Regional Energyscape Study

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Atelier Pédagogique Régional 2015-2016

UNE PIERRE DEUX COUPS, INTERCONNEXION FRANCE-SUISSE

Clothilde Josserand Qixuan Yang Olivia Zanchi Encadrant : Michel Collin




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APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie


Nous tenons à remercier Michel Collin, notre encadrant, pour sa bonne humeur, son engagement, ses conseils, son attention, et l’intérêt qu’il a su porter à notre projet. Merci aussi à nos partenaires de RTE Rhône-Alpes Auvergne, et plus particulièrement nos deux interlocuteurs, Christelle Chaize et Gilles Obrecht pour leur confiance et leur curiosité envers notre profession. Nous avons beaucoup apprécié leur qualité d’écoute, leur réactivité ainsi que leur disponibilité. Cela a permis de faire évoluer le projet dans des conditions très agréables. Nous remercions aussi toute l’équipe qui anime les Ateliers régionaux, Muriel Palomo, Aïsha Hassaine et Béatrice Labruyère qui ont assuré le bon déroulement de cette expérience.

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RTE Gilles Obrecht, manager de projet Christelle Chaize, chargée de concertation

ÉTUDIANTS

Clothilde Josserand Qixuan Yang Olivia Zanchi

ENCADRANT

Michel Collin, paysagiste DPLG

CHAIRE PAYSAGE ET ÉNERGIE Bertrand Folléa, responsable de la Chaire tél : 06 12 19 05 08 b.follea@ecole-paysage.fr / bfollea@gmail.com

Auréline Doreau, chef de projet tél : 01 39 24 62 05 - 06 13 55 71 35 a.doreau@ecole-paysage.fr http://www.ecole-paysage.fr

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Cet atelier régional pédagogique a été mis en place dans le cadre de la chaire paysage et énergie. Celle-ci a été établie en 2015 entre l’école Nationale Supérieure du Paysage de Versailles et les différentes entreprises de la production, du transport et de la distribution de l’énergie. « Les travaux de la chaire ont vocation à montrer comment le projet de paysage peut être un levier pour penser des aménagements qui articulent les potentialités écologiques, géographiques et économiques des lieux. Ils doivent permettre d’explorer et de revisiter notre rapport sensible et culturel à l’espace, dans l’esprit de la convention européenne du paysage. Cette chaire, dont le premier membre fondateur est Réseau de Transport d’Electricité (RTE), a vocation à accueillir très largement d’autres acteurs, issus ou non du secteur de l’énergie » (Chaire Paysage et Energie, 2015).

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Sommaire

01. Commande 13 L’interconnexion France-Suisse

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L’interconnexion 15 Historique de la ligne 15 Modernisation de l’interconnexion france-suisse 16 Méthodologie de travail 17

02. Corpus de représentations

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Dessine-moi une montagne...

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La montagne, évolution d’un sujet pictural Massif du chablais, d’un paysage touristique... ... à un paysage pittoresque.

L’artialisation des éléments industriels L’industrie magnifiée par l’art les lignes électriques dans le paysage Pylône et ligne comme motif graphique

Représentations sociales : entre fantasmes et réalités Aujourd’hui, un rejet des lignes à très haute tension Les ondes : quel champ d’atteinte ?

Intervention in-situ

22 23 24

26 26 27 29

30 30 32

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Des installations artistiques révélatrices des lieux 34 Pylônes 2.0 36 Pylônes-lieux 37

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03. La ligne et le grand paysage

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Perception des pylônes

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Perception des lignes électriques

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Perception des câbles

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La vallée de l’Arve et le massif du Chablais

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Une grande diversité de paysages traversés La vallée de l’arve : un contexte périurbain Le massif du chablais: un massif pré-alpin

43 45 49

Perception de la ligne dans le paysage

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La ligne face à la montagne La ligne dans les vallées La ligne et les boisements La ligne et les chemins La ligne face aux enjeux territoriaux

53 57 60 63 65

04. La ligne comme occasion de projet : deux cas d’études

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Des sites dans l’aire d’influence de Genève

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1. Viuz-en-Sallaz : la ligne initie un projet local

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Un paysage pittoresque soumis à la pression urbaine

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Scénario 1 : changement de pylônes en lieu et place

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Scénario 2 : un léger décalage pour une solution à court-terme

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Scénario 3 : déviation du tracé dans le vallon du Foron

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Scénario alternatif

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La ligne THT comme outil de revalorisation du vallon du Foron

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Préservation du vallon encaissé et gestion de sa lisière Ouverture du ruban à l’entrée de Viuz-en-Sallaz Une promenade le long du Foron Des plages dans le bois Mon bureau devant les vaches

1I. Scientrier : la ligne accompagne un projet de territoire

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Scientrier, une commune à re-structurer

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Une commune pas commune Une pression urbaine à anticiper

Démarche : la ligne accompagne l’évolution du territoire Un projet de paysage commun entre RTE et Scientrier Trois échelles de projet

Analyse de la formation du territoire

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94 96 98 100 102

108 110

112 112 113

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une histoire mouvementée Une commune dispersée et isolée de ses espaces naturels

114 116

Des leviers pour restructurer la commune de Scientrier

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Désenclavement des espaces naturels

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Rendre l’Arve à Scientrier Donner accès à la Plaine des Rocailles

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Créer une nouvelle centralité

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Un panorama à valoriser Réinvestir le carrefour

124 125

Renforcer le réseau des chemins

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Comment la déviation de la ligne peut venir soutenir le projet territorial

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Les scénarios évalués Scénario 1 : la ligne dans le chef-lieu Scénario 2a : la ligne au-dessus du vallon Scénario 2b : coupler les infrastructures Scénario 3a : la ligne dans la plaine Scénario 3b : coupler les deux lignes Scénario 3c : la ligne à travers le bosquet Scénario 3d : une pierre deux coups

128 129 130 131 132 133 134 135

05. Conclusion 139 06. Bibliographie et crédits

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00. Commande


Vallée de l’Arve

Vallée du Rhône Chavalon

Lac Léman

Cornier

Genève

Afin de nous familiariser avec la ligne étudiée, il nous a semblé d’abord important d’appréhender la ligne dans son ensemble. Ainsi, nous avons commencé l’Atelier Pédagogique Régional par une semaine entière de terrain, où nous avons utilisé la ligne comme outil d’arpentage. C’est elle qui orientait nos trajets. Autant elle apparaît comme une ligne droite sur plan, autant il est impossible de la parcourir d’un bout à l’autre en ligne droite. Cela est dû à la topographie du massif du Chablais.

La ligne apparait ici en blanc. Elle part de la vallée de l’Arve, et trace sa route jusqu’à la vallée du Rhône à travers le massif montagneux du Chablais.

Image Landsat

N

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L’INTERCONNEXION FRANCE-SUISSE

L’INTERCONNEXION L’énergie ne se stocke pas, d’où le besoin du réseau de lignes pour l’envoyer là où il y en a besoin à un moment t. Plus le voltage est élevé, moins la perte d’énergie est grande. Lorsqu’il y a un pic de consommation, il est difficile d’alimenter toute la population en électricité, d’où l’importance des interconnexions pour équilibrer l’énergie entre les pays voisins. Ce réseau d’interconnexions est d’autant plus important à l’heure de la transition énergétique, où la production d’énergie n’est pas constante. La carte ci-contre nous montre une grande concentration de départs de lignes dans la région Rhône-Alpes-Auvergne. C’est une des régions qui produit le plus d’électricité grâce à l’énergie hydraulique issue des montagnes, et à l’énergie nucléaire issue de la vallée du Rhône. La ligne étudiée se situe au Sud du Lac Léman, entre la France et la Suisse.

HISTORIQUE DE LA LIGNE

Réseau 400 kV Réseau 225 kV

La ligne de 225 kV a été construite en 1955 en suivant une ligne quasi droite. A l’époque, l’insertion paysagère n’était pas une préoccupation. L’enjeu principal du tracé était d’être le plus direct entre Cornier et Chavalon. Ainsi, elle traverse le massif du Chablais d’Ouest en Est, transversalement à l’orientation paysagère de ce massif, qui lui, a une organisation Nord/Sud, avec ses vallées structurantes qui se jèttent dans le Lac Léman. Comment nous apparaît la ligne aujourd’hui dans ces paysages ? RTE - Interconnexion France-Suisse

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MODERNISATION DE L’INTERCONNEXION FRANCE-SUISSE

à la construction

aujourd’hui

RTE souhaite augmenter la capacité de la ligne actuelle d’interconnexion FranceSuisse de 225 kV à 400 kV. Cette volonté s’inscrit dans un contexte de développement des lignes d’interconnexion entre les pays européens afin de mieux gérer les pics de consommation d’électricité et de réduire les émissions de carbone, car les interconnexions dispensent l’ouverture de nouvelles centrales. Son tracé reprendrait en grande partie celui de la ligne existante, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’une création ex-nihilo. Le passage à une capacité supérieure ne nécessite pas le changement des pylônes actuels dont le gabarit peut supporter des lignes plus puissantes, mais seulement leur renforcement. RTE souhaite modifier le moins possible le tracé, à la fois pour des raisons économiques et pour une question d’acceptation par les habitants. Ces derniers étant habitués à la présence de la ligne sur leur territoire depuis plus d’un demi-siècle, un changement de tracé pourrait heurter davantage les opinions.

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demain

À travers cet atelier pédagogique, RTE souhaite que nous leur apportions une aide à la prise de décision quant à la modernisation de la ligne. La commande, très libre dès le départ, a évolué au cours du travail d’APR, notamment à travers les différentes rencontres avec nos partenaires. D’une manière générale, RTE souhaitait que nous posions un regard nouveau sur les lignes haute tension comme élément de paysage. Notre travail consiste également à saisir le projet de modernisation comme une opportunité pour améliorer l’existant. Pour cela, nous sommes invités à évaluer l’inscription de la ligne dans le grand paysage, tout en réfléchissant à l’occupation au sol du territoire qu’elle parcourt. Par aillleurs, notre avis est requis pour le déplacement du tracé de la nouvelle ligne au niveau des surplombs des habitations. Une attention à la faisabilité du projet nous est également préconisée afin de favoriser son acceptabilité.


MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL

Pour aborder l’étude, nous sommes partis de plusieurs principes qui ont guidé l’ensemble de notre travail. Pour commencer, la ligne n’est jamais seule dans ce paysage, ses relations avec les autres composantes du territoire et leurs dynamiques en cours est essentielle à comprendre. D’autre part, RTE est un acteur du territoire parmi d’autres. Le rôle de RTE peut dépasser le simple transport d’énergie, l’atelier offre une occasion d’éclairer une position plus impliquée dans les dynamiques du projet de territoire. La ligne électrique est un élément fort dans le paysage, son implantation a des incidences sur les perceptions du paysage ainsi que sur le développement d’un territoire. En partant sans a priori sur les lignes THT, nous dressons d’abord des constats sur les diverses situations que présente la ligne dans le paysage. Puis, nous réfléchissons aux manières de faire intéragir la ligne avec le territoire dans lequel elle s’inscrit, dans les cas où l’occasion s’y prête. L’objectif est d’éviter le survol arbitraire de la ligne dans le territoire d’un bout à l’autre comme cela a pu être le cas jusqu’à présent. Cet atelier pédagogique s’est partagé en plusieurs phases. Nous avons commencé par arpenter le site dans son ensemble pour comprendre les relations entre la ligne THT et le paysage montagneux qu’elle traverse. Les éléments récoltés et produits lors de cette première immersion ont servi d’appui à une analyse approfondie de la perception des lignes. Nous avons ensuite exploré un corpus de références artistiques permettant de nourrir notre regard et celui de notre partenaire, et d’inscrire notre réflexion dans un champ plus vaste. Après avoir cerné les enjeux sur le territoire nous avons choisi des sites où nous proposons un projet concret qui honore l’engagement de RTE auprès de l’État.

