Le retour du bois dans l'architecture contemporaine

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LE RETOUR DU BOIS DANS L’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE QUESTIONNEMENT CRITIQUE SUR SA SIGNIFICATION

LE RETOUR DU BOIS DANS L’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE QUESTIONNEMENT CRITIQUE SUR SA SIGNIFICATION

GORCEA RAZVAN – GEORGE E.N.S.A.P.L.V. MEMOIRE RECHERCHE, 2010/2011. COORDINATION: CHRIS YOUNES, ERIC DANIEL-LACOMBE, CATHERINE ZAHARIA, ANNE TUSCHER, EDOUARD ROPARS

GORCEA RAZVAN – GEORGE E.N.S.A.P.L.V. MEMOIRE RECHERCHE, 2010/2011. COORDINATION: CHRIS YOUNES, ERIC DANIEL-LACOMBE, CATHERINE ZAHARIA, ANNE TUSCHER, EDOUARD ROPARS


«CHACUN DES MATERIAUX A UNE SIGNIFICATION EN FONCTION DE SA PROPRE NATURE […], FAIRE MAUVAIS USAGE D’UN MATERIAU, C’EST MALMENER L’INTEGRALITE DU PROJET DANS SON ENSEMBLE»

F. L. Wright, 1957, « Testament » IX. Matériaux, p. 196


SOMMAIRE

I NTRODUCTION PAR TIE A : T HE OR I ES E T AR C HI TEC TE S

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LES SIGNIFICATIONS DU BOIS A.1. L A SI GN I FI C AT I O N D ’ UN M AT E RI A U EN A R C HI T E CT U R E A.2. L E BO I S P O UR L ES M AI T R E S D E L ’ AR C HI T E CT UR E O R G AN I Q U E A.3. A L ’ E R E D U D EV E L O P P EM E N T D UR A BL E - UN E N O U V E L L E SI G N I FI C AT I O N I M P O S E E

PAR TIE B : CUL TUR ES DU B OI S

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LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS B.1. U N U S AG E V E RN A C UL AI R E B.2. L’ I N F L UE N CE C U L T UR E L L E A SI AT I Q U E B.3. P A R ADO X ES ET M UT AT I O N DE S R AP P O RT S

A U BO I S

PAR TIE C : L IM I T ES DU BOI S

PERISSABLE / VIVANT / RENOUVELABLE C.1. L’ O P P O SI T I O N HI S T O RI Q U E D U BO I S F A C E A L A P I ER R E C.2. L E C AR A CT E RE V I V AN T DU BO I S C.3. L E BO I S – U N E R ES SO U R C E V R AI ME N T R EN O UV E LA B L E ?

C ONCLUSION EXE M PL IF IC AT I ON : P R O J E T D E F I N D ’ E T U D E S

LE

S OL , L ’A RBRE ,

LE

B OIS – E LEMENTS D ’ UN

B IBLIOGRAPHIE ET I NDEX

PROJET URBAIN


Introduction

Depuis quelques années le bois se réclame le matériau de l’avenir. Plusieurs types de raisonnement sont à la base de cette attribution. Le bois est privilégié en tant que ressource renouvelable, économise l’énergie avec des faibles émissions de CO2 dans le 1 processus de la production, tout en protégeant l’environnement et le climat . Mais dans ce contexte énoncé, du développement durable, il faut élargir le champ de vision, car cette « image du bois » a de nouvelles significations, qui suscitent des dimensions psychologiques, sociales et culturelles, environnementales et technologiques. Est-ce qu’on parle d’un vrai retour de l’ancestral matériau bois ou s’agit-il d’un nouveau matériau qui peut se substituer aux actuels, trop énergivores et polluants? Il semble que l’on soit face à un matériau dont la signification est déjà donnée et même imposée. Quelques architectes, comme Frank Lloyd Wright, Alvar Aalto, Christian Norberg-Schulz ou Peter Zumthor ont attiré l’attention sur l’importance des matériaux et de la signification dans l’architecture. Qu’apport-le débat contemporain aux significations du bois dans l’architecture ? Comment les théories, la philosophie, la politique influencentelles la perception d’un matériau ? Le lien intime du bois avec l’homme facilite ce retour « écologique » dans le contexte actuel, car le bois est généralement aimé pour sa beauté et ses qualités naturelles. Long temps utilisé par l’homme, il a fait l’objet d’approches vernaculaires variées et contrastées. Ces traditions de la construction en bois sont aussi entrées dans un processus de transformation de sens. Que peut-on apprendre aujourd’hui de ces différentes approches culturelles et comment peuvent-elles influencer l’emploi du bois dans l’architecture contemporaine ?

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Thomas Herzog, Julius Natterer, Roland Schweitzer, « Construire en bois, c’est l’avenir » dans Construire en bois - Conception et construction, éd. Birkhausen, Bâle, 2005, p.p. 47-49 3


Enfin, si on parle de l’héritage d’un matériau, il faut comprendre et reconnaître les limites et les faiblesses du bois, pourquoi et comment il a perdu sa place face à la terre cuite, la pierre ou le béton. Comment les différences fondamentales, notamment la durée de vie et sa non-pérennité, l’ont distingué et éloigné historiquement et culturellement de l’architecture des tombes, des monuments - l’architecture éternelle. Cette non-pérennité du bois est mise en balance avec la capacité de régénération des forêts, l’avantage renouvelable du bois à un relatif court terme. Mais aujourd’hui cette équation renvoie à la gestion durable et soutenable des forêts à l’échelle mondiale, forêts qui restent les principaux transformateurs de CO2 émis par l’homme dans l’atmosphère. Cet équilibre reste sensible et complexe et faire mauvais usage de ce matériau peut facilement détruire les valeurs mêmes qui créent sa célébrité. Le bois peut facilement devenir qu’une « étiquette verte », au prix de banaliser ses propriétés et finalement de tomber dans une utopie ou même, un échec écologique. En l’absence, à ma connaissance, d’un ouvrage qui élargit le débat sur ce « retour » du bois dans l’architecture contemporaine, j’essaie de développer un questionnement critique sur cette « nouvelle » signification, celle d’une ressource « renouvelable et écologique ». En dépassant les limites habituelles centrées sur l’utilisation effective du bois dans la construction, on crée une structuration complexe, en relevant les influences des théories des architectes sur les significations des matériaux, le rapport de l’homme au matériau dans certaines cultures du bois dans le monde, et finalement l’impact des limites du bois dans la perception contemporaine de ce matériau.

M OTS –

CLEFS

Matériaux, Développement Durable, Bois, Signification, Théories, Nouvelles Technologies, Culturel, Architecture Vernaculaire, Propriétés, Renouvelable.

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PARTIE A : THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS


P A R T I E A : TH EOR IE S E T AR C HI TEC TE S

LES SIGNIFICATIONS D U BOIS A.1. Signification d’un matériau en architecture ........................................................................ 7 La signification dans l’architecture..................................................................................... 7 La nature des matériaux : Frank Lloyd Wright ................................................................... 8 La sincérité des matériaux : Louis Kahn ............................................................................. 9 La métaphore des matériaux : Herzog et de Meuron ...................................................... 10 La tangibilité des matériaux : Peter Zumthor ................................................................... 10 A.2 Le bois pour les maitres de l’architecture organique .......................................................... 11 Frank Lloyd Wright .................................................................................................................... 12 Le neuvième principe d’une architecture organique ....................................................... 12 La beauté interne du bois ................................................................................................ 12 Le bois et la machine ........................................................................................................ 13 La structure en bois dissimulée ........................................................................................ 14 Moins de bois = plus d’arbres .......................................................................................... 15 Protéger et respecter le bois ............................................................................................ 15 Alvar Aalto................................................................................................................................. 16 Héritier de la culture finlandaise ...................................................................................... 16 Rapprochement de la nature et de l’humain ................................................................... 16 Explorations de toutes les propriétés du bois .................................................................. 17 A.3. A l’ère du Développement Durable - une nouvelle signification imposée .......................... 18 Le Développement Durable ............................................................................................. 18 Les atouts « renouvelables » du bois ............................................................................... 19 De quel bois parle-t-on ? .................................................................................................. 19 Un nouveau matériau pour remplacer les actuels ........................................................... 20 Le « green washing » du bois ........................................................................................... 21


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

A.1. S IGNIFICATION D ’ UN

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

MATERIAU EN ARCHITECTURE

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Signification = I. A. − Ce que signifie, manifeste ou indique une chose, un fait matériel. Synonyme sens Signification du monde, de la mort, de l'univers, de la vie; signification d'un événement, des choses. B. − 1. Ce que signifie un ensemble de signes, un propos ou un texte. Signification d'une expression, d'une leçon, d'un mythe, d'un oracle, d'une phrase, d'une prophétie; comprendre, pénétrer la signification d'un texte. Sens assignable. Propos sans signification. 2. a) [À propos d'un signe linguistique, d'un mot] Sens déterminé et spécifique. Les différentes significations d'un mot; mot pris dans toute sa signification; donner une signification à un mot. 3. [À propos d'une notion, d'un principe, d'une théorie] Sens, valeur. Emprunté au lat. significatio « indication, annonce, signal, allusion, sens (d'un mot), acception », dérivé de significatum, supin de significare (signifier)

LA

SI GN I FI CA T I O N D AN S L ’ A R CHI T EC T U R E

Avant de proprement parler de la signification des matériaux, il me semble important d’introduire quelques repères en ce qui concerne la signification et la symbolique dans l’architecture, exemples qui ont influencé radicalement la manière de penser et d’enseigner l’architecture. Dans les années 1970, le professeur Christian Norberg-Schulz propose une façon nouvelle de regarder l’architecture occidentale. Il prend comme prémisse l’utilisation de l’architecture par l’homme en tant que moyen symbolique, pour apporter ordre et signification dans les relations entre lui-même et son environnement. Il montre que l’architecture de différentes périodes culturelles est, dans chaque cas, l’expression physique des croyances religieuses et philosophiques régnantes. Il base sa démonstration en examinant soigneusement toutes les époques principales de l’art occidental, de l’Egypte ancienne jusqu’aux années soixante. « L’architecture est un phénomène concret. […] Depuis des temps reculés, l’architecture a aidé l’homme à rendre son existence signifiante. A l’aide de l’architecture il a obtenu une assise dans l’espace et dans le temps. L’architecture a donc un objectif qui dépasse la satisfaction des besoins pratiques et économiques. Son objet est la définition des significations existentielles […] L’architecture devrait être comprise en termes de formes signifiantes (symboliques). Comme telle, elle participerait à l’histoire des significations existentielles. Aujourd’hui, l’homme éprouve l’urgence d’une reconquête de l’architecture en tant que phénomène concret. »

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CNRTL 2009 7


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

(Christian Norberg-Schulz / Oslo, Janvier 1974) On s’aperçoit que cette façon de penser l’architecture face à l’existence humaine est difficile à analyser dans un temps actuel, contemporain, quelque soit l’époque, car les changements produits sont difficilement quantifiables sur leur importance, révélée dans le temps. Dans la même période postmoderne, de l’autre coté de l’océan, une autre réclamation du « symbolisme oublié de la forme architecturale » apparaît. Il s’agit de Robert Venturi et son livre « Learning from Las Vegas », paru en 1972 et complété en 1977. Cette fois il s’agit de la critique clairement exprimé d’un néo-modernisme qui mène à une perte de signification de la forme architecturale. Cette fois le discours est basé moins sur des périodes passées de l’histoire, que sur l’exemple de Las Vegas, un cas contemporain dans un développement plutôt vernaculaire. La question du monument et du symbolisme en architecture tourne autour de l’analyse et montre le changement produit dans le symbolisme et la forme architecturale, corrélé au changement de la société américaine après la deuxième guerre mondiale. Dans la même optique j’essaie de tourner la question des matériaux dans l’architecture contemporaine, autour de la signification du bois en tant qu’enseigne pour « le bâtiment vert », « le monument écologique ».

