La r volte des animaux ¥ J r me Bourgine
PourGamberger Roman
La révolte des animaux J r me Bourgine Minna
La révolte des animaux
A Hannah, Ilan et Jules à qui je racontais déjà cette histoire quand ils étaient petits. $ 2VFDU PRQ ÀOOHXO TXL VHUD XQ MRXU FKHI G·H[SpGLWLRQ vers la planète Mars ou coordinateur du projet de UHYDORULVDWLRQ GX VL[LqPH FRQWLQHQW $ WRXV OHV HQIDQWV GX PRQGH j TXL O·RQ Q·D SDV UDFRQWp G·KLVWRLUHV
Première partie
Le tohu-bohu
Il sera une fois, dans quelque temps d’ici, un chat qui répondra, quand il le voudra bien, au joli nom de Sha. Bien qu’il le reconnaisse rarement lui-même, Sha fait partie de ces animaux domestiques qui, à force de fréquenter l’homme, VU[ ÄUP WHY HKVW[LY JLY[HPULZ KL ZLZ OHIP[\KLZ Regarder la télévision, par exemple, Sha adore ça. Entre deux siestes, confortablement installé sur le canapé du salon, il s’amuse énormément à observer les humains s’agiter en tous sens sur le petit écran. Mais ce que Sha apprécie pardessus tout, ce sont les reportages animaliers. 3
En appuyant à répétition sur la télécommande H]LJ ZH WH[[L :OH H YLTHYX\t X\»PS ÄUPZZHP[ toujours par tomber sur un programme dédié à ses congénères. Rien alors ne l’enchante autant que la découverte d’un cousin encore inconnu vivant dans une lointaine forêt tropicale. D’autant qu’avec leurs manières rustiques L[ JL[ HPY KL Ä_LY \U VIQLJ[PM KL JHTtYH WV\Y la première fois, ces lointains parents sont franchement hilarants !... Ce matin-là pourtant, pas de rires, moins encore d’enthousiasme. Quel choc au contraire lorsqu’à l’occasion d’un reportage consacré aux gastronomies du monde, Sha découvre qu’en Asie, chaque jour, des milliers de jeunes chiens sont battus à mort, puis cuisinés… une épouvantable torture conduite dans l’unique but de rendre leur chair… plus tendre ! C’est ainsi qu’à cette seconde précise, le 13 octobre 2000 et quelques à 15 h 27, après des années passées à se prélasser entre divan et gamelle, Sha décide que « Trop, c’est trop ! » Sans que cette détermination nouvelle n’entame en rien sa grâce naturelle, notre maître Tai-Chi se redresse, s’étire de tout son long et ZH\[L n [LYYL K»\U IVUK :L MH\ÄSHU[ n [YH]LYZ SH maison, il emprunte la chatière sans même un regard pour le coin repas et traverse le jardin. 4
Direction : la maison des voisins. « Paix !! » lance-t-il à l’adresse de Chila, labrador noir aussi gras que borné qui n’est pas vraiment son copain, mais quoi… Sha a besoin de lui. Ralentissant sa course pour montrer à ce lourdaud qu’il investit son territoire sans intention agressive, Sha franchit les derniers mètres le séparant de son voisin en roulant des mécaniques à la manière si particulière des félins. – Camarade canidé ! s’écrie-t-il lorsqu’il est parvenu à portée de miaulement, il faut qu’on parle ! Et Sha le chat parle. Il dit le malheur des HUPTH\_ L[ SH ÄU K\ YLZWLJ[ HUJPLU SVYZX\L l’homme s’excusait auprès de la nature pour chaque vie qu’il lui prenait. Il dit les poules martyres élevées par milliers en batterie et les derniers seigneurs du monde sauvage massacrés : rhinos, éléphants, lions, gorilles… Il dit les océans vidés de leurs poissons et les espèces qui disparaissent les unes après les autres. Il dénonce les conditions d’alimentation, de transport et d’abattage indignes dans les élevages, pleure les derniers ours blancs et la traque des baleines, tous les frères et sœurs torturés dans les laboratoires « au nom de la 5
science », et ces milliards d’abeilles qui meurent empoisonnées !... Tout lui revient en vrac, qu’il a vu projeté sur l’écran magique du téléviseur ; cette folie engendrée par l’insatiable soif d’argent des hommes, leur cupidité maladive qui les pousse depuis toujours aux pires horreurs. Son tourment, Sha le miaule, Sha le chante et le slame, en rythme et sans répit, tandis que le pauvre Chila, saisi à froid, son gros cœur de UV\NH[ [YHUZWLYJt KL TPSSL ÅuJOLZ ZL ZLU[ ZP mal, si terriblement accablé par le fardeau de ces mille douleurs qu’il lui devient impossible de garder tout ça pour lui. C’est trop, beaucoup trop ! Fermant alors les yeux et levant son bon museau carré vers le ciel, Chila se met à hurler à la mort. Comme jamais. Très vite, les modulations glacées de sa plainte saisissent les voisins du quartier. De poils ou KL WS\TLZ PSZ ZL YL[YV\]LU[ ÄNtZ KHUZ SL\Y occupation du moment, poussés par une force sourde à se mêler au poignant concert. Ha le hamster claque des dents comme un hystérique, Cosh le cochon d’Inde gratte sa litière avec fébrilité, Pou la poule caquette en boucle, yeux révulsés, et Lap le lapin nain pousse des cris suraigus en effectuant des saltos arrière désespérés. Chats et chiens ne sont pas en 6
reste, pas plus que les chevaux parqués dans les prés qui bordent ce village de banlieue aux maisons sagement alignées. Même les pies et les corbeaux, habituellement si indifférents au sort d’autrui, claquent leur bec comme bois sec. Mais ceux qui y mettent le plus de cœur, ce sont les perroquets, gerbilles, furets, rats et caméléons… le bataillon tout entier des NAC, ces « Nouveaux Animaux de Compagnie » autorisés par la Loi, qui s’entassent dans les cages d’animaleries surchauffées où ils tombent comme des mouches avant d’être jetés à la poubelle quand ils n’ont pas eu la chance, tout jeunes encore (ensuite, « ça » ne se vend plus), d’être sauvés par un enfant qui les aura trouvés « trop mignon, Papa ! On le prend, dis ?... » « En octobre, grande braderie ! » annonce, à la sortie du village, le panneau géant planté devant chez Trofut : « 26 modèles d’animaux de compagnie à prix imbattable ! » Autour de la petite commune de Marrot-les-Bris V :OH YtZPKL SL JYP KLZ Iv[LZ LUÅL L[ NVUÅL NYVUKL L[ Z»HTWSPÄL NYVZZP[ LUJVYL L[ LUJVYL L[ encore, répercuté de proche en proche par tous les animaux du voisinage. Incroyable, la vitesse à laquelle il gagne les banlieues alentour, la grande ville voisine, 7
les campagnes, forêts, lacs, montagnes et jusqu’aux pays frontaliers. Il faut dire que tous s’y sont mis, de la plus petite bactérie jusqu’à l’immense baleine bleue, en passant par les marmottes, lézards, libellules et blaireaux, panthères et otaries, thons rouges et grèbes huppés ; tous les animaux, on vous dit. Une vaste cacophonie d’aboiements, bêlements, stridulations, brames, hululements, croassements, zinzinulations, glougloutements et autres craquettements qui s’entremêlent les uns aux autres jusqu’à créer un incroyable tohubohu, véritable tsunami sonore qui gagne peu à peu les moindres recoins de la planète : « Trop, c’est trop ! Trop, c’est trop !! Trop, c’est trop !!! » Lorsque, plus tard, les médias l’interrogeront sur ce qu’il put observer ce jour-là depuis la station orbitale où il se trouvait en mission, l’astronaute russe Youri Tournevitch déclarera qu’il eut « simplement » l’impression que c’était « la Terre elle-même qui poussait un cri ! » De fait, voici que le tohu-bohu initié par Sha couvre la planète tout entière, formant autour K»LSSL \UL ÄUL JHYHWHJL ZVUVYL L[ ]PIYHU[L (SVYZ WHY SH THNPL \UPÄJH[YPJL KL JL[[L incroyable communion spontanée, tous les 8
animaux se trouvent soudain reliés les uns aux autres : capables de communiquer entre eux au moyen du puissant champ magnétique qu’ils ont créé ! Or, à présent qu’il est partagé par tous, le hurlement de révolte se transforme progressivement en une vague sonore moins virulente mais tout aussi pressante et anxieuse : « Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on peut faire ?... » Et cela dure, dure... plusieurs longues minutes. Au point que les humains, interloqués, marquent une pause dans leurs activités du moment et, partout dans le monde, se demandent ce qui se passe. – Ce doit être un tremblement de terre, avancent les uns. – Une éruption volcanique ! assurent les autres. Car les animaux, on le sait, possèdent un sixième sens pour pressentir les catastrophes naturelles. Quand, tout à coup ! Quelque part en NouvelleZélande, Ki le kiwi, la noire mascotte maorie, Ki trouve L’idée, la seule qui ait, selon lui, une chance de faire cesser le massacre : – Rendons compte à Dieu. Lui seul nous fera justice ! Et sa proposition roule autour du globe jusque dans les oreilles de chaque animal, même les 9
poissons, les vers et les lézards qui n’en ont pas, d’oreilles, mais n’en entendent pas moins. – Mais comment joindre Dieu ? renvoie aussitôt Reu le renard à la cantonade, comme on lance une nouvelle vague de « ola » dans un stade. A nouveau, la question roule et boule autour de la planète jusqu’à être entendue de tous. A en croire les émissions religieuses du vendredi, du samedi et même du dimanche, Dieu vivrait au plus haut des cieux, avance Sha qui ne peut s’empêcher, pour lui-même, de laisser divaguer ses pensées : – Est-ce que Dieu a un compte Facebook ?... Si oui, je me demande combien il a d’amis… Mais voici qu’une nouvelle information se propage sur le réseau animalier : – Passons par ses anges ! C’est Ci la cigogne qui assure en avoir vu passer, des anges, tout là-haut-là-haut. – Holà, les oiseaux, lequel parmi vous vole le plus haut ? interroge Pan la panthère. – Son altesse impériale Moi-M’aime en personne !!! clame Haig l’aigle qui, à force d’être pris comme représentation du pouvoir absolu par rois et empereurs, se la pète un peu. – Parfait, Haig, trouve-nous un ange et ne le confonds pas avec un planeur ou un 10
