Laura SAS/Mémoire professionnel-HMONP/ EnsapBx/2015-2016 1
A mon grand-père qui m’a transmis le respect de la matière et le goût de sa transformation.
Laura SAS
HABILITATION A LA MAITRISE D’OEUVRE EN SON NOM PROPRE
Mémoire professionnel Mise en situation professionnelle : En CDI depuis le 28 septembre 2015
Agence d’accueil Atelier d’architechture - Carole La Salmonie 4B impasse du Général Gallieni 33260 LA TESTE DE BUCH Tel : 09 83 46 66 85 Mail : cls.architecte@gmail.com Site Web : www.cls-atelierdarchitecture.com
Directeur d’Etude Mr Huber SALADIN, architecte & enseignant à L’EnsapBx
Tuteur d’agence Carole LA SALMONIE, architecte HMONP
Jury Jury N°5- Soutenance Vendredi 3 Juin 2016 à 16H
Remerciements
Je tiens, avant toute chose, à remercier sincèrement les personnes qui m’ont accompagnée et soutenue pendant toutes ces années et qui m’ont guidée jusqu’ici pour advancer à pas mesurés vers le métier d’Architecte. Je pense à l’ensemble des enseignants de l’EnsbaBx qui ont su durant mon parcours me transmettre leurs savoirs et leur passion de l’architecture ; avec une pensée particulière pour ceux rencontrés, lors des séminaires HMONP, qui m’ont permis d’ouvrir les yeux sur bien des aspects essentiels à notre métier et dont je n’avais pas encore pris toute la mesure. Je remercie, particulièrement, Mr Saladin, mon directeur d’étude, pour m’avoir orienter dans mon questionnement et pour son aide précieuse dans l’élaboration de ce mémoire. J’adresse toute ma reconnaissance à ma tutrice, Carole La Salmonie, qui m’a accueillie au sein de son agence naissante en m’accordant sa confiance et en partageant son temps et son expérience avec moi ce dont chacun aspire lors de ses premiers pas dans le monde professionnel. Je remercie également ma famille pour son soutien et pour m’avoir donné la possibilité de réaliser mon rêve ainsi que ma mère pour ses relectures précieuses de mes écrits. Enfin mes pensées vont à tous mes amis et tout spécialement à, Jean-Baptiste Couty, Fred Sauger & Arnold Thomas, ayant ensemble partagé nos doutes et nos ambitions lors de cette formation.
SOMMAIRE 00- PROLOGUE 01- LE TEMPS
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D’AVANT
• Le temps de la réflexion • La recherche de la mise en situation professionnelle
02 - L’AGENCE
• Portrait de l’agence • Philosophie de l’agence • La création de l’agence & les enjeux à penser
Réflexions prélables
Choix des locaux et aménagements
Le cas de l’atelier d’architecture - Carole La Salmonie
Création d’une identité graphique
Création du logo & de l’enseigne
Transmettre l’information- création d’un site web
03 - LA COMMUNICATION
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51 54 La communication interne et de management 54 La communication interpersonnelle maître d’oeuvre-maître d’ouvrage 62 68 La communication entre professionnels 71 La communication institutionnelle
• L’architecte comme rotule • Enjeux de la communication
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04 - PROJETS REALISES
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• Construction de 3 maisons & Ad’ap : Une administration indécise 77 83 • Surélévation & extension au Pyla : le client rêveur 89 • Extension de maison : Censure de la création architecturale
05 - EPILOGUE
• Retour sur la MSP
• Mes réflexions
Architecte & équilibre
Architecte & mouvement
06 - L’AVENIR
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• Mon héritage
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• Mon projet professionnel
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07 - ANNEXES
• Mosaïque des projets réalisés au cours de la MSP • Curriculum Vitae • Fiche d’appréciation du tuteur d’agence • Fiche d’appréciation du directeur d’étude
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00P R O L O G U E « Si ce métier, qui nécessite de regarder au fond de toi et des choses, tu ne le fais pas avec amour, avec passion et dévouement, alors tu risques de tomber dans l’académisme, dans le formalisme. » Renzo Piano - La désobéissance de l’architecte 07
L’équilibre instable est en mon sens une problèmatique inhérente au métier d’architecte, que ce terme soit adopté au premier degré ou pris dans son sens étymologie. En effet pour moi, la profession d’architecte est une profession humanitaire c’est-à-dire qu’elle doit être exercée lorsque l’architecte se met au service des Hommes et qu’il souhaite leur livrer une part de lui même afin de pouvoir leur offrir le meilleur. Véritablement, lors d’un projet architectural, c’est la recherche de justesse, de l’équilibre qui obsède l’architecte. La naissance, l’évolution d’un projet architectural se nourrit d’une multitude de réalités : réalités qui l’entourent et l’influencent. Ce métier possède des valeurs autant créatives, qu’anthropologiques et techniques ce qui en fait sa richesse. L’équilibre recherché est sans cesse remis en cause par de nouvelles informations qui mettent en péril cette stabilité, mais qui au bout du compte font évoluer le projet afin qu’il s’établisse dans un nouvel équilibre plus juste. Ce projet est alors équilibre instable. Étymologiquement, le mot équilibre est constitué de l’équi, du latin aequus, qui signifie égal et de libre, du latin libria qui signifie balance, poids. Le travail de l’architecte est de faire en sorte que les forces qui s’exercent sur son projet architectural s’harmonisent afin de revenir à un état stable qui ne sera pas exactement celui de la situation de départ.
l’équilibre un stable/ équilibre instable, par ce jeu de mot que je propose, je vise à questionner : Comment l’architecte peut-il exercer librement toute son expression architecturale du fait des multiples contraintes inhérentes au projet et des nombreux acteurs impliqués lors de sa réalisation ? Comment parvient-il à instaurer la stabilité du projet, c’est à dire un nouvel état stable accepté par tous, sachant qu’il est le seul responsable du processus de création architecturale? L’architecte doit endosser la pluralité des rôles : celui de concepteur, de technicien et même parfois de sociologue et de psychologue.
Equilibre instable : état dans lequel un corps écarté de sa position reste en équilibre dans sa nouvelle position. 08
Je vous propose de partager avec moi l’expérience de la création d’une agence d’architecture en recherche d’équilibre et d’identité ainsi que mes réflexions acquises tout au long de ma mise en situation professionnelle concernant cette expérience. Par le biais des enjeux de la communication, je vous ferai part également de mon questionnement sur les différents rôles assumés par l’architecte indépendant soucieux de ne jamais oublier ses motivations et ses inspirations.
Ma réflexion s’articulera autour de quatre grandes parties. Tout d’abord, je reviendrai sur le passé en expliquant mes motivations liées à mon désir d’accéder à l’habilitation de la maîtrise d’œuvre en son nom propre ainsi qu’aux démarches engagées lors de la recherche d’agences. Le chapitre suivant sera consacré à la problèmatique engendrée par la création d’une agence d’architecture. Dans la troisième partie, je poursuivrai ma compréhension des rôles de l’architecte par l’approche des enjeux de communication. Une quatrième partie me permettra de présenter trois projets réalisés et d’analyser les difficultés rencontrées. Je terminerai ce mémoire par l’évocation de mon projet professionnel.
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01L E
« Une quête commence toujours par la chance du débutant. Et s’achève toujours par l’épreuve du conquérant.” Paulo Coelho 11
TD E‘ MA PV SA N T
Le temps de la réflexion J’ai toujours souhaité faire mon habilitation à la maîtrise d’oeuvre directement après mon projet de fin d’études. Cette décision n’est pas le cas de la plupart de mes amis qui ne voient pas l’utilité de faire cette année supplémentaire immédiatement après l’obtention de notre diplôme d’architecte d’état. Cette position différente de leur part m’a amenée à m’interroger sur l’utilité d’effectuer cette dernière année à la sortie de mes études. Comment peut- on ne pas désirer réaliser son HMONP ? Pour ma part, cela va de soi. C’est en adéquation avec l’optique que j’ai de mes études d’architecture et avec ma vision de ce métier. Je souhaite en terminer avec le système universitaire pour ensuite me consacrer à mon projet de vie professionnelle. C’est seulement à 24 ans, après un détour de vie par la faculté de médecine que j’ai enfin trouvé ma voie. J’ai décidé de prendre en main mon avenir en choisissant ce qui me passionnait plutôt que de me laisser conduire par le hasard ou le vouloir d’autruis. De ce fait je souhaite aller au bout de ma passion et exercer le métier d’architecte de la manière dont je le conçois. Pour moi l’acte de construire, de concrétiser ses idées par la pensée et le dessin est une des composantes fondamentale dans l’exercice de cette profession. La construction finalise le cycle de création qui laisse ensuite place à l’appropriation et de cette manière, je pense que la pratique de l’architecture est accomplie. Beaucoup de mes amis choisissent plutôt l’option de la validation des acquis par expérience, et je le comprends, ce peut être en effet une bonne solution. Elle est en tout cas une vision différente de la fin du cursus universitaire.
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Pour ma part, je souhaite accéder au plus vite au chantier et par conséquent m’engager dans cette année de mise en situation professionnelle. J’éprouve le besoin de me confronter aux questions que pose un chantier ainsi qu’aux difficultés qu’il soulève. Je n’imagine pas travailler, plusieurs années, dans une agence où je risque d’être cantonnée à des tâches de dessin, pour gagner peut-être le droit et la légitimité d’accéder à la maîtrise d’oeuvre. Cette volonté de ma part peut paraitre de l’impatience, mais il s’agit principalement d’une soif d’apprendre couplée à une passion débordante pour l’architecture et sa réalisation. Je ne confonds pas envie et précipitation. Je suis consciente que j’ai encore beaucoup à approfondir, à assimiler concernant la maîtrise d’un chantier ainsi que sa mise en oeuvre. Lors de mes précédents stages au cours desquels j’ai pu découvrir de nombreuses facettes du métier d’architecte, j’ai toujours eu cette sensation de ne pas être totalement au coeur de l’action et du projet, mais comme un infime maillon au sein d’une grande chaîne. La monotonie me pèse lorsque je suis cantonnée à travailler uniquement sur les phases de dessin d’un projet. Mon ambition est de connaître toutes les étapes composant cette chaine menant à la réalisation finale, de suivre l’ensemble du projet architectural. J’ai toujours pensé que l’année de mise en situation professionnelle (MSP) pouvait être un accélérateur de formation, en offrant un maximum de matières à apprendre en très peu de temps. Cette perspective est captivante. Je prends conscience de mes lacunes et de la différence énorme existant entre notre formation universitaire et la réalité de la vie professionnelle dont j’ai tant entendu parler. Cet écart, devenu palpable, prend alors une toute autre dimension. Je souhaite me confronter à la vie professionnelle de l’architecte indépendant et être au coeur de l’action, en étant pleinement acteur de la création et non spectateur ou simple participant. Je ne pense pas que la maîtrise d’oeuvre soit chose facile, mais je désire apprendre à gérer les problèmes, à maîtriser les relations avec les différents acteurs ainsi que le management, la communication: en bref gérer une entreprise tout autant que la maîtrise d’ouvrage. Ainsi, préparer mon HMO me permet de me confronter à la réalité des marchés, des délais
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nécessaires à la réalisation d’un projet, à la complexité du métier tout en étant encore protégée par mon statut bien particulier. Ce statut m’offre la liberté de poser des questions, de prendre conscience de l’importance de la règlementation liée à la création d’entreprise, d’engranger des connaissances, d’accumuler des savoirs sans avoir la responsabilité d’une agence. Je ne sous-entends pas que ce statut ne m’implique pas, bien au contraire, mais il me permet de m’exercer à ce que sera ma future vie en tant que professionnel responsable, tout en me prémunissant de la pression qu’engendre les responsabilités financières et législatives d’une agence. Il m’est alors possible de cerner et comprendre la complexité de l’état d’architecte en son nom propre, tout en me concentrant sur l’apprentissage de la réalisation des différentes phases des projets, du suivi de chantier, du management, de la communication et autres composantes qui constituent la vie d’une agence. Enfin, à mon sens, un autre atout bénéfique de la mise en situation professionnelle, est l’accès aux semaines de séminaires. Elles donnent l’opportunité de développer de manière plus théorique des points spécifiques que je n’ai pas eu le temps d’aborder avec mon tuteur d’agence. Je pense particulièrement aux statuts juridiques ou aux différentes précautions à prendre en compte lors d’un contrat public ou privé. Cependant, afin de tirer le meilleur profit du potentiel de ces cours, je pense que certaines notions pourraient être abordées plus tôt dans le cursus scolaire, car elles offrent un intérêt pour tous les étudiants, même ceux ne prétendant pas à la maîtrise d’oeuvre.
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Recherche de la MSP Après une année d’échange au Brésil, je rentre en France pour me consacrer à mon Projet de Fin d’Etudes (PFE). Je n’attends pas l’obtention de mon diplôme d’architecte d’Etat pour entreprendre des recherches concernant l’agence susceptible de m’accueillir afin d’effectuer mon habilitation à la maîtrise d’oeuvre. J’avoue que ce n’est pas sans angoisse que je commence mes démarches. La rumeur grandit au sein des étudiants et porte toujours le même message : trouver une agence qui accepte d’embaucher un étudiant pour une mise en situation professionnelle... c’est difficile! À l’époque, j’envisage de m’adresser à l’agence Nadau/Lavergne où j’ai effectué un stage de six mois et avec qui j’ai créé des liens amicaux mais la conjoncture est telle que cette agence ne peut se permettre pour l’instant d’embaucher une personne supplémentaire. Tout en réalisant mon projet de fin d’études, je contacte une jeune femme avec qui, dix ans auparavant, j’avais travaillé en restauration et sympathisé, et qui est maintenant architecte. Installée en libéral, pour diminuer sa charge de travail importante, elle accepte de me confier la réalisation d’esquisses. Elle m’annonce également son intention de monter prochainement son agence et m’informe qu’elle aura alors peut être besoin de moi pour la soulager dans la production de dessins. Je continue malgré tout mes recherches tout en gardant à l’esprit que si mes productions satisfont cette jeune architecte, elle m’acceptera dans son équipe et me permettra d’être éventuellement partie prenante dans la création de son agence.
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Je poursuis malgré tout la quête de l’agence en mesure de m’accueillir le temps de ma mise en situation professionnelle... Bien sûr, je commence par être sélective, dans l’espoir de dénicher une agence qui promeut les mêmes valeurs que les miennes. Je fais appel à mes maigres contacts engrangés durant mes années de travail d’extra à l’année en tant que barmaid... mais rien n’aboutit. Après quelques conversations téléphoniques avec les agences que l’on m’a recommandées je dois me rendre à l’évidence... être si sélective ne m’est pas permis si je souhaite effectuer ma MSP cette année. J’appelle, envoie des mails et dépose des CV dans un grand nombre d’agences... mais rien n’y fait. Les réponses sont récurrentes : “Nous ne cherchons personne” ou “ Nous ne prenons que des personnes que nous avons déjà eues en stage.” Dans cette recherche effrénée qui met à dure épreuve le moral, je décroche un entretien avec l’agence TLR et Associés. Je suis alors reçue par une architecte, Isabelle qui, à la fin de notre entrevue, se dit séduite par mon profil. Elle m’explique cependant qu’elle est dans une situation délicate, car d’autres candidats l’ont contactée, que nous sommes nombreux sur le marché et que le choix va s’avérer difficile pour elle. Je repars malgré tout optimiste et en attente d’une réponse proche qui malheureusement sera encore négative. Je réalise, par la suite, encore une dizaine d’entretiens comme celui-ci sans aucune réponse favorable. Pour obtenir l’habilitation à la maitrise d’oeuvre en son nom propre, nous devons démontrer que nous la méritons et que nous avons l’étoffe d’un maître d’ouvrage ; je pense déjà qu’en soi, la persévérance nécessaire dont il faut faire preuve avant de dénicher une agence d’accueil prouve notre volonté et notre envie d’accéder à ce titre. Après avoir stoppé les recherches une quinzaine de jours pour me consacrer à mon projet de fin d’études, deux opportunités s’offrent à moi. Mr Champagnat, architecte sur le bassin d’Arcachon me propose d’effectuer mon habilitation à la maîtrise d’oeuvre à ses côtés. Il m’explique que ma mission consisterait essentiellement en du suivi de chantiers et que je n’aurais pas
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réellement de missions de dessins, en tout cas dans les perspectives actuelles. Il me parle de plusieurs chantiers sur le Pyla, qui seraient totalement à ma charge. Un mélange d’excitation et d’angoisse m’envahit. Je perçois que je serais livrée à moi même sur ces chantiers. Situation formatrice, il est sûr, mais dangereuse également. Je n’ai pas assez d’expérience ni encore l’oeil suffisamment aguerrit pour détecter les différentes failles d’un chantier. La seconde opportunité est celle que m’offre Carole, la jeune architecte connue par le biais de notre saison commune de restauration. Comme je l’espérais, elle m’explique qu’elle monte sa propre agence au mois d’août prochain et qu’elle prend l’option d’embaucher quelqu’un dès sa création, plutôt que de se rémunérer, afin de booster son agence dès le début. J’ai donc un choix à faire entre l’accès au chantier qui me chatouille depuis tant d’années et une expérience différente qui est de participer à la création d’une agence tout en me formant à l’évolution concrète de projets. Après réflexion, vu le manque de formation lors de mon cursurs universitaire sur la conduite de chantiers, je n’estime pas responsable de ma part d’accepter l’offre de Mr Champagnat et je décide donc de m’engager auprès de Carole La Salmonie.. Cet emploi, me semble-t-il, me permettra de m’épanouir tout en apprenant un maximum sur une multitude de facettes du métier d’architecte. Etre dans une configuration d’agence réduite à son plus simple appareil, et être pleinement partie prenante dans les différentes étapes de création d’entreprise, comme la communication, la mise en forme de l’atelier, les aspects juridiques, les normes administratives, le fonctionnement général me procurera la possibilité de grandir au plus vite ceci en étant parrallèlement confrontée à la vie quotidienne d’une agence rythmée par ses différents acteurs. Effectivement, je souhaite réaliser mon habilitation à la maîtrise d’oeuvre dans le but de fonder ma propre agence. Je pense donc judicieux et également en adéquation avec cette formation, de me situer dans une agence naissante durant ma mise en situation professionnelle. Je vais cotoyer, au plus près, les rouages et les mécanismes de la création d’agence, configuration similaire à ce que je rencontrerai à mes débuts en tant qu’architecte indépendant.
