Un paisible déluge.

U N PA I S I B L E D É L U G E

Photomontage - vue depuis l’isu en direction du château de Chillon

E P F L // ENAC ARCHITECTURE FUTURS // FORMES // ÉNERGIES ATELIER DU PROF. RAPHAËL MÉNARD

Fanny Mignon , Cyrielle Froidevaux

UN PAISIBLE DÉLUGE

Je ferme les yeux et je sens cette eau , je plonge d’abord puis elle m’emporte dans cet océan de douceur. Je la regarde se mouvoir, et quand je la fixe elle me révèle cette eau autrefois figée, encore à l’état solide. Cette eau du lac dans lequel je me baigne essuie les larmes des glaciers. Le glacier du Rhône, ce bienveillant qui depuis des millénaires donne au Léman sa principale ressource hydrologique, mais les temps changent.

Afin de comprendre l’état de la région lémanique de 2050, j’aimerais remonter quelques années en arrière pour mettre en lumière des dates clés. En 2015 la COP 21, la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, devait aboutir à des accords entre les pays afin de lutter contre le dérèglement climatique. Elle s’est plus ou moins soldée par un échec dans le sens qu’elle n’a conduit à aucun engagement décisif. Partagés entre la volonté de limiter le réchauffement climatique et soucieux de conforter leur croissance, les pays comme la Chine et les ÉtatsUnis n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente et ont continué à produire massivement du dioxyde de carbone.

1

UN PAISIBLE DÉLUGE

620

18,5 Températue moyenne globale (en °C)

580

in 2050 3

x protégées 2

18

Concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère terrestre (ppm)

540

17,5

500

16

460

15,5

420

15

380

14,5

340

14

300

13,5

a.

1000

1100

1200

1300

1400

1500

1600

1700

1800

1900

2000

2050

2100

Bilan de masse du glacier du Rhône (en mètre equivalent d'eau) 0

20

40

a. Réchauffement climatique et augmentation de la concentration de CO2 b. Bilan de masse du glacier du Rhône (en mètre équivalent d’eau)

60

-80

1800

1900

1925

1950

1975

2000

2025

2050

2075

b.

620

L’immobilisme des pays a porté le plus grand préjudice à la planète car la production de gaz à effet de serre a participé activement à l’augmentation de la température globale. Le réchauffement mondial n’a pas augmenté de 1 mais de 4 degrés, le prix de l’inaction politique n’a pas tardé à se faire sentir à différentes échelles. Les pôles Nord et Sud ont fondu comme neige au soleil, la température de l’eau a aussi augmenté et le niveau de la mer est monté de 5m selon les régions. Le réchauffement climatique a eu pour effet à grande échelle une fonte accélérée des pôles et des glaciers.

18,5

Températue moyenne globale (en °C)

580

18

Concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère terrestre (ppm)

540

17,5

500

16

460

15,5

420

15

380

14,5

340

14

300

13,5

1000

1100

2

1200

1300

1400

1500

1600

1700

1800

1900

2000

2050

2100

Alternance des cycles de précipitations et d’enneigement à 2000m (Valais)

A l’image du glacier du Rhône qui a perdu en 35 ans 80 % de sa masse, la plaine du glacier est quasiment sèche. Les cours d’eau ont gonflé, les petits ruisseaux se sont transformés en grandes rivières.

A des échelles plus locales le réchauffement climatique a perturbé le cycle de précipitations et d’enneigements dans la région alpine. L’alternance de pluie et de neige a eu des effets néfastes sur l’ensemble du bassin versant. On observe en période de mi- saison des pics de réchauffement et lors de ces micro-réchauffements il se met à pleuvoir sur de la neige. La goutte d’eau tombe sur des flocons et les enveloppe d’un film d’eau liquide qui les fait fondre et provoque des torrents d’eau dans le bassin versant du lac. Ce phénomène s’est étendu dans le temps, les intervalles se multiplient et s’étendent sur des périodes plus longues, de septembre à juin, alors qu’il y a 35 ans cela se concentrait seulement sur 2 mois de l’année. De plus la quantité de précipitations (neige et glace confondues) a augmenté ces dernières années. Ce phénomène combiné à celui de la fonte des glaces provoque des

3

UN PAISIBLE DÉLUGE

ruissellements importants dans la région du Valais.