LA

N A T U R E D E S M AT E R I AU X

: F R AN K L LO Y D W RI GH T

Mais lorsqu’il s’agit des matériaux, il faut d’abord explorer le rôle que peut jouer un matériau dans l’architecture et avec quelle implication, quelle signification. L’américain Frank Lloyd Wright fut le premier à avoir traité la question de la signification des matériaux. En 1928, il publie à New York une série d’articles sur la nature des matériaux dans la construction pour la revue « The Architectural Record ». Il avait « un sujet de son choix ». « J’ai choisi « La nature des matériaux », étonné de voir, en commençant mes recherches, que rien n’avait jamais été écrit sur ce sujet en quelque langue que ce soit. « Tous les matériaux utilisables dans la construction sont aujourd’hui plus importants que jamais. Chacun d’entre eux a une signification en fonction de sa propre nature. Les vieux matériaux, comme les nouveaux, apportent leur contribution à l’élaboration de la forme, du caractère et de la qualité de chaque bâtiment. Un matériau bien choisi peut déterminer le style ; faire mauvais usage d’un matériau, c’est malmener 2 l’intégralité du projet dans son ensemble. »

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Wright, Frank Lloyd. Testament. Traduit par Claude Massu. Marseille: Éd. Parenthèses, 2005 (original 1957). P.p. 196 8


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

Nature

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LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

= III. − [La nature d'une chose, d'un être] A. −Ensemble des qualités, des

propriétés qui définissent un être, un phénomène ou une chose concrète, qui lui confèrent son identité. − PHILOS., THÉOL. Essence. Empr. au lat. natura «le fait de la naissance, état naturel et constitutif des choses, tempérament, caractère, cours des choses». On voit qu’il marque une différence entre les « vieux » matériaux et les « nouveaux », car on est en plein progrès de l’architecture industrielle, l’essor du béton armé. Pour Wright l’architecte doit explorer et exploiter les propriétés de chaque matériau afin de mettre en valeur la signification propre à chacun d’entre eux.

LA

SI N C E R I T E D E S M AT ERI A UX

: L O UI S K A HN

Louis Kahn évoque la valence spécifique à chaque matériau, exprimé très clairement dans ce fameux dialogue avec « la brique » : « Si on dit à la brique : Qu’est-ce que tu veux, brique ? Et la brique vous dit : J’aimerais une arche. Et si vous dites à la brique : Ecoute, les arches sont chères, et je peux utiliser un linteau de béton au-dessus. Que pensez-vous de cela? Brique ? La brique dit : J’aimerais une arche.»

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Cette logique s’appui sur la vérité structurale absolue. Donc si on juge sur le raisonnement de Wright on pourrait dire que la nature d’un matériau vient de la technique de construction optimale spécifique à chaque matériau et ainsi la signification lui est induite. On peut observer cette sincérité constructive des matériaux dans des nombreux projets de Kahn : les panneaux en bois de remplissage dans la structure de voiles en béton de 5 Salk Instute , les arches et les cercles en brique avec les poutres – tirants en béton de la Biblioteque Exter. Chaque matériau est utilisé en mettant en valeur ses propriétés physiques et constructives : le béton est coulé en voiles linéaires et renforcé avec l’acier, devient tirant, le bois n’a pas un rôle structurel, mais surface de remplissage, et les briques, deviennent des espaces structurels sortant de la linéarité du mur. Cette approche vient d’une théorie plus élargie dans l’architecture Louis Kahn, celle de 6 l’espace servant – espace servi .

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CNRTL 2009 Traduction personnelle de l’anglai, source : http://en.thinkexist.com/quotes/louis_kahn/ 5 Louis Kahn, Salk Institute, Californie U.S.A. 1959-1966 (v. Fig. 3,4) 6 « La nature de l’espace se caractérise aussi par les espaces plus petits qui le servent *…+ Le concept d’ordre de l’espace doit s’étendre au-delà du fait d’héberger les équipements techniques et inclure les espaces servants adjoints aux espaces servis » - Louis Kahn, « 4

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LA

M ET AP HO R E D E S M A T E RI A U X

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

: H E R ZO G

ET D E

M E URO N

Je prends aussi deux cas des architectes contemporains qui ont traité l’importance des matériaux et leur signification dans l’architecture. Leurs approches expriment encore la variété en ce qui concerne le sens de l’emploi des matériaux dans la conception architecturale. Si Herzog et de Meuron adoptent un usage métaphorique qui dépasse l’ordinaire d’un matériau, Zumthor se concentre plutôt sur les sensations primaires que les matériaux expriment par leur nature. « Le matériau a une qualité s’il dépasse sa propre matérialité; s’il n’est plus qu’un moyen 7 de représentation » L’utilisation métaphorique des matériaux, que l’on observe dans de nombreux projets, s’inscrit dans le courant d’une analyse des fondements de la signification architecturale. L’atelier pour un photographe de Herzog & de Meuron se réfère lui aussi à un lieu complexe et ce sont à nouveau les différents matériaux d’habillage qui caractérisent les diverses faces de cet objet, avec trois “canons à lumière”: des plaques en bois sur l’avant et du papier bitumé sur l’arrière, qui s’affiche en tant que tel, tandis que nous connaissons avant tout ce matériau dans le cadre de bâtiments dissimulés à la vue. Ainsi, notre expérience transmet une signification au papier bitumé, tandis que le matériau est utilisé de telle manière qu’il rappelle cette expérience. Ce faisant, il change de camp: de matériau banal, pauvre, il acquiert le statut d’un matériau qui signifie la banalité. Ce changement en entraîne un autre, dans la mesure où, dans le cas d’un hangar habillé de papier bitumé, on ne peut pas parler de représentation, qui impliquerait une intention esthétique. Le matériau est utilisé dans ce cas parce qu’il est 8 utilitaire, un point c’est tout, même s’il ne se résume pas à être utilitaire.

LA

T A N GI B I LI T E D E S M AT ERI A UX

: P ET E R Z U MT HO R

Peter Zumthor propose une nouvelle approche concernant les matériaux. Il leur donne une importance qui dépasse les règles de composition, il leur insuffle leur tangibilité. L’odeur et les qualités acoustiques sont pour lui des éléments du langage que l’architecte est obligé d’utiliser dans les bâtiments. Il essaie de mettre en évidence une signification spécifique d’un certain matériau, une signification perçue juste dans cette manière dans le bâtiment respectif.

Les espaces, l’ordre et l’architecture » in Silence et lumière, Editions du Linteau, Paris, 1996 (1961) 7 Conférence «Herzog & de Meuron.» par Jean-François Chevrier (Beaux Arts Paris). Paris - Musée du Louvre, 10 DEC 2008. 8 « Conceiving architecture, materializing ideas » in WANG, Wilfried. Herzog et de Meuron. Boston : Birkhauser, 1998. p.p.15 10


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

Peter Zumthor fait l’éloge des matériaux dans son approche de l'architecture, car il soutient que « dans chacune de mes œuvres, le matériau a dicté ses lois. (...) Les projets naissent d'une idée et cette idée, dans mon cas, est toujours accompagnée d'un matériau. Je ne conçois pas une façon de concevoir dans laquelle on décide d'abord la 9 forme puis les matériaux » . Mais il ne faut pas confondre que le matériau même et le point départ, car pour chaque sujet, il trouve « le matériau » qui soutient « l’idée », les deux sont interdépendantes. Il n’a pas de préférence pour un certain matériau, car il bâtit en pierre pour les Termes de Vals, en bois pour une chapelle en Suisse, avec le verre pour un centre d’art en Autriche 10 et il utilise la brique pour le musée de Cologne . CONCLUSION PARTIELLE On s’aperçoit que c’est une option très rare de concevoir un bâtiment à partir d’un certain matériau, même si le matériau est amené à un haut degré d’expressivité, et que ses propriétés sont explorées et mises en valeur. Souvent les architectes essaient de donner aux matériaux des significations qui dépassent leur stricte utilité dans la construction, basée sur des théories plus larges, quelle que soit leur approche de l’architecture.

A.2 L E

BOIS ORGANIQUE

POU R

LES

MAIT RES

DE

L ’ ARCHITECTURE

Considérés comme les précurseurs de l’architecture éco-responsable, « à l’ère de l’industrialisation triomphante, quelques architectes mettaient déjà en garde contre les dangers d’un éloignement radical de la nature et de la tradition. L’américain Frank Lloyd Wright militait en faveur d’une architecture « organique ». *…+Leur travail est cependant toujours guidé par le respect de la nature et des convictions humanistes, Frank Lloyd Wright est le maître à penser de la plupart de ces pionniers. Certains furent ses disciples, 11 comme Alvar Aalto, qui a introduit l’architecture organique en Europe ». C’est comme ça que nous sont présentés aujourd’hui les maitres « à suivre » pour une architecture dite « éco-responsable. J’ai étudié donc leurs approches en ce qui concerne l’emploi du bois dans leurs œuvres. J’essaie de comprendre comment leurs conceptions architecturales se traduisent dans l’utilisation du bois dans leurs projets.

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http://www.floornature.eu/progetto.php?contact=yes&id=4032&sez=30 V. fig. 7-10 11 Habiter écologique, quelles architectures pour une ville durable? Dominique GauzinMüller, « Les précurseurs de l’architecture écoresponsable » Cité de l'architecture et du patrimoine, 2009 10

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

F RANK L LOYD W RIGHT LE

N EUV I E M E P RI N CI P E D ’ UN E A RC HI T E CT U RE O RG AN I Q U E

Après la révolution industrielle, le choix des matériaux se multiplie, de nouveaux matériaux pour la construction apparaissent. Les architectes sont face à un nouveau défi. Certains se concentrent sur une manière de construire plus industrialisée et standardisée (Bauhaus), d’autres font appel à la reprise des techniques traditionnelles (ex. Arts and Crafts). Frank Lloyd Wright, conçoit les bases de l’architecture organique et il intègre les 12 « matériaux » comme un de ses neuf principes fondamentaux . Alors, pour la première fois, forcée peut-être par le contexte historique et la relative crise de l’architecture, Wright met l’accent sur la signification d’un matériau, le fait qu’il est porteur d’un sens et doit être inclus dans la conception architecturale. Selon Wright, la signification vient, comme on l’a présenté dans le chapitre précédent, de sa propre nature. Mais la nature-même d’un matériau peut-être aussi différente, car Wright refusait « de chérir une forme préconçue» et conseillait de « chercher une forme exaltant les lois simples du bon sens ou d’un sens supérieur, qui détermine la forme par 13 le biais de la nature et des matériaux » . Alors l’emploi d’un matériau ne se réduit pas à son strict usage dans une certaine manière esthétique dans un projet. Déjà le choix d’un matériau est crucial et après la technique de mise en œuvre joue aussi un rôle important pour l’intégralité du projet.

LA

B E AU T E I N T ERN E D U BO I S

En 1994, l’auteur Terry Patterson réalise une grande nouvelle étude sur cet incontournable maître du XXème siècle, il explore en profondeur le rôle réel des matériaux de construction dans l’œuvre de Wright. Dans son livre fortement illustré “Frank Lloyd Wright and the Meaning of Materials”, Patterson développe un regard sans précédent sur plus des 240 constructions et projets de Wright. La structure du livre se concentre objectivement sur chaque matériau dans un chapitre séparé : le bois, la pierre, la brique, le bloc en béton, les métaux, le béton et le verre. Sa méthode examine régulièrement l’essence de chaque matériau par quatre propriétés : la forme, l’exploitabilité (de l’anglais workability), la résistance, et la durabilité.

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Principes : 1 – la parente entre le bâtiment et le sol; 2 – la décentralisation; 3 – le caractère est un élément naturel ; 4 - ; 5 – l’interprétation de la troisième dimension ; 6 – l’espace ; 7 – la forme ; 8 – l’abri : besoin inhérent a l’homme ; 9 – les matériaux. (Wright 2005 (original 1957), 192) 13 Habiter écologique, sous la direction de Dominique Gauzin-Müller Arles [Paris]: Actes Sud, 2009, p.p. 25 12


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS 14

« Chaque matériau a son propre message ... » Quel est le message du bois dans les projets de Wright ? Quelle est la nature du bois pour Wright ? Wright s’est rapporté au bois dans les termes les plus sympathiques. Pour Wright le bois était aimable, amical, gentil, et «le plus humainement intime de tous les matériaux » [...] L'aspect du bois qui semble attirer le plus l'attention de Wright c’est son grain (la veine). Cependant, la partialité de Wright pour les modèles du bois avec un grain délicat et varié ne pouvait être traitée avec efficacité que dans les intérieurs des bâtiments. L'incapacité du bois pour maintenir la beauté de sa surface naturelle dans le temps sans être protégé était un dilemme pour Wright comme il est pour la plupart 15 des architectes. Le bois est donc pour Wright « révélateur de sa beauté interne », ce qui est beaucoup plus difficile dans le cas de la terre par exemple. Vu en tant que matériau noble, la tendance de Wright est de « l’exposer » et en même temps de « le mettre à l’abri ». Il veut intervenir très peu sur le bois. « Faire ressortir la nature des matériaux ; laissez leur nature intime dans votre schéma »

LE

BO I S ET LA M AC HI N E

Wright n'a pas tenu compte, pour la plupart des cas, de la grande « ouvrabilité » du bois, une propriété qui contribue fortement au sentiment de l'humanité et à l'intimité du bois. Au contraire, Wright cherche aussi à trouver la place du bois avec les nouvelles technologies de l’époque, en acceptant comme inhérentes les interventions industrialisées à la place des techniques traditionnelles qui « abiment » la naturalité du bois et donc sont moins honnêtes. Wright a révélé le rôle important mais contrôlé des machines par rapport à sa vision sur le bois quand il a déclaré qu'elles ont permis au concepteur de « réaliser la vraie nature du bois dans ses créations en harmonie avec le sens de la beauté de 16 l'homme ». Il essaie de trouver les techniques propres à l’intervention sur le bois, en concordance avec ses visions esthétiques et sa philosophie sur la nature des matériaux, ainsi que ses conceptions architecturales. « La forme et la fonction deviennent ainsi un tout unitaire dans la conception et l'exécution si la nature des matériaux et la méthode sont à l'unisson. »

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"Each material has its own message …" — Frank Lloyd Wright, Architectural Record, (April/1928)

15

Patterson, Terry L. Frank Lloyd Wright and the Meaning of Materials. New York: Van Nostrand Reinhold, 1994. p.p. 45 - traduction personnelle de l’anglais 16 Ibid., p.p. 46 13


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

Wright cite des compatibilités entre la nature du traitement mécanique et les aspects de 17 bois qu'il favorise. Il a observé que « les effets linéaires sont propres à la machine » . La production de bois est un processus dominé par la machine, caractérisé par des mouvements linéaires parallèles et perpendiculaires les uns aux autres. Son expression dans l'architecture fait appel à une démonstration de la linéarité du bois à la grande échelle et aux formes rectangulaires à la petite échelle. Wright a rejeté certains profils qui étaient devenus des produits industriels standards en raison de leur popularité. Il ne considère pas que la machine soit le définisseur de la forme du bois naturel quand 18 elle produisait des sections non rectangulaires ou curvilignes complexes.