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Le fait d’avoir effectué cette longue et périlleuse recherche de l’agence en condition de m’accueillir durant le temps de ma mise en situation professionnelle me permet de porter un regard critique sur cette démarche. Du fait du manque d’agences susceptibles d’accueillir un Architectes Diplômés d’Etat (ADE) en situation de MSP, la recherche est rendue difficile et pénible pendant une période plutôt clé de nos études qui est le projet de fin d’études. Je pense qu’un facteur facilitateur serait que l’école mette à disposition des étudiants une liste d’agences en capacité d’assumer un tel accueil. Une disparité importante existe entre les ADE qui souhaitent réaliser leur mise en situation professionnelle, du fait de la structure qui les reçoit et ce point influe, à mon avis, sur sa valeur. En effet, l’étudiant-architecte n’accède pas aux mêmes libertés d’actions suivant les diverses configurations d’agences et suivant leurs structures. Si les conditions fournies par l’agence ne lui permettent pas de suivre un chantier lors des huit mois de formation, cette expérience qui a pour but d’être intense et riche en enseignements risque de se transformer alors, en une longue attente ennuyeuse pour l’étudiant-architecte. La qualité de son apprentissage sera moindre par rapport à ses pairs mais il sera cependant jugé d’après les mêmes critères lors de son passage devant le jury final. Je me permets d’évoquer ceci en quelques lignes, non pas parce que cette situation est mienne, mais pour entendre ce regret de la part d’amis étudiants confrontés à cette problématique. Cette configuration est, bien sûr, le cas le plus extrême. Margé cet état de fait, j’estime enrichissant que nous puissions, grâce à nos expériences singulières dans différentes structures d’agences, échanger à l’occasion des séminaires sur nos pratiques et ainsi ouvrir notre esprit à de nouvelles manières d’exercer et de vivre le métier d’architecte. En effet, les parcours distincts des ADE alimentent de vifs débats lorsque nous nous retrouvons. De cette manière nous appréhendons encore mieux les multiples facettes du métier. Pour que ce bénéfice soit possible, il est nécessaire que les agences jouent réellement le jeu d’embaucher un ADE afin de le former à la maîtrise d’oeuvre et non pas qu’elles cherchent à bénéficier d’un employé à moindre coût.
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En ce qui me concerne, très heureuse d’être en poste dans l’agence de Carole La Salmonie, je vous propose de partager, l’expérience et les instants clé que j’ai vécu lors de ma mise en situation professionnelle (MSP) au niveau de la création d’un atelier d’architecture. En plus de l’apprentissage professionnel que j’ai acquis ainsi, la découverte des étapes et démarches nécessaires liées à la naissance d’une agence est prédominante. Ayant eu la chance d’évoluer dans une entreprise en éclosion et d’avoir été confrontée aux questions inhérentes à sa mise en place, j’estime maintenant pertinent de les examiner avec vous.
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CDI Atelier d’Architecture - Carole La Salmonie La Teste de Buch
PFE & ERASMUS Brésil
Stage 5 mois Escritorio A3E3 Plans PRO - structure métallique
Voyage Italie -Suisse
MASTER 2 EnsapBx
HMONP EnsapBx
Conférence Phillipe Prost Conférence Luigi Snozzi
SOLAR DECATHLON Réutilisation des térodons Stage 6 mois Conférence Agence Nadau/Lavergne Patrick Bouchain Workshop Esquisses Particuliers & Concours Landitude MASTER 1 Monitrice EnsapBx Atelier d’architecture - L2 Stage 6 mois 24H de l’innovation Agence Atelier Bulle 2ème prix All-over ESQ & Permis de Construire Classe spécialiséeStage première pratique Collège Jean Zay LICENCE 3 Collectif Agence Basckerville EnsapBx Hors-Normes Esquisses Particuliers Conférence Pierre Fray Stage d’observation Bureau Véritas Conférence LICENCE 2 Normes incendie & Handicap Rem Koolhaas EnsapBx Conférence Francis Kéré Stage ouvrier Tailleur de Pierre Pratique de la taille
LICENCE 1 EnsapBx
Workshop Santiago du Chili Habiter le risque Cycle général Première approche du projet Culture architecturale commune Baccalauréat Scientifique Arcachon
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02L ‘ A G E N C E “Une feuille de papier n’est pas seulement le réceptacle de symboles neutres mais un champ ou un espace qui est traversé. L’ oeil marche, saute, voyage à l’intérieur et à l’ extérieur” April Greiman 21
Portrait de l’agence Coordonnées de l’agence Atelier d’architecture - Carole La Salmonie Siège social : 51 avenue des Abatilles - 33120 Arcachon Atelier : 4b impasse Gallieni - 33260 La Teste de Buch Site : cls-atelierdarchitecture.com mail : cls.architecte@gmail.com Carole La Salmonie : 06.99.65.88.45
L’Atelier : 05.83.46.66.85
Informations juridiques SASU (Société par actions simplifiée à associé unique) au capital de 2 000€ N° de Siret : 81252380100015 N° de Siren : 812 523 801 N° à l’ordre des Architectes : 17637 Création de l’entreprise : Août 2016
Les moyens physiques & numériques Personnes Physiques: Carole La Salmonie Laura Sas - mise en situation professionnelle Moyens Physiques :
1 local impasse Gallieni 20m2 1 i-MAC 1 Mac book pro 1 imprimante brother
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Philosophie de l’agence “ S’imprégner, trouver, savoir, dessiner, chercher, agir, se passionner, inventer, anticiper, comprendre, rêver, s’adapter, réfléchir, découvrir, optimiser, construire, vivre, se questionner, surprendre, créer, respecter, bâtir, projeter, imaginer, être, conceptualiser, ressentir, aller, innover, analyser, écouter, aimer, observer, communiquer, écrire, se risquer… Telles sont les actions principales de l’atelier d’architecture. La volonté de développer et de lier des qualités d’études d’un projet, d’en soulever ses problématiques afin d’apporter une réponse concrète. En effet, la conception d’une architecture seule n’est pas suffisante au développement d’un projet architectural. L’atelier se veut de cerner la vision historique, sociale, familiale et économique pour se rapprocher au plus près de la réalité. Par ailleurs, construire est pour les clients une véritable aventure. Prendre le temps d’appréhender leurs souhaits et de comprendre leurs besoins est primordial. C’est pourquoi dans tous les types de missions que l’atelier traite, l’écoute et le dialogue participe à la réflexion. Des échanges suffisants et nécessaires à la concrétisation du projet sont au cœur du travail durant toute sa durée. Chaque mission incite donc à la curiosité et à la motivation ainsi qu’à un investissement total. Chaque projet d’architecture est unique et passionnant. La relation avec les clients devient toujours, de par le fait, autant une aventure professionnelle concrète qu’une rencontre humaine enrichissante, pour les deux parties. L’atelier se veut humain, altruiste et véritablement accessible à toutes générations, professions et projets différents, quelque soit sa dimension et son impact.” Carole La Salmonie
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Création de l’agence
Réflexions préalables
La profession d’architecte compte à peu près 30 000 professionnels inscrits à l’ordre des architectes et plus de 1000 jeunes diplômés sortent chaque année des écoles d’architecture, avec pour certains le projet de créer leur propre cabinet d’architecture. En considérant ces chiffres, pour ceux qui souhaitent devenir indépendants, il est difficile de percevoir avec sérénité le futur de leur agence. Avant de vous exposer les premières conditions indispensables au fondement de la création d’une agence, je souhaite rappeler tout d’abord l’état des compositions des agences françaises. Cet intermède me semble nécessaire afin de comprendre les enjeux des questionnements préalables et fondamentaux à la création d’une agence. Il faut savoir que, d’après une étude menée par l’observatoire des métiers sur les professions libérales, près de 60 % des architectes affirment que l’avenir s’ouvre aux agences de 4 salariés ou plus, et 25 % pensent que l’avenir est propice aux agences de plus de 10 salariés. Or ce constat est contradictoire avec le fait qu’une agence française sur deux n’emploie aucun salarié. En effet, en 2010, la profession regroupait environ 33 000 établissements dont 9 500 seulement avec des salariés et d’après le CNOA (le Conseil National de l’Ordre des Architectes), 50 % à 70 % des entreprises n’ont pas d’employés. D’après une autre étude sur les statistiques de la profession d’architecte de 1998 à 2007 d’Olivier CHADOIN et Thérèse EVETTE, réalisée pour le
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ministère de la culture et de la communication en 2010, dans la population ordinale, on apprend que les tranches d’âges supérieures continuent de progresser fortement depuis bientôt 25 ans alors que le pourcentage des architectes de moins de 40 ans inscrits à l’ordre a chuté de moité en 24 ans. Mais si l’âge auquel les architectes décident de travailler en indépendant ne diminue pas, il n’en demeure pas moins que c’est l’exercice en société qui connait l’essor le plus important ces dernières années. La réalité demeure néanmoins que les petites structures rencontrent de grandes difficultés pour être concurrentielles et pérennes au delà de leur trois premières années. En effet de nos jours, les exigences de plus en plus pointues des clients, la rapidité d’exécution attendue et la lourdeur des procédures et réglementations font qu’il est difficile pour une seule personne (ou même deux dans le cas d’association) de faire face à la complexité du métier tout en demeurant concurrentielle sur le marché. Une perspective bénéfique pour de telles micro-structures pourrait être d’envisager leur regroupement afin qu’elles puissent intégrer dans leur chaîne de production des métiers supports en les mutualisant. Ces métiers sont ceux qui allègent au quotidien la tâche des architectes en exercice tel que les travaux de secrétariat, la gestion des réseaux informatiques, la communication ou encore le chargé de développement prospectant la clientèle... S’établir à son compte est une opération risquée, il est donc indispensable pour une jeune structure souhaitant s’implanter dans une région d’effectuer en tout premier lieu une étude sérieuse du marché afin de connaître les points forts sur lesquels elle pourra s’appuyer et de déjouer les dangers et risques potentiels. Tout d’abord, se renseigner sur les grandes tendances (urbanisme, programmation de l’aménagement du territoire, types d’habitat ..) et les acteurs du marché permet de vérifier la cohérence du projet par rapport aux réalités du terrain ainsi que par rapport à ses propres atouts personnels et de vérifier l’opportunité de se lancer. Il est judicieux de réunir un maximum d’informations pour s’orienter vers les meilleurs choix d’implantation, et du secteurs d’activité et également pour fixer des hypothèses de chiffres d’affaire en prévision de l’établissement d’un budget provisionnel.
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Une fois la décision prise, certaines conditions sont obligatoires pour l’ouverture d’un cabinet d’architecture : en premier, bien sûr, la qualification nécessaire et l’inscription à l’Ordre des Architectes ; ensuite se conformer à la législation puisque le métier d’architecte est une activité réglementée par trois textes de loi (Loi n°77-2 du 3 janvier 1977- les décrets d’application qui organisent la profession, les devoirs envers les clients et les règles envers les confrères - Le règlement intérieur de l’Ordre des architectes). Puis celui qui souhaite suivre le chemin de chef d’entreprise doit penser au statut juridique du cabinet, cette activité pouvant être exercée en libéral sous son nom propre ou par l’intermédiaire d’une société, il doit s’interroger : désire-t-il se lancer seul ou en association et quel statut juridique adopter? Plus tard vient le temps de couvrir sa nouvelle activité professionnelle par la prise d’une assurance spécifique, de préparer le type de contrat qui liera le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage en précisant notamment la nature et l’étendue de la mission de l’agence ainsi que sa rémunération et de faire le provisionnel de l’agence (chiffre d’affaires /charges). Enfin, on le voit, le chemin est long avant de pouvoir pousser la porte de son propre cabinet. L’implantation de son entreprise demande donc une grande minutie et engage une multitude de choix bien réfléchis. Une autre problèmatique essentielle, et d’importance pour la future vie de l’agence, est la définition de son identité. Par quelle image sera-t-elle représentée auprès du public et des autres professionnels? Cette image, carte d’identité de l’entreprise reflètera les personnalités et les idéologies des architectes aux yeux des différents acteurs en relation avec elle. Elle permettra à cette agence en devenir de se démarquer et d’être concurrentielle. Il est donc fondamental de soigner cette définition et de prendre le temps de la réflexion pour fournir des bases riches et solides essentielles au développement de l’agence ainsi que de se questionner sur les objectifs constituant la viabilité de cette nouvelle entreprise : Quel public vise-t-elle et quelle place souhaite-telle occuper sur le marché de l’architecture? La réussite de cet exercice ardu, nécessite de bien se connaitre et
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d’avoir effectué une réflexion sur soi même, le cas échéant avec ses associés afin de découvrir ses forces, ses faiblesses, puis de comprendre quelles sont les opportunités à saisir, ainsi que d’identifier les menaces qui risquent de se dresser entre l’architecte et l’objectif qu’il projette pour le devenir de son agence. Viendra ensuite le moment de mettre en place une stratégie de communication pertinente et cohérente avec l’identité, la culture de l’entreprise et les objectifs visés. Après les années passées à l’école d’architecture, les stages effectués et les emplois en tant qu’architecte, chaque professionnel a développé une vision, une idéologie, des valeurs fondamentales qui l’accompagnent tout au long du temps, des modes, des changements technologiques et qui suivent l’évolution de ses habitudes de vie. Ce sont des fondements qui lui sont propres, mélanges de cultures, d’héritages de vie ou encore de convictions acquises qu’il fait évoluer jusqu’à ce qu’ils lui correspondent toujours au plus proche. Dans le cadre d’une agence, je pense que tout architecte souhaite que cette dernière reflète l’ensemble de ces acquis durement mûris. C’est pour cela que la question de la représentation de sa société d’architecture auprès du grand public, facteur de transmission, me semble si importante dans son amorce et présage de l’essor de celle-ci. Il est donc légitime de songer à la manière de divulguer ce message à travers un positionnement attractif, clair et compréhensible par tous. C’est sur cette approche, que j’ai travaillé avec Carole La Salmonie durant mon premier mois en tant qu’architecte salarié de son agence. Comme de nombreux confrères, Carole est parvenue à un moment de sa vie professionnelle où elle éprouve le besoin de créer sa propre agence avec son identité propre ne souhaitant plus travailler de chez elle au rythme des projets trouvés par le biais du bouche-à-oreille. Le moyen rapide de modifier sa manière d’exercer est de devenir un personnage public et de se représenter officiellement. Diplômée architecte HMONP depuis 2008, elle a donc pris la décision, au mois de juillet de l’année 2015, de créer officiellement son entreprise, sous la juridiction d’une Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU).
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L’accession à un local, être visible sur la voie publique est un des facteurs essentiel de cette modification d’orientation. Joint à cette nouvelle étape, s’en suit le besoin inévitable de se créer une cohésion graphique qui sera déclinée sur les différents supports représentant l’agence. Cette charte graphique a une très grande importance puisqu’elle a pour rôle d’affirmer le professionnalisme de l’architecte auprès des métiers du bâtiment, de rassurer et séduire les potentiels clients toujours plus méfiants au coeur de cette société procédurière où l’image de l’architecte est entachée et également, elle est le vecteur, césame de reconnaissance, parmi la mer de confrères voir concurrents existants. A mesure que le temps passe, sa mission est de se propager au coeur des villes, au fil des projets, à la manière du petit poucet, ainsi l’impact visuel et le champ d’horizon des possibles s’élargira d’autant. Dans la suite de cet écrit, je vais développer ces deux grandes étapes qui concrétisent et initient l’activité de l’agence en tant qu’entité propre. Dans un premier temps, je aborderai la prise en possession du futur local de l’agence ainsi que sa transformation et dans un second, j’évoquerai les enjeux de la charte graphique, prochaine identité de l’agence et les phases nécessaires à sa création. Pour chacune de ces étapes, j’exposerai les enjeux théoriques et les questions inhérentes à leur mise en place en les illustrant à l’aide de mon expérience concernant l’Atelier d’Architecture - Carole La Salmonie.
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Le choix des locaux et l’aménagement
La recherche de l’édifice qui accueillera les futurs locaux de l’agence d’architecture est une étape importante. Cet endroit sera la vitrine du potentiel de l’agence, il est vecteur d’idées, de capacités et en dit long sur la philosophie des occupants. En premier lieu, il s’agit de trouver un emplacement. Cette étape est très souvent biaisée par les moyens financiers de chaque architecte et les opportunités disponibles au moment de la recherche. Il va de soit qu’une agence établie en rez-de-chaussée, offrant une vitrine sur la rue, n’aura pas le même impact sur le public qu’une agence installée dans un immeuble et signalée uniquement par la présence d’une plaque au pied de cette construction. Il en va de même si sa situation donne sur une place publique ou dans une rue peu passante. Chaque emplacement est donc à étudier avec minutie afin de bien jauger du potentiel de chacun. Une fois la question du positionnement géographique résolu, la réflexion s’oriente vers l’aménagement interne du local qui sera pratiqué chaque jour par une diversité d’acteurs. Effectivement, cet espace est crucial puisqu’il doit correspondre aux besoins de ses divers hôtes étant chacun porteur d’intentions spécifiques en fonction du rôle qu’ils jouent dans le projet architectural. Pour satisfaire aux exigences professionnelles des architectes, ce lieu doit offrir des zones de travail adéquates à la pratique prolongée de l’ordinateur et à la vie d’entreprise mais il doit également inclure un espace d’accueil et d’échange à l’intention des futurs clients et des entreprises partenaires. Cette zone, où les clients sont reçus afin de leur présenter l’évolution de leur projet, doit induire un climat de confiance et les mettre dans de bonnes dispositions pour qu’ils aient la possibilité de se concentrer, sans gêne, l’esprit serein, sur les esquisses que l’architecte leur présentera. Concevoir l’espace, en ayant pour ligne de mire leurs usages, permet de favoriser et d’améliorer la collaboration entre les différents acteurs en lien avec le métier d’architecte, mais aussi entre collaborateurs.
