Développement urbain durableen zone côtière (1999)

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Projet intersectoriel SHS/SC Développement Urbain et Ressources en Eau – Petites Villes Côtières Historiques

Développement urbain durable en zone côtière Actes du Séminaire international

MAHDIA, Tunisie 21 – 24 juin 1999

PHI


Les idées et opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'UNESCO. Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l'UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites. Les frontières qui figurent sur les cartes que nous publions n’impliquent pas reconnaissance officielle par l’UNESCO ou par les Nations Unies.

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Photos de couverture Fond : Vue aérienne de la presqu’île de Mahdia (Musée de Mahdia © Tewfik ETTAYEB) Photos incrustées, de gauche à droite : 1. Port punique (© Tewfik ETTAYEB) 2. Mosquée et souk de Mahdia (© Tewfik ETTAYEB) 3. Ancienne maison des artisans (© Alexander OTTE) 4. Corniche sud de la presqu’île, exemple d’érosion marine (© Tewfik ETTAYEB)

Publié en 2000 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France http://www.unesco.org

Imprimé dans les ateliers de l'UNESCO Printed in France


© UNESCO 2000

Préface de Mme Francine FOURNIER, Sous-Directeur général pour les Sciences Sociales et Humaines

et de M. Maurizio IACCARINO, Sous-Directeur général pour les Sciences Naturelles

UNESCO Une réunion d’experts nationaux et internationaux a été organisée à Mahdia, du 21 au 24 juin 1999, conjointement par la Tunisie et l’UNESCO, pour discuter la problématique du développement urbain de la ville, pour rassembler les connaissances et les expériences, et pour proposer des orientations et des recommandations de coopération destinées aux autorités locales, régionales et nationales en faveur de Mahdia, première capitale Fatimide, dont le charme historique ne doit pas nous faire oublier les demandes d’une jeunesse attachée à sa ville. Les buts et objectifs de cette deuxième réunion du projet international de l’UNESCO « Développement urbain et ressources en eau : petites villes côtières historiques » se sont inscrits dans la dynamique de la nouvelle impulsion donnée à l'agglomération de Mahdia, à la suite de la visite du 4 juin 1998 de S. Exc. Monsieur Zine EL ABIDINE BEN ALI et de la récompense accordée à la Municipalité en matière de propreté et d'environnement au début de ce mois de juin 1999. Ils ont été en partie réalisés sur la base des orientations internationales concernant la conservation des ressources naturelles, l'amélioration de l'environnement urbain tant dans la partie historique de la ville que dans les zones résidentielles récentes, la recherche de l'intégration du tourisme dans les différentes branches majeures des activités, entre autres de la pêche, de l'oléiculture, de l'artisanat, et enfin la gestion des migrations urbaines, de sorte que la ville de Mahdia trouve enfin la place qui lui revient dans le réseau urbain de la Tunisie. Plusieurs programmes de l’UNESCO, tel que le Programme pour la « Gestion des transformations sociales » (MOST), le « Programme hydrologique international » (PHI) et la « Plate-forme pour les régions côtières et les petites îles » (CSI), ont apporté leur soutien à cette réunion, suivant la stratégie de l’UNESCO pour le développement durable des régions côtières. Le Bureau de l’UNESCO Tunis, pour sa part, a facilité les contacts avec les experts nationaux et les représentants du gouvernement tunisiens. Pendant la réunion, les experts tunisiens ont exposé les différentes contraintes et le potentiel de développement de l'agglomération pour permettre un travail fructueux avec les experts internationaux. Ces derniers, à leur tour, ont essayé, au cours des séances de travail en atelier, de formuler des orientations et des recommandations en vue d’élaborer des propositions d'actions concrètes dans les divers domaines concernés qui ont été incluses, sur la base des priorités définies par les autorités compétentes, dans une déclaration de coopération en faveur de l'agglomération de Mahdia.


Développement urbain durable en zone côtière, 21 - 24 juin 1999, Mahdia, Tunisie

Remerciements Ce séminaire a pu être organisé par l’UNESCO grâce au soutien de la République tunisienne et en particulier grâce au Ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire, aux Ministères du Tourisme et de l’Artisanat, et de la Culture, au Gouvernorat de la région de Mahdia, à la Municipalité de Mahdia et à la Délégation Permanente de la Tunisi e auprès de l’UNESCO. Le Bureau Technique de la Coopération de l’Ambassade d’Espagne en Tunisie, la Coopération Technique des Ambassades de France en Tunisie et au Maroc, la Fédération nationale des Conseils en Architecture, Urbanisme et Environnement de la France et le Conseil général des Architectes d’Espagne ont permis d’enrichir les expériences présentées par la diversité et le nombre des experts internationaux présents à Mahdia. La mise en œuvre a été réalisée par l’UNESCO grâce à la participation de la Compagnie TunisAir, transporteur officiel du séminaire, du Groupe Tryp Hotels et de la Mutuelle des Architectes Techniques d’Espagne (PREMAAT). Des remerciements particuliers sont adressés au Comité national d’organisation du séminaire, au Comité national scientifique, et en particulier à Monsieur Fathi ENNAÏFER, rapporteur général pour le séminaire, aux experts nationaux et internationaux, ainsi qu’à tous les participants pour leurs contributions à la Municipalité de Mahdia, dans son effort de développement durable.


Sommaire

Sommaire Préface de Mme Francine Fournier, Sous-Directeur général pour les Sciences Sociales et Humaines, et de M. Maurizio Iaccarino, Sous-Directeur général pour les Sciences Naturelles Remerciements Déclaration de Mahdia ............................................................................................................. vii Recommandations ................................................................................................................. viii 1. Atelier sur « Une Médina en front de Mer : la redynamisation de la presqu’île de Mahdia » ......................... viii 2. Atelier sur « L’Environnement: gestion des ressources naturelles, développement durable » ........................ ix 3. Atelier sur la « Diversification du tourisme : concilier les exigences du développement et la mise en ...valeur du patrimoine social, culturel et naturel » ....................................................................................................................... x

I.

Introduction ........................................................................................................................ 1

II.

Les problématiques du développement durable à Mahdia.................................................. 2

III. Les buts et les objectifs du Séminaire ................................................................................ 2 IV. Déroulement du Séminaire.................................................................................................. 4 V.