parapente, ironise Gi le gibbon qui a le IYHZ Z\MÄZHTTLU[ SVUN WV\Y UL WHZ v[YL impressionné par si peu. – Et le mot magique, tu l’as avalé en route ? rétorque Haig, l’œil mauvais. – S’il te plaît, ô empereur des oiseaux, trouve l’ange, toi qui vole le plus haut !!! clament en chœur tous les animaux. Haig est peut-être un rien imbu de sa royale personne, mais quand il s’agit de démontrer sa supériorité, il ne vole pas, il fuse ! Une demiheure plus tard, Dieu seul sait comment, Haig a rempli sa mission et les voici tous transportés au Royaume des Cieux. Tous, sans exception : les milliards de milliards d’animaux peuplant la planète bleue se retrouvent agglutinés dans une pièce céleste qui, en toute logique, est bien trop petite pour les contenir tous et qui… les contient pourtant !!! Dieu, quoi ! Lequel, installé derrière son bureau en nuages compressés 100 % biodégradable, les reçoit en toute simplicité, yeux rivés à la multitude d’écrans qui Lui permettent de surveiller l’univers. – Est-ce un homme ?... Est-ce une femme ?! Est-ce seulement un humain ?... s’interrogent les animaux. 11
+PMÄJPSL n KPYL [HU[ PS tTHUL KL S»PTWVZHU[L silhouette une aura lumineuse obligeant chacun à ne pas Le regarder en face. En tout cas, si c’est un humain, vu ses sept ou huit bras et ses trois yeux, Il ou Elle a autorisé les manipulations génétiques et se les est appliquées en premier ! Et voici qu’« Elle-Il » se tourne vers eux et leur parle, dans leur propre langue, du zanimo de la meilleur facture, sans la moindre trace d’accent ! – Nous vous écoutons. Trois petits mots suivis d’un silence palpable. Alors Sha le chat, de qui tout est parti et que la certitude de posséder sept vies rend moins craintif que d’autres, s’avance d’un pas et se lance, énumérant leurs innombrables doléances. Sha parle et, de nouveau, il parle bien. Aussi, Bo le bonobo commence-t-il à se balancer d’une jambe sur l’autre et à ponctuer, d’abord timidement puis plus fermement, chacune des phrases de son compère d’un « yo ! » rond et sonore que tous reprennent en chœur. D’où naît une mélopée grave et douce du plus bel effet. Et Dieu… sourit. Dieu apprécie, c’est manifeste. Elle-Il écoute, jusqu’au bout, sans interrompre Sha, car Dieu a été bien élevé. « Par qui ?... Encore un mystère » ne peut s’empêcher de songer Sha par-devers lui-même. Et 12
quand il lui semble que la coupe est pleine, Sha se dit : « C’est assez. Si Dieu est arrivé jusqu’à ce poste élevé, c’est qu’il n’est pas SH TVP[Pt K»\U oUL 3H ]LYZPVU JV\Y[L Z\MÄYH ® Et Sha se tait. Après un ultime « yo ! » de WVUJ[\H[PVU ÄUHSL SLZ H\[YLZ LU MVU[ H\[HU[ Pour la seconde fois, Dieu leur ouvre Sa pensée. – Approchez ! Les animaux approchent. Et comme Dieu est Dieu, les voici tous agglutinés autour de Son immémorial fauteuil en cuir de tyrannosaure, un modèle un rien démodé sans doute, mais tellement résistant qu’Elle-Il a souvent regretté qu’on en ait arrêté la fabrication. – Voyez ! leur dit-il, voyez les milliards de galaxies contenant chacune des milliards de systèmes solaires… Imaginez le nombre faramineux de planètes dont il me faut m’occuper. J’ai d’autres Sha à fouetter. Et Elle-Il jette un coup d’œil vers celui par qui le scandale est arrivé. Pourtant, je vous ai reçus. Pour vous dire quoi ?... Simplement qu’il ne sert à rien de protester car… vous avez signé le contrat ! – Quel contrat ?! s’offusque Fu le furet à qui on ne la fait pas à l’envers, quand bien même on 13
représente une compagnie aussi puissante que la Cosmos & Fils. Et de répéter en articulant bien, au cas où Dieu, vu son âge canonique, serait un peu dur de la feuille : – De quel contrat on parle, là ? J’ai rien signé, moi ?! – Le libre arbitre ! Article 1 de la Constitution Cosmique. C’est moi qui ai créé le Grand 1L\ L[ KtÄUP SLZ YuNSLZ THPZ \UL MVPZ SH partie commencée, c’est vous qui décidez. de TOUT ! Quel intérêt si dans les coulisses QL [PYHPZ SLZ ÄJLSSLZ & =V\Z UL ZLYPLa X\L KLZ marionnettes ! Non, mes amis, vous êtes déÄ UP [P ]L TLU[ SPIYLZ 7V\Y SL TLPSSL\Y L[¯ pour le pire. – Ouais, mais là, Dieu, sauf Ton total respect, Man : on va droit dans l’mur, mon Pote ! lâche Dob le doberman, élevé sur Crotona avenue, Bronx, New York, USA. – Je sais, répond Dieu tout en tapant un mail d’une main qu’on dirait indépendante et en surveillant de son troisième œil le bug apparu sur l’écran 865.749. C’est souvent JVTTL sH n SH ÄU K\ UP]LH\ Sn V ]V\Z LU êtes rendus, précisément : individualisation des consciences - ce qui est bien -, mais également des possessions, ce qui l’est moins, car cela entraîne surconsommation, surexploitation, destruction & pollution, bref : 14
SL IVZZ K\ UP]LH\ <UL ZL\SL ZVS\[PVU ! l’affronter et le vaincre ou bien… perdre Tout ! Je vous rappelle que votre planète a déjà du redémarrer cinq fois quasiment à zéro. La dernière fois, pour vous, c’était quand déjà, MMMhhh ?!... » – Après les dinosaures ?… ose timidement Loi le loir qui, une fois pillé les placards des cuisines, ne déteste pas, lui non plus, se poser discrètement dans un coin pour regarder la télé. – Exactement ! Mais je vous rassure : certaines planètes arrivent à passer le cap du niveau ;V\[LZ UL TL\YLU[ WHZ YVUNtLZ WHY SH pollution et désossées par la surexploitation de leurs ressources naturelles… » – Tout cela n’est pas très rassurant, barrit El l’éléphant que tous ces discours agacent un peu. Bref, Patron, vous êtes en train de nous dire que vous ne pouvez rien pour nous, c’est ça ?! +PL\ SL Ä_L \U PUZ[HU[ L[ THSNYt SH KPZ[HUJL X\P les sépare, Elle-Il pose une de ses mains sur l’épaule du pachyderme en signe d’apaisement. ,SSL 0S SLZ Ä_L HSVYZ KHUZ SLZ `L\_ [V\Z n SH MVPZ un exploit, même pour Dieu, mais Elle-Il s’est souvenu du fameux effet d’optique selon lequel, Z\Y \UL HMÄJOL SH WLYZVUUL WOV[VNYHWOPtL semble vous suivre du regard partout où vous 15
allez. Puis Elle-Il déclare, assez content de sa formule : – Ne demandez pas ce que la Création peut faire pour vous ; demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour la Création ! « Cela me rappelle vaguement quelque chose » songe Sha qui n’a pas le temps de se souvenir quoi exactement car la conversation se poursuit. – Ce qu’on peut faire, nous ?!! geint Mou le mouton. Mais « nous », on ne peut rien faire ! Ce sont les hommes qui décident de tout sur terre. Mou est bien trop timide pour avoir regardé Dieu en face en Lui parlant. Quand il relève les yeux et s’aperçoit qu’Elle-Il a focalisé Son triple-regard-atomique sur lui, Mou pense sa dernière heure arrivée. De terreur, il s’oublie sur SH TVX\L[[L LU ÄS K»VaVUL L[ ZL TL[ n [YLTISLY comme une feuille. – Ecoutez ! En vous unissant tous comme vous l’avez fait, vous devenez très puissants. Ici, ]V\Z v[LZ H\ UP]LH\ K\ .YHUK 1L\ )LS exploit ! Bravo ! Simplement, ce n’est pas moi qu’il faut convaincre. Moi, je suis hors jeu. Mais persévérez, vous êtes sur la bonne ]VPL :\Y JL ! ÄU K\ IVU\Z Z[HNL L[ YL[V\Y n 16
SH JHZL KtWHY[ UP]LH\ IVZZ ÄUHS¯ 8\L SH Force soit avec vous ! Et Dieu déploie sous leurs yeux un immense arcen-ciel. Depuis toujours, Elle-Il adore ça, jouer avec la lumière. Et l’obscurité ! Les animaux se laissent alors glisser un à un jusqu’à la Terre sur ce formidable toboggan. Qui surfant sur le jaune, qui glissant sur le rouge, qui encore Z\Y S»PUKPNV V THaL[[L hH ÄSL n KVUM " JL[ arc correspondant sûrement à quelque chose comme une piste noire. Dans les sept mers, sur les cinq continents, tous les émissaires sont de retour sur terre. Ni vu ni connu, car durant cette entrevue céleste, il s’est écoulé quoi ?... Un millième de seconde, pas plus. Ainsi qu’a pu le noter Kan le kangourou qui n’a pas l’œil dans sa poche : Dieu ne porte pas de montre. Et si Elle-Il n’a pas de montre, qu’est-ce que cela peut bien ZPNUPÄLY ZPUVU X\»,SSL 0S ]P[ OVYZ K\ [LTWZ & La première chose qui s’impose à tous, une fois rentrés, c’est ce silence dans leur tête. Un silence presque angoissant. Le grand tohuIVO\ \UPÄJH[L\Y H WYPZ ÄU L[ JOHJ\U ZL YL[YV\]L à sa place : dans sa forêt, son pré, derrière les barreaux de sa cage… séparé des autres ! La Bonne Nouvelle, les animaux la découvrent peu après : Dieu, à n’en pas douter, est un geek accompli qui considère l’XP comme un acquis 17
social : pas question de revenir en arrière ! En dépit du fait que les animaux ne sont plus en train de hurler tous ensemble, grâce au Lien qu’ils ont créé, chacun reste en mesure de se connecter aux autres et d’entendre dans sa tête ce qu’ils racontent. Une sorte d’animalnet télépathique, oui ; qui ne change rien dans l’instant à leur problème et qui, pourtant, change… tout !
