Will
et les monstres
monstrueux
Jour 1 Will et les monstres monstrueux
Aujourd’hui, il s’est passé un truc étonnant, quelque chose d’incroyable. Alors, on a décidé de commencer notre journal. Aujourd’hui, c’est moi, Noé, qui écris.
On était dans le jardin et, comme tous les soirs, on s’était réunis et on s’amusait bien. Tonio avait descendu son nouveau skate, celui qu’il a reçu pour son anniversaire. Tout de suite, j’ai vu le regard d’Abdou. Il était heureux pour Tonio, mais quelque chose n’allait pas. Ah ! J’ai oublié de nous présenter. Nous sommes les enfants des Bonheurs. Les Bonheurs, c’est la résidence où
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on habite. Et, entre les deux bâtiments, il y a un grand jardin où on peut jouer. C’est pratique pour les parents, ils peuvent nous surveiller des fenêtres. Moi, je suis le frère de Tonio, on vit avec nos parents. Il y a Abdou et Codou, qui habitent avec leur maman. Leur papa n’est pas souvent là. Il y a Caro ; Caro, c’est une
qui vit avec ses parents, comme Tonio et moi, sauf que ses deux parents sont des mamans.
Alors, comme je vous le disais, Tonio était tout heureux de nous montrer son skate. Bon, moi, je l’avais déjà vu ! Normal, je suis son frère ! Abdou, lui, regardait le skate comme on regarde les gâteaux à la vitrine d’une pâtisserie... On sait que c’est bon, mais on sait aussi qu’on n’a pas
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le droit de les manger ! Non, pire encore ! Il le regardait comme si quelqu’un mangeait LE gâteau qu’il voulait absolument. Je voyais bien qu’il était partagé entre le bonheur de son copain et la colère de ne pas avoir ce skate. Bon, mais, ça, ce n’est pas le truc étonnant dont je parlais au début. Non ! Ça, c’est de la jalousie, ça arrive. Je ne dis pas que c’est bien, mais ça fait partie de la vie ! Le truc étonnant, c’est... Je vais vous raconter. Alors qu’Abdou essayait le skate, il est tombé (rien de grave) et le skate a roulé sous un buisson. Pas content, il s’est mis à râler ; à dire que le skate était nul ; que, de toute façon, c’est toujours la même chose, que lui n’a jamais rien. – C’est n’importe quoi, a fait Caro en haussant les épaules ! Va pleurnicher ailleurs ! – Je ne pleurniche pas ! C’est le skate qui est nul ! Tonio, lui, comme à son habitude, n’a pas dit grandchose, il préfère laisser passer le grain... Et puis, il a trouvé de quoi changer de sujet !
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Alors qu’il récupérait son skate sous le buisson, il a découvert une lampe. Une lampe avec un abat-jour un peu cabossé. – Regardez ce que j’ai trouvé ! Je me demande vraiment comment elle est arrivée là !! – Elle est jolie, on pourrait la mettre dans notre cabane ! dit Léa en la prenant. (Ah oui ! J’ai oublié de vous parler de la cabane...) Puis elle l’a un peu frottée, histoire d’enlever la poussière qu’il y avait dessus. Et c’est là que tout a commencé. Une fumée s’est échappée de la lampe. Moi, au début, je me suis dit que ça faisait quand même
beaucoup
de
poussière pour une si petite lampe... Mais c’était bien de la fumée.
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Abdou, qui avait commencé à s’éloigner de nous pour bouder, était revenu, intrigué. Et, soudain, il y a eu comme une mini explosion et est apparue devant nous une espèce de bonhomme, un peu bizarre, un peu
décorait les joues. Il avait l’air d’un magicien un peu de mauvaise humeur, mais avec les yeux qui riaient.
Je ne comprenais pas comment il était arrivé là. Il n’était pas là trois secondes avant et hop ! un nuage de poussière et il apparaissait. – lampe ! Je ne sais pas qui a eu l’idée de nous mettre
deux fois ! – Bon... ah... je vois... je vous ai fait peur... – Qui êtes-vous ? – – Qui êtes-vous ? demanda Léa dont les yeux allaient de la lampe au bonhomme.