Ces vagues d’inondations sont particulièrement importantes au printemps lorsque la température augmente et accélère la fonte.

Cette substance liquide, indolore et incolore, cette matière eau est si mouvante qu’elle en parait inoffensive. Surtout pas de mouvements brusques, l’eau se glisse petit à petit sur la terre comme un enfant grignotant son quignon de pain, les crues au niveau du Rhône ont commencé à s’intensifier et se répéter à des fréquences anormalement élevées.

On peut dénombrer pas moins de 15 barrages répartis dans le bassin versant du Léman, mais aucun d’entre eux ne se trouve entre le glacier et le lac Léman.

C’est une des principales raisons qui a provoqué les inondations récurrentes de la plaine du Rhône. Le Rhône est un fleuve au lit fragile, il se trouve de plus qu’il est un peu capricieux, dans cette région plate qu’est la plaine du Rhône il n’en faut pas grand-chose pour qu’il déborde.

En aval le Rhône a connu le même problème de fonte des glaces. Après le lac Léman, il n’y a pas moins que 4 fleuves post-glaciers, dont l’Arve, qui se jettent dans le Rhône. Ces fleuves sont devenus incontrôlables et le débit du Rhône en aval du lac a lui aussi augmenté anormalement. En aval du lac Léman les installations nucléaires sur le bord du Rhône ont été déclarées zones à haute sensibilité et il a été choisi volontairement de modérer l’ouverture des vannes du barrage du Seujet.

4

Risques d’inondations dans la région de l’arc lémanique

Les inondations provoquent de fortes crues au niveau du lac Léman, en effet entre les glaciers et le lac il n’y a aucune structure assez grande capable de contenir ce différent d’eau. Le seul espace de la source à l’embouchure du Rhône assez grand pour stocker cette eau est le lac Léman, les zones stratégiques pour construire un barrage comme la vallée du Valais sont aussi des zones très urbanisées et primordiales pour la région. Le lac récupère les dégâts climatiques et atteint régulièrement 375m d’altitude, c’est à dire 3m plus haut que son niveau habituel. Lorsque l’on observe les conséquences pour la région lémanique on a constaté que l’embouchure du fleuve au niveau de la plaine du Rhône ainsi que la région de Genève sont des zones particulièrement sensibles, et ces terrains sont de fait utilisés différemment. La ville de Villeneuve a été partiellement ensevelie et les habitants ont dû être déplacés. Elle s’est retrouvée à plusieurs reprises complètement paralysée en raison des inondations, les routes coupées, les industries dévastées, les usines et 5

UN PAISIBLE DÉLUGE

Points d’intérêts touchés par la montée de l’eau

espaces de stockages fermés. En revanche les terrains sont toujours cultivables entre les périodes de crues ce qui permet à la région de rester très actif malgré le déchaînement climatique.

Dehors l’eau est calme, le lac nous présente ses rives. Je dois revenir sur la forme de l’eau, une eau libérée en amont devient ici un lac canalisé dont la morphologie est dirigée, dessinée et façonnée par l’homme. Un lac plus profond, plus large, plus grand. Une eau conduite et façonnée par l’homme. Les hommes méfiants de l’eau ont préféré s’en protéger.

Les rives sont transformées, on le remarque car à quelques endroits, lorsque c’était possible on a construit des digues pour protéger les infrastructures qui étaient autrefois au-dessus du niveau du lac. La montée des eaux a mis en lumière les points faibles des rives du Léman, mais à l’inverse du bassin genevois et de la plaine du Rhône, ces zones sont très localisées Au niveau du grand lac les parties submergées sont limitées, certaines routes se sont retrouvée inondées, des villas et habitations proches des rives ont été évacuées.

6

Nous étions jusqu’à aujourd’hui lancés dans l’ère des conquêtes terrestres, de la plaine au plus haut sommet des montagnes alors qu’il reste au lémanien à faire la plus vaste découverte qu’il n’ait jamais accompli : le lac Evolution des modes de transports (en milliard de personnes-kilomètres) 100

Bilan de masse du glacier du Rhône (en mètre equivalent d'eau)

L’eau a enseveli certaines parties du réseau ferroviaire.