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À cette notion d’espace fonctionnel s’ajoute la dimension de représentation véhiculée par ce lieu même qu’est l’agence. Effectivement, quoi de plus représentatif des idées de l’architecte aux yeux des maîtres d’ouvrages que le local dans lequel l’architecte a choisi de travailler. C’est l’espace représentatif par excellence. Il est donc important de penser l’amènagement du local comme un projet précieux, ambicieux, porteur d’avenir. Si les visiteurs se sentent à leur aise, apprécient les finitions soignées, la propreté de l’agence et l’ambiance agréable, ils seront inévitablement plus détendus et confiants pour débuter l’entretien pour lequel ils sont venus. En mon sens, ce local doit révéler le champs des capacités des propriétaires, être l’illustration de l’intelligence d’agencement de l’espace des architectes sans pour autant être extrême dans le concept pour ne pas risquer de trop déstabiliser les clients. Il est important de surprendre, d’interpeler le visiteur sans le placer en situation d’inconfort du fait d’un espace trop saisissant. Un agencement insolite voire excentrique des lieux risque de perturber ou distraire exagérément le maître d’ouvrage et lui faire perdre ses capacités d’écoute et d’attention. L’espace dans lequel les visiteurs sont reçus est donc vecteur de messages implicites sur le sérieux et les aptitudes de l’architecte occupant les lieux. L’atmosphère induite peut susciter, chez le client, un sentiment d’appartenance, lui donnant le sentiment de faire partie de la mouvance de l’agence. Ce processus permet de fidéliser le client mais également et surtout de l’impliquer totalement. C’est souvent, un des premiers produits finis que les éventuels clients recevront de l’agence, moyen pour eux de percevoir sa capacité de production. L’agence est un espace de travail à considérer comme un outil de communication stratégique à part entière. Il est donc nécessaire de construire un équilibre entre une sphère de représentation publique et une zone dédiée à la création et au dessin, cette zone ayant pour caractéristique d’être modulable et de s’adapter à chaque architecte collaborateur. Ce second espace peut par conséquent évoluer en direction d’une appropriation plus totale pour illustrer et reflèter au plus près la personnalité
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de l’architecte. Cependant, il ne se veut pas seulement un lieu d’expression de la création de l’architecte mais doit être aussi un espace adapté qui simplifie au mieux la pratique à laquelle il est destiné. De grands bureaux, facilitant le partage et s’adaptant à chacun, de nombreux rangements pour les dossiers, le tout baigné de lumière me semble des composantes primaires nécessaires à la pratique de l’architecture. Cet environnement de travail est un outil visant à communiquer les valeurs de la société en interne, aussi bien qu’en externe. En effet, il est courant que certains clients, artisans, ou autres bureaux d’études visitent les architectes à leur agence mais il est assez rare que ces personnes soient invitées par l’équipe à passer dans la sphère dédiée au travail. Je trouve intéressant l’idée de pouvoir proposer des espaces ayant plusieurs caractéristiques au sein de la même agence. Cette démarche permet de montrer la pluralité des interventions possibles par le maître d’oeuvre, son adaptabilité et son évolutivité en fonction de chaque usage. En d’autres termes, l’agence en tant qu’identité physique doit être source d’émotions pour le visiteur, attirer le public, attiser sa curiosité et l’impliquer une fois qu’il en a franchi la porte. Du point de vu des salariés ou associés, l’espace doit favoriser le partage, l’échange et laisser libre place à la création.
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Le cas de l’atelier d’architecture Carole La Salmonie
Carole La Salmonie opère la métamorphose du local, avec toutes ces intensions bien en tête, l’objectif étant d’être en mesure d’intégrer les lieux en septembre 2015 sous l’identité de l’Atelier d’Architecture - Carole La Salmonie. C’est donc au mois d’août 2015 que Carole m’annonce qu’elle a trouvé un local disponible situé au centre de La Teste-de-Buch, sur la place du marché. Cet emplacement offre une visibilité parfaite et permet d’être remarqué par un public vaste et varié puisque sa façade s’ouvre sur le stationnement dédié au marché de la ville ainsi qu’à la salle de spectacles. Précédemment, un institut de beauté occupait les lieux, il est donc indispensable de modifier l’espace lui même, ainsi que la façade, afin que les passants constatent rapidement un changement de destination significatif qui s’ancrera dans leur esprit. D’importants travaux de réhabilitation, qui vont permettre à Carole de fusionner sa vision de l’architecture avec son local professionnel, sont alors entrepris. Les espaces sont entièrement décloisonnés et redistribués tout en conservant une ligne directrice intimiste de la zone de travail. Sur la partie avant de l’agence, un espace de représentation est créé, ce qui permet d’accueillir les visiteurs mais également de se regrouper pour les réunions ou les moments de création commune, et en deuxième ligne s’organise un espace plus privatif réservé au dessin, à la conception et à la recherche créative. En effet, Carole choisit de situer cette zone en second plan car elle préfére travailler en toute tranquilité et ne souhaite pas faire office de vitrine lorsqu’elle est à son poste de travail ni être importunée par le regard curieux des passsants. De ce fait, une bibliothèque est positionnée à mi hauteur pour scinder les deux espaces tout en laissant pénétrer la lumière et en créant un point de fuite vers l’extérieur. Carole délimite ainsi clairement les lieux, tout en offrant des perspectives. Elle met en valeur des éléments structurels et techniques existant dans la pièce (poteau porteur, conduits de ventilation, cables électriques….) et agrémente l’espace avec du mobilier chiné au gré de ses coups de coeur.
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Son intention est de créer un dialogue par la juxtaposition d’une interprétation high-tech du local avec des objets porteurs d’histoire reflètant ses valeurs. Ce choix traduit sa volonté d’allier une modernité qui lui est propre avec ses racines et son attachement aux valeurs ancestrales. Cet aménagement illustre clairement ce que j’exposais plus haut, à savoir que l’appropriation de l’agence est identitaire de l’architecte et véhicule ses courants fondateurs. Pour renforcer la personnification de son image, Carole emploie une charte graphique colorimétrique qui lui est propre et lui tient à coeur: le rouge, le gris, le blanc. Ces couleurs se déclinent au sein de l’agence, sur l’enseigne ainsi que sur tous les documents produits, cartes de visite et autres supports de communication afin de créer une véritable cohésion. De ce fait, les changements opérés interpellent le promeneur qui note le changement d’activité et associe ces couleurs et cette localisation avec la nouvelle fonction du lieu. Durant les travaux et l’aménagement, nombreuses sont les personnes venues demander quelle profession investissait les lieux.
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Avant
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Après
Pour ma part, malgré des penchants communs avec ceux de Carole, je ne me serais pas appropriée l’espace de la même manière, en particulier en ce qui concerne la matérialisation des deux zones de travail au sein du local. En effet, j’aurais préféré que l’espace situé au second plan se laisse deviner et s’intimise au grès de la déclinaison de moucharabiehs ou autres claustras, ayant pour effet de réveiller l’imaginaire du visiteur dès son entrée dans les lieux tout en augmentant le point de vue sur l’entrée du local ainsi que la perspective offerte aux professionnels pratiquant les lieux.
Réaménagement réalisé
Ma projection
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A travers ce cas précis, il est intéressant de constater que malgré des desseins communs sur ce local et des idées d’agencement d’espace qui se rejoignent, la concrétisation matérielle se formalise différemment au niveau de l’expression des volumes. Entre le temps des idées et la réalisation concrête, la personnalité de l’architecte agit comme un filtre, source d’inspiration créant à l’arrivée des sensations singulières chez les utilisateurs du lieu. Cette différence provoque donc une déclinaison d’émotions et engendre un sentiment d’appartenance ou non de la part des individus actifs dans cet espace. Ce travail d’agencement du local à son image et en fonction de ses propres représentations du métier d’architecte terminé, vient le temps de penser à son identité graphique.
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Création d’une identité graphique
De la même façon que le lieu d’implantation et l’aménagement du local de l’agence d’architecture nécessitent d’être bien réfléchis, l’entreprise a besoin d’être reconnue et identifiée dans chacun de ses actes. C’est pourquoi il est indispensable, dès les premières semaines suivant sa naissance, de lui créer sa propre charte graphique. Il s’agit de son identité visuelle qui se déclinera sur chaque écrit émis lors de son activité mais qui sera également perçue sur son enseigne, ses cartes de visite, son site internet, panneau de chantier et autres supports de communication... Cette démarche permet à l’agence de bénéficier d’une plus grande lisibilité auprès du public. La charte graphique a pour but d’asseoir l’identité de l’entreprise ou de l’institution en installant une cohérence dans ses réalisations. C’est elle qui permet de reconnaître au premier coup d’œil l’origine d’un projet, une marque, une organisation ou une entreprise. Elle sert à distinguer facilement l’émetteur du message et à se repérer visuellement dans les différentes réalisations graphiques. Par ce moyen, un passant associera un chantier à une agence ou une entreprise, il en reconnaîtra une annonce ou une facture parmis d’autres. De même au niveau des administrations et services publics, il est nécessaire d’être clairement identifiable et identifié ceci permettant une plus grande rapidité dans la lisibilité et l’instruction des dossiers. Grâce à sa charte, l’entreprise construit son image et renforce sa stratégie de communication qui devient cohérente et harmonieuse. Une charte bien conçue permettra un gain de temps et créera une uniformité visuelle considérable et reconnue dans le futur. Définie clairement et mise en place dès les prémices de l’agence, elle sera rapidement utilisée par les collaborateurs de l’entreprise, c’est le cas par exemple avec l’emploi de cartouches prédéfinies que le salarié de l’agence n’a plus qu’à modifier en fonction des coordonnées de chaque nouveau client. Cette pratique procurera ainsi une homogénéité dans l’ensemble des dossiers.
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Parmis les différents paramètres composant la charte graphique d’une agence, le nom et le logotype constituent la clef de voûte de l’identité graphique. En effet, ces deux éléments impactent pratiquement tous les supports. Il faut donc les concevoir clairement et s’assurer de leur compréhension rapide. Ils ont pour finalité de frapper l’esprit des gens afin d’être identifiés sans difficulté dès qu’ils sont visuellement repérés. Même si certaines entreprises jouent la carte du nom imprononçable, jonglant avec les dissonances à visée marketing, il est tout de même plus sûr de choisir un nom facilement mémorisable, qui s’ancrera dans les esprits par sa simplicité et sa pertinence. C’est lui qui passe de bouche en bouche et nourrit l’imaginaire du public. Il véhicule une image et une mentalité bien précise. Le choix de ce nom doit également être pensé sur du long terme, pouvoir grandir avec la société et s’adapter à ses futures évolutions afin de préserver la connection créée avec le quotidien des habitants. Aujourd’hui 93 % des entreprises possèdent un logo professionnel. Ne pas en avoir c’est faire partie des 7% d’entreprises privées d’une grande part de visibilité sur leur marché. Ce logo doit être percutant. Une entreprise sans logo, s’apparente à une personne sans visage. C’est pourquoi, la préparation d’un logo a été rapidement évoquée pour la nouvelle agence de Carole La Salmonie.
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Création du logo et de l’enseigne de l’Atelier - Carole La Salmonie
Dès les premiers jours de mon arrivée au sein de l’agence en pleine création il est donc question de concevoir les outils de communication représentatifs de notre activité : l’enseigne qui se situera sur la façade du bâtiment, les nouvelles cartes de visites ainsi que le site web. Le travail consiste à repenser la base de charte graphique que Carole a mise en place lorsqu’elle exerçait en tant que libérale afin de l’adapter à l’activité d’une agence d’architecture ayant pignon sur rue. Carole me confie donc sans attendre la mission d’imaginer de nouveaux logos pour l’agence. Parallèlement à la création du logo, il faut également définir quelle typologie sera utilisée sur les différents documents et quelles informations y seront renseignées. “Atelier d’architecture - Carole La Salmonie” est le nom choisi par Carole préalablement à mon embauche et elle souhaite le conserver en tant que tel. Elle prend le temps de m’expliquer qu’elle tient à ce terme “d’ Atelier” car il évoque pour elle, un espace de création plus ouvert d’esprit et fait ressortir l’aspect concret, bâtisseur de l’architecture. C’est donc en réutilisant la charte chromatique de Carole que je me mets à la recherche du futur logo qui pourrait représenter l’agence. J’ai pris connaissance du logo antérieur, mais dans un premier temps, je ne souhaite pas m’en soucier afin de laisser cours à mon inspiration et d’explorer librement les possibilités qui me viennent à l’esprit. Je lui propose notamment des logos structurés à partir de ses initiales personnelles pensant qu’un jour, si son souhait est de s’associer, les lettres CLS pourront perdurer et servir de sigle. De la sorte, elles deviendront signes distinctifs de l’agence en tant qu’entreprise et non plus attachées uniquement à une individualité. L’évolution et le développement de l’entreprise s’effectuera alors sans nécessité la modification du logo.
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Il va de soi qu’un graphiste qualifié serait bien plus à même de réaliser cette tâche, mais il est également vrai que les réalités financières sont telles que les petites entreprises créent très souvent seule leur propre logo. La difficulté de cette tâche fut pour moi de me penser à la place de Carole, non pas dans la position de chef d’entreprise, mais de percevoir précisémment sa philosophie afin de comprendre quels logos pourraient lui plaire et ainsi de respecter au plus près ses envies. Je propose donc à Carole un échantillon de mes premières tentatives de logo. Comme chaque création est subjective, certaines réalisations me correspondent davantage que d’autres. C’est le cas du numéro 1 qui peut être décliné sans les lignes noires ce qui appuie les initiales et donc dématérialise leur réalité en devenant un graphisme de quadrilatères rouges. Par contre, j’estime que les logos 3 et 5 ne sont pas appropriés, ils me paraissent trop lourds, difficiles à déchiffrer au premier regard et trop figuratifs.
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Le logo est pensé avec minutie et Carole ne se précipite pas pour le réaliser, consciente des enjeux qu’il véhicule en tant que symbole représentatif pour elle et son entreprise. Elle souhaite se l’approprier afin qu’il traduise le sérieux de son agence mais aussi son goût pour les proportions et les lignes de fuite. Pour ces raisons, son choix s’oriente vers les logo 4 et 5 mais ceux-ci nécessitent encore, à ses yeux, des améliorations. La synergie présente dans ces deux logos, créée par l’entrecroisement des lettres, lui plaît tout particulièrement. Elle décide donc que le logo définitif aura comme base cette composition. Après l’appropriation du logo par Carole qui en adapte les proportions à sa représentation de l’équilibre parfait, nous poursuivons le travail par la composition de l’enseigne de l’agence qui doit être simple, lisible et concise afin que les informations présentées soient percutantes. Les dimensions de l’enseigne sont déterminées par la réglementation de la ville qui autorise une superficie de 2m2 mais également par les proportions de la façade qui présente un emplacement de 80cm de hauteur à l’aplomb de la vitrine de l’agence. Concernant sa composition, il est décidé qu’elle portera le logo, le nom de l’agence et la qualification de l’architecte, le tout sur un fond rouge, afin d’être repérable de loin par le public piéton ou véhiculé. Par la suite, nous avons concervé cette base de communication visuelle en l’adaptant aux différents supports représentatifs de l’agence tels que la carte de visite, les panneaux de chantier, les cartouches de dessin, les devis ou encore la signature des mails. Cette constance et cette harmonie induite par l’unité graphique prouve l’attention portée à chacun des destinataires et nécessite d’être entretenue. Le succès de cette démarche repose essentiellement sur l’implication et l’exigence de l’architecte.
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logo de l’agence - avant & après réappropriation
avant
après
Ensemble de la charte graphique de l’agence
Signature mail & invitation inauguration
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Panneau de chantier
Cartouche
Panneau
Carte de visite
ATELIER D’ARCHITECTURE Carole La Salmonie
Architecte d’état - Maître d’oeuvre
Enseigne
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Transmettre l’information- Création d’un site web
Dès mes permiers jours à l’agence, consciente des enjeux que l’outil internet procure, je prends l’initiative de référencer l’agence sur google. De nos jours, il est effectivement indispensable pour une entreprise d’être référencée sur le géant google puisqu’il fait office des nouvelles pages jaunes. Lorsqu’un particulier recherche un architecte, s’il n’en connait pas encore, son premier réflexe sera de taper “architecte et le nom de sa ville” dans la barre de recherche et il sera automatiquement renvoyé à une carte google qui géolocalisera et regroupera toutes les informations : nom, téléphone et horaires d’ouvertures et même type de liens au site web. Une fois cette première étape indispensable réalisée, nous nous intéressons rapidement à la mise en place du site web. Lucide du potentiel bénéfique que procure un site bien conçu, Carole envisage de faire appel à un professionnel afin de lui coder sa page internet à son image. Je la mets alors en relation avec Adeline Debert, une amie encodeuse. C’est à cette occasion que je découvre un nouveau monde de la communication avec ses codes, son mode de raisonnement spécifique et son vocabulaire particulier. Il me faut réussir à transmettre mes idées et celles de Carole concernant l’architecture pour que mon amie, Adeline, puisse les adapter et les mettre en forme sur une page virtuelle. Autant exprimer mes pensées architecturales par dessins , volumétries ou paroles ne me pose pas de problèmes particuliers, autant transcrire celles-ci afin qu’elles se reflètent sur une page virtuelle me met en difficulté. En effet, le développeur utilisent des termes propres à la profession de web designer qui me sont inconnus et il est parfois complexe de faire comprendre à mon amie, nos représentations mentales architecturales pour qu’elles s’adaptent aux exigences de la page web sans perdre l’esthétisme souhaité. De nombreux quiproquos verront le jour lors de mes échanges avec Adeline et l’un des plus mémorable étant le jour où elle m’a demandé de bien vouloir lui envoyer deux chevrons, un gauche et un droit, pour le site web... C’est un moment de solitude et de fous rires lorsqu’elle m’explique que, pour elle, les chevrons sont les flèches latérales permettant de faire défiler les images sur une page web.