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01. Corpus de reprĂŠsentations


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Dans ce premier chapitre, nous avons exploré un corpus de références artistiques permettant de nourrir notre regard et celui de notre partenaire, et d’inscrire notre réflexion dans un champ plus vaste. En rassemblant un corpus de représentations, nous avons cherché à montrer que la perception des lignes peut être amenée à évoluer. L’histoire de l’art nous montre que la perception de certains éléments, qui au départ effrayaient, on étés admis par la population grâce aux représentations qu’en ont fait les artistes. Puis, nous avons fait l’état des lieux de celui des pylônes et des lignes électriques, et enfin, une attention a aussi été portée sur les représentations sociales et mentales des lignes électriques.

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DESSINE-MOI UNE MONTAGNE... LA MONTAGNE, ÉVOLUTION D’UN SUJET PICTURAL

Les représentations artistiques de la montagne témoignent de l’évolution de notre rapport à celle-là à travers les siècles. Longtemps, la montagne est employée comme un motif d’arrière-plan au service d’un sujet religieux ou profane. L’échelle de la montagne est souvent mise en tension avec les personnages du premier plan (img1). Le XIXe siècle représente une période particulière, en ce qu’il a vu l’avènement de l’alpinisme et plus généralement le début du tourisme. Nous ne sommes plus face

Img 1.  Jakob Philipp Hackert, Paysage avec les ruines de Pompéi, 1799

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Img 2.  Caspar David Friedrich, Les falaises blanches de Rügen, 1819

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à mais dans la montagne, comme en témoignent les tableaux de Friedrich (img 2). Les artistes ont contribué à la valorisation des paysages montagneux, à l’instar de Cézanne qui a inventé la montagne Sainte-Victoire. Ses tableaux ont, plus tard, été un atout pour le tourisme de la région. Ils font désormais partie de notre représentation mentale de la Sainte-Victoire (img 3). Plus généralement, l’époque moderne et contemporaine tend vers une plus grande abstraction dans la représentation de la montagne. Dans le tableau de Stael (img 4), la montagne devient un aplat de couleur, séparant la terre et le ciel.

Img 3.  Paul Cézanne, La Sainte-Victoire vue des Lauves, 1902

Img 4.  Nicolas de Stael, La montagne Sainte-Victoire, 1954 (détail)


MASSIF DU CHABLAIS, D’UN PAYSAGE TOURISTIQUE...

Img 5.  Carte postale de Chatel, 1986

Img 6.  Carte postale de Chatel, 1987

Dans les années 1960-1980, le massif du Chablais fait l’objet d’un important corpus de représentation touristique, véhiculé essentiellement par les cartes postales (img 5-7). Ces cartes illustrent la transformation des montagnes avec l’essor des sports d’hiver. Les remonte-pentes, les pistes de ski et les chalets de résidence sécondaire se mul-

Img 7.  Carte postale de Mégevette, 1975

tiplient et redessinent les montagnes du Chablais. Il est intéressant de voir que les lignes électriques faisaient partie intégrante des représentations touristiques. Elles étaient alors synonymes de l’anthropisation de la montagne et renvoient une image positive de progrès.

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... À UN PAYSAGE PITTORESQUE.

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Il existe très peu de représentations actuelles du massif du Chablais. Une des seules séries de tableaux que nous avons trouvé est celle de la peintre Catherine Herbo. Installée à Abondance dans le Chablais, elle a choisi les paysages de sa région comme son sujet de prédilection (img 8-13). Pas de skieurs, pas de télésièges, et encore moins des pylônes et des lignes électriques dans ses tableaux. Les motifs qu’elle met en avant – le clocher de l’église, l’abreuvoir, le promeneur solitaire, le vieux chalet – sortent d’une autre époque,

comme si le temps s’était arrêté. Il y a un retour vers une représentation de la montagne pittoresque dans cette peinture figurative teintée de nostalgie. Les lignes électriques sont-elles intrinsèquement exogènes à ce paysage pittoresque ? Ou sont-elles seulement en attente d’une artialisation comme c’était le cas pour les éléments industriels?

Page gauche, de haut en bas et de gauche à droite : Img 8.  © Catherine Herbo, Cornettes de Bise en automne, s.d. Img 9.  © Catherine Herbo, Châtel, Vonnes, Pointe du Midi, s.d. Img 10.  © Catherine Herbo, Vieux chalet de Châtel, s.d. Img 11.  © Catherine Herbo, Châtel vu du Mouet, s.d. Img 12.  © Catherine Herbo, Un admirateur des Cornettes de Bise, s.d. Img 13.  © Catherine Herbo, La Chapelle d’Abondance, s.d.

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L’ARTIALISATION DES ÉLÉMENTS INDUSTRIELS L’INDUSTRIE MAGNIFIÉE PAR L’ART

Img 14.  J.M.W Turner, Rain, Steam and-Speed, The Great Western Railway, 1844

Img 15.  Raoul Dufy, La fée électricité, 1937

Img 16.  © Edward Hopper, Gas, 1940

L’art a su éduquer notre regard sur des éléments considérés jusqu’alors comme laids ou bien réduits à leur aspect fonctionnel et dénué de toute qualité esthétique. En pleine révolution industrielle, J.M.W. Turner n’a pas hésité à peindre un train à vapeur et l’évocation de la vitesse. De cette manière il a initié l’esthétique de la modernité, parmi d’autres artistes. Dans sa fresque, «la fée électricité», l’artiste Dufy dépeint un panthéon à la gloire de l’univers et de la généalogie de l’industrie électrique. Nombreux sont les tableaux de Hopper qui font entrer dans le domaine de l’art les non-lieux comme une station service, et des scènes de la banalité quotidienne (img16) . La série photographique des Becher sur les châteaux d’eau a su réhabiliter ces derniers et leur conférer une valeur patrimoniale. On remarquera toutefois que ces images tendent à extraire les objets de tout paysage, pour les représenter en figures hiératiques sur fond blanc. Si l’art a pu parfois contribuer à la valorisation des éléments industriels, qu’en est-il des lignes électriques et des pylônes ? 26

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Img 17.  © Bernd et Hilla Becher, Water Towers, 1957 - 1974


LES LIGNES ÉLECTRIQUES DANS LE PAYSAGE

Img 18.  © Fu Baoshi, Electric Power Lines, 1954

Img 20.  © Marc Duffy, Lightning striking behind Saskatchewan power line, 2012

Img 19.  © Andreas Gursky, Toys «R» Us, 1999

Img 21.  © s.n., L’art électrique au Grimsel pass, Suisse, s.d.

Img 22.  © Josh McKible, Power Lines, s.d.

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Le corpus iconographique sur les lignes électriques est encore assez maigre de nos jours, ce qui montre que l’artialisation de ces dernières est encore à faire. Les artistes ont représenté les pylônes de différentes manières. Dans Electric Power Lines (img18), le peintre Fu Baoshi convoque les codes de la peinture traditionnelle chinoise de paysage et représente les pylônes comme des pagodes modernes. Tandis que chez Gursky (img19), les lignes électriques participent à un ensemble de vocabulaire périurbain au ton grisâtre. Il existe souvent l’idée d’une confrontation entre la verticalité des pylônes et la ligne d’horizon. Les pylônes sont vus comme un élément médiateur entre le sol et le ciel. Leur répétition est aussi récurrente, elle révèle les effets de perspective et de profondeur de ces éléments dans la composition d’une image (img.456). Comment les pylônes et les lignes électriques peuvent-ils eux aussi faire partie du paysage ? Comment les accepter comme partie intégrante du paysage ?

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PYLÔNE ET LIGNE COMME MOTIF GRAPHIQUE

Enfin, on trouve aussi quelques représentations des pylônes et des lignes, où ces derniers deviennent de purs motifs graphiques détachés de leurs contextes. Avec un fond souvent monochrome, les artistes font ressortir davantage les lignes et soulignent la géométrie tracée par les câbles et les pylônes. Il n’existe cependant pas encore de recherche graphique sur l’incidence des conditions météorologiques sur les lignes.

Img 23.  © Dan McCarthy, Powerlines, 2003

Img 24.  © Dan Clarke, Power Lines II, s.d.

Img 25.  © Yairon Martinez.1-Backbone, s.d.

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REPRÉSENTATIONS SOCIALES : ENTRE FANTASMES ET RÉALITÉS AUJOURD’HUI, UN REJET DES LIGNES À TRÈS HAUTE TENSION

« subir les conséquences de la ligne » « une gêne visuelle » « indemnisation des dégâts » « pollution visuelle » « ces monstres » « un danger pour nos enfants » Extrait des enquêtes publiques RTE Haute Loire

Img 26.  Manifestation contre la construction d’une nouvelle ligne THT

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Les lignes électriques sont souvent victimes d’une grande contradiction : alors que la population utilise de plus en plus d’électricité, elle ne veut pas des lignes dans son paysage quotidien. Elles sont l’incarnation même du phénomène NIMBY (Not in my Backyard). RTE est souvent confronté à des manifestations et à des réunions de concertations mouvementées, car en plus de l’appréhension esthéthique des pylônes, la ligne est aussi assimilée à un danger. En effet, les ondes émises par les lignes font peur. Pourtant, les lignes n’émettent pas plus d’ondes que l’ensemble des objets quotidiens dans un foyer.

Img 27.  © Zach Johnsen, Life under the Powerlines, 2008

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Img 28.  champs électriques des objets du quotidien

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Img 29.  champs magnétiques des objets du quotidien

rasoir

sèche-cheveux

grille pain

aspirateur

réfrigirateur

Ligne THT

télévision

Ligne THT

réfrigirateur

grille pain

télévision

LES ONDES : QUEL CHAMP D’ATTEINTE ?


CHAMPS ÉLECTRIQUES

2 X 225 KV

CHAMPS MAGNÉTIQUES Les lignes émettent plus de champs électriques que de champs magnétiques par rapport aux objets de notre quotidien. Mais nous voyons sur ces schémas, que le champ éléctrique est arrêté dès qu’il est confronté à un obstacle comme un mur ou un arbre. Or, les champs magnétiques, eux, traversent tout. Mais, le champ s’atténue très nettement au-delà de 100 mètres, d’où la pertinence de l’engagement de RTE auprès de l’État d’éloigner les lignes des habitations lors des modernisations de lignes.

400 KV

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INTERVENTION IN-SITU DES INSTALLATIONS ARTISTIQUES RÉVÉLATRICES DES LIEUX

Des installations artistiques in-situ, éphémères ou permanentes peuvent contribuer à la révélation d’un site. Un banc accompagnant la courbe d’un chemin et donnant à apprécier un panorama (img 30). L’insertion d’un élément éxogène comme la voile orange de Christo permet de révéler la géographie du site par un effet de contraste (img 31). L’installation lumineuse de Jonathan Park apporte de l’animation et de la gaieté au site industriel de Duisburg et modifie la sémantique du lieu (img 32). Les pylônes sont souvent considérés comme des éléments exogènes à leur environnement. Comment le design de ces structures peut-il améliorer leur image auprès du public et les faire intéragir avec le paysage dans lequel ils s’insèrent ? Img 30.  © LJB, Vedahaugane, 2010

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Img 31.  © Christo, Curtain Valley, 1971

Img 32.  © Jonathan Park, Lights installation for Landschatspark Duisburg-Nord, 1996

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PYLÔNES 2.0

Soucieux de renouveler l’image des pylônes, de nombreux pays en Europe sont à la recherche de nouveaux modèles de pylônes, comme avec le concours Pylon Design 2.0 lancés en 2015 par Grid Expo. Globalement, on décèle une sorte de consensus général chez les architectes et les designers (img 33-38). Les nouveaux pylônes sont très souvent des monopodes de couleur blanche à l’instar des éoliennes et évoquent toujours quelque chose d’autre (mât, voile, totem...). Il existe même des modèles aux allures anthropo- ou zoomorphique (img 39-40). Leur design, que nous trouvons beaucoup trop littéral et qui frôle le kitsch, a pourtant bonne cote auprès du public. Comme si, pour qu’un pylône puisse faire partie du paysage, il ne doive justement pas avoir l’air d’un pylône.

