Futurs #1

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1.03 F U T U R S # 1 E P F L // ENAC ARCHITECTURE FUTURS // FORMES // ÉNERGIES ATELIER DU PROF. RAPHAËL MÉNARD

Mis en forme par S.Shiraishi & S. Formery, sous la dir. de R. Ménard


UNE PREMIÈRE PLONGÉE DANS LES FUTURS

«Tu vois tout en noir, Ariel, tu vois tout en noir…» 1, 2 . A quoi ressemblera 2050 ? Aux no-go-zones de Les fils de l’homme ? Ou au contraire, est-ce que la technologie va nous sauver ? Les maisons B10 de Werner Sobek, couplées à des voitures électriques vontelles parvenir à coloniser (à un faible coût économique et environnemental) nos modes de vie, et ce, de façon planétaire ? Profitons-en pour partir à la découverte des simulations prospectives effectuées dans les années 70 pour in fine s’interroger : et s’il en était fini de l’architecture comme «art de la croissance» ? Triptyque nécessaire à sa refondation : la symbiose entre savoirs et cultures (l’information), la matière et l’énergie par un hommage final aux œuvres et aux travaux de Theo Jansen puis de Markus Kayser.

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1, 2. Réplique de Moshe à Ariel à la fin de Les patriotes, film d’Éric Rochant, 1994.


TO DO LIST

En écho à l’invitation formulée par Etienne Klein - la page 6 du fascicule précédent, le 1.02-, nous voilà partis à la découverte d’outils pour fabriquer un récit global, celui d’un futur possible du monde en 2050. Vous avez vu le film d’Alfonso Cuaròn, Les Fils de l’homme et son inquiétante résonnance contemporaine. En 2050, la technologie n’aura peut-être toujours pas sauvé le monde, et sur bien des aspects, l’état général de l’environnement, humains compris, se sera sans doute aggravé. Toutefois, ne noircissez pas trop le gris des futurs possibles : pas de projet possible dans la catastrophe, seule la confrontation entre les tactiques de survie persisteraient alors 3.

3. Rappelons-nous le récit postcatastrophe nucléaire, Maleville par Robert Merle.

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a. The Green Mega City, source: www.popsci.com/futurecity b. Nicolas Moulin, Vider Paris (1998-2001)

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c. Jean Marc Côté, La France en l’an 2000, l’école, 1899

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EN ROUTE VERS L’ECO-HIGH-TECH ?

d. d. Chevrolet EV1, General Motors, produite de 1996 à 1999.

De façon très brève, ré-observons les visions du passé avec la promesse d’émancipation technologique. Le positivisme a toujours cours : certaines visions semblent se faire écho dans le temps, seuls les objets techniques évoluent. Un peu d’ « ecotuning » dans cette image avec florès d’éoliennes à axe vertical de toute sorte, l’hyperloop d’Elon Musk qu’on devine sortant de son tunnel, pleins de bidules dédiés aux énergies marines et puis un monorail suspendu comme nouvelle infrastructure de mobilité… Promesse du feu technique et de son pouvoir de libération et d’émancipation. Le high tech, l’ingénierie de haute volée semble aussi nous faire rêver à des lendemains meilleurs y compris dans le champ de la durabilité: la maison B10 de Werner Sobek, le couplage entre la maison positive et la mobilité électrique. Est-ce un kit global? Rappelons-nous les faux départs, comme la voiture électrique par exemple ; elle était pourtant prête dès les années 90 mais le lobby politico-pétrolier en décidait autrement4.