Les transports ferroviaires étaient déjà en perte de vitesse, avec l’évolution des technologies l’homme de 2050 a réussi à transformer le système des transports, maintenant on circule en voitures connectées. La nouvelle génération de voiture est programmée, les voitures roulent automatiquement à la vitesse maximale autorisée, elles se connectent entre elles et respectent les distances de sécurité, respectent scrupuleusement le code de la route, elles calculent et s’adaptent automatiquement aux conditions métrologiques. L’automobile est aujourd’hui le moyen de transport le plus sûr de tous les temps puisqu’il n’est pas contrôlé par la main imparfaite de l’homme mais par des robots programmés. Il n’y a que l’erreur qui est humaine. Le train a eu son heure de gloire, il a rapidement été heurté à ses propres limites et les premières inondations ont eu raison de ce moyen de transport. Les rails ont été détruits à de multiples endroits le long du lac de ce fait il était impossible de garder une connexion nationale stable par le biais du rail. La reconstruction des infrastructures ferroviaires en hauteur n’était pas une solution satisfaisante, car trop contraignante et surtout obsolète face aux autres technologies de transport. La montée des eaux a totalement stoppé l’utilisation des rails.

A une échelle beaucoup plus globale l’eau a posé quelques soucis à l’humanité. Les océans se sont 0

80

20

60

40

40

60

20

-80

1980

2000

2010

2020

2030

2040

2050

2075

voiture motorisée terres emmergées 150

train

2100

1800

1900

1925

1950

1975

2000

2025

2050

2075

620

Évolution des modes de transports (en milliard de personne)

18,5

Températue moyenne globale (en °C)

580

urbain 2050 3

eaux protégées 2

18

Concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère terrestre (ppm)

540

17,5

500

16

460

15,5

420

15

380

14,5

340

14

300

eaux exposées 360

13,5

1000

Précipitations Enneigement

2050

2015

Janv

Fév

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Sept

Oct

1100

Nov

1200

1300

1400

1500

1600

1700

1800

1900

2000

2050

2100

Déc

7

UN PAISIBLE DÉLUGE

réchauffés, les glaciers fondent et l’eau se dilate. Les deux phénomènes conjoints de fonte des glaces et d’expansion thermale expliquent en grande partie la montée des mers Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, ont publié cette année leur quatrième rapport, ils ont dessiné dans ce rapport les nouvelles «frontières» eau/continent. En effet l’élévation du niveau de la mer a grignoté des bouts de continents, des territoires ont été submergés ce qui a transformé l’étendu du continent Il y eu plusieurs millions de personnes à travers le monde qui ont dû être évacuées. Ces populations ont été déplacées dans un contexte d’urgence globale généralisée. 2027, une date clé pour exposer le problème de migrations climatiques, cette année-là nombre de réfugiés climatiques dû à la montée du niveau de la mer a explosé. La quantité de réfugiés climatiques est passée symboliquement devant celle des réfugiés politiques, les frontières sont tombées et le Vieux Continent a fait preuve d’union face à la catastrophe climatique globale.

Autrefois l’ennemi de l’homme, c’était l’homme luimême, aujourd’hui l’eau est son principal ennemi.

L’enjeu est d’autant plus considérable que l’eau peut régler le sort de l’avenir de l’humanité : préserver les espaces marins participent au bon fonctionnement des écosystèmes.

Par ailleurs la population globale de la planète est en phase de se stabiliser, après avoir augmenté jusqu’en 2040 elle connaît une baisse d’augmentation. Nous 8

Niveau de la mer en 2015

Niveau de la mer en 2050

Densité 2015

Densité 2050

sommes aujourd’hui juste 9 milliards sur la planète, la promiscuité a eu raison de l’expansion de la population et diverses épidémies aux 4 coins du monde ont eu pour effet de réguler l’évolution de la population mondiale.