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Img 33.  © RTE, Pylône Équilibre

Img 34.  © RTE, Pylône Synergie

Img 35.  © RTE, Pylone Univerte

Img 39.  © Design Depot ,Deer Figures, 2012

Img 36.  © Bystrup, T-Pylon

Img 37.  © AL_A & Arup, Pylon

Img 38.  Dietmar Koering, High pylons

Img 40.  © RTE Choi+Shine, Land of Giants

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PYLÔNES-LIEUX

Dans les années 1960, le paysagiste Jacques Simon avait déjà décelé le potentiel sculptural des pylônes. Dans la lignée de cette idée, différentes formes d’expérimentations traitent les pylônes individuellement comme des sculptures-lieux.

Img 41.  Jacques Simon, Ligne HT près de Lile, 1967

Img 43.  Ail Hwang, Hae-Ryan Jeong and Chung-Ki Park, Leuchturm, Hattingen, Allemagne, 2010

Img 42.  Rever & Drake Architects, Migrant Mast, Norvège, 2011

Img 44.  E l e n a - P a r o u c h e v a , Source, Amnéville, France, 2003

Certains pylônes apparaissent comme des figures abstraites sorties d’un film de science fiction. D’autres artistes privilégient le détournement du pylône conventionnel, et le transforment par petites touches. Un pylône dénué de sa fonction apparaît même comme une ruine, une colonne brisée, et change radicalement de statut.

Img 45.  Lucien Den Arend, Walburg Project, Zwijndrecht, Hollande, 1973

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02. La ligne et le grand paysage

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PERCEPTION DES PYLÔNES

En appréhendant la ligne électrique dans ce contexte, nous avons constaté que ce sont les pylônes qui ressortent le plus. Ponctuellement, ils créent des verticales dans le paysage. Ils atteignent une hauteur moyenne de 40 mètres et avec la modernisation, leur taille ne variera pas. La transparence des pylônes

en treillis risque cependant de diminuer car ils seront renforcés pour supporter la nouvelle ligne. De plus, puisqu’ils seront neufs, leur matériau plus brillant les rendra plus visibles.

Sur la coupe ci-dessous, nous voyons qu’un pylône paraît grand au regard de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Nous verrons par la suite la relativité de cette échelle par rapport au contexte dans lequel il se situe.

60m 40m 20m 0m AVANT 2 x 225 kV

40

APRÈS 1 x 400 kV

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Hauteur d’un pylône pour une ligne de 225 000 kV.


PERCEPTION DES LIGNES ÉLECTRIQUES PERCEPTION DES CÂBLES

Les câbles sont généralement peu perceptibles dans le paysage. Leur couleur change selon la lumière. Ils apparaissent blancs lorsque le soleil les éclaire directement, alors que dans un ciel moins lumineux, ils apparaissent noirs. Le faisceau des lignes se perçoit surtout lorsque nous sommes en-dessous. Autrement, ils ressortent peu par rapport à la richesse des paysages montagneux

la ligne blanche

qui les entoure. Lorsque nous nous rapprochons des lignes, la gêne occasionnée n’est pas tant visuelle que sonore avec des grésillements provenant de phénomènes électrotechniques de micro-décharges. Ces décharges sont dûes à des impuretés déposées sur les câbles, tels que des poussières ou de la graisse. Ces micro-décharges sont aussi favorisées dans les zones humides. En

l’absence de connaissances de leur provenance, ces grésillements peuvent provoquer une méfiance quant à leur caractère nocif pour notre santé. De ce fait, il pourrait être intéressant de mettre en place une pédagogie sur le fonctionnement des lignes auprès du public pour une compréhension plus juste de leurs effets sur les personnes.

la ligne noire

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mont de grange

La ligne a été un outil pour rentrer dans ce paysage autant dans notre arpentage sur le terrain que dans notre analyse. Grâce à sa transversalité, la ligne traverse une grande diversité de reliefs. De la Vallée de l’Arve au massif du Chablais les montagnes s’élèvent et l’urbanisation diminue. col de l’Écuelle

vallée de la Dranse d’Abondance

pointe de la Gay vallée de la dranse de Morzine pointe de Jottis pointe des Brasses vallée du Risse vallon du Foron

vallée de l’Arve

0

42

5km

coupe oues-est suivant le tracé de la ligne

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lac de Vallon

vallée du Malève


LA VALLÉE DE L’ARVE ET LE MASSIF DU CHABLAIS UNE GRANDE DIVERSITÉ DE PAYSAGES TRAVERSÉS

Vallée de l’Arve

Vallon du Foron à Viuz-en-Sallaz

Vallée du Risse

Lac du Vallon

Saint-Jean-d’Aulps

Col de l’Ecueille

Vallée du malève, lac des Plagnes

Mont de Grange

Chapelle d’Abondance

Cette série de croquis réalisée sur le territoire montre que le contexte est animé par de nombreux éléments (villages, lacs, rivière, monts, vallées). La ligne ne pertube pas la plupart de ces paysages. Dans le massif du Chablais, elle n’apparaît que très ponctuellement dans notre champ de vision, et seulement quand un recul suffisant se présente à nous. Tandis que dans la vallée de l’Arve, la ligne devient plus visible mais peut se fondre dans un paysage plus urbanisé.

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Le soleil se lève pour notre déjeuner sur les berges de l’Arve au niveau de Contamine-Sur-Arve. En longeant la rivière, nous croisons de nombreux promeneurs, pêcheurs et cyclistes. La ligne est imperceptible, mise à part au niveau de sa traversée. Sous les câbles, l’espace s’ouvre et des phragmites en profitent pour se propager autour d’un étang de pêche à coté duquel est implanté un cabanon. Nous nous rendons ensuite à Cornier, au carrefour de toutes les lignes électriques. Ensuite nous montons au panorama de la Chapelle-Rambaud à 951 m d’altitude. En descendant, nous parcourons le paysage vallonné que surplombent de multiples lignes électriques. Celles-ci passent au-dessus des prévergers, et des champs de maïs autour des villages et des hameaux. Pour notre dernière escale de la journée nous visitons La Roche-sur-Foron, ville tranquille et commerçante adossée au massif de la Roche Parnal. Extrait de notre compte-rendu de la première visite de terrain

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LA VALLÉE DE L’ARVE : UN CONTEXTE PÉRIURBAIN

La Vallée de l’Arve « est constituée de formations quaternaires (essentiellement dépôts du glacier de l’Arve) qui reposent sur de la Molasse »1. L’Arve prend sa source dans le Massif du Mont-Blanc dans les alpages du col de Balme (2191 m ), pour aller se jeter dans le Rhône en aval de Genève. C’est une vallée très urbanisée et industrielle avec notamment l’industrie du décolletage. Elle a été beaucoup exploitée, les traces de nombreuses gravières en témoignent encore aujourd’hui. C’est une vallée dont l’image a beaucoup souffert à cause de son exploitation et du fait que les gravières aient été rebouchées avec des déchets. A la fin du XVIIIe siècle, cette vallée était encore très tortueuse, elle avait de nombreux bras et était ouverte. Elle s’est progressivement enfrichée, puis des digues ont été érigées autour pour protéger ses riverains des inondations. L’exploitation des gravières a aussi transformé son lit, le rendant plus rectiligne et plus profond.

Nous avons étudié la portion de la vallée entre Annemasse et la Roche-sur-Foron, et plus particulièrement, entre la commune de Scientrier et Contamine-surArve, là ou passe la ligne. Cette rivière a été enclavée côté Ouest par l’autoroute A40 dans les années 1960. C’est une vallée plate, caractérisée par les monts qui l’entourent : côté Ouest, le mont Salève, et côté Est, le panorama sur les monts du Chablais, et les Alpes. Cette vallée fait partie de l’espace périurbain de Genève et de nombreux travailleurs frontaliers y résident. Cette proximité est visible à la structure urbaine des communes et à leur tissu urbain. Elle est traversée par beaucoup d’infrastructures électriques mais aussi routières, notamment la A40, dite l’autoroute blanche, qui dessert les grands massifs Alpins.

C3E-Conseil Expertises Études en Environnement. 2015.RTE reconstruction à 1 circuit 400 kV de la ligne aérienne existantes à 2 circuits 225 kV Cornier - Riddes - Saint-Triphon. Étude de Faisabilité. 1

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Les bords de l’Arve, Contamine-sur-Arve, végétation basse sous la ligne

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Les bords de l’Arve, Contamine-sur-Arve, espaces boisés

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Les bords de l’Arve, Contamine-sur-Arve, franchissement de la rivière


L’Arve à partir du château de Faucigny

L’Arve, vue du château de Faucigny

Scientrier et les massifs alpins en arrière plan

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«Aujourd’hui, après un détour auprès de l’Office de Tourisme d’Abondance, nous prenons la direction du Mont de Grange. Plus haut sommet du Chablais, il est traversé par notre ligne. Nous nous lançons donc dans notre première randonnée, le circuit de Trébentaz, 4h30 pour l’ascension des 750 mètres de dénivelé. Finalement nous y passerons la journée. Nous nous perdons entre les péssières et les alpages puis retrouvons notre chemin. Nombreux arrêts sont l’occasion de reprendre notre souffle, de faire des croquis ou de prendre des

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photos de notre site d’étude. On se familiarise peu à peu avec les montagnes ; on observe la ligne à très haute tension dans notre champ de vision au cours de la randonnée. Six lignes aériennes apparaissent et disparaissent dans le ciel en fonction de la lumière, puis les pylônes se dressent tantôt parmi les épicéas, tantôt en concurrence avec les monts. La ligne nous appelle d’en haut, puis on passe en dessous, et enfin on la domine une fois parvenus au sommet. À ce moment un silence nous absorbe. Paysages contrastés, nous sommes à la fois les pieds

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dans la boue parmi quelques graminées et entourés des pointes enneigées. Happés par la multitude de sommets à l’horizon, on en arrive à oublier la ligne. Le soleil descend, nous faisons de même. Sur le retour, on retrouve le cheptel sorti de traite accompagné de leur éleveur. La promenade achevée, nous nous rendons à l’épicerie d’Abondance avant sa fermeture pour goûter aux charcuteries locales et au fromage d’Abondance. Extrait de notre compte-rendu de la première visite de terrain


LE MASSIF DU CHABLAIS: UN MASSIF PRÉ-ALPIN

«C’est un massif formé de quatre nappes charriées venues du Piémont lors de la formation du massif alpin. Elles comprennent une grande proportion de roches tendres (flysch, complexe schisteux, calcaires marneux...) ce qui explique le relief relativement ouvert et les vallées larges du fait de la force de l’érosion régressive.»1 La ligne traverse le massif jusqu’à la vallée du Rhône, à la frontière Suisse, en amont du Lac Léman. Le massif culmine jusqu’à 2 432 m au niveau du Mont de Grange. Les rivières des vallées d’Abondance (la dranse d’Abondance), d’Aulps (la Dranse de Morzine) et du Brevon (le Brevon) se jète dans le Lac Léman. Nous pouvons diviser le massif en deux parties le long de la ligne : la partie basse qui est encore sous l’influence de Genève ; et la partie haute, d’Onnion jusqu’à Châtel, où règnent les dynamiques touristiques avec les sports d’hiver, et les randonnées l’été. Il y existe aussi de fortes dynamiques de préservations naturelles, car les activités touristiques exercent une pression sur les milieux naturels. Elles marquent aussi le paysage avec notamment les remontes-pentes qui, comme les lignes THT, tracent des tranchées dans les forêts sur les flancs des montagnes.

