Introduction aux "Infrastructures Solaires Urbaines"

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E P F L // ENAC ARCHITECTURE FUTURS // FORMES // ÉNERGIES ATELIER DU PROF. RAPHAËL MÉNARD

Mis en forme par S.Shiraishi & S. Formery, sous la dir. de R. Ménard

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ANNA, Pierre Koralnik, 1966


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PRÉAMBULE

Avant, en ville, l’énergie venait du sol. Avant, c’était avant le gaz à tous les étages, avant la fée électricité dans toutes les pièces. Jadis, les combustibles de nos logis arrivaient depuis la rue. Ils fournissaient nos âtres, nos poêles, nos fourneaux et parfois nos éclairages. C’étaient le bois, le charbon, le pétrole à lampe. Une fois consommée, la chaleur fatale s’évacuait vers le ciel ; les toitures se devaient d’incorporer les échappements permettant la salubre évacuation de ces combustions. Aujourd’hui, nos canopées bâties conservent les traces de ces systèmes énergétiques. Paris et ses refends, ponctués par des conduits de cheminée en terre cuite. Le sol dictait la canopée urbaine. Le sol devait être accessible et idéalement plat pour faciliter transport, logistique et livraison de combustibles qui venaient de l’extérieur de la cité. Quels usages subsistent ? Les feux de bois deviennent suspects. A la limite, les conduits non comblés participent à la ventilation naturelle en été. Dorénavant, la ville doit être résiliente pour assurer tout ou partie de ses besoins énergétiques. Produire ne serait-ce que le dixième des besoins, c’est sans doute la garantie de pouvoir assurer les fonctions vitales en cas de défaillance de la distribution 3


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d’énergie. Autoproduction et micro-réseaux sont nos indispensables garde-fous. Du fait de sa densité humaine, des besoins individuels stables ou croissants mais aussi de la raréfaction des combustibles externes, la ville se doit de produire localement une fraction de son énergie. Ne nous fions pas à la baisse très provisoire du prix des hydrocarbures : le ‘contrecontre-choc’ arrivera. Dans le futur, seules les énergies de flux (le soleil et ses dérivés, et dans une moindre mesure la géothermie) pourront assurer un approvisionnement pérenne. La ville doit alors faire descendre l’énergie directement depuis ses toits. Et, dans ce cas alors, le ciel impose la forme. Le soleil se capte à plat ; les cheminées empêchent cette nouvelle relation. La ville doit retourner sa forme : sa canopée doit dorénavant être homogène, douce et régulière pour faire entrer efficacement l’énergie vers l’intérieur. Les ISU commencent comme cela.

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INTRODUCTION AUX ISU

Utopies urbaines, énergies renouvelables, densités, franchissements : les infrastructures solaires urbaines (ou ISU) abordent ces thématiques. Une ISU matérialise une renaissance de l’espace urbain qui maximise autoproduction et stockage d’énergie, en cohérence avec un bassin versant énergétique identifié. Quelles géométries, quelles matérialités pour récolter les moissons énergétiques du futur? De façon prospective, cet atelier interroge la capacité à créer de nouvelles relations entre l’espace rural et la densité urbaine, avec comme hypothèse fondatrice, la déplétion des matériaux et des énergies fossiles. Par le projet, les séminaires et le voyage, nous interrogerons autonomies constructives et résiliences énergétiques à horizon 2050. Le projet devra également élaborer un programme urbain, des scénarios d’usage et une réflexion vers une sobriété désirable, en lien avec la démarche de Société à 2000 Watts. L’exercice a donc pour objet la définition d’une architecture linéaire et de grande échelle, ayant capacité à proposer une nouvelle typologie urbaine. 5


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Dogma, Field of walls, 2012

A échéance 2050, et dans un contexte géographique choisi autour de l’arc lémanique, le projet devra élaborer une réponse morphologique et constructive permettant d’assurer une autonomie et une robustesse d’approvisionnement énergétique pour des tissus neufs et/ou qui enjambe et incorpore les existants. L’exercice permettra ainsi d’explorer des stratégies architecturales et urbaines augmentant les capacités de production d’énergie des tissus urbains en fonction des situations climatiques et topographiques, et en lien éventuellement avec l’espace rural. A vous de faire cohabiter 1000 personnes dans une architecture linéaire dont la longueur pourra être facilement hectométrique… 6


Etienne Klein. Physicien, directeur de recherche au CEA. 28 août 2013, Les Echos, « Le progrès n’est plus vu comme un soulagement, mais comme un souci.»

