Qixuan YANG
APRÈS LA CHUTE, L’ÉCLOSION Stratégie écologique comme résilience spatiale et sociale dans l’ancien no man’s land du mur de Berlin
Mémoire M2 Paysagiste DPLG 3e année Directrice de mémoire : Bernadette Blanchon École Nationale Supérieure de Paysage Versailles Septembre 2015
La liste des mercis Merci Bernadette. Merci madame Michaela Christmann. Merci tous les amis berlinois. Merci toutes les personnes que j’ai pu rencontrer pour le travail de ce mémoire. Merci Gwenaëlle, Olivia, Louise et Clémentine. Merci Cyril, merci Kiara. Merci Melinda. Merci Maman. Ce travail est dédié à mon oncle, Zheng Zemin. Parti trop tôt sans que je puisse lui dire merci.
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SOMMAIRE Introduction
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I – retour en arrière et vue d’ensemble
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I.1 – L’espace
du no man’s land au temps de la séparation
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I.1.1 – La forme : une ceinture imposée
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I.1.1.A – Une logique administrative de la frontière : la ville divisée
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I.1.1.B – Un dispositif militaire linéaire : le mur divisant
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I.1.2 – La manière : une tabula rasa
I.2 – Le
29
I.1.2.A – Déni du sol comme propriétés foncières
29
I.1.2.B – Déni du sol comme substrat vivant
30
devenir du no man’s land face aux enjeux de la nouvelle capitale
I.2.1 – Recomposition spatiale comme symbole de la réunification
32 32
I.2.1.A – Reconversion du mur : une effervescence de concepts spatiaux
32
I.2.1.B – Euphorie et grand élan des secteurs public et privé
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I.2.2 – Du no man’s land aux espaces publics du centre berlinois
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I.2.2.A – Une régénération entre hédonisme et mémorialisation
39
I.2.2.B – La dimension écologique souvent de second plan
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II – Régénérer par l’écologie : trois projets, trois approches II.1 – Naturschutzturm :
une forêt replantée
47 50
II.1.1 – Une plaie ouverte dans la forêt
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II.1.2 – Un projet d’initiative citoyenne
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II.1.3 – Une régénération forestière assistée
56
II.2 – Landschaftspark Rudow-Altglienicke :
un parc écologique
II.2.1 – Un espace agricole divisé
62 64
04
II.2.2 – Du mur à l’autoroute, un projet d’état
66
II.2.3 – Naissance d’un parc par la compensation écologique
68
II.3 – Grünes Band Berlin :
une chaîne de friches urbaines
76
II.3.1 – Un sillon en ville du centre à la périphérie
78
II.3.2 – Un site à valeurs écologique et sociale
80
II.3.3 – La continuité écologique, une ambition métropolitaine
82
III – Face à la mémoire et au futur : trois figures, trois récits
91
III.1 – La
gomme
:
la reforestation comme réparation du traumatisme
94
III.1.1 – Du reboisement à la dynamique naturelle
96
III.1.2 – Action écologique comme action sociale
98
III.1.3 – Après l’effacement, retour vers un travail mémoriel
III.2 - L’agrafe :
le parc comme espace de rencontre entre l’est et l’ouest
100
102
III.2.1 – La campagne idéalisée comme bien commun
104
III.2.2 – Accroches et liens aux quartiers environnants
106
III.2.3 – L’autoroute mise en scène, le mur éludé
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III.3 – Le
collier
:
les friches comme une échappée à l’effervescence urbaine
110
III.3.1 – Liaison centre-périphérie : résurgence d’une idée originelle
112
III.3.2 – Continuité en pointillé : un projet qui peine à se mettre en place
114
III.3.3 – Les friches : réserve pour la nature et respiration pour la ville
116
Conclusion
119
Bibliographie et crédits des images
129
05
06
Introduction
07
08
Mémoire comme préambule au TPFE
Ce mémoire se veut être comme un laboratoire d’idées pour mon Travail Personnel de Fin d’Études (TPFE) de l’année prochaine. En effet, j’ai choisi pour celui-ci de faire un projet sur le territoire transfrontalier entre Vienne et Bratislava. Un territoire où se mêlent les enjeux environnementaux (rideau de fer devenu un corridor écologique « ceinture verte européenne ») et métropolitains (Eurorégion Vienne-Bratislava). Un territoire où l’exceptionnalité géographique se conjugue avec la singularité de l’Histoire, où finalement l’héritage du passé se confronte aux questions de demain. En un mot, s’intéresser à l’après-frontière, aux dynamiques et agencements spatiaux qu’engendre la nouvelle transfrontalité. Comment faire un projet sur une limite artificielle qui a marqué physiquement et socialement un territoire pendant des décennies ? Comment se réapproprier une frontière avec les outils du paysagiste, à savoir le sol, le végétal et le ciel ?
Et si le mémoire pouvait m’aider à mieux entrer dans
le vaste sujet de l’après-frontière ?
09
Mur de Berlin comme thème du mémoire
Pour le choix de sujet de mon mémoire, le mur de Berlin m’est venu à l’idée alors de manière naturelle. Il fait partie du rideau de fer et en est même échantillon et miniature. Comme celui-ci, le mur de Berlin a été plus qu’un mur. Comme celui-ci, sa disparition physique date d’il y a vingt-cinq ans. Comprendre les projets de l’après-frontière à Berlin me permettra de mieux cerner les potentiels et les opportunités de Vienne-Bratislava. En même temps, les différences d’échelle, de situation et d’enjeux entre les deux sites m’éviteront de faire du TPFE un simple approfondissement homothétique du mémoire. Compte tenu du temps de travail qui m’est imparti, Berlin m’a semblé un choix raisonnable. Les contacts que j’ai gardés avec les étudiants Erasmus berlinois et les offres des compagnies aériennes low cost me facilitent grandement – je dois l’avouer – la tâche de se rendre à Berlin et d’y mener ma recherche. À toutes ces raisons s’ajoute une dernière, la plus personnelle mais la plus importante : j’ai commencé à apprendre l’allemand il y a quatre ans, parce que j’aimais la philosophie et l’opéra allemands. J’ai été définitivement
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séduit par la langue et culture allemande lors de mon semestre d’échange à Hanovre l’année dernière. Alors faire un mémoire à Berlin est une occasion pour moi de continuer à me sentir encore un peu attaché à ce pays.
Le no man’s land, l’écologie et le projet de paysage
Nul n’a besoin de faire une recherche documentaire approfondie pour s’apercevoir à quel point le mur de Berlin a fait couler d’encre. Mais ce qui m’intéresse, ce n’est pas le mur de Berlin sous les thèmes de la guerre froide, de la mémoire, du support artistique, ou encore de l’élément architectural. Tous ces sujets sont déjà bien documentés, dits et redits. Je voudrais parler plutôt de l’ancien no man’s land entre les deux murs de Berlin et l’étudier sous l’angle de la recomposition spatiale et de la régénération végétale. En tant que forme, cet espace a bouleversé la morphologie urbaine et les unités paysagères. En tant que matière, la remise à zéro du sol du no man’s land a créé des situations tout à fait singulières. Le no man’s land fascine la nouvelle génération
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des architectes et des paysagistes et je suis loin d’être le premier à en faire un sujet de mémoire. Mais à mon grand étonnement, le no man’s land sous l’angle conjugué de l’écologie et du projet de paysage n’a été que partiellement traité en langue allemande et pas du tout en langue française. Pourtant, les notions de limite, de linéarité, de régénération et de recomposition font partie des fondamentaux du métier de paysagiste. Une analyse sur la reconversion du no man’s land berlinois – figure archétypale de la frontière – permet d’approfondir ces notions et d’en tirer quelques leçons. Enfin, la ville de Berlin – que l’on cite souvent comme « ville verte » modèle – fournit de nombreuses matières à réflexion dans le domaine de l’écologie, hélas encore trop peu connues en France.
La question et l’hypothèse
La
dimension
écologique
dans
les
projets
d’aménagement du no man’s land à Berlin est bien sûr très souvent présente. Cependant, ce qui m’importe, c’est de voir non pas en quoi l’écologie est un des aspects parmi
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tant d’autres, mais au contraire comment celle-ci peut être le principe fondateur, la stratégie fondatrice d’un projet, en ce qu’elle peut donner forme et créer processus. L’écologie est ici comprise non pas tant comme une action en faveur de la nature et de l’environnement qu’un processus avec et sur la nature. Mon hypothèse de départ est double. D’une part, la stratégie écologique a non seulement la capacité résiliente de reconquérir un espace physiquement et d’y donner une nouvelle vie, mais aussi de produire du sens social et d’offrir une signification nouvelle au lieu. D’autre part, cette résilience n’induit pas une forme spatiale et un récit unique mais est au contraire plurielle. Alors, dans les stratégies écologiques de la reconversion du no man’s land du mur de Berlin, quelles sont les approches mises en œuvre pour reconquérir le sol et l’espace stériles ? Et quelles sont les significations nouvelles mises en avant pour surmonter l’épisode de la séparation de la ville et ainsi continuer l’Histoire ?
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Afin de mieux étudier la pluralité de la stratégie
Trois cas d’étude, pluralité et comparaison
écologique, le mémoire se fera par le biais de l’analyse de trois projets choisis. Le cas du no man’s land du mur de Berlin s’y prête particulièrement bien. La constitution de celui-ci a créé une sorte de « référent zéro » dans le temps et l’espace – Berlin après 1989 –, cependant, les projets de reconversion après la chute du mur sont d’aspects très variés. Ainsi une méthode comparative sera utilisée pour voir comment les projets se ressemblent ou diffèrent entre eux. Il s’agit du Naturschutzturm, du Landschaftspark Rudow-Altglienicke, et du Grünes Band Berlin. Ces trois projets sont au premier abord très hétéroclites mais ont le point commun d’avoir employé la stratégie écologique comme principe fondateur. Le critère de variété dans le choix des sites à étudier a justement été primordial. Il est décliné en types d’échelle, de commande, de durée, d’espace en termes de végétation et de milieu, d’approche de régénération, de rapport à la mémoire du lieu et enfin de signification et récit prospectifs. Ainsi, les projets
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vont de l’échelle du quartier à celui de la métropole, de l’initiative citoyenne au projet d’état, de la replantation de la forêt à la revalorisation des friches, du désir de retrouver l’état avant la séparation à la volonté de se tourner vers la ville de demain.
Une recherche à distance et de terrain
Le travail de mémoire a débuté par la consultation de la littérature existante disponible dans les bibliothèques parisiennes, au centre de documentation de l’école et sur Internet. Mais il va de soi que ce genre de mémoire ne peut se faire uniquement par une analyse bibliographique mais nécessite aussi un travail de terrain. Étudier les projets berlinois est d’ailleurs pour moi une opportunité de rencontrer les acteurs et d’apprécier les différences de mécanismes du processus de projet de paysage entre la France et l’Allemagne. J’ai pu effectuer deux séjours à Berlin aux mois de mai et de juillet 2015, grâce aux bourses de l’Office franco-allemand pour la jeunesse. Lors de ces séjours,
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j’ai pu consulter des documents et des archives dans les bibliothèques berlinoises, rencontrer les différents acteurs des projets, notamment la Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Umwelt, la Deutsche Waldjugend et les agences de paysage (ag. u Lange, BGMR, Fugmann Janotta…), et enfin, effectuer des dessins, des relevés botaniques et de mesures sur site.
Le plan détaillé, la feuille de route
Pour répondre à la problématique posée et avant d’entrer dans l’analyse des projets choisis, il me faudra d’abord dans une première partie présenter l’espace du no man’s land – son histoire, sa raison d’être et son empreinte sur la morphologie urbaine avant et après sa chute en 1989 –, ainsi que les divers enjeux que ses reconversions impliquent. Après avoir posé les contextes chronologique et spatial, nous regarderons en détail les trois projets choisis et leurs principes fondateurs. Pour cela, une étude diachronique de l’état après la chute du mur jusqu’au
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moment du projet, les raisons des projets, les acteurs impliqués et les approches mises en œuvre seront analysés. Enfin, nous nous attacherons à déchiffrer les figures spatiales engendrées ainsi que les récits et significations qu’elles sous-tendent pour mieux comprendre leurs différents rapports à l’épisode de la séparation de la ville ainsi, et plus généralement à la mémoire et à l’avenir des sites.