1 C3E-Conseil Expertises Etudes en Environnement. 2015.RTE reconstruction a 1 circuit 400 kV de la ligne aerienne existantes a 2 circuits 225 kV Cornier - Riddes - Saint-Triphon. Etude de Faisabilité.

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Panorama depuis la Chaîne d’Or

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Le Mont Ouzon depuis Bonnevaux

Vue en direction Le Biot

Pylône en haut du Mont de Grange

Vue vers la pointe du Clocher (1492m)

Flanc Nord du Mont de Grange

Le Mont de Grange depuis la vallée d’Abondance

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Un pylône sur le flanc Nord Mont de Grange

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PERCEPTION DE LA LIGNE DANS LE PAYSAGE LA LIGNE FACE À LA MONTAGNE

Le tracé de la ligne ne prend pas en compte la morphologie du massif, elle franchi des pentes très abruptes et des vallées sur des portées impressionnantes comme à Châtel.

Survol de la ligne à Châtel

Dans un massif de hautes montagnes, avec les rapports d’échelles, c’est la montagne qui gagne sur la ligne. Même si le pylône est perché sur le sommet d’un mont, la montagne est tellement haute, qu’elle ne gêne pas la perception des rapports de proportion, or, dans un relief collinéen, l’implantation d’un pylône en haut d’une colline, peut fortement perturber l’appréhension de la hauteur du mont.

Pylône perché au sommet du Mont de Grange à peine visible depuis le fond de vallon

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Les étages du massif du Chablais

chemins étage alpin étage subalpin étage montagnard étage collinéen vallée

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étage alpin (2300m +)

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étage subalpin (1700-2300m)

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étage montagnard (1500-1700m)

5km

étage collinéen (700-1500m)


L’analyse de la ligne dans les montagnes, nous a mené à répartir le Massif du Chablais en quatre étages : l’étage collinéen (700-1500 m), l’étage montagnard (1500-1700 m), l’étage subalpin (1700-2300 m), et l’étage alpin (2300 m et plus). La perception de la ligne change selon l’étage dans lequel elle se trouve, et l’étage depuis laquelle on la regarde. C’est dans l’étage collinéen que la ligne apparaît comme la plus présente. Les pylônes ont tendance à écraser les vallonnements par leur verticalité. Implantés entre les pâturages, soit des espaces ouverts, ils ressortent davantage que sur un fond boisé. Mais, il s’agit aussi de la strate la plus habitée de la montagne. De ce fait, même si la ligne est peut-être plus prégnante visuellement, il s’agit d’un paysage plus anthropisé, il est donc moins étonnant d’y voir la ligne. L’étage montagnard est caractérisé par la présence de forêts de feuillus. Les pylônes ont tendance à disparaître s’ils sont positionnés devant un boisement, mais, ils apparaissent très clairement lorsqu’ils sont insérés dans une tranchée. L’étage subalpin est caractérisé par les forêts de conifères. A partir de cette altitude, la ligne apparaît ponctuellement, lorsque un chemin de randonnée passe

à proximité ou en-dessous. Mais l’immersion dans le contexte montagneux beaucoup plus vaste peut faire oublier la ligne ou la présence de pylônes qui eux, face à la montagne, apparaissent comme anecdotiques. Les montagnes écrasent la ligne à haute tension visuellement par leur hauteur et leur étendue. L’étage alpin présente des prairies dénuées d’arbres. Lors de randonnées, il peut paraître étonnant de rencontrer un pylône dans ce milieu naturel. Un des pylône est implanté à cet étage, sur le flanc nord du Mont de Grange. Cependant le chemin passe bien au-dessus du pylône qui n’apparaît pas de manière flagrante. Ici, ce sont les câbles qui sont plus perceptibles avec leur portée très importante au-dessus des vallées. Mais de manière générale la présence de la ligne peut être relativisée, étant donné l’ampleur du panorama qui la surplombe.

le pylône sur le flanc du Mont de Grange

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routes vallée étroite vallée large vallée plate 0

5km

Les diffénts types de vallées dans le massif du Chablais

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LA LIGNE DANS LES VALLÉES

La montagne s’appréhende d’abord par ses vallées : c’est là que se trouvent les routes les plus fréquentées et il s’agit des espaces les plus urbanisés. Dans le massif du Chablais, la ligne a plus généralement tendance à survoler les vallées qu’à les traverser. Ainsi, la perception de la ligne varie en fonction du type de vallée traversée.

Vallée étroite

Nous avons observé trois types de vallées sur le site : les vallées étroites (vallée de la Dranse de Morzine), les vallées larges (vallée d’Abondance) et les vallées plates (vallée de l’Arve). © 2015 Google © 2015 Google

Vallée de la Dranse de Morzine

Vallée plate

Vallée large

© 2009 GeoBasis-DE/BKG © 2009 2015 GeoBasis-DE/BKG Google © © 2015 Google

Vallée d’Abondance

© 2015 Google © 2015 Google

Vallée de l’Arve

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La ligne au-dessus du Lac du Vallon

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Il est courant que la vallée soit survolée par la ligne lorsqu’elle est étroite. La ligne est alors à peine perceptible, puisque la route est très encaissée et surplombée par des monts très hauts. Il faut vraiment chercher la ligne pour la voir. Parfois, en levant les yeux, nous apercevons les câbles qui survolent la vallée pour relier les pylônes d’un sommet à un autre.

Survol de la ligne dans une vallée étroite

La ligne dans une vallée large

La perception est très différente dans les vallées larges, où l’espace de recul est suffisant pour voir les câbles suspendus qui se détachent plus ou moins sur le ciel, selon la lumière. Par ailleurs la ligne n’est pas toujours en surplomb mais elle passe sur les flancs de la montagne avec ses pylônes. Ce type de situation donne souvent naissance à des tranchées dans les forêts, ce qui la rend encore plus perceptible. Mais, puisque les vallées larges sont les vallées touristiques pour les sports d’hiver qui accompagnent les hautes montagnes, les lignes peuvent se fondre parmi les tranchées des remontes pentes.

Sur les rives d’une vallée plate la perception de la ligne dépend de la distance à laquelle on se trouve. La présence d’un pylône est atténuée à proximité d’un boisement. Le franchissement de l’Arve par la ligne est quasiment imperceptible depuis son lit majeur. La ligne dans une vallée plate

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LA LIGNE ET LES BOISEMENTS

Le passage de la ligne induit une coupe franche de la végétation qu’elle surplombe lors de son installation. Conscients de l’image traumatisante véhiculée par le défrichement des arbres, il nous semble important de rappeler les qualités paysagères et environnementales des espaces ouverts. L’ONF travaille en ce moment à la sensibilisation de la population quant à la gestion des forêts. Il nous paraît intéressant d’accompagner cette démarche, d’autant plus dans un contexte montagneux dont la dynamique tend à la fermeture des paysages. L’éclaircissement, voire l’ouverture des bois peut être favorable au développement de la biodiversité. Le passage de la ligne présente l’occasion de requestionner la gestion de ces espaces et invite à une harmonisation entre les parcelles privées.

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tranchée actuelle

tranchée élargie après modernisation

Les tranchées sont très visibles dans le paysage, surtout lorsque le sol est enneigé. Pour atténuer l’effet des tranchées, le défrichement de boisements à d’autres endroits font de l’ouverture un motif et non plus une exception.

La tranchée élargie après modernisation sera plus visible que la tranchée actuelle car elle sera plus large. Les mêmes préconisations sont à prendre en compte pour la tranchée élargie que pour la tranchée actuelle.


ouverture d’un coté, création d’une lisière

ouverture transversale à la ligne

L’insertion d’une ligne en bordure de boisement est intéressante car elle permet de valoriser la lisière du bois. C’est aussi une façon de travailler les différentes strates de la lisière, afin d’en faire un lieu hospitalier pour la biodiversité et pour le gibier.

Des ouvertures transversales à la ligne peuvent être intéressantes, car elles atténuent l’effet de couloir de la ligne, par la multiplication des ouvertures.

éclaircie, bosquets épars

ouverture complète

En éclaircissant le bois de façon à créer des bosquets épars, l’effet tranchée est complétement supprimé.

Une ouverture complète est intéressante autour de la ligne. En milieu plat, une ligne crée des verticales qui viennent rythmer le paysage. Sur les flancs des montagnes, l’ouverture complète permettrait de valoriser un milieu ouvert maintenu par le pâturage.

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Chemin et focalisation orientés vers le pylône

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Chemin et focalisation orientés vers le grand paysage


LA LIGNE ET LES CHEMINS

La perception de la ligne varie selon d’où on la regarde, d’où l’importance de penser l’orientation des chemins et des routes. Ces trois schémas expliquent la différence de perception d’un pylône selon l’orientation du chemin. La ligne est perçue dans une composition de paysage à partir d’un point précis. Le pylône aura une plus ou moins grande prégnance dans le paysage selon qu’il est situé au niveau du point focal d’une composition ou s’il est sur le côté et que l’oeil se concentre sur d’autres éléments du paysage. Chemin dévié bordé d’un boisement focalisation sur le premier plan

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touri s me naturelles érosion

érosione n

pression urbaine étalement urbain

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érosion

préservation espaces naturels

préservation espaces naturels

valorisation zone humide

déprises terres agricoles

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p r é s e rvat i o n e s pac e s n at u r e l s

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5km

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Trois grandes séquences de dynamiques le long de la ligne


LA LIGNE FACE AUX ENJEUX TERRITORIAUX

L’analyse précédente a permis d’approfondir les phénomènes de perception visuelle de la ligne dans le paysage. Cependant, cela ne suffit pas pour comprendre la perception que peuvent entretenir les habitants et usagers de ce territoire avec la ligne. En effet, l’étude des enjeux paysagers de la ligne dans ce contexte nous a montré qu’ils sont le résultat de dynamiques plus profondes qui touchent davantage au fonctionnement du territoire. Nous avons donc relevé l’ensemble de ces enjeux que nous avons répartis en trois zones géographiques distinctes le long de la ligne : la Vallée de l’Arve, le Bas-Chablais, et le Haut-Chablais. La Vallée de l’Arve est surtout soumise à la pression urbaine. En effet, elle reçoit les frontaliers qui travaillent à Genève, et qui cherchent un logement moins cher du côté français. La pression urbaine entraîne donc l’étalement urbain : on voit s’étendre de nombreux lotissements et résidences, au détriment des terres agricoles. En réaction à cette dynamique, un regain d’intérêt est porté vers la vallée de l’Arve, et surtout ses rives, où la valorisation des zones humides constitue un objectif dans les politiques d’aménagement du territoire. La Bas-Chablais est soumis à des enjeux de préservation de ses espaces naturels, et à une lutte contre les phénomènes d’érosion du sol. Le Haut-Chablais est à la fois soumis à des dynamiques naturelles mais aussi, et surtout touristiques. C’est là que se trouvent les stations de sports d’hiver, qui voient leur population doubler dans les saisons d’hiver et d’été. Le tourisme amène donc de l’urbanisation, quitte à ce que les stations soient à moitié vides hors saison.