LA

ST R U C T U R E EN BO I S DI S SI MU L E E

Le bois structurel est généralement caché par Wright, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur. Il n’y a quasiment pas de bois structurel exposé à l’extérieur. En cachant le plus possible le bois structurel, bien qu'il maximise la continuité visuelle en réduisant le nombre des pièces et la production apparente d’une surface plus lisse, il élimine pratiquement la contribution linéaire de ces éléments dans l’espace qu’il crée. Si on prend comme exemples les plafonds de la Avery Coonley Residence, Frederick C. Robie Residence, Unity Church, on se rend compte que la plupart de ses moulures de plafond manque de crédibilité en raison de l'absence de logique structurelle dans leur configuration. En même temps il prend une position très ferme envers les façons «traditionnelles» de travailler le bois. Wright a rejeté certains assemblages de bois en tant que «menuiserie laborieuse». La menuiserie de bois historique (et ses imitations ultérieures), étant moins dépendantes des attaches métalliques que la charpente légère contemporaine, à 19 tendance à être trop volumineuse et moins esthétique que l’idéal de Wright. Une réalisation qui peut paraître en apparence différente de sa pensée habituelle du bois, est le bâtiment de Taliesin West. Mais, en effet, il ne représente que l’exception qui confirme la règle. Les poutres apparentes sur le toit de l'aile de l'administration à Taliesin West (1937) expriment la force modérée de bois en vertu de la grande profondeur de ses membres. En outre, l'extrémité inférieure du système rapproche le bois du visiteur, ce qui souligne la profondeur importante et la masse de la section sur la ligne de toit. D'autre part, la section est relativement faible en épaisseur pour la longue portée, une caractéristique rendue possible par des plaques d'acier dans les poutres. Les plaques métalliques ont également été utilisées pour le toit en porte à faux du garage de la première Maison Jacobs (1936) et dans d'autres projets.

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Ibid., p.p. 47 Ibid., p.p. 47 19 Ibid., p.p. 48 18

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

MOINS

D E BO I S

=

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

P LU S D ’ AR B RE S

Son opinion que le bois est vraiment traité comme du bois quand il est appliqué comme placage révèle que la résistance, la durabilité, et la forme de base du matériau sont secondaires dans sa définition du matériau. Wright offre aussi un point de vue écologique, car il considère que le placage représente une manière de sauver les forêts, de contribuer à la protection de l’environnement : 20

« L’utilisation de placages pourrait sauver les arbres » . L'implication est que le grain de surface devient la plus importante caractéristique du bois, au détriment des autres propriétés – la résistance, la durabilité par exemple. Wright peut être critique pour cette approche l’utilisation du placage qui a plutôt tendance à imiter un bois plus épais. Sa justification pour un minimum des pertes de bois peut sembler à une excuse pour cet usage. Il a aussi réclamé qu’à la minimalisation des déchets s’ajoutent les longues bandes de moulures du plafond, ce qui a donné son 21 avis sur « le charme du bois sans pertes de production » . Selon certaines critiques, ceci constitue toujours une imitation du bois qui semble incongrue à la promotion de l'honnêteté en architecture par Wight. On peut voir l’expression du grain du bois, en surface, dans des projets comme le bureau de M. Kaufmann, Carlton Wall Residence et beaucoup d’autres.

P R O T E GE R

ET R E SP E CT ER L E BO I S

Wright a commenté peu la résistance du bois. Ceci, en soi, reflète une attitude particulière envers le matériau. Son analyse du matériau est caractérisée par une orientation visuelle. On peut dire qu’il y a une sorte de protectionnisme envers le bois car Wright ne croit pas aux qualités de la durabilité ou à la résistance a long terme du bois. La critique dénote une incapacité ou une non-appréciation des toutes qualités du bois : les expressions de Wright quant à dans la nature du bois semblent être en grande partie le sous-produit de ses objectifs généraux d'architecture plutôt qu’une intention 22 délibérée d’honorer le bois . Finalement, on se rend compte que le débat sur l’utilisation du bois dans la construction ne peut pas être dissocié des questions technologiques. Wright évite de prendre position sur les aspects « vivants » du bois et il ne l’utilise que dans des conditions où il peut assurer un contrôle maximal et une certaine pérennité. Il ne veut pas intervenir trop sur sa modification, considérant que « la sculpture en bois a fait plutôt violence à sa nature» et la discussion en ce qui concerne la protection par la peinture reste un dilemme. En tout cas, on voit qu’il essaie de minimiser l’apparence extérieure ou

20

Ibid., p.p. 45 Ibid., p.p. 48 22 Ibid., p.p. 50 21

15


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

excessive du bois, vision contraire à celle d’aujourd’hui, qui essaie de l’exprimer dans toutes les conditions. Sa vision fait appel à une protection de la nature, au bois à l’état naturel, une responsabilité pour sa mise en œuvre, et il minimise les quantités et les pertes, avec néanmoins, une connaissance et intelligence dans son usage.

A LVAR A ALTO H ER I T I ER

DE L A C U LT U R E FI N L AN DAI S E

Suite à l’analyse du cas du Frank Lloyd Wright, on peut passer à son « homologue européen », et d’ailleurs à son ami, Alvar Aalto, pour lequel Wright avait beaucoup 23 d’estime : « Alvar Aalto is a genius » 24

Le théoricien S. Gidion affirmait « Aalto, où qu’il aille, porte la Finlande avec lui » . Phrase énigmatique et ouverte aux interprétations, en ce qui concerne le bois, elle est assez évidente dans l’architecture d’Alvar Aalto, car c’est un matériau qu’il aime bien et qu’il utilise dans tous ses projets. En Finlande, pays reconnue pour ses ressources en bois sur lesquelles son économie 25 actuelle est fortement basée, il y a une forte tradition de la construction en bois , ainsi qu’une perception différente du bois, de son vieillissement en temps. Cette différence est significative notamment sur la perception du matériau, car en Finlande on accepte que le bois change sa couleur en temps, il noircit, etc. A la différence de la France, par 26 exemple, où on veut qu’il reste dans le même état de sa mise en œuvre . Les influences de l’architecture vernaculaire finlandaise dans les projets d’Alvar Aalto 27 sont liées à la recherche d’esthétiques structurelles ou fonctionnelles , mais aussi à un certain regard « culturel » du bois. Par exemple, on peut observer que dans la même 28 29 typologie de terrassement, Aalto utilise le bois en Finlande et la pierre en France .

R AP P R O C H E ME N T

D E L A N A T U R E E T D E L ’ HU M AI N 30

Dans la conférence « De la nature au bâtiment : l’usage du bois chez Alvar Aalto » , 31 Asdis Olafsdottir, a souligné le rapport à la nature dans l’architecture d’Alvar Aalto.

23

Alvar Aalto / Göran Schildt, Alvar Aalto, de l'œuvre aux écrits, textes d'Alvar Aalto, établis et choisis par Göran Schildt, éd. Centre Georges Pompidou Paris, 1988 24 Ibid. p.p.5 25 Ce sujet sera développé dans le chapitre B.3 sur l’architecture finlandaise 26 Ces différences de perception seront plus approfondies dans le chapitre C.1. 27 Voir les exemples sur les poteaux, poignées de porte, gardes de corps, etc. 28 Pour la mairie de Saynatsalo (v. fig. 21) 29 Pour la maison Louis Carée (v. fig. 22) 30 « Le bois dans l’architecture d’Alvar Aalto » Conférence par Asdis Olafsdottir à E.N.S.A. Paris Belleville, 24 mars 2011 16


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

« L’architecture d’Alvar Aalto se caractérise par son ancrage dans l’environnement, souvent souligné par une végétation envahissant des parties extérieures ou intérieures. La nature est également reflétée de façon symbolique par des éléments structurels et décoratifs ainsi que par l’usage du bois, dans son architecture comme dans son design. » A la différence de Wright, Aalto écrit très peu sur son architecture, car il considère que la meilleure théorie se fait par de réalisations concrètes. Quand même il exprime son 32 affectation pour le bois, il le considère « profondément humain » . Un bon exemple sur cette idée est son fameux fauteuil « Paimio ». En effet, cette appellation vient du nom du Sanatorium de Paimio, projet réalisé par Aalto dans les années 1929-1931 en Finlande. Il était à la recherche d’un matériau pour son mobilier de l’hôpital qui pouvait être conforme aux normes d’hygiène et en même temps agréable pour les patients. Alors il commence à utiliser le bois en contre-plaqué moulé pour ses chaises et des fauteuils. La flexibilité de ce matériau offrait des possibilités esthétiques presque illimitées. Sur le plan pratique, sa chaleur, son « humanité » répondaient aux vœux d’Aalto. *…+ Symbole de cette évolution : le fauteuil dit « Paimio »: synthèse à la fois esthétique et fonctionnelle de ses recherches. Constitué de cinq éléments, ce siège relève du fonctionnalisme rationnel dans ce qu’il a de meilleur, mais la marque humaniste et réaliste d’Aalto y est déjà présente : chaleur du bois, forme 33 organique, souplesse, beauté. »

E XP LO R AT I O N S

D E T O U T E S L E S P RO P RI ET E S D U BO I S

Dans ses écrits Aalto affirme sur l’influence des matériaux : « Les « produits naturels directs » sont désormais remplacées par le « matériau de construction » ; ils ne constituent plus une catégorie de matériaux brute et primitive, mais ils sont l’objet d’une perpétuelle élaboration- élaboration qui s’est toujours faite et continue à se faire 34 au cours même du processus de construction. » Alvaro Aalto est allé plus loin et il a inventé d’autres esthétiques avec de nouvelles technologies du bois. On voit apparaître des formes curvilignes qui ont comme support le même contre-plaqué, produit dérivé du bois, composé par plusieurs strates de placage. Alors le placage, bien aimé par Wright, réussi maintenant à montrer aussi la résistance et la durabilité du bois et non pas seulement sa fibre, son grain. (v. fig. 25-27)

31

Historienne de l’art et administratrice de la Maison Louis Carré, realisée par Alvar Aalto à 40 km de Paris entre 1956-1959 32 Alvar Aalto / Göran Schildt, Alvar Aalto in his own words edited and annotated by Göran Schildt, éd Rizzoli, New York 1998, c1997 33

Maarkku Lahti, « Introduction » au catalogue de l’exposition « Alvar Aalto, du romantisme national à l’architecture moderne », Centre Pompidou Paris, 1988 34 Ibid. A.Aalto, « De l’influence des matériaux et des structures », p.135 17


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

En plus, si Wright utilisait « la machine » pour créer des formes rectilignes, Alvar Aalto, utilise l’industrialisation pour « renaturaliser le bois », en recréant des formes inspirées du monde végétale. Ses expérimentations sur l’usage du bois sont très vastes, il connait bien les essences, comme on peut voir dans la Maison Louis Carrée, où il emploie une beaucoup d’essences différentes chacune avec ses propres qualités : couleur, dureté, etc.