Discours d’ouverture .......................................................................................................... 5 Allocution de bienvenue de M. Mohamed Mounir JEBARA – Maire de Mahdia.......................................................5 Allocution de Mme Faïza KÉFI– Ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire......................6 Discours d'ouverture de Mme Francine FOURNIER – Représentante du Directeur général de l'UNESCO, Sous-Directeur général pour les Sciences sociales et humaines.....................................................9 Allocution de M. Francisco J. CARRILLO-MONTESINOS – Représentant de l'UNESCO en Tunisie............... 13

VI. Interventions des experts nationaux (par ordre alphabétique).......................................... 16 La Sebkha Ben Ghayadha (résumé) – Sami BEN HAJ............................................................................................. 16 Système de surveillance du littoral – Habib BEN MOUSSA ..................................................................................... 17 Allocution de la Séance plénière spéciale – Slah-Eddine BENSAÏD....................................................................... 24 Le Plan d’Aménagement Urbain de Mahdia – Chokri M. BEN YOUNES ............................................................... 26 Tourisme culturel et écotourisme dans la région de Mahdia – Ridha BOUSSOFFARA ...................................... 33 La conservation des ressources en eau et leur protection contre la pollution en Tunisie (résumé) Jemili EL BATTI................................................................................................................................................................ 37 La stratégie de protection du littoral tunisien (résumé) – Abderrahmen GUANNOUN......................................... 38 Mahdia : une relation constamment renouvelée avec la mer – Selma HAMZA..................................................... 39 Les outils de gestion du développement urbain – Féthi HASSINE.......................................................................... 42 Aménagement touristique : évolution et perspectives – Abdelhamid KAÂBIA....................................................... 48 Présentation du Schéma directeur d'Aménagement de l'Agglomération de Mahdia (résumé) Ghazi-Ali KHADHRI ......................................................................................................................................................... 53 Projet de Marina à Mahdia – Anis SFAR...................................................................................................................... 54 Programme d’alimentation en eau potable de la ville de Mahdia – Lajmi RADHIA et Moussa ABDELHAMID.................................................................................................................................................... 57 L'Agenda 21 local : une démarche pour le développement durable – Chakib ZOUAGHI.................................... 65

VII. Interventions des experts internationaux (par ordre alphabétique).................................. 72 Appel à l’UNESCO – Taïeb AMARA............................................................................................................................. 72 Des partenariats pour un développement durable – Yannick BIGAUD................................................................... 74 Mobiliser la recherche en sciences humaines et sociales au profit du développement urbain Jean-Philippe BRAS........................................................................................................................................................ 76 Lignes directrices et projets pilotes pour le développement durable de Omisalj (île de Krk, Croatie) Giovanni CAMPEOL et Philippe PYPAERT................................................................................................................. 81 Patrimoine, culture et société – Xavier CASANOVAS I BOIXEREU ....................................................................... 85 Les outils institutionnels et structurels nécessaires au redéveloppement – Anne DAZELLE.............................. 89 Jalons pour une exploration de la médina de Mahdia – Agnès DEBOULET......................................................... 92


Développement urbain durable en zone côtière, 21 - 24 juin 1999, Mahdia, Tunisie

Présentation de la ville de Saïda– Bahia EL-HARIRI..............................................................................................102 L’environnement et les littoraux en Turquie : Les outils institutionnels et structurels mis au point pour sauvegarder les patrimoines culturels et naturels – Yeseren ELIÇIN-ARIKAN...................................................105 Présentation de la ville de Saïda– Ahmed EL-KALASH.........................................................................................115 Essaouira : le renouveau grâce à la mobilisation générale – Abdelaziz EL MOUATEZ ....................................118 Sauvegarde du patrimoine urbain islamique et stratégies de communication – Tewfik ETTAYEB..................120 La réhabilitation du patrimoine historique – Gérard FOURESTIER.......................................................................127 Chikly – Patrimoine et environnement. Un projet de Coopération Tuniso-Espagnole José Luis Garcia GRINDA et Manuel BLANCO........................................................................................................129 Testour, réhabilitation de la ville – José Luis Garcia GRINDA et Manuel BLANCO..........................................131 Expériences concernant la réutilisation et réhabilitation de l’architecture traditionnelle en Espagne José Luis Garcia GRINDA............................................................................................................................................133 L’architecture de l’eau à Thessalonique. Projets pour une capitale culturelle Vilma HASTAOGLOU MARTINIDIS............................................................................................................................136 Les perspectives de protection du littoral de Mahdia face au développement urbain et touristique Marie-Cécile HEUZEY...................................................................................................................................................142 Présentation de la ville de Saïda– Hilal KOBROSLI...............................................................................................148 Discours de Séance plénière – Joseph KREIDI........................................................................................................150 Développement urbain durable en zone côtière – Pierre LEFÈVRE.....................................................................152 Vers la nouvelle culture du tourisme durable : Une option vitale pour le littoral et les îles Cipriano MARÍN..............................................................................................................................................................155 Urbanités méditerranéennes : Réhabilitation physique et Préservation sociale – Saïd MOULINE..................164 Les aspects institutionnels et politiques de l’évaluation environnementale pour un développement équilibré (résumé) – Martin O’CONNOR....................................................................................................................169 Le projet Ijburg : plan pour une nouvelle zone urbaine près d'Amsterdam (résumé) – Bertie OLTHOF.........170 Le développement durable de la plage nord de Mahdia – Roland PASKOFF.....................................................171 Gestion des ressources en eau et développement des villes côtières – Antonio Pulido BOSCH....................176 Etude et gestion des déchets urbains dans la ville d'Essaouira : Bilan et perspective Rachida SAISSI MESLOUHI........................................................................................................................................187 Réhabilitation des centres historiques et exigences de la vie contemporaine – Mona SERAGELDIN............189 L’eau et la ville – Bruno TASSIN.................................................................................................................................192

VIII. Discours de clôture......................................................................................................... 195 Allocution de M. Abdelbaki HERMASSI – Ministre de la Culture ...........................................................................195 Allocution de M. Francisco J. CARRILLO-MONTESINOS – Représentant du Directeur général de l’UNESCO..................................................................................................................................................................197