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Cette analyse de la ligne dans le grand paysage, nous a montré que la perception de la ligne varie beaucoup en fonction du contexte géomorphologique qu’elle traverse. Il nous semble important de revenir sur les termes d’«intégration» et d’«impact» avant de présenter nos projets. Nous prenons le parti de dire que la ligne fait partie du paysage. Dans ce contexte, la ligne n’apparaît jamais comme une ligne, elle fait toujours partie d’une composition. Le fait qu’elle soit visible n’est pas un problème, mais il est important d’étudier sa place au sein de la composition et son rapport aux autres composantes du paysage ; au niveau du rapport d’échelle, de la matérialité des éléments. Les usages et la manière de vivre dans chacun des lieux est une donnée essentielle à mettre en relation avec la présence de la ligne. De ce fait, nous estimons qu’il n’est pas pertinent de parler d’ «intégration », de « camouflage » ou d’ « impact », ces termes ont une connotation négative, qui dès le début de l’analyse diabolisent la ligne et partent du principe qu’elle ne peut avoir que des effets négatifs

sur le paysage. Nous préférons plutôt parler de relation entre les éléments qui composent le territoire, dont la ligne fait partie. Par ailleurs, comme nous l’avons montré au début de cette plaquette un changement de regard peut s’opérer sur des éléments non acceptés par le travail de leur représentation. Cette première étude nous a permis d’établir plusieurs critères pour analyser l’inscription de la ligne dans le paysage : - le rapport d’échelle entre la ligne et le paysage dans lequel elle est inscrite - sa position dans la hiérarchie des plans d’une scène - la proximité aux habitations et la visibilité depuis les habitations - l’inscription du pylône dans la topographie - le rapport du pylône à la végétation Ces critères nous ont permis de mettre en place nos projets, de tester les différents scénarios proposés par RTE et d’en proposer de nouveaux. Nous prenons la ligne comme occasion de projet de paysage.

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03. La ligne comme occasion de projet : deux cas d’études


DES SITES DANS L’AIRE D’INFLUENCE DE GENÈVE

Les deux sites choisis sont les communes de Scientrier dans la Vallée de l’Arve, et Viuz-en-Sallaz, dans le Bas-Chablais. Ces communes ont été choisies car c’est là qu’il y a le plus de surplomb au niveau de la ligne. Suite à l’engagement de RTE auprès de l’état, ils s’engagent à déplacer la ligne pour éviter les situations où la ligne 400 000V surplombe des logements. Ce sont deux communes dans l’aire d’influence de Genève, mais qui ont des situations géomorphologiques très différentes. Viuz-en-Sallaz se situe à la porte d’entrée du Chablais. Il s’agit ici d’une vallée large. L’urbanisation s’est surtout développée sur les flancs. Les flancs sont occupés par des forêts d’épicéas et du pâturage, alors que la vallée est peuplée d’un mélange de feuillus et de conifères. Même si beaucoup de pavillons se sont construits, le caractère pittoresque de ce paysage est encore préservé.

Scientrier se situe entre deux zones naturelles : la plaine des Rocailles à l’Ouest et la vallée de l’Arve à l’Est. C’est un paysage très plat, avec des plans éloignés de montagnes à l’horizon. La commune est caractérisée par les panoramas sur le Salève, le massif du Chablais et des Alpes. C’est une commune périurbaine, mais qui réussis encore à préserver une ouverture agricole au Nord, de cultures de céréales. Viuz-en-Sallaz se situe à la porte d’entrée du Chablais. Il s’agit ici d’une vallée large. L’urbanisation s’est surtout développée sur les flancs. Les flancs sont occupés par des forêts d’épicéas et du pâturage, alors que la vallée est peuplée d’un mélange de feuillus et de conifères. Même si beaucoup de pavillons se sont construits, le caractère pittoresque de ce paysage est encore préservé. ligne THT espace urbain espace naturel ouvert agriculture masse boisée

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GENĂˆVE Annemasse

Contamine-sur-Arve

Viuz-en-Sallaz

Scientrier

Bonneville la Roche-sur-Foron

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5km

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1. VIUZ-EN-SALLAZ : LA LIGNE INITIE UN PROJET LOCAL


VALLON DU FORON

VIUZ-EN-SALLAZ

MONT DE VOUAN BUCQUIGNY BOISINGES

ligne HT

POINTE DES BRASSES


UN PAYSAGE PITTORESQUE SOUMIS À LA PRESSION URBAINE La ligne et la déclinaison de ses tracés servent de prisme d'entrée dans la commune de Viuz-en-Sallaz, notre premier site à l'étude. Nous partons des différents scénarios proposés dans l'étude de faisabilité sans apriori sur le sens que la ligne doit avoir. Ainsi, chacun de ces scénarios est analysé avec les situations qu'ils induisent entre la ligne et son environnement. Le premier présente un changement de pylône en lieu et place, le deuxième propose un léger décalage du tracé entre deux hameaux, et le dernier envisage une déviation beaucoup plus franche en fond de vallée. Ce dernier scénario nous intéresse particulièrement car nous y supposons rapidement des potentialités pour impulser un projet local. Il est donc approfondi plus en détail et mis en perspective à l'échelle de la commune.

Carte des enjeux de Viuz-en-Sallaz extension urbaine fermeture du vallon du Foron

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SCÉNARIO 1 : CHANGEMENT DE PYLÔNES EN LIEU ET PLACE

Mont de Vouan

Les Brasses Sevraz

Boisinges Viuz-en-Sallaz Bucquigny

Tattes ligne THT actuelle

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5km

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Le premier scénario propose de réduire la nappe des lignes existantes en installant des pylônes monopodes. Du fait de l’engagement de RTE pour le non-surplomb au-dessus des habitations, la reconstruction de la ligne en lieu et place est un scénario peu probable d’être retenu. Depuis le versant Est du Mont de Vouan, la vue vers le village de Viuz-en-Sallaz s’organise en une succession de plans, avec d’abord au premier plan la cime des arbres du vallon du Foron, puis le village avec le clocher de son église et enfin, les versants des montagnes qui cadrent ce paysage pittoresque. Les pylônes actuels sur le Mont de Vouan entrent en confrontation avec la composition des plans, surtout depuis les habitations du hameau de Sevraz et la route qui relie Sevraz à Bucquigny. Un pylône monopode a certes moins d’emprise au sol mais son aspect opaque est beaucoup trop prégnant, comme une barre blanche au milieu des massifs. Pylône à Boisinges

De même, ces pylônes, implantés sur la ligne de plus grande pente du Mont de Vouan, se détachent dans le ciel depuis le versant Ouest des Brasses. Les monopodes, contrairement au trellis des pylônes actuels, enlèveraient l’effet de transparence avec le ciel et feraient ressortir davantage l’ouvrage et écraseraient encore plus le mont et les habitations. Les pylônes monopodes proposés dans l’étude ne semblent donc pas être non plus un choix judicieux du point de vue paysager dans ce contexte montagnard et pittoresque. Les pylônes du flanc du mont de Vouan depuis Viuz-en-Sallaz

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SCÉNARIO 2 : UN LÉGER DÉCALAGE POUR UNE SOLUTION À COURT-TERME

Mont de Vouan

Les Brasses Sevraz

Boisinges Viuz-en-Sallaz Bucquigny

Tattes ligne THT actuelle déviation

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5km

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Un futur pylône au fond d’un verger Un futur pylône dans une prairie cadré par des haies

Un pylône derrière un boisement

Ce futur pylône, situé devant un boisement, et sur le côté par rapport au point focal de ce paysage depuis la route, établi une composition harmonieuse

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Le deuxième scénario envisagé est une légère déviation de la ligne dans l’étroite trouée entre Boisinges et les Granges. Actuellement, un permis de construire pour quatre villas est déjà accordé sur une des parcelles du futur passage de la ligne. Si ce scénario est retenu, RTE envisage d’acheter la parcelle concernée. Il souhaite « un aménagement naturel sous le couloir de la ligne permettant de mieux faire accepter l’ouvrage ».

Si Boisinges s’urbanisait...

Il nous semble aussi intéressant de maintenir cette respiration entre les deux hameaux. Mais quel rôle, quels usages pourrait avoir cet espace naturel ? Se distinguerait-il des prairies existantes ? Un sentier pourrait relier Boisinges au Bois du Chaubont en longeant un cours d’eau. Mais nous nous interrogeons sur la pertinence de l’argument de la création d’un espace naturel à cette échelle étant donné ceux qui sont déjà présents et d’une autre envergure à proximité. Dans les deux variantes présentées par RTE, les pylônes sont placés sur des parcelles délimitées par des haies dans le sens de la pente du terrain. Ces haies réduisent le champ de vision et les pylônes apparaîtraient plus grands que ce qu’ils ne sont réellement. Il sera important de placer judicieusement les pylônes afin qu’il ne se positionnent pas au milieu des prairies.

... ou si le hameau préservait son espace ouvert par la déviation de la ligne THT.

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La faisabilité de ce scénario n’est pas certaine en raison des permis de construire accordés, et qu’il reste utile d’étudier une troisième possibilité.


Boisinge

D1

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Bois de Chaubon

emprise des habitations et jardins

parcellaire routes haie

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SCÉNARIO 3 : DÉVIATION DU TRACÉ DANS LE VALLON DU FORON

MONT DE VOUAN

Boisinges Viuz-en-Sallaz Bucquigny

ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

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500m


Les pylônes situés sur les flancs se détachent de manière très nette sur le ciel ou bien sur la neige à partir de certains point de vue. Il s’avère que le flanc sud du Mont de Vouan est très habité, les pylônes se trouvent très proches des habitations. Un dernier scénario propose une déviation franche de la ligne dans le vallon du Foron, ce qui nous paraît une option intéressante à explorer. Cela permettrait au tracé d’accompagner le relief, sans perturber la composition pittoresque depuis les flancs. Le vallon du Foron n’est actuellement pas valorisé sur cette commune. Déplacer la ligne à son niveau présenterait l’occasion d’agir dessus pour mieux l’intégrer à la commune. Nous avons effectué une visite de terrain pour apprécier les éléments qui caractérisent ce vallon à l’aspect homogène vu de l’extérieur.

De haut en bas : Un cadrage pittoresque sur le village de Viuz-en-Sallaz et son église avec les profils des monts au loin. Le versant Est du mont de Vouan vu depuis les Brasses. Le versant Ouest des Brasses vu depuis le mont de Vouan.

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LE VALLON ENCAISSÉ

ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

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500m


La première séquence est le vallon encaissé. Le relief connaît un dénivelé de plus de trente mètres sur cent mètres. Le vallon présente une ambiance insoupçonnée de l’extérieur, où règne le calme. Le Foron y coule gaiement entre les futaies de hêtres et d’épicéas. Le feuillage roux des hêtres, la mousse verte sur les troncs, le blanc des neiges et la couleur bleu-clair de

l’eau s’accordent de concert et produisent une atmosphère charmante. Le vallon encaissé offre un lieu de balade proche des habitations. Durant notre visite, nous avons pu croiser quelques promeneurs malgré un temps de grand froid. Il accueille aussi de nombreux animaux, comme

l’indiquent les empreintes dans la neige. Le tracé envisagé traverserait le milieu de cet espace et conduirait à la perte de qualités paysagère, sociale et écologique de ce lieu.