A.3. A

L ’ ERE DU D EVELOPPEMEN T NOUVELLE SIGNIFICATI ON IMPOSEE

D URABLE -

U NE

Après une présentation de l’emploi du bois dans l’œuvre de deux maîtres de l’architecture moderne, on va explorer comment aujourd’hui on assiste à une mutation dans l’utilisation des matériaux, car certains sont imposés aux architectes pour des raisons écologiques, protection du climat, émissions de CO2, etc.

L E D EV E LO P P E M EN T D UR A BL E Le « Développement Durable » (traduction de l’anglais « Sustainable development ») est une nouvelle conception de l'intérêt public, appliquée à la croissance économique et démographique et reconsidérée à l'échelle mondiale. Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le « rapport Brundtland », le développement durable est : « Un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » A l’heure actuelle un des dangers primaires de la planète c’est un désastre écologique, dont la première cause est l’émission des gazes à effet de serre dans l’atmosphère. Les produits le plus utilisés aujourd’hui, le béton et l’acier, contribuent considérablement à ses émissions. Dans le cas du béton ces émissions ne se produisent pas seulement lors de sa production industrielle, mais notamment à sa mise en œuvre fine lors de son refroidissement. Ce pourcentage est croissant, car plus de 50% de surfaces construites annuelles se réalisent chaque année en Asie, notamment en Chine, dans des pays émergeants où la construction en béton occupe le premier rang. Alors, on cherche de réduire des émissions dans tous les secteurs, en même temps avec les économies d’énergie et le passage aux énergies renouvelables, car le secteur énergétique actuel est c’autant plus considéré insoutenable.

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

L ES

AT O UT S

«

RE N O UV E LA B L ES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

»

DU BOIS

« Le bois, matériau traditionnel universel depuis des siècles, a retrouvé ces dernières années une place de choix, grâce notamment a l’écologie. Les architectes lui 35 reconnaissent maintes qualités : viabilité, polyvalence, rentabilité et beauté. » Mais plus qu’un « retour » de ce matériau ancestral dont on redécouvre ses qualités, le bois a des atouts plus importants du point de vue du Développement Durable. 36

-

-

Gerd Wegener, Bernhard Zimmer , en analysant les propriétés du bois concluent que « la construction de bois est une construction d’avenir », car: Le bois est un matériau renouvelable Le bois est produit dans l’usine la plus respectueuse du point de vue écologique et social : la forêt Les forets et les produits à base de bois fixent le CO2 Les produits de bois économisent l’énergie et le CO2 (production peu gourmande en énergie, production d’énergie avec les déchets et les produits annexes, fonction isolante qui économise l’énergie, utilisation énergétique en fin de vie utile) Chaque fois que l’on utilise du bois à la place d’un matériau fossile ou non renouvelable, on fait un geste pour l’environnement et pour la protection du climat

DE

Q U E L BO I S P A R L E - T - O N

?

Mais en même temps la production du bois et son emploi en architecture sont définitivement entrés dans des processus industrialisés et le bois acquiert une nouvelle esthétique. Alors il est nécessaire à spécifier à quel type de produit en bois on se réfère. Historique des produits de bois : Avec le développement du bois lamellé-collé au début du siècle dernier, on a réussi à dépasser les limites dimensionnelles imposées par la croissance naturelle de l’arbre. Des éléments long, voire courbes, de grande envergure, sont devenus réalisables. Mais la construction bois est quand même restée, et jusque bien au-delà de la moitie du XXème siècle, essentiellement une construction à base de tiges. Un changement s’est amorcé grâce à la disponibilité sans limite de panneaux bon-marché. Les panneaux en bois – contreplaqués, panneaux en particules de bois, et plus tard OSB (Oriented Strand Board) – ont entamé leur marche triomphale dans le secteur du bois de construction comme planchéiage dans la construction à ossature bois. Certains esprits inspirés ont bientôt testé de nouvelles applications qui allaient au-delà du simple contreventement. Par exemple l’utilisation de bois contreplaqué et du bois lamellé-collé pour des poutres ou pour les structures de toiture tridimensionnelles.

35

Le bois en architecture : innovations & esthétique . Paris: Place des Victoires, 2010. Thomas Herzog, Gerd Wegener, Bernhard Zimmer, « Construire en bois, c’est l’avenir », 2005 p. 49 36

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

Donc aujourd’hui on voit apparaitre une nouvelle série de structures en bois qui ont perdu toute connexion avec le modèle de la charpente traditionnelle. Elles amplifient les qualités naturelles du bois en utilisant une haute technologie pour la production, qui n’a plus besoin de grandes sections de bois – le bois lamellé-collé se fait à partir du bois de petites dimensions, sélectionné et coupé automatiquement. Ce type de produit de bois est assez économique, a des bonnes résistances physique et le travail du bois est minimisé, ce qui assure sa durabilité. On trouve un panorama assez large, avec toutes les fonctions, dont un des exemples le plus récent c’est le Centre Pompidou à Metz, réalisé par l’architecte japonais Shigeru Ban.

UN

N O UV E AU M AT ERI A U P O U R R E MP L A CE R LE S A C T U E LS

Dans les dix dernières années, un nouveau produit à base de bois, inventé par une compagnie allemande dans les années 1990, prend une importance cruciale, car il paraît qu’il pourra remplacer le béton. Il s’agit de « cross laminated timber » CLT, un sort de contreplaqué qui ressemble à une sorte de contreplaqué géant livré sur chantier en panneaux de 13m de long. Actuellement les industriels autrichiens tiennent la première place dans cette technologie. Réalisé en multicouches de 3, 5 ou 7 couches de bois massif, superposées et collées avec une rotation de 90 dégrées entre elles, ce matériau a une résistance nettement supérieure au bois « traditionnel ». Il est utilisé pour de constructions en hauteurs et même pour des ponts. En plus le bois offre aussi l’isolation thermique. En Grande Bretagne, les architectes Waugh Thistleton ont conçu en 2008 le plus haut 37 immeuble en bois du monde, de neuf étages (R+8) . Au nord-est de Londres, dans une zone fortement urbanisée, la résidence de Murray Grove offre, depuis octobre 2008, vingt-neuf appartements, dont un tiers affecté à l’habitat social comme l’impose la réglementation anglaise. Les appartements s’orientent autour d’un noyau central, selon 38 une structure en nid-d’abeilles . Les atouts de cette construction sont nombreux. Au moment du chantier, les panneaux en bois massif contrecollé ont été livrés largement préfabriqués, ils comprenaient déjà les fenêtres, les portes et les ouvertures pour passer les gaines techniques. Ces panneaux, d’une taille allant jusqu’à 13 mètres, arrivaient selon une chronologie prédéterminée pour une pose immédiate. Une telle technique de construction est particulièrement pertinente dans un environnement à forte densité de population: elle génère peu de bruit et peu de déchets.

37 38

V. fig. 38-41 V. fig. 39 20


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

« En comparant les différentes techniques de construction pour réaliser un tel ouvrage, il est apparu aux architectes que l’utilisation du béton, un volume d’environ 950 m3, aurait émis dans l’atmosphère quelque 68 tonnes de carbone. Le même calcul, appliqué aux 120 tonnes d’acier nécessaires, donne un résultat de 57 tonnes de carbone dispersées dans l’air. Avec les 830 m3 de bois présents dans cet immeuble, ce sont 181 tonnes de carbone qui sont stockées, de manière permanente. En travaillant le bois, on émet très peu de carbone, le bilan reste largement positif. » Autre élément, il met en exergue la possibilité de valorisation du bois, à toutes les étapes de sa transformation. Les panneaux en bois massif sont fabriqués en utilisant une colle non toxique. Les déchets de bois, ou de panneaux, servent d’énergie pour l’usine de fabrication (en Autriche), qui y puise son propre chauffage, ainsi que pour deux villages voisins, qui en bénéficient également. Cet exemple prouve que le bois peut attendre les performances du béton. Mais paradoxalement, dans ce bâtiment toutes les pièces de bois sont cachées, à l’intérieur et à l’extérieur. Donc il n’y a plus du tout un vrai lien visuel avec le bois. Les architectes disent que c’était la volonté de leur commanditaire « un peu conservateur ». Donc cela prouve encore que ce « nouveau » matériau coupe le lien avec le « bois » qu’on connaît traditionnellement. « Le bois ne pose, techniquement, aucun problème quand il s’agit de construire des ouvrages de plusieurs étages. Grâce aux panneaux en bois massif, on dispose dorénavant de composants structurels dotés d’une résistance mécanique très élevée dans les trois dimensions, ce qui n’est pas le cas du bois brut et qui handicapait ce 39 matériau » Les exemples à Berlin, E3 (R+6), et à Londres, Stadthaus (R+8), démontrent que le matériau est désormais capable de concurrencer les systèmes constructifs traditionnels en matière de statique, de rapidité et de coût. Encore timide en France, la construction 40 bois en hauteur commence à se développer.

LE «

GR E EN W A SHI N G

»

DU BO I S

Cette croissance de la demande publique du bois dans la construction est déterminée aussi pour un raison écologique car l’usage du bois peut directement aider à atteindre

39

Yves Weinand, Professeur associé et directeur du laboratoire de construction en bois “Ibois” à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL Suisse 40 « Le bois prend de la hauteur » article internet ; http://www.germatrad.com/telechargements/ecologiK%208%20%20Le%20bois%20prend%20de%20la%20hauteur.pdf 21


PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES

LES SIGNIFICATIONS DU BOIS

la certification HQE. Alors, le bois est souvent « ajouté » dans les projets, en devenant 41 une étiquètte ou « une fourrure verte » pour un bâtiment « écolo ». Une des 14 cibles de la « Démarche HQE » (Haute Qualité Environnementale) concerne les matériaux: « Le choix intégré des produits, systèmes et procédés de construction. Le choix des matériaux à faible impact environnemental relève de l’organisation interne du constructeur qui doit sélectionner des produits et matériaux compatibles avec les contraintes d’usage (par leur nature, leur utilisation et leur coût), de durabilité, de sécurité, de santé. Les matériaux fabriqués localement à partir d’une matière première locale sont valorisés ainsi que l’utilisation du bois. » Son apparence a tellement d’importance qu’on arrive aujourd’hui à falsifier complètement sa matérialité. Par exemple on a créé des produits qui utilisent une image numérique imprimée du bois, des produits céramiques, artificiels nervurés de veines de bois et même, on projette pendant la nuit un bardage en bois sur des murs en béton. Cette « virtualisation » du bois s’éloigne complètement de la dimension écologique mais elle profite énormément de cette « fourrure verte ». En plus, une mauvaise conception ou mise en œuvre qui détermine une détérioration rapide des pièces mal posées en bois accentuent la perte de confiance et d’intérêt pour ce matériau.

41

« La fourrure verte, futur opium de l'urbain », « la fourrure verte, c'est l'eldorado de l'arnaque », critiques virulentes de la certification HQE de l’architecte Rudy Ricciotti, le prix national de l'architecture en 2006

22


A.1. SIGNIFICATION D’UN MATERIAU EN ARCHITECTURE

Fig. 1 -page 5 (couverture) interprétation personnelle, I AM GREEN! Recommandation pour un bâtiment écologique // Google Images 2011 + manipulation Fig. 2: Robert Venturi, I AM A MONUMENT! Recommandation pour un monument, 1972 // Google Images 2011 Fig. 3: Louis Kahn, Indian Institute of Management, Ahmedabad, India, 1974 – détail d’arche en brique avec un tirant en béton armé // Google Images 2011 Fig. 4: Louis Kahn, Salk Institute, Californie U.S.A. 1959 - 1966 – le bois comme matériau de remplissage, en contraste avec la structure en voiles de béton // Google Images 2011

2 3 4

PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.1. SIGNIFICATION D’UN MATERIAU EN ARCHITECTURE

Fig. 5 : Herzog & deMeuron – l’imprimé partiel sur le mur de cette salle d’un gymnase joue l’ambiguïté de la matière et de la structure qui se cache derrière // photo scannée Fig. 6 : Herzog & deMeuron Dominus Winery, U.S.A. - l’assimilation du poids de la pierre de ballaste a l’impondérabilité de la lumière transforme signification du matériau // Google Images 2011 Fig. 7 : Peter Zumthor, Musée Kolumba de Cologne, Allemagne, 2007 – l’usage de la brique // Google Images 2011 Fig. 8 : Peter Zumthor, Chapelle Benedict, Suisse , 1989 – l’usage du bois // Google Images 2011 Fig. 9 : Peter Zumthor, Les Thermes de Vals, Suisse, 1996 – l’usage de la pierre // Google Images 2011 Fig. 10 : Peter Zumthor, Musée d’art de Bregenz, Autriche, 1997 – l’usage du verre // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.2. LE BOIS POUR FRANK LLOYD WRIGHT