IX. Motion de remerciements des participants internationaux ............................................. 200 X.

Propositions des experts et conclusion.......................................................................... 201 Propositions des experts pour le développement durable de Mahdia...................................................................201 Conclusion.......................................................................................................................................................................203

XI. Programme du Séminaire ............................................................................................... 204 Programme prévisionnel (au 10 juin 1999)................................................................................................................204 Programme – C o r r i g e n d u m ................................................................................................................................210

XII. Liste des participants...................................................................................................... 211 1. Rapporteur général et comités nationaux..............................................................................................................211 2. Organisateurs internationaux...................................................................................................................................212 3. Officiels ........................................................................................................................................................................214 4. Participants nationaux...............................................................................................................................................215 5. Participants internationaux........................................................................................................................................218 6. Presse..........................................................................................................................................................................221

Annexe................................................................................................................................... 222 L'avenir des villes européennes : L'Union européenne relève le défi....................................................................222


Déclaration de Mahdia

Déclaration de Mahdia Mahdia, le 24 juin 1999 Conformément aux indications du sommet de Rio (1992), de la conférence Habitat II (1996), et faisant suite au forum de Rio +5 (Rio 1997) qui a reconnu comme un des obstacles majeurs à la mise en œuvre du concept de développement durable le fait qu’un grand nombre d’organismes et d’individus travaillant pour la durabilité dans leur propre communauté et secteur, restent isolés les uns des autres; Nous, participants au séminaire sur le « Développement urbain durable en zones côtières » qui s’est tenu à Mahdia du 21 au 24 juin 1999, Considérant que les régions côtières abritent une grande partie des écosystèmes les plus riches, les plus complexes et les plus productifs de la planète; Reconnaissant l’importance des petites villes côtières historiques de la Méditerranée comme lieux privilégiés de rencontre des peuples, composant de véritables mosaï ques humaines du point de vue social et culturel; Tenant compte de la complexité physique, écologique et socioculturelle de l’interface entre terre et mer que ces villes constituent; Convaincus de l’intérêt de donner une nouvelle impulsion à un développement économique et social durable de Mahdia qui s’inscrive dans la logique de préservation de son environnement, et en particulier de l’importance, dans ce contexte, de : • la mise en valeur de ses atouts culturels et paysagers, notamment de son patrimoine archéologique et historique, et de son artisanat traditionnel; • la maîtrise de son développement urbain, en général. Souhaitons que : • les autorités nationales tunisiennes adoptent Mahdia comme cas pilote dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable, donnant à la participation de la société civile une place privilégiée ; • les agences du système des Nations Unies renforcent leurs programmes d’assistance ayant pour but l’approfondissement de l’étude multidisciplinaire de la ville de Mahdia et de son environnement, et la mise en œuvre de projets de sauvegarde et de valorisation de celle-ci dans le contexte du développement durable; • les organismes de financement multilatéraux, bilatéraux et privés apportent davantage leur concours à la mise en œuvre d’une telle entreprise . Par ailleurs, nous saisissons cette occasion pour faire appel à l’ensemble des villes côtières de la Méditerranée et d’Europe afin que se renforce et s’étende le réseau de partenariat et d’échange scientifique et technique promu par l’UNESCO dans le cadre du projet « Développement Durable et Ressources en Eau : les Petites Villes Côtières Historiques ».

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Développement urbain durable en zone côtière, 21 – 24 juin 1999, Mahdia, Tunisie

Cipriano MARÍN

Vers la nouvelle culture du tourisme durable : Une option vitale pour le littoral et les îles INSULA Secrétaire de la Conférence mondiale du Tourisme durable Depuis la Conférence de Rio de 1992, la stratégie du développement durable est devenue un option réelle qui empreint de plus en plus l’ensemble des décisions politiques, techniques et économiques du monde actuel. En quelques années seulement, ce qui semblait être une possibilité à long terme est devenu réalité dans une multitude d’actions et de décisions à l’échelle internationale. L’idée qu’il est possible de conserver notre capital naturel et culturel sans remettre en cause l’avenir, et que cette aspiration peut être compatible avec le développement présent, commence à se concrétiser dans les principaux secteurs de l’activité économique. Et le phénomène touristique dont la magnitude est comparable pour certains à celle de la révolution industrielle, n’échappe pas à cette tendance. Ainsi, l’option du tourisme durable représente une adaptation sectorielle de la stratégie du développement durable pour cette industrie si singulière. Au niveau international, ce concept a été définitivement reconnu lors de la Conférence mondiale du Tourisme durable, organisée sur l’île de Lanzarote en 1995. Le principe de base de cette Conférence était que le tourisme peut avoir un caractère extrêmement ambivalent. D’une part, il représente un important moteur de développement pour les régions les moins favorisées et un excellent mécanisme de compensation économique et culturelle international. Cependant, si il est mal ciblé et mal géré, il peut devenir l’un des agents les plus destructeurs de l’environnement et une puissante machine à anéantir les cultures et les économies locales. Ces risques sont particulièrement amplifiés dans les zones du littoral et dans les îles, considérées par l’Agenda 21 comme des cas spécifiques pour l’application du développement durable. Pour que le tourisme soit durable, il doit être supportable à long terme d’un point de vue écologique, viable sur le plan économique et équitable d’un point de vue éthique et social pour les communautés locales. Pour ce faire, cette activité doit s’intégrer dans le milieu naturel, culturel et humain et elle se doit de respecter les équilibres fragiles qui caractérisent de nombreuses destinations touristiques. Le tourisme durable met également l’accent sur la préservation du patrimoine culturel et des traditions des communautés locales, en favorisant l’enrichissement socioculturel de la destination et l’amélioration de la qualité de vie de la population. La participation de tous les secteurs impliqués dans le processus de planification touristique, alliée à un appui décisif à l’innovation culturelle, technologique et professionnelle, tout comme la diversification des produits touristiques, sont des objectifs prioritaires dans cette nouvelle stratégie visant à préserver la qualité des destinations touristiques et à répondre aux nouvelles demandes émergentes des touristes du XXIe siècle. Mais, passer des idées à la pratique est une tâche ardue. Il s’agit de tra cer une voie de façon indéfectible sur la base de projets et d’expériences réelles englobant les multiples facettes de cette réalité polyédrique qu’est le tourisme. Car parler de développement durable appliqué à l’industrie du tourisme implique aborder des questions aussi différentes que l’aménagement du territoire, l’énergie, l’eau, le transport, la préservation d’écosystèmes ou la sauvegarde du patrimoine culturel, ou encore la création de produits touristiques adaptés aux nouvelles exigences.