Quel est le champs des possibilités de ce qu’on peut appeler vivre sur l’eau? Notre planète est recouverte de 360 millions de m2 d’eau, et 150 millions de m2 de terres émergées, cette eau est complètement hostile à l’installation de la vie humaine, les paquebots y dérivent lorsqu’ils n’ont plus de propulsion et même les plates-formes pétrolières ont du mal à résister lors des violentes tempêtes. On estime que 90% de cette eau est inhabitable, vivre sur l’eau de manière fixe est pratiquement impossible, il nous reste donc les eaux protégées et semi-protégées de 2 millions de m2 (par surfaces d’eaux protégées on entend les lacs, lagunes, lagons, estuaires...). Parallèlement la surface que prends les villes est une surface qui a triplé, elle est de 3 millions de m2 de plus en 2050. Ces deux surfaces adossées sont intimement et étroitement liées l’une à l’autre.

Planète

9

UN PAISIBLE DÉLUGE Bassin versant du lac Léman Barrages

10

11

UN PAISIBLE DÉLUGE

L’INFRASTRUCTURE SOLAIRE URBAINE

A ce moment charnière où l’époque requiert un autre comportement il est intéressant d’imaginer une vie qui soit autre avec d’autres finalités. Une vie lacustre avec des champs d’algues et des élevages de poissons et ce lac « avec les clartés de ses profondeurs coulait sang de mes veines et faisait battre mon cœur ».1

Plan de masse

Coupe est /ouest

12

Trois variations sur un même thème

e.

13

UN PAISIBLE DÉLUGE Plan de situation

Je pivote pour prendre une rue à contre-courant et me laisse porter jusqu’à la place de l’étoile de mer avec seulement quelques coups de rame pour augmenter ma vitesse. Après un cours déplacement je pénètre dans le marché flottant qui se trouve dans la cour du château de Chillon. J’échange contre un omble chevalier des denrées terrestres avant de m’en retourner chez moi.

Pour aller plus vite je coupe sous les maisons flottantes maintenues en mouvance perpétuelle par des tendeurs qui donnent l’illusion d’une légèreté extrême. Au moment où je passe à proximité des jardins marins qui abondent en faune et flore le long des coques – une réjouissance visuelle j’apercois des amis sortant de chez eux. Je fais un signe de la main pour dire bonjour, nous échangeons deux, trois signes et nous savons que nous sortons ensemble ce soir.

Le grand chic cette année est d’orner son salon d’Abaddon 14

pour Noël, une algue qui prolifère naturellement dans le lac (penser qu’il fut un temps où les hommes coupaient un sapin pour chaque foyer…)

Après une douche à l’eau chaude, produite par la récupération de la chaleur du lac, j’endosse mon costume bleu électrique et mes boucles d’oreilles anémones. Dehors il fait déjà nuit. La rive se pare de faisceaux de lumières qui caressent la surface de l’eau. Cette lumière s’étire comme une voile aux nuances indescriptibles, c‘est l’heure de la fabuleuse plongée nocturne. Je m’enfonce lentement dans cette substance qui me porte et m’enveloppe, la lumière danse imperceptiblement comme une nébuleuse extraterrestre et donne à cette nuit-là des atmosphères d’aurore boréales.

1 – Appolinaire, Cortège

Elevation de l’accroche de l’ISU à la terre

15

UN PAISIBLE DÉLUGE Coupe transversale d’un module

16

Plan du pont supérieur

Plan du pont inférieur

17

UN PAISIBLE DÉLUGE

coque

Matériaux

Origine

Mode de transport

Distance (par rapport au chantier naval)

ferrociment

alluvions du lac

bateau

100 km max

forêt

convois

variant

toiture

bois

isolation

laine de roche

carrière

bateau

50 km max

toiles

voiles de bateau

chantier naval

O

O

Origine des matériaux

CHAUF F AGE

H YDR OTHER MIE

REF RO I DI SSEMENT EL ECTRI CI TE

I S U

TRANSPO RT PA NNEA UX SOLA IR ES

I S U

°C

BIOMA SSE E N E RG IE CINETIQUE

PECHE

E X T

E X T

AGR ICULTUR E

P E R T E S

°C

Diagramme des échanges ISU/lac

°C

18

°C

duction Module de pro Hydrothermie

°C

°C

°C

photovoltaïque par panneaux

°C

°C

sse) riculture (bioma duction par l’ag Module de pro mie Hydrother

°C

°C

°C

ley e: terrain de vol pement publiqu Module d’équi ergie cinétique l’én de ion rat Récupé

Chillon

Chantier naval

19

20

UN PAISIBLE DÉLUGE