Le tableau hanté - tome 2 - extrait

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A. de Pétigny

Le tableau hanté

Tome 2 Iphigénie

Aline de Pétigny

S. Léon


Où l’on retrouve Juliette et Théo aux prises avec le tableau. Où l’on fait connaissance de la mystérieuse Iphigénie. Où tout est possible, même l’impossible.




Tome 2 Iphigénie

auteure

illustratrice

Aline de Pétigny

Stéphanie Léon



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Après toute cette histoire de tableau, chaque soir en rentrant à la maison, nous évitions avec soin de passer devant le magasin d’antiquités de monsieur de Derdre. Nos parents étaient très étonnés de ce changement d’habitude. Nous qui aimions tant les vieilleries, comme disait notre mère, nous ne voulions plus en entendre parler. Nous qui adorions flâner dans les vide-greniers, il fallait désormais nous y traîner. Plus d’antiquités, plus de brocantes, plus de vieilleries, donc moins de risques de tomber sur un horrible tableau, ou je ne sais quoi d’autre, abritant des fantômes. 5


Nous rentrions donc tranquillement ce soir-là, heureux des quelques jours de vacances qui s’annonçaient et que nous estimions avoir bien mérités mais loin de savoir ce qui nous attendait. Nous parlions interros-surprises, copains et copines, potins scolaires. En arrivant à la maison, nous en étions à discuter du nouveau jogging violet fluo de la prof de sport quand soudain la voisine surgit devant nous : - Avez-vous vu Virginie ? - Quoi ? - Virginie ! Vous l’avez vue ? Je ne sais pas où elle est, continua la mère de notre « chère » voisine. Elle devrait être rentrée depuis déjà une heure. - Et Jérôme ? demandai-je en espérant secrètement apprendre que lui aussi avait disparu. - Il est dans sa chambre et ne l’a pas vue depuis ce matin. Ils sont allés à l’école ensemble et, après, il ne sait pas ce qu’elle a fait. Je ne comprends pas. - Elle est certainement avec Mélissa, suggéra Juliette. - Oui, tu as peut-être raison. Je vais téléphoner à ses parents. Et, sans attendre, elle repartit chez elle. - Ces deux pestes sont toujours ensemble, fit 6


Juliette une fois la mère des monstres hors de portée. Elles ne peuvent pas s’empêcher de raconter des méchancetés sur tout le monde. Elles font vraiment la paire. Ce serait vraiment trop beau si elles avaient disparu toutes les deux ! Une fois rentrés à la maison, et le goûter pris, on se mit comme tous les soirs tranquillement à nos leçons. Rien de bien passionnant, bien sûr, mais avec toute cette histoire de tableau hanté des dernières semaines, nous étions heureux de ce train-train, un peu monotone mais rassurant. Nous avions fini toutes ces corvées depuis un bon moment déjà, la nuit était tombée et nous étions bien tranquillement avachis sur le tapis dans notre chambre quand, soudain, je sentis un courant d’air glacial. Mon cœur bondit. Je connaissais cette impression de froid, de peur, de terreur même. Je ne pourrai jamais l’oublier. - Juliette... Ma sœur se retourna vers moi. Ma voix rugueuse n’arrivait qu’avec peine à sortir de ma gorge. - Théo ? Que se passe-t-il ? s’écria Juliette, affolée.

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- Tu as senti ce froid ? - Oui. Peut-être une fenêtre ouverte ? essaya-t-elle pour me rassurer. - Arrête de dire des bêtises... Tu sais très bien de quoi je veux parler. Tu l’as senti ? - Oui, avoua ma sœur tout bas. Oui, il y a quelqu’un. Nous sentions le souffle glacial qui allait et venait entre nous et, malgré moi, je frissonnais. - Qui est là ? demandai-je tout bas. J’avais l’impression d’être fou. Et, sur le moment, je me dis que ce n’était peutêtre pas qu’une impression. Quand on parle comme 9


ça dans l’air, qu’on croit qu’il y a quelqu’un d’invisible près de soi, ce n’est pas vraiment bon signe ! Je n’ose imaginer les réflexions que j’aurais eues si jamais mes parents et mes copains m’avaient vu parler dans le vide. J’aurais eu droit à tout ! Fada, cinglé, débile, ouf, taré, malade, surmené, schizo, et je reste poli ! Et, il y a encore quelques semaines, si jamais j’avais vu un copain parler ainsi, tremblant de peur à cause d’un simple courant d’air, j’avoue que j’aurais été le premier à me moquer de lui. Mais ça, c’était avant. Parce que maintenant je savais. Je savais que tout et n’importe quoi était possible. Maintenant, tout était différent. En attendant, j’avais peur, je tremblais et le souffle glacial se glissait en moi comme un serpent. Ma sœur de son côté ne semblait pas en meilleur état que moi. Elle regardait l’air, guettant le moindre signe de vie dans ce vide ! Elle était livide et n’osait bouger, de peur sans doute que tout recommence... Et là était tout le problème. Elle, comme moi, savait que tout était en train de recommencer. Il n’y avait aucun doute. - Je savais qu’ils reviendraient, murmura Juliette. Je le savais. 10