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18
I – retour en arrière et vue d’ensemble
19
Mur de Berlin
Dieppe
= 155 km =
Paris
= 990 ha = Bois de Vincennes
20
Une photographie du mur de Berlin, prise par l’artiste Thierry Noir depuis son appartement, dans les années 1980. L’image est composée de plans successifs. La première moitié en bas, le fameux mur de Berlin, avec ses graffitis tout aussi célèbres. Une sorte d’hypertrophie dans notre représentation mentale de cette frontière. Mais je voudrais parler surtout de la seconde moitié de l’image, dans laquelle seule la présence des trois soldats nous offre un effet de perspective et nous assure qu’il s’agit bien d’un espace tridimensionnel. Je voudrais parler de ce sol ensablé et dénudé, ce support de la séparation de la ville et des hommes. Le no man’s land du mur de Berlin, une surface aussi grande que le bois de Vincennes, une ceinture infranchissable aussi longue que ParisDieppe. Le vide ne va jamais de soi. Un tel espace ne s’est pas fabriqué du jour au lendemain, et sa reconversion non plus. S’attacher à la dimension physique et matérielle du no man’s land, présenter son édification et les impacts spatiaux qui en découlent, déceler les différents enjeux et métamorphoses après la réunification de la ville, tels sont les objectifs de cette première partie.
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I.1 – L’espace
du no man’s land au temps de la séparation
I.1.1 – La forme : une ceinture imposée I.1.1.A – Une logique administrative de la frontière : la ville divisée
4 - 11 février 1945
Conférence de Yalta. Les Alliés préparent la défaite de l’Allemagne et prévoient la division du pays en quatre zones d’occupation. Berlin, capitale du Reich, suivra le même découpage quadripartite.
8 mai 1945
17 juillet – 2 août 1945
Capitulation de l’Allemagne.
Conférence de Potsdam. Le tracé de la division de Berlin est précisé. Il suit les limites administratives des districts de l’époque.
23 mai puis 7 octobre 1949
Création de la République fédérale d’Allemagne (RFA) puis de la République démocratique d’Allemagne (RDA). Symbole de la division de l’Europe en deux blocs.
1952
Face à la fuite de ses habitants (1 million depuis 1949), la RDA instaure le rideau de fer interallemand par l’établissement d’une zone frontalière.
Nuit du 12 au 13 août 1961
Depuis, encore 2,5 millions d’Allemands de l’Est ont fui vers la RFA, notamment par Berlin, point faible du verrouillage soviétique. Nikita Khrouchtchev décide la fermeture de la frontière avec Berlin-Ouest. Commence alors la construction du mur de Berlin.
22
RDA
RFA
BRANDEBOURG (RDA)
FR
UK
URSS
BERLIN-OUEST
BERLIN-EST
(RFA)
(RDA)
US
0
5 km
23
La division de Berlin suit les limites administratives des districts, et ce tracé n’a en soi rien de particulier. Ce qui rend le mur de Berlin si singulier, c’est, d’une part, l’extrême rapidité avec laquelle cette ligne de démarcation s’est matérialisée en un élément physique ; d’autre part et surtout, que cette frontière coupe une entité — la ville de Berlin — radicalement en deux, opérant ainsi une division intrinsèque. Une telle division est bien sûr lourde de conséquences. Elle perturbe la logique, l’organisation et le fonctionnement de la ville, elle rend étanches les deux Berlins et concrétise l’enclavement de Berlin-Ouest au milieu de la RDA. À l’échelle de la frontière proprement dite, on peut distinguer quatre types d’espace divisé : espace bâti, espace ferroviaire/industriel, espace boisé, et espace agricole. La division s’y opère de deux manières : soit la séparation d’un même type d’espace, soit la séparation de deux types d’espace distincts. Si parfois le mur de Berlin vient exacerber une limite existante, il fait aussi surgir de configurations spatiales nouvelles. L’impact du mur de Berlin est donc variable selon la situation de la frontière, les espaces divisés et le type de division. Très vite, la division des espaces va s’amplifier avec la transformation de la frontière d’une simple ligne en une bande.
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TYPOLOGIE DES ESPACES DIVISÉS
4 espace bâti
2
espace industriel/ferroviaire
espace boisé
1
espace agricole
3
Division intraspatiale
1
2
Dans un milieu bâti dense
Division interspatiale
3
Dans un espace agricole
4
Entre l’espace agricole et la ville
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Entre la ville et la forêt
I.1.1.B – Un dispositif militaire linéaire : le mur divisant
Nuit du 12 au 13 août 1961
Août 1961 - 1963
Fermeture de la frontière par des barbelés et des rangées de soldats.
Consolidation de la frontière par un premier mur en brique puis en parpaing.
1963 - 1975
Mise en place d’une zone frontalière par un no man’s land de 30 à 300 m entre deux murs. Perfectionnement continuel du dispositif.
9 novembre 1989
Chute du mur de Berlin. Début du démantèlement du no man’s land.
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Organisation type du no man’s land de Berlin à partir des années 1970
Berlin-Est
Berlin-Ouest
4
1
2 2m
3 6,5 m
5
6
7
8
4m
2,5 m
3,5 m
5m
9
10 3,5 m
11
12
1m
1
Mur intérieur : le premier mur de Berlin depuis Berlin-Est, haut de 2 m.
2
Clôture électrique d’alarme : haut de 2,5 m.
3
Tapis de pointes métalliques : des pointes de 14 cm dissimulées dans le sol.
4
Pièges anti-véhicule : disposés en une ou plusieurs rangées.
5
Mirador : 4x4x8m, placé à tous les 200 m.
6
Pylônes d’éclairage : haut de 7 m, éclaire surtout la bande de contrôle.
7
Route de patrouille : bande d’asphalte de 3 m de large pour patrouille en véhicule motorisée.
8
bande de contrôle : bande de sables pour garder les traces de pas des fugitifs.
9
Fossé anti-véhicule : profond d’1 m au minimum.
10
Chemin en dalles de béton : pour l’entretien du mur extérieur.
11
Mur extérieur : le fameux mur de Berlin en dalles de béton préfabriqué de 3,6 m de haut.
12
Ligne de démarcation officielle entre Berlin-Est et Berlin-Ouest.
27
L’évolution du mur de Berlin consiste dans un premier temps à un renforcement de la ligne frontalière. On réhausse le mur, on le consolide, on le rend de plus en plus infranchissable. Mais à partir de 1963, la création d’une zone frontalière transforme radicalement la figure de mur de Berlin d’une ligne en une bande. Cette bande, c’est un no man’s land militaire entre deux murs, dans lequel est disposé une série d’obstacles. Ce que l’on appelle aujourd’hui communément le mur de Berlin ne correspond en vérité qu’à l’un des éléments du dispositif. Ce qui différencie fondamentalement le mur de Berlin des autres frontières, c’est qu’il est tourné vers Berlin-Est, c’est-à-dire contre ses propres citoyens. Le mur de Berlin était l’une des parties les plus surveillées de la RDA, avec une troupe militaire spéciale (Grenzetruppe). Les éléments militaires s’organisent de façon linéaire, de manière à venir à bout de toute tentative de fuite des citoyens de la RDA, 1. M : Chronik der Mauer. Dans ce présent travail, les
étape par étape1. À partir des années 1980, la forme du no man’s land
références bibliographiques dans
devient relativement stable. Dans ses dernières heures, il
les notes de côté sont précédées
atteint une superficie totale de 990 hectares.
d’une lettre capitale qui renvoie à une des cinq sections de la bibliographie à la fin du mémoire.
Un vide ne va pas de soi, et l’édification de ce no man’s land a nécessité une tabula rasa.
28
I.1.2 – La manière : une tabula rasa I.1.2.A – Déni du sol comme propriétés foncières Faire arracher la ville d’une bande de terre et en faire un no man’s land exige deux choses. L’homogénéisation du foncier en est le premier élément. Pour cela, la RDA crée la Loi sur la défense (Verteidigungsgesetz) le 20 septembre 1961 et à partir de l’automne 1961 jusqu’à l’année 1963, elle nationalise les terrains de Berlin-Est bordant le mur afin de pouvoir édifier la zone frontalière. Une série d’expulsions des propriétaires est menée et ces derniers reçoivent une faible compensation monétaire. Après la réunification, le nouvel État allemand hérite du no man’s land du mur de Berlin et en devient le propriétaire. Considérant que la compensation avait bien eu lieu, et que la cessation des parcelles avait été faite de manière légale, les terrains ne sont pas rendus aux anciens propriétaires. Ce n’est qu’après avoir fait appel à la Cour européenne des droits de l’homme en 1996 que les anciens propriétaires ont depuis le droit de racheter leurs terrains à 25 % de la valeur actuelle du marché, si le terrain est encore disponible. Bien souvent, les anciens propriétaires n’ont tout simplement pas les moyens de réunir les fonds nécessaires et les procédures sont très longues. Plus tard, la situation foncière d’un espace de l’ancien no man’s land conditionnera bien souvent sa possibilité de projet et la facilité de mise en place de celui-ci.
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I.1.2.B – Déni du sol comme substrat vivant Après avoir « acquis » les parcelles nécessaires à l’édification du no man’s land, la RDA entame l’homogénéisation du sol. Les bâtiments y sont arasés, les arbres éliminés et parfois le terrain entièrement remodelé. Le principe est qu’aucun élément ne vient entraver la visibilité entière du no man’s land depuis les miradors. Si les éléments du dispositif frontalier sont bien documentés, aucune étude systématique n’a cependant été faite sur l’état, l’évolution et l’entretien du sol lui2. À titre d’exemple, dans le livre
même2. De manière générale, le no man’s land était une
Die Baugeschichte der Berliner
immense bande de terre nue. Pour lutter contre l’apparition
Mauer - 50 Jahre Mauerbau (Technische Universität Berlin, 2010, 598
de la végétation, le terrain était sablé avec du sable de la
p.), très détaillé sur l’histoire de la
Baltique, retourné, et traité aux pesticides.
construction du mur de Berlin et l’évolution des éléments frontaliers,
Jusqu’au début des années 1980, certains endroits
aucune mention n’est faite sur la
du no man’s land étaient toujours couverts d’une strate
gestion du sol.
herbacée basse et faisaient le bonheur des lapins piégés entre les deux murs. La prolifération de ces lapins a été telle qu’ils commençaient même à creuser des galeries sous les murs vers l’extérieur du no man’s land. Inquiets des dégâts, les soldats se sont alors convertis en chasseurs de lapins et ont intensifié l’usage des pesticides. Le sol devient de plus en plus stérile. Après la chute du mur, Berlin hérite donc d’une bande de terre dénudée, appauvrie et polluée durant trois décennies.
30
Un lapin du mur (Mauerhase) mène sa vie paisible dans le no man’s land. On aperçoit que le sol au premier plan est recouvert d’herbes, tandis que celui au second plan est nu.
Le no man’s land contraste avec son environnement par sa nudité et sa couleur blanchâtre. Au premier plan, on distingue une petite tâche sombre, un carré d’herbes pas encore éliminé.
Dans cette partie de l’ancien no man’s land, le sol a été tellement appauvri et pollué que presque rien n’y pousse même vingt-deux ans après la chute du mur.
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I.2 – Le
devenir du no man’s land face aux enjeux de la nouvelle capitale
I.2.1 – Recomposition spatiale comme symbole de la réunification I.2.1.A – Reconversion du mur : une effervescence de concepts spatiaux Le 3 octobre 1990, a lieu la réunification officielle de l’Allemagne. Le 20 juin 1991, le parlement fédéral de Bonn transfère son siège à Berlin, la ville devient alors la capitale de la nouvelle Allemagne. Pendant ce temps, la majeure partie du mur de Berlin a déjà disparu, mais il reste cet immense no man’s land. Comment recomposer la ville réunifiée ? Que faire du no man’s land ? Après la chute du mur, on assiste à une effervescence d’idées dans le milieu professionnel, dans un débat dominé par les architectes. 3. V : LAMPUGNANI (1991)
Le concours d’idées Berlin Morgen3 est à cet égard symptomatique de cette période. Organisé en 1991, il réunit dix-sept architectes internationaux parmi lesquels on retrouve des grands noms comme Bernard Tschumi, Jean Nouvel, ou encore Aldo Rossi. Les candidats sont amenés à réfléchir sur le devenir du no man’s land dans le centre-ville, entre la porte de Brandebourg et la Potsdamer Platz. Quatre propositions méritent d’être citées. La première est celle de Josef Paul Kleihues. L’architecte propose de combler le vide. Les pleins du bâti redessinent la trame viaire de Berlin avant le bombardement de 1945. Ici s’opère une inversion volumétrique : le vide du no man’s land est rempli d’architecture, essentiellement des barres et des îlots fermés. Celle du duo Jean Nouvel/Foster traduit au contraire une affirmation de la forme laissée par le no ma’s land en un réseau végétal. Le programme architectural est déplacé
32
10 novembre 1989 Lendemain de la chute du mur de Berlin Porte de Brandebourg
Porte de Brandebourg
Tiergarten
Potsdamer Platz
0
500 m
Les résultats du concours Berlin Morgen ont
Le centre-ville eventré par le no man’s land est au cœur du
fait l’objet d’une publication par le musée
site du concours, situé entre la porte de Brandebourg et la
allemand d’architecture de Francfort.
