confort par son usage climatisant ? Quelles formes pourrait prendre l’enveloppe sur un immeuble d’habitation? Que génère, en termes de qualité spatiale, l’utilisation de telle enveloppe? Il ne faut pas oublier la fonction primaire de l’enveloppe architecturale. Comme les murs et la toiture, elle constitue le sous-système constructif essentiel permettant de réagir aux conditions extérieures et de répondre aux besoins de confort de l’usager. L’enveloppe doit donc remplir, à quelques détails près, les mêmes fonctions que la peau et l’habit pour l’homme. Avec l’influence des nouvelles normes bioclimatiques dans le bâtiment, la façade épaisse et active s’est transformée en façade légère. Pour des raisons d’ensoleillement et de
27 - Christian Schittich. “Enveloppes : concepts, peaux, matériaux / sous la direction”. Munich, détail, 2003
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Marie Hertig et Eric Thave - Évolution des enveloppes-28
récupération calorifique le bâtiment adopte l’atrium puis la halle. Les doubles orientations tendent ensuite vers un bâtiment à structure épaisse mais puisant un maximum d’énergie de son environnement. Marie Hertig et Eric Thave l’ont bien compris et l’illustrent clairement. (cf croquis ci contre). Il est remarquable de noter que dans notre société et suite à ces évolutions de façades le processus de projet est complètement redéfini et ce n’est plus l’aspect structurel qui questionne et forme l’architecture mais bien l’enveloppe par ses considérations thermiques, acoustiques et aérauliques. Les préoccupations des concepteurs se trouvent alors recentrées sur le couple énergie/structure ainsi que sur l’affirmation de l’indépendance de la peau et du squelette porteur. Nous pouvons alors nous demander quels sont les acquis bioclimatiques que doivent remplir les nouvelles constructions mais surtout de savoir si l’enveloppe architecturale peut être la réponse à ces normes plutôt restrictives ? La construction se doit d’être de plus en plus responsable et son enveloppe ne doit plus se soucier uniquement du confort intérieur agréable mais également de son impact à l’échelle de la planète. Le concepteur se doit, de plus en plus, de créer une véritable architecture de la raison, la construction ne doit pas être bénéfique pour elle même mais l’être également pour l’environnement. Mais alors quel contrat doit- elle remplir, et quelle part peut être prise en charge par l’enveloppe architecturale ? L’enveloppe peut- elle permettre d’utiliser les masses accumulatrices afin d’amortir des différences de températures externes? Quelles sont les possibilités existantes pour l’utilisation des énergies environnementales ? Est-il possible de développer et mettre en place des mesures pour l’utilisation de l’énergie solaire dès la construction de l’enveloppe? La façade ou la toiture doivent, dans une construction habituelle, faire face à des intempéries, de forces et de natures différentes, du fait de leur orientation. L’enveloppe architecturale, visuellement dominante, doit prendre en charge les mêmes fonctions que la toiture et la façade. En effet, elle doit quantifier l’éclairage pénétrant dans une architecture, permettre la ventilation, réaliser une protection efficace contre l’humidité, la chaleur, le vent, et le soleil mais également générer une protection visuelle tout en assurant une transparence suffisante. Bien sûr, il ne faut pas oublier la protection contre les effractions, contre le bruit urbain, les incendies et surtout penser aux bénéfices énergétiques. L’enveloppe est en quelque sorte le nouveau point technique des nouvelles constructions, sujet de toutes les attentions, de toutes les complexités. L’enveloppe architecturale ne peut donc pas se formaliser d’une seule manière apportant ainsi la solution à tous les problèmes. En effet, cette partie du bâtiment est en relation directe avec l’environnement et doit donc être la première à s’adapter. Elle nécessite d’être étudiée avec minutie par les réalisateurs, en fonction de l’édifice
28 - Technique et architecture “acres environnement,environnement actions” avril-mai 2003,N°465.
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et de son environnement proche et lointain. La question de l’isolation par exemple est une problématique prédominante pour l’Europe méridionale afin de minimiser la consommation et augmenter le confort intérieur. C’est une caractéristique propre à notre climat. Les problèmes ne seraient pas les mêmes et par conséquent les réponses non plus, sur un autre continent. De manière générale il faut, tout de même se rendre compte que la consommation dans un immeuble de bureau de nos jours est à réévaluer. Toujours en Europe méridionale, elle est répartie de la manière suivante 40% de l’énergie consommée est consacrée au chauffage, 40% à la production d’ air conditionné et de refroidissement, et seulement 20% pour l’éclairage contrairement aux idées reçues. Pour palier à ces consommations inégales et aux moyens excessifs mis en œuvre par le refroidissement par exemple, les architectes se doivent d’étudier, avec soin, la question complexe des échanges entre les matières et les énergies et ceci en collaborant avec les ingénieurs. L’enveloppe architecturale doit une fois de plus tendre aux mêmes principes de fonctionnement que la peau humaine. En effet la peau est l’organe privilégié des échanges entre l’extérieur et l’intérieur du corps en permettant la régulation thermique ainsi que sa protection. Elle remplit également un rôle de perception et de sensibilité, un rôle social en tant que caractéristique propre à chaque individu. De ce fait, elle contribue, d’une façon essentielle, au bien être et au confort de l’être humain. Elle est capable de s’adapter au besoin du corps en fonction de différentes sollicitations. L’objectif idéal ne serait-il pas de parvenir à édifier une enveloppe capable comme la peau de s’adapter aux différentes situations environnementales afin de répondre aux mieux aux attentes bioclimatiques et au confort matériel et psychologique de ses occupants ? Quelles pistes pourraient être explorées dans cette direction? Comment cette surenchère et cette exigence de technicité peuvent-elles ne pas nuire à la conception architecturale en tant que telle? Nous pourrions parler des enveloppes opaques, supports de technologie, comme celles devenant support d’énergie solaire. Les exemples exploitant ces techniques sont multiples, mais il ne s’agit pas du sujet de ce mémoire. Je cherche à comprendre quel peut- être l’intérêt thermique et quel apport de technologie peut être bénéfique à l’architecture ou à la ville. Je vous invite donc, tout d’abord, à vous questionner avec moi sur l’enveloppe architecturale perforée comme support technique, ainsi que sur ses évolutions possibles. Les panneaux photovoltaïques ou thermiques sont la première réponse d’une personne lambda concernant les constructions bioclimatiques. L’enveloppe perforée, au premier abord, ne semble pas adapter à ces techniques mais rien ne dit qu’au terme d’études plus approfondies, elle ne puisse y parvenir.
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Ensemble mixte de la ZAC confluence 29 Paroi externe du bâtiment
Pans mobiles perforés
Structure pouvant accueillir un dispositif solaire
Éléments métalliques triangualaires ayant un potentiel en tant que support solaire
Tour d’escalier de l’hoptial des enfants- Paris- BP Architectures l’hôpital Armand Trousseau à Paris 30
Par exemple, pourquoi ne pas imaginer une enveloppe ajourée qui accueillerait, au sein de sa structure un dispositif permettant de recueillir l’énergie solaire? Bien sûr, pour que cela soit efficace de nos jours et dans les conditions actuelles, nous avons besoin de grandes surfaces disponibles. Mais, il est possible, que dans les années à venir , le développement de nouvelles innovations permettent d’intégrer aux enveloppes moucharabieh la capacité bioclimatique de tirer partie, elles aussi, des bénéfices de l’énergie solaire. Dès lors la façade ne serait plus la résultante des besoins en surface nécessaires à la bonne production d’énergie mais serait réellement l’expression architecturale dessinée et non subie. Les emplacements qui semblent adéquates pour accueillir ces nouvelles technologies me semblent être, par exemple, les montants de la structure secondaire nécessaire à la pause de l’enveloppe ou alors dans le cas de l’habitat, les nez de plancher apparents marquant la limite de différents étages. Pour illustrer ces propositions, regardons l’axonométrie de l’ensemble mixte de la ZAC Confluence à Lyon. Cet édifice pourrait recevoir un tel dispositif en partie inférieur de chaque partie mobile de la paroi perforée qui referme les balcons. La tour d’escalier réalisée par BP architectures pour l’hôpital des enfants à Paris est un des exemples, illustré ci contre, qui pourra peut- être un jour accueillir un dispositif solaire. Il y a là une possibilité d’avenir dans l’innovation architecturale, et ces enveloppes si prometteuses pourront encore gagner en intérêt et servir un peu plus au confort de vie d’une construction. De plus il est à noter, que si l’intégration de tels dispositifs est réfléchie à la source de la conception et non pas ajouté aux structures une fois l’immeuble construit, ceci permettrait un coût bien moins onéreux et une intégration beaucoup plus discrète. La seconde fonction évidente d’une enveloppe architecturale est celle de la protection solaire. En variant la densité, elle permet de répondre au plus juste à l’orientation solaire et donc d’apporter un meilleur confort intérieur tout en bénéficiant de grandes ouvertures vitrées. En effet pour les façades vitrées exposées EST ou OUEST, la mise en place d’un tel dispositif permet de diminuer de moitié la consommation énergétique nécessaire au refroidissement du bâtiment. Le plus souvent nous remarquons que les enveloppes brise soleil ont pour atout de permettre le déplacement du système d’ombrage à la guise de l’usager. Un tel dispositif permet de filtrer jusqu’à 40% du rayonnement solaire dans sa position la plus close, de plus, ce brise soleil naturellement ventilé, atténue de 5°C la température estivale tout en maintenant en moyenne 60% des vues sur l’extérieur. Ceci est un atout tout à fait bénéfique pour l’édifice, mais il permet aussi d’offrir une façade vivante à la ville, dans le sens où dans ce cas, la façade va se moduler au grès des envies des usagers. La façade se dote alors d’une dimension supplémentaire qui est son changement morphologique en fonctions