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Interventions des experts internationaux

1.

Une industrie à l’évolution vertigineuse

On a souvent tendance à dire que le tourisme est un phénomène relativement récent. Dans un sens strict et étymologique, c’est certainement le cas puisque ce n’est qu’en 1811 que ce mot est apparu pour la première fois dans le dictionnaire anglais d’Oxford. Cependant, ce serait oublier Pompéi, l’une des premières urbanisations touristiques du monde. Ou encore les monastères grecs utilisés dans l’Antiquité comme maisons de repos. Puis plus récemment, l’époque des voyageurs romantiques ou celle du tourisme scientifique de LINNÉ ou de HUMBOLDT, ou encore ces jeunes européens cultivés qui devaient compléter leur formation par un long voyage afin d’acquérir les connaissances nécessaires à la vie en société. Dans ce sens, il faut se rappeler que tout au long des siècles, les activités liées aux voyages et le tourisme ont occupé une place importante selon les besoins culturels et sociaux du moment. A partir des années 1920, l’apparition des stations balnéaires en Méditerranée marqua un nouveau cap pour cette activité. Toutefois, c’est seulement à partir des années 50 que survint la commercialisation à grande échelle de produits touristiques rigides, à la formule tout compris et avec une motivation de vacances standardisées avec des logos comme « stations balnéaires » et « villes historiques ». Cet important segment de l’industrie du tourisme occupe encore aujourd’hui une part significative de l’une des activités internationales ayant la plus grande influence socio-économique et territoriale. En fait, le tourisme constitue aujourd’hui la plus grande industrie de la planète. D’après l’organisation mondiale du Travail (OMT), en 1998, le tourisme international représentait 8% du total des revenus mondiaux d’exportation et 37% des exportations du secteur des services. Les arrivées de touristes internationaux sont passées de 458 M en 1990 à 635 M en 1998. Les recettes en concept de tourisme international et de transport de passagers se sont élevées l’année dernière à plus de 504 milliards de dollars, soit un chiffre plaçant ce secteur au-dessus de toutes les autres catégories de commerce international. En outre, l’OMT estime que ce secteur génère près de 115 millions d’emplois directs dans le monde entier, soit 4% du total mondial. Les chiffres avancés par l’OMT déterminent à eux seuls le changement d’orientation nécessaire des principaux décideurs touristiques s’ils souhaitent tenter de conserver les valeurs environnementales sur lesquelles l’activité repose et qui justifient une grande partie de l’offre des destinations touristiques. Comme il est dit dans le prologue du projet Ecomost, rédigé pour plusieurs destinations touristiques du littoral méditerranéen, « une activité de cette envergure pourrait voir sa survivance menacée dans toutes les zones où les ressources touristiques de base sont endommagées ou détériorées ». Une observation des plus pertinentes pour la région de la Méditerranée qui accueillait en 1997 près d’un tiers (30,5%) de l’ensemble du tourisme international (187 M). Selon le European Travel Monitor, sur ce chiffre, près de 60 millions de touristes se concentraient sur les zones du littoral, avec toutes les répercussions territoriales que cela implique. D’après le Plan Bleu de la Méditerranée, on compte dans les îles et dans les zones du littoral plus de 1.800 km 2 d’infrastructures touristiques. Mais, il faut ajouter à cela que la demande touristique conventionnelle est soumise à des changements profonds du fait de l’évolution du comportement des consommateurs. Ces dernières années, l’industrie touristique a connu d’importantes transformations en terme de culture d’entreprise pour répondre aux changements qualitatifs de la demande. Le tourisme traditionnel de masse, caractérisé par la production et la vente de produits rigides, standardisés et de masse cède sa place à de nouvelles formes de commerce qui ont pour principale caractéristique la flexibilité et la segmentation des produits. Nous sommes aujourd’hui témoins d’un véritable effort de diversification et de développement de nouveaux produits capables de s’adapter aux nouveaux comportements. Ainsi, les destinations touristiques qui restent ancrées sur les modèles anciens et obsolètes paieront le prix que doit payer tout produit ayant perdu sa compétitivité.

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Les destinations elles-mêmes, en marge des politiques dictées par les opérateurs, commencent à prendre conscience du rôle actif que doivent jouer les agents locaux dans la planification et dans la prise de décision dans le monde du tourisme. Les élus, les hôteliers et les collectivités locales cherchent de nouvelles formes de qualification pour leur région et tentent dans de nombreux cas de freiner les modèles touristiques qui pourraient continuer de remettre en cause la durabilité de leurs ressources. Pour les destinations touristiques actuelles arrivées à maturité, des questions comme la qualité environnementale et culturelle ne sont pas des valeurs ajoutées optionnelles, mais elles constituent aujourd’hui des spécifications essentielles du produit qui vont déterminer sans nul doute leur survivance sur le marché. Mais nous en sommes déjà au XXI e siècle et il convient de souligner que le contexte de l’activité est déjà radicalement différent. Le tourisme a vu fondamentalement sa dimension changer comme phénomène de mas se et même en tant que droit social, un changement qui inclue également les formes, avec l’apparition systématique de nouveaux produits, de nouvelles destinations et de nouvelles manières de concevoir l’art de voyager. Le tourisme était à ses débuts géré par les propriétaires sur le lieu de destination où se situait l’hébergement, puis sont apparus les tours opérateurs et les voyagistes, et plus récemment nous avons assisté un vaste processus de fusion entre ces derniers et les grandes chaînes d’hôtellerie. Mais, si l’on analyse les tendances au tournant de ce nouveau siècle, on s’aperçoit d’un nouveau vaste changement. Ainsi, si l’on se centre méticuleusement sur ce que nous considérions encore hier comme le tourisme conventionnel, on s’apercevra alors que cela ne représente qu’une portion de la grande industrie des loisirs. A côté de preuves aussi ostensibles que le phénomène Disney, la recomposition internationale de cette industrie dans le cadre du marché global confirme sans équivoque cette tendance. En d’autres mots, pour parler de durabilité à long terme, on se doit de bien connaître les acteurs présents et futurs qui interviendront dans le processus et ces derniers, comme nous le verrons, changent à une vitesse vertigineuse. En pleine ère de la télématique et en quelques années seulement, il sera très difficile de distinguer d’un point de vue commercial l’offre d’un voyage d’aventure, une offre culturelle ou écologique, un objet de loisirs ou un « minitrip » électronique ou conventionnel. Dans ce sens, il convient de rappeler ici la récente recommandation pleine de pertinence faite par le secrétaire général des Nations unies aux chefs d’entreprise réunis au sein de la Commission du Développement durable dans laquelle il demandait un nouveau sens éthique dans la définition des affaires transnationales. Il s’agit en fait d’un appel sans équivoque à la coresponsabilité de ces puissants gérants anonymes du marché global.