4. Voir Who killed the electric car? sur l’avortement industriel de la Chevrolet EV1

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e. Couverture de la première édition de Delirious New York, a retroactive manifesto for Manhattan, 1978, Koolhaas, Rem f. Démonstartion du frein de chute par Elisha Otis au Crystal Palace en 1854

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MICROCOSMOS

Les innovations à très petite échelle peuvent parfois déverrouiller des modifications de grande ampleur. Delirious New-York commence comme cela ; Rem Koolhaas rappelle que l’invention d’un mécanisme centimétrique (le taquet anti-recul d’Elisha Otis présenté en 1853) revendique la fiabilisation du transport vertical, et autorise alors la grande hauteur architecturale. L’ascenseur devient sûr et fiable : est-ce la condition nécessaire au manhattanisme? De façon contemporaine, les smart-phones n’opèrent-ils pas des transformations analogues sur la grande échelle? Fin 19ème siècle, souvenons-nous du compactage du moteur thermique à essence, de la possibilité donc du véhicule automobile compact et léger (dont la Ford T a symbolisé le premier aboutissement d’un projet total au tout début du 20ème siècle), puis l’impact considérable de cette brique de mobilité sur nos paysages et la vie quotidienne… Voilà donc pour une brève introduction à des futurs moins prévisibles, plus fortuits. Ou comment l’innovation dans la petite taille bouleverse le monde : un peu à la façon des automates cellulaires5, une non-linéarité dans la prolifération possible des objets techniques.

ci-dessus: extrait du brevet déposé par Otis le 15 janvier 1861.

5. https://fr.wikipedia.org/wiki/ Automate_cellulaire

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1.03_FUTURS #1 g. Tentative de mise en relation phylogénétique entre l’évolution de l’archétype architectural du bâtiment tertiaire et celui de l’automobile. Et si les artefacts partageaient des gènes ? Dessin Ménard R. pour l’article Don Drapper, la voiture et le climat

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g.


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BUCKY ET MEADOWS : L’AUTRE MODERNITÉ ?

Tous les flux nécessaires à la vie et à la société peuvent se décrire en débit, en crédit et en stock : eau, énergie, matières, population, économie, pollution... C’est sur la base de ce schéma métabolique, et dans le cadre d’une commande du Club de Rome, que l’équipe emmenée par les Meadows avait élaboré en 1972 le modèle global conduisant aux différents scénarios du rapport devenu mondialement célèbre (et traduit en français), Les Limites de la Croissance (dans un monde fini). Dès 1961, Buckminster Fuller avec son World Game souhaitait aussi populariser et rendre ludique l’exploration et l’interprétation de tendances de fond : une partie du dessein du monde est donc prévisible, certains futurs sont plus probables que d’autres. A leur manière, les climatologues prenant part au GIEC poursuivent une partie de ce projet. « En 1965, quelques temps avant Buckminster Fuller, le politicien américain Adlai Stevenson lançait les prémices de la métaphore du Spaceship earth lors d’un discours aux Nations Unies: nous, terriens, sommes une communauté d’astronautes ; notre station internationale est de forme sphérique; sur cette sphère, notre habitat dispose de ressources finies pour garantir notre survie et pour initier notre développement collectif et durable. Depuis un demisiècle, et nonobstant l’évocation de cet imaginaire, nous restons désespérément englués dans les mirages du premier principe de la thermodynamique et nous sommes toujours soumis au règne tyrannique du cycle de Carnot: l’illusion de la permanence des ressources énergétiques fossiles, transformables à 10

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h. Couverture de The limits to growth, 1972, Donella H. Meadows Dennis L. Meadows Jørgen Randers William W. Behrens III, i. graphiques tirés de The limits to growth


j. Buckminster Fuller faisant la démonstration du World Game. “Make the world work, for 100% of humanity, in the shortest possible time, through spontaneous cooperation, without ecological offense or the disadvantage of anyone.” Buckminster Fuller

j.

6. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, de la pénurie aux énergies nouvelles, Collection Autrement, 2005 7. Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, Le plein s’il vous plait, Seuil, 2006. Les auteurs rappellent dès l’introduction l’écart entre la puissance musculaire disponible par un humain (~100W) et le contenu énergétique d’un litre de pétrole (~10kWh) soit l’équivalent de 100h de travail d’un forçat. 8. Yves Cochet, Economie et Thermodynamique dans Cosmopolitiques n°9, juin 2005 9. Yves Cochet, Pétrole Apocalypse, Fayard, 2005 10. Ménard Raphaël et al.. Reforme. Rapport final de recherche. Programme Ignis Mutat Res., 2014.