29 - http://ecdm.eu/?p=7073 30 -http://media-cache-ec0.pinimg.com/originals/0c/5f/da/0c5fda9374b430e14d30ba92aa72cc51.jpg
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WILANOWSKA Housing Complex, Warsaw, Poland31
Diaphragmme de l’institut du monde arabe, Jean Nouvel32-33
des usagers et des rythmes de la journée. L’enveloppe vit et semble littéralement respirer. Par exemple dans le cas du Housing Complex en Pologne (illustré ci contre) la façade change suivant la présence ou non du propriétaire et de son désir d’ensoleillement. Ce dispositif est très souvent exploité et apprécié par les usagers pouvant ainsi adapter la luminosité à leur usage. Un autre procédé a été initié par Jean Nouvel, à l’institut du monde arabe, en réalisant une façade pouvant interagir avec l’intensité lumineuse afin de réguler son apport au sein du bâtiment. Les diaphragmes d’appareils photos, véritables filtres lumineux, sont gérés par des ordinateurs, renseignés par 30 000 cellules photoélectriques. Ces ordinateurs commandent alors l’ouverture ou la fermeture des diaphragmes en fonction de la quantité de lumière et de l’heure de la journée. Je pense que ce dispositif ingénieux est le prémisse d’une ouverture technologique. Certes pour l’époque ce système était très onéreux et le mécanisme s’est grippé, mais le fait d’adapter le besoin lumineux en fonction des usages ou des intensités lumineuses de la journée au sein de l’enveloppe même est pour moi un avenir non négligeable à l’architecture. Le premier dispositif manuel de brise soleil avec ses pans perforés mobiles, nécessite une gestion et une responsabilité de chaque usager du bâtiment pour remplir ses exigences énergétiques (puisque l’apport lumineux est indissociable de son apport calorifique) alors que pour le second dispositif informatisé, la lumière, et l’énergie solaire peuvent parvenir à s’autoréguler sans intervention d’un apport supplémentaire d’énergie. Même si le dispositif de Jean Nouvel présente quelques points faibles, il est pour moi une véritable avancée technologique et bénéfique pour l’architecture et mérite la poursuite de son exploration. Regardons maintenant si vous le voulez bien les dispositifs de ventilation du bâtiment et quels peuvent être les atouts apportés par une enveloppe perforée pour cette technologie. L’enveloppe ajourée crée une zone tampon plus fraiche entre l’intérieur du bâtiment et le climat extérieur permettant ainsi soit de profiter plus aisément d’une ventilation naturelle, soit de refroidir la construction sans ouvrir sur l’extérieur ce qui correspond mieux aux normes BBC. A la différence d’une double enveloppe vitrée mettant en place un vide ventilé généré par une zone de dépression permettant la ventilation, l’enveloppe perforée, ne pouvant engendrer ce même mécanisme, doit permettre le rafraîchissement intérieur par d’autres moyens. C’est alors le processus du moucharabieh qui, pourtant ancestral, retrouve ses lettres de noblesse. Effectivement, c’est grâce à l’ombre générée et à l’accélération du vent passant par les petites ouvertures d’une telle paroi que la ventilation interne de l’établissement peut s’exercer. La température de la zone située entre l’enveloppe et la paroi vitrée est alors plus
31 -http://abduzeedo.com/architect-day-jems-architekci 32 -33 http://algorythmes.blogspot.fr/2009/06/maths-et-architecture-institut-du-monde.html
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fraiche que la température extérieure en été, mais en hiver, du fait de ces petites ouvertures répétées, la chaleur perdue par le bâtiment se trouve emprisonnée un temps supplémentaire autour de l’immeuble. Avec un tel dispositif, le bâtiment est plutôt voué à une ventilation naturelle et résultant de l’ouverture des fenêtres .Ce point peut donc être en contradiction avec les nouvelles normes BBC qui visent à édifier des bâtiments qui «respirent» tous seuls sans ouvertures extérieurs afin de limiter les pertes d’énergies. Mais cela n’est- il pas une hérésie de vouloir vivre dans des bâtiments totalement clos, comme ce fut le cas dans les immeubles de bureau des années 70, tout souhaitant améliorer leur capacité bioclimatique? Cette question restera en suspend et ne sera pas traitée dans ce mémoire puisqu’elle n’en est pas le sujet. Pour finir sur cette partie visant à définir les capacités futures d’une membrane ajourée, je voudrais aborder le point du bien être acoustique. La façade perforée, comme écran acoustique, pour l’intérieur du bâtiment mais aussi pour la ville peut être une dimension très prometteuse et extrêmement bénéfique pour les usagers de la ville comme de l’architecture. Encore une fois nous remarquons que ce dispositif met en place un réel dialogue entre l’architecture et son site. Une construction capable d’enfermer et de neutraliser ou du moins de diminuer le bruit nuisible de la ville serait un atout non négligeable. Pourquoi limiter ces types d’innovation aux grandes infrastructures routières ? Une grande ville est tout autant génératrice de bruits néfastes au quotidien, fatigant et énervant les citadins. En effet, imaginez vous, en plein Paris, sur votre lieu de travail ou dans un logement d’où vous n’entendriez plus les klaxons ni les cris urbains mais seulement un murmure de la ville. Inversement, à l’extérieur, les façades ne seraient plus de grands murs répercutant les bruits dans de multiples directions mais des surfaces capables de les ingérer afin d’éviter leur propagation à l’infini. Attention il ne s’agit pas de penser une ville sans bruit ; non, mais seulement de réduire l’impact acoustique généré par ceux ci afin de nous procurer une vie plus agréable. La gêne est réelle: en effet, d’après l’INSEE en 2002 ,54% des français déclarent être dérangés par le bruit lorsqu’ils sont chez eux et 49 % des Français estiment que la situation du bruit en ville s’est détériorée au cours des 10 dernières années. Il y a donc là un réel enjeu et une carence à combler. Pour se faire l’enveloppe devient un vrai support de technologie ou la nature des matériaux et leur mise en œuvre est capitale. Une façade ou une enveloppe vitrée simple réfléchira davantage le bruit urbain environnant. Aujourd’hui les systèmes, pour atténuer le bruit pénétrant dans un édifice au niveau des surfaces vitrées, sont performants mais ils ne prennent pas en compte leurs répercutions acoustiques au niveau urbain. Une enveloppe perforée peut tout à fait assimiler la capacité d’absorption acoustique, de part
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façade vitrée
façade perforée Enveloppe acoustique
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l’espace intermédiaire qu’elle génère entre elle même et la paroi vitrée, elle peut emprisonner toutes sortes de bruits ayant réussi à pénétrer dans cet espace. Elle pourrait tout à fait intégrer à sa matérialité des éléments capables de digérer les sons entrant en son contact. Imaginons maintenant qu’elle ne soit pas lisse mais à multiples facettes, sa surface est alors augmentée et le bâtiment a donc encore plus de capacité d’absorption (Schéma explicatif ci contre). Sans rentrer dans une enveloppe idéale à ce problème, je pense que certaines contraintes de citoyenneté pourraient être remplies par l’enveloppe sans pour autant dicter une forme architecturale systématique. Afin d’illustrer mes propos, je vous suggère de regarder les coupes ci jointes qui expliquent bien ce principe. A l’aide de cet exposé, je pense vous avoir démontré que l’enveloppe ajourée est loin de faire éco à une mode de façadisme réductrice, à du décor, mais est bel et bien un support de technologie pour le bâtiment, lui permettant de répondre aux nombreuses normes de plus en plus oppressantes tout en autorisant une expression architecturale. L’évolution des mentalités et l’apparition de nouveaux métiers, comme les concepteurs en lumière naturelle, les ingénieurs façadistes, les concepteurs énergétiques et d’autres encore, prouvent bien le besoin de notre société de répondre aux problèmes énergétiques par la technique placée dans le bâtiment. A la récurrente question : les normes ne vont-elles pas tuer l’architecture? Je dirais que dans l’histoire de l’architecture, les limites ont toujours existé. Elles étaient tout d’abord définies par les matériaux et les connaissances ce qui n’a jamais empêché de réaliser de beaux et bons projets innovants. A l’ère informatique où tout est calculable, où les avancées technologiques réduisent les zones d’impossible, ce sont les normes qui nous régulent. A chaque époque son handicap, ses contraintes, c’est à l’architecte de redoubler d’ingéniosité et de malice pour les contourner afin qu’elles n’empiètent pas sur la création architecturale. Lors de la première partie, nous avons replacé l’apparition des façades enveloppe perforée dans le contexte historique afin de comprendre leur origine et afin d’étudier les évolutions de mentalité qui les ont fait émerger. Ensuite, nous avons vu que l’histoire de l’architecture nous a menés d’une architecture transparente grâce à l’utilisation des grandes façades rideau vitrées qui laissent pénétrer le regard en toutes circonstances jusqu’à ces conséquences qui engendrent d’importantes dépenses au niveau des ressources énergétiques. On peut penser que le dogme de l’affirmation perpétuelle de la structure en façade a provoqué des réactions de révolte entraînant par réaction la fabrication de façades résilles qui créent des bâtiments sans structure immédiatement visible et où l’organisation architecturale devient pudique.