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LE RUBAN DÉLAISSÉ

ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

0

86

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500m


Dans la continuité du vallon encaissé, le boisement s’amenuise pour former un ruban délaissé plus au Sud. Les arbres semblent laissés à l’abondon, on y trouve beaucoup de sujets hygrophiles tels que des bouleaux, des aulnes et des frênes dépérissants. Le cours d’eau à cet endroit est franchi par la route

de Boisinges, elle relie le hameau de Boinsinges à Viuz-en-Sallaz et marque une entrée de ce dernier. Les rives du Foron sont souvent colonisées par les renouées du Japon, obstruant l’accès à l’eau. Le passage de ligne pourrait être une opportunité pour une meilleure gestion végétale de cet espace et réinscrire le cours d’eau à l’entrée de Viuz-en-Sallaz. RTE - Interconnexion France-Suisse

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ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

LE BOIS HUMIDE

0

88

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500m


A l’Ouest du ruban délaissé, l’épaisseur du boisement redevient conséquente. C’est un boisement qui montre beaucoup de qualités, avec un sous-bois d’épicéas dense et des clairières de prêles qui créent une atmosphère presque mystique. Mais, il est peu géré : ce boisement d’épicéas aurait besoin d’un éclaircissement, beaucoup d’arbres sont tombés. Cette an-

cienne futaie s’est petit à petit enfrichée par manque de gestion. Le passage de la ligne ici serait l’occasion de revaloriser ce boisement, en gérant mieux la végétation et en mettant en valeur les multiples plages produites par les boucles du Foron, qui sont actuellement fermées par la présence de renouées du Japon et de ronces, qui rendent difficile l’accès à l’eau. RTE - Interconnexion France-Suisse

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ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

0

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500m


L’arpentage du vallon suivi de la caractérisation de ses différentes séquences nous ont confirmé nos premières intuitions en démontrant les potentialités de cette entité naturelle au sein de la commune. Des ambiances intéressantes peuvent effectivement être valorisées et rendues accessibles aux riverains. D’autres espaces présentent des fragilités et attendent d’être réanimés pour s’intégrer dans une gestion harmonieuse de l’ensemble du vallon. Loin d’une étude d’impact, nous préférons plutôt explorer les manières de mettre à profit les moyens financiers et techniques de RTE afin de revaloriser le vallon du Foron, lui donner un sens et des usages dans la commune de Viuz-en-Sallaz. Nous avons réajusté le tracé proposé, en décalant certains pylônes, pour qu’il réponde à nos intentions quant à la gestion du vallon. Le tracé modifié induit ainsi des boisements à préserver, d’autres à ouvrir ou bien encore à requalifier.

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SCÉNARIO ALTERNATIF LA LIGNE THT COMME OUTIL DE REVALORISATION DU VALLON DU FORON

ligne THT futaie de hêtres et d’épicéas berge boisée rives enfrichées conifères talus plantés

0

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500m


Si le vallon du Foron présente actuellement un milieu fermé, la ligne déviée permet de repenser la gestion de ces boisements en intéragissant avec et en générant des espaces plus diversifiés.Nous proposons ainsi une esquisse où la ligne se cache tantôt devant les boisements, tantôt elle passe à travers en dégageant des espaces autour de la rivière. Le dessin de ces espaces est guidé par la relation que les habitants entretiennent ou pourraient entretenir à l'avenir avec le vallon. La valorisation des usages autour du cours d'eau ne dispense pas de favoriser les qualités environnementales des différents milieux. La ligne est ainsi déviée afin de répondre à des enjeux plus globaux qui touchent la commune et permet d'entreprendre rapidement des actions à grande échelle.

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PRÉSERVATION DU VALLON ENCAISSÉ ET GESTION DE SA LISIÈRE

projet RTE

déboisement

alternative proposée

0

94

50m

Afin de préserver les boisements du vallon encaissé, nous proposons de décaler le tracé vers la lisière sud.

peut être pensée pour renforcer les haies intercalaires existantes.

C’est une opportunité pour retravailler cette portion du boisement. On pourrait imaginer l’instauration de pâturage sous la ligne, comme c’est déjà le cas sous la ligne existante. Aussi, une mesure compensatoire

Avec le relief du terrain, le pylône à cet endroit serait encaissé. Il n’entre plus en conflit avec la composition pittoresque de la vue vers Viuz-en-Sallaz. Il s’intègre avec le fond boisé et seule sa tête ressort de la cime des arbres.

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nouveau pylône


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OUVERTURE DU RUBAN À L’ENTRÉE DE VIUZ-EN-SALLAZ

projet RTE

déboisement

alternative proposée

0

Au niveau du ruban délaissé, la ligne continue à frôler la lisière ouest du boisement. Mais ici, une action parallèle peut être menée pour une ouverture du boisement dépérissant afin d’apporter de la lumière le long du cours d’eau et d’aménager un sentier.

96

50m

Un nouveau pylône près de la route de Boisinges est nécessaire pour le nouveau tracé. L’idée est non pas de dissimuler le pylône mais au contraire de faire de lui un point de repère à l’entrée de Viuz-en-Sallaz avec un design plus sophistiqué, en s’assurant également que le pylône ne soit pas positionné en face des fenêtres de la maison la plus proche à l’ouest.

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Une replantation des arbres de façon clairsemée au niveau du franchissement peut donner une vue plus lointaine vers la Pointe des Brasses et le Môle. Le pylône et les arbres participeraient de concert à la requalification de l’entrée de Viuz-en-Sallaz.


Un pylône qui fait lieu à l’entrée de Viuz-en-Sallaz

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UNE PROMENADE LE LONG DU FORON

projet RTE

stade

alternative proposée

stade

0

Du coté sud du pont, la proximité du complexe sportif au cours d’eau est propice pour reconnecter les équipements et les habitants au vallon en aménageant un lieu de promenade et de rencontres.

98

50m

Aujourd’hui dénué d’usages, un généreux espace ouvert peut être conçu pour accueillir les habitants, en requalifiant le bord est du Foron et en investissant le talus qui entoure le stade. Le nouveau tracé serait de l’autre côté du cours d’eau à plus de cent mètres de cet espace récréatif.

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AmÊnagement d’une promenade en bord de Foron

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DES PLAGES DANS LE BOIS

projet RTE

déboisement

alternative proposée

0

Dans le bois humide du Chaubon, les rives du Foron aujourd’hui enfrichées et envahies pourraient d’être retraitées grâce au futur passage de la ligne. Des ouvertures notamment aux endrois où l’eau dessine des coudes participeraient à la réappropriation de l’eau par les habitants et faire émerger de nouveaux usages dans le bois. 100

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50m


Une plage au milieu des bois

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101


MON BUREAU DEVANT LES VACHES

projet RTE

zone d’activité déboisement

alternative proposée pâturage

0

Plus loin dans le bois, nous proposons une ouverture plus large et franche au sud du Foron. D’une part, l’ampleur de l’espace ouvert fait que la ligne ne serait plus associée à une tranchée dans la masse arborée. D’autre part, cet espace donnerait un rapport plus direct entre la zone d’activité des Tattes et le Foron. 102

50m

Ainsi, les travailleurs de la zone d’activité auraient vue sur les bois au lointain, avec au premier plan, un pâturage de vaches qui viendraient entretenir cet espace ouvert, en bord de Foron.

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zone d’activité


Vue sur le pâturage à partir de la zone d’activitée

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Viuz-en-Sallaz avec la ligne THT sui passe dans le vallon

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La déviation du tracé dans le vallon apparaît indéniablement comme le scénario le plus ambitieux à mettre en place pour RTE. Mais il présente, selon nous, l’opportunité d’élargir le champ d’action de RTE et de rompre avec l’image habituelle des lignes à très haute tension. En séquençant le tracé, on vient contrarier le passage linéaire et uniforme de la ligne qui se résume généralement au défrichage sous la ligne, quelque soit son emplacement. En entrant en relation avec son environnement immédiat, la ligne peut générer dans un faisceau élargi aussi bien des espaces récréatifs de promenade, que naturels. Pour éviter une intervention systématique, ce projet nécessiterait de mutualiser les moyens avec les gestionnaires forestiers actuels.

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1I. SCIENTRIER : LA LIGNE ACCOMPAGNE UN PROJET DE TERRITOIRE


SCIENTRIER, UNE COMMUNE À RE-STRUCTURER UNE COMMUNE PAS COMMUNE

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La ligne surplombant la zone artisanale

les bords de l’Arve

La plaine des Rocailles

Croisement de la D19 et de la D903 et les massifs alpins à l’horizon

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Lors de notre visite de terrain, la commune de Scientrier nous a paru très complexe et difficile à saisir. Implantée dans la vallée de l’Arve, la commune jouit de vues imprenables vers les monts lointains du Chablais et des Alpes, qui font figure de sentinelles. Elle cotoie aussi deux espaces naturels importants ­– les bords de l’Arve et la Plaine des Rocailles – avec lesquels elle a pourtant peu de relations à l’heure actuelle. Pylône au centre du chef-lieu de Scientrier

L’urbanisation de Scientrier est dispersée, avec un semblant de centre qui s’est installé sous la ligne THT dans les années 1990. Celle-ci traverse la commune en son centre, sur une distance de 3,4 km. Elle participe au caractère étrange de cette commune pas commune sans en être la seule cause.

Situation des surplomb d’habitations dans le chef-lieu

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UNE PRESSION URBAINE À ANTICIPER

Scientrier + 4,7%

SUISSE CC Arve et Salève

Solde naturel +1 %

Haute-Savoie

FRANCE

France

Genève

Annemasse

Solde migratoire 3,7% 969 hab +4,7%

657 hab

2010

1990

Une démographie en forte croissance 44%

Scientrier

12%

Suisse

34 %

44 %

Scientrier

20 %

12 %

Autre en France 46 %

44 %

44%

1990

Img 46.  Sources Insee

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Solde migratoire657 hab +3,7 %

Solde naturel 1%

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Lieux de travail des scientriens

2010

Solde naturel 1%


Scientrier fait partie des communes rattachées au Grand Genève. La ville suisse attire de plus en plus de travailleurs, mais les prix élevés de la ville font que ces derniers s’installent de plus en plus loin de son centre, côté Français, là où les loyers sont moins chers. Près de la moitié de Scientriens travaillent à Genève. Ils participent avec les communes voisines à cette transhumance journalière. Les routes qui traversent Scientrier ( A40, A41, D19 et D903) sont très empruntées et participent à cette image d’une commune dortoir et périurbaine. Le solde migratoire augmente à Scientrier et laisse à présager une pression urbaine de plus en plus importante dans les années à venir. Ainsi, la commune va être amenée à se transformer.

Carte des enjeux à Scientrier extension urbaine

coupure avec les espaces naturels

fermeture des bords de l’Arve

forte fréquentation

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111


DÉMARCHE : LA LIGNE ACCOMPAGNE L’ÉVOLUTION DU TERRITOIRE UN PROJET DE PAYSAGE COMMUN ENTRE RTE ET SCIENTRIER

Pour Scientrier, où la pression urbaine est plus imminente et une restructuration spatiale plus nécessaire qu’à Viuz-en-Sallaz, il nous a paru primordial de penser en concomittance à l’évolution de ce territoire et le changement de tracé de la ligne électrique. Sans un travail de planification territoriale en amont, le nouveau tracé serait difficilement pertinent. Pire, il pourrait entrer en conflit avec le futur développement de la commune. RTE a aussi formulé ce souhait de travailler avec la commune, où son action pourrait être au bénéfice d’une restructuration de ce territoire. Une coopération entre les acteurs s’avère nécessaire. La commune de Scientrier, la Communauté de Communes Arve et Salève puis le Grand Genève, mènent parallèlement des réflexions sur la planification du territoire. Nous avons ainsi souhaité dans un premier temps saisir les orientations de cette évolution future, pour ensuite mieux voir le rôle que RTE pourrait y jouer.

1. Projet de territoire

Comment le changement du tracé de la ligne électrique pourrait-il accompagner le développement territorial ? Plutôt que de seulement corriger le problème de surplomb, le nouveau tracé de la ligne est pensé parallèlement au projet de la commune. Par son positionnement, la ligne pourrait appuyer voire infléchir les nouvelles orientations de la commune.

2. Intégration de la ligne dans le projet de territoire

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TROIS ÉCHELLES DE PROJET

Le site de Scientrier nous invite à intégrer trois échelles de projet à notre réflexion. Il s’agit de celle du grand paysage abordée via le rapport à l’horizon qu’entretient Scientrier avec les monts alentours. Quelle figure pourrait avoir la ligne THT qui traverse Scientrier et qui part en direction du massif du Chablais ? L’échelle de la charpente paysagère de la commune : les lignes électriques sont pensées parallèlement aux autres infrastructures routières et naturelles pour une restructuration de la commune. Enfin, le cadre de vie immédiat est questionné à travers le choix de l’emplacement des pylônes, et le rapport qu’ils peuvent entretenir à l’habitat. Il s’agit également de réfléchir aux usages des habitants de Scientrier et à leur manière de parcourir la commune.