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– D’où venez-vous ? Pourquoi dites-vous qu’on est à l’étroit dans une lampe ? interrogea Caro, l’air soupçonneux. – Parce que je sais de quoi je parle ! Oui, on est à l’étroit dans une lampe ! Essayez ! Vous verrez bien ! Ça allait drôlement vite dans ma tête. Lampe + bonhomme bizarre... Ça me disait bien quelque chose, mais, d’un autre côté, mon cerveau ne voulait pas accepter l’idée qui s’imposait à lui. Il refusait tout net l’évidence. – Vous êtes un génie ? – point je pouvais dire des bêtises. – Comment ça, n’importe quoi ? s’exclama le bonhomme, presque vexé. – Tu es un génie… Un vrai ? demanda Codou. – Oui ! Un vrai ! Mon nom est Willfried, mais vous pouvez m’appeler Will. – Et tu sais exaucer les vœux ? continua Léa comme si de rien n’était, comme s’il était normal de discuter tranquillement avec un génie.
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– Alors... comment vous dire... oui et non. – Tu parles d’une réponse ! j’ai dit en haussant les épaules. – Oui, je peux exaucer des vœux, mais pas n’importe lesquels. Je n’exauce pas vraiment les souhaits du style “je veux ceci” ou “je veux cela” ; ça, c’est le travail des génies à trois vœux, c’est un boulot comme un autre, mais pas vraiment intéressant. Moi, je suis un génie indépendant. On ne me demande rien, je ne suis au service de personne, mais je peux servir chacun ! Alors, pas la peine de m’ordonner quoi que ce soit ! En revanche, quand c’est demandé gentiment et que c’est important, là, j’arrive ! Je trouve que, sur le principe, il n’a pas tort. Les génies qui sont aux ordres de quelqu’un et qui obéissent sans
toujours gêné. L’idée d’être face à un génie, de lui parler, de faire copain-copain avec lui faisait son chemin. Il semblait sympa, et ma curiosité l’emporta sur ma raison et mes soupçons.
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– Et puis, je suis un chasseur de monstres. – Ah bon ! a-t-on crié en chœur. Incroyable ! On avait devant les yeux un génie chasseur de monstres ! Trop cool ! – Mais, attention, pas n’importe quels monstres. Et dire que je les chasse n’est pas tout à fait exact. Ecoutez... je vais vous dire un secret : chacun de vous a, à ses côtés, une bête. Elle peut être un mignon petit chaton ou bien un terrible monstre... Ceci dit, je n’ai rien contre les monstres, il y en a de très sympas, vous savez... Mais bon, là n’est pas la question. Cette bête se nourrit d’émotions. Selon comment on la nourrit, elle se fait chaton ou monstre monstrueux. Ce qui la rend monstre monstrueux, ce sont les peurs, les colères, les ronchonneries, les râleries, les rancœurs... et plein d’autres choses pas très rigolotes. Dès qu’elle
grossit, plus elle en redemande ! Cette bête vous fait dire des choses que vous n’auriez pas voulu dire, que vous regrettez, elle vous envahit, vous gêne.
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Monstres monstrueux. exemples dessinés de mémoire.
chatounet
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– C’est vrai, ça ! dit Léa. Et ce n’est pas notre faute ! – Ce n’est pas une question de faute ! dit Will. C’est toi qui la nourris. Tu es responsable de ta bête ! Si tu apprends à bien la nourrir, alors elle restera chaton et t’accompagnera gentiment dans ta vie. – Et si on la nourrit de peur et de colère, alors elle grossit. – C’est ça, Tonio, tu as tout compris. – Là, Will était un peu embêté. – Bon, je me suis un peu vanté. Je ne suis pas vraiment chasseur... Je peux juste vous apprendre à bien nourrir votre bête pour qu’elle reste chaton. C’est déjà pas mal, non ? Donc, Will est un génie un peu vantard.
PS : En fermant les volets de ma chambre, j’ai cru voir une ombre passer dans le jardin. C’était un peu bizarre… Il faut que j’en parle aux autres.
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Aujourd’hui, c’est moi, Abdou, qui tiens le journal. Hier soir, je me suis couché pas content ; ce matin, je me suis réveillé pas content du tout. Tonio m’énerve. Il a toujours de la chance, lui.
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Jour 2 Abdou, le chasseur de monstres
Et puis, mon chocolat était trop chaud, je me suis brûlé, et puis je me suis taché. De toute façon, aujourd’hui, tout va de travers ! Je n’ai pas arrêté de grogner ce matin. Je n’aime pas ça, mais je ne peux pas m’en empêcher. C’est plus fort que moi ! Toute la nuit, j’ai pensé à Will et à ce qu’il avait dit sur la Bête et ses repas. Toute la journée aussi j’y ai pensé. Je vois bien que, depuis hier, je ne la nourris pas très bien. Je râle, je grogne... Je vois bien que je ne suis pas comme d’habitude. Et puis, ce n’est pas juste ! Pourquoi je n’ai pas eu de skate à mon anniversaire ?