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Le Reichtag -Christo et Jeanne-claude34
Je vous propose maintenant de rechercher s’il n’y a pas d’autres notions qui ont engendré l’utilisation de plus en plus récurrente des enveloppes filtres. De nos jours, la démarche est inversée et nous tendons à nous cacher de nouveau ou plutôt à protéger notre intimité. Le but recherché semble être la conservation du confort de la clarté et de l’ouverture vers l’extérieur auquel s’ajoute le retour d’un instinct préhistorique qu’est la protection, se traduisant par la protection du regard d’autrui. D’autres professions et en particulier des artistes, comme Christo et Jeanne-Claude, se sont intéressés à ce phénomène. Leur œuvre a pour but d’impressionner le public de lui donner de nouvelles visions et de lui offrir un cri de liberté. Ils sont notamment connus pour leurs gigantesques emballages de monuments architecturaux. Ils amènent à observer une architecture, un édifice connu de tous, d’une manière différente. Quand un monument est emballé, il acquiert une toute autre forme, une toute autre identité, un tout autre prestige : on ne le reconnaît plus. Il devient presque chimérique, mystérieux. Nous n’avons plus qu’une seule envie c’est de voir ce qu’il y a dessous. Ci contre l’exemple d’une de leur œuvre sur le château du Reichtag, De cet emballage ressort des volumétries insoupçonnées, les proportions du bâtiment d’origine s’en trouvent modifiées. Les Christo recherchent une vision populaire, une popularité de leur art. Le phénomène se répand dans diverses disciplines, à l’ère de la communication virtuelle et des jeux en réseaux trois étudiants des filières design, ingénierie et interactivité, ont proposé un dispositif en termes de mobilier urbain favorisant la communication électronique. Le résultat est celui présenté sur la page de gauche. Leur volonté est de créer un environnement proche du domestique, du mobilier. D’après eux, il faut recréer un espace plus réduit entre réel et irréel. Ces nouveaux mobiliers urbains offrent un nouveau statut d’espace public. Il ne s’agit ni d’une propriété privée, ni d’une propriété publique, nous n’y sommes ni confinés, ni totalement cachés. Cet espace reste à définir, il est d’un nouveau genre. A l’instar de cette expérience qui est une simple enveloppe modélisant une position bien définie du corps humain et invitant toute personne à se placer en son sein, quel est l’effet d’une enveloppe perforée sur une architecture ? Qu’est-ce- qu’elle reflète de notre société ? Existe- t-il un message de la part des architectes utilisant ce procédé ou est -ce un aspect sociologique?
Travaux des étudiants en : design, ingénierie et interactivité35 34 -http://christojeanneclaude.net/projects/wrapped-reichstag#.UtbazHk6Fcg 35 -Petetin, Claire .“Un vêtement habitable, outil de voyage comme dispositif de rencontre” . Fond PFE ENSAPX, 2007
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IV- Envelope, architecture et ville.
«la contemplation de la lumière est en soi une chose excellente et plus belle que toutes les utilisations que l’on peut en faire» Francis Bacon. 1561-1626
« A l’age de la machine, les formes des avions, de paquebots, automobiles et des composants comme les moteurs , les vis et les soupapes inspiraient l’imagerie des architectes ; A l’ère de l’électronique, nous n’avons pas été capable de découvrir des formes visuelles qui puissent nous servir de représentation » Toyo Ito -1996
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Je vous invite tout d’abord à nous inquiéter des transformations physiques d’un bâtiment par de telles enveloppes puis, par la suite, nous nous pencherons sur une rapide psycho-analyse de l’architecture d’un tel procédé pour comprendre l’effet qu’il produit sur les usagers. La dématérialisation est l’effet produit par les écrans poreux que forme ce type d’enveloppe. Je vais essayer de vous faire percevoir en quoi nous pourrions dire que l’architecture employant ces résilles extérieures peut être comprise comme l’expression de l’ère informatique dominante dans notre société. En effet de telles structures visent à annuler la pesanteur en allégeant les limites. Alléger, ne plus ressentir le poids des choses et prendre son envol, voici la volonté des hommes du mouvement moderne: la mobilité et la quête éternelle de l’homme : le savoir voler. Afin d’y parvenir, ils ont mis tout en œuvre et ont permis l’allègement de la façade et sa réduction à sa plus fine expression. De nos jours, la stratégie porte sur le développement de l’imaginaire. L’expression de l’architecture s’effectue dès lors de manière plus métaphysique que gestuelle par la façade floue. Suite à la réaction contre la pesanteur monstrueuse de la 1ère révolution industrielle, l’architecture se base sur les forces invisibles du software. Qui n’a pas d’ordinateur, de Smartphone et autres objets hightech reliés par wifi à un cyber espace ? Internet est devenu le moyen le plus évident de transmettre les informations au sein de l’esprit des gens. La rapidité, l’instantanéité et tout cela de manière immatériel sont les maîtres mots de notre société. Nous nous approchons de l’ancien rêve, celui de la téléportation mais celle-ci est, pour le moment, réservée aux informations et utilisée pour servir la vie sociale des nouvelles générations. Noyé dans ces flux d’informations et dans ces relations sociales virtuelles, l’architecture tente de se frayer un chemin dans le monde réel et de s’adapter à la modification de penser de ses usagers. Aujourd’hui, les citadins demandent du spectacle, de l’événementiel et de l’architecture vivante. Dans cette culture de l’immatériel, l’architecture s’exprime par des modifications de la matérialité et s’amuse de nos perceptions visuelles. C’est donc par la modification de la densité des volumes, par l’ambiguïté de la perception des façades et de la masse que l’architecture tente de répondre. Afin d’illustrer mes propos, je vous invite à découvrir le processus de projet de Toyo Ito. Cet architecte japonais couronné du prix Pritzker en 2013 a pour volonté de faire interagir l’architecture, l’espace public et les usagers. Il veut que ces trois composantes gardent le contact dans un monde toujours plus virtuel. Pour cela, il tente de faire glisser l’espace public vers l’espace bâtiment, c’est une caractéristique de ses projets qui montrent, encore une
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La tour des vents - Yokohama36
MUCEM- Rudy Ricciotti37
Office and exposition space- Archi Union38 64
fois, l’indissociabilité de l’urbain et de l’architecture. Dès 1996 Toyo Ito exprime ainsi : « Le flux de formes diverses d’énergies et d’informations a augmenté dans une proportion gigantesque, et ce type de flux invisibles tend à dominer dans l’espace public. L’espace urbain devient donc inévitablement phénoménologique, dans la mesure où le flux d’objets électroniques, et cela comprend l’information, s’accroît. Une ville phénoménologique de lumières, de sons et d’images se superpose à l’espace urbain tangible des bâtiments. Ce sont des espaces abstraits composés de signes ». Rapidement il passe de la dématérialisation à la phénoménologie. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit expliquons le terme phénomène: il prend en compte tout ce qui se manifeste à la conscience que ce soit par l’intermédiaire des sens ou non. L’une de ses œuvres phénoménologiques par excellence est sa réhabilitation de la Tour des vents située à Yokohama. Il propose un emballage qui interagit en fonction des vents subis par la structure. Dès lors, il suggère une architecture capable de générer une réalité augmentée. Ce que nous voyons ne nous suffit plus, il faut de l’interaction, du changement perpétuel afin de résister à l’ère de la rapidité. Il transforme une perception corporelle telle que le vent en perception visuelle ce qui permet de dématérialiser la matérialité d’une construction et de la rendre changeante. La tour se pare alors de lumières et de configurations différentes suivant l’intensité du vent subi. Il s’agit très clairement d’une architecture exploitant les capacités électroniques tout en utilisant ce potentiel pour communiquer avec les passants et les interpeller. L’ère électronique transpose dans l’architecture réelle le thème de la réalité virtuelle. A l’époque où la société se disperse dans de multiples technologies informelles et mise la réussite sur la rapidité, l’architecture adopte une posture de dématérialisation mais sans oublier de profiter de ce phénomène pour replacer l’homme au centre de la conception et pour stimuler ses sens en jouant avec ses perceptions. L’architecture devient notamment un instrument optique et la lumière en est l’outil essentiel. La lumière est le thème indissociable de ce type d’enveloppe dont je vais vous parler maintenant. Nous allons étudier le fonctionnement de ces résilles filtres en tant que véritables instruments optiques permettant de créer toute ambiance ou atmosphère propice au programme architectural demandé. La lumière n’est-elle pas une des composantes de l’architecture la plus passionnante ? Le Corbusier le disait également : «L’architecture est le jeu, savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière.» (Vers une architecture, éditions Crès et Cie, Paris, 1923.) La lumière est donc au service de la mise en espace. Gaudi a écrit lui aussi «L’architecture est la mise en ordre de la lumière, la sculpture est jeu avec la lumière, la peinture, reproduction de la lumière par la couleur qui est la décomposition de celle-ci.».