La ligne THT traversant Scientrier, au-dessus des habitations du chef-lieu et se dirigeant vers le massif du Chablais

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ANALYSE DE LA FORMATION DU TERRITOIRE UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE En 1866, les bras de l’Arve sont plus nombreux et En 1952, le territoire est nettement plus boisé autant moins boisés qu’aujourd’hui. Quelques hameaux autour de la vallée qu’au sein des prairies avec le sont répartis de part et d’autre de la vallée. Le croi- développement de haies. Les hameaux se densifient. sement des deux routes (futures D903 et D19), structurent la commune et la relie aux communes voisines.

En 1973, le tronçon de l’autoroute A40 crée une coupure franche entre Scientrier et la vallée de l’Arve. Transversalement, la ligne THT est édifiée en 1955.

0 A4

Contamine-sur-Arve

Contamine-sur-Arve

Contamine-sur-Arve PLAINE DE ROCAILLES

PLAINE DE ROCAILLES PLAINE DE ROCAILLES vieux bourg

VALLÉE DE L’ARVE

VALLÉE DE L’ARVE

1866

0

114

vieux bourg

vieux bourg

1km

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VALLÉE DE L’ARVE

1952

1973


En1993 apparaît l’autoroute A410, perpendiculaire à la précédente, accompagnée d’un échangeur aux dimensions conséquentes. Parallèmenent on constate la création d’un nouveau chef-lieu sous la ligne THT au centre de la commune et le développement de la zone artisanale acollé à la Plaine de Rocailles.

0 A4

0 A4

Contamine-sur-Arve

Contamine-sur-Arve

chef lieu PLAINE DE ROCAILLES zone artisanale 10

routes

chef-lieu PLAINE DE ROCAILLES zone

vieux bourg

artisanale VALLÉE DE L’ARVE 10

A4

ligne THT existante boisements vieux bourg

cours d’eau

VALLÉE DE L’ARVE

A4

1993

urbanisation

2014

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115


UNE COMMUNE DISPERSÉE ET ISOLÉE DE SES ESPACES NATURELS

urbanisation

masses boisés 0

1km

Un habitat diffus

116

APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie

Le fruit de cette évolution au fil du temps confère aujourd’hui à Scientrier un tissu urbain particulièrement diffus et confus. De la même manière, les masses boisées entre les prairies et autour de la commune présentent ce caractère diffus. Les anciens hameaux poursuivent leur étalement, au point où il est difficile de discerner le centre de la commune. En anticipant le développement futur de la commune il nous paraît important de pallier à la confusion de sa structure actuelle.


urbanisation

routes

0

1km

Les infrastructures routières et naturelles n’intéragissent pas avec les espaces habités de Scientrier. Des espaces boisés cernent la commune et apparaissent comme des coupures, alors qu’ils pourraient devenir des espaces de transition avec les communes voisines. Par ailleurs, les milieux qu’ils recouvrent, actuellement camoufflés, mériteraient d’être davantage valorisés à proximité de la commune. L’autoroute A 40 renforce l’effet d’enclavement de la vallée de l’Arve. À l’ouest, la zone artisanale acollée à la plaine des Rocailles participe à l’isolement de cet espace naturel par rapport à la commune.

Des espaces naturels enclavés

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117


DES LEVIERS POUR RESTRUCTURER LA COMMUNE DE SCIENTRIER

La ligne entre la vallée de l’Arve et la Plaine de Rocailles

Structurer les espaces ouverts

En constatant la confusion de cette commune, nous avons réfléchi à sa structuration potentielle en nous appuyant sur les leviers que recèlent ces espaces naturels existants. De grandes intentions émergent de notre réflexion : des ouvertures à préserver, des espaces naturels à reconnecter au chef- lieu, un centre à densifier. Si la ligne est déplacée, elle doit appuyer ses grands principes utilisant une logique de compensation. Plutôt que de concentrer les moyens de RTE sous son faisceau, ils peuvent être mis à profit sur des actions bénéfiques pour un projet de territoire.

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APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie


Créer une nouvelle centralité

Désenclaver les espaces naturels

boisements

ouvertures à conserver

cours d’eau

urbanisation actuelle

routes

densification de l’urbanisation

ligne THT existante

0

1km

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DÉSENCLAVEMENT DES ESPACES NATURELS RENDRE L’ARVE À SCIENTRIER

Si la commune voisine, Contamine-surArve bénéficie d’un accès à la rivière l’Arve et un réseau de sentiers le long du cours d’eau Scientrier est, quant à elle, séparée de l’Arve par l’autoroute A 40. Les documents d’urbanisme et de planification (SCOT, Natura 2000 etc.) préconisent une ouverture progressive du milieu et une relation plus directe au cours d’eau. Nous souhaitons affirmer cette orientation au niveau de Scientrier.

Pour cela nous proposons de structurer les ouvertures en lien avec la rive d’en face et créer d’autres ouvertures afin que la tranchée de la ligne THT se confonde parmi d’autres espaces ouverts. Créer un franchissement de l’A 40 pour les promeneurs serait une étape-clé dans le processus de désenclavement des bords de l’Arve. Des activités de loisir pourraient s’y installer tout en laissant se développer une biodiversité nouvelle.

boisements

urbanisation

espaces ouverts

routes

cours d’eau et étangs

chemin 0

120

APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie

500m


Espace ouvert au bord d’un étang, la ligne s’intègre dans une composition d’ensemble.

Valoriser l’ouverture de l’étang et l’espace de recul qu’il offre sur les horizons lointains.

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121


DONNER ACCÈS À LA PLAINE DES ROCAILLES

boisements

espace ouvert

espace urbanisé

chemin existant chemin projet

0

122

500m

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Les échanges entre la commune de Reigner et la Plaine des Rocailles semblent beaucoup plus évidents qu’au niveau de Scientrier. Rétablir une relation entre la commune et son espace naturel nous paraît un objectif important. Un réseau de chemins existe actuellement à travers la plaine mais ils s’arrêtent au niveau de la zone artisanale. Un des objectifs du projet serait de les rattacher à la commune. Ce nouveau réseau de chemins permettrait à terme de désenclaver la zone artisanale et la plaine. La lisière entre la zone artisanale et la plaine de Rocailles doit être valorisée. C’est aujourd’hui une zone humide enfrichée. En y introduisant un système de clairières et de bosquets d’arbres, une continuité serait établie avec la Plaine des Rocailles, tout en lui conférant de la transparence.

Bloc erratique

plaine de Rocailles

lisière

zone artisanale

prairies sur butte

chemin des Platons

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123


) ONS (148 0M

0M N UA

NTE

POI

LE

VO

LA

B DES

LE SALÈVE

Les montagnes dessinent les horizons de Scientrier sont essentielles à prendre en compte dans la planification de la commune. Nous avons repéré les ouvertures à conserver afin de valoriser les points de vue sur les monts. La ligne THT tout comme les nouvelles constructions devront s’établir de manière à ne pas entraver les perspectives lointaines.

(1333 M) LE MÔLE (1

865 M)

NE (

S-DÎ

SOU

) T 6M ) E 193 ( M 77 UX (18 SCA Y E DA E L D AN D’ RS TE HE IN OC R PO S LE M) 2400

E NE D TAG MON

LES VOIRONS

MONT DE VOUAN

Vue sur le panorama des monts depuis la nouvelle centralité

124

APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie

POINTE DES BRASSES

LE MÔLE

03

5 S (1

SE

RAS

(96

LE S

UN PANORAMA À VALORISER

)

VOIR

CRÉER UNE NOUVELLE CENTRALITÉ

M)


RÉINVESTIR LE CARREFOUR espace ouvert à préserver espace urbanisé

Le PLU en cours favorise une concentration des futures constructions dans le cheflieu. Ce choix est positif pour la cohérence de la commune à condition que les horizons lointains soient pris en compte.

densification de l’urbanisation

Le croisement de la D19 et de la D90 est actuellement un lieu de passage très emprunté au milieu de la commune. Nous souhaiterions détourner cette figure de rond-point routier pour créer une centralité, avec des espaces qui pourraient accueillir de nouveaux logements et commerces. Par ailleurs, la relation avec les prairies et autres espaces ouverts de ces futures constructions doivent être prise en compte en créant par exemple un chemin à la lisière des habitats

D903

0

500m

terrasse de café

parking encaissé

D19

10

12

20

20

5

la promenade de bord

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125


RENFORCER LE RÉSEAU DES CHEMINS

Le centre de Scientrier se situe à moins d’un kilomètre de la vallée de l’Arve et de la Plaine des Rocailles. Favoriser l’accès à ces deux espaces en renforçant le réseau des chemins qui part de la ville constitue un enjeu important. Le but est de valoriser l’environnement immédiat et quotidien des riverains grâce à des espaces récréatifs autres que les montagnes beaucoup plus éloignées de la commune. Nous pensons notamment à l’équitation, un loisir déjà bien ancré sur le territoire, au cyclisme, ou bien encore à des activités nautiques qui pourraient avoir lieu sur les étangs de l’Arve.

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Créer un passage sous l’autoroute A40 pour donner accès à l’Arve


chemin projet

chemin existant

usages à développer équitation

promenades

vélos

voile

pêche

0

1km

12 min

4 min

RTE - Interconnexion France-Suisse

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COMMENT LA DÉVIATION DE LA LIGNE PEUT VENIR SOUTENIR LE PROJET TERRITORIAL LES SCÉNARIOS ÉVALUÉS Après ce travail de compréhension des enjeux et de proposition de projet territoirial, nous avons pu étudier de manière plus pertinente les scénarios proposés par RTE, avec des critères mis en place pour évaluer leur rapport

au paysage. Ces critères nous ont permis de peser les aspects positifs et négatifs de chacun des scénarios par rapport au projet de paysage que nous avons mis en place en amont. Nous avons ensuite proposé

des variantes de ces scénarios après avoir cerné les enjeux des paysages de Scientrier. Puis, de nouveaux scénarios ont étés mis en place en dialoguant avec nos interlocuteurs RTE.

RAPPORT À L’HORIZON ET INSCRIPTION DANS LA TOPOGRAPHIE point de vue à valoriser

PROXIMITÉ ET VISIBILITÉ DEPUIS LE BÂTI proximité au bati

visibilité depuis le bati

NOUVELLE GESTION DE LA VÉGÉTATION nouvelle gestion

0

128

500m

APR 2015-2016 École Nationale Supérieure de Paysage - Chaire paysage et énergie

ouverture


SCÉNARIO 1 : LA LIGNE DANS LE CHEF-LIEU

Le pylône gênerait la vue vers le Salève

0

1km

Cette déviation est minime par rapport au tracé actuel. Elle présente une économie d’interventions intéressante pour RTE mais se heurte au futur développement de la commune. En effet, ce scénario va à l’encontre d’une densification future du chef-lieu. La ligne resterait à proximité immédiate et dans le champ de visions de nombreuses

Bande de biodiversité entre les habitations

habitations du centre. Le tracé donne la possibilité de créer un corridor écologique dans le futur tissu urbain. Mais il se trouverait anecdotique par rapport aux deux autres espaces naturels qui entourent la commune.

ligne à un projet global, ce scénario ne convient pas. Il donne l’impression que la ligne se décale pour s’excuser, sans pour autant complètement résoudre les problèmes qu’elle pose à son emplacement actuel.

Dans une logique visant à favoriser l’intégration de la RTE - Interconnexion France-Suisse

129


SCÉNARIO 2A : LA LIGNE AU-DESSUS DU VALLON

Une opportunité d’ouverture et d’accès au vallon du Foron...

0

1km

...mais gêne visuelle sur le panorama.