Fig. 11 : Frank Lloyd Wright, bureau de M. Kaufmann – usage du placage en bois, au fond modèles géométriques // Google Images 2011 Fig. 12 : Frank Lloyd Wright, dessin des éléments en bois sur plafond, logique non structurelle // Google Images 2011 Fig. 13 : Frank Lloyd Wright, Hillside Home School II – la relation structurale en bois est cachée, dessin décoratif sur le plafond géométriques // photo scannée Fig. 14 : Frank Lloyd Wright, Unity Temple, Illinois USA, 1908 - des éléments en bois encastrés dans l’enduit des parois // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.2. LE BOIS POUR FRANK LLOYD WRIGHT

Fig. 15 : Frank Lloyd Wright, Romeo and Juliet Windmill - des rangées horizontales sur un bâtiment avec une dominante verticale // Google Images 2011 Fig. 16 : Frank Lloyd Wright, F. F. Tomek Residence – utilisation purement décorative du bois en moulure appliquée au dessus du socle // photo scannée Fig. 17 : Frank Lloyd Wright, E.A. Gilmore Residence – coupe verticale façade, montrant l’espace derrière la moulure en bois // photo scannée Fig. 18 : Frank Lloyd Wright, Taliesin West, Arizona USA, 1937 - les poutres très fines renforcées par des éléments métalliques // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.2. LE BOIS POUR ALVAR AALTO

Fig. 19 : Alvar Aalto, la sauna de la maison expérimentale, Finlande // Google Images 2011 Fig. 20 : Alvar Aalto, détail de garde de corps à maison-atelier Aalto, Helsinki, Finlande, 1956 – inspiration du vernaculaire finlandais // photo personnelle *2008 Fig. 21 : Alvar Aalto, détail aménagement, mairie de Saynatsalo, Finlande, 1952 – usage du bois pour le terrassement // Google Images 2011 Fig. 22 : Alvar Aalto, détail aménagement Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – usage de la pierre pour le terrassement // Google Images 2011 Fig. 23 : Alvar Aalto, détail poteau Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – le bois ajouté sur le poteau métallique fait référence à son lien à la nature // Google Images 2011 Fig. 24 : Alvar Aalto, maison – atelier Aalto, Helsinki, Finlande, 1956 – la maison est envahie par la végétation et rapprochement du bardage en bois // photo personnelle *2008

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.2. LE BOIS POUR ALVAR AALTO

Fig. 25 : Alvar Aalto, le fauteuil Paimio, 1931-32 // Google Images 2011 Fig. 26 : Alvar Aalto, l’usage du bois en contre - plaqué moulé, courbé, 1929 – expérimentations // Google Images 2011 Fig. 27 : Alvar Aalto, tabouret, 1954 – inspiration de motifs végétaux et industrialisation de la production // Google Images 2011 Fig. 28 : Alvar Aalto, intérieur de la Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – plusieurs essences de bois utilisées // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.3. DE QUEL BOIS PARLE-T-ON ?

Fig. 29 : détail poutre lamellé-collé // Google Images 2011 Fig. 30 : détail d’une composition complexe des produits en bois avec des technologies avancées – économie du matériau, réduction aux limites négligeable du « travail du bois » // Google Images 2011 Fig. 31 : panneaux de fibres de bois – minimisation des pertes de matériau, possibilité d’utilisation d’un bois de qualité inferieure // Google Images 2011 Fig. 32 : OSB (Oriented Strand Board) – produit bon marché et résistant // Google Images 2011 Fig. 33 : cross laminated timber, contreplaqué de planches 5/7 couches - produit avec une très bonne résistance, réduction aux limites négligeable du « travail du bois » // Google Images 2011 Fig. 34 : construction avec des poutres en lamellé-collé standardisées // Google Images 2011 Fig. 35 : construction avec des panneaux contreplaquées standardisés // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


A.3.UN NOUVEAU MATERIAU POUR REMPLACER LES ACTUELS

Fig. 36 : Hangar avec une structure en poutres lamellé-collé – grande ouverture sans appui secondaire // Google Images 2011 Fig. 37 : Drexel Reinhard architecte, Hohenems, Vorarlberg, Autriche, 1999 - toiture suspendue avec de panneaux en contreplaqué 39mm d’épaisseur - hall de 20x50m // Google Images 2011 Fig. 38: Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – vue pendant la construction à l’intérieur // Google Images 2011 Fig. 39 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 - le plus haut immeuble en bois du monde ; tous les éléments porteurs sont en bois // Google Images 2011 Fig. 40 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – la construction fut élevée en 29 jours // Google Images 2011 Fig. 41 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – toutes les parties en bois sont complètement cachées // Google Images 2011

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PARTIE A: THEORIES ET ARCHITECTES


PARTIE B : CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS


P A R T I E B : C UL T UR E S D U BO IS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS L’usage universel du bois dans le monde .........................................................................32 Pourquoi l’architecture vernaculaire est-elle importante ? .............................................33 B.1. Un usage vernaculaire : Le cas de la Roumanie ................................................................34 Pourquoi l’architecture roumaine? ..................................................................................34 La liberté de l’espace et d’expression ...............................................................................34 L’héritage et le monument en bois ...................................................................................35 Une culture totale en bois ................................................................................................36 L’architecture vernaculaire n’utilise plus le bois ..............................................................37 Nouvelles esthétiques inspirées du vernaculaire .............................................................38 B.2. L’influence culturelle de l’Extrême Orient .........................................................................38 Le bois pour habiter, la pierre pour se protéger ...............................................................38 L’architecture traditionnelle coréenne .............................................................................39 La reconstruction du patrimoine ......................................................................................39 Un autre rapport à la nature.............................................................................................40 Les architectes japonais et leur influence .........................................................................41 Tadao Ando .......................................................................................................................41 Kengo Kuma ......................................................................................................................44 B.3. Paradoxes et mutation des rapports au bois : Le cas de l’Eurasie du nord .......................45 Le bois une ressource permanente ..................................................................................45 La Norvège et l’invention ..................................................................................................46 Le détournement suédois .................................................................................................46 La migration formelle en Sibérie.......................................................................................47 Le retour du bois au XXIème siècle en Finlande ...............................................................47


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

L’ U SA G E

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

U N I V ER S EL DU BO I S DA N S L E MO N D E

Le bois a toujours été une ressource facile à trouver et à exploiter, il à toujours fourni du combustible, les premiers outils pour les ancêtres d’Homo Sapiens, des abris. Il a laissé des traces qui témoignent de sa présence dans de multiples activités humaines. Sans faire appel à l’époque préindustrielle, on constate que le bois est toujours resté un élément très central dans notre vie aujourd’hui, ainsi que dans l’économie mondiale. Nous écrivons sur du papier qui vient du bois, nous avons des meubles en bois, certains d’entre nous vivent dans des maisons en bois, on peut se chauffer avec le bois, c’est une énergie, qui elle est supposée renouvelable, nous nous promenons dans les bois, etc. Tous ces rappels montrent que le bois est très présent dans notre vie quotidienne. On divise le bois en deux catégories. La première, dite primaire, il est utilisée pour le chauffage ou pour faire la cuisine. Ce bois de feu vient surtout des zones tropicales – 1 Afrique, Asie - où environ 80% de la récolte de bois part en fumée ! Ce qui veut dire que, en sens inverse, seulement 20% des coupes dans ces pays seront utilisé comme bois d’œuvre, nommé bois secondaire. Ce dernier peut être commercialisé sous forme de bois ronds, mais aussi sous forme de sciages, de planches, de madriers, c'est-à-dire le bois issu d’une première transformation en scierie. Il y a aussi les panneaux qui sont ces structures composées de plusieurs morceaux collés, puis enfin les autres secteurs, notamment la pâte à papier et le carton. Il est donc évident que ce matériau a créé un lien ancestral avec l’humain, quel que soit son état, quelle que soit la culture. Si dans les pays pauvres le bois est considéré comme une matière de subsistance, dans les sociétés développées il est souvent apprécié comme étant « naturel », « chaleureux », « beau », « noble » et plus récemment « écologique » ou « biologique ». Mais cette célébrité du bois a créé plutôt une « image du bois » qu’un lien direct avec ce matériau. Aujourd’hui on trouve même des produits céramiques, plastiques, etc. qui imitent les bois et même des impressions numériques des veines du bois sur différents supports. (v.fig.43-44) Pour cela je crois qu’il est nécessaire de retourner à l’histoire des cultures qui ont utilisé le bois en tant que matière première pour l’habitat ou pour donner forme concrète à 2 une civilisation afin de comprendre les liens tissés entre une culture et le matériau.

1

ARTE.tv 2010 Le dessous des cartes « Le commerce du bois » Cf. Amos Rapoport, Culture, architecture et design. Traduit par Sabine El Sayegh. Gollion (Suisse): InFolio, 2003. 2

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS

P O UR Q UO I L ’ AR C HI T E C T UR E

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

V E RN A C U LAI R E E ST - E L L E I M P O R T AN T E

?

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Il y a plusieurs définitions de l’architecture vernaculaire, mais cette étude n’a pas pour but de faire une étymologie du terme. Je veux spécifier une définition qui est signifiante et importante pour mon approche. Dans la plupart des cas, dont le plus connu de Bernard Rudolfsky, on parle d’ « Architecture sans architectes », une architecture « populaire » opposée à celle académique, enseignée dans les écoles. Mais en réalité, dans toutes les sociétés il y une certaine séparation dans des métiers spécifiques, avec des échanges entre régions et domaines d’activités. La transmission de savoirs des maîtres bâtisseurs a autant d’importance que l’éducation d’un architecte, mais d’autant plus l’adaptation permanente aux nouveaux défis du mode vie, du climat, etc. Cela ne veut pas dire que je n’adhère pas à cette thèse qui montre qu’on a oublié ou même pas connu des « grandes découvertes » de cette architecture, au contraire. A travers mes expériences, mes voyages dans plusieurs cultures m’ont offert certainement 4 des exemples, du système de chauffage « ondol » des maisons en Corée à la 5 « décoration fonctionnelle » du bardage en bois au sud de la Roumanie. Je me suis toujours demandé ce qu’il faut vraiment apprendre de cette architecture, comment elle peut avoir des liens avec mon travail. Est-ce qu’elle représente tout ce qu’on a oublié à l’époque industrielle ? Est-ce qu’elle est le modèle parfait, trouvé et ciselé pendant des siècles ? Après des réflexions, des débats, des workshops, j’ai découvert que peut-être le but de l’architecture vernaculaire n’est pas nécessairement de devenir un exemple ou un modèle. Elle offre plutôt des solutions particulières, elle s’adapte à des circonstances géographiques, sociales, culturelles, climatiques, économiques, etc. Et, néanmoins, elle établit des rapports avec les matériaux de constructions locales. Dans le contexte du Développement Durable et de la politique « agir local, penser global », je crois que cette recherche mérite attention. Alors, dans le cas de cette étude, je cherche à comprendre les rapports de l’humain avec un matériau, avec son usage, etc. Je souhaite mettre en évidence comment certaines cultures ont développé des liens très forts avec le bois et en même temps

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RUDOLFSKY, Bernard. L'Architecture insolite, une histoire naturelle de l'architecture concernant, en particulier, ses aspects le plus souvent négligés ou totalement ignorés. Paris: Tallandier, 1979. 4 « Ondol », système de chauffage traditionnel coréen – la fumée traverse le dessous la maison en réchauffant le plancher (v.fig.45) 5 bardage en bois roumain – la décoration devient fonctionnelle car la surface de contact du bois avec l’eau s’agrandi (v.fig.46) 33


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

assez différents. Cette liaison a sûrement des conséquences sur le psychisme individuel et la mémoire collective. Finalement peut-on dire que le bois représente le rapport de l’homme avec l’environnement ? J’ai choisi 3 exemples que j’ai eu l’occasion de connaitre personnellement. D’abord mon pays natal la Roumanie, très fortement marquée par l’architecture en bois ; puis l’architecture coréenne, pays où j’ai été étudiant une année pendant laquelle j’ai étudié l’architecture traditionnelle; et l’architecture nordique, scandinave qui se remarque au domaine du bois, que j’ai eu aussi l’occasion de connaître personnellement de la Norvège jusqu'à la Sibérie profonde.

B.1. U N

USAGE VERNACULAIRE

P O UR Q UO I L ’ AR C HI T E C T UR E

: LE

R OUMANIE

CAS DE LA

RO U M AI N E ?