36 -http://artbite.fr/Toyo-ITO.html 37 -http://www.fond-ecran-image.com/galerie-membre,france-marseille,le-mucem-p3160031jpg.php 38 -http://www.archdaily.com/82251/au-office-and-exhibition-space-archi-union-architects-inc/
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MUCEM- toiture39
MUCEM- Coursives40
Nous allons voir comment, ces structures permettent justement cette «mise en ordre de la lumière» et ce que cela produit en termes de sens sur l’usager. La lumière n’est visible que lorsqu’elle est détournée par un objet ou un filtre. Façade filtre devient un véritable instrument optique capable d’arrêter, de focaliser, de disperser, d’absorber, de réfléchir... la lumière. L’enveloppe moucharabieh est alors capable d’engendrer une atomisation de la lumière et par la même de la matière qui se trouve derrière. En effet, la lumière est retardée par fragmentation de son trajet et la perception de la compacité du bâtiment s’en trouve modifiée. L’édifice semble gagner en légèreté et abandonne sa notion d’échelle. Nous ne pouvons plus le lire de manière classique en fonction des étages et se rendre compte de sa dimension propre. Il devient un volume en tant que tel qui semble se dévoiler au fur et à mesure que l’on attarde son regard dessus. Le monde parait moins solide, moins net. Les couleurs s’estompent, les surfaces se vident, les contours s’effacent, on obtient un décor vaporeux qui tranquillise celui qui regarde. C’est alors le charme de l’interdit, du défit de l’inconnu, du frisson de la découverte qui s’empare de la curiosité du citadin et le pousse à attarder son regard et à vouloir pénétrer dans le bâtiment. L’immeuble acquiert alors une indépendance en érodant une réalité objective qui le caractérise traditionnellement. Le bâtiment entre dans une phase de séduction. Comme une femme qui s’habille de dentelles pour charmer un homme, l’architecture s’enveloppe d’une broderie de bois, de métal ou même parfois de pierre ou de béton. Des architectes se sont d’ailleurs amourachés de ces structures qualitatives de lumière, comme Herzog et De Meuron qui les utilisent régulièrement dans leur architecture et également Rudy Ricciotti ou encore Dominique Perrault. Je vous laisse en apprécier l’effet avec les exemples ci contre qui nous permettent de prendre conscience que le treillis à le pouvoir de fragmenter la lumière sans l’arrêter ainsi que de désintégrer les objets dans l’atmosphère. Ces effets sont produits, dans la ville, pour les passants, dont l’architecture se soucie de plus en plus. Mais à l’intérieur du bâtiment les effets ne sont pas moindres, bien au contraire. Ces immenses moucharabiehs offrent des vues mystérieuses et scintillantes. La lumière atténuée, déviée, quantifiée procure une qualité d’espace exceptionnelle. Les volumes prennent de la matière et leur profondeur se trouve démultipliée. Par exemple, au MUCEM de Marseille, les espaces de circulation situés entre la résille béton et la façade vitrée se trouvent magnifiés et prennent des dimensions mystiques. Le piéton ne se dirige plus d’un point A à un point B, il vit l’espace, regarde autour de lui, lève la tête, apprécie la hauteur et se permet des regards libres et indiscrets sur la ville puisqu’il se sent intouchable derrière cette protection. Les dimensions de l’enveloppe filtre au MUCEM ne sont pas celles des moucharabiehs orientaux, les ouvertures sont bien plus grandes permettant la pénétration d’une plus importante quantité de lumière.
39 -http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/diaporama/DIAP050613952_B50A05-a-ladecouverte-du-mucem-572555.php 40 -http://www.telerama.fr/scenes/mucem-le-joyau-de-marseille-provence-2013-raconte-en-images,98612.php
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Winery Dominus- Herzog et De Meuron41-42
Ces ouvertures sont bien sûr autorisées par le climat européen plus clément ainsi que par la gestion d’isolation plus poussée qu’à l’époque du XVII siècle. En somme, par cette modification de la densité de la lumière elle même, la lumière n’est plus là seulement pour pénétrer abondamment par de grandes façades vitrées mais elle se prête à rendre la lecture de l’architecture d’une vision logique et terre à terre. Le bâtiment souvent d’aspect introverti, d’un point de vue urbain ou de son environnement, offre une générosité d’effets lumineux pour toute personne le parcourant. Par exemple pour le Winery Dominus d’Herzog et De Meuron, la construction semble être un monolithe de pierre ayant toujours existé sur ce site naturel. II s’édifie comme une muraille, mais une fois à l’intérieur les jeux de lumière, générés par les gabions, donnent la sensation d’une lumière de cathédrale, comme si elle survenait de nulle part. Nous pouvons alors nous rendre compte que l’attention se déplace vers une architecture basée sur la perception humaine qui peut aussi être transformée par elle. Les architectes s’adaptent aux caractéristiques visuelles de chaque écran, il crée celui qui convient le mieux à son environnement. L’architecture se base très clairement en dialogue ; dialogue dans lequel l’architecte est l’écrivain qui ajuste l’interaction de la taille des perforations du revêtement des surfaces en fonction du niveau d’éclairage devant et derrière l’écran. Il doit trouver un équilibre subtile entre lumière et ombre, transparence et opacité, matérialité et disparition afin d’engendrer une sensation de légèreté et surtout un univers ambigu qui se modifie au déplacement et où les images ont tendance à apparaître puis s’effacer au fur et à mesure du déplacement. Il existe une cinétique dans ces bâtiments au fur et à mesure que l’on se déplace et le concepteur souhaite y favoriser une relation émotionnelle entre l’usager et le bâtiment. Il s’agit d’une architecture vécue, elle ne permet pas la passivité de son visiteur, elle le sollicite et entretien son éveil. Qualifiée d’architecture onirique, elle nous invite à opérer nous même leur formulation. L’architecture n’a pas d’objectivité, tout dépend de la subjectivité de l’observateur et il s’agit d’une notion très importante dans ce style d’architecture. Elle laisse à chacun une libre interprétation d’elle même comme quand enfant nous regardons les nuages en imaginant telle ou telle formes d’animaux. Nous l’aurons compris l’utilisation de ces membranes perforées est l’outil privilégié pour doser la lumière d’une autre manière que l’histoire de l’architecture ne nous l’a montré jusqu’à présent. La lumière, contrairement aux vitraux n’y est pas colorée et les dimensions des filtres sont déclinables à l’infini grâce à la pluralité des matériaux existant aujourd’hui. C’est alors, à l’architecte, de juger de la bonne mise en œuvre de tel ou tel système filtre en fonction du programme de l’édifice mais aussi en fonction du degré d’implication souhaité de la part du visiteur.
41 -http://eohlsson.wordpress.com 42- http://theredlist.fr/wiki-2-19-879-606-623-view-herzog-jacques-pierre-de-meuron-profile-herzog-jacquespierre-de-meuron-dominus-winery-yountville-california-usa.html
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évolution de l’indépendance de la façade
Proposition pour le centre George Pompidou à Metz -Domonique Perrault-43
Cette utilisation des écrans filtre a également pour effet de faire disparaître la limite entre l’intérieur de l’architecture et son environnement. Je m’explique, cette pratique n’abolit pas les limites de l’architecture loin de là mais elle permet d’atténuer les frontières franches et abruptes d’une façade se caractérisant en un seul plan. Ce phénomène est d’autant plus troublant que ce dispositif produit un épaississement de la façade. En effet, l’enveloppe poreuse génère un vide interstitiel entre elle même et la façade secondaire de la construction, vide nécessaire, notamment, à sa bonne isolation. Au fil de l’Histoire, les façades ont, acquis une sorte d’état limite dans leur autonomie et dans l’espacement qu’elles instaurent avec les édifices qu’elles recouvrent. Entre le corps de bâtiment et son revêtement, les architectes ont aménagé un vide et un espace de jeu. Nous pouvons dire clairement que la façade s’est libérée d’un plan en deux dimensions pour conquérir l’espace en trois dimensions. Il existe alors une ambiguïté de la perception des façades. La façade du bâtiment est-elle celle que l’on voit depuis l’extérieur c’est-à-dire la résille ou alors est-elle celle qui constitue l’enveloppe protectrice à tous types d’intempéries? Il ne s’agit plus alors de la même réflexion dans la conduite du projet. En effet, cette double façade donne au bâtiment, comme nous l’avons vu avec le grand théâtre d’Albi imaginé par Dominique Perrault, un devoir urbain. Le processus de conception est passé d’un projet architectural à un projet urbano-achitectural. Les enveloppes quelles qu’elles soient sont des miroirs de notre monde médiatique. En effet, elles ont de nombreuses raisons d’être ; l’une d’entre elles étant de résister aux changements incessants, aux mouvements perpétuels et à la dégénérescence programmée de notre civilisation. Une architecture sans visage, qui se masque et se déguise, peut connaitre plus de réussite quand à sa pérennité aux yeux des citoyens. Mais ce type d’architecture vise également un autre public. Il n’échappe pas aux investisseurs, aux publicistes pour lesquels, une telle surface peut avoir un fort potentiel économique ainsi ce type de bâtiment se transforme inévitablement en un support de communication. Ceci n’est pas réalisable sur tous les types de résille mais uniquement sur celles dont les motifs sont les plus resserrés et pour lesquelles la maille semble devenir tissus. L’édifice devient sa propre carte de visite, comme par exemple pour un cinéma qui projetterait les bandes d’annonces directement sur sa façade. Dominique Perrault exploite cette idée dans sa proposition pour le centre Pompidou de Metz. Dans son architecture, dite nomade par le réemploi de la tente berbère, il y joint une touche XXI ème siècle en proposant une toile de maille métallique support de communication visuelle. Un tel procédé peut être décliné pour un musée qui arborerait une dentelle perforée de symboles, représentant le thème de son exposition intérieure. L’architecture évolue donc, dans ce dernier cas, vers une architecture emblème, évoquant son contenu, non pas celui de son agencement
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intérieur mais plutôt des usages qui en seront faits. Elle devient alors, au cœur de la ville, un repère nettement identifiable pour les usagers qui peuvent ainsi aisément s’orienter grâce à ce modèle d’architecture. Au cours de ce mémoire, les exemples dont nous avons ensemble étudié les principes, nous ont prouvé que l’emploi d’une façade poreuse engendre une architecture en lien étroit avec son environnement et plus particulièrement la ville. Celle- ci permettant de se dissimuler ou de s’ouvrir ou de se protéger des intrusions visuelles ou physiques. Un espace d’un nouveau genre est apparu en architecture accueillant de nouveaux usages tels que des circulations, pour la majorité des cas, mais également des terrasses ou même des espaces d’entre deux laissant plus ample appropriation à l’usager. Nous avons également compris que la société de plus en plus fascinée par l’immatériel se retranscrit dans le processus de concevoir le projet et paradoxalement recentre l’architecture sur les usagers et leur contentement. Quels usages prennent place dans cet intervalle ? A-t-il une raison d’être dans le processus de parcours ville architecture? Nous allons voir de quelle manière, l’architecture de ces façades, en générant un espace transitionnel participe à notre société et prend en charge les usagers du bâtiment. Quels maux et quelles règles de notre société sont retranscrits dans cette protection ?
