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Villes → un bioclimatisme du réchauffement ou l’art de l’albédo saisonnier
Cette évolution est déjà à l’œuvre sous d’autres latitudes, avec l’interdiction de toits foncés dans une ville de la banlieue de Sydney67 . Les opérations d’entretien et de maintenance sur le clos et couvert seraient les occasions idoines, à ne pas rater, pour engager la mue de l’épiderme et la régénération d’une peau plus réfléchissante pour affronter un nouveau régime climatique. Sur la question esthétique, Post Combustion relançait le débat sur le zinc des toits parisiens que certains souhaiteraient inscrire au patrimoine de l’Unesco :
« Cette « mise à jour colorimétrique » des toits de la ville pourra être effectuée dans un délai raisonnable, avec des incitations voire des obligations pour les copropriétés, selon des procédés adaptés. Les évolutions réglementaires encadreront cette transformation esthétique, véritable « mue climatique » de la canopée parisienne. À l’échelle d’un toit, l’augmentation de l’albédo pourrait s’opérer par l’apposition d’une sérigraphie de motifs clairs et réfléchissants, afin de renforcer les qualités du zinc. Cette disposition créerait une nouvelle vue aérienne, une texture modifiée, une esthétique métropolitaine intrigante, mise en œuvre avec des moyens frugaux. Ce dispositif plastique, à grande échelle, serait à même de profondément améliorer santé et confort face à l’augmentation des épisodes caniculaires, en intensité comme en fréquence. » Évidemment cette reconfiguration des canopées suscitera débats et polémiques, entre les gardiens d’une esthétique figée, refusant l’adaptation du paysage bâti aux contraintes planétaires et à la protection climatique (tout comme d’ailleurs la place des énergies renouvelables dans le paysage et leur intégration dans le bâti68). Pourtant, sous réserve de l’acceptabilité, le coût marginal est nul (ou presque), mais comme nous l’avons vu à travers quelques exemples, l’impact est important : l’albédo est une « victoire facile ».
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Tout comme l’Oulipo, ce mouvement littéraire qui a fait de la contrainte un ouvroir créatif, l’urgence climatique est matière à imagination et à inventivité. Cela tombe bien, les concepteurs en raffolent, à eux d’être force de proposition, pour inventer des solutions sobres, désirables, et respectueuses du patrimoine. Il reste toutefois l’épineuse question de la vitesse de cette transformation. La fréquence de régénération des toitures est généralement comprise entre vingt et trente ans et nous pourrions espérer une accélération du rythme, via la rénovation thermique69 . Peut-on cependant patienter jusqu’aux horizons 2040-2050 pour cette mue ? Là encore, des solutions simples et légères sont à inventer70 : un concours d’idées pour identifier des solutions frugales et pérennes ?
Villes → un bioclimatisme du réchauffement ou l’art de l’albédo saisonnier Vouloir « éclaircir l’architecture », s’évertuer à « réfléchir le feu solaire » : n’est-ce pas antagoniste avec la transition énergétique, les solutions passives et naturelles comme la maximisation des apports solaires gratuits ? Dans Let It Shine: The 6000-Year Story of Solar Energy, John Perlin relate cette longue et belle histoire, une fresque temporelle des recherches pluriséculaires, une chronologie inspirante de toutes les inventions afin de favoriser les vertus de l’énergie solaire (en horticulture, en architecture, en urbanisme etc.)
67 Des toits sombres interdits pour lutter contre le réchauffement climatique - Figaro Immobilier (lefigaro.fr) 68 Rappelons en effet la fourchette mentionnée dans le rapport de RTE, à comparer aux 1.5% des emprises bâties 69 La France est en retard sur la SNBC, elle le sera encore davantage avec l’application du paquet Fit for 55 européen 70 Idéalement sans réclamer une intervention humaine en toiture : vaporisation d’une couche réfléchissante par un petit ballon à hélium par exemple ?..
Urbanisme héliocentrique et plan de ville guidé par la recherche des apports solaires optimaux. Bernhard Christoph Faust, Sonnenstadt, 1829
Le « solaire passif » est étroitement associé à l’architecture et l’urbanisme bioclimatique. Il en est l’un des piliers : l’art de positionner les fenêtres, la science de l’ordonnancement des formes afin d’optimiser les apports solaires. À l’échelle du composant architectural, la fenêtre est une « centrale énergétique en puissance ». « Négatif du mur », trou dans l’enveloppe, qui laisse pénétrer l’énergie thermique et lumineuse à l’intérieur de la construction, la fenêtre est un capteur solaire. Le percement transforme l’architecture en foyer thermique ; son efficacité et ses vertus étant conditionné par son orientation, sa dimension et sa constitution (notamment transparence et isolation). Du fait de sa géométrie et de son environnement, ce système possède une absorption et une réflexion variable au cours de la journée et des saisons. L’architecture, les formes bâties, sont par essence des « structures à albédo variable » 71 .
L’art d’aménager (de transformer ou de bâtir) consiste à organiser un albédo faible en saison de chauffe (absorber le feu solaire quand il fait froid pour réduire la demande énergétique72) et à l’inverse un albédo élevé en été (réfléchir le feu solaire pour limiter les surchauffes). Voilà l’apparente contradiction : l’aménagement et l’architecture doivent proposer un « comportement paradoxal » : accueillir le soleil et organiser sa « récolte » en période de chauffe (lorsque le soleil est bas) ; le réfléchir et s’en protéger en situation estivale (lorsque que le soleil est haut et parcours le ciel largement d’est en ouest). Le réchauffement induit une complexité supplémentaire sur la façon d’organiser les volumétries, positionner les transparences. L’architecture et l’aménagement post-carbone seront ainsi à « albédo saisonnier ».
Nous avions testé cet enjeu pour les sols urbains, dans le cadre d’une expérimentation dans le quartier de la Part-Dieu, à Lyon. À la différence d’un sol classique, la recherche consistait à créer un sol avec des capacités climatiques variables en fonction des saisons. Il s’agit de conjuguer une « micro-géométrie » liée à la course solaire et l’usage de différents matériaux aux propriétés thermiques différentes. La différentiation saisonnière se fait grâce à une géométrie adaptée et avec quelques résultats intéressants à la clé.
71 Comme le sont d’ailleurs aussi les cultures agricoles avec les évolutions du couvert végétal au gré des saisons comme la colorimétrie des sols. 72 Et par extension notre dépendance aux énergies de stock comme les hydrocarbures.
Solaire passif et « mur Trombe » en façade sud comme dispositif low-tech pour capter les apports solaires en hiver. Maison des chercheurs à Odeillo dans les Pyrénées-Orientales, Felix Trombe, 196773
Expérimentation d’un « sol à albédo variable » à Lyon Part-Dieu. Vue de la table d’expérimentation et de ses différents capteurs74 .
73 https://pl.maop.fr/wp-content/uploads/2021-03-23_PL181_ECRAN_BD.pdf 74 https://www.lyon-partdieu.com/actualites/experimenter-espaces-publics/