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Nous sommes conscientes que les décisions prises lors de la phase de conception conditionnent toutes les étapes de la création d’un site. Afin d’établir un cahier des charges précis permettant l’élaboration efficace et réussie du site, il est nécessaire de se questionner sur les paramètres qui forment l’identité d’un site d’architecte. Le titre est la première donnée auquel les visiteurs vont accéder et c’est cette information qui s’affichera dans les favoris de l’internaute; il est donc essentiel de lui accorder une importance particulière. De même, le corps de la page doit être particulièrement soigné et porter un message clair et attractif. Il est nécessaire de garder en tête qu’un site web se compose d’une succession de séquences d’informations qu’on se doit d’agencer en pensant à leur enchaînement afin que tous les éléments s’ajustent et que l’ensemble soit cohérant. Sachant que 20 % du trafic sur les sites web des architectes s’effectue via un appareil mobile, l’idéal est d’avoir un site conçu en Responsive design car, dans ce cas, il peut être consulté aussi bien sur les ordinateurs de bureau que sur les terminaux mobiles et seul son affichage change selon le périphérique d’affichage. Grâce à de fréquents échanges avec Adeline ainsi qu’à ses conseils avisés sur la composition du site, nous réussissons à mettre en place une ébauche du site durant le temps de ma HMONP. En tant qu’architectes, il nous reste encore à sélectionner les documents représentatifs de chaque projet et si nécessaire à les retravailler afin de les inclure au site. Un site au reflet de l’architecte est chronophage sans aucun doute. Il est pourtant important de se constituer rapidement une bibliothèque de projets réalisés afin de les présenter en tant que références aux futurs maîtres d’ouvrage. En effet, je pense que les personnes désirant construire ont besoin d’être rassurées rapidement par des productions qui les apaisent concernant le professionnalisme et les courants architecturaux du concepteur.
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Images du site en construction
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Ces premiers modes de communication que je viens d’évoquer, élaborés dès la création de l’agence (identité, carte graphique, site web ) ne constituent pas, à proprement parlé, un échange puisqu’ils s’établissent de façon unilatérale. Ils servent à faire connaître, à promouvoir l’agence. L’architecte les met en oeuvre pour donner des informations, mais ils n’instituent pas de dialogue. Ces renseignements sont donnés, offerts aux maîtres d’ouvrage potentiels qui en disposent et les utilisent à leur gré. Ils permettent aux futurs clients d’avoir une visibilité sur l’entreprise ainsi que sur ses capacités avant de la contacter. Je voudrais souligner à quel point, au moment de la naissance d’une agence, ce premier travail est précieux et bénéfique pour sa stratégie commerciale. En effet, cela lui permet de se définir clairement, de se protéger des éventuels pièges de la nouveauté et d’entrevoir les évolutions vers lesquelles elle souhaite tendre. L’architecte se questionne donc et fixe clairement la future stratégie de progression pour son agence naissante. Sa première réflexion est de déterminer l’orientation qu’il désire donner à sa boîte, c’est à dire d’identifier la portée de son entreprise : veut-il exercer, à terme, au niveau régional, national ou encore international ? Suivant les ambitions définies, l’agence opère alors des plans d’évolutions différents. Indissociable de cette orientation, l’architecte doit également choisir son positionnement sur le marché : veut-il être présent sur la sphère privée et traiter de projets type maisons individuelles ou désire-t-il candidater pour des concours publics afin de réaliser des projets de plus grande envergure ? Il est courant que l’exercice de l’architecte allie les deux formes d’activités. Dans ce cas, il doit alors quantifier l’importance qu’il souhaite donner à chaque type de marché afin de mettre en oeuvre les outils adéquats qui lui permettront d’atteindre son objectif. L’ensemble de ces questionnements est inhérant à la création d’une entreprise et vital à la longévité de celle-ci. Ils visent à la rentre efficace, rentable et donc viable le plus rapidement possible. Je vous propose maintenant de me suivre dans l’étude des différents types de communications qui permettent à l’architecte de fonder une relation de travail et d’établir un véritable dialogue avec ses partenaires ainsi qu’avec les différents interlocuteurs en relation avec lui.
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03L C A O M M U N I C A T I
“ Savoir écouter, c’est posséder, outre le sien, le cerveau des autres”
Léonard de Vinci (1452-1519) architecte, artiste, ingénieur, peintre, philosophe, scientifique, sculpteur 49
O N
La mise en oeuvre d’une stratégie marketing ne se limite pas à faire une campagne de pub ponctuelle ou à mettre en ligne un site web comme nous l’avons vu précédemment. Il s’agit d’un effort de longue durée basé sur les agissements de l’architecte. En effet, chaque relation avec le client, chaque image de projet présenté, chaque participation (ou non) à un événement, chaque relation avec les autres professionnels du bâtiment, a une influence sur les résultats de la stratégie de communication de l’agence. Tous ces facteurs sont des vecteurs de communication extérieure décisifs, comme l’est également chaque membre de l’équipe interne à l’agence. Chaque collaborateur est, à tout moment, un vecteur de la communication de l’atelier d’architecture. Par leur personnalité et leurs attitudes dans le cadre professionnel, ils participent à l’image et la réputation de l’agence. C’est par le travail de relations publiques et de gestion de la relation à sa juste valeur avec chacun des maillons indispensables à la production architecturale que les architectes peuvent se singulariser et sortir de l’anonymat. Au fil des études d’architecture, ces notions nous sont enseignées par le biais d’exercices d’ateliers, de projets architecturaux au cours desquels, les notions de dialogue, de complexité architecturale et de communication sont introduites, parmi de nombreuses autres, contribuant à la sophistication du métier d’architecte. L’imaginaire et la curiosité des architectes en formation sont également développés durant le cycle universitaire. En effet, l’autodidaxie et l’autoformation sont deux qualités, en mon sens, indispensables à un architecte consciencieux. Pour demeurer performant, créatif et progressé, il doit perpétuellement être à l’affût des nouvelles techniques et avancées et se tenir informé des productions de ses confrères par le biais de lectures (publications, sites spécialisés, revus...), mais aussi de conférences par exemple. Dans la partie suivante, j’évoquerai, tout d’abord, la position particulière de l’architecte acteur principal de la création, mais aussi chef d’orchestre agissant comme rotule et catalyseur dans le projet architectural, puis je détaillerai successivement les différents types de communication d’une agence d’architecture en interne et en externe tout en clarifiant la place de l’architecte dans ces systèmes.
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L’architecte comme rotule Ce métier situant le sujet humain au coeur de l’action, il va de soi pour l’architecte de centrer son travail sur le vécu singulier des hommes en se fondant sur les façons de vivre, les activités pratiquées, les types de déplacements et les espaces utiles pour évoluer et interagir agréablement dans un lieu déterminé. Ce métier relève du service à la personne, et selon moi, l’architecte passionné qui met son art au service de la justesse d’exécution qu’exige chaque projet, sert cette optique en s’adaptant au mieux aux exigences et désirs de chacun. N’oublions pas que sans usager, il n’y a pas d’architecture. Chaque projet de construction vise un but précis, déterminé à l’origine de cette quête, par une personne ou un groupe de personnes éprouvant un besoin bien particulier. Comme l’exprime Anik PELOQUIN, architecte québécoise, dans Le Devoir, quotidien Québécois du 30 novembre 2002, évoquant son métier et sa pratique, il n’existe pour elle pas de recette, pas d’automatisme, seulement une précision dans l’action, une justesse d’intervention et le souci du détail bien fait. Je pense qu’une condition pour que cet objectif de précision et de perfection soit atteint, sans chemin détourné, est que les échanges se déroulent d’égal à égal et que chaque acteur trouve sa juste place dans le processus de projet. Elle explique également « Je travaille sans idées préconçues, je n’ai jamais de “flash” en visitant un local. Je suis comme une éponge ; j’absorbe, je regarde, les détails évidents apparaissent immédiatement. Puis, je commence à dessiner — je fais encore mes esquisses à la main —, c’est comme une espèce de labourage. Ensuite, comme par magie, tout se met en place.» Je me sens très proche de cette manière de penser et j’ose imaginer que ce même processus se produit chez chaque intervenant du projet architectural qu’il soit professionnel du bâtiment ou non. Nous devons tous assimiler les données et contraintes afin de les intégrer pour ensuite les métamorphoser en projet.
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L’architecte est la rotule au centre du système ; c’est lui qui manipule l’espace et transmet ses idées au maître d’ouvrage mais également aux différents intervenants du bâtiment qui travaillent en synergie avec lui, il converse avec les administrations dans le cadre de la conception, il est le chef d’orchestre lors du passage à la réalisation concrète de l’oeuvre. C’est ainsi que l’architecte est uni aux différents intervenants par des liens contractuels et des relations fonctionnelles qui engendrent différents types de relations. (Cf schémas ci-contre) L’architecte doit sans cesse adapter sa position en fonction des interlocuteurs et de la phase d’avancement du projet. Au delà de la modélisation de la spatialité, il est en charge de multiples responsabilités relevant des mises en oeuvre techniques, des procédures administratives et financières. Afin de remplir sa mission au plus proche, il se doit de coordonner chacun des acteurs, mais également de dialoguer avec tous pour faire émerger les solutions les plus adéquates au service du projet. Ainsi, au stade du chantier par exemple, une fois que l’équipe opérationnelle est constituée, c’est-à-dire que toutes les entreprises sont connues, il faut concilier les intérêts internes de chaque entreprise avec l’objectif d’une oeuvre collective regroupant le savoir-faire de tous. Pour réussir cette subtile manoeuvre, l’architecte doit adapter son discours en fonction des acteurs et mettre en place différentes stratégies de communication. Des allers-retours sont essentiels entre l’architecte et les intervenants afin de prévenir les éventuels problèmes et de concevoir des solutions ensemble. Pour cela il doit exister un dialogue par lequel l’architecte entretient des relations d’observation, d’autorité, de contrôle ou de vérification suivant les interlocuteurs. Tous doivent naviguer vers le même cap : celui de la réalisation d’un projet comblant et satisfaisant au mieux l’attente du maître d’ouvrage, quel qu’il soit. Grâce en partie à ses aptitudes et son intelligence à entrer en relation avec les autres de manière ouverte et efficace, à transmettre une information explicite tant dans son contenu que dans sa présentation pour un public déterminé, c’est bien l’architecte qui permet à toutes les forces qui gravitent autour d’un projet de s’équilibrer afin d’atteindre un état stable, techniquement et esthétiquement satisfaisant.
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- Maître d’ouvrage - Ingénieurie : Bureaux d’études techniques Ingénieurs conseils Techniciens collaborants Géomètres Experts fonciers - Coordinateurs SPS - Contrôleurs techniques - Services publics : Services techniques de la commune Fournisseurs/distributeurs d’énergies Services eaux & assainissement Opérateurs des réseaux téléphoniques
Architecte
Liens contractuels
Liens fonctionnels
Maître d’Ouvrage
Observation Contrôleur technique
CSPS
Architecte Entreprise 2
OPC
Avis Contrôleur technique
Observation
CSPS
Entreprise 1
Maître d’Ouvrage
Autorité
Architecte
OPC BET
Au tor ité
BET Entreprise 3
Autorité
Entreprise 3 Autorité
Entreprise 1 Entreprise 2
Sous-Traitant
Au tor ité
Sous-Traitant
Source : l’organisation générale d’un chantier / Conduire son chantier/ Edition Le Moniteur
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Les enjeux de la communication La communication interne et de management
Auparavant délaissée par les chefs d’entreprises, la communication interne regroupe l’ensemble des actions de communication mise en oeuvre au sein d’une structure à destination de ses salariés. Aujourd’hui, dans nombre de grands cabinets d’architecture, cette fonction est orchestrée par un emploi spécifique de responsable de la communication qui met en place un véritable plan de communication par lequel l’information est construite et où les différents médias, l’écrit (affichage, journal d’entreprise), l’oral (séminaires, conférences..), l’audiovisuel et l’outil électronique sont utilisés. Ces objectifs se déclinent dans plusieurs directions comme transmettre des informations, expliquer une nouvelle orientation de l’agence, exposer des résultats, rassembler les acteurs autour d’un projet, motiver les collaborateurs et concourrent tous à établir un ensemble de principes et de pratiques favorisant les échanges de messages, d’idées et de valeurs entre les membres d’une même organisation. Prendre le temps de comprendre et d’instaurer une communication interne adaptée à son image, c’est appréhender tous les services qu’elle peut rendre particulièrement en tant qu’outil de motivation auprès de chaque salarié ainsi que pour promouvoir les règles communes à l’agence. Une bonne stratégie de communication rapproche dirigeants et salariés et leur permet d’avancer dans la même direction.
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Je vous propose de vous détailler et de prendre conscience des enjeux d’une telle communication en vous explicitant le but et les bénéfices de la mise en place d’une gestion interne bien pensée. Je ne m’avance pas beaucoup en disant que ce type de communication s’apparente à une gestion des ressources humaines de l’agence et puisque chaque membre de l’équipe est un facteur de réussite de l’entreprise, il va de soi que mettre en lumière le potentiel de chacun et optimiser le flux des échanges afin de les rendre fluides ne pourra être que salutaire à la croissance de la structure. En effet, une bonne communication interne permet d’instaurer une dynamique d’échanges informationnels et lorsque les renseignements circulent clairement entre les membres de l’équipe et ce, sans qu’il y aie perte d’informations, les dossiers sont traités de manière plus efficace, ils évoluent plus rapidement et donc la société n’en est que plus réactive et concurrentielle sur le marché .Vu sous cet angle, cette communication devient un véritable levier de stratégie de management. Une fois les moyens techniques mis à disposition, il est primordial d’impliquer les employés dans la vie de l’agence. Pour ce faire, l’architecte doit faire comprendre son éthique et partager les valeurs fondamentales de son agence, celles qui le motivent à avancer chaque jour, qui justifient ses orientations, ses choix de marché afin que les personnes constituant son équipe aient la capacité de se les approprier, de s’y identifier et de les faire eux aussi progresser. Par ce procédé les architectes collaborateurs et les autres salariés de l’atelier développent un sentiment d’appartenance et se sentent impliqués à une cause définie. Ainsi, renforcer la conscience d’une équipe où chacun est valorisé en fonction de ses connaissances et de ses capacités, dans le but de valeurs communes, est essentiel au bon développement d’une équipe. Permettre à chaque membre de s’exprimer, de poser des questions de s’interroger sur les projets en cours n’est pas, pour moi, une perte de temps mais un enrichissement grâce au regard neuf que porte chaque personne face à la situation évoquée en l’envisageant en fonction de leurs propres savoirs et expériences.
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J’ai moi même pu percevoir l’importance de ce type de relations au cours de mon année d’Erasmus passée au Brésil. En effet, lors de mon échange universitaire, j”ai réalisé un stage d’une durée de cinq mois, à Ribeirao Preto, dans une agence pluridisciplinaire : A3E3, qui regroupait une trentaine de personnes dans ses locaux. L’équipe était équitablement répartie entre architectes et ingénieurs structure. L’atmosphère de travail qui régnait dans ces locaux m’a enchantée. J’ai relevé la présence de plusieurs composantes indispensables à l’établissement de bonnes relations, en particulier un climat d’entraide sans jugement et idées préconçues sur la valeur de chacun, une qualité d’écoute et un grand respect de la personne, ces qualités étant toutes mises au profit du projet. Ce sentiment de sereinité porteur d’efficacité que j’ai ressenti au sein de cette agence ne me semble pas être subjectif, temporaire ou du au hasard, la durée de mon stage fut suffisamment longue pour que je m’installe pleinement en tant que membre dans l’équipe et pour que le langage de précaution utilisé à mon accueil disparaisse et laisse place aux rapports quotidiens et vrais établis dans cette agence. Ayant par la suite réfléchi aux raisons qui créent une telle ambiance, positive pour chacun et également favorable à la qualité du travail, j’estime que la cause essentielle réside dans le fait que chaque individu connu est valorisée au sein de l’entreprise à travers ses capacités et sa personne. A aucun instant, je n’ai constaté, un signe de rivalité entre les différents acteurs du projet, que l’agence soit en période de stress du à l’excès de travail ou non. Le travail en équipe et la collaboration s’imposaient naturellement sans barrière hiérarchique. Depuis cette expérience, je garde à l’esprit que cette posture relationnelle permet de fédérer des projets au coeur d’un climat général sain et stable et influe, à terme, sur les performances de l’entreprise. J’ai pris réellement conscience que le fait de partager une vision et des valeurs communes, joue le rôle d’un ciment unificateur et catalyseur du potentiel de chacun. Cet effort stimule la créativité et la productivité individuelle de chaque employé le tout rassembler dans un esprit d’équipe générant ainsi une énergie qui évolue dans la même direction. Il est sûr
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que dans ma future agence, je serai très vigilante afin d’y instaurer une ambiance identique la considèrant comme un atout rare et irremplaçable. Une fois le climat de confiance et l’esprit d’équipe constitués au niveau du fonctionnement de l’agence, il est bon de ne pas rester positionné sur cet acquis et je pense pertinent, par la suite, de faciliter le partage d’expériences. Pour ce faire, j’estime opportun de rapprocher dirigeants et salariés afin d’instaurer une meilleure écoute bilatérale et de répondre aux attentes des collaborateurs en matière d’informations. Un tel rapport au sein d’une hiérarchie permet une ouverture d’esprit, une attention particulière aux suggestions d’améliorations proposées par les interlocuteurs sachant que le retour d’expérience et la confrontation avec les réalités du terrain enrichissent souvent les meilleurs concepts. En mon sens, un architecte en tant que personne de dialogue, se doit d’être un responsable consciencieux de son agence en se préoccupant de la qualité des relations existant au sein de son cabinet, en se tenant informé de la manière dont ses associés et collaborateurs le perçoivent et comprennent ses aspirations tout en demeurant vigilant sur l’ambiance de travail instaurée sur place. En conclusion, une communication interne bien pensée est une ressource inestimable et une valeur ajoutée pour l’agence, c’est sur cette base solide que pourra s’établir une organisation de travail efficace et acceptée par tous. Je vais maintenant expliciter ce lien entre communication et organisation de travail en illustrant mes propos à l’aide de mon expérience tirée de ma mise en situation professionnelle.