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V -Enveloppe et Psyché des usagers
fondation Pinault- Dominique Perrault44
Je vous propose donc de nous pencher sur cet espace, en contact direct avec la ville et ses usages afin de comprendre comment cette nouvelle conception de l’espace architectural modifie également l’état psychologique des personnes impliquées. Je vais tenter d’expliquer en quoi la théorie freudienne du psychisme peut être mise en relation avec les procédés d’enveloppe puis j’évoquerai la théorie de Winnicott sur l’espace transitionnel et son transfert possible au concept d’espace d’entre deux. Afin de vous guider dans cette psycho-analyse de l’architecture des façades enveloppes, j’illustrerai mes propos à l’aide du projet proposé par Dominique Perrault concernant la fondation Pinault d’art contemporain à Boulogne-Billancourt. Il s’agit, là aussi, d’un bâtiment accueillant, sur son pourtour, une enveloppe filtre qui génère des espaces «résiduels» dont nous allons étudier les représentations psychiques. Il convient tout d’abord d’assimiler les intentions de Dominique Perrault concernant ce bâtiment pour, ensuite, être en capacité de déterminer la véracité des analyses proposées. L’architecte explique qu’il souhaite créer un musée généreux, en communication avec son entourage et générant de multiples interactions entre le bâtiment et son environnement proche. L’édifice a pour but d’accueillir les objets d’art contemporains dont Mr Pinault est le donateur. D Perrault réfute l’idée d’un bâtiment objet et souhaite composer le paysage et y installer une architecture de l’ordre du mystère produit par la dématérialisation, l’immatérialité et l’irréalité. Il est intéressant de s’attarder sur une citation du concepteur et de voir la modestie qu’il associe à son travail. « Je n’ai rien fait, non pas que je sois innocent, mais je n’ai rien fait d’autre que d’utiliser le socle comme socle, les volumes comme des volumes, le tissus comme un tissus. ‘L’alchimie’ de la rencontre de ces éléments premiers réside dans l’étude et la définition des relations qu’ils entretiennent entre eux, ensemble» Posons-nous maintenant la question de savoir quelle peut être la relation entre l’architecture et la théorie du psychisme humain de Freud et de la notion d’inconscient afin de mieux comprendre l’effet sur l’être humain d’un procédé architecturale tel que l’enveloppe filtre. On peut remarquer tout d’abord que l’architecture en tant que création humaine, est, dans une certaine mesure, issue de l’inconscient de son créateur. En effet, lorsqu’il produit une œuvre, l’architecte utilise ses idées, ses émotions, ses perceptions et ses pulsions dont il
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n’a pas totalement conscience au cours de l’élaboration de son projet. L’inconscient s’invite en quelle que sorte dans sa réalisation sans autorisation réelle du créateur. D’autre part, Sigmund Freud, évoquant les notions de conscient et inconscient, explique que l’antichambre de l’inconscient est assorti d’une autre pièce, plus petite et plus étroite où séjourne la conscience et qu’à l’entrée de cette seconde pièce un gardien veille à ne laisser pénétrer que les tendances acceptables, il s’agit de la censure. Le schéma (voir ci contre) nous permet de mieux visualiser le lien entre inconscience et conscience et le rôle de filtre exercé par la censure. Il est intéressant de noter la forme que Freud adopte pour parler de l’ossature de notre esprit qu’il déploie avec des termes provenant du vocabulaire architectural. Chez l’homme, les productions psychiques (idées, émotions, perceptions, pulsions) de l’inconscient sont l’objet de refoulement car elles se heurtent à des impératifs moraux ou sociaux. L’inconscient ne peut donc pas parvenir à la conscience et on peut dire en se sens qu’il tend à rejeter le monde extérieur. Pour que ces productions psychiques soient acceptables il est nécessaire qu’elles soient régulées par le surmoi qui peut être vu comme une zone d’adaptation Ainsi, nous pouvons effectuer un parallèle avec l’architecture : L’enveloppe serait cette zone d’adaptation, de filtre, de censure positive qui permet de passer de l’espace intérieur (l’inconscient), lieu de la vie intérieure où on laisse libre cours à nos sentiments, nos désirs, nos émotions, à l’espace extérieur (le conscient) nécessitant le refoulement, la régulation des pulsions, le contrôle pour s’adapter aux règles et aux contraintes sociales. On peut également envisager l’enveloppe comme le gardien bien veillant de la partie habitée d’une construction. En effet, elle stoppe toutes agressions, auditives, solaires, calorifiques, visuelles venant de l’extérieur afin de fabriquer une ambiance interne propice à la plénitude, au bien être. L’enveloppe a pour fonction d’épurer le chaos extérieur pour l’adapter aux capacités limitées dont notre esprit dispose. Elle filtre, élimine les données superflues nous permettant d’être dans une atmosphère la plus propice pour réaliser ce pourquoi nous sommes venus. L’architecture n’est donc plus seulement, comme en parle l’histoire, le passage de l’ombre à la lumière, elle manifeste également le glissement de la diversité à l’unité, comme les retrouvailles de l’unité perdue. Elle permet de mettre en ordre la confusion de la vie urbaine avant de pénétrer dans un édifice. L’enveloppe est en permanence la frontière qui sépare ou relie la ville à l’architecture comme l’accomplit la censure entre l’inconscient et le conscient. L’enveloppe est une structure indispensable et par les nouvelles formes qu’elle emploie, elle permet de développer les cinq sens. Les sens d’un individu sont effectivement décuplés
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fondation Pinault- Espace transitionnel -45
lorsqu’il parcourt un établissement protégé par une enveloppe perforée. Il expérimente son parcours en fonction de ses perceptions sensorielles. C’est en ces termes perceptifs que l’architecture se rapproche également de l’inconscient. Ce type d’architecture, ce lieu d’entre deux, est utilisé par l’inconscient comme surface de projection des fantasmes. Dans ce cas l’architecture fournit à l’homme un monde maîtrisable plutôt que maîtrisé. L’enveloppe utilise des matériaux qui laissent circuler le regard, ou au moins la lumière et peut valoriser les vides entre les construits. Elle filtre et donc refoule le monde externe vers l’intérieur du bâtiment comme le fait la censure entre le conscient et l’inconscient, intérieur et l’extérieur dans le schéma de Freud. Il est alors possible d’établir un parallèle entre architecture et ossature psychique au vue de leurs similitudes de représentation. De plus se sentant totalement protégé d’agressions inopinées, l’individu se trouve plus ouvert à la perception et à la découverte de son environnement. Un bruit urbain sera mieux accueilli. Il ne sera pas perçu comme une menace puisque la personne se sent à l’abri derrière se filtre. Cependant, il sera amplifié puisque la personne est aussi momentanément privée de la vision extérieure et donc de l’identification visuelle et immédiate de l’origine de cet événement auditif. L’enveloppe permet donc de recentrer l’usager sur le vécu sensoriel de l’espace, c’est-à-dire sur lui même et sur ses perceptions personnels et intimes. D’une certaine manière elle nous prive, ou amoindrit l’un de nos sens pour en développer d’autres et nous permettre de découvrir l’espace autrement. Ainsi, dans le bâtiment de la fondation Pinault, l’enveloppe drape les espaces extérieurs d’une enceinte protectrice. Comme nous pouvons le voir sur l’illustration, ci à gauche, le sentiment de protection existe par la présence de cette membrane et par conséquent l’ouverture des sens est possible. D’un certain coté nous pouvons dire que l’architecture modèle ses occupants, notamment par les rôles qu’elle les incite à tenir en la pratiquant. Dans ce cas présent, elle signifie «vous n’êtes plus dans la ville, vous êtes sous ma protection, bienvenue». Dans ces conditions, l’architecture est un agent d’informations, elle donne des indications aux visiteurs, elle est alors un langage formel comme l’est l’inconscient et un langage codé comme la conscience. Elle lui offre un espace protégé, de confiance un peu comme un cocon ce qui permet au visiteur de faire l’expérience de ses perceptions et de développer ou d’exercer ses capteurs sensoriels. Les organes des sens sont nos ouvertures sur l’extérieur comme l’ait aussi, d’une certaine façon, l’enveloppe mais afin que nous puissions nous «laisser aller» au ressenti en toute sécurité, cet espace d’entre deux, filtre les stimuli extérieurs. Elle provoque une ouverture maximale de nos systèmes sensoriels et permet une régénération de notre esprit en nous déconnectant, momentanément, des agressions extérieures et également de nos tensions internes (stress…) . Cette irradiation sensorielle, peut être perçue comme une source
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de jouvence bénéfique au corps comme à l’esprit alors plus disponible. L’espace produit par cette enveloppe, comme nous pouvons le voir sur l’exemple, transmet un message d’intériorité tout en laissant la libre interprétation de cet endroit à chacun. Cet espace peut être appropriable. L’objet transitionnel est selon Winnicott, psychiatre et psychanalyste anglais, un objet, comme le doudou, permettant à l’enfant de se détacher de sa mère. Les premiers temps de sa vie, le bébé se confond avec la mère et l’objet transitionnel va l’aider à acquérir son identité et à accepter la séparation. Mais Cet objet n’est pas un but en soi. Il permet l’état de transition, amenant le sujet vers une cible précise. Comme l’exprime le terme qui le définit, il a pour but de faciliter le détachement à une chose importante. Il est là temporairement afin de rendre supportable le changement. Il est celui qui permet d’avancer dans un monde inconnu et permet de tendre vers l’affirmation de soi, vers son individualité, la maitrise de soi même ou encore sa créativité. En quelques sortes il permet à la personne de l’accomplir. Il est l’outil magique, rassurant et protecteur, il rend donc l’intégration possible dans un milieu étranger. Nous pouvons dire qu’il est le lien. Qu’en est-il pour l’architecture ? Je pense pouvoir affirmer que cette définition et notion de Winnicott, s’applique tout à fait à l’espace généré par une enveloppe architecturale produisant un entre deux. L’enveloppe, chez Perrault, engendre un espace qui permet à l’usager de s’adapter de l’urbain à l’architecture et de l’espace