L’architecture traditionnelle roumaine est reconnue dans le monde pour ses qualités d’expression en bois. Si on parle des églises en bois de Maramures, au nord, ou des maisons des boyards d’Olténie, au sud, des petits villages d’Apuseni à l’ouest, on retrouve partout un rapport spécifique à la nature, à la religion, au contexte géographique. L’architecture roumaine est arrivée à un degré maximal d’utilisation du bois. Forcée des fois par le contexte sociopolitique, elle est en quelque sorte vivante aujourd’hui, et en particularité elle a toujours coexistée en parallèle avec un développement de l’architecture urbaine. Je vais choisir trois régions en particulier pour exemplifier l’importance et les significations du bois pour la culture roumaine.

LA

LI B ER T E D E L ’ ES P A C E ET D ’ EX P R ES SI O N

En premier je veux parler d’une région au sud-ouest de la Roumanie, l’Olténie, et plutôt de la partie nordique de cette région. Avant la conquête romaine en 100-105, elle fut la partie inferieure de Dacia, les dacians étant les ancêtres de peuple roumain. Cet aspect historique est important car on trouve des implications jusqu'à nos jours. L’architecture de cette région a très souvent des éléments avec des significations spirituelles et mythologiques très anciennes, avant la période chrétienne. Le bois a été un moyen d’expression de ces croyances, des éléments symboliques. Il est devenu une manière de communication avec le monde des esprits, des dieux, en communion avec la nature. 6

7

Les éléments comme les « têtes de chevaux » ou les « ciocarlani » expriment ces croyances. Ils protègent la maison, apportent des richesses ou une bonne récolte. On garde ces symboles et on les retrouve dans la construction des maisons et des églises

6 7

(v.fig.47) (v.fig.48) 34


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

jusqu’aux XIXème – XXème siècles. Le bois est devenu le support de transmission de ces croyances. De la même façon que la civilisation grecque ou romaine s’est développée dans l’architecture en pierre, ou que les nombreux peuples africains ont développé la construction en terre, l’architecture en bois se développe dans cette région d’une manière presque contre l’évolution. Elle arrive plutôt à se raffiner dans les limites de ce matériau, le bois, que d’inventer des formes nouvelles. Le fait qu’on trouve aujourd’hui des églises en bois qui ont été démontées et remontées dans d'autres endroits montre le respect, l’attachement envers ces constructions. Bien sûr le contexte politique et économique influence aussi cette situation, mais en même temps on s’aperçoit que le niveau d’expressivité, en ce qui concerne la forme, les proportions, la décoration, aux quels l’architecture de Gorj atteint est d’une supériorité difficile à dépasser. Sur ces lieux, dans le département de Gorj, un des plus importants artistes modernes est 8 né, le sculpteur Constantin Brancusi . Il n’est pas difficile d’ imaginer comment son œuvre a été influencée par l’architecture en bois de cette région quand on regarde les 9 poteaux sculptés des maisons du Gorj. Donc, ce matériau, le bois, est devenu lui-même symbole, porteur de sens et élément de transmission culturelle.

L’ H E R I T A G E

ET LE MO N U M E N T EN BO I S

Un deuxième exemple roumain porte sur les églises en bois de Maramures, monuments du patrimoine international de l’humanité UNESCO, au nord de la Roumanie. Ce territoire, enclavé au nord dans les Carpates Orientales, a connu aussi une histoire particulière qui a commencé dans la préhistoire. Conformément à l’UNESCO : « L’ensemble « Églises en bois de Maramures » représente une sélection de huit exemples remarquables de solutions architecturales issues de périodes et de régions différentes. Elles dessinent un portrait vivant de la diversité des conceptions et des compétences artisanales exprimées dans ces constructions de bois hautes et étroites, dotées du caractéristique clocher élancé du côté ouest du bâtiment et de toits simples ou doubles couverts de bardeaux. Il s'agit là d'une expression vernaculaire propre au paysage culturel de cette région montagneuse du nord de la Roumanie. Les églises en bois de Maramures sont des exemples exceptionnels d’une architecture religieuse et vernaculaire en bois, fruit des interactions entre traditions religieuses orthodoxes et influences gothiques, dans une interprétation particulière des traditions architecturales du bois, qui laisse apparaître une grande maturité artistique et d’immenses compétences artisanales. » On voit donc « des monuments » caractéristiques d’un paysage et indissociables de leur matériau de construction.

8 9

(v.fig.51) (v.fig.50) 35


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

UNE

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

C UL T U R E T O T AL E EN BO I S

Le dernier exemple se réfère à la région où j’ai grandi et dans laquelle j’ai participé à plusieurs études et projets culturels. Il s’agit de Bucovine, une région au nord-est de la 10 Roumanie plutôt connue pour ses monastères aux églises peintes .Mais je vais aborder le sujet de l’habitat et non pas celui des églises. Si par contraste les églises sont bâties en pierre, les maisons sont complètement en bois. Cette région, appelée la Moldavie du Nord ou la Bucovine (« Bucovina ») est la région la plus boisée de la Roumanie. La proximité de la forêt a tissé un lien immédiat avec l’homme et en plus, l’agriculture, l’exploitation de ce terrain collinaire et montagneux ont créé un paysage très particulier. L’habitat se compose d’une unité indépendante, qu’on appelle « gospodarie » - les ménages, composés par la maison et les annexes bâties, ainsi que des terrains comme le potager, le verger, etc. Cette unité s’est imposée comme modèle spatial, administratif, social et spirituel de la société roumaine du Moyen Age jusqu'à nos jours. Initialement d’une exceptionnalité rurale, il résiste et coexiste avec l’urbain. Ce qui est particulier en Bucovine, et en Roumanie en général, est cette persistance du rural, contrairement aux civilisations occidentales ou le modèle urbain vient s’imposer sur la typologie rurale. Dans une étude récente à laquelle j’ai participé avec l’Ordre des Architectes Roumains, on a analysé les transformations produites et en cours sur le paysage culturel de Bucovine. Il s’agit d’une analyse du traditionnel et ses mutations, ainsi que des scenarios de développement dont ont fait partie des sociologues, architectes, urbanistes, paysagistes, ethnologues. En Bucovine on retrouve une multi culturalité unique dans le pays : des roumains, des polonais, ukrainiens, allemands. Par rapport aux habitations des autres ethnicités on peut mettre en évidence les caractéristiques du modèle des ménages roumain, la « gospodaria ». En premier, la maison est orientée au sud, elle n’a pas une logique d’alignement sur la rue. La façade principale, ensoleillée, a toujours un espace intermédiaire couvert mais non fermé, la « prispa », qui crée la liaison entre l’espace intérieur de la maison et la cour intérieure, l’endroit où se poursuivent les activités quotidiennes. Autour de la cour on retrouve les annexes, organisées sur une logique strictement fonctionnelle. Le bâtiment pour stocker le foin, la « sura », souvent accolée à l’étable, le « grajd », est régulièrement plut haut que la maison et il a une double entrée pour servir de passage entre la cour intérieure et les terrains extérieurs, le verger ou potager. La porte d’entrée dans l’ensemble est le seul élément aligné à la rue, elle a un fort rôle de représentation, de statut social, de signification spirituelle, etc.

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(v.fig.56) 36


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

Tous ces éléments qui composent l’ensemble des ménages sont couverts par une toiture en bois, de même facture. Ce type de toiture des bardeaux en bois superposés donne unité à l’ensemble. Elle est d’une grande flexibilité, donne des formes arrondies, en couvrant aussi des espaces ouverts de stockage connectés aux autres grands bâtiments. L’architecture en bois de cette région n’a pas été considérée comme une architecture de pauvreté, elle appartient aux gens riches et pauvres également, même si la qualité des constructions n’est pas toujours la même. Il y a un vrai rituel de la construction en bois. Elle suit des règles précises établies dans le temps et transmises aux générations successives de menuisiers, charpentiers, artisanats, etc. L’usage du bois a défini même une organisation de l’exploitation à la construction selon des étapes et périodes précises pendant l’année. Il faut couper les arbres en hiver, laisser sécher plusieurs ans, assurer la ventilation, etc. Puis la construction de la maison suit aussi des étapes qui sont liées à des rituels religieux. Comme on l’a expliqué auparavant chaque élément de la construction a ses propres significations et message.

L’ A R C HI T E CT U RE

V E RN A CU L AI R E N ’ UT I LI S E P L US L E BO I S

Le monde contemporain redéfinit la vitesse du développement, il accélère le temps, réduit la période de la construction. Aujourd’hui l’architecture vernaculaire remplace le bois par le plastique, la tôle pas chère, etc. Je ne parle pas d’une architecture de pauvreté ou de manque des moyens qui bien sûr est assez répandue, mais on voit que même les typologies des maisons changent, que les gens du village adoptent le « modèle urbain », qu’on ne sait plus le faire en bois, il est fait avec du ciment. Évidemment que les facteurs économiques du développement jouent aussi un rôle important. Mais on revient toujours sur le lien entre typologie et modèle constructif, au rapport entre un mode de vie et une vision du monde et un matériau. Un autre exemple pour montrer ce lien est la mutation produite sur l’ensemble des bâtis, car en même temps que la maison change complètement sa forme, les annexes restent toujours en bois, elles sont même reconstruites en utilisant des éléments constructifs de la structure ancienne, elles n’ont pas un autre modèle pour les remplacer. L’architecture vernaculaire, forcée par de nombreuses conditions – politiques, sociales, culturelles, économiques – n’a pas un but précis, elle est caractérisée par l’adaptation des moyens existants, plutôt que par la recherche de nouveaux matériaux. Elle n’est pas non plus assez localisée comme on peut le croire, car une petite influence peut changer beaucoup une communauté. Mais dans ce processus de réinvention « in situ » elle fait toujours preuve de créativité et une certaine ce sélection naturelle de la meilleure réponse.

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS

N O UV E L L ES

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

ES T H E T I Q U ES I N SP I R E ES DU V E RN A CU L AI R E 11

La couverture en bardeaux de bois ou tavaillon reprend les modèles traditionnels en favorisant les formes irrégulières, leur grande flexibilité dans la façon de couvrir des formes diverses avec une surface continue. Cette flexibilité du matériau à commencé à être explorée même par les architectes modernes plutôt connus pour une architecture très technique et industrialisée. On cite 12 l’exemple de Norman Foster et son bâtiment en Suisse . Des nombreux industriels de bois, notamment des pays allemands, ont multiplié leur gamme de produits, en intégrant les nouvelles tendances.

B.2. L’ INFLUENCE LE

CULTURELLE DE L ’E X TREME

O RIENT

BO I S P O UR HA BI T E R , L A P I E RR E P O UR SE P R O T E G ER

En général, on juge l’architecture orientale par comparaison avec celle occidentale, on met en évidence les différences. On observe ce qui est fondamentalement différent des cultures qu’on connait. En ce qui concerne le bois, on remarque qu’en Asie Orientale (le Nord-est de la Chine, la Corée et le Japon) on est face à un autre rapport. Tous les temples, les monuments historiques sont en bois. On pourra dire qu’il s’agit de civilisations du bois, car on ne trouve pas l’architecture de pierre de temples et cathédrales européennes. Et pourtant 13 il y a aussi des exemples exceptionnels comme le temple de Nara au Japon ou les hautes pagodes de la Chine, des vrais monuments en bois ! Bien sûr les critiques vont donner l’exemple de la Grande Muraille ou de la Cité Interdite de Pékin, qui restent les ouvrages plus étonnants, bâtis en pierre et terre cuite. Mais c’est là où on trouve peut-être la différence essentielle. Les bâtiments en bois sont utilisés pour habiter, alors que la pierre est employée dans les structures défensives et dans les socles. Finalement tous les palais de la Cité Interdite sont construits en bois, mais le système des enceintes, clôtures et terrasses est réalisé avec la pierre.

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Terme utilisé en Suisse (v.fig.66-67) 13 (v.fig.69-70) 12

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

Et d’ailleurs, je n’ai jamais affirmé que les civilisations asiatiques ne savent pas utiliser la 14 pierre, car l’exemple du palais d’Osaka présente un ouvrage avec les plus grands blocs de pierre utilisés dans la construction. Ceci accentue le fait qu’il il y à une forte différence de perception des matériaux, car il était difficile de penser qu’on habite la pierre, à l’opposé de la chaleur et la noblesse que le bois offre à l’habitat.

L’ A R C HI T E CT U RE

T R AD I T I O N N EL L E CO R E EN N E

J’ai choisi la Corée parmi les exemples asiatiques, car l’architecture coréenne a eu un développement très particulier aussi. Même si les prouesses de l’architecture japonaise sont les plus connues au monde et que l’origine philosophique vient de Chine, ce petit pays au milieu de ces grandes cultures, a réussi à garder une manière de construction bien conservée dans le temps. En ce qui concerne l’architecture coréenne il y a deux différences essentielles qui sont à la base : la vision du patrimoine et le rapport à la nature.

