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LA CR\u00C9ATION DU SHED

SOIREES MOUSSE au SHED

Son et goût sont corrélés. C’est ce que démontre une étude scientifique menée par un doctorant d’Oxford. Elle s’appuie sur l’exemple d’une bière créée spécialement pour le groupe de rock britannique The Editors par un certain Yves Leboeuf, grâce à un algorithme intuitif. Et il existe désormais un lieu à Reims pour se trémousser au rythme du malt, de la levure et du houblon. C’est bibi(ne) qui vous montre.

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To shed light on = Faire la lumière sur

C’est notamment pour répondre à la question : « Pourquoi le chocolat fond dans la bouche et pas dans la main ? » qu’Yves Leboeuf entreprend des études dans l’agroalimentaire. Pour ce fils d’œnologue, « un peu cancre » comme il se qualifie, la bière est une passerelle entre l’agroalimentaire et l’univers du vin. Premier job chez Chouffe en Belgique : « Il s’agissait de brasser la même bière, d’en contrôler la qualité. J’y ai appris la rigueur. C’était il y a presque dix ans lorsque les grosses marques de bière ont déboulé en France » explique Yves. Il apprend son métier: transformer une matière première en produit standardisé, maîtrisé. À 1000m d’altitude, en Suisse, Yves passe à la phase d’expérimentation pour la Brasserie des Franches Montagnes et crée de nouvelles recettes. En 2015, il intègre le Brussels Beer Project, un projet de brasserie collaborative dont il est le maître brasseur. « J’étais aux manettes dans LE pays de la bière. J’ai brassé à Tokyo, en Scandinavie,… Les collaborations en bière, comme des featurings, sont des échanges créatifs entre brasseurs où on mélange des styles, des ingrédients atypiques. » En parallèle, Yves organise à Reims, avec l’association Jazzus, le Bière Social Club. Un rendez-vous décalé, itinérant, mêlant bière, fromage et musique, pour un public de plus en plus nombreux. Parti depuis douze ans, 70 recettes de bière au compteur, il décide de réinvestir sa ville. « Je savais faire deux choses : brasser et parler de la bière et je voulais le faire pour moi et à Reims ». Et pour mener sa barque, être indépendant, sortir du carcan imposé par l’économie brassicole, Yves construit son concept. Circuit court, artisanat engagé, dans un univers artistique, populaire et créatif, Yves veut maîtriser toute la chaîne ; production / consommation / distribution.

Versant vitré à pente rapide

Un shed est une toiture en dents de scie, typique des ateliers du XIX e siècle. Une succession de toits à deux versants. Le plus court, vitré et orienté vers le nord, bénéficie d’une luminosité constante. La vitrine de ce nouveau lieu situé rue Gosset, le cœur du projet, c’est la microbrasserie artisanale Senses Brewing créée en 2017 par Yves et son père Dominique. « Le lieu, anciennement Freinrail, a dessiné le futur projet. On l’a visité avec mon père et on a craqué. Puis on s’est demandé ce qu’on allait pouvoir faire dans cet espace de 1600 m 2 ! » Réponse fin mars 2019, avec l’ouverture du Shed, un terrain de jeu et d’expérimentation artisanale, gastronomique et

culturelle, à deux pas de Césaré et de la Cartonnerie. Une initiative privée, libre, autofinancée. Après avoir visité la zone de production, vous pourrez savourer au bar, à 1,20m des cuves, une bière bio au levain ou vieillie en barrique, tout en dégustant un burger ou un plat du jour préparé par Au Local. Connu pour son food truck, Au Local s’installe à demeure. Tout comme, la brasserie pilote de Senses Brewing, jusqu’alors installée à Vrigny dans 80m 2 . « Avec mon père, qui est mon associé, on est brasseurs d’arômes et assembleurs. À nous deux, on brasse aussi les générations. » Après avoir réalisé des bières pour La Magnifique Society ou le Sunnyside festival et soigné ses étiquettes empreintes de street art, Yves embauche aujourd’hui son premier salarié « le taulier derrière le bar et mon bras droit en production ». Microbrasserie, bar et restaurant… et ce n’est pas tout. À vous de choisir entre la partie de ping-pong, le jeu de fléchettes et les ateliers de dégustation. Demain, vous attendront la douche sonore, une lampe qui enverra la musique qui se marie avec votre breuvage, et la visite guidée en réalité augmentée.

Versant à couverture opaque, à pente faible

Le Shed abritera également des concerts et des expositions avec pour objectif, dans ce quartier populaire, de démocratiser l’art et la culture, qu’il s’agisse d’art contemporain, de street art, d’opéra ou de jazz. « Je veux que ce lieu brasse du monde parce que si les gens étaient plus ouverts, s’ils avaient davantage accès à la culture, la société irait mieux. Cette conviction est dans les veines du projet » précise Yves. Outre Au Local, quatre structures, jusqu’ici plus ou moins nomades, trouveront refuge sous les toits du Shed. Avec Jazzus, le jazz aura désormais un lieu identifié dans la Cité des Sacres. Pour Planda Architectes, locataire d’une cellule au Shed : « Notre agence est à Paris. On cherchait des bureaux partagés à Reims. Notre plus-value sur le projet est de participer à la scénographie du lieu et de contribuer à la programmation d’expositions sur le design par exemple » indique Julien Jacquot. Yves ne veut pas d’un lieu « fourre-tout » et s’entoure de personnes et de structures qu’il choisit. A côté des bureaux de Synergies Créatives, une agence qui lie projets culturels et monde de l’entreprise, vous croiserez le studio photo de Romu Ducros, à défaut de l’avoir aperçu dans son studio mobile sous les Halles du Boulingrin. Et puis, dans un recoin de 200m2 pourquoi ne pas faire pousser quelques légumes en permaculture pour garnir les assiettes ? Bref… « Les locataires, les clients, les passants, personne ne viendra au Shed par hasard. »

Texte / Peggy Leoty

photos / Alain Hatat

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