intérieur à l’espace urbain lorsque le trajet effectué est inverse. Il permet à la personne de se préparer au changement contextuel. Une personne n’adopte pas la même attitude sur l’espace public et à l’intérieur du bâtiment. En effet l’attitude protectrice, de méfiance et même de défense adopté en extérieur se trouve totalement annihilée à l’intérieur d’un édifice puisque l’individu est protégé par tout un environnement architectural. L’espace d’entre deux, créé par l’enveloppe, permet à la personne de passer d’une attitude de protection voir défensive inconsciente, à une attitude “ouverte” et ceci de manière progressive. Dans cet entre deux, les défenses s’estompent lors du trajet extérieur-intérieur et s’affirment pour le parcours opposé. Cette architecture prend soin de son usager et de son état psychique. Dans ces conditions ce principe s’applique à l’architecture, par contre si l’enveloppe est utilisée pour son seul but esthétique, elle perd sa notion d’espace transitionnel. En effet, Paul Henri DAVID explique dans son livre «psychoanalyse de l’architecture», qu’il faut comprendre qu’en psychologie comme en architecture, l’objet transitionnel (ou enveloppe) n’a d’importance que pour lui même, c’est à dire que s’il permet de mettre en place un processus de transfert, d’adaptabilité. Il perd son caractère transitionnel, s’il n’a plus cette fonction de lien. Par exemple un livre pour une personne peut être un objet transitionnel mais un outil de travail pour l’autre. Cela s’applique à l’architecture, si l’enveloppe génère un espace juste pour l’esthétisme n’autorisant aucune appropriation, il
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perd sa notion d’espace transitionnel. La notion d’entre deux est donc bel et bien, en mon sens, à mettre en parallèle avec celle de l’espace transitionnel développée par Winnicott. Dès la fin des années quarante il étudie la structure mental de l’individu et permet de dépasser l’unique présence du moi et du non moi en définissant une troisième aire n’appartenant ni dedans, ni dehors qu’il appelle l’aire intermédiaire d’expérience, où le sujet pourra, d’après son expression «vivre». Il s’agit de l’espace qui est entre nous et notre culture, l’espace où nous pouvons créer, jouer ou rêver. Bien sûr Winnicott exprime cela dans son livre «Jeu et réalité»dans le contexte de la cartographie mentale d’une personne mais cette idée me semble tout à fait applicable à l’architecture. Je m’explique : L’enveloppe fonctionnant comme la censure, elle génère un espace potentiel entre sa matérialité et le bâtiment. Espace que les individus peuvent s’approprier à leur guise et où ils sont libres de créer. Il s’agit d’un espace privilégié. Cet élément devient support, non plus simplement, à la protection et à l’imperméabilité de la masse architecturale, mais support d’une création d’espace. L’enveloppe acquiert son indépendance par rapport au contenu et devient support à une fonction spécifique. Dans cet espace d’entre deux se joue le rapport entre la masse bâtie et son environnement, individu et psyché. On peut définir l’espace transitionnel comme la zone située entre un volume intérieur et un second extérieur à celui ci. L’espace transitionnel manifeste une double nature, participant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur de l’architecture, il n’appartient ni au dedans ni au dehors, pas non plus au couvert, il offre un nouveau type d’espace à qualifier. Cette dualité lui permet de distinguer le passage de l’un à l’autre des composants, en évitant le traumatisme qui pourrait être lié à un changement trop brutal. Comme expliqué précédemment il permet une acclimatation de l’usager aux changements de nature de deux espaces opposés que sont la vie urbaine et la vie intérieure d’un bâtiment. L’enveloppe permet de générer l’espace transitionnelle le distinguant de la fonction de la porte ou du seuil en lui offrant une épaisseur. D’autres cultures ont utilisé un type différent d’espace transitionnel. Par exemple dans la conception japonaise, le seuil n’est pas constitué d’une limite franche mais relève d’un véritable parcours initiatique. Il n’est pas non plus une limite vaporeuse, les espaces transitionnels et les seuils, au japon, ont une importance majeure. Comme nous l’avons vu, le premier type d’espace transitionnel explicite une notion d’habituation. Il s’agit de l’espace dans lequel on s’arrête un peu pour s’accoutumer aux conditions nouvelles auxquelles l’individu va être confronté dans l’univers où l’on se dispose à pénétrer. Le temps n’a pas d’importance, c’est un lieu où il faut prendre son temps et pour se l’approprier. La porte et le seuil eux sont des espaces rapides que l’on se hâte de franchir en raison du malaise que leur étroitesse ne manque pas de susciter, en Europe occidentale
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il se réduit, très souvent, à un plan vertical. A l’inverse, les espaces de transitions sont des intervalles dynamiques dans le sens où ils ne se contentent pas de nous faire passer d’un espace à un autre mais ils engendrent une mobilité quasi permanente au gré du bon ressenti du sujet. Ces lieux privilégiés ont pour but de prendre soin de l’usager. Il est intéressant de remarquer l’intérêt porté à l’individualité dans cette architecture doté d’une enveloppe facilitant la médiatisation et soucieuse de l’opinion publique. Le fait de se recentrer sur la personne ne serait pas la réaction d’une société en crise ? Plus que préoccupée de l’intérêt mondial ou politique, l’architecture se recentre sur soi, sur les personnes qui pratiquent le bâtiment espérant leur offrir un espace cocon bienfaiteur. La préoccupation de l’architecte, c’est-à-dire mettre à l’aise l’usager dès le premier pas dans l’enceinte du bâtiment, prouve ses intentions sociales et montre son souhait d’installer tout homme sur un pied d’égalité en termes de quiétude. Encore une fois, le bâtiment n’est plus égoïste en ne pensant qu’à son intérieur utile (en terme de programme) ou à la renommée de son concepteur mais souhaite partager, dialoguer et s’intéresser au bien être des citoyens, de leur prise en charge à l’abord de l’édifice. Dans les chapitres précédents, j’ai évoqué la notion de transparence physique que fabrique les enveloppes filtre, il existe une notion de transparence en psychanalyse qui permettrait peut être de comprendre le processus que ces enveloppes exercent sur nous. Je vous propose de voir si un parallèle est une nouvelle fois possible entre constitution mentale et l’architecture. Comme l’explicite Erwin Panofsky, historien de l’art et spécialisé dans l’étude des symboles, la transparence, en architecture, quelle que soit sa nature, ne saurait donner à voir que s’il y a déjà quelque chose à montrer. En psychanalyse, la façade est destinée à cacher ce qui ne saurait être montré. D’ailleurs c’est bien ce qu’exprime l’expression « faire façade» quand une personne ne veut pas perdre la face et donc cacher aux yeux des autres des faiblesses ou autres comportements. C’est donc bel et bien un mécanisme de défense qui est mis en place par l’individu par rapport à des comportements sociaux. Un mécanisme destiné à détourner le regard et surtout à faire l’illusion auprès du passant. L’architecture s’invite au bal masqué et revêt des parures d’apparat afin se montrer, à la société, sous son meilleur jour tout en permettant une vie plus intime dans son enceinte. La notion évoquée précédemment nous amène à explorer la transparence de ces façades, et surtout de la transparence de cette dernière. Il est aisé de comprendre qu’il existe plusieurs transparences, notamment la transparence extérieure et la transparence intérieure. Durant la période contemporaine, les transparences externes se multiplient. De jour, le regard de l’extérieur vers l’intérieur est le plus souvent aveugle car la vision est perturbée par différents phénomènes optiques de réflexion, diffraction, distorsion, absorption.. Alors que le différentiel de luminosité entre
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dedans et dehors augmente une acuité visuelle au profit du regard de l’intérieur vers l’extérieur. La transparence favorise le regard interne et prohibe le regard venant de l’extérieur. Ce mécanisme renforce la sensation de soutient psychologique et de tutelle offrant l’occasion à l’usager de s’épanouir dans l’architecture grâce à un processus de transfert physique et psychologique. L’individu à l’opportunité de prendre le temps de changer d’état d’esprit entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment. Pour conclure cette partie, la citation de Carl Gustav Carus, médecin et peintre allemand qui s’est intéressé à l’étude de l’âme, me semble opportune : « l’inconscient ouvre sur le passé et sur l’avenir, mais il ignore le présent ; essentiellement dynamique, il se transforme sans cesse, d’autant qu’il est infatigable et ignore le repos ; il ne connaît ni la maladie, ni l’erreur, ni la liberté » Il est étonnant de faire l’exercice de reprendre cette théorie et de l’appliquer à la fonction d’une enveloppe filtre d’un bâtiment pour atteindre une définition, en mon sens, plutôt juste de la façade enveloppe perforée. Elle ouvre sur le passé , l’urbain et sur l’avenir , l’intérieur du bâtiment, et ignore le présent . Elle ne définit pas un espace où l’on reste, elle est dynamique. Elle transforme sans cesse nos perceptions. Et surtout elle ne connaît pas la liberté, c’est-à-dire qu’elle existe parce qu’elle est en relation avec le bâtiment et l’urbain mais n’a pas de définition, de raison d’être propre à elle-même. Elle est en dialogue avec ce qui l’entoure et constitue une architecture à elle seule que si elle accepte la fonction d’enveloppant et de protectrice urbaine. Imaginons un instant que l’enveloppe soit retirée du bâtiment de Dominique Perrault alors l’édifice perdrait de sa magnificence, les espaces intermédiaires n’existant plus, les relations qu’ils entretiennent avec son site n’existeraient que par ses porte-à-faux générant quelques couverts lointains. Dans ce cas, le contact avec l’usager se réduirait, comme traditionnellement à une façade deux dimension marquant la rupture franche entre l’intérieur et l’extérieur. Tous les efforts de considération et d’attention envers le citadin se trouvent réduit à néant. L’évolution vers une nouvelle catégorie d’espaces permettant à l’individu de se retirer de la vie informatique et instantanée grâce à la création de l’espace d’entre deux est alors oubliée et l’architecture retrouve ses anciens rapports avec la ville.