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Mise en place d’une organisation de travail Excepté si l’architecte possède déjà l’expérience de la création d’agence, l’organisation de travail ne s’établit pas en quelques jours, mais s’élabore au fil des mois en prenant conscience des besoins d’échanges nécessaires à un travail structuré et productif. Le but étant de proposer un ensemble de communications internes spécifiques à l’atelier afin d’être efficace. Pour permettre une prise en main rapide et une utilisation fonctionnelle, des modes de fonctionnement claires et simples doivent être conçus. C’est pourquoi, il est inévitable d’identifier avec justesse l’ensemble des tâches liées au travail d’architecture et d’établir une organisation précise afin de les planifier. En premier lieu, le problème de la transmission au quotidien des données doit être solutionné. Dans toutes les agences que j’ai fréquentées lors de mes différents stages au cours de mon cursus universitaire, les fichiers étaient classés, sauvegardés et partagés grâce à une mise en réseau informatique de l’agence. Un serveur permettait le stockage des données informatiques communes à l’ensemble du groupe. Réelle mémoire de la production quotidienne de l’agence, l’ensemble des dossiers concernant les affaires en cours y étaient conservés. Lorsque l’on évolue dans un milieu où cette connection en réseau local des différents postes informatiques est déjà instituée, cela semble naturel et on ne se pose plus vraiment la question de son importance. Le vécu sur mon lieu de mise en situation professionnel actuel m’a permis de mesurer l’ampleur de sa fonction. En effet, à mon arrivée, l’agence était dotée d’un ordinateur, outil de travail de Carole et pour ma part je fonctionnais avec mon matériel informatique personnel. La mise en réseau du système via une connection wifi a mis quelque temps à éclore et j’ai été confrontée aux difficultés de fonctionnement qu’engendre son absence. Effectivement, sans cet outil, il est sans cesse nécessaire de penser au partage des données et d’être vigilant à leur transmission. Les outils informatiques n’étant pas mutualisés, un dossier peut “s’égarer” entre les différents disques
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durs, ou être conservé par inadvertance sur son ordinateur portable personnel sans avoir été au préalable copié sur le second poste de l’agence. De ce fait la communication est rompue entre les différents acteurs. Ce fonctionnement individuel du stockage des informations est un handicap important par la perte de temps et le risque d’erreurs que cela engendre. Il n’est alors pas rare de devoir interrompre un travail en cours pour fournir un renseignement à sa collègue n’ayant pas accès par elle-même au fichier, et la crainte de perdre une donnée est omniprésente. Dans le cas d’une agence naissante, employant un minimum de salariés, il est possible de s’accommoder d’un tel fonctionnement quelques mois, mais très rapidement, afin d’optimiser le temps de travail et d’établir une communication efficace, l’installation d’un réseau commun aux différents postes de travail est incontournable. En deuxième lieux, la programmation de la gestion des dossiers et la planification du temps de travail de tous les professionnels est fondamental. Pour chaque dossier il s’agit de définir et programmer les actions à accomplir, au niveau de chaque étape, prévoir les temps et les moyens nécessaires, assigner les tâches à un membre de l’équipe responsable, coordonner les actions, contrôler le bon déroulement des opérations programmées, réagir rapidement aux dérives en recadrant et en adaptant l’organisation aux événements. Prendre le temps d’organiser l’activité est ce qui permet de “gagner” du temps, de mieux rentabiliser son travail, d’être efficace, de respecter les délais et les engagements donc de maintenir et d’améliorer sa réputation, d’assurer la pérennité de l’agence. C’est encore une fois par le vecteur de la communication mais également par la pratique et l’expérience que cette organisation s’établit et s’améliore. Dans le cas précis de l’Atelier d’Architecture - Carole La Salmonie, afin d’ordonner les tâches hebdomadaires en fonction de leur priorité et du temps nécessaire à leur exécution, nous utilisons une grande affiche épinglée au mur que nous remplissons chaque lundi. Nous y notons la référence de chaque dossier, les différentes missions qui doivent être acccomplies au cours de la semaine, le nom de la personne en charge de cette tâche ainsi que les dates limites
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d‘exécution lorsqu’elles sont déterminées pour la semaine concernée. Ce temps de concertation hebdomadaire est l’occasion de nous recentrer sur l’évolution des dossiers, c’est un temps de communication où les objectifs sont clairement fixés, redéfinis et les éventuelles difficultés soulevées et traitées ensemble. Dans le cadre d’une petite agence comme celle où j’évolue, toutes les étapes d’organisation de travail sont à la charge de l’architecte et notamment la gestion des agendas et des rendez-vous. Dans le cas présent, Carole, en tant que directrice d’agence titulaire de la maîtrise d’oeuvre, assume la majeure partie des rendez-vous et son agenda est le plus chargé. Pour ma part, travaillant le plus souvent à l’atelier et en l’absence de poste spécifique de secrétaire, la jeunesse de la structure ne permettant pas l’embauche d’une personne supplémentaire, je suis également chargée de la prise de contacts téléphoniques. Je me vois alors confrontée à un problème relevant du partage d’informations lorsque de potentiels clients sollicitent un rendezvous. N’ayant pas accès au planning des rendez-vous extérieurs de Carole, je ne suis pas en mesure de leur apporter une réponse rapide et satisfaisante. Il me semble que ce manque de réactivité peut nuire à l’image de l’agence tant au niveau de son sérieux que de sa fiabilité. Il serait sans doute judicieux de mettre en place un système d’agenda synchronisé informatiquement me permettant de remplir mon rôle d’accueil avec plus de professionnalisme. Une troisième composante intervenant dans la mise en place d’une organisation de travail performante relève de l’archivage papier des dossiers qui intervient en complèment de la mise en mémoire informatique. Ce classement se doit d’être transparent pour que chaque membre de l’agence puisse accéder aisément à un dossier donné pour répondre, par exemple, avec justesse aux interrogations d’un client inquiet par rapport à l’avancement de son projet. Il faut également noter l’importance de classer l’ensemble des dossiers lorsqu’une affaire est terminée ainsi que tous les documents écrits qui lui sont liés afin de conserver la traçabilité de chaque affaire compte tenu de la responsabilité engagée de l’achitecte vis à vis de la réglementation et des assurances.
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Actuellement, les projets réalisés au sein de la jeune agence de Carole sont rangés dans des chemises sur lesquelles sont inscrits les références du client (numéro de dossier, nom et ville). Ces dossiers comprenant les permis de construire, les documents administratifs et les devis des entreprises sont stockés dans des casiers et n’occupent pas encore beaucoup d’espace. Ce rangement devra sans doute être repensé au fur et à mesure que l’agence se développera et que leur nombre augmentera. Parallèlement à cette communication interne à l’agence véritable pilier de son organisation, existent d’autres relations tout aussi primordiales que je vais maintenant évoquer.
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La communication interpersonnelle Maître d’oeuvre- Maître d’ouvrage
Dans cette communication interpersonnelle bien particulière, le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage sont liés par des enjeux informatifs, relationnels et d’influence. L’enjeu informatif est très certainement le plus décisif et le plus dominant dans la pratique de la création et de l’évolution d’un projet architectural. Il débute dès lors qu’un client pénétre dans une agence d’architecture. Effectivement, il n’est pas rare que celui-ci s’adresse à un architecte sans avoir réellement conscience des rôles et missions de ce professionnel ni de l’implication que lui demande la gestion d’un projet. Les maîtres d’ouvrage n’ont dans l’ensemble qu’une connaissance partielle du métier d’architecte véhiculée entre autre par les médias, les journaux et parfois les ouvrages dédiés à l’architecture. Pour le grand public, l’architecte est un concepteur de grands projets spectaculaires, de réalisations exeptionnelles comme le centre Georges Pompidou ou la fondation Louis Vuiton par exemple….. Il est l’artiste qui crée une oeuvre magistrale s’inscrivant dans la culture générale mais la majorité des citoyens ne perçoit pas vraiment l’intérêt de s’adresser à un architecte “du quotidien” pour la construction de son habitation personnelle si ce n’est parce que la loi, récemment modifiée, le leur exige pour une surface supérieure à 150 m². Ils ne font pas vraiment la différence entre promoteur, constructeur, architecte, architecte d’intérieur, et leur représentation du métier est très souvent parasitée par des idées préconçues ayant malgré tout la vie dure : un architecte ça coûte cher ..., un architecte ça n’écoute pas ..., un architecte on ne le voit jamais sur le chantier ..., un architecte c’est moins sécurisant qu’un constructeur...
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Il est donc nécessaire au préalable d’expliquer clairement les multiples fonctions et responsabilités d’un architecte tout au long du projet. Une des missions de l’architecte est de sensibiliser le public au fait que son métier présente un intérêt pour lui mais également pour la protection de l’environnement, pour la qualité des paysages urbains et la sécurité des bâtiments construits. L’architecte est le garant du respect de la réglementation concernant la sécurité, l’accessibilité, la protection de l’environnement et la qualité des constructions. Il conçoit la maison individuelle ou l’édifice public à partir du programme du maître d’ouvrage et de son budget mais également en tenant compte du site d’implantation, de l’exposition et du climat, du choix des techniques et des matériaux. Les personnes profanes et peu au fait de ces questions ont parfois du mal à se représenter concrêtement l’impact réel de ces enjeux c’est pourquoi elles apprécient la présentation d’un book afin d’en prendre visuellement conscience, de mesurer le passé constructif de l’agence et d’évaluer le champ de ses capacités. A cet aspect de la communication informative, que je qualifierai, de vulgarisation explicitant au maître d’ouvrage les avantages que lui garantit un architecte, s’ajoute une information réglementaire, puisque l’architecte est tenu à un devoir de conseil qui s’exerce tout au long de la mission qui lui est confiée. L’architecte est chargé d’expliquer au client les différentes étapes du projet architectural et leur déroulement et de vérifier leur faisabilité. Ce devoir de conseil exige donc que l’architecte informe et signale tous les risques et inconvénients que présente le projet de construction. Pour se mettre à la portée de son interlocuteur, il utilise tous les moyens de création et de communication à sa disposition selon l’étape d’avancement du projet en partant de l’esquisse, en effectuant des propositions de dessins jusqu’à la conception générale avec des éléments plus techniques et structurels comme le choix des matériaux apportant l’admosphère finale à la réalisation.
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Délais
Honoraires
Responsabilités Assurances B.E.T
Appel d’offres
Coordinations Communications Comptablilité Designer
Règlements
Eclairagiste
Economie projet Impact Acousticiens Entreprises Budget Consultants Economistes
Normes
Administration Passion Influences Références Concepts Artisans Projet Site Ecoute
Le Maître d’Oeuvre
Respect
Le Maître d’Ouvrage Projet Envies Influences Terrain Budget Crédit Coûts Histoire Manières de vivre Caractère Croyances Besoins Culture Usages Connaissances Calendrier Sensibilité
Implication Enjeux Exigences Appréhensions Rêves
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Confiance Contrat
Cette mission de conseil enjoint à l’architecte de créer une relation impliquée avec son client sur du long terme. La réussite du projet, en particulier, me semble-t-il, dans le cadre de constructions individuelles, dépend de la qualité de cette relation et du lien par lequel les échanges ponctuels se répondent les uns aux autres et servent sa réalisation cohérente. La communication entre donc dans une phase relationnelle où l’accompagnement personnalisé cotoie l’intimité du client en fonction de son propre engagement. Ceci suppose de nouer avec chaque maître d’ouvrage une solide relation de confiance. Tout au long d’un projet d’architecture de nombreuses questions surviennent et nécessitent des intéractions régulières et productives entre l’architecte et son client. Un jeu de questions/réponses s’instaure entre le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage au cours duquel le client est amené à fournir des réponses précises et honnêtes. Il arrive également qu’un éclaircissement demandé par le client soulève une nouvelle problèmatique et permette à l”architecte de clarifier le projet en apportant une réponse appropriée. Pour accepter de se dévoiler et poursuivre son implication tout au long de l’évolution du projet, le maître d’ouvrage doit avoir le sentiment que ses contributions sont appréciées et prises en compte. Une communication claire et franche basée sur l’écoute de chacun, le respect mutuel et la prise en compte des valeurs de chaque interlécuteur est gage de compréhension entre les deux parties. L’empathie est nécessaire à la pratique de ce métier. C’est un défi de chaque jour, chronophage sans doute, mais c’est en étant à l’écoute du maître d’ouvrage, en valorisant ses propos qu’un échange sincère peut être fondé ; pari générateur d’histoires humaines singulières qu’il s’agit, en fin de compte, de raconter, de transformer et de matérialiser en projet architectural. Faire entrer des personnes novices dans l’intime cercle de la création architecturale et soi-même pénétrer dans le quotidien d’inconnus pour leur concevoir leur espace privé et familier est pour moi un aspect passionnant du métier de l’architecte.
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C’est encore plus vrai lorsque le projet est initié par une personne de langue et de culture différente de celle de l’architecte. Celui-ci doit décupler d’effort, à l’instar d’un sociologue, afin de comprendre les modes et les habitutes de vie de son client. De nombreux défis sont à surmonter tout le long d’un projet d’architecture et la manière dont chaque partenaire réagit lors de la parution des difficultés inhérentes à sa réalisation influe sur sa progression et sur les réponses proposées. Il est donc là encore primordial d’introduire, dès la phase de l’esquisse, une communication de qualité sur laquelle s’appuyer lors de la phase chantier du projet où les choix du maître d’ouvrage deviendront réalité. Un véritable échange constructif, bénéfique et productif repose sur la maîtrise de la communication. Le temps investit à instaurer, dès l’origine, une relation saine, aisée et respectueuse de chacun permet, par une diffusion plus fluide des informations, d’être plus efficient et d’avancer plus rapidement lors de la concrétisation du projet et des ultimes choix du maître d’ouvrage. Enfin, l’architecte imprime également à cette relation interpersonnelle une dimension d’influence auprès du maître d’ouvrage. Être influent n’implique pas un caractère péjoratif. L’architecte se situe en tant qu’acteur principal de la conception architecturale et responsable de sa viabilité. De ce fait, il est le socle qui permet au projet de trouver sa stabilité, son équilibre. Professionnel, il coordonne les différents corps de métiers et se positionne face au maître d’ouvrage en tant qu’expert. Il est amené à user de ses dons de persuasion, de conviction, justifiés par ses connaissances et son expérience de concepteur, afin de mettre en adéquation les idées, les volontés et le budget du client avec les réalités et contraintes liées au projet. Ainsi, par souci d’éclairer son discours, l’architecte opte pour des options de représentations propices à chaque situation et clarifiantes pour faciliter la communication et la création d’un objectif commun. Il emploie par exemple le croquis ou la modélisation 3D pour évoquer les premières volumétries possibles, manie le plan et la coupe dans le but d’être plus précis et de dimensionner les espaces et use de la parole ainsi que de la multiplication d’éléments de production
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(maquettes....) afin que le client puisse se projeter avant l’étape du chantier. Convaincu, le maître d’ouvrage accepte alors de se rallier aux propositions de l’architecte et manifeste une réaction constructive qui pousse l’avancement du projet. Effectivement dans une communication les messages non verbaux occupent autant de place que les mots et les actes engendrent souvent un sentiment de confiance et de sécurité plus avancé que de simples paroles. Une fois la réception d’un chantier effectuée, il me semble enrichissant et instructif pour l’architecte de prendre du recul sur la relation engagée avec le client en s’interrogeant sur la façon dont lui ou l’atelier d’architecture a été perçu par le maître d’ouvrage. Ce recul d’expérience permet d’effectuer le bilan de ses capacités relationnelles, d’analyser les difficultés rencontrées et les erreurs commises et ainsi de renforcer ou modifier certains facteurs de la communication maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’oeuvre afin de se comporter de manière plus compétente face aux multiples situations rencontrées. Prendre conscience de soi et de ce qu’il est, permet à l’architecte d’engager un retour sur lui même et d’affiner la connaissance de ce qu’il projette afin de réajuster et d’adapter son comportement et ses attitudes aux différentes circonstances en fonction de ses valeurs d’architecte. La réalisation d’un projet architectural est donc en grande partie dépendante de la qualité de communication qui s’instaure entre le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage. Mais cette communication binaire se transforme rapidement en relation triangulaire avec l’apparition d’un troisième partenaire indispensable, l’entrepreneur et/ou le technicien structure. Très vite ses compétences se voient sollicitées dans le cadre d’un partenariat technique visant la concrétisation du projet. Je vous propose donc maintenant de réfléchir aux rapports qu’entretiennent l’architecte avec l’entrepreneur et autres Bureaux d’Etudes Techniques (BET), mais plus particulièrement avec l’entrepreneur artisanal ce qui correspond à mon expérience de mise en situation professionnelle.