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Le souffle s’éloigna de nous. Sur la vitre, on vit apparaître de la buée et dans le cercle de buée, deux mots furent tracés par une main invisible : “AIDEZ-MOI.” Si on regardait bien, on pouvait voir devant la vitre comme un léger nuage de brume qui semblait vouloir se réunir, se resserrer autour de lui-même pour tenter de ressembler à quelque chose d’humain. Oui, ça recommençait. Peut-être Paul, l’homme du tableau, qui revenait nous hanter, ou bien son frère, Pierre. Si le fauteuil et le tableau avaient disparu, c’était pour mieux revenir, nous le savions. Durant les semaines qui avaient suivi leur disparition, nous 11


avions guetté le moindre brouillard, la moindre fumée, le moindre courant d’air glacial qui nous frôlait. Puis, petit à petit, cette obsession s’était estompée. Nous n’avions pas oublié, nous ne pouvions pas oublier, mais nous pouvions, dans la journée, penser à autre chose, ce qui était vraiment formidable ! - Aidez-moi ? Qu’est-ce que ça veut dire ? murmura Juliette. - C’est peut-être Pierre, ou bien Paul, qui nous tend un piège. - Laissez-nous, allez-vous-en ! cria soudain Juliette. La porte s’ouvrit. - Que se passe-t-il, les enfants ? demanda Maman. Théo, arrête d’embêter ta sœur. Naturellement, si Juliette crie, c’est obligatoirement moi qui en suis responsable ! N’importe quoi ! Mais bien sûr, impossible de dire à Maman ce qui se passait. Alors, docilement, je répondis : - Oui, j’arrête ! - Cette chambre est glaciale. Vous avez ouvert ? - Euh... oui, fit Juliette en se précipitant vers la fenêtre et en essuyant rapidement la preuve que nous ne rêvions pas... « Aidez-moi ». - Je ne sais pas ce qui vous passe par la tête ! 12


Avec le froid de ces jours-ci, c’est idiot ! La prochaine fois que vous vous plaindrez du froid, vous enfilerez un pull et irez chercher du bois pour faire un feu. Il ne faudra pas compter sur moi pour allumer le chauffage ! On mange dans un quart d’heure. - Ouf ! Elle n’a rien vu, fit Juliette une fois la porte refermée. - Oui, et elle pense que je t’embête et qu’on ouvre grand les fenêtres alors qu’il fait à peine cinq degrés dehors ! Super ! Juliette ne m’écoutait plus. Elle regardait un peu partout, cherchait, épiait, guettait, mais ne semblait rien trouver ! - Tu as vu ? C’est parti. - Oui, répondis-je après un instant. Et il ne fait plus froid. - Normal ! On a fermé la fenêtre ! Ce qu’il y a de bien avec Juliette, c’est que même dans les moments les plus sérieux elle arrive à me faire sourire ! - Après tout, ce n’était peut-être qu’une impression. - Oui, me répondit-elle. Une impression qui réussit à écrire dans la buée ! Soudain, on vit se glisser sous la porte une brume opaque qui vint vers nous. 13


La forme humaine était plus précise, moins floue. Glaciale, elle s’approcha de nous, semblant nous dévisager. - C’est elle, murmura Juliette. - Oui... c’est elle.

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La forme glissa silencieusement vers la fenêtre et, une fois de plus, les mots apparurent sur le carreau, “Aidez-moi”. Le cœur battant, je m’approchai, ne quittant pas des yeux ce “fantôme”, car il me fallait bien appeler les choses par leur nom. - J’ai failli ressembler à ça, murmurai-je. Tu as vu, Juliette, j’ai failli… Je me mis à trembler, réalisant soudain ce à quoi j’avais échappé. Juliette, avançant vers la brume, murmura : - Virginie ? La forme pencha la tête. 15


Nous avions bien deviné, c’était elle ! - Que s’est-il passé ? De nouvelles lettres apparurent sur le carreau : j-e-r-o-m-e - C’est à cause de Jérôme ? La forme secoua la tête. - Non ? Tu veux qu’on demande à Jérôme ? La forme hocha la tête. Juliette s’assit par terre, l’air hagard. - Ils ont recommencé et ils sont là, en face de chez nous, tout près. Ils vont revenir. Aujourd’hui c’est Virginie, mais demain ce sera peut-être moi, ou toi. - Il faut aller voir Jérôme et il faut absolument aider Virginie à sortir du tableau. On ne peut pas la laisser comme ça. J’avais beau ne pas vraiment apprécier Virginie, à aucun moment je n’ai pensé la laisser aux prises avec le tableau. Et comme le disait Juliette, ça risquait un beau jour d’être notre tour et, ça, pas question ! - Bon ! On trouve une excuse et on va voir Jérôme après dîner, fit Juliette en se relevant. J’avoue être incapable de dire ce que nous avons mangé ce soir-là ! Maman aurait pu nous servir des poireaux et des brocolis, nous les aurions mangés sans problème ! 16


- On peut aller voir si Virginie est revenue ? demanda Juliette de son ton le plus naturel. - Vous voulez aller chez Jérôme et Virginie ? demanda Papa, surpris. Nos parents savaient à quel point nos voisins nous énervaient et notre empressement à savoir Virginie bien au chaud chez elle était, il est vrai, étrange ! - Oui, leur maman avait vraiment l’air très inquiète tout à l’heure. - Bon, allez-y, mais ne soyez pas trop longs. - Tu es vraiment bonne comédienne ! fis-je remarquer à Juliette une fois dans la rue. Arriver à faire croire aux parents qu’on a vraiment envie d’avoir des nouvelles de Virginie... - Chut... Elle est là.

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