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Seconde partie
La grève
Car si une partie des animaux s’éclipse pour vaquer à ses occupations, la plupart restent connectés et entreprennent de trouver quelle suite donner à leur action. Ainsi que Le Boss des boss l’a clairement énoncé, c’est en s’unissant tous qu’ils ont marqué un point. Ce qu’ils comprennent d’autant plus facilement que la stratégie du troupeau, de la meute ou du banc de poissons, cela fait des millénaires qu’ils l’emploient. Ils doivent donc rester unis : « Tous ensemble ! Tous ensemble ! » Simplement, ils se sont trompés d’interlocuteur ; ce n’est pas Dieu qu’ils doivent convaincre, mais, comme l’a très justement fait remarquer Mou le mouton, ce 20
sont ceux qui décident sur terre : les hommes ! Ces hommes qui, installés au sommet de la chaîne alimentaire, ne redoutent aucun prédateur sinon eux-mêmes et font la pluie et le beau temps. « Normal, songe Sha, ces satanés bipèdes disposent dans leur crâne d’un système d’exploitation extrêmement sophistiqué : cerveau reptilien + cortex + néocortex ; en un mot, ils tournent en 3G ! Là où la plupart des mammifères comme nous ne disposent que d’un cortex basique, et les autres animaux d’une minuscule cervelle de moineau ! Moins encore, parfois » – Comment on va faire ? On n’est pas de taille, se lamente Ko le koala. – Silence, l’amorphe ! tranche K le caïman, un fort en gueule rien moins que tendre. On a un argument de poids, nous autres ; un argument in-con-tour-na-ble ! Sans nous, les humains, ils crèveraient. Faut qu’ils bouffent, eux aussi ! – Sans doute aurais-je exprimé la chose de manière différente, s’enthousiasme Gi la Girafe chez qui l’élégance n’est jamais une option ; néanmoins, vous avez mis dans le mille, Emile ! – M’appelle pas Emile, la cagneuse. C’est K, mon nom. Tu saisis ? – K a raison, renchérit Fô le faucon. Hormis 21
quelques espèces dégén… pardon : « domestiquées », nous autres, les animaux, n’avons pas besoin de l’homme pour nous nourrir, tandis que l’homme, lui, ne peut se passer de nous. – On le sait déjà, tout ça, susurre Râ le rat d’un air las. Et les hommes aussi le savent. Le problème, c’est d’arriver à les convaincre de changer. Ils ne s’écoutent déjà pas entre eux, alors nous écouter, nous ! Un silence de plomb s’abat sur le réseau. Et puis : – J’ai une idée ! Même qu’elle est bonne. C’est Chossou, la chauve-souris qui, à force de loger dans les cavernes, greniers et ateliers, a assisté à d’innombrables épisodes de l’épopée humaine ; en nocturne le plus souvent. Et si on faisait grève ?!... – Grève ?!!! s’exclament-ils tous en chœur à l’exception de Chin le chimpanzé qui a déjà tout pigé. – Oui, grève, grève de la faim ! Comme les humains quand ils subissent une injustice et veulent protester. – Mais, si on fait ça, on va avoir drôlement faim !! ne peut s’empêcher de geindre Aïe l’aye qui consacre 95 % de son temps d’éveil à mâcher des feuilles. – Pourquoi faire dans la demi-mesure ? 22
s’exalte No le scorpion. Un immense suicide collectif ! Voilà un plan grandiose. On se tue tous : plus d’animaux ! Seront bien em… bêtés, les humains. Ah ! ah ! Vivra moins qui vivra le dernier ! – Et pourquoi pas la grève… du sexe ! propose Bo le bonobo dont l’espèce est la seule, sur [LYYL n YtNSLY ZLZ JVUÅP[Z UVU WHY SH N\LYYL mais par… l’amour ! Moué la mouette éclate de rire ; Ote, l’autruche, gênée, enfouit sa tête sous terre tandis que tous se mettent à parler en même temps : – Arrêter de manger ? Alors que c’est notre seul plaisir ?! – 0S MH\[ ZH]VPY MHPYL KLZ ZHJYPÄJLZ¯ – Plutôt crever !! (Cosh le cochon), – Et si on faisait la grève, seulement… un jour sur deux ? – Excellente idée ! – Arrêtez de dire n’importe quoi ! Votons ! vrombit Ab, la reine des abeilles qui sait combien, dans une vaste communauté, il est KPMÄJPSL KL TL[[YL [V\[ SL TVUKL K»HJJVYK Et les animaux votent. Et c’est la grève de la faim qui, au bout du compte, emporte le plus de suffrages. Et Ma le marabout déclare, du ton cérémonieux qu’il affectionne : – A partir de cette seconde, nous, animaux de la planète Terre, décidons à l’unanimité de ne plus avaler une seule bouchée. Je déclare 23
VMÄJPLSSLTLU[ SHUJtL SH WYLTPuYL NYu]L KL SH faim des animaux ! – Vive nous !!! clament-ils tous de concert. ;V\Z ZH\M :OH X\P WYt]V`HU[ SH JOVZL H ÄSt n l’anglaise et s’est gavé de croquettes comme jamais. La bouche encore pleine et la panse tendue à craquer, il a toutes les peines du monde à se traîner jusqu’au canapé. – Plus personne ne mange plus personne ? Ni plus rien ?… D’accord ! On en reparlera dans quelques heures... Pour une fois cependant, l’avisé Sha se trompe. Quelle surprise, le lendemain, pour Agri l’agriculteur qui, depuis toujours, est accueilli dans sa basse-cour par un concert de cris enthousiastes ! Pour la première fois de sa vie, il déploie ses poignées de graines à la volée sans qu’aucune poule ni pintade ne se jette dessus. Pas même Din le dindon, d’ordinaire si vorace. Et Cita la citadine chic n’en croit pas davantage ses yeux lorsque Yasmine, sa douce princesse HUNVYH ÅHPYL K»\U HPY ZV\WsVUUL\_ SH Wo[tL de luxe qu’elle lui sert quotidiennement et… s’en détourne après lui avoir jeté un regard embarrassé. Idem les autruches de Mika en Afrique du Sud, les veaux de Pedro en Argentine, les crevettes élevées par Sui en Thaïlande et, dans son zoo à 24
Berlin, Hans n’y comprend rien de rien : jamais, ô grand jamais, il n’a vu Rex, son lion vedette, refuser une carcasse bien fraîche ! Ah ! Elle en fait, des heureux, cette « première grève de la faim des animaux » : gazelles effrontées trottant sous le nez des guépards et se permettant au passage de leur faire les yeux doux ; thons ventrus se tortillant d’aise devant la gueule béante de requins blancs hyperénervés et n’en pouvant plus mais... mulots qui envahissent par vagues entières les réserves de grains jusque-là défendues par d’intraitables chats-sentinelles... Quant aux araignées, écœurées mais solidaires, elles libèrent un à un tous leurs prisonniers ! Naturellement, chez les humains, c’est devenu « la Grande Affaire ». On en parle au journal télévisé de 13 heures le jour G (G comme Grève), puis à celui de 20 heures et encore aux infos matinales du lendemain… Bientôt, il n’est plus question que de cela : spécialistes, L_WLY[Z L[ ZJPLU[PÄX\LZ ZVU[ PU[LY]PL^tZ n SH chaîne, qui ne trouvent rien à dire sinon qu’euxmêmes « s’interrogent… au plus haut point ». En cinq mots comme en cent : personne n’y comprend rien ! Deux ou trois chercheurs plus intuitifs avancent bien que cet évènement a certainement « quelque chose » à voir avec 25
l’étrange tohu-bohu advenu quelques jours plus tôt, mais, en les entendant, la plupart des gens haussent les épaules. Pour beaucoup : « Ce doit être une nouvelle épidémie », voire « une malédiction », « C’est le début de la Fin du Monde ! » prophétisent les adeptes de plusieurs sectes religieuses. Parmi les animaux, bien sûr, tous ne se montrent pas aussi exemplaires qu’ils le devraient. Quelques-uns craquent et… croquent. – Comment résister à ces petits poussins odorants qui se sont aventurés jusque dans mon terrier ?..., plaide Blé le blaireau d’un air si sincère. – 6\WZ KtZVSt S»HTPL <U YtÅL_L \U THSOL\YL\_ YtÅL_L¯ QL SL Q\YL se défend Lou le loup à qui l’on reproche d’avoir englouti un chevreau « tout entier »… Mais dans leur immense majorité, les animaux respectent le jeûne. Un jour. Deux. Trois. Advient alors ce qui se produit depuis toujours en pareil cas : sécheresse, catastrophe naturelle, disette… Les plus faibles s’affaiblissent encore et dépérissent, puis périssent tout court. Il en a toujours été ainsi et, pour douloureux que 26
ce soit, cela ne choque aucun des animaux. Car telle est la Loi de la nature. Non, ce qui les choque, terriblement, c’est autre chose à quoi ils n’ont jamais été confrontés : ne pas avoir le droit de nourrir leurs petits ! Une mère… Ne pas pouvoir nourrir ses petits !! Imagine--t-on pareil crève-cœur ?!... Ne pas pouvoir les nourrir alors qu’ils s’affaiblissent et qu’il y a à manger !… Les mères, oui, toutes les mères, sont, de beaucoup, les plus malheureuses. C’est pour cette raison que certaines, en cachette, donnent quand même la tétée ou la becquée, laissent discrètement tomber un fruit près de leur portée… Ceux qui les aperçoivent ferment les yeux, compréhensifs. Le lendemain pourtant, au jour dit G + 4, sur décision extraordinaire du CCMS, le Comité Compassionnel des Mammifères Supérieurs, des équipes de soutien psychologique sont mises en place, dirigées par plusieurs mamans dauphins qui ont eu à traverser plus terrible épreuve encore. Telles dauphines, en effet, qui, vivant dans des delphinariums, rejetèrent volontairement leurs bébés hors de l’eau après en avoir accouché parce qu’elles préféraient que leurs petits meurent plutôt que d’avoir à passer leur vie en captivité !! Ces mères-là 27