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La communication entre professionnels du bâtiment
L’architecte et l’entrepreneur sont unis par le lien qui existe entre le projet et la construction. L’un conçoit l’oeuvre que l’autre réalise, tous deux étant engagés par un contrat séparé avec le maître d’ouvrage. C’est pourquoi j’estime que la relation entre l’architecte et l’entrepreneur, professionnel de la construction est un point stratégique. L’architecte, pour atteindre le niveau de qualité souhaité va rechercher un lien plus direct et une implication plus personnelle dans sa relation avec l’entrepreneur ou l’artisan chargé des travaux. L’architecte poussé par la passion pour son art et à la poursuite du mieux va s’efforcer de s’imprégner des différentes techniques de matérialisation de ses idées. En ce qui me concerne, je n’envisage pas la pratique de ce métier sans un apprentissage de la connaissance du matériau et de ses techniques de mise en oeuvre. Lors de la phase d’étude du projet, il arrive qu’un bureau technique ou un artisan alerte l’architecte sur les difficultés d’exécution qu’elle comporte ou ses conséquences sur la solidité de l’ouvrage. L’architecte, en apprenant des collaborateurs au projet, exploite ainsi une intelligence de conception et par une meilleure visualisation de ce qu’il dessine, conçoit plus rapidement et intégre de nouveaux paramètres à son projet. Une plus grande connaissance des techniques et matériaux de construction augmente les choix et les solutions possibles face à une difficulté de conception. L’architecte gagne ainsi un temps précieux lors de l’avant projet. Entre l’architecte et l’entrepreneur s’établit donc une coopération étroite ou les échanges de savoir et de savoir faire sont fructueux. Ils doivent trouver ensemble des solutions de construction qui respectent les budgets et les délais dans le cadre d’un travail en commun. Il faut également noter que certains projets font parfois appel à des technologies complexes qui juxtaposent les structures et les matériaux et nécessitent des échanges avec des acteurs supplémentaires comme les ingénieurs structures afin de garantir la qualité et la viabilité de la
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réalisation. Les valeurs échangées entre l’architecte et les BET comptent des enjeux similaires à ceux existant entre l’architecte et l’artisan. Lors de ces rencontres, chacun apprend de l’autre et en ressort grandi. La qualité de ces échanges, conduisant à une réalisation finale irréprochable, aura des retombées positives sur les deux partenaires. De son côté, l’architecte, en tant que responsable du projet, jouira d’une tranquilité concernant la qualité du travail et le parfait achèvement des travaux lui procurera une publicité et une réputation sur le marché. Quant à l’entreprise son sérieux et son professionnalisme seront valorisés par l’architecte auprès des maîtres d’ouvrage et lors de la phase des appels d’offres lorsqu’elle sera enclenchée. L’architecte et l’artisan doivent donc établir une communication ouverte et une relation équilibrée mais celle-ci ne s’instaure pas naturellement. En effet, l’architecte ayant par son statut une obligation de contrôle et de surveillance sur le travail de l’entrepreneur, la relation ne peut-être symétrique même si l’artisan est expert dans son domaine d’action. Il peut se sentir blessé et dénigré par les remarques de l’architecte. Celui-ci doit donc mettre en avant l’aspect complémentaire de la relation où chacun admet et justifie la position de l’autre. L’approche du travail à accomplir par ces deux professionnels est différente : l’architecte a une vision d’ensemble de l’ouvrage, il sait pourquoi le projet est conçu ainsi alors que l’entrepreneur lui sait comment réaliser le travail. C’est par la qualité de l’engagement et des échanges de l’architecte avec les artisans que le projet peut se déployer et s’épanouir au maximum. Il est indispensable que l’architecte sache communiquer sa satisfaction et sa reconnaissance à l’artisan, qu’il valorise ses initiatives et ses propositions afin d’établir une relation d’égalité et d’initiative et non de supériorité et de dépendance. L’architecte se positionne sur le chantier en faisant respecter ses volontés de mise en oeuvre tout en acceptant et reconnaissant les contraintes techniques que lui exposent les artisans responsables de la production de l’ouvrage.
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Dans le cadre d’une petite agence comme celle de Carole, je pourrais presque me permettre de dire que la relation de l’architecte avec ses artisans et autres professionnels du bâtiment s’apparente à “un mariage”, tant le lien peut être fort et solide. En effet, cette union se développe à l’échelle d’une vie professionnelle dans l’optique de durer. Lorsqu’un architecte rencontre des artisans et autres collaborateurs compétents avec qui il a construit une relation stable et équilibrée, son souhait est de s’en entourer pour l’ensemble de ses productions... Si l’évidence du bénéfice d’un réseau d’artisans de confiance n’est pas à prouver, il est néanmoins beaucoup plus compliqué, pour un nouvel architecte sur le marché de le constituer. Alors, par quels moyens peut-on s’édifier une famille d’ouvriers chevronnés? C’est un des aspects de notre profession qui m’a interrogée lors de ma mise en situation professionnelle. Le temps écoulé, les expériences vécues apportent en partie une réponse à cette question. Mais les prémices de la constitution de cette communauté passe, aussi, par l’étape du bouche à oreille. S’informer sur les entreprises ayant bonne réputation dans la région où il s’implante est un devoir de l’architecte. Cette information n’est pas nécessairement véhiculée par le biais de confrères ou de professionnels mais peut tout simplement provenir de son entourage proche, d’amis satisfaits par le service d’une ou plusieurs entreprises du bâtiment. Cependant, avec le temps et le développement de son activité, il est indispensable, pour l’architecte de solliciter et de tester de nouveaux équipiers sur ses chantiers. Lors de ces premières réalisations qui prennent la tournure d’une “audition”, l’architecte juge de la qualité et du sérieux de production de ces entreprises et choisit de les conserver ou non au sein de son réseau professionnel. Carole étant, elle aussi très consciente de la sécurité qu’apporte un réseau d’entrepreneurs performants ne cesse de répéter “sans mes artisans je ne suis rien, je ne peux pas construire”.
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J’ai évoqué précédemment l’importance de la relation architecte/maître d’ouvrage et architecte/métiers du bâtiment au cours de la réalisation d’un projet mais celui-ci ne peut voir le jour sans l’intervention d’une instance législative qui libère l’accès à la construction. Je vous propose donc maintenant d’en étudier le fonctionnement.
La Communication institutionnelle
Les architectes occupent une place à part dans les professions de la maîtrise d’œuvre de par leur statut de profession réglementée. La loi de 1977 leur confie le monopole pour les projets soumis à permis de construire ; mais ne confondons pas « monopole » avec liberté absolue car la réglementation de cette profession ne résulte pas d’un privilège mais d’une obligation relevant de l’intérêt général comme l’indique le 1ier article de la loi « La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s’assurent, au cours de l’instruction des demandes, du respect de cet intérêt. » L.’architecture est sans doute un des métiers le plus régi par des normes et par extension sujet au contrôle de l’État. Ce cadre rigide paraît particulièrement contradictoire avec la pratique de l’architecture fondée sur la création et l’innovation. Qu’elle soit liée à la construction, à la sécurité, au confort, à l’accessibilité, à l’urbanisme ou au respect de l’environnement, la prolifération de ces normes conditionne de plus en plus le droit de construire, de jouir de nouveaux édifices ou encore détermine leur ouverture au public.
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Se rapprocher des professionnels encadrant ces normes afin d’aboutir à une validation du projet par les autorités devient donc inéluctable. Dans le cadre de ce mémoire, je ne souhaite pas développer la question de l’agonie de la création architecturale du fait de normes toujours plus pesantes et présentes au coeur d’un projet, mais plutôt soulever le sujet de la censure existant lors du passage des dossiers de maîtrise d’ouvrage privé en mairie. Censure toujours plus subjective lorsqu’un projet refusé répond néanmoins à toutes les prescriptions exigées par les écrits. Dans l’exercice du métier d’architecte au sein du marché privé, je pense, judicieux de nouer des rapports basés sur le dialogue avec les différents services d’urbanisme et leurs représentants. En effet, chaque dossier proposé par l’agence d’architecture est examiné et validé ou non par ces professionnels. Se prêter au jeu des rendez-vous avec l’architecte-conseil de la ville concernée par le dossier est essentiel afin de travailler en adéquation avec lui, pour le bien du projet. Malheureusement, ces échanges s’avèrent parfois stériles et compliqués donnant à l’architecte le sentiment d’un contrôle excessif sur sa liberté de création. En effet, la sensation d’un acharnement bureaucratique peut alors naître lorsqu’un dossier complet et soucieux de la règlementation est refusé sous prétexte du non respect de l’harmonie globale de la ville. C’est un problème récurrent auquel j’ai été confrontée lors de ma mise en situation professionnelle. Certaines communes de mon secteur d’activité ont comme mot d’ordre de rester figée dans le temps de peur de dénaturer l’architecture balnéaire existante. Or l’architecture étant une forme d’art définissant l’ADN des nos villes et, par la même, notre identité culturelle, l’immobilisme imposé par les services administratifs habilités à délivrer l’autorisation de construire les ampute parfois de toutes possibilités d’évolution. C’est pourquoi, je pense que, l’architecte doit, là encore, user de ses aptitudes à communiquer et se positionner dans un jeu d’échanges politiques et de séduction avec les services administratifs d’une commune afin de faire
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comprendre ses objectifs ainsi que l’atout de ses propositions architecturales pour le territoire local et d’obtenir, au final, l’acceptation des architectures projetées. Qui, plus que l’architecte, est à même de comprendre un territoire, de valoriser son patrimoine et d’y créer de nouveaux attraits ? L’architecte ne construit pas à partir de rien, toute sa démarche, esthétique et fonctionnelle, est mise au service des territoires et de leurs habitants. La mission de l’architecte renoue là avec le débat politique, il doit faire remonter et entendre aux autorités les besoins et usages des citoyens mais également proposer des créations architecturales ambitieuses, innovantes et de qualité, sans quoi les architectes risquent de s’enfermer eux-mêmes dans des postures esthétiques stériles, sans fondements sociaux ou culturels et devenir des stylistes, des designers esclaves des normes et réglementations.
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“Mon projet préféré ? c’est le prochain” Frank Lloyd Wright 75
P R O J E T R S E A L I S E S
Durant ma mise en situation professionnelle, j’ai eu l’occasion d’expérimenter personnellement et d’évaluer les différents types de communication exposés précédemment. En effet, lorsqu’un nouveau contrat se présentait, je me devais de déterminer ma juste place en tant qu’architecte collaboratrice en formation mais également d’assimiler la signature de dessin propre à l’architecte que je servais. Toute nouvelle expérience demande un laps de temps d’ajustement. La communication a été un vecteur d’accélération de mon adaptation ; Carole m’exposant sa manière de constituer un dossier et sa propre procédure au cours d’un projet architectural. Mon autonomie et mon indépendance dans le traitement des projets ont évolué à une allure décisive au sein de l’Atelier d’Architecture -Carole La Salmonie à tel point que j’ai eu la chance de conduire l’agence, seule, trois semaines durant les congés de Carole. Cette occasion m’a donné l’opportunité de me confronter pleinement aux différents discours caractérisant la faculté d’adaptabilité qu’un architecte doit posséder et cultiver. Pour cette raison, je souhaite maintenant évoquer la complexité des relations, omniprésentes dans le métier d’architecte, entre les différents partenaires liés par un projet architectural, à travers trois affaires vécues, chacune d’entre elles illustrant particulièrement le statut de stabilisateur, de tampon, d’initiateur que doit jouer l’architecte dans ces situations singulières.
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Construction de 3 maisons & Ad’ap LIEU : Biganos 2 SURFACE : 150 m & 70 m2 MISSION Permis de construire MAITRE D’OUVRAGE : Privé BUDGET : 400 000 €
Une administration indécise
Le client, connaissance de Carole, projette la construction de trois ou quatre maisons mitoyennes destinées à la location. Il est lui même propriétaire d’une parcelle, en bordure de route, sur laquelle une maison individuelle est louée à un ostéopathe mais qui n’est pas encore déclarée en tant que cabinet d’osthéopathie à usage professionnel. La soeur et les parents de ce client sont respectivement propriétaires de deux parcelles jouxtant la sienne en limite sud, celle de la soeur donnant également sur la route. Les futures habitations mitoyennes se substitueront à un hangar existant, situé à la fois sur les parcelles de la soeur et des parents de notre client. Il s’agit donc, pour l’agence, de joindre au permis de construire valant division pour les nouvelles constructions, un dossier Ad’AP (Agenda D’Accessibilité Programmée) visant à déclarer et vérifier la conformité de l’Établissement Recevant du Public (ERP) aux normes d’accessibilité handicapés et incendie.
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Ce dossier est le premier dans lequel j’ai pu acquérir une certaine autonomie. Effectivement après avoir dessiné les grandes lignes de l’esquisse et assisté Carole au cours des rendez-vous client, j’ai assuré seule certaines entrevues avant de prendre son relais lors de la conception finale du projet. Ce projet, impulsé par un maître d’ouvrage impliqué et très déterminé dans ses choix, a suivi une évolution rapide ce qui m’a permis ainsi de gagner en assurance dans mon rôle d’architecte. Je me suis donc chargée de l’ensemble du dessin de ce dossier, du suivi de son instruction après dépôt ainsi que d’une partie de la relation avec le client et les bureaux techniques (diagnostique accessibilité & service urbanisme du SIBA). Grâce à l’expérience acquise lors d’un stage effectué en 2eme année de L’EnsapBx, au sein du bureau de contrôle “Bureau Véritas”, dans le service accessibilité et incendie, l’exercice du dossier de mise en conformité aux règles d’accessibilité handicapés et incendie de l’ERP ne m’a pas posé de problèmes particuliers. Mon défi personnel fut, lors des trois semaines de congé de Carole, de satisfaire la demande de l’instructeur du dossier concernant des pièces complémentaires. Ce dernier exigeait une note de calculs concernant la surface d’imperméabilisation du projet ainsi que le type de structures préconisées afin de faciliter l’absorption des eaux de pluie sur la parcelle et un plan détaillé du système d’assainissement des trois maisons individuelles. La réelle complexité du cas présenté ici, provient de l’accumulation de demandes diverses regroupées au sein d’un même dossier. En effet, nous avons longuement travaillé sur sa mise en forme afin de le rendre clair et intelligible lors de son étude par les administrations, souhaitant ainsi faciliter son instruction. Mais, contrairement à nos attentes, de nombreux rebondissements sont survenus. Si les échanges avec le client, concernant la conception des trois maisons individuelles mitoyennes, ont toujours été fluides, la communication avec le service d’urbanisme de la ville s’est révélée beaucoup plus délicate.
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Les appels, rendez-vous et échanges par mails, se sont multipliés entre nous, de la phase de conception jusqu’à la fin de l’instruction du dossier. Les allersretours incessants exigés par les instructeurs du permis de construire concernant la compréhension et l’agencement de ce dossier illustrent les difficultés de communication qui existent au sein d’un même service public et entre deux corps de métier différents. Nous nous sommes heurtées à des discours dissonants de la part des différents acteurs du service d’urbanisme. Certains interlocuteurs, nous demandaient la constitution d’un seul dossier comprenant les trois demandes (division de terrain, permis de construire et dossier Ad’AP), la semaine suivante nous apprenions, de la bouche d’une autre personne, que la commune préfèrait traiter ces autorisations séparément et qu’il nous fallait donc déposer, dans un premier temps, la demande de donation et division de terrain nécessitant par ailleurs l’intervention d’un géomètre et dans un second temps celle du permis de construire. Ensuite, à quelques jours d’intervalle, un même instructeur nous demandait d’abord de constituer un dossier unique comprenant le permis de construire et l’Ad’AP pour ensuite modifier sa requête en nous indiquant de bien vouloir scinder les demandes ! L’intervention maladroite d’un maître d’ouvrage, malgré tout bien intentionné, souhaitant se renseigner de son côté auprès des services compétants concernant la constitution de son dossier a d’autant plus embrouillé la procédure. À notre niveau, les informations interféraient du fait de la multiplicité des interlocuteurs entraînant des conséquences néfastes sur les délais de production. Un temps précieux a été gaspillé pour rétablir une harmonie dans le flot des données divergentes nous parvenant. Cette étude de cas, démontre notre dépendance face aux désirs et exigences de l’administration en charge du traitement du dossier ainsi que du manque de communication interne des services concernés, ce qui pour nous, architectes, impute inutilement notre temps de travail. Si les services compétents émettaient leurs instructions à l’unisson, le gain de temps nous
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permettrait d’être plus productifs. Il me semble que la question des relations et des communications avec les services de l’urbanisme des communes est le talon d’Achille du métier d’architecte exerçant en libéral par la perte de temps et la masse de travail supplémentaire qu’engendre ce disfonctionnement et ce manque d’efficience.
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Rénovation,surélévation & extension d’une maison individuelle LIEU : La Teste de Buch - Le Pyla SURFACE : 250 m2 MISSION : Permis de construire & desciptif inficatif MAITRE D’OUVRAGE : Privé BUDGET : 250 000 €
Un client rêveur -
en dehors des réalités
Ce couple, parents d’une famille nombreuse comptant 14 membres, adultes et enfants, possèdent une maison sur la commune de La Teste de Buch et souhaite la transformer afin de loger tous ses enfants et petits enfants lors de leur venue dans la région. Dès leur premier rendez vous avec Carole, leur demande semble utopique. En effet leur maison compte actuellement deux chambres, occupe une surface de 126m2 et ils désirent en ajouter sept supplémentaires sous forme de trois petits appartements comprenant aussi une salle de bain et un coin cuisine, l’ensemble sur un terrain de 904 m2 de superficie. Pour ma part, dès l’étape du relevé de l’existant, j’ai pu également apprécier le caractère insoucieux des clients éludant au mieux l’essentielle question du budget lors de nos conversations. La complexité de ce dossier réside, pour nous architectes, dans le dialogue avec ce client particulier qui pense pouvoir esquiver la réglementation concernant l’urbanisme et ne souhaite pas s’encombrer des procédures d’usage obligatoires au sein des administrations. Les clients, revenant d’une longue période de vie en Malaisie, ne consentent pas à reconnaître l’importance et l’intérêt des demandes du système administratif français.
