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Comportements et santé : quel rôle joué par l’environnement ? Quelle est l’influence de l’environnement dans la pratique de l’activité physique ? Spécialiste des comportements et de la santé, le professeur Gaston Godin, de l’université de Laval, au Québec, présente une revue de littérature et le résultat de ses propres recherches. D’où il ressort que, si l’environnement peut jouer un rôle facilitateur non négligeable, il ne faut surtout pas pour autant arrêter de travailler sur l’évolution des comportements individuels. Tout comportement est réalisé dans un environnement spécifique qui tient compte du contexte culturel, social et physique. Il y a donc invariablement des interactions entre environnement et comportement. Du point de vue de la promotion de la santé, il importe de se demander jusqu’à quel point l’environnement influence le comportement. Il faut également s’assurer de bien comprendre par quel processus un changement au niveau environnemental pourrait causer un changement au niveau comportemental. Dans ce bref article, nous allons montrer les difficultés méthodologiques pour comprendre cette influence et rapporter certains résultats de nos études sur ce sujet.
de type multiniveau que le taux de pratique de l’activité physique était positivement associé au nombre de bars et restaurants dans l’environnement habité. Bien évidemment, on ne peut envisager de promouvoir la pratique de l’activité physique par la construction de bars et restaurants. Cela démontre que ce type d’étude ne reposant pas sur un cadre théorique et basée sur des analyses corrélationnelles est pour ainsi dire inutile pour guider les stratégies d’intervention visant à promouvoir l’adoption d’un comportement et accroître notre compréhension du processus d’influence de l’environnement sur le comportement.
Se référer à des cadres théoriques Conclusions surprenantes Jusqu’à maintenant, nous avons peu de preuves scientifiques démontrant qu’un changement environnemental (par exemple, construire des pistes cyclables) a un effet direct sur le changement de comportement (augmentation de la pratique du vélo). Les études portant sur ce sujet présentent des lacunes méthodologiques importantes. Les quelques analyses réalisées ne reposent pas sur des assises théoriques solides et ont surtout constaté des associations entre un élément de l’environnement et un comportement. Les conclusions dégagées sont donc fragiles et peuvent parfois conduire à des conclusions surprenantes. À titre d’exemple, une récente étude publiée dans l’American Journal of Health Promotion (1) rapportait à l’aide d’une très sérieuse et méticuleuse analyse corrélationnelle (devis transversal)
Pour étudier les interactions entre l’environnement et le comportement, il est fortement recommandé de se référer à des cadres théoriques. En fait, il s’agit de la seule façon d’analyser de manière adéquate leurs interactions. Les cadres théoriques articulent habituellement des variables psychosociales et des variables environnementales. Parmi les variables psychosociales, dites aussi cognitions, on cite la motivation, la confiance en sa capacité à adopter le comportement, l’attitude associée à l’adoption du comportement, etc. En promotion de la santé, les variables environnementales se réfèrent habituellement au social structurant (niveau de scolarité, revenu familial, indices de défavorisation matérielle et sociale) ou aux composantes de l’environnement bâti (état des routes, sécurité des lieux, nombre d’édifices et de maisons, présence de parcs). Ces cadres théoriques permettent d’étudier les relations entre ces variables.
Trois types d’influence de l’environnement peuvent être constatés. • Première influence : un effet direct sur le comportement, indépendamment des cognitions. Cela correspond à une vision où l’individu agit en réponse à un stimulus externe spécifique. Par exemple, la présence de pistes cyclables ferait en sorte que toutes les personnes feraient du vélo. Dans ce cas de figure, il suffirait de changer un aspect de l’environnement pour que les personnes adoptent le bon comportement. • Deuxième influence : l’effet de l’environnement s’exprimerait sur les cognitions, qui, en retour, détermineraient le comportement. Cela correspond à ce que l’on appelle l’effet de médiation des cognitions, en ce sens que les cognitions agissent à titre de filtres de l’influence de l’environnement sur le comportement. La théorie du comportement planifié (2) correspond à cette vision des relations environnement-comportement. Par exemple, la présence de pistes cyclables contribuerait à diminuer la perception des barrières à la pratique du vélo tout en augmentant le sentiment de sécurité lors des excursions. • Troisième influence : la présence (ou l’absence) de facteurs environnementaux favoriserait (ou nuirait à) l’adoption du comportement. C’est l’effet dit modérateur des relations cognitions-comportement, c’est-à-dire que la présence d’un modérateur (facteur environnemental) agit comme catalyseur de ces relations. Par exemple, la construction de pistes cyclables permettrait aux personnes motivées à faire du vélo de le faire, alors que cela n’aurait aucun effet chez les gens non motivés envers cette activité. Il importe de noter que ces effets des
LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 402 - JUILLET-AOÛT 2009
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