prennent la parole sur animalnet, tĂŠmoignent et [LU[LU[ KÂťLUKPN\LY SL Ă&#x2026;V[ TVU[HU[ K\ KtZLZWVPY maternelâ&#x20AC;Ś Sans succès. Car rien ne parvient Ă contenir la Yt]VS[L KLZ TuYLZ X\P LUĂ&#x2026;L L[ NYVUKL JSHTHU[ inlassablement leur indignation : â&#x20AC;&#x201C; Pourquoi ?! Pourquoi laisser mourir nos enfants ? Ce sont les hommes que nous devions punir ; pas nos petits ! Le cinquième jour de grève, Mi la mygale qui H KtQn WLYK\ Ă&#x201E;SZ L[ Ă&#x201E;SSLZ YtJSHTL \U nouveau tohu-bohu. Dès son ouverture, Mi KLTHUKL X\ÂťPS ZVP[ TPZ Ă&#x201E;U H\ THZZHJYL  PT mĂŠ-dia-te-ment ! Âť Tous, ils ont si faim. Tous, ils ont si mal au cĹ&#x201C;ur de voir pĂŠrir leurs enfants. Pour quel rĂŠsultat ? Aucun ! Pas le moindre petit ĂŠlan des Humains dans leur direction. Ils sont dĂŠcouragĂŠs. Au point, Sha le sent bien, quâ&#x20AC;&#x2122;une majoritĂŠ dâ&#x20AC;&#x2122;entre eux est prĂŞte Ă voter lâ&#x20AC;&#x2122;arrĂŞt de la grève. Notre fĂŠlin ne sait que faire. Il nâ&#x20AC;&#x2122;a rien Ă proposer cette fois. Câ&#x20AC;&#x2122;est alors que Coe le cĹ&#x201C;lacanthe, le plus vieil animal du monde, rĂŠclame la parole. Du haut de ses 350 millions dâ&#x20AC;&#x2122;annĂŠes (quand mĂŞme !), il sâ&#x20AC;&#x2122;adresse Ă eux et dĂŠclare : â&#x20AC;&#x201C; Blub, blob, blub ! â&#x20AC;Ś Silence gĂŞnĂŠ sur le rĂŠseau. Personne ne comprend rien Ă ce quâ&#x20AC;&#x2122;il raconte, lâ&#x20AC;&#x2122;ancĂŞtre. 28
– Chers frères ! traduit après quelques hésitations Bab, la baleine bleue, une intellectuelle mélomane et l’une des très rares à comprendre encore cette langue morte. – Blub blub blab, blio, blubibabou !… – Croyez-en mon expérience, poursuit Bab, il ne faut pas renoncer. Surtout pas ! Nos petits meurent et c’est terrible, mais la mort fait partie intégrante de la vie : la grenouille mange la libellule, le martin-pêcheur mange la grenouille et le lynx. – Est-ce qu’il reste seulement des lynx ?! s’interrompt Coe, inquiet. – Nous sommes encore quelques-uns, jette une voix sur le réseau. – Et le lynx mange le martin-pêcheur, reprend Coe. C’est la chaîne alimentaire, la grande chaîne de la Vie. Les petits donnent leur énergie aux moyens qui la transmettent aux gros, lesquels nourrissent à leur tour des millions de minuscules quand ils meurent. Il en a toujours été ainsi. Jusqu’à ce que l’homme, ce blanc-bec, ce gamin irrespectueux qui n’a pas 5 millions d’années, massacre, torture, extermine et salisse tout ! Moi qui, de mes propres yeux, ai vu disparaître les dinosaures, incapables de s’adapter, je vous le dis haut et fort : con-ti-nuez ! Votre combat est juste. 29
Qu’importe si mille parmi nous périssent… Qu’importe si 100 000 périssent : éruptions, glaciations, incendies, la mort est partout sur cette planète, depuis toujours. Mourir, cela n’est rien ; mourir, la belle affaire ! C’est vivre qui compte. Mais pas n’importe comment, nom d’une ammonite ! Vivre dans la di-gni-té ! Stoppons l’homme dans sa course folle. Et vite ! Personne, sinon, n’en réchappera, nous mourrons tous, comme cela a commencé de se réaliser : exterminés, empoisonnés, [YHÄX\tZ JSVUtZ IS\I ISVI ISPI ISPI¯ ® – Ils m’ont fait manger les os de mes petits broyés en farine ! J’en ai perdu la tête ! ne peut s’empêcher de meugler Va la vache, pas si folle qu’on pourrait le penser. – Vivre digne ou mourir ! coqueline Co le coq, toujours désireux de se faire remarquer. ,[ n ZH NYHUKL ÄLY[t ZVU JYP LZ[ YLWYPZ KL [V\Z ! – Vivre digne ou mourir ! Vivre digne ou mourir ! Replongeant dans les abysses insondables K\ 7HJPÄX\L *VL SL JµSHJHU[OL SHPZZL ZLZ congénères s’enivrer de leurs cris. Il faut bien que jeunesse se passe. Puis les animaux votent et, à l’unanimité moins une espèce, la grève est reconduite. Aaaah ! Il aurait bien aimé dire « oui », No le scorpion ; cette grève, après tout, il n’a rien contre, mais, au dernier moment, il n’a pas pu s’empêcher. « Juste pour voir !… » 30
L’exaltation collective, cette fois, est de courte durée. Lorsque Bi la biche demande en chevrotant, car elle aussi est bien affaiblie : – Mais si les hommes ne font rien ? S’ils ne comprennent pas le sens de notre combat, qu’allons-nous devenir ? Ne peut-on aller leur parler ?... Un lourd silence s’installe sur animalnet. – Il y a bien longtemps qu’ils sont devenus incapables de nous entendre, je le crains, répond Sé le serpent qui se rappelle avec émotion une époque autrement fraternelle, dans un certain jardin d’Eden…
3L [VO\ IVO\ H WYPZ ÄU 3L Jµ\Y [V\QV\YZ aussi gros, l’estomac toujours aussi vide, chacun est retourné à ses occupations. Les animaux continuent de ne rien manger et les hommes de ne rien y comprendre. Certains médias donnent bien, parfois, la parole à de vieux « sages » vivant encore au contact de la nature. Ces Anciens assurent qu’en agissant de la sorte, les animaux adressent à l’homme « un message », mais sitôt ont-ils parlé que Co le communicant passe derrière eux et, au nom de grands instituts de recherche comme au nom des laboratoires, en un mot comme en cent : « au nom de la science ! », il assure que pour être « très poétique » cette 31
explication n’offre rien de « rationnel », non, « Si les animaux ne mangent plus, c’est tout simplement parce qu’ils sont… malades ! ». Mais, que les gens se rassurent, la situation est parfaitement contrôlée : chaque jour, des milliers de chercheurs s’emploient à trouver une solution, observent et dissèquent toutes sortes de spécimens, à la recherche du terrible virus causant cette « pandémie anorexique bestiale fulgurante ». Car la maladie a un nom ; elle existe, donc. D’ailleurs, certaines équipes sont sur une piste « très prometteuse » et il ne serait pas surprenant qu’elles arrivent à un résultat « très prochainement ». Et bla et bla et blablabla…
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Troisième partie
Le Grand Tournant
Puis arrive LE jour entre tous. Celui qui restera à jamais dans les livres d’Histoire comme « Le Grand Tournant ». A Wuyishan, dans la province du Fujian, en Chine, Mia, 10 ans, désespère de faire avaler quelques gouttes de lait à Man sa mangouste chérie qui, jour après jour, s’affaiblit. Man et Mia, Mia et Man, les deux ailes d’un même rêve. Qui vola si haut. Ce duo d’espiègles a joué mille tours aux voisins, aux parents. Toutes deux se comprennent si bien ; d’un seul regard, souvent. ,UÄU sH J»t[HP[¯ H]HU[ A présent, Man ne bouge plus ; même boire, elle a cessé. Man est à l’agonie et n’ouvre plus les yeux. Mia, qui la sent s’échapper, ne peut l’accepter. Elle la prend délicatement dans ses mains. Sa mangouste a tellement maigri qu’elle 34
ne pèse plus rien. Mia la berce et fredonne une comptine que sa mère lui chantait pour l’endormir, quand elle était petite. Des larmes perlent au coin de ses yeux. Mais tandis qu’elle chantonne pour apprivoiser sa douleur, quelque part, au plus profond d’elle-même, éclate une bulle, un écho... Ce n’est pas son ventre qui gargouille ; pas KH]HU[HNL ZVU ULa X\P YLUPÅL *»LZ[¯ J»LZ[ Man ! C’est sa mangouste ! Mia en est sûre. Man qui utilise ses dernières forces à essayer de lui faire comprendre quelque chose ! 4HU H V\]LY[ SLZ `L\_ L[ SH Ä_L – Parle ! Parle ! Je t’entends, l’encourage la ÄSSL[[L Et Mia entend très clairement, dans sa tête : – Comme nous avons été heureuses !... – Oooh la ! ne peut que répondre Mia dont le cœur va exploser. Man, sa mangouste, son trésor, son âme, Man lui parle. Pour de vrai ! – Il faut que je parte, murmure la mangouste. Ne me retiens pas. Enterre-moi à l’ouest du grand champ, sous notre arbre. Bien profond. – Promis ! s’empresse de répondre Mia. – Il faut aussi… que… tu leur dises... Mia retient ses larmes, serre un peu plus fort, à peine. – Que je leur dise quoi ?! 35
– Que… tu leur… dises... répète Man. Et tandis que l’adorable sourire coquin de la mangouste découvre une dernière fois des canines terriblement pointues, la lumière qui clignote dans ses yeux se voile. – Que je leur dise quoi, Man ?!... répète Mia, bouleversée ; mais elle voit bien que son amie n’est plus là. Mia pleure. Longtemps. Puis Mia choisit sa plus belle boîte à chaussures et, dans son foulard de soie préféré, elle installe Man dont les pattes sont devenues si raides qu’elles empêchent le couvercle de fermer. – Man, s’il te plaît… je sais que tu le fais exprès ! essaie de blaguer Mia. Mais elle n’y croit pas. « Que je leur dise quoi, Man ? » ne cesse de penser Mia tandis qu’elle emporte la boîte audelà du grand champ de riz. Elle ne sait pas. « Que je leur dise quoi, Man ? » ne cesse de penser Mia pendant tout le temps où elle creuse puis enterre son amie. Elle ne sait pas. « Que je leur dise quoi, Man ? » ne cesse de penser Mia sur le chemin qui la ramène à la maison, puis pendant qu’elle se lave les mains car sa mère vient de l’appeler à table. 36