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Notre rôle, tout au long de la réalisation de cette mission, fut principalement de rappeler aux clients la nécessité de prendre en compte toutes les normes et d’entendre les recommandations des différents professionnels du bâtiment afin que leur projet soit viable. Pour exemple, même après de longues explications et justifications sur la nécessité de faire appel à un géomètre afin de déterminer l’implantation réelle de la maison peésente sur le terrain en pente, ce maître d’ouvrage n’a jamais admis l’utilité de faire intervenir ce professionnel dans l’élaboration de son permis de construire. Je me suis, moi même, appliquée à un exercice de persuasion, alliant diplomatie et professionnalisme appuyé de preuves concrètes. J’ai un temps cru que les outils de communication développés avaient porté leurs fruits et que la signification de mon message avait fait sens dans l’esprit de mon interlocuteur mais le seul résultat bien éphémère que j’ai obtenu, fut l’acceptation de mes conseils durant une semaine avant la rétractation du maître d’ouvrage. Face à ce cas précis, deux solutions s’ouvraient à nous : soit nous refusions de continuer la mission sans l’intervention d’un géomètre soit nous la poursuivions sachant pertinemment que lors de l’instruction du permis de construire cette pièce essentielle serait exigée. En tant que jeune société, à la recherche de nouveaux marchés, la première solution, bien que préconisée par les intervenants lors des séminaires de HMONP, nous a semblé délicate et nous avons choisi de poursuivre le travail engagé. C’est donc, comme nous l’avions prévu, lors de la phase du dépôt du permis de construire, que le client s’est vu sommé de présenter un plan de géomètre afin de permettre la bonne instruction de son dossier. Ce genre de circonstance nuit à la productivité de l’agence puisqu’après aquisiton des relevés d’altimétrie et des plans d’implantation fournis par le géomètre nous avons du, comme envisagé, redessiner la majorité des pièces du permis de construire. Malgré cela, le maître d’ouvrage, toujours aussi irréaliste, demeurait sur ses positions et niait le fait que son refus de se rallier à nos conseils engendrait
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une charge supplémentaire de travail au sein de la structure. Il ne parvenait pas à admettre que les informations fournies par le géométre, que lui profane percevait comme mineures, modifiaient considérablement le projet. Cette incompréhension, n’est pas imputable, me semble-t-il, à un défaut de pédagogie de notre part mais plutôt à un refus d’échanges constructifs de ce client immatérialiste se cantonnant à ses représentations. En effet, dans le souci de bien lui expliquer la situation, nous lui avons présenté des plans et des coupes de comparaison du projet avant et après l’acquisition des informations renseignées par le géomètre. L’insouciance du client, son détachement face à notre travail conséquent réalisé, à l’allongement du temps d’exécution requis mais aussi son peu de reconnaissance de notre parole d’expert et ce, malgré la prolifération d’explications et de documents fournis aidant à l’appréciation des services que nous lui avons rendus, engendre pour une jeune agence, en recherche de considération, une situation préjudiciable. Cette caractéristique de la personnalité de notre client imprévoyant s’est fait sentir tout au long du projet et notamment concernant l’envelope budgétaire dont il dispose pour faire face aux travaux qu’occasionne le chantier. Malgré nos informations incessantes, orales et écrites, pour l’alerter sur ses disponibilités financières, manifestement insuffisantes face à l’ampleur des travaux projetés, il persiste à nous expliquer que nos doutes ne sont pas, pour lui, un problème et qu’il trouvera, au moment voulu, une solution auprès des artisans qu’il contactera lui même. Mon inquiètude est que la personnalité rêveuse de ce client se prolonge à l’échelle du chantier ce qui laisse entrevoir un futur obscur concernant l’acceptation du marché par les entreprises. J’ai vraiment réalisé par cette expérience que même en exécutant, de notre mieux, notre devoir de conseil et de mise en garde auprès du maître d’ouvrage, il arrive que celui-ci n’entende pas les avertissements fondés que nous lui prodiguons. Une communication, que je comparerais, à la complexité d’une partie d’échecs se met en place, forçant l’architecte à jouer de toutes ses habiletés de persuasion afin de rallier le maître d’ouvrage à sa raison.
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Extension d’une maison individuellle
LIEU : Arcachon - Les Abatilles SURFACE : 40 m2 MISSION : Mission Complète MAITRE D’OUVRAGE : Privé BUDGET : 90 000 € Censure de la création architecturale
Ces clients ont découvert l’agence, par hasard, grâce à son emplacement stratégique en plein centre de la ville. En effet, c’est au cours de leurs déambullations au marché de La Teste qu’ils ont remarqué l’existence de ce nouvel atelier d’architecture et en ont poussé la porte. Je les reçois dans l’aire d’accueil, échange avec eux sur les grandes lignes de leur projet mais n’ayant pas accès à l’agenda de rendez-vous de Carole, je prends simplement l’ensemble de leurs coordonnées et les informe qu’elle les recontactera très prochainement. Le rendez-vous suivant leur permet d’expliciter précisemment à Carole leur demande. Propriétaires d’une maison à Arcachon dans le quartier des Abatilles, ils projettent de couvrir et fermer la terrasse actuelle surélevée côté jardin et jouxtant le salon afin de l’agrandir. Carole leur propose alors de réaliser plutôt une extension sur les deux niveaux (RDC et Rez-de Jardin) en occupant une plus grande emprise au sol tout en conservant la base de la terrasse existante. Suite à l’ébauche de quelques esquisses, les clients, appréciant notre implication et nos idées, décident en premier lieu de signer un contrat de mission permis de contruire qui évoluera ensuite en mission complète afin que nous réalisions leur projet.
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Je dois dire que les échanges avec ces maîtres d’ouvrage lors de cette phase de conception, nous ont constamment apporté un réel plaisir, non pas du fait qu’ils aient toujours adhéré à nos propositions, mais parce que la communication instituée est harmonieuse, équilibrée dans le respect des interlocuteurs et les échanges efficaces visent à définir au mieux un accroissement de leur maison qui corresponde au plus proche à leur mode de vie. Amateurs d’architecture, ils sont immédiatement séduits par la proposition de l’esquisse en ossature et bardage métallique. (Cf image). Le fait de marquer une rupture entre l’existant et l’extension afin de ne pas proposer un simple pastiche de l’existant qui serait accolé à la maison, leur semble, comme à nous, pertinent et adapté au contexte. Afin d’accompagner au mieux le développement du projet, nous prenons rendez-vous avec l’architecte-conseil de la ville d’Arcachon. Lors de notre entretien, elle valide la matérialité de l’extension, mais nous met toutefois en garde contre un refus possible au niveau de la signature du maire. Par devoir de transparence avec nos clients, nous leur communiquons cette imformation. Suite à une nouvelle conversation, nous décidons, d’un commun accord, de maintenir le choix de l’extension métallique. Nous pensons que cette structure d’agrandissement contemporaine, esthétique et en plus invisible depuis la voie publique, respectant toutes les préconisations explicitées dans le plan local d’urbanisme ayant pour fonction d’encadrer l’aspect extérieur des constructions afin de contribuer à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des bâtiments dans leur milieu environnant ne peut être qu’acceptée par la ville. Nous déposons donc ce dossier, pleines d’espoir de voir aboutir ce projet certe modeste, mais porté par un parti pris d’innovation architecturale et heureuses de la décision de nos clients préférant favoriser l’expression architecturale de l’accroissement de leur maison plutôt que de choisir la validation rapide du projet par le dépôt d’un permis “sans risque” reprenant les standards existants sur la parcelle. Malheureusement, après quelques semaines, nous recevons une demande de pièces complémentaires prescrivant de passer en enduit et couverture en tuiles traditionnelles. Notre déception est grande surtout lorsque nous comprenons
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que le dossier s’est trouvé bloqué par la directrice du service d’urbanisme sans être présenté au maire. Certes cette décision est prise pour nous éviter un refus et donc la réitération du délai d’instruction du dossier. Mais si nous considérons plus attentivement cette démarche, elle correspond à l’histoire d’un projet bien intégré, conforme aux réglementations, encadré par des architectes et validé par l’architecte-conseil lors de réunions préalables et malgré tout stoppé dans son élan pour un motif arbitraire. Nous remplissions pourtant les conditions idéales pour proposer une évolution douce de l’architecture de la ville, puisque ce projet n’impactait pas l’image conservatrice désirée par la politique communale. Cependant, le dossier ainsi conçu n’a même pas atteint l’étape finale de la signature et nous avons donc du capituler face aux exigences de cette tendance conservatrice visant l’immobilisme. C’est sous le couvert de l’application d’un article complémentaire au PLU qui laisse une marge d’appréciation aux maires que ces derniers censurent la création architecturale et uniformisent les constructions aboutissant à une ville endormie sur ses années de gloire lointaine. Dans ces conditions, sachant que de nos jours, le temps est pour tous, maître d’ouvrage comme maître d’oeuvre, une mesure de plus en plus précieuse et que son gain pèse de tout son poids sur le traitement des projets, je me demande comment il est encore possible à l’architecte exerçant spécifiquement sur le marché privé d’exprimer la création architecturale qui l’habite. Une solution serait, il me semble, d’avoir plus de générosité vis à vis de l’architecture et d’avantage d’audace des élus qui ont tendance à se prémunir contre les risques d’architecture, à légiférer et à rédiger des articles de PLU en référence avec l’architecture traditionnelle “pour ne pas se tromper”.
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05E P I L O G U E « Mettre tout en équilibre, c’est bien ; mettre tout en harmonie, c’est mieux » Victor Hugo
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Retour sur ma MSP Ces mois de mise en formation professionnelle m’ont permis d’approfondir mes connaissances dans beaucoup de domaines suite à mon cursus universitaire au sein de l’EnsapBx. En effet, j’ai traité une quinzaine de projets, au cours de ces huit derniers mois, et ce panel m’a permis de découvrir et d’acquérir de l’expérience sur les phases de réalisation d’un projet allant de l’esquisse jusqu’à l’appel d’offre des entreprises. Ainsi j’ai été confrontée à plusieurs réalités comme l’épreuve du dépôt et de l’instruction du permis de construire ou la dure question budgétaire avec la problèmatique de la recherche de nouveaux marchés pour un petit cabinet d’architecture ayant clôturé tous les projets en cours : comment démarcher? comment acquérir une notoriété suffisante pour simplement vivre de sa passion? Mais c’est particulièrement sur la prise de conscience du rôle fondamental de la communication, de la qualité inéluctable de ses différents modes d’expression, et de la nécessité d’ajustements constants et de remise en cause de la part de l’architecte que j’ai évolué cette année. Comme espéré, cet apprentissage fut condensé et riche d’enseignements, et l’alliance des séminaires dispensés par l’école, couplés à la situation de création de l’Atelier d’Architecture – Carole La Salmonie dans lequelle j’ai effectué ma MSP, m’a offert l’occasion d’appliquer au coeur de l’agence, après chaque période de cours, les savoirs transmis. L’évolution des thématiques des cours au fil de la HMONP ( La déontologie/les marchés -Statuts juridiques/ création d’une agence - Dossiers PRO/Gestion de chantier) était en parfaite concordance avec ma prise d’indépendance au sein de l’agence. J’ai cependant pris conscience qu’il serait préférable que certains aspects du métier d’architecte essentiels à sa pratique soient abordés plus tôt dans notre cursus universitaire et notamment au cours du master. C’est ainsi qu’afin d’être mieux préparés à notre arrivée sur le marché professionnel et dotés de plus justes aptitudes, il serait judicieux, à mon sens, de nous proposer des TD au cours desquels, par exemple, les pièges d’un premier chantier nous seraient exposés. Apprendre de
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ses erreurs est chose profitable, je le conçois, mais est souvent dommageable pour le maître d’ouvrage et également pour la confiance qu’il nous porte. Je pense qu’ajouter un semestre d’étude comprenant des TD à l’image de ceux que Mme Soubiran Hélène (au séminaire n°5) nous a prodigués, serait précieux afin de nous donner un bagage utile, mais avant tout une intelligence de réflexion nécessaire à la réactivité qu’exige un chantier.
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Mes réflexions Architecte & équilibre
Aujourd’hui, suite à mes études, mon expérience de vie et cette formation HMONP, je suis en mesure d’affirmer que, pour moi, le métier d’architecte est un métier humaniste où l’architecte se doit de doser les différentes composantes qui forment un projet afin de trouver l’harmonie, le point d’équilibre qui fera dire au maître d’ouvrage que oui c’est bien ainsi qu’il rêvait son espace de vie et non autrement. L’oeuvre de l’architecte doit tendre vers une globalité définie par l’équilibre entre l’art, l’humain et la technique. Dans ses édifices, il recherche l’équilibre visuel, c’est à dire l’harmonie, quelque chose qui flatte ses perceptions sensorielles, mais l’harmonie est également liée aux contraintes puisque l’objet architectural doit remplir ses fonctions premières, satisfaire les besoins terrestres, matériels ; il lui faut tenir compte des contingences du contexte et de ses problèmatiques. C’est cette recherche d’unité, d’équilibre qui, à mes yeux donne, à cette profession toute sa valeur. Je me souviens encore de mon entretien lors du concours d’entrée à l’EnsapBx, où pleine de naïveté je déclarais vouloir concevoir au plus juste, pour chaque personne qui me le demanderait, son cocon, son espace de vie... sans avoir mesuré totalement les dimensions culturelles de l’architecture dans le sens où, cette activité intellectuelle trouve également ses sources dans la tradition, la science, la nature. Je voudrais maintenant, comme synthèse de mes réflexions, revenir sur cette notion d’équilibre / d’équilibre instable de la conception architecturale, ligne directrice de mon mémoire, en récapitulant clairement ses cinq composantes incontournables.
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L’incidence du maître d’ouvrage Chaque nouvelle rencontre, chaque nouveau client génère un nouvel équilibre. Il s’agit de mettre en concordance les attentes du client avec la conception du projet. Pour ce faire, l’architecte se met à l’écoute, entend le maître d’oeuvre qui “raconte” son programme, il crée une relation sécurisante et instaure un climat de confiance provocant chez le maître d’ouvrage un sentiment d’aisance favorable aux échanges qui portent le projet. L’architecte est l’oreille, mais aussi le guide qui conduit le client jusqu’à la réalisation de sa commande. Il dirige la courbe de croissance du projet en orientant le client sur ses choix afin d’établir un équilibre final entre les attentes, les volontés constructives du client et ses pulsions qui desservent le projet. L’architecte est le visionnaire du projet fini, en ce sens il éclaire le maître d’ouvrage profane pour lui permettre d’avancer vers son objectif même si parfois, celui-ci n’en a pas pleinement conscience. Le bon jugement de l’architecte est indispensable. Il doit parvenir à transformer la pensée du maître d’ouvrage en un objet architecturale qui le satisfasse tant au plan physique qu’au plan psychique. L’incidence du contexte Le flot de contraintes extérieures dues à l’espace, au temps, aux techniques, influent sur le projet et l’architecte jouent de ses élèments pour mettre en valeur sa conception finale. Nécessairement, un projet s’implante dans un environnement et reçoit, en mon sens, une réponse architecturale spécifique en fonction du pays, de la région ,de la ville, du terrain où il voit le jour. Un même programme ne prendra pas la même matérialité s’il est développé de manière réfléchie, dans deux lieux différents. L’architecte se doit de quantifier et de prendre conscience de la valeur de chaque composante environnementale afin de pouvoir la métamorphoser en une réponse adéquate salutaire au projet. À cela s’accorde tout naturellement le choix des matériaux, alliance entre concept architectural et réponse structurelle.