Potsdamer Platz.
33
Quatre propositions, quatre figures spatiales
Josef Paul Kleihues
Effacer le vide
Jean
Nouvel
et
Norman Foster
Affirmer le vide
Bernard Tschumi
Franchir le vide
Herzog et de Meuron
IntĂŠgrer le vide
34
sur la Friedrichstraße en une bande bâtie. Ici, le végétal s’oppose au bâti et rend l’ancien no man’s land tangible. Pour Bernard Tschumi aussi, il serait vain de vouloir effacer
la
frontière.
L’architecte
suggère
plutôt
le
franchissement transversal de celle-ci. Il propose d’étendre la trame viaire d’est en ouest, par une série de bâtiments culturels et d’espaces publics dans l’ancienne emprise du no man’s land. Enfin, la proposition de Herzog et de Meuron entoure le Tiergarten par quatre tours en longues bandes, situées aux quatre points cardinaux. Le site du no man’s land, une des quatre surfaces du système, est ainsi absorbée par cette mise en réseau. Tandis que les deux premiers projets s’intéressent à la frontière en tant que figure linéaire en soi, que ce soit par son atténuation ou par son affirmation, les deux derniers interprètent le no man’s land plutôt par débordement et mise en relation, que ce soit de manière transversale avec l’environnement immédiat ou en réseau avec des éléments plus lointains. Cette tension entre figure en soi et figure relationnelle, entre figure ponctuelle et figure transversale sera omniprésente dans les reconversions du no man’s land. Le no man’s land, au cœur de la ville réunifiée, devient l’objet de toutes les convoitises et controverses. L’État et la ville de Berlin n’ayant pas su proposer un plan directeur à temps, ont laissé porte ouverte à toutes les dérogations possibles et à la flambée des prix du foncier.
35
I.2.1.B – Euphorie et grand élan des secteurs public et privé Redensifier la ville faisait largement consensus et une euphorie générale se profile face à la nouvelle situation, que ce soit dans le secteur public ou privé. Citons ici seulement les cas bien connus de la Band des Bundes (Bande de la Fédération) et de la reconstruction de la Potsdamer Platz. En 1992, l’État organise un concours gigantesque (835 propositions) pour le concept spatial de son nouveau quartier gouvernemental dans la boucle de la Spree. Le projet lauréat d’Axel Schultes et de Charlotte Frank propose d’enjamber le no man’s land et la boucle de la Spree afin de relier les deux parties de la ville. Ainsi, l’architecture devient 4. V : CLERC (2012 : 37-39)
la métaphore littérale de l’unité et du lien retrouvés4. La Potsdamer Platz, centre d’affaires historique éventré par le mur, est quant à lui vendu en lots, partagée entre quatre promoteurs privés. Tout l’enjeu est de redonner l’image d’une ville dynamique afin d’attirer les investisseurs. S’ensuit alors une reconstruction critique à l’échelle urbaine, dans laquelle la densité et la circulation ont été les deux questions les plus saillantes. Le premier cas nous montre comment la reconversion du no man’s land a servi à la représentation politique, tandis que le second à l’ambition économique. Dans cette
5. V : JAQUAND (2008)
Berlin qualifiée du « plus grand chantier d’Europe5 » à l’époque, l’écologie se trouve souvent noyée dans ces projets architecturaux de grande ampleur et hautement symbolique.
36
De la porte de Brandebourg à la Potsdamer Platz, l’ampleur du no man’s land est saisissante. Au milieu de l’image, on peut deviner l’ancienne Leipziger Platz par sa forme octogonale.
Lauréats
du
d’urbanisme
premier
concours
pour la Potsdamer
Platz en 1991, les architectes Hilmer et Sattler proposent la vision d’une ville européenne compacte. Plus tard l’équipe de Renzo Piano améliorera ce premier plan, notamment pour ce qui est de la densité et de la circulation.
Le sol et le sous-sol de la Potsdamer Platz
sont
entièrement
remodelés
afin d’accueillir un immense réseau d’infrastructures
souterrainnes.
Les
bâtiments ont dû être surélevés pour atteindre la densité prévue.
37
Le plan masse de Schultes et de Frank traduit l’idée de la liaison par un dessin très géométrique qui contraste avec les courbures de la Spree.
0
500 m
0
500 m
La longue bande du départ est écourtée
à
l’est.
La
partie
qui
correspond à l’ancien no man’s land est entièrement reconstruite avec une architecture.
Au premier plan à droite, le bâtiment de
l’architecte
berlinois
Stephan
Braunfels occupe l’ancien no man’s land.
38
I.2.2 – Du no man’s land aux espaces publics du centre berlinois I.2.2.A – Une régénération entre hédonisme et mémorialisation Parallèlement aux programmes architecturaux du no man’s land, se dessine aussi une histoire de la reconversion du no man’s land en espaces publics. En 2014, à l’occasion de la 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin, la Fédération Allemande des ArchitectesPaysagistes (BDLA) a monté une exposition virtuelle sur le thème de Mauerstreifenparks (parcs de la bande du mur)6. Celle-ci recense les projets d’espaces publics situés plus ou moins dans l’emprise de l’ancien no man’s land. On constate qu’il y a une concentration de projets dans un rayon de quatre kilomètres au centre-ville de Berlin, à l’intérieur de la petite ceinture ferroviaire (Ring-Bahn). Ces parcs oscillent entre trois pôles de signification, parfois l’un primant sur le reste : - mémorialisaiton : l’espace met en scène l’épisode du mur de Berlin. - historicisme : l’espace redonne une image du site avant le mur de Berlin voire avant la Seconde Guerre Mondiale. - hédonisme : l’espace est davantage tourné vers les besoins récréatifs contemporains. Du fait de leur situation au coeur de Berlin, les enjeux de représentation, de mémoire et de recréation ont souvent dicté les compositions de ces parcs. Ici aussi, l’écologie s’est souvent jouée en mode mineur.
39
6. M : Berliner Mauerstreifenparks
Les Mauerstreifenparks du centre-ville berlinois
0
200 m
40
Mauer Park (Gustav Lange, 1990-2010)
Leipziger Platz
Espace hédoniste
Espace historiciste
(Heike Langenbach, 2002)
Park am Nordbahnhof (Fugmann Janotta, 2002-2010)
East Side Park / Park an der Spree (Häfner/Jiménez, 2006-2009)
Luisenstädtischer Kanal (HORTEC, 2004-2012)
Platz des 9. November 1989 (Sinai, 2009-2011)
Gedenkstätte Berliner Mauer (Sinai, 2007-2014)
41
Espace hédoniste
Espace hédoniste
Espace historiciste
Espace mémoriel
Espace mémoriel
I.2.2.B – La dimension écologique souvent de second plan À travers l’exemple des deux parcs célèbres, le plus ancien et le plus récent, nous allons illustrer rapidement les deux significations dominantes dans les Mauerstreifenparks - discours hédoniste et discours mémoriel -, ainsi que la position en second plan de l’écologie. Nous nous attarderons seulement sur le rapport à l’épisode du mur, l’espace et le discours créés en fonction de celui-ci et la place de l’écologie. Le Mauerpark (Parc du mur) est le premier parc de la nouvelle Berlin réunifiée. Démarré dès 1990, il est réalisé en quatre tranches avec beaucoup de péripéties, à cause des mésententes avec les habitants et des problèmes fonciers. Le concept clé du projet a été de faire du site une clairière dans le centre urbain. Dans son plan d’origine, Gustav Lange avait dessiné deux longues assises, sur lesquelles couleraient l’eau du sud vers le nord. Idée rejetée avec véhémence par les habitants, car ceux-ci leur rappelaient trop le mur. Situé dans un environnement densément peuplé, le Mauerpark est très fréquenté. Il est caractéristique d’un espace hédoniste : oublier l’épisode du mur et profiter des beaux jours. Enfin, le parc est victime de son succès et le choix et la gestion des végétaux n’ont pas été toujours très judicieux. Par exemple, à l’est du parc sur la partie en pente, l’usage intensif des surfaces a causé d’importantes érosions et les sujets plantés n’ont pas survécu.
42
Mauerpark (Parc du mur) Localisation : Entre Prenzlauer Berg et de Wedding Superficie : 14 ha Dates : 1990-1993 (conception),1994-2010 (réalisation) Concepteur : Gustav Lange Financements : Land de Berlin et Fondation Allianz
Sur cette photographie aérienne de l’automne 1988, on aperçoit plusieurs éléments du no man’s land comme le mur intérieur qui borde le stade, la route de patrouille et la bande de contrôle ensablée.
Dans le projet initial, deux assises courent sur toute la longueur du site. Des pelouses et des espaces minéraux
généreux
permettent
l’accueil des grands événements en plein-air.
Dans le projet validé en 1993, les assises
laissent
place
aux
deux
larges allées, les espaces ouverts sont devenus plus importants par la réduction des espaces plantés notamment à l’ouest.
Hautement apprécié des Berlinois et des touristes, le parc est très fréquenté notamment le dimanche pour ses brocantes et son karaoké en plein-air.
43
La Bernauer Straße, portion névralgique du mur de Berlin où des pans entiers de bâtiments d’habitation ont été détruits et les familles expulsées pour la construction du no man’s land, accueille depuis 2014 le Gedenkstätte Berliner Mauer (Mémorial du mur de Berlin) conçu par l’agence berlinoise sinai. Le projet a mis très longtemps à voir le jour à cause de la polémique à propos de la sorte de mémorial qu’il faut édifier pour l’épisode de la séparation de la ville. Finalement, un concours a pu être lancé en 2007. Le programme prévoit un espace à vocation mémorielle et pédagogique, que les visiteurs puissent comprendre spatialement et physiquement ce qu’a été le no man’s land. Le discours mémoriel est ici manifeste. Toute la composition du mémorial est régie par la rematérialisation des traces avec un usage omniprésent d’acier corten : les divers dispositifs militaires du no man’s land (route de patrouille, clôture électrique, mirador etc.), le contour des bâtiment détruits, le tracé des tunnels de fuite... Bien que quelques expérimentations écologiques comme la culture de seigle ont été menées sur certaines surfaces du mémorial, elles paraissent bien anecdotiques devant tout ce récit mémoriel. Ainsi, le Mauerpark et le Berliner Mauer Gedenkstätte sont presque diamétralement opposés dans leurs rapports au mur. Et l’écologie, bien que présente dans ces projets, n’a cependant pas été au centre de la composition et du discours.
44
Gedenkstätte Berliner Mauer (Mémorial du mur de Berlin) Localisation : Bernauerstraße Superficie : 4,2 ha Dates : 2007-2008 (conception), 2009-2014 (réalisation) Concepteur : sinai Financements : Land de Berlin et Fondation du mur de Berlin
La destruction de l’Église de la Réconciliation sur la Bernauerstraße pour le bon fonctionnement du no man’s land en 1985 est restée gravée dans
la
mémoire
des
Berlinois,
symbole de l’absurdité de cette période.
Les coupes-détails de sinai illustrent une recherche sur comment montrer les différentes traces du mur en utilisant un seul et même vocabulaire.
Le
mémorial
est
une
traces
rematérialisées
bande
enherbée.
En
série sur haut
de une à
gauche de l’image, on distingue le monument commémoratif conçu par Kohlhoff&Kohlhoff, une réplique du no man’s land inaccessible et visible uniquement à travers les fentes des pans des murs.
45
46
II – Régénérer par l’écologie : trois projets, trois approches
47
Naturschutzturm
Gr端nes Band Berlin
Landschaftspark Rudow-Altglienicke
0
200 m
48
Le no man’s land du mur de Berlin est né d’un déni du sol en tant que propriétés foncières et substrat vivant. Tantôt, cette frontière accentue des limites existantes, tantôt elle fait naître des formes nouvelles. Lieu absent d’hommes et de vie, son devenir et sa reconversion sont chargés d’enjeux, et ses métamorphoses oscillent entre effacement et affirmation, entre hédonisme et mémorialisation. Au sein de ce vaste chantier de reconversion urbaine, l’écologie peut aussi être source de projet. Dans cette deuxième partie, l’analyse de trois projets permettra de cerner davantage ce qu’une stratégie écologique peut apporter dans la régénération d’un sol stérile et la formation d’un nouvel espace. Pour chaque projet, on s’attachera plus précisément aux questions suivantes : Comment les sites ont-ils évolué entre le temps du mur et le moment du projet ? Quelle a été la raison fondatrice du projet et qui en sont les initiateurs ? Et enfin, quelle est l’approche écologique employée pour la transformation du no man’s land ? Afin de faciliter la comparaison des projets, chaque sous-partie commencera par une fiche de présentation du projet et se terminera par un récit personnel, des croquis de terrain et des coupes.