2.

De la théorie à la pratique

Il y a près de vingt ans, les résolutions en matière de tourisme et d’environnement des conférences mondiales sur le tourisme organisées à Manille (1980) et à Acapulco (1982) commençaient à éveiller l’intérêt du secteur lui -même sur l’environnement. Quelques années plus tard, la Conférence de La Haye, organisée sous les auspices de l’Union interparlementaire et de l’Organisation mondiale du Tourisme, partait déjà du principe de base que «l’intégrité du milieu naturel, culturel et humain est une condition fondamentale pour le développement du tourisme ». A partir de cette date, la plupart des organismes internationaux ayant des compétences directes et indirectes en rapport avec l’activité touristique se sont lancés dans des actions et des programmes qui ont permis de faire passer de la théorie à la pratique le message de la durabilité dans le tourisme. Après cette période d’accords et de déclarations de caractère international en faveur d’un tourisme responsable, – parmi lesquels se distinguent des initiatives telles que la Charte du Tourisme durable adoptée à Lanzarote ou encore la Charte du Tourisme culturel de ICOMOS –, qui jettent les bases de cette nouvelle mentalité, un nouveau panorama se dessine peu à peu. On s’aperçoit ainsi que les acteurs 174


Interventions des experts internationaux

réels du phénomène touristique commencent à prendre l’initiativ e, en allant même dans de nombreux cas bien au-delà des accords intergouvernementaux et des directives internationales. Entreprises, associations de l’industrie touristique, administrations publiques, chercheurs, ONG, gouvernements et programmes intergouvernementaux se mobilisent très vite, ce qui est surprenant, démontrant ainsi que l’option de la durabilité dans le tourisme peut aller bien au-delà d’une entéléchie théorique. Le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) va en très peu de temps déployer une grande activité en faveur de la « coefficacité » dans le développement touristique. L’UNESCO va apporter son soutien à l’option du tourisme responsable dans toutes ses facettes, qu’il s’agisse de sa dimension culturelle ou de celle du patrimoine naturel, en encourageant des programmes et des projets de démonstration par le biais de programmes tels que le MAB (Homme et Biosphère) et d’initiatives dans le cadre de la Décennie culturelle, comme le lancement de la Route de la Soie, de la Route de l’Esclavage ou les projets de tourisme durable dans les réserves de la biosphère. Toutes ces actions répondent ainsi à ce besoin impétueux d’anticiper les événements, au besoin d’encourager de nouveaux cadres et de nouvelles références en mesure d’enrichir le changement en cours. On retrouve à la base de toutes ces initiatives le besoin de disposer de références pratiques et de projets pilote ou de démonstration en vue d’orienter les nouvelles tendances dans le vaste éventail de cas de figure que l’on trouve dans les destinations touristiques. Comme principe de base et dans le cas qui nous intéresse, les destinations côtières émergentes devraient analyser le vaste catalogue d’erreurs commises au cours de ces dernières décennies d’expérience touristique sur le littoral de la Méditerranée, car la tendance veut que l’on reproduise systématiquement les mêmes modèles avec toutes leurs séquelles d’incongruités. Rappelons qu’aujourd’hui la plupart des dépenses des administrations dans les destinations touristiques du littoral arrivées à maturité concerne la régénération des zones du littoral et la réhabilitation d’espaces inutilisés soumis à un développement touristique incontrôlé.

3.

Instruments pour le changement

La complexité du phénomène touristique présuppose que les solutions de changement peuvent venir de directions multiples, allant d’initiatives gouvernementales ou d’associations de citoyens jusqu’à des propositions au niveau des associations de consommateurs, c’est-à-dire des touristes eux-mêmes. En fait, on peut affirmer qu’en matière de tourisme durable, et tout spécialement dans les zones du littoral, les obstacles d’un marché, que l’on croyait unidirectionnel et très corseté, sont peu à peu balayés. Malgré les inerties du passé, un nouveau scénario voit le jour dans lequel tous les acteurs impliqués commencent à prendre conscience de leur rôle dans cette tâche commune de sauvegarde du patrimoine naturel et culturel des destinations touristiques, qui est la pierre angulaire de leur propre survie. Les instruments pratiques utilisés dans ce processus de changement peuvent être réunis en différentes catégories : • Les accords, les protocoles et les actions de coopération internationale ; • Les actions législatives et réglementaires ; • Les initiatives en matière de planification touristique durable ; • Les propositions de gestion intégrée du littoral ; • Le développement de nouveaux produits touristiques visant la valorisation du patrimoine ; • La diversification de l’offre ; • Les codes de conduite ; • Les écolabels ; 175


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• Les manuels et les guides de bonne conduite ; • Les normes et les systèmes de gestion environnementale. En ce qui concerne la première catégorie d’instruments, on peut dire que les principales organisations internationales, en particulier celles qui constituent ou qui sont en relation directe avec le système des Nations unies, mènent aujourd’hui de façon très active de nombreux programmes dans ce domaine. C’est le cas du PNUE, de l’UNESCO ou du PNUD et d’organismes liés à l’ONU comme le GEF, l’OMT ou la Banqu e mondiale. C’est sous les auspices et avec l’aide de ces organismes que la plupart des codes internationaux de bonne conduite ont vu le jour et que des projets pilotes ont été lancés, ce qui a sans nul doute fortement influencé la consolidation de cette nouvelle culture touristique.