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L’incidence du budget Le poids de cette composante bien que peu souvent mise en avant est souvent primordiale aux yeux du maître d’ouvrage et conditionne la faisabilité ou non d’un programme. Elle entache cependant parfois la réputation des architectes. En effet les honoraires de l’architecte ajoutés aux frais juridiques et administratifs de la gestion du projet apparaissent souvent exaggérés pour les clients. Pourtant le service apporté par ce professionnel expérimenté permet fréquemment des économies sur le coût global du projet. Afin d’arrêter et de réaliser un projet compatible avec les capacités financières du maître d’ouvrage, il apporte son conseil et évalue un budget provisionnel. Il maintient là encore l’équilibre qui conduit au respect de l’économie du projet en proposant des solutions qui s’adaptent aux finances des clients tout en satisfaisant aux qualités de leur espace de vie. L’incidence de la réglementation Le juste équilibre à trouver ici est celui qui conjugue le respect de la législation avec la liberté créative de l’architecte. J’estime que la réglementation ne doit pas commander le projet ni lui ôter sa substance essentielle, sa qualité artistique qui apporte une satisfaction spirituelle aussi vitale que celle des besoins matériels. J’ai l’intime conviction que même si les normes, les lois prolifèrent à vitesse grand V, (tout dans notre société actuelle devant être garanti et légiféré), un des devoirs de l’architecte est de ne jamais s’avouer vaincu face à ce flot de barrières et toujours manier l’intelligence de modélisation d’espace en appliquant ou adaptant ces règles afin de trouver l’équilibre entre les exigences réglementaires qui permettent au projet d’être validé et l’expression architecturale qui libère du quotidien banal. L’incidence du partenariat Lors de la phase chantier et donc de la concrétisation du dessin, l’architecte a un rôle de contrôle. Il établit le lien entre les différents protagonistes actifs sur le chantier, coordonne leurs actions et équilibre le poids des exigences
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matériels et le respect de ses valeurs architecturales. Il est présent pour assurer le bon déroulement de la réalisation et concilier avec les aléas de la construction qui lui demandent parfois des pirouettes spectaculaires afin d’orchestrer chaque instant dans le bien-être du projet. Chacune de ces cinq composantes est à la fois source de déséquilibre et d’inspiration. Le travail de l’architecte est par conséquent de créer un point d’équilibre entre toutes ces forces, qui garantisse un équilibre instable procurant au projet l’élan nécessaire pour avancer. Il est la personne stable (le UN stable) qui estime le poids juste de chaque élément et dose leur mesure afin d’accompagner la vie du projet jusqu’à son épanouissement. J’ose m’autoriser l’image suivante : L’architecte s’apparente à une balance universelle qui sait déterminer la juste action. Néanmoins, il ne faut pas entendre par là que l’architecte se déshumanise, se transforme en machine, ce serait un non sens. Bien au contraire, la personnalité, la philosophie de chaque architecte orientent le projet vers un équilibre différent du fait de ses choix, dictés par son expérience, son éthique mais aussi par ses perceptions et sa sensibilité. Avant toute chose un architecte est un homme, avec des convictions, des valeurs et celles-ci transparaissent dans ses projets et sa manière de les mener. Je considère que cette dimension humaine donne l’âme finale au projet. De ce fait, chaque humain apportant une réponse différente à une même situation, et possèdant son propre libre arbitre, un même projet peut être représenté par des équilibres instables différents (dans le sens où le projet est dans un nouvel équilibre n écarté de sa position stable d’origine du fait de la signature de chaque architecte). De cette somme d’équilibres nécessaires à la viabilité d’un projet, découle aussi l’équilibre de l’agence (je me situe toujours ici dans le cadre d’un exercice indépendant de la profession) qui progresse et devient stable si le ou les architectes qui la guident, se constituent en tant que piliers solides autour desquels gravitent les projets et la vie de l’entreprise.
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Dans ce mémoire, j’ai choisi de développer le thème de la communication en architecture, car elle est, en mon sens, l’instrument absolu qui permet de maintenir le juste équilibre entre les acteurs interférant avec le projet. Pour me faire mieux comprendre, j’utiliserai l’analogie suivante : l’architecte est un funambuliste, évoluant sur le fil du projet et utilisant la communication comme l’équilibriste emploie son balancier afin de lui procurer un moment d’inertie utile au maintien de son équilibre. À l’égal du funambuliste l’architecte doit développer une grande maîtrise de ses émotions afin de conserver le cap vers l’objet architectural et manier son balancier, donc la communication, avec doigté pour parvenir à son objectif final. La communication à l’échelle interne, externe ou comme fondement du management est un outil d’accordance, d’ajustement essentiel tant au niveau de la réalisation d’un projet harmonieux que pour le devenir heureux d’une agence d’architecture. Tout comme l’est un de ces piliers, l’empathie, dont j’ai peu parlé jusqu’à présent. Il me semble maintenant important de la ressituer à sa juste place. L’empathie est un trait de caractère catactérisé par la capacité de ressentir une émotion appropriée en réponse à celle exprimée par autrui sans pour autant être affectivement impliqué et sans apporter de jugement de valeur ce qui permet de conserver une pensée intelligible. Carl Rogers, psychologue humaniste américain, associe l’empathie à la reformulation des sentiments d’autrui, exprimée de façon verbale ou non. Ceci correspond exactement à la compétence dont doit faire preuve l’architecte lorsqu’il reçoit et écoute le maître d’ouvrage pour réussir à tenir compte de la dimension psychologique de cette personne dans la conception du projet répondant à son programme. Un architecte capable d’empathie apportera une réponse appropriée à la demande en gardant son objectivité et en utilisant au mieux ses aptitudes. Cette qualité n’est pas seulement adaptée aux contacts avec le maître d’oeuvre mais existe dans toutes les relations que l’architecte entretient avec ces différents partenaires (collègues, artisans…) où il lui est important de montrer à l’autre qu’il perçoit et considère ses émotions afin qu’il sache qu’elles auront un effet sur son travail.
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L’architecte, au service du public, use donc de tous ces outils d’échange que l’on pense trop souvent à tord naturels, normaux ou innés mais la communication repose sur des axiomes complexes et bien communiquer s’apprend. C’est pourquoi, j’éprouve à ce sujet un petit regret du fait que cette valeur ne soit pas plus abordée dans la seconde partie de notre cursus universitaire. En effet, si la manière de construire un discours autour d’un projet est amplement transmise lors de ces études, il n’en est pas de même concernant les autres modes de communication omniprésents dans le métier d’architecte et les techniques qui s’y rattachent. Certes les stages et la formation HMONP offrent l’occasion d’éprouver nos capacités de communication, mais un enseignement spécifique, même de courte durée, me semblerait bénéfique pour de futurs architectes leur offrant une aisance salutaire et une efficacité relationnelle dès leur sortie des études. Je considère que dans le monde du travail, il est tout aussi important de posséder une intelligence émotionnelle développée que d’avoir un quotient intellectuel élevé. Une intelligence interpersonnelle couplée à une intelligence d’action permet à l’architecte d’élaborer des solutions adaptées à des situations complexes J’ai l’espoir d’avoir attirer votre attention sur l’enjeu de cette dimension en architecture car pour moi c’est le savoir-faire couplé à ce savoirêtre qui permet de construire sereinement un projet.
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Architecte & mouvement
Après avoir exposé les buts pour l’architecte, de cette recherche d’unité, de globalité, je tiens maintenant à préciser que cet équilibre ne sgnifie, en aucune façon, pour moi, immobilisme et non prise de risque de sa part. D’ailleurs, l’expression équilibre instable décrit l’état dans lequel le projet est écarté de sa position initiale sous l’influence de facteurs extérieurs afin d’établir un autre équilibre dans sa nouvelle position. Ces facteurs de déséquilibre sont nombreux et intrinséques à la professions d’architecte en effet l’architecte se doit d’être curieux tant pour sa satisfaction et culture personnelle que pour procurer un dynamisme supplémentaire à l’ensemble de sa production architecturale . En premier lieu, sa fonction nécessite qu’il se tiennne informé des nouvelles techniques, des nouveaux matériaux existants ainsi que de leurs procédés de mise en oeuvre par l’intermédiaire de revues spécialisées, mais également en hésitant pas à se raprocher d’entreprises qui se feront un plaisir de lui présenter leurs produits. L’architecte a ainsi l’occasion de se constituer une matériothèque bien utile par la suite pour présenter des échantillons aux clients et aux administrations lors de ses rendez-vous. Je considère qu’ il est indispensable pour un architecte de remettre régulièrement en question ses connaissances, de se tenir à la pointe des nouvelles technologies comme par exemple en participant à des formations continues aux nouveaux logiciels, secteur sans cesse en évolution. Ensuite, vu la place prépondérante occupée, de nos jours, par les moyens d’information et de communication informatiques, l’architecture se mondialise de plus en plus. L’appétit de découvertes et l’ouverture d’esprit qui caractérise un architecte le poussent à s’informer et s’enrichir des pratiques architecturales développées dans les autres pays et des nouvelles oeuvres édifiées.
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Pour ma part, j’ai pu apprécier ce bénéfice lors des voyages universitaires et particulièrement au cours de mon année passée au Brésil. L’opportunité de découvrir une culture, et ce en immersion totale, est un atout majeur dans la connaissance antropologique de l’architecte. En effet découvrir des habitudes de vie, des cultures différentes élargit le mode de pensée du maître d’oeuvre. Enfin la participation à des marchés publics stimule l’innovation, la recherche et la création et même dans le cas où l’architecte ne prétend pas concourir, la gymnastique intellectuelle alimentée perpétuellement, par la singularité de chaque projet, au cours de son exercice, renforce le processus de création quotidienne. L’architecte construit au présent en s’appuyant sur les savoirs du passé et en regardant vers l’avenir. C’est un personnage public au service de l’Homme et de ses modes de vie en perpétuelle évolution. Sa mission est d’accompagner au mieux la métamorphose de la ville et de la société par ses réalisations en partie responsable de son futur visage.
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06L ‘ A V E N I R « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre » Albert Einstein
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Mon héritage Par le biais de ce mémoire qui conclut le cycle de mes études supérieures, je prends aujourd’hui pleinement conscience des connaissances assimilées lors de ces dix dernères années que ce soit durant mes courtes études de médecine ou au cours de mon parcours au sein de l’EnsapBx. En effet, deux annnées en faculté de médecine m’ont dévoilé la dure réalité des concours mais surtout l’esprit individualiste qu’engendrent ceux-ci, j’ai ensuite débuté mes études d’architecture où reignait un tout autre climat d’entraide et de partage. Appréciant cette différence de jugement, j’ai pu, chaque jour passé à l’EnsapBx, construire mon chemin guidée par le bénéfice irremplaçable et constructif qu’apporte une telle pratique de mutualisation des aptitudes de chacun afin de progresser ensemble vers un futur prometteur. Les enseignements prodigués sous diverses formes, des cours magistraux au travail en ateliers, m’ont apporté les bases fondamentales à la pratique de l’architecture. L’éveil aux fondements de la démarche de conception d’un projet architectural, l’acquisition d’outils d’ananlyse et de production, l’ouverture artistique m’ont été précieusement transmis. J’ai pleinement mesuré l’importance de savoir construire un discours clair, basé sur le concept du projet longuement mûri. Être capable de transmettre ses idées, de les justifier afin de les mettre en valeur et de les faire partager, d’apporter son jugement personnel sur différents sujets sont des compétences sur lesquelles j’ai beaucoup évolué lors de ces années passées à l’école. L’architecte est homme de parole et doit savoir raconter.
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Tout autant profitable a été mon année au Brésil durant laquelle j’ai pu exprérimenter certains de ces savoir-faire mais surtout découvrir l’étendue des composantes utiles au métier d’architecte ainsi que la diversité des manières de l’exercer. Etre immergée au coeur d’une autre culture et s’en imprégner est un atout très appréciable pour mon futur exercice en tant qu’architecte. Cette expérience a développé mon amour de la rencontre et de l’échange avec les autres. La présence d’humanité et de générosité naturelle au sein du travail m’a fait entrevoir la combinaison possible de l’exercice de la profession d’architecte avec mon souhait d’être utile et d’agir pour les hommes à différentes échelles. Ce fut également l’occasion pour moi de découvrir le bienfait incontesté qu’apporte la maîtrise d’une autre langue que la sienne dans le fonctionnement international de la société actuelle. En effet, le partage d’une langue commune facilite la communication, les liens de proximité sont tissés plus rapidement avec ses interlocuteurs au bénéfice du projet. Mais c’est vraiment au cours de cette année de préparation à la HMONP, grâce à ma mise en situation professionnelle et à sa forme particulière insérant des séminaires à différentes périodes de mon évolution professionnelle que je me suis pleinement représentée l’importance du rôle fédérateur de l’architecte autour et pour le projet architectural et des capacités de communication que cela nécessite. L’approfondissement de mes notions de dessin au niveau des plans exécutifs, mon évolution dans la connaissances des démarches administratives, des normes et réglementations indissociables à l’élaboration d’un projet architectural ainsi que la concrétisation de ma vision des compétences nécessaires à la fonction d’architecte-chef d’entreprise ( dans mon cas, une entreprise naissante) sont dus à la situation particulière de la structure m’accueillant cette année et à la relation privilégiée en tête à tête avec mon tuteur d’agence. J’ai également, au cours de chacune de mes expériences, ouvert les yeux sur les apprentissages qu’il me reste à acquérir afin de pourvoir moi-même être autonome en créant et guidant ma propre agence vers un futur prospère. C’est donc petit à petit, à chaque nouvelle prise de conscience de mes réussites et de mes manques, que j’ai dessiné le chemin concret que je souhaite emprunter durant ces cinq prochaines années.
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Mon projet professionnel Mon objectif professionnel est d’exercer en mon nom propre et d’ouvrir mon cabinet d’architecture, mais je n’envisage pas de m’installer seule. En effet, exercer ma profession en solitaire ayant pour seule référence moi même ne me convient pas, j’éprouve le besoin de partager les rôles, les réflexions et les responsabilités ainsi que les aléas de la vie d’un chef d’entreprise. De ce fait, ma préférence ce porte sur l’association qui est une force en mon sens, lorsque les deux associés réussissent à échanger leurs points de vue, leurs expériences et à définir leur juste complémentarité pour faire évoluer l’agence positivement. Je pense que grâce à une entente construite sur de bonnes bases et avec une communication établie sans contrainte, cette union est bénéfique et que les débats d’idées et d’opinions entre les partenaires améliorent leur créativité respective. Chacun doit trouver sa place, se sentir considéré et utile au sein de l’agence. Pour cela chaque membre de l’atelier doit identifier ses talents et capacités premières afin de les mettre au service des projets engagés et d’être complémentaire de son partenaire. Les projets et la gestion de l’agence se nourrissent donc de la diversité apportée par les deux coéquipiers. Un risque demeure malgré tout, même si une entente amicale et des aspirations communes reignent entre les deux collaborateurs, il est indispensable de connaître les attitudes et réactions de son futur associé lors de périodes intenses de travail ou de mise sous pression qu’impliquent les responsabilités et la position de chef d’entreprise. Je mûris donc le projet de monter une agence avec le dessein de partager, auprès de ma future associée, une expérience humaine intense ayant pour quête un but commun.
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C’est avec mon amie, Pauline Toso, rencontrée lors de notre cycle de licence commun à l’EnsapBx, que j’envisage donc de me lancer, d’ici trois ans, dans cette aventure. Ce délai tient compte d’une part des contraintes de fin d’étude de Pauline qui terminera son cursus en février prochain après avoir effectué un stage de six mois au Canada et d’autre part de notre volonté de développer chacune, dans notre domaine, nos connaissances et notre expérience professionnelle. Nous expérimenterons parallèlement notre potentiel de travail en commun, dans le but de mûrir notre projet, avant de sauter le pas vers le monde de chefs d’entreprise. De son côté, Pauline, suite à une licence en architecture et un BTS de design d’espace est en cours de validation d’un master “architecture d’intérieur et espaces collaboratifs”. Sa formation centrée sur l’usager et l’architecture commerciale couplée à mon savoir en tant qu’architecte, nous semble une combinaison pertinente, susceptible de s’adresser à un large public et de séduire de potentiels clients. L’union de nos deux domaines d’activité permet d’élargir notre champ d’action, en traitant tout aussi bien la création de mobilier et la scénographie que la conception de projets architecturaux de leur prémisse jusqu’à leur construction. Pour ma part, je souhaite mettre à profit ce délai de trois ans afin de diversifier mes expériences, de me constituer une étendue de technicités et de concepts architecturaux variés ainsi qu’un bagage solide en tant que maître d’oeuvre avant d’entreprendre la création de notre agence. Pour finir, je souhaite maintenant préciser en trois points les raisons justifiant mon empressement à réaliser ma formation d’habilitation à la maîtrise d’oeuvre en mon nom propre. Tout d’abord et sans surprise, au vu de mes 29 ans et suite à mon long parcours universitaire, je désire mettre un terme à ce cycle d’études en ayant le maximum de qualifications possibles. Comme je l’ai déjà précisé en début de ce mémoire, je n’envisage pas d’achever le master puis de travailler quelques années au sein d’une agence d’architecture avant d’accéder à la valisation d’aquis de l’expérience (VAE), comme cela est possible, pour une demande d’habilitation à exercer la maîtrise d’oeuvre.
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Ensuite, dans l’année qui vient, mon besoin de reprendre mes valises en direction d’un pays anglophone afin d’améliorer mon anglais et de m’enrichir d’une culture différente, légitime encore un peu plus mon envie d’effectuer ma HMONP. En effet, mon intention d’allier la pratique d’une langue étrangère avec d’autres visions de l’exercice du métier d’architecte me parait judicieux et bénéfique pour l’objectif final de mon projet professionnel. De ce fait, afin d’optimiser mes chances d’obtenir un emploi au sein d’une agence étrangère, j’estime préférable de détenir un maximum de qualifications professionnelles au moment du dépôt de ma candidature en présentant un CV mentionnant l’accession à l’habilitation à la maîtrise d’oeuvre en son nom propre. Pour finir, consciente qu’une expérience à l’étranger n’est pas suffisante, et que je me dois de connaitre le marché du travail sur lequel je souhaite m’implanter, je désire travailler deux années au moins au sein d’une agence d’architecture en France. J’orienterai alors mon choix vers un cabinet d’architecture qui conçoit des projets à grande échelle afin de compléter ma vision de l’architecture en me forgeant une expérience sur le terrain de la commande publique. C’est alors suite à ce parcours que mon chemin et celui de mon amie, Pauline, se rejoindront et que nous expérimenterons progressivement notre collaboration dans le cadre de projets architecturaux concrets. Nous envisageons d’avancer graduellement dans la mise en place de notre association en testant dans un premier temps notre entente et notre compatibilité professionnelle par la réalisation de quelques projets de conception tout en conservant parallèlement chacune un emploi stable. Le projet professionnel que je viens d’exposer vise la conception d’une agence nantie de moyens réels, d’un potentiel réfléchi, d’une philosophie culturellement riche et ouverte, avec des objectifs bien définis car ses concepteurs se seront forgés une expérience professionnelle sérieuse, auront élargi le champ de leur culture, de leurs connaissances humaines, et enrichi leurs savoirs chacun dans leur domaine précis.
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07A N N E X E S
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Mosaique des projets réalisés au cours de ma MSP
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