49
II.1 – Naturschutzturm :
une forêt replantée
1989
0
250 m
2014
50
Naturschutzturm (Tour de la protection de la nature)
Localisation Entre le Land de Brandebourg (ex-RDA) et BerlinOuest (ex-RFA)
Superficie 18 ha
Dates 1990 -
Situation antérieure au mur de Berlin Forêt de pins sylvestres
Type de projet : replantation de forêt
Type d’initiative Citoyenne (Jeunesse forestière allemande)
Maîtrise d’ouvrage Jeunesse forestière allemande
Maîtrise d’œuvre Jeunesse forestière allemande
Entreprise de réalisation Jeunesse forestière allemande
Gestionnaire Jeunesse forestière allemande
Coût non communiqué
51
II.1.1 – Une plaie ouverte dans la forêt Une forêt remodelée par le no man’s land, le réseau ferroviaire et l’urbanisation
Hohen Neuendorf, Brandebourg, RDA
Frohnau, Berlin-Ouest, RFA
0
50 m
État 1950
État 1990
Vue du no man’s land à Hohen Neuendorf en 1990
52
Le premier projet nous emmène à l’extrémité septentrionale de Berlin, à la petite ville limitrophe de Hohen Neuendorf, dans le Land de Brandebourg.
Alors qu’elle était encore un modeste village jusqu’à
la fin du XIXe siècle, Hohen Neuendorf connaît un rapide développement avec la croissance de Berlin et l’arrivée des lignes ferrovaires radiales. Entre les deux villes, se trouve une forêt de pins typique du paysage brandebourgeois. Dès 1952, Hohen Neuendorf, qui se trouve dans la RDA, est séparée de Berlin par un mur frontalier. Le mur de Berlin va connaître ici une configuration particulière à partir des années 1960. La ligne de S-Bahn (l’équivalente de nos RER), gérée par la RDA, est contournée vers l’est avec la création d’une boucle, évitant ainsi de devoir traverser Berlin-Ouest par le sud. Du fait de la proximité de cette boucle avec la frontière, cette dernière s’est dédoublée, formant une enclave dans la forêt7.
7. N : DEUTSCHE WALDJUGEND
Ainsi, il y avait deux bandes de no man’s land à Hohen Neuendorf, avec une superficie totale de vingt hectares. Tous les arbres ont été abbatus, laissant le sol sableux totalement à nu. Sans humus forestier, le sol a été lessivé et pollué par les pesticides pendant trois décennies.
53
DER SCHUTZGEMEINSCHAFT DEUTSCHER WALD. Naturschutzturm Berliner Nordrand
II.1.2 – Un projet d’initiative citoyenne Sur cette portion du no man’s land, le projet du Naturschutzturm est né grâce à la rencontre des deux 8. N : DEUTSCHE WALDJUGEND DER SCHUTZGEMEINSCHAFT DEUTSCHER WALD. Naturschutzturm Berliner Nordrand
associations forestières au lendemain de la chute du mur8. De part et d’autre du mur, deux associations de Jeunesses forestières œuvraient chacune de leur côté pour la protection de la forêt. Côté RDA à Hohen Neuendorf, l’association « Ökokekis », animée par la professeur de biologie Helga Garduhn. Côté RFA, l’association « Brummbären » de la Deutsche Waldjugend dans le quartier Frohnau de Berlin, dirigée également par un professeur, Marian Przybilla. Peu avant 1989, comme si elle pressentait que la chute du mur était proche, Helga contacte Marin et lui émet l’idée de travailler ensemble. Les deux groupes se retrouvent en 1990 et fusionnent. Ainsi est née la Deutsche Waldjugend – Naturschutzturm Berliner Nordrand e.V. L’ambition de l’association est alors de reboiser le no man’s land stérile, de retrouver le bout de forêt perdue. Les deux professeurs souhaitent que les jeunes œuvrent concrètement pour la régénération et la réappropriation de cette bande de la mort, en faisant de celle-ci un laboratoire écologique et pédagogique. La municipalité étant peu intéressée par le projet, l’association a dû acheter à ses propres frais le terrain de l’ancien no man’s land. Une fois propriétaire, l’association entame le reboisement de la forêt.
54
Helga Garduhn et Marian Przybilla sur le site du Naturschutzturm en 1992
Jeunnesse forestière allemande (Deutsche Waldjugend) Branche junior de la Schutzgemeinschaft Deutscher Wald (Société de la protection des forêts allemandes), la Deutsche Waldjugend (DW) a été fondée en RFA en 1957. Elle est l’une des plus anciennes associations de la protection de l’environnement et l’une des premières initiatives citoyennes en Allemagne. À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne voit émerger l’idée de restaurer les forêts surexploitées par la guerre et l’industire, idée qui connaîtra un franc succès chez les jeunes allemands. La DW, composée de jeunes de 8 à 27 ans, est un
Un camp de la Deutsche Waldjugend à Brandebourg
mélange entre camp de scouts et club vosgien. Ses activités tournent principalement autour de l’espace forestier : plantation et entretien des espaces boisés, création et entretien des sentiers, construction des abris pour les animaux, animations, sensibilisations etc.
55
II.1.3 – Une régénération forestière assistée
20
cm
0 12 Session de plantation sur le site du Naturschutzturm en avril 1992
Le site en 2010, le vide du no man’s land a disparu.
Jeune pin sylvestre
La reforestation a commencé par l’ouest et progressé au fil des années vers l’est du site.
56
cm
Pour le reboisement du no man’s land, l’association a décidé d’utiliser la méthode forestière avec une régénération artificielle. Il s’agit de planter des jeunes plants de pins (Pinus sylvestris) de deux à trois ans, d’environ 20 cm. D’après Marian Przybilla, aucun plan dessiné n’a été établi. Tout se faisait, se décidait sur le terrain. Ils avaient la simple l’idée de commencer à planter par l’ouest à la lisière de la ville et d’avancer progressivement vers l’est. Ils prévoyaient de ne pas reboiser seulement une surface de 2000 mètres carrés autour du mirador afin d’établir le quartier général de l’association. Durant les deux premières années de la plantation, les pins ont commencé à jaunir. Après une analyse du sol, il s’est avéré que l’utilisation intensive de pesticides et l’absence de matière organique a conduit à un appauvrissement considérable du sol. Le sol est trop oligotrophe, même pour les pins. L’association a dû alors amender le sol avec l’aide d’un ingénieur forestier. Puis, un autre fait vient encore compliquer la tâche. En 1996, la ville décide de construire une zone industrielle sur la partie ouest du site où les plantations ont déjà été faites. L’association a dû alors replanter les sujets plus loin vers l’est. Jusqu’en 1996, 60 000 pins ont été plantés et au total plus de 80 000 aujourd’hui. La volonté d’un reboisement rapide se traduit par la forte densité de plantation, soit plus de 6500 plants par hectare.
57
1er mai 2015 Gesundbrunnen, S-Bahn ligne 1, direction Oranienburg. Descendu à la station Hohen Neuendorf. Un trajet que des milliers de citoyens de la RDA ont rêvé de faire en sens inverse. En face de la station, un panneau sur fond vert foncé : « Deutsche Waldjugend. 1900 m ». Traverser un quartier résidentiel. Maisons individuelles, larges chaussées, grands arbres, gros pavés. Très banlieue berlinoise. Longer la voie ferrée, ambiance pas vraiment hospitalière. À la fin du chemin, une zone industrielle, avec ses grillages, ses boîtes à chaussures et ses tubes en acier. Au fond de la zone, un écran sombre de masse boisée se dresse. Aux premier pas, se font entendre les craquements des bois morts sous les pieds, les chants d’oiseaux cachés çà et là. C’est la forêt, avec son ombre
et son odeur. Dire que ce sol et ces arbres sont à peine quelques années plus âgés que moi. Une dame promène son chien, les bras derrière le dos. Avec elle, nous nous dirigeons vers le mirador par la route asphaltée. Des panneaux d’information le long du chemin sur l’histoire du no man’s land et celle du projet du Naturschutzturm. Marian vient à ma rencontre, m’invite à s’asseoir près du feu. En ce jour de premier mai, les vieux amis se retrouvent autour d’un barbecue. Il me fait visiter le site, me montre les pins qu’il a plantés avec ses élèves. Il me raconte l’histoire du lieu, non sans quelques amertumes face à l’inertie des pouvoirs publics, et non sans quelques fiertés, devant l’œuvre accomplie après tant d’années de travail acharné.
58
L’espace ouvert au pied du mirador
L’ancienne route de patrouille bordé d’alignement de tilleuls
Marian Przybilla, un des fondateurs du projet
Une forêt de pins jeune et dense
59
A’
A
60
B’
B
A
B
61
47 m
57 m
Une plantation très dense
94 m
6m
99 m
3m
38 m
L’espace ouvert autour du mirador
11 m
3m
L’ancienne route de patrouille
31 m
1 : 500
A’
B’
II.2 – Landschaftspark Rudow-Altglienicke :
1989
0
250 m
2014
62
un parc écologique
Landschaftspark Rudow -Altglienicke (Parc paysager de Rudow-Altglienicke) Localisation Entre Rudow (ex-Berlin-Ouest) et Altglienicke (exBerlin-Est) Superficie 62,5 ha Dates Conception 2002-2006, réalisation 2006-2009 Situation antérieure au mur de Berlin Champs et pâtures Type de projet Parc écologique par mesure compensatoire Type d’initiative Public (État fédéral et Land de Berlin) Maîtrise d’ouvrage République fédérale d’Allemagne, représentée par le Land de Berlin Maîtrise d’œuvre ag. u Lange et Grigolt (jusqu’en 2005) Entreprise de réalisation Seebauer | Wefers und Partner Gestionnaire Land
de
Berlin
d’Altglienicke Coût 16 millions d’euros
63
et
quartiers
de
Rudow
et
II.2.1 – Un espace agricole divisé Un paysage agraire modifié par l’urbanisation et le no man’s land 0
500 m
Rudow Berlin-Ouest Altglienicke Berlin-Est
État 1950
État 1990
Le no man’s land à Rudow-Altglienicke en 1988 et son état en 2002
64
Allons
maintenant
au
Landschaftspark
Rudow-
Altglienicke, situé quant à lui à l’extrémité sud de Berlin, entre les quartiers de Rudow (district Neukölln, ancienne Berlin-Ouest) et de Altglienicke (district Treptow, ancienne Berlin-Est). Quartiers
périphériques
de
Berlin,
Rudow
et
Altglienicke ont longtemps préservé leur caractère rural de village. Des terres agricoles, essentiellement des champs et des prairies pâturées, occupaient encore presque la moitié de la surface des quartiers jusque dans les années 1960. Le mur de Berlin a été érigé précisément sur ces terres agricoles, nationalisées au cours des années 1961-1962. Depuis, des quartiers d’habitation se sont développés de part et d’autre du mur, avec l’installation essentiellement des maisons pavillonnaires et de quelques barres d’immeuble. L’urbanisation continue toujours à notre époque, sur les terrres agricoles restantes. Du fait de leur situation périphérique et à cause de la présence du mur, les quartiers de Rudow et d’Altglienicke ont longtemps souffert d’une séparation, entre eux, avec le centre-ville et avec la banlieue limitrophe. Mais après la chute du mur, le no man’s land deviendra le support de l’installation d’une nouvelle infrastructure autoroutière grâce à l’intervention de l’État.
