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Bâtiments → le neuf, la RE2020 et les permis de construire

Le TGV Ouigo en Espagne et sa livrée blanche

« Historiquement technique », à forte culture industrielle, le monde du transport utilise « par défaut » des systèmes actifs. Certaines rames du métro parisien sont maintenant équipées d’un système de rafraîchissement… Au-delà de son albédo, la mobilité tirerait avantage des enseignements de la conception passive des bâtiments. Le bioclimatisme pourrait faire des émules aux « petites architectures en mouvement » et se décliner à la conception des transports, en intégrant à la fois les principes de contrôle des apports solaires (géométrie et dimensions des baies), de leur filtration savante, de systèmes simples et efficaces de ventilation naturelle, afin de retarder le recours à des systèmes actifs (comme des écopes et autres dispositifs à faible impact sur l’aérodynamique, plus efficaces que l’ouverture des fenêtre dans une voiture ou dans un train…) Comme pour le design automobile, cette intégration renouvèlerait le vocabulaire des formes, notamment pour les transports urbains, particulièrement ceux se déplaçant à vitesse réduite, et pour lesquels la contrainte climatique serait finalement plus dimensionnante que l’aérodynamique (et renoncer par exemple à un parebrise profilé pour une géométrie verticale moins exposée à l’ardeur du soleil). Coco Chanel disait « la mode, c’est ce qui se démode » ; mais l’esthétique post-carbone risque de durer, et comme nous allons le voir ensuite, il en est de même pour les toits des bâtiments, cinquième façade de l’architecture, et sa nécessaire mise à jour pour les prochaine décennies…

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Bâtiments → le neuf, la RE2020 et les permis de construire L’éclaircissement de nos bâtiments (mais aussi de nos usines, de nos entrepôts, de nos hangars) représente un levier plus puissant encore que pour les moyens de transports. Hameaux, villes et métropoles : nos architectures sont l’épicentre des effets d’ilot de chaleur urbain. Nous vivons dedans, dessous ou à proximité. Dans une ville dense, en vue aérienne, les toits peuvent représenter de 30 à 50% des surfaces « vues » par le soleil. À Paris, par exemple, la canopée des toitures représente le tiers de l’emprise foncière53 . Ainsi, une correction de l’albédo des toits de +0.3 permettrait de réduire de 10%54 la chaleur solaire absorbée par la ville55. Cet écart peut radicalement changer le confort des

53 3350 ha de toits sur 10000 hectares environ. Morgane Colombert, Contribution à l’analyse de la prise en compte du climat urbain dans les différents moyens d’intervention sur la ville, thèse de doctorat en génie urbain, université Paris-Est, 2008. 54 L’albédo du zinc est de 0.54 à 0.60 selon différentes sources. En augmentant ces qualités de + 0.2, cela correspond alors à 200 watts de flux solaire réfléchi. 55 40% x (+0.3) ~ +0.1 d’albédo équivalent

bâtiments et des espaces publics en situation estivale56 , particulièrement lors des canicules. À Melbourne et à Sydney, grâce à une augmentation de +0.1 de l’albédo des toits57 , la température d’air a été réduite de -0.25 à -0.5°C. À Milan, par une correction de +0.1 de toutes les surfaces urbaines58, l’impact était de -0.4 à –0.8°C, tandis qu’une augmentation de +0.5 de l’albédo réduisait de 3 à 6°C les températures ressenties.

Pour la construction neuve, il est regrettable que la nouvelle réglementation environnementale, la RE2020, ne prescrive pas de valeur de référence de l’albédo 59 . Dommage que l’instruction d’un permis de construire ne détaille pas ce point non plus. Cette question est critique pour les bâtiments bas (de plain-pied ou à deux niveaux), pour lesquels le rapport entre surface de toiture et surface de plancher est élevé ; pour l’habitat diffus et les tissus pavillonnaires, cette question réclamerait sans doute des actions spécifiques60 . Cet enjeu est d’autant plus important que les surfaces occupées par le bâti augmentent fortement depuis le début des années 1980 : elles ont été multipliées par 2.6 pour atteindre 0.85 million d’hectares en 2018, soit 17 % des sols artificialisés, l’équivalent de 1.5 % de la France métropolitaine61 . Il est donc fâcheux de ne pas utiliser ce levier (peu onéreux) sur la production neuve ou dans le cas d’une réhabilitation de l’enveloppe.

Exemple de toits éclaircis afin de réduire les besoins en rafraîchissement comme pour limiter l’ICU. Beaucoup d’industriels et d’exploitants y ont déjà recours afin de réduire leur charge d’exploitation. La couleur des toits (et des façades exposées) agit par ailleurs sur les besoins froids : hangars de stockage et entrepôts réfrigérés, bureaux et hôpitaux climatisés etc., avec à la clé des gains économiques et énergétiques62 . Un article de 2004 estimait que la demande énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux diminuait de 20% par l’application d’un « cool roof » (albédo de 0.6) par rapport à une toiture en asphalte63 (albédo de 0.2, soit

56 Soit en moyenne 13 watts par m² en moins, mais jusqu’à 100 watts en pointe, ce qui est considérable 57 Imran et al., 2018 ; Santamouris et al., 2018 58 Falasca, 2019 59 Et idéalement de l’émissivité des parois exposées. 60 Un volet adaptation à développer dans Retrouver le chemin vers les « petits pays renouvelables » ! 61 Notons d’ailleurs que cette surface est très largement supérieure aux besoins identifiés par le rapport RTE, Futurs énergétiques 2050 et propose donc une place de choix quant à l’intégration du solaire photovoltaïque, alors que certains avancent sa difficulté voire son non-faisabilité du fait de la compétition de l’usage des sols. Dossiers 20213_TERUTI.pdf (agriculture.gouv.fr) 62 Baniassadi, A., Sailor, D. J., Crank, P. J. and Ban-Weiss, G. A. (2018) Direct and indirect effects of high-albedo roofs 23 on energy consumption and thermal comfort of residential buildings, Energy and Buildings, 178, pp. 71-83 – référence citée dans le dernier rapport du GIEC – groupe 2 - Chapter 6: Cities, Settlements and Key Infrastructure 63 Akbari & Konopacki, 2004

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