fondation Pinault- Projection du bâtiment sans sa résille -
Nous aurons compris dans cette partie que l’enveloppe n’est pas seulement une surface supplémentaire appliquée au bâtiment mais qu’elle participe à l’institution d’une nouvelle manière de vivre l’architecture publique. Afin de clôturer et d’ouvrir une réflexion sur les effets engendrés par la mise en place d’une enveloppe, je pense adéquate de m’attarder sur les atouts que cette dernière pourrait apporter à l’habitat. Nous noterons également au passage quelques mise en œuvre ne permettant pas d’ajout de valeur à l’espace vécu de l’habitat.
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VI - AUJOURD’HUI,TENTATIVE DE L’APPLICATION A L’HABITAT HABITAT INDIVIDUEL Nous l’avons vu, l’enveloppe n’est pas neutre dans une architecture. Elle apporte au bâtiment une enceinte évoquant la propriété et le soutien émotionnel. Le bâtiment, lieu d’intimité pour l’homme, représente son lieu de vie, son habitat. Jusqu’ici les procédés développés s’adressaient majoritairement qu’à des édifices publics, mais qu’en est- il pour le logement ? Est-ce-que la notion d’enveloppe, appliquée à l’habitat, produit les mêmes espaces transitionnels et ces espaces peuvent-ils permettre d’améliorer les conditions de vies au sein de ce cocon? Enfin, quels problèmes généreront-ils plus tard? L’épaisseur que donne ce type d’enveloppe, en fonction de sa distance avec la façade vitrée, ne recrée-t-elle pas, pour les édifices publics, la même fonction que le jardin pour les maisons ? Ce type de façade produit-il un épaississement de la limite privé/public, ou, cet espace est-il bel et bien de la propriété de l’architecture? Quels usages prennent place dans cet intervalle ? Nous allons étudier trois exemples qui vont nous permettre d’éclaircir ces quelques questions. Dans de nombreuses civilisations, la notion de façade et sa modulation est très importante. Au Japon la notion de seuil est une composante fondamentale pour la genèse de la façade de l’habitat et la lumière doit être filtrée, ce qui traduit le reflet de la culture réservée, l’esprit contemplatif du zen, la croyance mystique caractéristique du Japon. L’un des espaces transitionnels les plus courants dans l’habitat individuel est celui de la véranda – dite engawa- qui apparaît comme un élément essentiel de l’habitation japonaise. Sur un, deux ou trois cotés de la construction traditionnelle elle unit toujours les pièces de réception et le jardin. Sa largeur est réduite à celle d’un seul tatami, elle fonctionne comme une véritable pièce, elle constitue un espace à part entière, elle permet le lien. Les enfants y jouent en hiver– aspect ludique- les vieillards s’y chauffent au soleil. La nuit pour s’isoler d’un univers devenu menaçant, la véranda, fermée d’un coté par des volets bois et de l’autre par les shoji n’invite plus qu’au cœur du bâtiment, qu’au vide de la médiation. Les espaces transitionnels servent là essentiellement à introduire des univers illusoires ou un imaginaire qui paraît plus réel que la réalité elle-même. La culture japonaise insiste sur les intervalles entre les personnes et entre les choses, qu’il s’agisse des formules de politesse ou des empaquetages. Seul le vide est essentiel qui permet aux êtres de se relier les uns aux autres parce qu’il est appropriable
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Bent par Chris Kabel et avec Abbink X de Haas
et propice à la création. Une autre culture utilise le moucharabieh, c’est la culture marocaine affichant de grandes façades filtre permettant la ventilation et le refroidissement de la maison et préservant les femmes du regard de la ville. Les contraintes génératrices sont donc ici climatiques et religieuses et ont pour conséquence de mettre en place des espaces de repos et de contemplation de la vie urbaine.. Qu’en est-il pour un habitat individuel se situant en centre ville? Pour évoquer cette situation nous irons en Europe du nord, observer le bâtiment «Bent» réalisé par Chris Kabel et Abbink X de Haas. Cette maison dessinée par le designer néerlandais propose à Amsterdam une façade d’hexagones perforés qui accroche la lumière par micro-pliage de la matière enveloppante. La studio d’architecture A X d H a sollicité Kabel pour collaborer à la création de l’extérieur du bâtiment Bent, situé dans le quartier rouge de la ville et qui se rapporte à l’histoire de la région. La volonté de l’architecte est de se rapprocher du passé historique de la ville en lien avec le commerce du textile. La façade a donc une fonction de rappel, de mémoire. Du point de vue de l’intérieur du bâtiment, les apports lumineux ne sont que très faiblement modifiés, et les ouvertures sous-jacentes conservent les mêmes dimensions que les fenêtres traditionnelles de l’habitat individuel. Seule la perception de la ville est transformée. Les codes y sont inversés puisque, cette maison parait totalement introvertie et hermétique au jour, au moment où les autres maisons ouvrent leur fenêtres, alors que la nuit révèle, en son cœur, des formes dansantes à l’instant où les autres bâtisses ont tendance à fermer leurs volets. Dans ce projet, à mon sens, l’enveloppe n’apporte pas de bienfait d’un point de vue des usages. La façade perforée ne participe pas à la création d’espaces intermédiaires pouvant servir aux habitants, elle est principalement présente pour satisfaire le désir d’historicisme du concepteur bien qu’elle ait sans doute une fonction de protection solaire. Si l’enveloppe se trouvait distante de la façade porteuse de la maison, elle pourrait faire éclore des espaces tels que des balcons protégés du soleil et de la vue des passants, élément très appréciable dans la configuration de ce domicile se situant en centre ville et n’ayant pas la possibilité d’offrir un jardin à ses habitants. Les résidents de cette maison n’ont pas l’opportunité de jouir d’espaces intermédiaires, ils ont uniquement la satisfaction d’habiter un objet design intrigant et attrayant pour le regard humain. Voyons maintenant l’effet produit par ces procédés d’enveloppe sur du logement collectif. Dans quelles conditions pouvons- nous les mettre en œuvre ? Doivent-elles êtres collées ou non à la façade porteuse pour procurer un confort de vie et une fonctionnalité optimale?