Elle ne sait toujours pas. « Que je leur dise quoi, Man ? » ne cesse-t-elle de penser en pinçant entre ses baguettes une bouchée de cette incomparable succulence qu’est le riz-frit-aux-mille-parfums que sa mère prépare comme personne. Et là, tandis que sur l’écran de la télévision MHTPSPHSL KtÄSL S»LMMYV`HISL ZWLJ[HJSL KL TPSSPVUZ de poissons échoués sur une plage, « morts de faim selon toute vraisemblance » explique le commentateur, Mia sait. Mia repose ses baguettes et Mia recrache discrètement dans sa main la bouchée qu’elle était en train de mâcher. Elle s’excuse auprès de ses parents et, sous leur regard interrogateur, quitte la table et regagne sa chambre. Mia s’installe devant son ordinateur, ouvre sa page Facebook et écrit : « Aujourd’hui, je commence une grève de la faim. Pour que survivent les animaux. Pour que survivent les hommes. Pour que survive notre planète. Et personne, jamais, ne me fera changer d’avis. » Nous sommes à G + 7. Mia l’ignore, mais, de la même façon que lorsque l’on touche la surface de l’eau d’un ruisseau, on entre en réalité en contact avec l’eau de tous les océans et de toutes les rivières du monde, en déposant son cœur sur l’immense toile d’araignée d’internet, 37
en la faisant vibrer de sa petite note personnelle, juste et déterminée, elle a créé une onde de choc, minuscule. Mais cette onde, relayée par d’autres cœurs purs, va prolonger sa course, encore et encore… Deux jours plus tard, à G + 9, les « amis » de Mia qui depuis des mois stagnaient aux alentours de 65 (à son grand désespoir puisque Lin Su, sa voisine d’école, en comptait, elle, 110 !), sont 1 750. Et ils sont… 250 000 le lendemain, à G + 10. 250 000 !!! Et Mia ne mange toujours pas. Non seulement Mia ne mange pas, mais, en France, Pierre, 12 ans, l’a rejointe dans son combat et refuse désormais toute alimentation. Zig, un drôle de p’tit gars qui vit à Seattle au Nord-Ouest des Etats-Unis, en est lui à son troisième jour sans hamburger, une décision qui lui coûte « énormément » ; mais il tient ! Pareil pour Ken en Tanzanie, Johanna à Jérusalem et Fatima en Libye. Plusieurs millions d’enfants sont désormais au courant et plusieurs centaines refusent de s’alimenter. « Plutôt pas de monde qu’un monde sans animaux ! » a résumé l’un d’entre eux qui n’a pas souhaité signer sa trouvaille.
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Bien sûr, les chaînes de télévision du monde LU[PLY ]L\SLU[ ÄSTLY 4PH (\ NYHUK KtZLZWVPY KL Lin Su, sa voisine d’école, Mia est désormais célèbre dans le monde entier. Mais Mia ne reçoit personne. Elle ne quitte plus sa chambre, plus guère son lit non plus d’ailleurs car elle se sent un peu faible, « Juste un peu, maman.» Mais elle sourit. Et quand, parfois, lorsque le soleil vient de se coucher, elle se sent triste pour ses parents ou triste tout court, franchement démoralisée même, disons-le, elle tourne la tête vers le grand champ de riz et envoie cette pensée : « Je leur ai dit, Man. Je leur ai dit ! » Mais, apparemment, cela ne change pas grandchose… Pendant ce temps, Ex & Co (« Experts & Communicants. A votre service ! ») ont beau déclarer sur toutes les chaînes qu’une attitude aussi « déraisonnable » que celle de ces enfants n’arrangera rien au problème, « bien au contraire ! », le mouvement initié par Mia suscite dans l’opinion publique une formidable vague de sympathie. D’autant que certains discours qui se veulent rassurant, atteignent parfois un but exactement opposé. Ainsi de l’intervention de Ték le technicien lorsqu’il a expliqué que les chaînes d’élevage dans lesquelles les animaux seront obligés 39
de s’alimenter au moyen de tuyaux, étaient « pratiquement au point… » Invité sur le plateau de la même émission, Gén le généticien a assuré de son côté que, grâce n X\LSX\LZ THUPW\SH[PVUZ ÄUHSLTLU[ HZZLa simples », de nouvelles races destinées à la consommation verraient prochainement le jour. Et puisqu’il semblait bien que ce soit le cerveau des animaux qui soit atteint par la maladie, on allait tout simplement atrophier cet organe devenu « contre-productif » et favoriser au contraire le développement des muscles et de toutes les parties comestibles. « Comme on le fait déjà sur certains poulets… Avec succès ! » « Sans oublier, surenchérit Chi le chimiste, les aliments synthétiques dont on maîtrise déjà la production à grande échelle : steaks de soja, poissons panés en pâte de haricot… Avec les additifs dont on dispose aujourd’hui, on peut reproduire tous les goûts, toutes les textures ! Les plantes n’ont encore entrepris aucune grève de la faim que je sache ! » « La révolte des animaux »… L’expression est utilisée pour la première fois par le prix Nobel de biologie Antonio Chercao, un chercheur brésilien qui a expliqué, à l’occasion d’un discours, qu’en cas de crise majeure : « l’intelligence 40
collective de certaines espèces animales PUÅtJOPZZHP[ ]VSVU[HPYLTLU[ SLZ JVTWVY[LTLU[Z individuels à travers rationnement et contrôle des naissances. Dans le but d’assurer à long terme la survie de l’espèce.» Au dixième jour de la Révolte des Animaux, donc, tandis que les écrans d’internet et les téléviseurs débordent littéralement d’images montrant l’hécatombe animale, on commence à diffuser des reportages et émissions abordant les conséquences pour l’humanité de la « défection vitale » du règne animal. Ainsi, l’un des problèmes majeurs actuellement rencontré, est celui des ordures. Une petite partie seulement des 8 milliards d’habitants de la planète dispose de systèmes perfectionnés de retraitement des déchets. Pour tous les autres, c’était jusqu’à présent la nature qui s’en chargeait. Bon gré, mal gré. Mais puisque les trillions de bactéries éboueuses se sont mises en grève, la transformation biologique des déchets humains ne s’opère plus ! Plus de compost ni d’engrais naturel, mais des montagnes de déchets putrides, toxiques, contaminants… Un danger extrêmement sérieux. Sans parler de l’odeur ! C’est une véritable infection qui a, en outre, gagné toutes les fosses septiques dans lesquelles les bactéries coprophages ont cessé le travail. Au point que certaines populations, en 41
Asie et en Amérique du Sud, sont contraintes de WVY[LY KLZ THZX\LZ ÄS[YHU[Z " [V\[L SH QV\YUtL « La planète pourrit ! » résume, d’une formule choc, l’écologiste Sébastien Dumont, invité en mondovision à confronter la sienne, de vision, à celles d’autres spécialistes. En mangeant leurs conserves, leurs pâtes et produits surgelés, les Hommes s’interrogent : et si cette petite Chinoise et ses amis avaient raison ? Si les « alarmistes » de toutes sortes disaient la vérité ? Si tout cela avait un sens ? Si l’humanité était réellement en danger ? Ils ont beau raconter ce qu’ils veulent à la télé, cela fait trois jours qu’on ne trouve plus un morceau de viande ou de poisson frais dans les magasins ! Les bêtes sont devenues si maigres qu’on ne trouve plus rien à manger dessus. Bien sûr, il nous reste des réserves !... Distribuées au compte-gouttes… par l’armée ! Einstein nous avait prévenus : « S’il arrive malheur aux abeilles, ce sera le début de la ÄU ® YHWWLSSL :tIHZ[PLU +\TVU[ SVYZX\»PS H SH parole. ,_ *V *OP L[ ;tR Ä_LU[ S»tJVSVNPZ[L JVTTL s’il était un demeuré. Avant l’émission, ils ont eu une grande « réunion de crise » avec Pô 42
le politicien et Indu l’industriel. « Evitez à tout prix la panique ! » a ordonné Pô. « De fabuleux marchés s’ouvrent, a, pour sa part, martelé Indu, c’est une opportunité unique de gagner des parts sur nos concurrents ! ». CoExChiTék lance d’une seule voix : « Votre Einstein est dépassé. Même si les abeilles devaient vraiment nous trahir, nous assurerions nous-mêmes la pollinisation des plantes. En saupoudrant les champs et les vergers avec des avions et aussi au moyen de… d’abeilles électroniques, voilà ! Il faut vivre avec son temps ! Le génie de l’Homme est sans limites » Mia éteint la télé. C’est une de ces nuits où le doute la terrasse. Des millions d’enfants - des millions ! - font grève de la faim. Quelle responsabilité pour elle ! Un véritable camp de réfugiés héberge les équipes de télévision qui campent devant sa maison. Le vice-président de la République Populaire de Chine en personne a demandé à lui parler. Là encore, elle a refusé. Pour lui dire quoi ?... Mille fois, elle s’est interrogée sur le sens de ce que lui a demandé Man : « Il faut que tu leur dises. » A ce moment-là, à table, quand, soudain, elle a su, tout paraissait limpide : ce qu’il fallait qu’elle « leur dise » ?... Mais, que ce que faisaient Man et les autres animaux avait un sens, voilà tout. Et comment mieux montrer qu’elle était d’accord 43