« Je suis né en 1958. Les gens de ma génération se souviennent que pendant leur adolescence, ils étaient nourris par des hebdomadaires, tels «Pilote» ou «Tintin», qui leur expliquaient comment ce serait en l’an 2000, comment on y travaillerait, s’y déplacerait, s’y nourrirait, etc. Evidemment, ces anticipations se sont révélées fausses pour la plupart, mais n’empêche, le futur était là, sous nos yeux ! […] Cela suffisait à tracer des trajectoires, à dynamiser le temps que nous vivions en force historique. Aujourd’hui, quand on se risque à faire de la prospective, on se borne à 2025, c’est-à-dire à demain. Quid de 2050 ? Quand les adolescents d’aujourd’hui nous posent la question, nous n’avons que des réponses bien vagues à leur donner. »

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OMA, Rem Koolhaas, Exodus the voluntary prisonners of architecture, 1972

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TROIS THÉMATIQUES FUTURS ÉNERGIES FORMES

FUTURS

2050, Sous le soleil exactement : votre projet voit le jour en 2050 et la déplétion concomitante des matériaux et des énergies fossiles est effective. A vous de reposer la question territoriale, architecturale et constructive à l’aune de ces deux objectifs: autonomie constructive et résilience énergétique. A vous également de vous plonger une génération plus tard et de produire des visions désirables de l’avenir. Pour cela, il vous faudra constituer un récit exogène au projet : comment sera le monde ? L’Europe ? L’arc lémanique ? Vous commencerez donc par un exercice de prospective. Ecrire, rédiger une fiction : le storyboard de votre vision nous entraînant dans un futur possible. Pour cela, un peu de musculation prospective et à vous de vous diriger vers les recommandations de la bibliographie : une acculturation urgente et utile aux futurs possibles (avec un zoom particulier sur l’énergie et le climat) pour rédiger un récit prospectif crédible. Fabriquez alors une narration avec les médias de votre choix pour constituer votre imaginaire : extraits de films, documentaires, cartes et représentations graphiques particulières, ... 9


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Le programme sera d’abord du contenu plus que du contenant. De l’usage plutôt que des mètres-carrés à garantir. Nous vous demandons de proposer un édifice unique, multi-programmatique permettant d’assurer l’autonomie d’usage de 1000 personnes. Votre projet devra permettre d’assurer la globalité des usages spatiaux pour ses 1000 habitants : logements, bureaux, locaux d’artisanat, commerces, équipements publics... Selon le contexte, vous définirez votre allocation programmatique. Ces analyses puis vos choix permettront alors de statuer sur l’emprise d’usage des 1000 futurs habitants. Faut-il prévoir 50m² par habitant ou 25m² ? La somme programmatique de l’édifice sera alors comprise entre 10 000m² et 100 000m².

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ÉNERGIES

En fonction du climat et de vos hypothèses culturelles et techniques, vous évaluerez une estimation de la demande énergétique de vos habitants. En 2050 et au sein de votre site, consommeront-ils 5000W, 2000W ou 1000W ? Vous dresserez cette estimation en évaluant six postes : électricité, alimentation, chaleur, froid, mobilité et amortissement de l’énergie grise (la dette constructive en somme de votre ISU, nous y reviendrons). A partir des usages, vous développerez une réflexion technique sur les méthodes possibles de captation de l’énergie solaire (comprenant les potentiels directs ou indirects comme l’éolien ou l’hydraulique) depuis votre édifice (et sur certains sites peut-être de la géothermie). En fonction du contexte et selon votre choix, vous statuerez alors sur une hypothèse d’autonomie énergétique. Vous serez alors en mesure d’évaluer la hauteur équivalente en appliquant la relation proposée ci-haut (l’outil de calibrage qui vous sera transmis pourra aussi vous aider). Vous entamerez alors une réflexion morphologique pour l’insertion de votre édifice dans un contexte que vous aurez défini et de l’étude de site que vous aurez effectuée. Le projet devra explorer de façon documentée : 1. Les capacités d’offre énergétique locale (les productions d’énergies renouvelables) et élaborer des réponses pertinentes de récolte de cette énergie. A une emprise et une topographie donnée, quelles sont les stratégies permettant d’augmenter la « solarisation » des tissus urbains ? Ce sera l’occasion de développer une carte 11