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bâtiment résidentiel Ipera 25 de Alataş Architecture & Consulting53
Le bâtiment résidentiel Ipera 25 de Alataş Architecture & Consulting, présenté ci contre, développe le même processus de mise en œuvre que la maison précédente à savoir que l’enveloppe persienne ne crée pas d’espace supplémentaire entre le bâtiment et elle même. L’immeuble est situé sur Tatarbeyi Sokak, dans l’une des rues les plus calmes et sous-développées du district de Galata. Le bâtiment de 1000m2 est un projet résidentiel qui s’étend au-delà des codes conventionnels de l’environnement déjà construit du fait de cette enveloppe marquetée mais qui parvient malgré tout à reproduire ces codes en respectant les proportions des morphologies existantes dans la ville. La coque en bois qui couvre la zone de vie, située entre deux voiles de béton aveugles, réduit l’apport solaire. L’élément en bois, sur la façade avant, disposé parallèlement à la façade de verre, se transforme en un toit couvrant entièrement les faces avant et arrière du bâtiment. Perçue comme une façade aveugle gigantesque d’un point de vue urbain, mais apparaissant comme un voile translucide depuis le logement, la surface en bois fonctionne également comme un filtre solaire. Le bâtiment, en refusant de répéter la fenêtre classique qui s’étend dans le quartier, ne tient pas compte ou très peu de ses relations avec la rue, il ravive néanmoins sa place dans le contexte en réinterprétant la structure traditionnelle de baie vitrée. Depuis l’intérieur, la présence de la façade est poignante, ainsi que la vue sur la rue. Sur les images, nous pouvons constater que les subtils décalages entre l’enveloppe et le bâtiment, donne la sensation de posséder une pièce à vivre totalement en extérieur. Le logement n’établit plus un dialogue avec la ville mais fait corps avec l’extérieur. L’appartement ne semble pas avoir de limites franches. De l’intérieur, il semble se libérer de la pesanteur traditionnelle apportée par les fenêtres. Ce type d’enveloppe permettant notamment de disposer de baies vitrée de plein pied en façade sans nécessité de balcon ou de garde corps inesthétique puisque l’enveloppe elle-même remplit cette fonction. Ici, l’erreur précédente de la maison individuelle n’est pas reproduite car même si, afin de s’intégrer dans le paysage urbain, les proportions d’un immeuble traditionnel ont été conservées, tous les codes ne suivent pas la même logique. Ainsi les ouvertures propres à l’unité d’habitation se trouvent libérées de leur proportion offrant de nouvelles perceptions de liberté à l’habitat. Toutefois il faut se méfier d’un effet pervers de cette façade séduisante. En tant qu’habitant de ce cocon, visuellement refermé mais en réalité complètement ouvert, les rôles s’inversent dès la nuit tombée. Par conséquent, le bâtiment protecteur de jour, permettant à la personne de se libérer dans son habitat sans subir le regard extérieur, endosse une personnalité s’approchant du voyeurisme lorsque la nuit tombe sur la ville. En effet, le soir, depuis l’intérieur la sensation de protection et de cocon se renforce alors qu’en réalité le regard
53-http://www.dezeen.com/2013/04/24/ipera-25-by-alatas-architecture-consulting/
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du passant est attiré par le bâtiment qui devient lanterne. Dès lors les habitants ne sont plus dans «un nid douillé» protecteur mais dans une grande vitrine, exposés à la vue des passants. De ce point de vu là le bâtiment expose nettement un point faible qui obligera l’occupant à installer des dispositifs de protection visuel. De cette analyse de l’effet, il ressort que l’apport d’une enveloppe appliquée contre l’édifice est majoritairement bénéfique puisqu’il permet de palier au souci des gardes corps omniprésents en architecture. La présence de ces systèmes protecteurs, très souvent défavorables à la façade sont remplacés par cette enveloppe offrant une ouverture optimale au logement, baignant les pièces de vie dans la lumière. Afin de terminer cette extension au logement, je souhaite étudier le cas du M9-C Building de BP Architecture, mettant en jeu une enveloppe mise à distance offrant un espace supplémentaire au logement. Le bâtiment de logement se situe rive gauche à Paris, il regroupe un complexe d’écoles, de culture, de stationnements et constitue un socle sur lequel vient se placer 66 logements sociaux. Les logements sont séparés du socle accueillant l’école par un auvent ayant la double fonction de protection solaire et visuelle. L’enveloppe accueillant les pans amovibles de protection solaire permettent de refléter l’état d’esprit des locataires. Elle peut dire «oui je suis ouvert à la communication» ou alors «non laissez moi tranquille». L’habitant peut se replier sur son foyer ou alors s’ouvrir à son environnement à sa guise. Cet espace d’entre deux présent par cette mise en œuvre de l’enveloppe, permet d’offrir des espaces supplémentaires au logement, non négligeables pour du logement social. En effet, du coté des pièces de vie du logement elle procure une sensation d’agrandissement de l’espace habitable, extérieur, tout en restant totalement appropriable. Elle permet également de séparer élégamment la propriété de chacun sans répercuter ce besoin primaire sur la façade du bâtiment. La sensation du «chez soi» est alors augmentée. De l’autre côté de l’édifice l’enveloppe permet de protéger les coursives d’un apport solaire trop important. Cet exemple est adéquat pour illustrer les atouts d’une enveloppe amovible appliquée à un édifice de logement. Il permet donc bien dans ce cas là de reproduire la fonction de mise à distance du jardin, absent du logement collectif.
M9-C Building -BP architecture-54 94
54-http://www.archdaily.com/287863/m9-c-building-bp-architectures/
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Conclusion générale
Achevons sur cet exercice visant à identifier les fondements et les avenirs possible du principe d’enveloppe perforée mise en place autour d’un bâtiment. L’évolution des mentalités au cours des décennies a positionné le projet urbain au cœur du projet architecturale. L’omniprésence et l’influence de l’urbain dans le projet, par l’emploi d’une résille comme l’a utilisé Paul Nelson en 1938, devient fondatrice de projet de nos jours, notamment pour Dominique Perrault. Le dialogue des deux entités architecture et ville, est poussé à son maximum pour tenter de les unir jusqu’à leur fusion. Nous pourrions parler de confusion puisque cette démarche d’enveloppe ne se dissocie plus d’une démarche d’urbaniste. C’est également la prise de conscience que l’homme et ses perceptions sont fédérateur dans le projet, puisque celui-ci existe uniquement que par l’expérimentation et la subjectivité humaine. Ceci se traduit chez Frank O Gehry par une générosité dans les volumes et une recherche d’uniformité donnant un sentiment d’intériorité, d’appartenance et de plénitude. L’enveloppe est alors promise à un bel avenir. Elle peut en tous points gagner ses lettres de noblesses aux yeux des structuralistes et des ingénieurs bioclimatiques, en développant et en affinant ses atouts de structure d’accueil. L’utilisation de ces enveloppes, véritable amainsiceur d’architecture, est représentative de notre société informatisée et terre à terre, encrée dans ses problèmes économiques et noyée dans l’univers de la vitesse. L’architecture transpire la volonté de s’envoler et marque le lyrisme manquant inexorablement dans notre société. C’est alors une architecture spectacle, mystérieuse au premier coup d’œil et finalement expérimentable, qui voit le jour. Cette architecture se veut comme un pansement, elle prend soin du citadin et l’accompagne dans les différents seuils parcourus par celui-ci lors du passage du privé au public, de individualité à la masse anonyme. Elle y parvient en estompant les limites, offrant un espace entre deux, véritable lieu libérateur de l’inconscient collectif. Il devient le lieu des possibles puisqu’il n’a pas d’usage défini par la société qui dirige. Dans cet espace les interactions sensorielles se multiplient, toujours sous la coupe protectrice de la censure architecturale que forme la membrane. Ce processus séducteur d’enveloppe, s’adapte aisément aux édifices publics mais produit plusieurs obstacles à contourner, lors de son application à l’habitat, pour ne pas tomber dans le décor futil, l’emballage maniéré, néfaste en architecture.
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Elle envisage néanmoins des opportunités telles que la possibilité d’évolution des gabarits traditionnels d’ouvertures extérieures caractéristiques du logement. L’enveloppe perforée confère des sensations d’extériorité, de liberté au cœur du logement pourtant tout aussi préservé du regard extérieur. Elle peut également créer un nouveau langage d’ouverture pour l’utilisateur, utilisant un espace appropriable dans la sphère de l’habitat qui , à la guise du locataire devient un espace soit totalement privé véhiculant le même état d’esprit, soit un espace ouvert replissant la fonction de vitrine sociale, miroir de personnalité de chacun. Nous l’avons vu les atouts sont multiples lors de la mise en œuvre d’une membrane autour d’un édifice. Ce geste est pourtant régulièrement décrié par la profession se justifiant par la critique d’un systématisme visant à se dissimuler et façonner une architecture «passepartout» pouvant séduire en image et plein de promesses lors des concours. Loin de ce débat idéologique au coeur de la profession nous pouvons nous questionner sur le futur visage des villes si un tel dispositif se généralisait. L’exemple de Atlas 25, explique bien le souhait de ne plus exhiber d’ouvertures conventionnelles mais se référer aux codes, aux proportions de la façade traditionnelle. Mais pour que ces repères familiers existent, il faut objectivement que les architectures traditionnelles persistent. Le danger étant dans le cas contraire, d’obtenir une ville qui semble urbainement muette générant toute perte de repère pour l’usager et réduisant donc à néant tous les efforts de l’espace d’entre deux. Ceci serait le comble pour une structure qui prétend au bien être de ses visiteurs. Il est donc bon de noter à ne pas voir se vulgariser un tel procédé afin de ne pas répéter les erreurs commises durant les années 70, avec le mur rideau, afin de ne pas avoir à réparer les maldonnes antérieures. Il est donc de bon ton de conclure que l’enveloppe architecturale perforée ne remet plus en doute sa légitimité architecturale, mais que cette dernière ne doit pas se répendre dans nos villes comme une traînée de poudre pour ne pas perdre ses qualités intrinsèques.
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Je remercie Anne BIGOT, Jean-luc SAS, Jules Mansart et Boris Delafoulhouze pour leur précieux travail de relecture et de correction.
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Maladie de peau
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