65
II.2.2 – Du mur à l’autoroute, un projet d’état Tracé de l’autoroute A 113 et sa réalisation en quatre tronçons 1997
Dreieck Neukölln
2004
Späthstraße
2005
Adlershof
2008
Waltersdorfer Dreieck
2010
Schönefelde Kreuz
A 100 A 113 Rudow Berlin-Ouest Altglienicke Berlin-Est
Aéroport Schönefeld
0
2,5 km
Brandebourg
A 10
État 2002 : Le no man’s land en
État 2005 : l’autoroute en
État 2010 : l’autoroute et le parc
friche
construction
livrés
66
En 1992, un projet d’autoroute commence à être discuté au sein du nouvel État fédéral allemand et de la ville de Berlin fraîchement réunifiée. Ce projet, traçant un itinéraire de Dreieck-Neukölln à Schönefelde Kreuz, souhaite mieux relier les habitants du sud de Berlin au centre-ville et à la banlieue proche. De plus, le réseau autoroutier assurera une meilleure liaison avec l’aéroport Schönefeld, futur aéroport de la capitale, aujourd’hui toujours en travaux d’extension. La nouvelle autoroute A 113 de 19,1 kilomètres de long, fera alors la liaison entre le Berliner Stadtring (A 100) du centreville et le Berliner Ring (A 10), autoroute périphérique qui ceinture la capitale. L’autoroute reprend en grande partie le tracé du no man’s land. L’État ayant hérité la propriété de celuici en 1989, et le projet autoroutier ayant été planifié dès les premières années de la réunification, la réalisation de celui-ci a pu se faire sans beaucoup de difficultés. La construction commence en 1997 et l’autoroute sera livrée en plusieurs tronçons jusqu’en 2010. Celui qui nous intéresse pour la suite de l’histoire - tronçon AdlershofWaltersdorfer Dreieck -, est quant à lui réalisé entre 2005 et 2008. Car parallèlement à ce projet d’infrastructure, et grâce à une législation sur la compensation écologique, la réalisation d’un parc verra le jour sur l’ancien no man’s land, à cheval entre Rudow et Altglienicke et au-dessus de l’autoroute.
67
II.2.3 – Naissance d’un parc par la compensation écologique En Allemagne, la législation exige que les nouvelles constructions soient accompagnées d’une compensation 9. L : Gesamtstädtische
écologique9. Dans le cas de l’autoroute A 113, l’État assure
Ausgleichskonzeption
le financement du projet mais délègue son pouvoir au Land de Berlin, qui doit assurer le choix du site, le programme, le choix du maître d’œuvre, le suivi de la réalisation ainsi que
10. L : BAB A 113 - Landschaftspark Rudow-Altglienicke
la gestion du projet10. En 2001, le Land de Berlin propose une compensation de remplacement in-situ dans la portion entre le canal de Treptow et la limite sud de Berlin, en créant un parc paysager destiné aux habitants des quartiers environnants. Le choix du maître d’œuvre s’est fait non pas sur concours mais sur consultation des architectes-paysagistes (VOF verfahren). Le projet de l’agence ag. u Lange a été choisi pour sa bonne prise en compte des objectifs écologiques. Réalisé en un peu plus de trois ans entre 2006 et 2009, le projet a pu relativement bien respecté le calendrier et le budget prévu. Comme le sol a été entièrement remodelé pour la construction de l’autoroute, la friche installée depuis la chute du mur a disparu. Le projet se réfère alors au passé agricole du site. Mais contrairement au projet du Naturschutzturm, il s’agit ici non pas d’un retour littéral à un état existant, mais une évocation imagée du caractère rural du lieu.
68
La compensation écologique en Allemagne (Ausgleich für Eingriffe in Natur und Landschaft) L’Allemagne a été pionnière dans la compensation écologique en Europe. En s’inspirant des États-Unis qui l’a instaurée en 1969, l’Allemagne concrétise cette mesure en 1976 par la Loi fédérale relative à la protection de la nature et des paysages (Bundesnaturschutzgesetz, artikel 19), modifiée et complétée en 2002 puis en 2010. Cette législation part du principe que toute nouvelle construction est une atteinte (Eingriff) aux milieux naturels existants. Si la construction est inévitable, l’atteinte doit être compensée au moyen de trois mesures : - en priorité, les mesures d’équilibre (Ausgleichsmaßnahmen) : l’impact est compensé en recréant un milieu identique dans ses fonctions naturelles et proche géographiquement ; - les mesures de remplacement (Ersatzmaßnahmen) : l’impact est compensé par la création d’un milieu le plus similaire possible du milieu impacté dans la même zone, ou en dernier ressort dans une autre zone ; - en dernier recours, lorsque les deux premiers types de mesures ne peuvent être réalisés « en nature » et si l’intérêt écologique n’est pas prioritaire, une compensation monétaire (Ersatzzahlung) peut être effectuée. Pays très décentralisé, il appartient à chaque Land de définir ses mesures compensatoires. L’application est contrôlée par les agences publiques de conservation de la nature et la société civile. Dans le Land de Berlin, ces mesures sont régies par Loi régionale sur la protection de la nature de Berlin (Berliner Naturschutzgesetz), et doivent être harmonisées avec le Programme du Paysage (Landschaftsplan) et le Projet Urbain Général de Compensation (Gesamtstädtische Ausgleichskonzeption). Cette harmonisation est justement à l’origine du projet du Landschaftspark Rudow-Altglienicke.
69
Un parc en longueur séquencé en trois parties
L’espace ouvert, principale composante du parc Pelouse : 26%
Prairie : 21%
Zone humide : 15%
Gazon : 4%
Verger : 3%
Espace naturel existant : 9%
Espace arboré : 12%
Prairie fleurie : 9%
Bâti :1%
0
50 m
70
Le concept est de relier les deux quartiers longtemps séparés par un immense espace ouvert comme c’était le cas avant le mur. L’autoroute, qui traverse tout le parc du nord au sud, est enterré en tunnel à deux endroits pour permettre la continuité spatiale. Ce parc de deux kilomètres de long est organisé en trois parties. Au nord, le parc englobe un espace de friches installées depuis la chute du mur. Au centre, des grandes bandes de pelouse et de prairie ponctuées d’arbres couvrent l’autoroute sur près d’un kilomètre et s’insèrent entre les îlots d’habitation. Enfin, au sud, les terres agricoles se sont transformées en zones humides, prairies et vergers11. Le no man’s land a laissé place à un paysage idyllique.
11. L : Landschaftspark Rudow-Altglienicke
Métamorphose du no man’s land et de l’espace agricole : vue aérienne de la partie sud du parc depuis Altglienicke
71
4 mai 2015 Mais c’est peut-être le prix à payer. Je discute avec un vieux monsieur, assis sur un banc, les mains appuyées sur sa canne. « Ah, c’était triste ici, triste. Toutes ces terres, c’était fait pour nourrir les hommes. Et du jour au lendemain, plus rien. Elles étaient devenues des terres pour tuer. Vous vous rendez compte? Bien sûr, l’autoroute me gêne un peu. Mais c’est quand même mieux non? De ma fenêtre, j’ai vu les travaux du début jusqu’à la fin. Des machines, des tas de terre partout. Et petit à petit, le parc que vous voyiez devant vous. Il faut que vous reveniez plus tard en été. Il y aura des animaux, les enfants courent de partout. C’est drôle comment le temps change, hein? »
Le dernier parc à la limite de la ville, ou le premier à l’entrée de celle-ci. Journée grise, mais du monde tout de même. Des personnes âgés, des jeunes couples, avec ou sans enfants, et pas mal de cyclistes. Les nuages ont l’air menaçant mais le parc semble paisible, très paisible. Un grand parc, très grand. Des prairies s’étendent jusqu’à la fin de l’horizon. L’autoroute se voile et se dévoile. Sortir du parc, balade dans les quartiers environnants. Beaucoup de maisons pavillonnaires, avec leurs petits bouts du jardin. Au fond du jardin, le mur de Berlin laisse place au mur anti-bruit de l’autoroute. On se demande si les habitants sont vraiment satisfaits du changement.
72
Du vertical à l’horizontal : des murs infranchissables aux chemins parcourus
Le no man’s land en 1988
Le Landschaftspark en 2012
73
B’
B
A
74
A’
B
75
Rudow Höhe
A
23 m
Pépinière
6m
81 m
30 m
20 m
Recouvrement de l’autoroute
21 m
5m
Piste cyclable
100 m
71 m
18 m
Bassin de rétention
33 m
30 m
L’autoroute A 113
10 m
20 m
6m
Habitation
13 m
A’
1 : 500
Habitation B’
II.3 – Grünes Band Berlin :
une chaîne de friches urbaines
1989
0
2014
76
1 km
Grünes Band Berlin (Ruban vert de Berlin) Localisation Du centre-ville (Mauerpark) à la limite nord de Berlin Superficie 15 km/120 ha Dates 2005 Situation antérieure au mur de Berlin Abords ferroviaires Type de projet Constitution d’un corridor écologique par la mise en valeur des friches Type d’initiative Public (Land de Berlin) Maîtrise d’ouvrage Land de Berlin Maîtrise d’œuvre ag. u Lange (2005), BGMR (2006), Fugmann Janotta (2012) Entreprise de réalisation Gestionnaire Public (État, Land de Berlin) et privé (sociétés privées, particuliers) Coût non communiqué
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II.3.1 – Un sillon en ville du centre à la périphérie Le troisième et le dernier projet, le plus grand des trois, se situe dans la portion du no man’s land entre la fin du Mauerpark et la limite nord de Berlin. Il s’étend sur quinze kilomètres de long, soit un plus d’un tiers de l’ancienne frontière intra-urbaine entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Dans ce secteur de la ville, la frontière administrative des districts était déjà fortement marquée par le réseau ferroviaire avant le mur de Berlin. La ligne 1 de la S-Bahn longe la partie sud de la frontière, tandis que la ligne de la Heidenkrautbahn continue le tracé jusqu’à la sortie de la ville. Ce caractère ferroviaire du site est aujourd’hui encore très prégnant. Depuis les années 1950 jusqu’à nos jours, l’urbanisation n’a cessé de progresser dans ce coin de la ville. Néanmoins, on observe un relâchement progressif du tissu urbain du centre vers la périphérie. Des îlots denses du centre-ville laissent place petit à petit à un tissu pavillonnaire lâche, ponctué çà et là de zones industrielles et de grands ensembles, jusqu’aux hameaux à l’allure villageois à la sortie de la ville. Dans ce secteur de Berlin de plus en plus convoité, le sillon de vide laissé par le no man’s land constitue une situation exceptionnelle. Si beaucoup de terrains ont été récupérés par les anciens propriétaires au lendemain de la chute du mur notamment par les sociétés de chemin de fer, peu de construction a eu lieu depuis. La végétation et les habitants ont alors au fil des années réinvestis les lieux.
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Un tracé marqué par le réseau ferroviaire
1
Heidenkrautbahn
Ancienne zone industrielle, le « triangle humide » est l’un des espaces dégagés par le no man’s land.
3 2
2
S-Bahn La démolition des maisons pour l’édification du mur dessine une zone tampon entre le bâti et les voies ferrées. 1 3
0
1 km
La ville s’est étendue sur les anciennes terres agricoles, comme ici avec les grands ensembles du Markische Viertel côté Berlin-Ouest.
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II.3.2 – Un site à valeurs écologique et sociale C’est dans cette ancienne « bande de la mort » qu’aujourd’hui la faune et la flore ont trouvé refuge. Depuis la chute dur mur, une végétation rudérale s’est installée spontanément dans l’ancien no man’s land. Au fil des années, on assiste à une évolution à différentes vitesses, en fonction notamment de l’exposition, du substrat, de l’usage et de la gestion, formant une mosaïque des milieux. On peut distinguer grosso modo trois types d’espace, correspondant aux trois stades d’évolution d’une friche : les milieux à dominante herbacée, arbustive ou arborée, qui représentent respectivement 17 %, 22 %, et 25 % du site. Ces friches sont par moment interrompues par des sufaces bâties, des voiries, ou encore des cimetières et 12. G : BGMR LANDSCHAFTSARCHITEKTEN (2006 : 16-17)
des jardins familiaux (Kleinegarten)12. Très vite, les locaux se sont appropriés les lieux et chacun s’y investit à sa façon. Les usages y sont multiples et ne pas toujours exempts de conflits. On vient s’y promener avec son chien, faire du jogging, retrouver ses amis autour d’un barbecue ou encore pour pratiquer d’autres activités plus ou moins licites. Ces friches sont souvent fréquentées car elles sont situées à la proximité des habitations. Mais surtout, les habitants sont attirés par le caractère « sauvage », l’aspect non aménagé et le petit air d’entre-deux des ces espaces.