3.1

La création de cadres juridiques et réglementaires

En ce qui concerne les actions législatives mises en œuvre dans le cadre des compétences des Etats, des administrations touristiques ou des gouvernements locaux, on peut dire qu’en quelques années seulement, des décisions de grande portée ont été prises. Il existe dans ce domaine des initiatives très avancées comme celles du Canada ou encore l’expérience australienne, en passant par des actions législatives et des développements réglementaires dans des secteurs spécifiques liés au tourisme comme c’est le cas à Hawaii (énergie et bâtiment) ou aux îles Maldives (intégration dans le paysage des complexes touristiques). La reconnaissance et la protection de sites d’intérêt culturel et naturel en vertu des législations nationales et des accords internationaux sont parfois un outil de sauvegarde extrêmement important dans des zones sensibles très fréquentées. Sur les 46000 km de côtes de la Méditerranée, seulement 6% du littoral, en incluant les îles, font l’objet d’une protection spéciale et les réserves marines ne représentent pas plus de 1,1% de la superficie de la Méditerranée. La plupart de ces initiatives répondent au besoin de définir des critères de capacité d’accueil pour la destination touristique. L’OMT définit la capacité d’accueil comme étant: « le nombre maximal de personnes visitant en même temps une station touristique, sans qu’il n’y ait aucun préjudice porté à l’environnement physique, économique et socioculturel, et sans baisse inacceptable dans la qualité de satisfaction des visiteurs ». Telle est l’option que l’on met en avant par exemple dans une ville historique comme Venise où l’introduction d’un système de réservation anticipée des visiteurs est actuellement à l’étude. Dans les espaces touristiques saturés du littoral, on commence à voir également des initiatives reposant sur l’application d’écotaxes.

3.2

La planification

Au tout début, les projets de planification durable du tourisme se limitaient aux zones naturelles protégées, comme cela était le cas de nombreuses expériences réalisées en coopération avec l’IUCN. Toutefois, à la surprise de beaucoup, des destinations touristiques conventionnelles se sont unies ces dernières années à ce processus. Et justeme nt, on trouve aujourd’hui dans le bassin méditerranéen de nombreuses initiatives de grande portée : dans les îles de la mer Egée, sur la Côte Amalfitana en Italie, la nouvelle stratégie touristique et d’aménagement du territoire dans les îles Baléares, etc. La planification durable en matière de tourisme aborde principalement les questions qui affectent le plus la qualité de la destination touristique : • Les espaces naturels et les systèmes de gestion et leur utilisation publique ; • Les sites d’intérêt culturel et les centres historiques – les plans de sauvegarde ; • Les ressources hydrauliques et le contrôle du cycle de l’eau ; • La production de déchets ; • L’énergie et ses impacts sur l’environnement ;

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Interventions des experts internationaux

• La limitation et le contrôle du terrain urbain touristique sur le front de mer ; • La planification des infrastructures pour la création d’espaces durables. En matière de planification, les décisions dans le domaine des infrastructures, portant sur leur conception et leur design ont une importance croissante. Peu à peu, les stations touristiques du littoral prennent conscience que rien ne sert de compter sur une planification territoriale rigoureuse, et même protectionniste vis-à-vis de l’environnement et du patrimoine construit, si l’on prévoit des complexes d’hébergement, des systèmes de transport terrestre ou maritime, des installations ou des infrastructures d’approvisionnement en eau et en électricité qui par leur propre inertie dépassent la capacité d’accueil de la zone. Il est également courant de trouver des réalisations esthétiquement et conceptuellement inadaptées à la réalité locale. Des solutions souvent importées et mimétisées qui détruisent l’harmonie du site et qui remettent irrémissiblement en cause son avenir. On trouve sur l’île de Lanzarote un très bon exemple d’intégration des infrastructures touristiques, dans ce cas précis des centres d’accueil des visiteurs dans des zones sensibles. Tout un réseau de centres d’accueil y a été conçu dans les années soixante-dix qui se distinguent par leur incroyable intégration dans le milieu et par le recours aux modèles formels de la culture locale. Comme le disait cet artiste plein de génie César Manrique, l’auteur de ces œuvres : « je suis comme la main qui exprime la géologie et le sentiment de l’île ». Ce qui est surprenant, c’est que certaines de ces réalisations, devenues aujourd’hui emblématiques pour l’île, aient été construites en récupérant des espaces comme une décharge située dans un tunnel volcanique ou une ancienne carrière abandonnée. Lanzarote ouvre ainsi la voie à l’imagination, à la possibilité de récupérer des espaces apparemment dégradés par le biais de l’activité touristique face à la compulsion systématique de coloniser et d’occuper des sites vierges. La Conférence sur l’énergie, le transport et la télématique organisée il y a peu à Salamanque sous les auspices de la Commission européenne, de l’UNESCO et de Insula, a montré que le changement est tout à fait possible. Les plus de soixante expériences menées dans des villes européennes, dont la plupart étaient des villes historiques du littoral fortement fréquentées, sont une preuve palpable qu’il est possible de planifier le transport et les infrastructures avec un esprit d’avenir, sans même avoir à réaliser des investissements exorbitants. Les expériences menées à Gênes, à Valence, à Rhodes ou à Palerme nous montrent qu’il est possible d’avoir recours à des transports de faible impact et à des systèmes alternatifs capables de récupérer l’espace naturel et humain de nos villes, qui incluent la généralisation des zones piétonnes et des véhicules adaptés dans les centres historiques des villes. La consolidation et le développement d’agendas 21 au niveau local s’est avéré être également un excellent outil pour les communes du littoral à forte densit é touristique. Des initiatives ont ainsi vu le jour, qui semblent spécialement adaptées aux situations complexes comme celles des petites communes et des villes de taille moyenne du littoral méditerranéen, en particulier dans les villes historiques qui comptent un littoral d’une valeur exceptionnelle du point de vue du paysage naturel. L’exemple de Calviá, une commune touristique située sur les côtes de Majorque qui a décidé de mettre en œuvre un Agenda 21 dont l’application a totalement modifié l’offre touristique de la zone, en est la preuve. Le cas de l’île de Lanzarote est lui aussi significatif, car le fait que l’UNESCO la déclare réserve de la biosphère en 1993 impliquait sa conversion en un modèle touristique de référence à l’échelle internationale. Il fut ainsi décidé de mettre en œuvre, avec le soutien du programme Life de l’UE, un modèle intéressant de développement touristique durable qui se caractérise par l’important degré de participation de tous les secteurs et de toutes les administrations impliquées.