Le deuxième scénario propose de dévier le tracé au sud du chef-lieu en passant par le vallon du Foron. Ce vallon est actuellement masqué par un boisement dense. Le scénario présenterait l’opportunité d’aménager 130

une ouverture autour de cet affluent de l’Arve. Ceci pourrait donner vie à un espace de promenade à deux pas du chef-lieu. La ligne serait toutefois très visible depuis la frange bâtie du chef-lieu, et gênerait la vue sur les monts à l’horizon.

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De plus, elle présenterait une situation de surplomb au niveau du cimetière et du stade, ce qui rendrait cette déviation difficilement acceptable par les habitants.


SCÉNARIO 2B : COUPLER LES INFRASTRUCTURES

La ligne serait comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

La bonne intégration de l’autoroute A410...

... serait contrariée par la future ligne. 0

1km

Le scénario précédent nous a donné l’idée de dévier le tracé davantage vers le sud, en couplant le nouveau tracé avec celui d’une ligne existante de 63 kV. Cette alternative présenterait aussi l’opportunité d’aménager l’entrée sud de la Plaine des Rocailles, lieu à partir duquel commencerait la déviation.

Cependant, la ligne viendrait s’introduire plus loin dans un paysage plus confiné, qui ne se prêterait pas à l’installation de grands pylônes. De plus, si l’autoroute A410 au sud de Scientrier apparaît comme une coupure sur une carte, elle est en réalité insérée de façon harmonieuse en déblais avec des plantations sur talus, comme une rivière bordée par sa ripisylve. L’ins-

tallation d’un pylône ne viendrait donc que contrarier cette bonne intégration. L’idée d’associer les infrastructures, même si elle est séduisante sur une carte, n’est en vérité pas pertinente face à la réalité du terrain.

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131


SCÉNARIO 3A : LA LIGNE DANS LA PLAINE

Un pylône qui marque l’entrée de Scientrier

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1km

Maintien du boisement sur le talus

Une déviation au nord de la commune permet un bon rapport d’échelle entre la ligne et les espaces ouverts dans lesquels elle est dressée. Ce scénario présente une gêne visuelle moins importante par rapport aux scénarios du sud où les habitations sont les plus nombreuses.

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Le tracé permettrait aussi l’installation d’un pylône à l’entrée de Scientrier par la D903. Il devrait être situé côté ouest de la route de telle sorte qu’il ne gênera pas le panorama des monts côté est. Le pylône pourrait être d’un design plus soigné pour affirmer sa présence et marquer cette entrée de ville.

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Néanmoins, un effet de couloir autour de la zone artisanale est produit si la ligne s’implante sur la butte, car une autre ligne THT existe déjà à l’ouest de celleci. L’implantation de la ligne sur la butte viendrait en contradiction avec l’idée d’une relation plus directe entre le centre et la zone artisanale.


SCÉNARIO 3B : COUPLER LES DEUX LIGNES

Le doublage de la ligne à peine perceptible à partir de la zone artisanale

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Ouverture sur le grand paysage à l’entrée de Scientrier

Ce scénario propose d’enterrer une ligne de 225 kV à l’ouest de la zone artisanale jusqu’à Reigner et faire passer le nouveau tracé sur l’ancien passage de cellelà. En décalant le tracé au niveau de la lisière entre la Plaine des Rocailles et la zone artisanale, l’effet de couloir du scénario précédent peut être évité.

Cette alternative donnerait également l’opportunité de repenser la lisière en-dessous de la ligne. Ouvrir l’entrée vers Scientrier depuis Reigner serait également un aspect à traiter dans ce scénario.

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SCÉNARIO 3C : LA LIGNE À TRAVERS LE BOSQUET

Déboisement sous la ligne.

Maintenir un boisement bas sous la ligne.

Maintenir un boisement bas sur l’ensemble.

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Suite à l’alternative précédente, nous avons voulu expérimenter un tracé plus franc de la ligne, en faisant notamment rejoindre le tracé exisant non pas à Scientrier juste avant l’autoroute mais plus loin à l’est à Contamine-sur-Arve.

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Ainsi, le tracé rejoindrait l’Arve sur une plus courte distance et éviterait la figure du « chapeau » qui existe sur les deux scénarios précédents. Cependant, ce tracé passerait au milieu d’une bande de boisement avant l’autoroute et un pylône serait nécessaire à cet emplacement. Une bonne gestion des

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arbres est à penser. Le tracé vient également affecter une cuvette de relief, bordée de logements, dont elle viendrait perturber le panorama.


SCÉNARIO 3D : UNE PIERRE DEUX COUPS

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La ligne guide le regard vers le grand paysage

Durant notre visite de terrain avec RTE, les partenaires nous ont fait part de leur crainte de l’opposition des habitants des quatre maisons à proximité de la cuvette et du boisement en bande.

tage dans le relief du terrain et éviterait une visibilité proche de la ligne depuis les quatre maisons. La ligne accompagnerait aussi le bord de l’urbanisation du chef-lieu côté nord-est.

En décalant le tracé après le pylône-entrée de la route vers le sud, cette portion de la ligne s’inscrirait davan-

Si la gêne visuelle depuis les habitations est moindre, il ne faut toutefois pas négliger la présence des deux

pylônes dans le champ de vision depuis la D903 et qui pourrait perturber le panorama vers les monts.

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La carte ci-contre illustre le scénario retenu associé à l’esquisse proposée en début de partie. Notre comparaison critique entre les différents scénarios démontre que le scénario parfait n’existe pas, mais il faut toujours peser les aspects positifs et négatifs. Ce travail a aussi soulevé une question chez nous : est-ce que l’intéret des particuliers prime sur l’intéret général quant au changement du tracé ? Le dernier scénario nous paraît être un bon compromis pour répondre à cet enjeu. Par ailleurs, nous constatons que le travail de paysagiste peut considérer le tracé autrement qu’une simple résolution de surplomb. En effet, dans le cas de Scientrier, il nous a paru important d’anticiper l’évolution future de la commune et plus globalement du territoire, et de penser à long terme avant de penser à la déviation du tracé. Une dernière remarque nous paraît importante à soulever. Pour notre travail nous avons multiplié les allersretours entre la planification sur carte et les visites de site. Cela nous a révélé des décalages aux-quels il faut être vigilant entre le dessin du tracé et la réalité du terrain. 0

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04. Conclusion


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Notre commande s’inscrit en amont du projet de modernisation de la ligne d’interconnexion France-Suisse. Nous avons eu l’occasion de travailler en même temps que nos partenaires, et d’échanger respectivement les informations au cours de notre avancement. Grâce à ces échanges réguliers, la commande s’est construite et a évolué tout au long de l’APR. Nos partenaires souhaitaient dans un premier temps que nous posions un nouveau regard sur la ligne. Nous avons appréhendé les lignes à très haute tension avec un regard ouvert et dépourvu de tout a priori. L’étude des perceptions de l’ensemble du tracé dans le contexte du massif du Chablais, nous a permis de souligner la pluralité des situations qu’entretient la ligne avec le paysage. Ainsi, nous avons pu constater que le statut de la ligne est relatif au contexte dans lequel il est implanté. De cette manière, comme pour un projet de paysage, le projet de modernisation s’appuie sur les caractères et les dynamiques propres au site et aucune recette n’est applicable dans ce cas de figure. L’étude de la représentation a permis d’élargir notre vision et de dépasser l’attitude binaire qui oscille entre le camouflage et l’affirmation de la ligne. Ce dernier travail a également mis en avant la notion évolutive de la perception du public. Dans un deuxième temps, l’étude plus approfondie de deux sites nous a permis de mettre en pratique les clés de lectures et notre vision développée précédemment. Ni nous ni notre partenaire ne souhaitions réaliser une étude d’impact, comme il est cou-

rant avec ce type d’infrastructure. Nous avons préféré affirmer une attitude projectuelle, en nous demandant comment le projet de modernisation de la ligne présentait l’opportunité de participer au projet local des deux communes. Pour répondre à cet objectif, les deux sites ont été abordés avec deux démarches distinctes, propres à chaque contexte. Dans les deux cas, nous avons réfléchi à l’interaction entre les éléments du paysage (habitat, infrastructures, espaces naturels et agricoles) tout en anticipant l’évolution des usages sur ces lieux. Pour veiller à l’ancrage de nos projets, les allers-retours entre des visites de terrain et les esquisses à l’atelier demeuraient essentiels. A travers ce travail, nous avons eu l’occasion à la fois de mettre à profit nos compétences de paysagistes et d’enrichir notre regard sur les lignes à très hautes tensions. Ayant pris connaissance des enjeux et des leviers autour de ces éléments, nous pouvons désormais les intégrer à nos projets futurs de territoires. Par ailleurs, nous croyons que si les lignes sont implantées en attribuant une attention à leur insertion dans le paysage, cela peut favoriser leur acceptation chez les différents acteurs des politiques publiques. Pour cela il nous semble important que RTE étende son périmètre d’intervention lorsque l’opportunité se présente par des logiques de compensation. Le rôle positif de RTE sur le paysage quotidien des habitants doit être mis en avant, et pour cela un champ d’exploration très riche s’ouvre aux paysagistes.

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05. Bibliographie et crĂŠdits


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OUVRAGES Corbin, A. 2001. L’homme dans le paysage. Textuel. Debelmas,J. 1982. Alpes de savoie. Guides géologiques régionaux. Masson : Paris Jakob, M et Schwok, C. 2011. 100 paysages. Exposition d’un genre. Collection Archigraphy. Infolio Robert, P., Favarger, C. 1995. Flore et végétation des Alpes. Etage alpin. Delachaux et Niestle Roger, A. 1997. Court traité du paysage. Editions gallimard.

DOCUMENTS D’URBANISME C3E-Conseil Expertises Études en Environnement. 2015.RTE reconstruction à 1 circuit 400 kV de la ligne aérienne existantes à 2 circuits 225 kV Cornier - Riddes - Saint-Triphon. Étude de Faisabilité. PADD - SOT Arve et Salève. 2009. Projet d’aménagement et de développement durable SCOT des trois vallées. 2015. Projet d’aménagement et de développement durable

Sauf mentions contraires, tous les dessins et photographies ont étés produits par l’équipe d’APR.

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Atelier pédagogique régional 2015-2016

UNE PIERRE DEUX COUPS, L’INTERCONNEXION FRANCE-SUISSE LA MODERNISATION D’UNE LIGNE À TRÈS HAUTE TENSION PEUT-ELLE ÊTRE PORTEUSE D’UN PROJET DE PAYSAGE ? Dans cet APR, nous intervenons en amont du projet et avons un rôle d’aide à la décision. La modernisation de la ligne offre des possibilités en terme de projet : sa déviation peut être bénéfique pour le territoire, à condition d’utiliser les moyens techniques et financiers de RTE. Dans un premier temps, nous avons appréhendé la ligne THT sur l’ensemble de son tracé avec un regard dépourvu de tout a priori. Nous avons pu constater la pluralité des situations qu’entretient la ligne avec le paysage, et que son statut est relatif à son contexte d’implantation. Ainsi, comme pour un projet de paysage, notre démarche s’appuie sur les caractères et les dynamiques propres au site et aucune recette pré-établie n’est applicable.

Deux sites sont retenus avec notre partenaire, sur lesquels nous avons expérimenté différents scénarios de changement du tracé. Notre postulat est que la déviation de la ligne peut participer à un projet local. En accordant une attention fine à son environnement, la déviation peut permettre d’amorcer des actions positives sur le paysage quotidien des habitants. Notre objectif est de favoriser l’acceptation des lignes THT ainsi que l’élargissement des champs d’actions de RTE. Au-delà de transport de l’énergie, RTE devrait être impliqué aux projets des territoires qu’il traverse. Les lignes THT, par leur transversalité spatiale, peuvent occuper une véritable place dans le paysage sans être réduites à des objets impactants.


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