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Une diversité végétale et d’usages
Vers le parc naturel
1
de Barnim
Le «triangle humide » et le ciel de Berlin
2
2
3
Une friche arbustive au pied du Markische Viertel
Champs 3
1 Friche arborée
Friche arbustive Vers le Mauerpark Friche herbacée Un bois de bouleaux en longueur Jardins
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II.3.3 – La continuité écologique, une ambition métropolitaine Cet espace à vocation indéterminée a retenu l’attention de la ville dans les années 2000. L’installation en 2005 d’un supermarché avec son importante aire de stationnement en plein milieu des friches a fait prendre conscience à la ville la fragilité et la nécessité de préservation de ces espaces. Dans la même année, l’agence ag. u Lange et Grigoleit fournit une étude préliminaire sur les potentiels écologiques 13. G: AG.U LANGE + GRIGOLEIT
et récréatifs du site13. En 2006, le bureau d’études BGMR
(2005)
définit le concept et le programme du projet14. Enfin, en
14. G : BGMR LANDSCHAFTSARCHITEKTEN (2006) 15. G : FUGMANN JANOTTA (2012)
2012, l’agence Fugmann Janotta complète la réflexion en fournissant un plan de gestion et de développement15. L’objectif de ce projet est triple : - freiner le développement urbain par le maintien d’espaces libres ; - constituer un continuité écologique à l’échelle de la métropole, du centre-ville à la limite nord de Berlin, en faisant des terrains en friche du no man’s land le fil rouge du réseau ; - augmenter le potentiel récréatif du site en aménageant de nouveaux espaces de loisir, comme des terrains de sport ou des aires de jeux. - et enfin, créer une piste cyclable sur toute la longueur du site et la raccorder au réseau des circulations douces existantes. Il a été demandé aux paysagistes d’accorder une attention particulière à la conservation des qualités écologiques des friches, en prenant notamment en
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LSG „Ehemaliger Mauerstreifen, Schönholzer Heide, Bürgerpark“ - Nutzungs- und Strukturkonzept mit Pflege- und Entwicklungsplan P2 Natur- und Freizeiterleben Grenzen LSG Grenzen LSG 2010 potenzielle Erweiterungsfläche
Wegesystem Mauerweg Mauerweg - Variante (tlw. langfristige Planung) Nebenweg Nebenweg - Variante (tlw. langfristige Planung) Anbindungswege außerhalb des LSG ur
berlinweit bedeutsame Wegeverbindungen
Sp
ldt-
bo
Hum
Strukturkonzept Rosenthal
Gewässer (möglichst naturnah gestaltet) Offenlandschaft Halboffenlandschaft Vorwald-/ Waldlandschaft
Märkisches Viertel
Park- /Grünanlagen/ Friedhöfe Sonderfläche Korridor
Natur- und Freizeiterleben Bestand Planung potentielle Erweiterungsflächen
Ideen für mögliche Nutzungen Naturnahe Spiel- und Sportangebote Spielplatz Naturerfahrungsraum Skaten BMX-Parcour Sport Kinderbauernhof Sitzmöglichkeiten
Schönholz
Hundeauslauf
Wilhelmsruh
Schießstand
Alt-Reinickendorf
Pankow BMX-Parcour
ng
it
m
du
bin
er -V üd -S rd weg No ke Pan
Schönholz ©Funk
Naturerfahrungsraum
Reinickendorf
©FUGMANNJANOTTA
Wollankstraße
Naturnahe Spiel- und Sportangebote
© Marlen Matthäus
Kinderbauernhof Pinke-Panke
No rd Pank -SüdVerb ew eg ind
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mit
Wedding
©FUGMANNJANOTTA
Bornholmer Straße
Hundeauslauf
©Pension Schwanburg (Internet)
Anbindung an den Mauerpark
Juni 2012/ M i.O. 1:5000
BGMR, Plan concept, 2006
Fugmann Janotta, Plan de gestion et de développement, 2012
Valoriser les potentiels écologiques et récréatifs Wilhelmsruher Damm
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Schönholz I
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Märkisches Viertel
Hugo
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Werner-KlugeSportanlage
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e
Nutzungsbeispiel Spiel- und Sportnutzungen
Friedhof Pankow VII
Zu- und Durchgang
S-Bhf Wollankstraße
Standortbeispiel: Naturerlebnisfelder ‘Experimentierfeld Offenlandschaft‘ KGA
Uhla
ndst
raße
Bahnübergang
Mauerweg / NEB-Strecke
Nutzungsbeispiel Hundeauslauffläche Bu
Abb. 52: Vertiefungsbereich Wollankstraße | M. 1:2000 | M. 1:1000 i.O.
BGMR, Plan concept, 2006
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e
ga
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Nutzungsbeispiel Spielfläche für Kinder und Jugendliche
considération la notion de la biodiversité et la présence d’espèces animales et végétales protégés. Le projet doit être fondé sur une « économie du concept » , c’est-à-dire un coût minimum à la réalisation comme à l’entretien. Enfin, les concepteurs doivent réfléchir plus précisément à la résolution des conflits d’usages existants. Afin de pouvoir mener le projet, le Land de Berlin tente d’acquérir les parcelles et de constituer des zones de protection du paysage. Le projet, nommé désormais Grünes Band Berlin, fait en fait référence au projet de Grünes Band Europa, un projet transfrontalier qui a pour ambition de créer un gigantesque corridor écologique de 12 500 kilomètres à l’échelle européenne. En suivant le tracé de l’ancien rideau de fer, ce corridor permettrait de relier les différents parcs nationaux, parcs naturels, réserves de biolosphère etc., de l’Arctique à la Mer Noire. À Berlin, la nouvelle trame verte connecterait le Mauerpark du centre-ville au parc naturel de Barnim situé au nord de la ville par la mise en valeur des friches et la création des futurs espaces publics. C’est donc avec un regard tourné vers les besoins contemporains de récréation et une ambition résolument métropolitaine que le Land de Berlin a abordé cette portion du no man’s land.
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Zone de protection du paysage (Landschaftsschutzgebiet, LSG) La LSG est l’une des nombreuses mesures juridiques de protection de la nature en Allemagne. Elle est régie par la Loi fédérale relative à la protection de la nature et des paysages (Bundesnaturschutzgesetz, artikel 26) et à Berlin par Loi régionale sur la protection de la nature de Berlin (Berliner Naturschutzgesetz, artikel 23). D’après la législation, la constitution d’un espace naturel en LSG peut dépendre des critères suivants : - valeur de l’écosystème pour la faune et la flore sauvage, - beauté, singularité du lieu ou son importance culturelle et historique, - intérêt particulier pour les loisirs. La LSG est moins restrictive que sa semblable, la zone de protection de la nature (Naturschutzgebiet, NSG), car son fondement n’est pas seulement d’ordre environnemental mais peut aussi comprendre des raisons esthétique ou récréative. La création d’une LSG est effectuée en plusieurs étapes. D’abord, après l’évaluation des potentiels d’un site, un périmètre est défini sur une carte et les objectifs d’aménagement du site sont annoncés dans le Journal Officiel de Berlin. Puis cette désignation est soumise à la consultation publique et peut connaître des modifications d’après les commentaires et les suggestions. Le site est par la suite « gelé » temporairement, et tout changement d’utilisation du site ne doit se faire qu’avec l’accord des autorités en charge de la protection de la nature. Aujourd’hui, les LSG représentent 13% de la surface de Berlin et la ville a l’ambition d’augmenter ce chiffre à 20%.
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3 mai 2015 Départ Mauerpark. Un dimanche, beaucoup de monde. Muni d’un vélo, je m’apprête à parcourir les quinze kilomètres de l’ancien no man’s land. À la sortie du parc, un monde ferroviaire se déploie jusqu’à l’horizon. Sous la végétation abondante longeant les rails, des restes du mur de Berlin. Un long détour pour accéder au fameux triangle humide. Quelques habitants y promènent leurs chiens. Ça respire. C’est paisible. Continuer la route. Un supermarché au beau milieu de l’itinéraire. Le chemin se perd. S’enfoncer de nouveau dans une friche. Les panneaux me rappellent sans cesse que je suis en terrain privé. Sentiment désagréable d’être à l’arrière-jardin de quelqu’un, d’être comprimé entre les talus des chemins de fer et les clôtures des maisons.
Arrivé dans un bois d’érables et de bouleaux, je surprends un couple dans leur fougue passionnelle. On se croirait dans une forêt. Suivre les rails des trains. Les tours d’habitation du Markische Viertel aux façades colorées se dévoilent par moments, derrière les arbustes de plus en plus denses. Puis, à la fin du chemin, après la dernière maison, des champs à perte de vue. Un air de campagne. Un alignement de bouleaux me guide jusqu’à la sortie de la ville, où commence le parc naturel de Barnim. En se retournant, la Fernsehturm de Berlin dans le lointain, là où je suis parti. Comment rentrer et éviter le demi-tour ? La station la plus proche est à encore quinze minutes à vélo.
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Au début du site, une allée de cerisiers du Japon.
Un long couloir enveloppé dans la végétation sauvage.
Le rail de la Heidenkrautbahn aujourd’hui désaffecté et
À la sortie, un paysage de champs.
caché dans les friches.
87
B B’ A’ A
88
A
11 m
S-Bahn
89
B
2m
4m
Piste cyclable
10 m
Heidenkautbahn
38 m
33 m
80 m
86 m
Densification de l’espace boisé
31 m
35 m
27 m
Espace ouvert entretenu par fauchage
78 m
Bois de bouleaux
2m
10 m
1 : 500
B’
Jardin privé
A’
90
III – Face à la mémoire et au futur : trois figures, trois récits
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Sous le ciel de Berlin, entre les rails, au coeur de la ville, l’ancien no man’s land.
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Les trois projets choisis nous ont montré la pluralité d’approches dans cet exercice de reconversion par l’écologie. De l’initiative privée à l’intervention étatique, de l’échelle locale à l’échelle métropolitaine, de la forêt replantée à la revalorisation des friches, les projets sont fort dissemblables les uns des autres, bien qu’ils aient tous placé l’écologie à la source et au centre de la reconversion du no man’s land. Mais plus qu’une régénération physique, l’écologie rend aussi possible la résilience sociale et symbolique. Elle peut être un processus créateur de récits. L’espace est chargé de sens, en fonction du modèle de nature convoqué, du rapport à la mémoire et du lien des hommes au site. Ainsi, les compositions spatiales et leurs significations sont aussi très variables dans les projets choisis. Dans cette dernière partie, on tentera alors de déchiffrer les différentes figures spatiales, les fondements des formes ainsi que les récits sous-jacents dans les trois projets. Quelle est la figure spatiale engendrée dans chacun des trois projets ? Comment sa manifesteelle concrètement ? Quel est le modèle derrière la forme ? Que dit-elle sur le rapport à la mémoire du site ? Et enfin, quel récit propose-t-elle ?
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III.1 – La
gomme
:
la reforestation comme rĂŠparation du traumatisme
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Au Naturschutzturm, l’action du reboisement revêt une dimension fortement symbolique. Le projet est animé par un désir de retrouver la forêt perdue. Forêt qui, avec le romantisme et le mouvement écologiste en Allemagne, a connu une longue histoire d’idéalisation. Ce projet illustre la figure de l’effacement : effacer la frontière pour retrouver un paysage séculaire. Si l’écologie a été ici le vecteur d’une reconquête sociale, le projet n’a cependant pas su anticiper le devenir de l’espace forestier.
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III.1.1 – Du reboisement à la dynamique naturelle
Au Naturschutzturm, la Deutsche Waldjugend a mené au départ une action très volontariste, avec un plantation très dense. Le but était de reboiser le no man’s land le plus vite possible. « Nous voulions à tout prix effacer toute trace du no man’s land. Nous avons planté et planté comme des dingues », relate Marian Przybilla. Cette volonté d’oubli était chose courante à l’époque, comme en témoigne l’installation de la zone industrielle. Cette dernière a isolé malheureusement le Naturschutzturm définitivement de la ville. Au fil des années, la cadence de replantation a diminué. Dans les parties à l’est pas encore replantées, l’association a décidé de laisser la végétation spontanée s’installer, aujourd’hui
composée
essentiellement
de
bouleaux
et d’érables champêtres. La différence d’ambiance est manifeste et la transition entre les pins replantés et les essences spontanées est quelque peu brutale. Que ce soit avec la dynamique naturelle ou la replantation artificielle, le vide sera comblé à terme. Sur le terrain, la forêt est souvent impénétrable et il est difficile d’avoir une vue transversale pour se rendre compte de l’ampleur du no man’s land. L’association
regrette
aujourd’hui
de
ne
pas
avoir diversifié les essences de replantation. La forêt brandebourgeoise est composée à 90 % de pins sylvestres, 16. N : Der Wald der eingewan-
ce qui la rend vulnérable face au changement climatique16.
derten Bäume
Mais l’idée d’une réparation avait emporté sur celle de l’expérimentation.