4.

La gestion intégrée du littoral Les projets de gestion intégrée du littoral dans des zones de forte fréquentation 177


Développement urbain durable en zone côtière, 21 – 24 juin 1999, Mahdia, Tunisie

touristique sont un instrument indispensable pour la planification du littoral aujourd’hui. La Charte européenne du Littoral reconnaît l’extrême importance du littoral en tant que bien rare et fragile devant faire face à une destruction souvent irréversible de ses écosystèmes naturels du fait de l’accumulation d’activités de grande intensité. Il est reconnu en outre que le paysage littoral et son patrimoine architectural sont menacés par une urbanisation excessive, souvent mal adaptée et qui conduit à l’uniformité. C’est pourquoi, et tout particulièrement dans les développements touristiques, il s’agit de défendre une politique volontariste d’aménagement intégré des zones du littoral pouvant résoudre dans l’espace les problèmes générés par une grande variété d’activités qui convergent sur la côte. La législation actuellement en vigueur dans certains pays va dans le sens de cette tendance, comme la loi sur le littoral en Espagne (« Ley de Costas ») et la loi relative à l’aménagement du littoral français. Le développement d’urbanisations touristiques sur le bord du littoral, les travaux maritimes d’envergure, les nouveaux établissements urbains et les infrastructures, en particulier celles d’accès, sont autant de facteurs qui supposent un risque grave pour le maintien de la physionomie du littoral.. Parmi les principales menaces, il convient d’évoquer les agressions aux systèmes de dunes, aux zones humides littorales et aux fonds marins qui ont un grand intérêt naturel et une grande valeur du point de vue du paysage. Intégrer et adapter les nouvelles activités comme le tourisme avec les activités traditionnelles existantes représente souvent un défi en terme de compétence et de planification qui requiert une grande capacité de concertation. Il existe des projets et des expériences de grande envergure liés au tourisme comme le projet de la Mer des Wadden, la stratégie Baltique 21, l’exemple de gestion durable des zones humides du Languedoc-Roussillon ou le projet de conservation et de prise de conscience touristique du littoral de la commune de Vila Nova de Gaia au Portugal. Mais il convient aussi de faire mention, de par sa complexité et ses avancées, du programme Tenerife et la Mer mis en œuvre aux Canaries, sur une île de 1200 km 2 qui accueillent le long de ses côtes plus de 4 millions de touristes par an. Le programme Tenerife et la Mer prévoit ainsi de récupérer la mer en se basant sur cette nouvelle optique, et sa mise en œuvre a impliqué la création d’un système de coopération et de coordination intersectoriel entre les plus hautes administrations, du fait de l’absolue nécessité que tous les acteurs qui convergent dans ce milieu si complexe se mettent d’accord sur une stratégie commune. Ainsi par exemple : le secteur du tourisme nautique diversifie ses activités en coopération avec le secteur de la pêche, les associations touristiques commencent à travailler en étroite relation avec les autorités environnementales, un usage multifonctionnel et rationnel des infrastructures maritimes existantes est aujourd’hui défendu, les programmes de rénovation touristique prévoient la régénération et la valorisation du littoral et de ses principaux éléments, et un guide des procédés pour toutes les interventions a même été rédigé, allant des travaux sur le littoral (matériaux et méthodes compte tenu du paysage) jusqu’aux caractéristiques minimales que doivent remplir les nouveaux produits touristiques responsables. Cette nouvelle mentalité, alliée à une reconnaissance et à un répertoriage des ressources naturelles et du patrimoine construit à commence l’heure actuelle à avoir des effets surprenant qui prouvent que cette alliance entre le tourisme et le patrimoine de la mer est tout à fait possible.

5.

La diversification et la création de nouveaux produits

Mais, pour qu’un développement touristique durable devienne réalité, adopter des systèmes de planification respectueux ou créer des cadres réglementaires adaptés ne suffit pas. Il faut comme nous l’avons vu, changer la manière même de faire du tourisme, en diversifiant les offres rigides de nombreuses stations balnéaires, ce qui passe par la création de nouveaux produits ayant la capacité de s’ajuster aux conditions réelles de la destination touristique et pouvant revaloriser les ressources locales existantes.

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Interventions des experts internationaux

