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Suzanne Jongmans, un dialogue avec le temps
Imaginer. Un froissement de taffetas, un reflet d’étoffe moirée, des dentelles empesées, des velours duveteux. Du luxe, un temps passé. L’art du portrait peint. Fermer les yeux. Puis les rouvrir, au XXI e siècle. Des déchets à foison, un climat qui se réchauffe, la photographie omniprésente, la mise en scène permanente. Tout semble si loin, et si contemporain. Suzanne Jongmans en a fait de l’art, en trompe-l’œil.
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Artiste pluridisciplinaire, Suzanne Jongmans compose des portraits photographiques qui s’inscrivent visuellement dans la lignée des grands peintres hollandais des XV e , XVI e et XVII e siècles, rappelant les œuvres d’Holbein le jeune ou de Rembrandt aux compositions et aux jeux de lumière particulièrement élaborés. Mais à y regarder de plus près, on découvre un travail résolument contemporain, tant sur le fond que sur la forme. En effet, le travail de Suzanne Jongmans est pluridisciplinaire : elle est à la fois sculpteur, costumière et photographe. Cette pluridisciplinarité lui vient à la fois de ses études, de 1996 à 2000 à l’Académie des arts visuels de Tilburg où elle étudie le design textile et la photographie, des vêtements que sa mère et sa grand-mère confectionnaient elles-mêmes, et des livres d’art de sa mère qu’elle lisait enfant. C’est ainsi que sont nées les séries Kindred Spirit et Mind over Matter : « la première image de cette série date de 2007 » précise Suzanne Jongmans. Pour chaque photographie, un processus long est mis en œuvre par l’artiste hollandaise : « Mon inspiration se traduit de différentes manières, à travers les matériaux, l'expression du personnage et le titre de l'œuvre. Je conçois et réalise tout ce que vous voyez dans l'image finale, cela peut prendre plusieurs semaines, parfois des mois. Dans un ordre variable, je fais des recherches dans des livres présentant des œuvres de vieux maîtres et quand une idée est née, quand une image me vient à l'esprit, je l’explore, je trouve le matériel, puis je commence à construire un costume sur un mannequin jusqu'à ce que quelque chose soit là ». Vient ensuite la sélection, primordiale, du modèle : « Je cherche toujours des visages qui m'intriguent. Les modèles sont souvent des personnes proches, des amis, des amis d'amis, de la famille, mais aussi des gens que je rencontre ou que je vois dans la rue, qui ont une apparence qui me parle ».
L’acte principal de la composition se joue devant l’appareil photographique de Suzanne Jongmans : « je prends des photos du modèle, plusieurs centaines de détails de chaque détail, ainsi le modèle oublie presque que je suis là, en train de tourner en moi-même à la recherche d’une sorte de moment magique. Enfin je monte ce matériel photographique dans l'ordinateur. C’est à ce moment-là que tous les composants, aussi précis que possibles, se marient et s'emboîtent ». Au-delà de la simple composition artistique, l’œuvre de Suzanne Jongmans découle d’une philosophie écoresponsable : « Je suis une collectionneuse. J'adore le fait que certains objets ou matériaux trouvés (plastiques, mousses, vieilles couvertures de laine, choses de la nature…) ont déjà eu une vie antérieure et racontent une histoire en eux-mêmes. Je prends ces matériaux et les ajoute à mon histoire, ce qui crée automatiquement un dialogue dans le temps ». Au fil de ses œuvres, les créations de Suzanne Jongmans se sont complexifiées avec l’utilisation de nouveaux matériaux et l’influence d’autres peintures anciennes. Par son travail de recyclage, Suzanne Jongmans propose : « une façon de regarder les choses autrement ». Pour 2019, elle compte multiplier les projets de création : « une collaboration avec le chanteur Mercury Carter pour la couverture de son prochain album » et de diffusion : « une exposition à la galerie Wilms et à la foire d'art PAN à Amsterdam et l’édition d'un nouveau livre de portraits d'ici la fin 2019 ». Mais comment Suzanne Jongmans envisage la pérennité de ses créations dans près de cinq siècles ? : « Je ne sais pas si mon travail sera perçu comme ayant changé l’art, mais peut-être aura-t-il un impact sur la manière d’envisager l’assemblage des œuvres ».
photographies Suzanne Jongmans, courtesy Galerie Wilms
texte Alexis Jama-Bieri
www.suzannejongmans.nl