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Bâtiments industriels
Pins replantés à densité élevée
Pins replantés à densité moyenne
Végétation issue de la dynamique naturelle
Alignements de tilleuls
Espace ouvert
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III.1.2 – Action écologique comme action sociale Si, spatialement, le Naturschutzturm relève d’un gommage des traces du no man’s land et d’un retour vers un état antérieur, l’intérêt de ce projet réside plutôt dans le fait qu’il a su faire de l’action écologique une action sociale. La réappropriation du lieu s’est faite par le biais d’une participation citoyenne. Dans un premier temps, l’association a œuvré seule avec ses membres d’écoliers. Puis elle a aussi accueilli les volontaires du service civique pour des actions environnementales. L’association a par la suite accueilli beaucoup de classes d’écoles venues de toute l’Allemagne et même de l’étranger pour des actions de plantation ou d’entretien. Le succès médiatique et la notoriété du projet s’accroissent au fil des années, comme en témoigne le « Prix berlinois de la protection de la nature » remis à l’association 17. N : DEUTSCHE WALDJUGEND DER SCHUTZGEMEINSCHAFT DEUTSCHER WALD. Naturschutzturm Berliner Nordrand
en 201017. Cependant, l’association est aujourd’hui confrontée à un problème majeur. Bien que le mouvement de la protection forestière ait été très populaire chez les jeunes dans les années 1990, ceux-ci se désintéressent de plus en plus de ce genre d’activités et l’association peine à trouver de nouveaux membres. Or, l’idée à la base du Naturschutzturm était justement que la nouvelle génération soit actrice de la transformation du lieu et de l’écriture de l’Histoire. La poursuite de cette ambition est donc aujourd’hui quelque peu incertaine.
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Marian entouré des enfants pour une explication sur le fonctionnement de la forêt.
Une action de plantation en 2014 avec la participation des lycéens venus du Japon.
Avec la plantation et le parrainage des arbres par les jeunes mariés, ces derniers se sentent plus attachés au Naturschutzturm et contribuent en même temps financièrement au projet.
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III.1.3 – Après l’effacement, retour vers un travail mémoriel L’intervention humaine décroît au fur et à mesure que la forêt prend sa maturité. L’association laisse désormais la forêt replantée suivre son cycle naturel. Aucune éclaircie n’est effectuée, le bois n’est pas exploité et tout bois mort est laissé sur place. Afin de pouvoir pérenniser le site, l’association souhaite faire classer celui-ci en zone de protection de la nature (Naturschutzgebiet). Bien qu’indiquée sur le plan de paysage de la ville de Hohen Neuendorf de 2010, celle-ci n’a encore aujourd’hui aucune application concrète. On peut dire que le projet du Naturschutzturm se trouve de plus en plus limité dans ses possibilités d’intervention spatiale. L’association se tourne alors petit à petit vers un travail plus narratif et mémoriel. Comme si, après l’effervescence des premières années, on a pu désormais regarder en arrière. Au pied du mirador, sont aujourd’hui exposés les restes du no man’s land trouvés sur site ainsi que les documents d’archive montrant la transformation du lieu grâce aux actions de l’association. Mémoire de l’épisode du mur, mais aussi mémoire du Naturschutzturm lui-même. Le projet devient ici le vecteur d’un récit sur la capacité d’une action volontariste et citoyenne à défier le vide et l’inhumain. De la volonté de l’oubli au désir de mémoire, de l’action concrète à la remémoration du chemin parcouru, le projet du Naturschutzturm a bien évolué avec le temps.
100
Un tapis de pointes métalliques trouvé
Les panneaux de photographies anciennes du site entourent un
dans le sol du site
carré-témoin du sol du no man’s land.
Une photographie ancienne exposée au Naturschutzturm : la mémoire du site et la mémoire du projet. Si le choix d’un reboisement mono espèce n’a sans doute pas été très judicieux, le projet a cependant su tirer parti de la stratégie écologique dans une dimension sociale, celle de redonner un sens humain à un bout de terre.
101
III.2 - L’agrafe :
le parc comme espace de rencontre entre l’est et l’ouest
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Un des plus grands parcs du sud de Berlin, le Landschaftspark Rudow-Altglienicke est né d’un appareil législatif sur la compensation écologique et fondé sur une évocation de la campagne idyllique. Le passé agraire se perpétue à travers la composition spatiale et la gestion écologique du parc. Ici, le projet reflète la figure du franchissement : relier les quartiers longtemps séparés, faire du parc un espace de rencontre et de mouvement.
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III.2.1 – La campagne idéalisée comme bien commun Au Landschaftspark Rudow-Altglienicke, le traitement spatial joue essentiellement sur une évocation du paysage agraire d’autrefois. De grandes surfaces de pelouse ou de prairie dominent l’ensemble du parc. Cependant, le besoin d’une image fleurie, verdoyante dès l’ouverture du parc a nécessité et nécessite encore à quelques endroits des semis. Une gestion extensive est aujourd’hui menée, l’herbe est fauchée deux fois par an et distribuée aux fermes pédagogiques environnantes. Depuis 2014, suite à une proposition de l’agence berlinoise de paysage plan b Landschaftsarchitektur, une action d’écopâturage est menée sur la zone humide dans la partie sud du parc. Le Land de Berlin a passé un contrat avec un éleveur de bovins biologiques implanté dans les environs de Potsdam. Jusqu’en 2018, l’éleveur fait venir sept buffles d’eau d’Asie d’avril à novembre. Âgés d’un à deux ans au début du projet, ces buffles sont particulièrement adaptés pour ce type de milieu, où ils se plaisent à se baigner dans l’eau et à paître l’herbe grasse. Aujourd’hui, dix hectares du parc sont pâturés et la ville souhaite étendre cette pratique 18. L : Almauftrieb» - Beweidungsprojekt mit Wasserbüffeln im Landschaftspark Rudow
aux autres endroits du parc18. Ainsi, c’est surtout par sa gestion que le parc perpétue sa dimension écologique et son image champêtre. De plus, la présence des animaux rencontre un franc succès au près des habitants et rend plus rapide l’appropriation du parc par ces derniers.
104
Une image idéale de la campagne en ville 1
1
1’
2 1’
Une gestion écologique avec les animaux 2
105
III.2.2 – Accroches et liens aux quartiers environnants L’idée d’agrafer le parc à son contexte et faire de celuici le lien physique entre l’est et l’ouest du projet se traduit concrètement par plusieurs éléments. D’abord, le passage sous tunnel de l’autoroute rend possible l’accroche des quartiers environnants au nouveau parc et la transversalité de ceux-ci. Il se situe aux deux endroits stratégiques : au nord, il rend aisé pour les habitants d’Altglienicke l’accès à la butte de Rudow Höhe, un parc très apprécié des locaux. Au sud, le parc débouche côté est sur les barres d’immeuble, aujourd’hui densément peuplées. À plusieurs endroits, le parc a su tirer parti des formes parcellaires des anciens terrains agricoles. Il s’étend dans les quartiers d’habitation et s’emboîte avec ces derniers par des formes rectangulaires. Des bandes de vivaces accompagnent presque systématiquement les chemins menant aux quartiers et ajoute une touche ornementale au parc. Bien que parfois quelque peu monotones, ces plantations ont tout de même le mérite d’offrir un vocabulaire homogène et une transition au milieu urbain. Par son agencement spatial et son traitement végétal, le parc s’intègre judicieusement dans le contexte bâti. La facilité de liaison avec le centre-ville et la présence du parc font de cet endroit de Berlin de plus en plus convoité. L’espace ouvert qu’offre le parc est alors d’autant plus précieux que les constructions d’habitation continuent encore de nos jours.
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Transversalité et transition avec le végétal
1
1’ 1’
1
2
Transversalité entre l’est et l’ouest Insertion du parc au tissu urbain
Cohabitation des espaces par le dispositif végétal
Allée piétonne
4,5 m
Allée cavalière
6,5 m
3,5 m
Jardin privé
2,5 m
Zone pâturée
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III.2.3 – L’autoroute mise en scène, le mur éludé Que reste-t-il alors de l’histoire du mur de Berlin dans ce parc idyllique? Il est intéressant de noter que des pans entiers du mur de Berlin ont pu être sauvegardés dans la partie nord du Landschaftspark Rudow-Altglienicke et sont encore debout à leur emplacement d’origine. Ironiquement, c’est aussi dans cette partie que le parc a gardé la végétation spontanée existante, aujourd’hui composée principalement d’érables champêtres. Le tout est clôturé par un grillage, pour des « raisons de sécurité ». Les murs, bien qu’inscrits sur la liste des monuments historiques depuis 2001, sont laissés pour ainsi dire à leur sort, presque à l’abandon. On peut regretter que cette partie du parc n’a pas fait l’objet d’une composition plus poussée par l’équipe d’ag. u Lange. C’est plutôt l’autoroute qui est mise en scène. Les talus de recouvrement sont nivelés élégamment et la piste cyclable qui longe l’autoroute tout autant. Loin du centre-ville et loin de l’œil des touristes, ici pas vraiment de dimension mémorielle mais une célébration de la liberté de mouvements. Les habitants ont de quoi faire avec leurs vélos et les buffles du parc. Le vide du no man’s land se fait deviner par la présence de grands espaces ouverts à perte de vue. Mais ces espaces ouverts parlent surtout des champs agricoles d’autrefois. Ainsi, Le discours mémoriel laisse place ici à une histoire sur la campagne et la liberté retrouvée.
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Le mur emmuré
1
1
2
Le mouvement et l’horizon retrouvés 2
109
III.3 – Le
collier
:
les friches comme une échappée à l’effervescence urbaine
110
Le délaissement du no man’s land a permis la végétation spontanée de s’installer sur le site du Grüne Band Berlin. La ville tente désormais de valoriser ces friches linéaires et de les intégrer dans le système de la trame verte berlinoise. La figure d’enchaînement sous-tend ce projet. Si l’idée une liaison centre-périphérie n’est pas nouvelle, elle est toutefois aujourd’hui replacée dans le contexte de la continuité écologique et de la sensibilité des Berlinois à la « nature sauvage » en ville.
111
III.3.1 – Liaison centre-périphérie : résurgence d’une idée originelle Avec son concours pour le Grand-Berlin en 1910 et la constitution effective de celui-ci en 1920, Berlin connait une longue histoire de planification métropolitaine. Dès le début, l’idée d’une liaison centre-périphérie par des bandes d’espace libre était présente. De même, les notions de nature, récréation et circulation étaient déjà intimement liés. Mais l’Histoire de Berlin au XXe siècle connaîtra de longues péripéties et la planification berlinoise tout autant. Durant la séparation de la ville, les visions des deux Berlin connaissent des orientations très divergentes et les idées de départ furent modifiées, réadaptées. Depuis la réunification, on assiste à une volonté de synthèse des développements qui ont eu lieu dans les deux Berlin et à un retour aux réflexions d’origine. Le Grüne Band Berlin occupe aujourd’hui une position stratégique pour la planification d’espaces libres berlinois, car grâce à l’épisode du mur, le no man’s land a fait renaître cette idée originelle de liaison centre-périphérie, et rendu concret ce ruban vert à l’échelle de la métropole. Mais la biodiversité, l’esthétique de la friche tout comme la circulation douce sont des notions propres à notre époque. Cela dit, le manque de vision anticipatrice à l’échelle métropolitaine dans l’immédiate après-chute n’a pas permis de bloquer rapidement les terrains. Ce qui fait que le projet de Grünes Band Berlin est encore loin d’être prêt à être mené à bien.
112
Dans ce schéma reprenant les idées du concours pour le Grand-Berlin, un anneau vert entoure la métropole et des bandes de nature en doigts de gant pénètrent jusqu’au centre-ville.
Martin Wagner, Schéma des espaces libres berlinois (1929)
Deux visions pour deux Berlin. À l’est, un rempart vert court tout le long du mur, combiné avec un système concentrique depuis le centre-ville. Tandis qu’à l’ouest, un maillage de lignes, de points et des surfaces. Un réseau extensible, comme si on espérait que la séparation de la ville n’était que temporaire. Plan général des espaces verts, Berlin-Ouest (1965) et Plan pour le système vert et récréatif, Berlin-Est (1969)
Dans le dernier plan de paysage en date, deux anneaux concentriques sont couplés avec deux lignes qui traversent toute la ville. Les espaces libres s’agrandissent au fur et à mesure qu’ils s’éloignent du centreville.