avec leur combat qu’en faisant comme eux… grève… de la faim ! Une évidence. Alors. Mais là, maintenant, elle ne sait plus. Elle était loin d’avoir imaginé le dixième de tout ce qui s’ensuivrait… Ces millions de gens attendant d’elle un message, un chemin à suivre ; ces enfants qui, par millions, s’étaient mis à faire grève eux aussi et qui… bientôt, comme les animaux… Quand on parle du loup ! Ou même, simplement, quand on y pense… Toc ! Toc ! Toc ! C’est Li Su, la mère de Mia. Li Su qui va droit au but. – Je raccroche le téléphone à l’instant. Simona a appelé. – Qui est Simona ? – Une maman, roumaine. Elle ne savait pas quelle heure il était ici. Le décalage horaire… – Qu’est-ce qu’elle voulait ? – :VU ÄSZ 5PJ\ MHP[ SH NYu]L H]LJ ]V\Z 4HPZ il est très malade. Il était déjà malade avant, mais, avec la grève… – Il est mort ? – Mon Dieu ! Non. Désolée que tu aies pu penser ça. Mais c’est ce qui risque d’arriver, oui, s’il n’accepte pas de se nourrir très vite. 44
Silence. C’est donc ça, un « dilemme » ! Comment choisir ? C’est… impossible ! Mia ne peut pas interrompre la grève maintenant. Elle a beau, parfois, être découragée, elle sent aussi qu’elle ne se débat pas au milieu du vide. Il se passe des choses, elle le sent, le voit. Leur action est au cœur d’une partie considérable des échanges qui s’effectuent chaque jour entre les gens, sur internet. Des milliards de personnes sont au courant et en parlent. En ce moment même !... Peut-être qu’il convient juste de tenir encore un peu et qu’alors tout va s’éclairer ? Elle ou bien quelqu’un d’autre entreprendra quelque chose et ce sera ce qu’il fallait faire. Mais d’un autre côté, comment rester indifférente à ce que sa mère vient de lui dire ? Ne pas sentir peser sur elle ce regard… Mia lève les yeux, ne rencontre nul regard chargé d’inquiétude, pas davantage de reproches. Sa mère lui sourit. – Je ne suis pas inquiète, Mia, déclare Li Su. Et soudain, sa bouche devient hyperexpressive, comme si elle fonctionnait au ralenti. Au point qu’elle semble à Mia faite de pâte à modeler ! Les privations de ces derniers jours qui lui ont fait traverser des moments de souffrances 45
cruelles, mais aussi d’autres, emplis au contraire d’une paix inimaginable, ces privations ont comme exilé son corps loin d’elle, et aéré son esprit jusqu’à, parfois, comme en ce moment précis justement, lui donner l’impression que cet esprit est si léger qu’il s’échappe, s’envole, ÅV[[L H\[V\Y K»LSSL¯ Et la bouche de dessin animé poursuit : – ;\ ]HZ Yt Åt JOPY LU [L YL WV ZHU[ L[ SH Kt ci-sion que tu pren-dras se-ra la booonne. » Li Su s’est tue. Jusqu’alors hypnotisée par le mouvement des lèvres maternelles, Mia laisse glisser son regard de la bouche de sa mère jusqu’à ses yeux. Et chute dans un miroir… vieillissant, qui la projette dans le futur. « Ce visage… avec quelques rides de moins, JL[[L ÅHTTL KHUZ SL YLNHYK¯ *VTTL ZH TuYL lui ressemble, c’est incroyable ! C’est même davantage que de la ressemblance… Comme si… toutes deux n’étaient… qu’une seule et même per… ?! » Sa mère s’est remise à parler, mais Mia ne l’entend plus. Les lèvres de Li Su ont repris SL\Y PTWVZZPISL N`TUHZ[PX\L ÄSTtL H\ YHSLU[P Sans le son, cette fois. Mia regarde. Li Su dit ce qu’elle a à dire et, au moment d’achever sa phrase, abaisse les paupières pour appuyer son propos. 46
Sourde à tout sauf à ce que ses yeux voient, ce clignement d’yeux effectué par sa mère ne peut rien être d’autre pour Mia qu’un signe d’acquiescement… à ses folles pensées ?!... Sa mère et elle ne seraient… Alors, de nouveau, comme le premier soir à table après l’enterrement de Man, Mia sait. – Mère… entreprend-elle de demander, parlant doucement et tâchant de rassembler ses esprits dans son corps. Mère, si moi aussi un jour, je n’avais plus la force de poursuivre cette noble grève de la faim. Comme Nicu. Ne viendrais-tu pas à ma rencontre ?... – 1L U»HP WHZ THUNt JL ZVPY 4PH TH ÄSSL Mais toi, si tu m’entends, tu vas prendre un bouillon. Il est temps que nous soyons de nouveau ensemble. Et c’est ainsi qu’au treizième jour de la Révolte des Animaux, Li Su prend le relais de sa ÄSSL ,[ X\L JL X\P ZLTISHP[ n 4PH VIZ[HJSL infranchissable, se transforme à la seconde où elle le surmonte en un promontoire d’où son regard porte beaucoup plus loin. Quant à ce bouillon maigre dont parlait sa mère, il paraît à Mia le plus merveilleux et le plus délicat de tous les mets qu’elle ait jamais mangés. Mia qui Z»LUKVY[ LUÄU LU WHP_ H]LJ LSSL TvTL " LU WHP_ avec le Monde. 47
48 heures plus tard, 27 millions d’enfants, 12 millions de mères et 7 millions de pères ne mangent plus. Sans négliger 4 millions de célibataires n’ayant aucun enfant, non plus que les 5 millions d’enfants qui ont passé le relais à un de leurs proches et repris une alimentation normale. Plus que jamais présents sur le réseau, ils soutiennent ceux qui ont encore la force de tenir. Etrangement, il semble à Mia qu’à partir de ce soir-là, on ne parle plus des choses de la même façon. Ou bien c’est elle qui a changé ? Son regard ?... Sur quelque écran où ses yeux se posent, il n’est plus question que de chiffres, de bilans, de projections et de ce qu’il « faudrait MHPYL ® *VTTL ZP LUÄU SLZ O\THPUZ HJJLW[HPLU[ de regarder les choses en face. « Nous gaspillons sept fois plus de nourriture qu’il n’en faudrait pour nourrir ceux qui ne mangent pas à leur faim… », « Le taux de disparition actuel des espèces animales est 400 fois supérieur au taux de disparition naturelle », « Les 124 prix Nobel réunis autour d’Antonio Chercao seront reçus aujourd’hui à l’ONU… », « Déjà estimé à plus de 37 000 millions de dollars (!), le coût économique de la « Révolte des Animaux » n’est X\»\U HZWLJ[ Z\WLYÄJPLS K\ WYVISuTL H\X\LS nous sommes confrontés… »
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Mia remange - avec quel plaisir ! - et passe ses journées à apporter son soutien à ceux qui réclament son aide. Plusieurs mouvements comparables au sien ont vu le jour. Lancés par d’autres personnes, dans divers pays, ils ont pris des formes multiples : pétitions, YHZZLTISLTLU[Z WHJPÄX\LZ TPU\[LZ KL ZPSLUJL pyramides humaines, prières collectives, concours de dessins… Des artistes talentueux font circuler sur internet des montages vidéo montrant l’incroyable beauté de la nature et du monde animal : bébés léopards se chamaillant, araignée tissant sa toile, ballets entrecroisés de dauphins et de raies, gazelles à ressorts rebondissant en ombres chinoises sur fond de crépuscule africain, vieil orang-outan vous Ä_HU[ KHUZ SLZ `L\_ L[ ZLTISHU[ KtJOPMMYLY SH TVPUKYL KL ]VZ WLUZtLZ¯ ( SH ÄU K»\UL KL JLZ vidéos, un message s’inscrit en grosses lettres sur l’image ultime d’un ours blanc qui, tétanisé, part à la dérive sur un minuscule morceau de banquise : « Who’s next ?... » : « A qui le tour ?... » Installés côte à côte devant le poste de télévision, Sha le chat et Loi le loir écoutent d’une oreille attentive le présentateur du journal : « … Plus incroyable encore : aux dires de nombreux témoins, il semblerait que partout dans le monde les animaux s’assemblent autour 49
des habitations dans lesquelles des enfants ont entamé une grève de la faim. » « N’importe quoi ! » commente Hubert, l’humain de la maison qui vit seul depuis que sa femelle a renoncé à supporter son sale caractère. Hubert qui s’est à peine rendu compte qu’il n’avait plus à remplir la gamelle de croquettes depuis des jours ! « Mais que veulent ces bon sang d’animaux ?! » tempête Pô le politicien. Comme pour lui répondre, apparaît pour la première fois à la télévision le visage cuivré aux yeux sombres et ardents d’un garçon d’une douzaine d’années, amené à devenir lui aussi l’un des « héros » de la Légende en train de s’écrire : Juan. « Les animaux réclament que soit organisé un grand débat à l’ONU. Et ils veulent y participer » explique le jeune Colombien qui, à son treizième jour de privation, assure avoir commencé de comprendre le langage des bêtes et pouvoir à présent leur parler à sa guise, « dans ma tête ». Mia sait aussitôt que le garçon est sincère. Et bien que leurs deux pays soient séparés par des milliers de kilomètres, elle sait également qu’un jour elle rencontrera Juan, et qu’ils seront amis.