LA

R E CO N ST R U CT I O N D U P A T RI MO I N E

Il s’agit d’une vision différente de la protection du patrimoine par les pays estasiatiques, notamment remarquée au Japon. Les « monuments » ou les bâtiments publics importants ne sont pas censés avoir une vie éternelle comme on le considère en Occident – les temples grecs, les tombes étrusques, romaines, etc. Dans ces pays, seulement les fortifications, les bâtiments militaires sont construits en pierre, tout autre temple, école, maison, pavillons sont faits en bois. Jusqu’au début du XXème siècle, les villes japonaises ou coréennes étaient des « villes en bois ». Donc on peut encore une fois, presque plus qu’ailleurs, dire qu’on a à faire avec une culture, une civilisation du bois. Dans ce contexte une manière de protection du patrimoine a évolué – une garantie de la reconstruction dans l’état initial, une protection du patrimoine « vivant » - les métiers de charpentier, menuiser, ainsi que leurs connaissances et techniques sont protégés. Cette conception on la retrouve dans plusieurs domaines – la musique, la gastronomie, etc. – la transmission vivante, la reconstruction. En Corée, l’arbre d’un jardin est considéré comme la partie de la nature qui doit être conservé et non pas le bâtiment – destiné à la reconstruction régulière. L’arbre est l’élément vivant, non pas le bâtiment en bois. Pour l’architecture, en occurrence celle du bois, cette vision du patrimoine a donné naissance en Corée à un système de construction très spécifique et précis. Il est évidemment inventé d’abord par la civilisation chinoise et décliné en Corée. Mais si en Chine il a évolué selon les époques et changements politiques, en Corée il a connu une évolution plus linéaire, sans changements radicaux. Il s’agit d’un système de

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(v.fig.72) 39


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LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

construction basé sur des éléments en bois pré-dimensionnés à partir d’un module commun, inscrit dans des documents, pour qu’il puisse se reproduire exactement dans le même état initial. La structure est faite avec des éléments verticaux porteurs ponctuels – les poteaux – et la structure portante horizontale se fait par l’addition et l’empilage de plusieurs types de petits éléments en bois – presque standardisés - qui réalisent la descente statique des charges. Ce système, assez simple des points de vue statiques et physique – comparé aux structures complexes des ponts en Suisse ou des fermes des cathédrales – se sont très peu modifié pendant plus de mille ans. Mais la propriété essentielle qui le tient en place c’est la modularité répétable des éléments. Les modalités des assemblages sont très complexes et elles nécessitent un ordre très précis. Au finale la structure est assise sur le sol, elle est comme une pièce de meuble, une table, qui n'a pas besoin d’être connectée aux fondations, elle a sa propre stabilité, car les assemblages ne lui permettent le déplacement dans aucune direction. Donc ce type de système de construction peut permettre la pérennité par la reconstruction et si on considère la qualité renouvelable du bois, on peut dire qu’elle est parfaitement adaptée à son matériau. La reconstruction chaque 30 - 40 ans des temples ou autres bâtiments devient assez logique avec le cycle de régénération des forets dans une pensée de développement durable.

UN

AU T R E R AP P O RT A LA N AT U RE

La deuxième différence essentielle est le rapport a la nature, développé par plusieurs systèmes de pensée qui s’entrecroisent – taoïsme, confucianisme, Feng shui, bouddhisme. Dans la pensée coréenne, le site d’une ville ou d’un village se choisit toujours « avec la montagne derrière et la rivière en face ». Dans ce pays avec 75% de montagnes, le respect de la nature atteint le sacré, car on ne bâtit jamais sur la montagne, il n’y a jamais la volonté de dominer la nature – en contraste avec temple grec au sommet de la colline. Dans le paysage coréen il est facilement remarquable que les bâtiments les plus hauts situés sur la colline sont les temples des écoles confucéennes, mais elles n’atteignent jamais le sommet, la montagne reste toujours derrière. Bien sûr ces bâtiments ont une situation privilégiée – par leur emplacement sur la pente non pas par leur taille, de même que dans la culture occidentale les cathédrales ont la place centrale et sont les plus hauts bâtiments. Une particularité de l’architecture coréenne liée aussi à son rapport à la nature est l’expression presque imitative des temples bouddhistes. En contraste avec la civilisation européenne qui favorise l’usage horizontal de troncs des arbres – position contraire à son état initial naturel – dans l’architecture coréenne la structure est portante verticale – on remarque l’importance de grands poteaux et la dissimulation des poutres en nombreux éléments empilés. Ensuite les chevrons s’arrangent en éventail avec un grande porte-à-faux courbé – les branches des pins parasols. De plus, les couleurs des temples font une référence directe aux forêts de pins qui les entourent – les poteaux sont rouges comme les troncs des pins et la partie supérieure est à prédominante verte, 40


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avec des modèles jaunes, rouges, blancs et bleus, comme la couronne des arbres. Cette référence plus directe à la nature dénote encore les différences culturelles et le rapport à l’allégorie ou l’imitation, le symbolisme de la forme. Pour ces raisons dans l’architecture contemporaine on peut observer de nombreux exemples qui « imitent » ou « citent » des formes connues et cela nous paraît assez bizarre de notre point de vue occidental.

L ES

AR C HI T E CT E S J AP O N AI S ET L E UR I N F LU E N C E

A partir de la deuxième moitié du XXème siècle les architectes japonais sont de plus en plus présents sur l’avant-scène de l’architecture mondiale. Bien qu’il y ait des architectes de l’Occident, comme Frank Lloyd Wright et Alvar Aalto, qui s’inspirent de la culture japonaise, les confrères du Japon reprennent aussi les principes de l’architecture moderne occidentale. Mais ils lui apportent aussi beaucoup des choses qui viennent de la culture et la philosophie asiatique. Par exemple le cas des métabolistes qui inspirent une vision d’une 15 16 ville qui se refait sans cesse sur elle-même , ou la pureté spatiale de Tadao Ando

T A D AO A N DO Tadao Ando (né en 1941), un admirateur de Le Corbusier, considère que l’architecture moderne doit s’occuper de nouveaux matériaux. Pour lui la valeur de l’architecture traditionnelle est l’espace, la relation avec la nature, non pas les matériaux eux-mêmes : « Mon architecture n’utilise aucun élément architectural traditionnel, cependant je veux évoquer la sensation de l’espace traditionnel. » « Les principaux matériaux de construction au XXème siècle sont le verre, le béton et le métal. Dans mon architecture, je cherche à transporter les idées japonaises dans des formes qui peuvent se traiter dans ses matériaux. » Connu plutôt pour sa maîtrise du béton, Tadao Ando a expérimenté le bois dans trois remarquables projets qui confirment un des aspects fondamentaux de son travail : son 17 attachement à la terre et à l’histoire du Japon . Le premier et le plus marquant peutêtre, fut le pavillon japonais de l’Exposition Universelle de Séville 1992. Un bâtiment temporaire non pas édifié sur le sol japonais. Sa façon d’utiliser le bois est complètement différente de celle de Wright en ce qui concerne la nature et la signification. Il utilise d’une certaine manière les caractéristiques physiques du matériau et il l’associe avec la plus haute technologie moderne du moment, en réalisant un très

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On peut la comparer à la reconstruction périodique des temples en bois Liée à la philosophie Zen et son art du jardin 17 Jodidio, Philip. Ando : complete works. Cologne (Allemagne): Taschen, 2010 16

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LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

grand bâtiment en bois (longueur : 60 mètres, largeur : 40 mètres, hauteur maximum : 25 mètres). Il « expose » littéralement au centre de son bâtiment des énormes colonnes en lamellé-collé, en groupe de 4, soutenant un plafond de 17 mètres de haut, avec un toit complètement moderne, en téflon, transparent, qui aide en effet à montrer la structure des éléments superposés en bois. Pour Ando, la nature du bois a une autre signification que pour Wright, ce qui est certainement lié à ses origines et à sa culture japonaise, au fait que toutes les villes japonaises étaient construites en bois avant le milieu du XXème siècle. Mais plus qu’une référence culturelle, la mise en œuvre révèle les qualités négligées par Wright : la résistance, la durabilité et le recyclage du bois. Au delà de prouver que le bois n’est pas 18 si limité en résistance, par un usage innovant et qui ne nécessite pas des troncs d’arbres gigantesques, Ando crée une structure en bois qui isole les éléments. Bien qu’inspiré de la technique d’assemblage traditionnelle des temples japonais, il démontre que ces assemblages permettent un recyclage parfait de la structure – ils peuvent être démontés et remontés encore et encore. Comme les temples ont aussi des éléments « standardisés », ave un système de dimensionnement strict, pour Ando cela prouve la capacité de créer des éléments en bois qui sont immédiatement réutilisables – une idée d’une architecture modulaire, même préfabriquée. Cette idée ouvre une porte la construction en bois dans une pensée du développement durable, même si cela n’était pas exprimé comme ca. Donc, si pour Wright l’assemblage traditionnel détruisait la nature du bois, pour Ando ceci lui apprend la nature du bois. Il utilise la linéarité du bois en décomposant des éléments multipliés et non pas la surface comme Wright. Les superpositions de ces éléments font penser aussi plus aux juxtapositions de Rietveld dans sa chaise en trois couleurs (1917) et son cabinet ou la maison à Utrecht (1924). Le musée du bois (Mikata-gun, Hyogo, 1993-94), le deuxième bâtiment reprend quasiment en totalité la même technique du pavillon de Séville, dans une forme plus aboutie et définitive, cette fois en ouvrant un espace central circulaire au milieu d’une forêt. A l’intérieur on trouve des poteaux de cèdre de Hyogo, en lamellé-collé, de 16 mètres de l’hauteur, travaillés localement. Les grandes poutres en haut ont les mêmes principes de superposition et d’isolement des éléments. Le plus récent bâtiment en bois de Tadao Ando est le temple bouddhiste de Komyo-ji sur l’ile de Shikoku (Saijo, Ehime, 1999-2000). Il est la reconstruction moderne d'un temple de la Terre Pure (Terre Pure est une forme dominante du bouddhisme) datant de la période Edo (1606-1867). Encore une fois on y trouve des

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En effet, la technique de bois lamellé-collé est utilise au Japon depuis le XIIème siècle. On y trouve de temples en bois avec des hauteurs remarquable, par exemple celui de Todai-ji (reconstruit 1709), a Nara, la plus grande construction en bois au monde a une hauteur de piliers a l’intérieur d’environ 17m (Fig. 69) 42


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éléments de la construction du pavillon de 1992. Ando commente lui même ses principes : « Le thème principal est une exploration d'un espace en bois. *…+ L'essence de l'architecture traditionnelle japonaise en bois, à mon avis, est «l'assemblage». Un nombre considérable de pièces de bois sont coupées pour un seul bâtiment, et le bâtiment prend forme puisque ces pièces sont assemblées et montées ensemble. » On voit que sa réflexion est profonde sur le matériau et sa nature, ainsi que sur les implications sociales : « Je voulais créer un espace qui serait le retour aux origines de l'architecture en bois. Ce serait une structure unique composée de plusieurs parties, chacune pleine de tension. J’ai senti aussi que ce serait, comme le cadre du bâtiment principal, l’expression de l'image de rassemblement de gens et qui se donnent la main, se soutenir mutuellement dans une seule communauté. » Mais plus que la structure, similaire aux bâtiments précédents, mais redimensionnée, avec des groupes de quatre poteaux et trois couches des poutres superposées, cette fois, il travaille le mur, la cloison en bois : « La circonférence a, tout d'abord, un écran de verre dépoli, puis un couloir autour de l'écran, puis un mur-grillage extérieur autour du couloir. Il s'agit d'une configuration qui est doublement entourée de l'extérieur. Le mur extérieur à treillage des poteaux de 15 x 21 centimètres (6 x 8 pouces) a des intervalles de 15 centimètres, avec un verre inséré entre les poteaux. Il en résulte une démarcation indéterminée entre l’intérieur et l’extérieur. La lumière filtre à travers le mur extérieur en treillis pour remplir l'intérieur d’une lumière naturelle, douce. C'est un espace lumineux, ouvert et cérémonieux. » Cette typologie de « mur en treillis » en bois est devenue assez courante dans l’architecture contemporaine pour ses qualités plastiques exceptionnelles, on verra plus bas comment un autre japonais, Kengo Kuma l’exploite au maximum. Encore une fois l’utilisation du bois ici n’a pas du tout les mêmes caractéristiques que chez Wright. Mais, F.L. Wright a noté aussi cette qualité du bois : «les bâtons de bois auront leur propre 19 volume et espacement naturel» Même si Ando réalise ainsi des transparences, des textures, des sensations, qui peuvent être difficilement dissociées du matériau, il essaie toujours de se détacher du bois et de le mettre encore dans le regard « contemporain » : « En dehors du fait qu'il s'agit d'une structure en bois et que le toit a un avant-toit en pente douce sur ses bords, ce bâtiment a presque rien en commun avec l'architecture traditionnelle japonaise en bois, il est fait de bois lamellé. Cela a été le résultat

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“sticks of wood will have their own natural volume and spacing” 43


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de notre recherche de méthodes de structure qui, tout en héritant de l'esprit de «montage» de l'architecture traditionnelle japonaise, serait simple, logique, et en conformité avec les technologies du bâtiment contemporain. Le bois lamellé est extrêmement efficace, car il procure une uniformité matérielle et surtout parce qu'il permet à tout bois d’être utilisé avec aucun déchet. Depuis le matériau luimême est constitué par la superposition des pièces plus petites, il semblait particulièrement approprié à l'intention de cette conception. » Donc, Tadao Ando induit une dimension philosophique et culturelle même à une technique, un procédé industriel de préfabrication du bois, tout en relevant ses qualités de respect de l’environnement et la consommation des matériaux.