Plan berlinois des espaces libres (2009)
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III.3.2 – Continuité en pointillé : un projet qui peine à se mettre en place Pour Grünes Band Berlin, les moyens ne sont malheureusement pas à la hauteur des ambitions. Le Land de Berlin est confronté à un problème majeur, à savoir celui de la multitude des acteurs impliqués. D’abord, il peine à racheter les terrains du projet, partagés entre l’État, les sociétés de chemin de fer, les entreprises privées et les particuliers. De plus, compte tenu du passé industriel de certains lieux, il est nécessaire de procéder à une décontamination du sol. Les acteurs se renvoient alors la balle pour savoir qui doit financer cette tâche coûteuse. À un autre niveau, les usages existants sont multiples et divers et les propositions de la ville ne satisfont pas toujours les habitants. Puis, ces derniers ne sont pas toujours sensibles au bon entretien du site. Les dépôts illégaux des déchets ménagers et les déjections canines y sont légion, et la ville n’a pas vraiment d’avoir un coût 19. G : Grünes Band Berlin
d’entretien onéreux à cause des incivilités19. Une piste cyclable (Mauerweg) a pu être aménagée en 2008. Mais à cause des problèmes fonciers, les endroits traversés ne sont pas toujours les plus attractifs et la continuité du parcours pas toujours évidente. Faute de moyens financiers et de consensus entre la ville, les propriétaires et les usagers, la réalisation effective du Grünes Band Berlin est de nos jours encore incertaine.
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Une situation foncière complexe
le Mauerweg : une portion du no man’s land intégrée au réseau berlinois des pistes cycables Un des chemins verts (20 grüne Hauptwege) de Berlin...
mais un parcours parfois peu attrayant.
0
1 km
État fédéral Public Land de Berlin
Sociétés des chemins de fer
Entreprises privées Privé Particuliers
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III.3.3 – Les friches : réserve pour la nature et respiration pour la ville Sans intervention humaine, les milieux se referment rapidement. Le processus est d’ailleurs très sensible au cours de ces dernières années à cause des déchets canins et de la pression de l’ombre. La biodiversité diminue ainsi avec la perte des espaces ouverts. Mais il faut dire que la forme filaire du Grüne Band Berlin est assez difficile à tenir en un tout, d’autant plus que les différentes ambiances se succèdent les unes après les autres, avec parfois des solutions de continuité assez sensibles. Berlin, malgré ses expériences dans le domaine, rencontre bien des difficultés dans cet exercice du vide programmé. Ce projet est à rapprocher de la petite ceinture de Paris avec les thématiques du réseau ferroviaire, de la nature sauvage en ville et du corridor écologique. De manière générale, le devenir des structures linéaires intéressent de plus en plus les jeunes paysagistes, comme en témoigne le récent projet de diplôme de Marion Guichard - ancienne 20. GUICHARD (20112)
élève de Blois - portant sur le site du Grüne Band Berlin20. Comment constituer la continuité écologique tant désirée ? Comment démarrer le projet ? Comment tenir compte des usages existants ? Autant de questionnements auxquelles le projet du Grüne Band Berlin cherche à répondre. Ici, le passé du site et la mémoire du no man’s land est pour ainsi dire quelque peu absorbée par la volonté de l’établissement d’un modèle urbanistique contemporain.
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Le travail de fin d’études de Marion Guichard, intitulé « Sortir de la ville par l’entre-ville », traduit l’idée de voir les friches du no man’s land en tant qu’une échappée à l’effervescence urbaine. L’auteur
y
voit
une
opportunité
d’une promenade à pieds organisée en huit séquences. Une attention particulière
est
accordée
aux
différentes qualités plastiques qui émanent de la mosaïque végétale et aux usages potentiels que pourraient avoir les futurs espaces publics.
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118
Conclusion
119
Traiter le no man’s land du
Le no man’s land du mur de Berlin nous fournit un cas
mur de Berlin sous l’angle de
précieux des possibilités de reconversion d’un vide urbain.
l’écologie et du projet de
Je me suis intéressé plus particulièrement à la place que
paysage
l’écologie pouvait avoir dans cette reconquête, en partant de l’hypothèse que la stratégie écologique n’est pas seulement une question d’arbres et d’animaux, mais surtout un processus capable de régénérer un lieu aux sens littéral et figuré, spatial et social. Par l’ampleur de son étendue et la brutalité de sa mise en œuvre, le mur de Berlin a été un traumatisme pour la ville. Cela m’a amené à questionner la notion de la résilience dans le cadre de la reconquête urbaine. Longtemps vidé d’hommes et de vie, le no man’s land a constitué une sorte de « degré zéro ». Cette situation se prête particulièrement bien à la comparaison des divers projets de paysage depuis la chute du mur, comparaison qui nous révèle les possibilités de la résilience spatiale et sociale par l’écologie. Après avoir développé le mémoire par un découpage chronologique et une analyse de projets au cas par cas, il m’est maintenant possible d’opérer un croisement des
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leçons tirées pour répondre à la problématique posée et effectuer un élargissement.
S’attacher au quoi et au comment
Comprendre la fabrication du no man’s land et l’impact physique de ce dernier dans le tissu de la ville m’a paru important. Le mur de Berlin n’était pas qu’une seule ligne, mais une importante surface aussi grande que le Bois de Vincennes. Et la division spatiale qu’il a engendré ne disparaît pas du jour au lendemain, loin de là. Pourtant, le travail de recherche s’est heurté très vite à un paradoxe. Si la quantité d’informations sur le mur de Berlin abonde, très peu traite du no man’s land dans sa dimension matérielle, très peu parle du mécanisme de son édification. Les maigres éléments disponibles sont souvent imprécis et discordants. Or, à l’instar de l’analyse d’une toile, comment peut-on vraiment saisir l’œuvre sans s’attacher aux couleurs utilisées, aux touches du pinceau, à la dimension du tableau, aux techniques employées, aux gestes de l’artiste … ? Ainsi, il m’a semblé nécessaire
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d’insister sur le quoi et le comment, sur la forme et la manière. Au cours du travail de ce mémoire, j’ai pris conscience de l’importance du foncier aussi bien dans la construction du no man’s land que dans la reconversion de celui-ci. Si le Landschaftspark Rudow-Altglienicke a pu être réalisé sans beaucoup d’entraves, c’est grâce à une intervention de l’État dès le lendemain de la chute du mur. Nous avons aussi pu voir la difficile mise en œuvre du projet de Grünes Band Berlin, à cause notamment des problèmes fonciers. Plus généralement, ce mémoire m’a permis de me familiariser avec la situation de la profession paysagiste à Berlin, et j’ai pu aussi en savoir davantage sur les législations et les divers acteurs concernés par les projets de paysage. Je retiendrais surtout de ce contexte allemand une sensibilité citoyenne et un appareil législatif en faveur de l’environnement.
Les enjeux urbains et la place de l’écologie
Cela dit, bien que Berlin soit connue pour être une « ville-verte » modèle, la place de l’écologie dans les
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projets de reconversion du no man’s land n’est pas toujours significative. La transformation du no man’s land a souvent été une affaire remplie de grandes ambitions. Elle a été l’image de l’unité politique dans le cas de la Band des Bundes, le symbole du renouveau économique pour la Potsdamer Platz. De même, parallèlement aux grands chantiers architecturaux, la création des nouveaux espaces publics post-réunification dans un contexte urbain dense a souvent été soumise aux enjeux de la mémoire, du tourisme ou encore de la récréation. La dimension écologique n’est pas absente des projets du centre-ville, mais elle n’a pas pu être un principe fondateur et le fil rouge de la reconversion. Au Mauerpark, c’était la demande sociale en matière d’espaces de loisir, tandis qu’au Gedenkstätte Berliner Mauer, le discours mémoriel a conditionné toute la composition du parc. Il n’est sans doute pas fortuit que nos trois projets étudiés se situent tous en dehors du centre-ville. Comme s’il fallait sortir de l’effervescence du centre-ville pour que l’écologie puisse être véritablement une source de projet.
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Serait-ce
donc
quelque
peu
incompatible,
la
régénération urbaine et le projet écologique ? Y’auraitil des objectifs plus pressants et impérieux dans la reconstruction de la ville ? Que pourrait être une stratégie écologique capable de répondre rapidement aux enjeux de la reconversion d’un noyau urbain et comment peut-elle être mise en œuvre?
Approches plurielles et concepts fondamentaux
Le discours écologique prend aujourd’hui de plus en plus d’ampleur dans les projets de paysage, avec hélas un aspect souvent trop dogmatique qui voile la question de la composition spatiale. Le regroupement des trois projets analysés dans ce mémoire avait la volonté de montrer la diversité d’approches écologiques en matière de projet et qu’elles ne sont pas exemptes de critiques et de faiblesses. Dans ces projets étudiés, bien que l’écologie en soit la source et le fil conducteur, elle se manifeste de bien différentes manières. Pour le Naturschutzturm, le reboisement de la forêt est venue d’une initiative
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citoyenne volontariste. Une législation sur la compensation écologique a guidé le Landschaftspark Rudow-Altglienicke de la conception à la gestion. Le Grüne Band Berlin, tente quant à lui de valoriser la végétation spontanée installée sur une portion du no man’s land depuis la chute du mur et de l’insérer dans la planification métropolitaine de la ville. L’analyse du concours de Berlin Morgen m’a permis de saisir les principaux concepts spatiaux proposés et d’avoir un regard plus aiguisé lors du déchiffrage des figures spatiales des trois projets. Les parallèles entre ces figures et celles de Berlin Morgen sont manifestes : effacement pour le Naturschutzturm, franchissement pour le Landschaftspark Rudow-Altglienicke et enchainement pour le Grüne Band Berlin. Plus généralement, ces concepts fondamentaux dépassent la seule problématique de la reconversion d’une frontière et rejoignent celle de la recomposition spatiale des formes linéaires comme les berges, les lignes ferroviaires, les infrastructures autoroutiers ou encore les enceintes de ville. Ils montrent que l’écologie peut être porteur de projet aussi dans ces strctures linéaires.
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Construction d’un récit,
Les approches et les figures spatiales engendrées
fabrication d’un espace
traduisent en vérité le rapport qu’un projet entretient avec
symbolique
le passé du site. Si le mur de Berlin se rapporte toujours plus au moins au thème de la mémoire, nous avons vu que ce dernier se manifeste à géométrie variable. Aucun des projets étudiés n’a été fondé sur un travail commémoratif. Au contraire, le Naturschutzturm a voulu oublier l’épisode du mur. Le Landschaftspark Rudow-Altglienicke l’évite, le Grüne Band Berlin l’ignore, et se tourne résolument vers l’avenir. Cependant, le passé des sites de ces projets ne se réduit pas à l’épisode du mur de Berlin. Ce passé peut être porteur de « modèle de nature » et orienter la forme du projet. La référence pour le Naturschutzturm a été la forêt de pins typique du paysage brandebourgeois. Au Landschaftspark Rudow-Altglienicke, le passé agraire est devenu un modèle pour la composition et la gestion du parc. Pour le Grüne Band Berlin, les friches du no man’s land fait resurgir l’idée métropolitaine des corridors verts. Les frontières, les sols inertes, les endroits interdits existent dans bien d’autres endroits du monde. La
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particularité d’une stratégie écologique dans le cas de la reconversion du no man’s land réside dans le fait qu’elle met en tension les couples antagonistes stérile/fertile, mort/ vie, séparation/rencontre. Ce passage d’un pôle à un autre souligne la notion du temps et peut être porteur de récits sur le sens social. Si le Naturschutzturm a su allier action environnementale et réappropriation sociale, le Grüne Band Berlin lui cherche encore à intégrér les pratiques des habitants dans la constitution du corridor écologique. Par conséquent, la composition spatiale et le discours social sont intimement entremêlés. Ce point m’amène à penser que le travail d’un paysagiste devrait d’une part, s’attacher à la fabrication de l’espace physique aussi bien qu’à celle de l’espace symbolique ; d’autre part, être capable d’établir un pont entre le passé, le présent et le futur d’un site. Ainsi, je voudrais terminer ce mémoire par une citation de Peter Latz à propos de son Landschaftspark Duisbourg-Nord : « C’est un parc historique, mais l’histoire commence maintenant et elle regarde en avant aussi bien en arrière, un parc qui constituera les mythes de demain ».
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Bibliographie et crĂŠdits des images
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GRÜNES BAND BERLIN
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Les cartes, dessins et photographies sont
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Axel Schultes et Charlotte Frank, 1993
d’auteur sauf :
Google Earth/vue aérienne, avril 2002 Berlin Partner/FTB-Werbefotografie, 2005
Page de couverture : Geoportal Berlin/Luftbilder, 25 avril 1989
Page 41 : Franz Richter,2007 Raimond Spekking, 2007 Wkinkelmeier, s.d. Hanns Joosten, 2009 Fiona Laudamus/HORTEC, 2012 P. Hausdorf/sinai, 2011 P. Hausdorf/sinai, 2011
Page 20 : Thierry Noir/ADAGP, 1983 Page 25 : Geoportal Berlin/Luftbilder, 25 avril 1989 Page 26 : A. Waidmann/ullstein bild,1961 Polizeihistorische Sammlung, 1980 AP Photo/Lionel Cironneau, 1989
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