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« Les animaux ? A l’ONU ? On marche sur la [v[L Z»LUÅHTTL 7 X\L SL WYtZLU[H[L\Y K\ journal convie à réagir aux paroles de Juan. Il faudra bientôt qu’on apprenne à parler toucan ? Ou scolopendre ? N’importe quoi ! » « Les animaux réclament que soit également présente à ce débat une délégation d’enfants, poursuit Juan ; un animal par espèce et un enfant par pays. » « Jamais !!! s’emporte Ché le chef sur le plateau d’une autre chaîne. Assez d’inepties ! C’est nous qui commande ici. Nous, les humains adultes, de sexe mâle de préférence. Nous, les plus gros cerveaux de la planète ; nous qu’on sait fabriquer des bombes hyperpuissantes et cloner des veaux dans des tubes à essai ; nous qu’on est allés sur la Lune ! Aller et retour, bon sang ! Quel animal saurait faire ça ? Quel gamin ? Quelle fem ?... Aucun ! Jamais nous ne nous laisserons dicter notre conduite par six moutons, trois morveux et deux hystériques, vous m’entendez ?! Ja-mais !!! »
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Quatrième partie
La dernière chance
Réunis une nouvelle fois en tohu-bohu, les animaux, un temps rendus euphoriques par le contact établi avec Juan, sombrent à nouveau dans la déprime. Le temps passe, tous sont épuisés par les privations, beaucoup succombent et… les choses ne bougent pas ! En tout cas, pas au niveau des centres de décisions importants des humains : ONU, gouvernements, grands acteurs économiques… Ouille-ouille-ouille, pépie Pi la pie ; je crains fort que ces primates dégénérés ne prennent conscience de l’ampleur des dégâts que lorsqu’il sera trop tard ! C’est quoi déjà, le plan B ?… La Simulation virtuelle, ma belle ! trompette El l’éléphant. 52
El possède une mémoire photographique : chaque visage sur lequel son regard se pose est à jamais inscrit en lui. Or, dans son parc naturel de Tanzanie, El a remarqué à quel point les O\THPUZ X\»PS ]V`HP[ KtÄSLY KHUZ SL\YZ JHYZ L[ leurs 4X4 à roulettes avaient chaque jour le regard davantage voilé par une immense tristesse au ZWLJ[HJSL K\ TVUKL HUPTHS HNVUPZHU[ ,U Ä_HU[ avec nostalgie les fruits de l’amarula au parfum si suave qu’il ne pouvait malheureusement pas manger, El s’est dit : « Les hommes aussi sont presque mûrs ; un dernier coup d’éclat et ils basculeront ». Une idée lui était venue. – Ecoutez-moi tous ! barrit-il. – Si on veut ! rétorque Li le lion qui ne se remuait déjà pas beaucoup avant, mais qui, maintenant qu’il a l’excuse de la grève, ne lève même plus la plus minuscule griffe… El, sans s’arrêter pour si peu, lève la trompe pour exposer son plan B. – B comme Bon ! B comme Babouin ! commente Babou le babouin. C’est forcément un bon plan, ça ! – B comme bécasse, buse ou butor ! ricane en retour, Cra le crapeau. – Silence vous autres ! tempête El qu’agacent ces mouches. Voici de quoi il s’agit…
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Et bien qu’il soit jugé « terriblement audacieux », « excellent ! », « improbable », « techniquement irréaliste, mon cher », « parfaitement utopique ! », ]HSHISL ® KtÄUP[P]LTLU[ Z\PJPKHPYL KVUJ génial ! » (No le scorpion, évidemment)… le plan proposé par El est accepté par l’assemblée des animaux, non pas à l’unanimité cette fois, mais à une simple majorité. Aussi, dans la discrétion la plus absolue, durant la nuit du 24 au 25 décembre, alors que l’on en est à G+20 (vingt jours de grève de la faim déjà, oui !), tous les animaux de la planète en état de le faire embarquent sur l’océan. Qui à dos de baleine et de mouette, de requin et d’ours blanc, qui sur des radeaux constitués de millions de méduses, des plateformes volantes formées de milliers de corbeaux, de cigognes, sansonnets… Bref, TOUS les animaux disparaissent de la vue des hommes. Direction ?... Le sixième continent ! Un amas de déchets en plastique de 3,5 millions de km², plus grand que l’Inde !!! qui ÅV[[L H\ TPSPL\ K\ 7HJPÄX\L =tYPKPX\L Au matin de ce 25 décembre-là, à G + 21, lorsque les hommes se réveillent, plus le moindre animal en vue. Aucun. Nulle part. « Joyeux Noël, les humains !!! » Les personnes qui vivent à la campagne s’en 54
aperçoivent aussitôt ; les milliards d’habitants des villes, au bout de quelques minutes seulement, voire quelques heures pour les moins attentifs. Mais dès que chacun a YLTHYX\t ]tYPÄt H\ TV`LU KL ZLZ JPUX ZLUZ ce vide et ce silence inhabituels, alors… alors la simple idée d’un « jamais plus d’animaux ! » les saisit à la gorge et manque les étouffer. Certains, incroyable mais vrai, sont si fatalistes et résignés qu’ils s’y habituent très vite : – Vivre comme ça ou autrement, quelle importance ? disent-ils, l’essentiel est de continuer à vivre, non ? Ils sont le très petit nombre, heureusement, quelques millions tout au plus. Les huit milliards d’autres êtres humains n’arrivent tout simplement pas à s’y faire. Un monde sans animaux ! Sans aucune présence autre qu’humaine, c’est… comment dire ?… désespérant, tout simplement in-su-por-ta-ble ! Bien vu, El ! En l’espace de quelques heures, ce sont donc 2 milliards et demi d’humains qui se mettent en grève. Non pas en grève de la faim, en grève tout court. 2 milliards et demi d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne se rendent pas à leur travail ni à leur école, mais qui, une fois sortis de chez eux, incapables de rejoindre leur 55
bureau, leur usine, leur lycée, demeurent dans la rue, s’assemblent, engagent la conversation avec les autres, expriment leur angoisse, leur JVSuYL L[ ÄUPZZLU[ WHY JSHTLY [V\Z LUZLTISL ! « A l’ONU !... Les zanimaux et les zenfants, à l’ONU !!! » Aux journalistes qui les interrogent, leur demandant s’ils sont vraiment sérieux en réclamant que des enfants et, surtout, des animaux ! soient représentés dans la plus haute instance décisionnelle de la planète, les gens répondent : – Ils n’y sont pas, pour l’instant, à l’ONU. Or, on voit mal comment cela pourrait être pire ! Ce même jour de Noël, avant qu’il ne soit midi, la présidente de la Finlande, la première, suivie par le président du Costa Rica, donnent leur accord de principe pour une réunion extraordinaire des 193 pays représentés aux Nations unies, y compris « un représentant légal des enfants » et « sous quelque forme qu’une telle décision puisse trouver à se concrétiser… un porteparole de chaque espèce animale.». A midi trente, c’est au tour de la chancelière allemande de faire connaître son approbation. Une fois que la quatrième puissance mondiale, ZP YtÅtJOPL L[ WYHNTH[PX\L KHUZ ZLZ KtJPZPVUZ a donné son accord, une avalanche de 56
KtJSHYH[PVUZ VMÄJPLSSLZ ZL TL[ n WSL\]VPY KLZ chancelleries (ministère des Affaires étrangères d’un pays.) Et chacun de se poser les mêmes questions : comment va-t-on, en si peu de temps - car, en attendant, la grève se poursuit, meurtrière ! - élire les représentants des enfants ?! Et les « porte-parole » des animaux, qui va les désigner ?!... ;HUKPZ X\»H\ ÄS KLZ OL\YLZ KL JL 5VwS WHZ comme les autres, la liste des pays favorables s’allonge : 64 se sont déjà prononcés « pour », les LUMHU[Z K\ TVUKL LU[PLY JSV\LU[ KtÄUP[P]LTLU[ le bec aux adultes. Allant au plus simple, ils décident en quelques heures via internet et ses réseaux sociaux que ce sera « dans chaque pays, l’enfant qui aura, le premier, entamé la grève de la faim qui deviendra automatiquement le représentant de ce pays. » Quant aux porteparole des animaux, ainsi que l’a fait savoir Juan en début d’après-midi, les « 177 grandes familles animales entreront chacune en contact dans les heures qui viennent avec un être humain et un seul.» 177 représentants des animaux pour 193 nations. Et autant d’enfants… Dans tous les médias, la nouvelle tourne en boucle : les enfants ont déjà choisi leurs représentants ! Et il ne s’écoule pas une heure sans qu’on apprenne que les animaux ont 57