souhait en travail mécanique 6. Le citoyen a perdu toute mesure de cette profusion énergétique. Selon des axiomes en phase avec cette ignorance énergétique 7, notre économie reste fondée selon les préceptes d’une croissance continue de création de richesses 8. Pourtant, cette simplification mathématique de nos théories économiques atteint son asymptote: la vitesse de notre expansion consumériste -en quantité et en intensité- nous projette depuis quelques décades contre la frontière du big crunch de notre survie collective 9. Les forces de rappel induites par les externalités sociales et environnementales nous font de fait entrer dans l’ère du deuxième principe : celle de l’entropie (pour caractériser notre désordre et l’entremêlement inextricable des déchets et pollutions); irréversibilité (très certainement déjà acquise pour le climat). » 10

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MATIÈRES – ÉNERGIES – INFORMATIONS

« Nous attaquons le « siècle des pics » : en premier lieu le fameux peak oil (sur lequel nous nous trouvons peutêtre déjà), puis les pics suivants sur les autres énergies fossiles ; les pics des matières et des différents minéraux : la déplétion du sable est déjà en route. Crises de l’énergie et tensions sur les matières, l’architecture sera le point focal de ces profondes mutations à opérer. En parallèle, la population mondiale devrait aussi se stabiliser au cours de ce siècle. La fin de la croissance démographique conduira inéluctablement à une stabilisation, voire à une décroissance à terme du parc bâti mondial. Nous traverserons prochainement le maximum des surfaces bâties. L’architecture, art conquérant de la croissance, devra alors apprendre à devenir un art de la décroissance ; transformations et renouvellements seront plus à l’œuvre que l’édification neuve. » 11 12

k. Le pic de l’architecture R.Ménard, pp161-168, Extrait du catalogue Matière Grise l. Peak All!

11. Le pic de l’architecture R.Ménard, pp161-168, Extrait du catalogue Matière Grise. Matériaux, réemploi, architecture, édition : Pavillon de l’Arsenal, 2014.


m. Ré-interprétation en architecture de l’équation de Kaya, Raphaël Ménard

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L’équation de Kaya relie les émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2) à des paramètres d’ordre démographique, économique et énergétique. Le niveau total d’émission peut s’exprimer comme le produit de quatre facteurs : la population, le PIB par habitant, l’intensité énergétique et le contenu en CO2 de l’énergie consommée. Elle est utilisée pour analyser ou simuler l’évolution des émissions mondiales de CO2 dans le cadre des politiques de lutte contre le réchauffement climatique.Elle a été développée par Yoichi Kaya, un économiste de l’énergie japonais. CO2 : émissions anthropiques mondiales de CO2 , POP : population mondiale, PIB : PIB mondial, E : consommation d’énergie primaire mondiale et : PIB / POP : PIB par habitant. C’est une mesure du niveau de vie moyen. E / PIB : intensité énergétique du PIB. C’est la quantité d’énergie qu’il faut utiliser pour produire un euro de biens ou services. CO2 / E : contenu en CO2 de l’énergie. C’est la quantité de CO2 qu’il faut émettre pour disposer d’une quantité d’énergie donnée. Il dépend de la part des diverses sources d’énergie dans la consommation mondiale. Pour le faire baisser, il faut augmenter la part des énergies «sans carbone». On peut vérifier la cohérence (validité) mathématique de cette équation en en simplifiant les termes jusqu’à obtenir : CO2 = CO2 source: wikipedia.org

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n. Strandbeest, Theo Jansen, strandbeest.com o. Markus Kayser faisant fonctionner son imprimante 3D à énergie solaire, 2011, markuskayser.com.

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Cette première plongée se termine par ces deux démonstrations pleines d’espoir. L’une d’une délicatesse et d’une intelligence rare : les Strandbeest du physicien Theo Jansen. Des structures mobiles mettant en œuvre une cinématique subtile et possédant une capacité à se mouvoir de façon autonome, récupérant l’énergie du vent, et stockant l’énergie par de l’air pressurisé dans des bouteilles plastiques... De l’autre, un fablab du désert, une imprimante 3D assemblée par Markus Kayser et ne se nourrissant que de sable (la matière primaire) et de soleil (l’énergie locale).

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