Le simple fait de répertorier les ressources endogènes de chaque station touristique et la nécessité de revaloriser son patrimoine apportent toujours un catalogue intéressant pour diversifier les produits touristiques. C’est ainsi que sont apparues les formules de tourisme nautique en coopération avec la pêche artisanale, les itinéraires touristiques basés sur les possibilités qu’offre le monde rural, les nouvelles offres complémentaires dans les centres historiques des petites villes du littoral ou la sauvegarde d’anciens villages de pêcheurs. En quelques années seulement, le nombre de réalisations de référence ayant été couronnées de succès a augmenté comme on peut le constater en consultant simplement sur Internet les sites de Insula et de Econet. Pour illustrer cette nouvelle tendance, on pourrait parler du cas des îles Medas où de nouvelles activités touristiques ont été adaptées à leur statut de réserve marine, ou celui des salines de Guérande, où l’activité salinière traditionnelle cohabite avec une offre touristique ethnographique et tournée vers la nature réellement surprenante. L’un des aspects les plus significatifs et novateurs dans la nouvelle conception du tourisme durable est certainement l’inclusion du patrimoine et des biens culturels de la destination touristique comme un élément de base qu’il faut prendre en compte dans la stratégie de diversification. Après deux décennies caractérisées par une forte prise de conscience de la nécessité de préserver les ressources de la biosphère, le monde touristique récupère aussi quelque chose d’essentiel pour le patrimoine commun : les ressources culturelles, tangibles et intangibles, de chaque destination. L’incorporation, avec la même force, des tendances nature et patrimoine culturel dans la conception des nouveaux produits a été une initiative couronnée de succès à Minorque où a été élaboré le premier Plan de Développement durable insulaire de l’Union européenne. Il a été possible sur cette île de dresser un catalogue complet des nouvelles possibilités touristiques compte tenu du vaste patrimoine existant : plus de mille sites archéologiques, l’ancien réseau des chemins côtiers, les villages traditionnels, les espaces naturels de grande valeur et une trame rurale qu’il convient de conserver et qui se concrétise par plus 1.700 km de murets construits en pierres séches. Les nouvelles initiatives se centrent tout particulièrement sur la capacité d’accueil, leur intégration dans le milieu et la préservation de l’économie locale. Minorque est ainsi devenu un modèle de transition entre les réalisations primitives d’un tourisme de masse et la possibilité d’un tourisme durable. De nombreux exemples de coopération sont apparus lors de ce processus à Minorque, parmi lesquels on pourrait citer le cas de la restauration d’une ancienne basilique paléo-chrétienne et la réhabilitation de la zone humide sur l’une des plages touristiques du sud de l’île, grâce à la collaboration quelque peu surprenante entre les hôteliers, les écologistes et la population locale Etant donné que les îles représentent le paradigme de la problématique touristique et de celle du littoral, il n’est pas surprenant que cette stratégie de diversification occupe aujourd’hui une place centrale dans le développement de destinations émergentes. C’est du moins ce que l’on peut observer sur l’île de El Hierro ou à Samos, des destinations touristiques qui consolident leur stratégie en se basant sur un Programme intégré de Développement durable et deux sites qui ont opté de manière décidée pour un développement qualificatif, en marge des tendances du tourisme de masse qui est pratiqué dans leur environnement immédiat.

5.1

Les normes, les écolabels, les manuels et les guides de bonne conduite

De nombreux instruments sont apparus ces dernières années, créés de façon volontariste par l’industrie touristique elle-même, qui ont montré une capacité surprenante, à l’heure d’encourager des attitudes respectueuses à l’égard de l’environnement et du patrimoine culturel. Il s’agit de ce que l’on appelle les manuels ou les guides de bonne conduite. Dans de nombreux cas, ces guides présentent l’ensemble des exigences requises pour l’obtention d’un écolabel. Dans d’autres, ils réunissent des recommandations faites par les autorités touristiques et environnementales ou par des associations du secteur. Enfin,

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Développement urbain durable en zone côtière, 21 – 24 juin 1999, Mahdia, Tunisie

certains de ces guides sont la pierre angulaire d’une norme touristique structurée. On s’aperçoit que les progrès réalisés dans le domaine de la qualité commencent à confluer de plus en plus fréquemment avec les questions liées à l’environnement. La plupart des manuels de bonne conduite connus se sont centrés sur la gestion durable des hébergements et des centres touristiques, ainsi que sur leur relation avec le milieu. Les manuels de bonne conduite sur le tourisme durable mettent l’accent sur les questions environnementales essentielles telles que : • La gestion de l’eau (rationalisation, épuration et économie) ; • L’énergie (économie et introduction de sources d’énergie renouvelables) ; • Les déchets (prévention, recyclage et minimisation) ; • Les émission et les effluents ; • La réduction des impacts sur l’environnement (produits, bruits, etc.) ; • De bons achats et des pratiques responsables avec les fournisseurs ; • L’intégration dans le paysage et l’adaptation des infrastructures aux modèles culturels locaux ; • L’information aux touristes des comportements responsables vis-à-vis de l’environnement ; • L’information et la promotion de l’offre touristique locale liée au patrimoine culturel et naturel. Si nous devions citer un petit nombre d’expériences, compte tenu de leur intérêt et de leur degré de consolidation, nous retiendrions parmi les plus pionnières ou singulières les initiatives suivantes : 1. L’action Pack soutenu par l’IHEI et le PNUE ; 2. Le Manuel de bonne conduite du Programme d’Ecotourisme de l’Australie (qui peut être dans sa conception extrapolé à n’importe quelle situation) ; 3. Le Environmental Management for Hotels, également soutenu par l’IHEI ; 4. Le guide pour l’obtention du certificat de Biosphere Hotels soutenu par l’UNESCO. Il ne s’agit que de quelques bourgeons montrant la floraison de pratiques environnementales responsables qui concernent déjà de près l’indu strie du tourisme. Bien entendu, de nombreuses questions restent à être abordées avec l’intensité ou l’importance qu’elles méritent. C’est par exemple le cas de la stratégie du transport sur le lieu de destination. Néanmoins, des expériences comme celle menée à Jersey avec son code de transport écologique ou le programme de transport alternatif de Venise nous permettent d’augurer un plus grand engagement de l’industrie touristique à l’avenir. Cette brève esquisse des options du développement durable dans les zones du littoral a un lien direct avec le développement touristique sur le littoral de la Tunisie. Mahdia représente ainsi un véritable paradigme face aux nouveaux défis que doit relever l’option du tourisme durable. Toutes les possibilités convergent à Mahdia : la cohabitation d’un développement touristique balnéaire de type conventionnel le long de la côte, l’existence d’une ville active et d’un monde rural à la fois proche et riche en manifestations ethnographiques et culturelles, l’un des milieux marins les plus beaux et les plus riches de toute la côte nord de l’Afrique, des fonds marins que Cousteau lui-même qualifia comme étant l’un des rares endroits de la planète où il n’y avait pas besoin d’éclairage artificiel et, bien entendu, la presqu’île avec sa mosquée et son fort, une porte exceptionnelle sur la mer encastrée dans la roche qui culmine avec le port punique et l’un des plus beaux cimetières marins du monde. Il s’agit par conséquent d’un espace ouvert aujourd’hui à toutes les possibilités, un endroit où l’on peut répéter les mêmes erreurs ou un diamant brut que l’on peut tailler avec imagination sur la base d’un partenariat efficace entre le tourisme et la population locale, 180


Interventions des experts internationaux

visant la sauvegarde des valeurs de son patrimoine et la consolidation d’un dÊveloppement harmonieux et durable.

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