désigné un nouveau porte-parole. C’est vers 19 h 30, heure française, que l’on voit apparaître pour la première fois sur les écrans géants installés un peu partout sur les places publiques les fameuses images. Des images véhiculant une émotion si puissante que nul être humain possédant un cœur dans sa poitrine ne peut les regarder sans être bouleversé. Diffusées en direct, elles sont envoyées par une jeune reporter hawaïenne embarquée à bord d’un hélicoptère perdu au TPSPL\ K\ 7HJPÄX\L 0UJYV`HISLZ PTHNLZ JOVJZ que personne n’oubliera… On y voit, dans le tremblé d’une caméra tenue à la main, des milliards d’animaux se pressant les uns contre les autres au milieu de nulle part ; animaux de toutes les espèces possibles et imaginables entassés sur un bloc de détritus ZVSPKPÄt WHY \UL HYTtL KL TPJYV VYNHUPZTLZ KtÄSHU[ LMÅHUX\tZ tW\PZtZ L[ V\]YHU[ KLZ `L\_ immenses en direction de l’apparition volante. Comme un ultime salut au public, comme si les animaux allaient vraiment disparaître à tout jamais de la surface de la terre pour n’être WS\Z X\»\U ZV\]LUPY \U TLY]LPSSL\_ L[ [LYYPÄHU[ souvenir. Puis la jeune femme tourne son objectif vers le pilote qui lui parle : 58
– Plus que quelques secondes, Maeva. On n’a plus de carburant ! Je m’éloigne de la plaque. Et on entend sans la voir la jeune femme déclarer : – Il fallait absolument que vous voyiez ça. Il fallait que le monde entier voie ça. Regardez : SLZ HUPTH\_ ZVU[ WYv[Z n ZL ZHJYPÄLY SLZ animaux vont disparaître. Il nous faut agir ! maintenaaa… L’image tressaute, montre des morceaux d’hélicoptère, de visage, le ciel, la plaque couverte d’animaux, la mer qui approche… Puis c’est le choc avec l’eau. Et… plus rien. Il est 21 h 30 à New York ce 25 décembre lorsque le quota des deux tiers, soit 129 pays favorables à la réunion extraordinaire, est atteint. Il fait déjà nuit noire en Asie et sur une partie de l’Europe. Pourtant, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, l’immense majorité des êtres humains peuplant ces continents plongés dans l’obscurité ne dort pas. Pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, les humains sont éveillés, tous ensemble. Les gens sont dans la rue, assemblés face aux écrans géants et aux orateurs improvisés, ou bien chez eux devant un écran plus petit diffusant les mêmes séquences : le décompte des voix à l’ONU, les images, déjà légendaires, envoyées 59
WHY S»OtSPJVW[uYL RHTPRHaL L[ LUÄU JLSSLZ captées partout sur la planète, montrant les foules assemblées, protestant, attendant, se YtQV\PZZHU[ JOHU[HU[ WYPHU[¯ O\YSHU[ LUÄU SL\Y 1VPL n S»HUUVUJL VMÄJPLSSL MHP[L WHY SL ZLJYt[HPYL général de l’ONU d’une très prochaine réunion extraordinaire consacrée à la crise écologique que connaît la planète, réunion à laquelle seront conviés les enfants ET les animaux. Et c’est ainsi que le lendemain, Sha le chat se fait déposer à domicile par la compagnie Corbeau Express. Secoué par le décalage horaire, terriblement affaibli et tremblant sur ses pattes comme un nouveau-né, Sha titube jusqu’à sa gamelle où, du bout du museau, il fait glisser quelques graines dans son écuelle d’eau. Il attend ensuite qu’elles s’imbibent bien, KL]PLUULU[ Z\MÄZHTTLU[ ZWVUNPL\ZLZ L[ MYPHISLZ pour être tolérées par son pauvre estomac recroquevillé sur lui-même ; un estomac qui n’a reçu aucune nourriture depuis… 22 jours ! « Oui, c’est cela, on en est à G + 24 », se dit Sha, « cela fait 22 jours que j’ai eu cette idée folle de lancer un grand tohu-bohu, alors que je ne savais même pas si cette vieille légende que ronronnait maman quand nous la tétions avec les frères et les sœurs, avait un fond de réalité ou bien n’était qu’un conte à dormir debout. »
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Que de choses se sont passées depuis que Sha a foncé chez Chila, son voisin ! Et à en croire SLZ PTHNLZ X\P KtÄSLU[ ZV\Z SL ULa K»/\ILY[ S»H]LU[\YL U»LZ[ WHZ ÄUPL 7V\Y :OH UVU WS\Z ( peine s’est-il roulé en boule près du radiateur qu’il apprend sur animalnet qu’il sera le représentant des félidés à l’ONU. Il s’en doutait un peu, « of course » (« autant me mettre à l’anglais tout de suite », songe-t-il), mais quand même, ça lui fait quelque chose… Ainsi donc, accompagné de Beu la belette, Gégé le geai, No le scorpion et bien d’autres nouveaux amis, il va découvrir New York, les taxis jaunes, la statue de la Liberté et Broadway où, il l’espère de tout cœur, sa comédie musicale favorite : « Cats », sera en train de se jouer. Mais d’abord : reprendre des forces !
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Epilogue
G + 36, ONU, New York, USA, planète Terre. Quatre jours déjà que la séance extraordinaire s’est ouverte. Oh ! bien sûr, même si tous les animaux ont recommencé de se nourrir, rien n’est résolu pour autant. Il a d’abord fallu effectuer certains aménagements indispensables, car si les familles animales les plus imposantes comme celle de Bab la baleine ont accepté de discuter à distance par vidéoconférence, El l’éléphant et plusieurs autres « grands formats » ont exigé d’accéder au siège de l’ONU « en chair et en défenses. » Les discussions ont ensuite pu commencer. Trois jours qu’elles se prolongent, et on n’est pas rendus au bout ! Des discussions extrêmement âpres et compliquées : chaque pays, chaque 62
famille animale défend ses intérêts propres, des intérêts qui diffèrent souvent, voire s’opposent aux intérêts des autres. Peu habitués aux usages diplomatiques, plus d’un animal a piqué un « coup de sang ». Un certain putois a hurlé comme… lui-même, tandis que Tau le taureau a défoncé une cloison sur un coup de tête. Et quand Go le gorille a piqué sa crise, on peut dire qu’un silence religieux s’en est suivi : tout le monde avait quitté la pièce en criant « Sauve qui peut ! » Tout le monde sauf El l’éléphant qui connaît ce petit numéro par cœur. Et qui garde SL ZPLU LU YtZLY]L WV\Y SLZ UtNVJPH[PVUZ ÄUHSLZ Dans les couloirs de la Grande Salle de réunion sur laquelle les caméras du monde entier sont braquées 24h/24, Indu l’industriel et Fi SL ÄUHUJPLY NSPZZLU[ JVTTL KLZ VTIYLZ n SH rencontre de ceux qui leur paraissent les plus PUÅ\LUsHISLZ 1V\HU[ KL SH JHYV[[L L[ K\ Io[VU promettant à chacun monts et merveilles, ils tâchent, habilement, de faire basculer les indécis dans leur camp... Mais ni les animaux ni les enfants n’entendent cette fois s’en laisser compter. Lorsqu’il a pris la parole au nom de tous les « bambini » du globe, Gino le petit Italien a été très clair : « Il faut arrêter de prendre les enfants pour des co…rnichons ! » 63
Non pas qu’il soit en colère, Gino ; bien que, pour dire la vérité, un peu quand même, parce que ce n’est vraiment pas responsable ce que ses parents ont laissé faire, mais surtout, Gino n’oublie pas une seconde pourquoi il est là, et encore moins, au nom de Qui ! Ni lui, ni aucun des 294 enfants présents (193 représentants des pays, plus 101 porte-parole des animaux) n’oublient qu’ils représentent TOUS les enfants et animaux du monde, ni qu’ils sont l’avenir de cette planète. Leur génération et aucune autre ! - porte la lourde responsabilité de mettre en œuvre le Grand Tournant. Qu’ils aient 11 ou 15 ans, ils en sont pleinement conscients. Et ils assument ; parce qu’EUX n’ont pas droit à l’erreur ! De l’Alliance Nouvelle qu’ils viennent de sceller avec le monde animal, du respect qu’ils témoigneront à la Vie et des JOVP_ KPMÄJPSLZ THPZ PUKPZWLUZHISLZ X\»PSZ ]VU[ ces jours-ci, opérer dans leur manière de vivre, de consommer et de manger, dépend la survie de la planète. Notre survie à tous.
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