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de récolte énergétique de votre ISU et de son proche environnement. 2. Le contrôle de la demande (ou de la consommation énergétique) en analysant à la fois les valeurs de consommation individuelle et de densité. Comment mettre en adéquation densité et autonomie énergétique ?

GISEMENT SOLAIRE HAUTEUR MAXIMUM = [NIVEAUX]

[W/m²]

x

RENDEMENT CONVERSION

x

[%]

EMPRISE USAGE [m²/pers]

AUTONOMIE CONSO x ENERGETIQUE INDIVIDUELLE [W/pers]

[%]

3. Enfin, et dans le souci de maximiser la robustesse énergétique de votre édifice, d’anticiper l’intégration architecturale de capacités de stockage énergétique selon les différents besoins finaux en situation urbaine (chaleur, froid, électricité, alimentation et mobilité). Une façon aussi de réinterpréter l’architecture industrielle et rurale des silos à grains, des châteaux d’eau…

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FORMES / MATÉRIAUX

Parallèlement, votre projet devra également interroger la question constructive et questionner la problématique de l’obsolescence. A une échelle intermédiaire entre architecture et urbain, cette typologie devra dès lors proposer un dispositif efficace sur la totalité de son cycle de vie. L’ISU a vocation à exister longtemps, à constituer une ossature, un squelette architectonique de très longue durée. Ainsi, sa dette constructive sera amortie pendant une très grande période de temps. Votre projet devra donc documenter les stratégies constructives permettant de réduire le poids de l’énergie grise. A titre d’exemple, la consommation d’énergie primaire pour l’édification d’un logement en Suisse est de l’ordre de 1000kWh par m² construit. Si l’emprise d’usage résidentielle est d’environ 40m² par personne, le « coût constructif » par individu est de l’ordre de 40 000kWh pour la production de l’espace. Si la durée de vie de ce bâti est de 40 ans, alors l’amortissement est donc de 1000kWh par an et par personne soit environ 110W par personne, comme flux moyen primaire. La troisième thématique supposera de développer des stratégies constructives permettant d’optimiser le coût énergétique de votre construction (et de ses sous-parties) du point de vue de sa matérialité et de sa mise en œuvre. Pour chaque stratégie, vous testerez les répercussions sur votre première estimation du sixième poste de consommation individuelle, à savoir l’énergie grise de votre édifice. Cette valeur sera divisée par la durée de vie que vous estimerez, selon la nature 13


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Robert Maillart, Pont de Rossgraben, 1932

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des matériaux employés et de votre choix de mise en œuvre. Cette valeur sera alors divisée par le nombre d’habitants. Vous pourrez alors évaluer la « dette constructive » de votre édifice en W par habitant. Cette évaluation sera également un instrument d’arbitrage de design de ou des enveloppes de votre édifice : faut-il s’attacher par exemple à optimiser la réduction de la demande de chaleur pour le chauffage si le surcout énergétique d’une enveloppe sophistiquée est plus lourd ? Vous pourrez alors spécialiser votre projet dans des dualités du type lourd-léger, high techlow tech, naturel-synthétique… Cette question sera aussi directement relative à vos choix structurels et à la nature des schémas statiques que vous aurez définie. Enfin, si vous en aurez la motivation et le temps, vous pourrez également intégrer une première approche des coûts énergétiques pour les technologies solaires ou de production renouvelable que vous aurez décidé d’installer.

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