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Je suis jaloux ! Ben oui, c’est vrai ! Et alors ! Ça arrive !
nourris Frida. Oui “la Bête”, ça fait un peu bizarre, alors je
m’est venu tout seul. Frida... après tout, pourquoi pas ? Je me suis dépêché de descendre dans le jardin avant les autres pour parler un peu avec Will. Et puis, de toute façon, je n’avais pas envie de voir les autres. Ils m’énervent tous ! Hier, c’est à peine s’ils m’ont dit au revoir ! Bon, c’est vrai, je n’ai pas arrêté de bouder... Mais quand même ! Il fallait que je trouve Will ; lui pourrait peut-être m’aider à redevenir normal, sans toute cette grogne à l’intérieur de moi. Je ne savais pas trop où le chercher.
Peut-être
était-il
retourné
dans sa lampe ? Mais j’en doutais !
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Il avait bien dit qu’il n’y était pas vraiment à l’aise. J’ai soudain pensé à notre cabane. Le jardinier avait bien voulu qu’on la construise dans un coin du jardin. Elle était un peu cachée. Je ne m’étais pas trompé. Will était bien là. – Je t’attendais. – Ah... – Oui, j’ai bien vu ta Bête. – Frida. – Pardon ? – Frida... ma Bête, elle s’appelle Frida. – Ah oui ! Tu as raison de lui donner un nom. C’est plus sympa ! Donc, hier, j’ai bien vu Frida se délecter de ta peur et grossir, grossir. – Je n’ai pas peur ! Là, il m’avait vexé ! – Tu es sûr ? – Oui. Je suis jaloux. J’aime beaucoup Tonio. C’est un de mes meilleurs copains, tu sais. Mais je ne peux pas m’empêcher de lui en vouloir. Pourquoi il a eu ce
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skate et pas moi ? Ce n’est pas juste ! Et puis, depuis hier, tout m’énerve ! Même Maman ! – – Si ! – Mais Tonio peut te le passer. Tu peux y jouer tous les jours. – C’est vrai, mais... – Donc, ce que tu veux, ce n’est pas vraiment le skate, mais ce qui a été offert à Tonio avec. – Le papier cadeau ??? Ben oui, c’est vraiment la première chose qui m’est venue à l’esprit ! Will a rigolé. – Mais non, pas le papier cadeau ! Avec le skate, Tonio a reçu de l’amour de la part de son parrain, de
de la part de ses parents qui voient bien qu’il a grandi. Là, je n’ai rien répondu. Je ne savais vraiment plus quoi
que le papier cadeau avec le skate. Ma grogne a commencé à se calmer, je la sentais qui se faisait moins forte.
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– Peut-être as-tu eu peur hier que tes copains t’aiment
part de tes parents, de l’admiration de la part de tes copains...
Il n’avait pas tout faux. C’est vrai que pour faire la roue, le poirier, les saltos, je suis quand même le meilleur, mes amis me le disent. Et puis, mes parents m’adorent, même si mon papa n’est pas souvent là. En plus, je sais bien que Tonio me passera le skate quand je voudrai. – Tu as raison. J’ai eu peur. Je sentais Frida redevenir chaton tranquille.
Les autres sont arrivés. On a bien joué. Tonio m’a prêté son skate bien sûr ! Et Frida s’est tenue tranquille près de la porte de la cabane, dormant paisiblement. Cette boule que j’avais au creux du ventre depuis hier a disparu, je n’avais plus besoin de grogner, de râler. Tout
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ça s’était évanoui. J’ai pu prendre une grande respiration. J’étais devenu chasseur de monstres !
… Bon, moi aussi, je suis un peu vantard !
PS : Au moment de rentrer chez moi, de dire au revoir
dans les buissons.
assombrissait le ciel tellement c’était immense. J’ai juste eu le temps d’apercevoir, entre les feuilles, un drôle de regard, un regard entre peur et colère. Au moment où j’allais me diriger vers le buisson, Maman nous a appelés. – Allez ! Rentrez les enfants ! Codou m’a tiré par la manche, j’ai fait demi-tour, puis je me suis retourné, mais il n’y avait plus rien. Les autres n’ont rien dit. Ils n’avaient rien vu.
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dit cinq minutes, c’est tout. Car moi, je sais bien ce que j’ai vu !
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