K EN GO K U MA Kengo Kuma a été profondément inspiré par la vision de l’architecte Frank Lloyd Wright qui aurait « traduit la philosophie japonaise en un langage universel », réinterprétation qui sera essentielle pour l’architecture moderne. Avec l’attention portée au paysage, au contexte, l’autre grand thème architectural de Kengo Kuma est l’utilisation de matériaux naturels comme le bois, la pierre, le papier, la terre, matériaux fragiles que l’architecture japonaise a toujours recherchés. Il a travaillé avec des artisans des diverses régions du Japon, redécouvrant alors les techniques et les matériaux traditionnels. Cette expérience a profondément marqué sa démarche architecturale, notamment en ce qui concerne l’utilisation des matériaux naturels locaux. Kengo Kuma rend hommage à l’esprit du lieu et à son histoire et, selon lui, ce continuum ne devrait pas être interrompu par l’intervention architecturale. « Je veux estomper les frontières » affirme Kengo Kuma, « je veux gommer l’architecture ». L’architecture ne devrait pas constituer un objet isolé, mais un élément intégré à l’environnement. Les édifices doivent parvenir à se fondre dans le paysage. Ils peuvent jouer la fonction d’intermédiaires entre les caractéristiques de la nature et les perspectives élaborées par l’Homme. Ils deviennent alors le produit à la fois de l’esprit du lieu et des idées de l’architecte. L’un de ses ouvrages les plus récents est ainsi humblement intitulé «Defeated Architecture » : l’architecture vaincue. Nombreuses sont les démarcations qu’il s’applique à supprimer : celles entre les espaces intérieurs et extérieurs, les éléments naturels et artificiels, les matériaux authentiques et les idées abstraites, l’expérience et l’expérimentation, la tradition et les technologies de pointe, etc. L’approche architecturale de Kengo Kuma s’appuie sur les concepts clés de « détail », de « vide » et enfin, de « matériau ». On décrit souvent la légèreté et la délicate simplicité de ses œuvres. Mais on doit ajouter que sa conception des détails est précise et magistrale. Étant donné que les éléments constructifs doivent être suffisamment résistants pour supporter les modifications dues aux conditions naturelles (par exemple, 44


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LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

le bois change de couleur et de forme avec le temps), Kengo Kuma conçoit ses formes en prenant en considération toutes les évolutions prévisibles de la matière. Il traite les matériaux avec tendresse et a établi une connivence certaine avec eux. Ceux qu’on redécouvre actuellement, tels que le bois de cèdre, le bambou, la pierre et le papier sont habilement employés et mis en œuvre de façon innovante. Ainsi, dans le musée d’art de la préfecture de Nagasaki (2005), il a utilisé la pierre pour fabriquer des persiennes – référence architecturale à l’histoire du lieu. La lumière qui traverse les lames de pierre est une parfaite illustration de sa capacité à faire s’évanouir les oppositions entre gravité et légèreté, entre opacité et transparence. Notons également que plusieurs de ses projets ont été nommés d’après les matériaux utilisés : le musée de pierre, la maison de bambou, la maison de plastique et la villa Eau / Verre. Le leitmotiv de Kengo Kuma est 'd’effacer l'architecture', convoquer la quasi-disparition de l'architecture dans son environnement, naturel ou urbain, comme en témoigne le Kitakami Canal Museum (Miyagi, 1996-99). Pour ses bâtiments qu'il revendique 'faibles', Kuma recourt à des matériaux vernaculaires, terre, bois, bambou, pierre, mais surtout les pense selon des assemblages constructifs innovants. Le matériau est ainsi toujours chez Kengo Kuma un principe de construction, d'où découlent l'esthétique et la symbolique de l'architecture. Le bois en tant qu’élément qui provient de la nature, est généralement utilisé sous forme de bâtons, de baguettes fines en bois en treillis. Il dissimule le bâtiment dans son contexte, équilibre le plein et le vide, efface les limites concrètes.

B.3. P ARADOXES ET MUTATION CAS DE L ’E URASIE DU NORD LE

DES RAPPORTS AU BOIS

: LE

BO I S U N E R ES SO UR C E P ER M AN EN T E

La péninsule Scandinave et la Russie sont les plus grands exportateurs de bois en Europe, avec des taux de boisement très élevés et d’essences de bonne qualité. Quand on parle de l’architecture scandinave, on dit que c’est superflu d’ajouter le mot « bois », car cette architecture se définit et surtout se différencie par l’usage régulier du bois comme matériau de construction. Que l’on parle de l’architecture traditionnelle ou de l’architecture contemporaine, le bois reste au cœur du débat, il devient une marque régionale. D’autant plus qu’il exprime deux facteurs déterminants. D’un coté, il fait tout de suite penser à une qualité physique – « chaud » ; il exprime la chaleur dans un climat très froid. De l’autre coté il montre l’abondance de ce matériau dans cette partie du

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

monde. Mais si on étudie l’architecture vernaculaire à travers ces pays, on verra qu’il y a des phénomènes très différents et des approches assez spectaculaires.

LA NORVEGE

ET L ’ I N V E N T I O N

D’abord, on prend le cas de l’architecture norvégienne, la plus ancienne de la région, une civilisation assez développée a l’époque des vikings. Si on regarde l’art des vikings, les bateaux trouvés dans une tombe, on se rend compte tout de suite que leurs techniques de fabrication du bois étaient très avancées. Mais si on regarde l’architecture domestique on ne trouve pas de constructions très spectaculaires point de vue structurel. Par contre, c’est une architecture extrêmement protectrice, adaptée aux conditions climatiques sous-polaires. Les maisons sont des piles de grands troncs des arbres. Pardessus ils sont couverts encore de troncs d’arbres, sur lesquels on ajoute une couche d’écorce de bouleau – qui est imperméable - comme l’isolation et par dessus une couche de terre de 20-30 cm. Donc au lieu de produire une architecture de grandeur, ils ont trouvé des solutions exemplaires pour s’adapter au climat. Ces solutions sont utilisées aujourd’hui pour les toitures végétalisées partout dans le monde, avec le même principe. En plus pour éviter les interstices dus au travail du bois, ils mettent de la mousse de la forêt entre les bois empilés. Plus tard, une architecture en bois plus glorieuse apparait avec les églises de bois debout.

LE

D ET O U R N E M EN T S U E DO I S

Un autre cas, en Suède, plus tard, vers les XVIII-XIXème siècles, on trouve une architecture complètement différente. Une architecture qui essaie de « nier le bois ». Les suédois ont découvert une substance naturelle pour protéger le bois, à base du minerai de fer, de couleur rouge. Alors ils commencent à imprégner les planches de bois avec cette substance rouge. Ensuite ils recouvrent toute la maison – d’une structure classique en bois empilé – avec un bardage vertical. (Fig. B10-10) Au-delà de la protection effective du bois – sa durée de vie a bien augmenté – en effet, ces maisons en « bois rouge » essaient d’imiter la brique – considérée plus noble et plus chère, plus difficile à se procurer. Donc il est difficile à dire si on a une architecture spécifique du bois ou plutôt une réplique des manoirs en brique dans le bois. En même temps, le bois considéré pas cher et pas durable à long terme augmente sa période de vie et devient conforme au statut social désiré. Encore une fois cette transformation n’est pas recherchée dans le matériau lui-même, mais plutôt dans l’adaptation d’un matériau aux autres critères – sociaux, économiques, etc. Dans ce cas le lien direct avec la nature est rompu, le rouge contraste avec le paysage, on accepte l’architecture en tant qu’artificielle. 46


PARTIE B: CULTURES DU BOIS

LA

LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

MI G R AT I O N FO R M EL L E E N

S I B ERI E

Pour compléter cette idée de modèle d’adaptation du matériau, je prends l’exemple des villes colonies russes de la Sibérie. Par exemple la ville d’Irkoutsk, sur le fleuve Angara, à coté du grand lac Baïkal. Au XVIIIème siècle cette ville coloniale russe apparait au milieu de la Sibérie et devient la plus grande de cette région. Dans ce contexte très isolé, une architecture vernaculaire étonnante se développe en bois – la seule ressource facile à trouver pour les constructions. Comme la plupart de familles étaient des aristocrates et assez riches et cultivés, ils ont reproduits les bâtiments en pierre moscovites de XIXème siècle. On retrouve des formes littéralement reproduites en bois du langage classiciste de la pierre, des encadrements de portes et fenêtres, des toitures, etc. Mais cette architecture ne peut pas nier complètement le matériau et ses techniques. Donc finalement on assiste à une transformation du bois avec des expressivités qui lui deviennent propres et impossibles à imiter dans la pierre.

LE

R ET O UR D U BO I S A U

XXI E M E

SI E C L E EN

F I N LA N D E

En Finlande, les trois quarts du pays sont fortement boisés – 23 millions d’hectares – la plus grande surface boisée de l’Union Européenne. Les essences sont principalement le pin et l’épicéa, en tant que bois tendres conifères, et le bouleau régional, plus résistant. Comme dans les autres pays nordiques, même si le bois est une tradition centrale aimée, au siècle dernier il a été marginalisé en faveur du béton, de la brique et l’acier. Et de manière choquante, dans les derniers quatre décennies, plusieurs aspects de la tradition de construction en bois ont presque disparu. Dans l’ensemble, le patrimoine de constructions en bois est difficilement identifiable. Contrairement à la Norvège, où on retrouve encore environ 30 milles bâtiments médiévaux, les nombreuses guerres et invasions de la Finlande – qui s’est toujours trouvée entre deux grands pouvoirs, la Russie et la Suède – ont déterminé l’usage du bois des constructions pour chauffer les troupes armées pendant les froides nuits d’hiver finlandais. La conséquence est une absence complète des bâtiments médiévaux dans le pays. Ironiquement les grandes villes ont abandonné aussi le bois en tant que premier matériau de construction à l’époque où l’industrialisation de l’exploitation forestière a commencé. Mais ces vingt dernières années, le bois est à nouveau considéré comme un matériau important pour la construction, car il est considéré comme l’option la plus soutenable à présent, avec une consommation d’énergie minimale par rapport aux autres matériaux modernes.

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LE RAPPORT DE L’HOMME AU BOIS

Un nouveau prix international d’architecture – le « Spirit of Nature Wood Architecture Award » - est établi en Finlande en 1999. Il a été fondé par l’Association « Wood in Culture » et il est attribué pour l’excellence en architecture à une ou à un groupe de personnes, dont les projets montrent un usage progressif et créatif du bois dans l’architecture. Le prix apour but de promouvoir et donner une confirmation internationale à une architecture qui place au premier plan le bois. Les lauréats de ce prix ont été : 2000 : Renzo Piano, Italie 2002 : Kengo Kuma, Japon 2004 : Richard Leplastrier, Australie 2006 : Peter Zumthor, Suisse 2008 : José Cruz Ovalle, Chili 2010 : Hermann Kaufmann, Autriche

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B. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE DANS LE MONDE

Fig. 42 : le bois primaire dans les zones tropicales – 80% de la récolte du bois part en fumée // ARTE.tv Le dessous des cartes « Le commerce du bois » Fig. 43 - 44 : PlasticWoodComposite PWC, imitations du bois en plastic – marché très développé en Asie // Google Images 2011 Fig. 45 : « Ondol », système de chauffage traditionnel coréen – la fumée traverse le dessous la maison en réchauffant le plancher // photo personnelle *2009 Fig. 46 : le bardage en bois roumain – la décoration devient “fonctionnelle” car la surface de contact du bois avec l’eau s’agrandi // photo personnelle *2007

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B.1. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN BOIS, ROUMANIE

Fig. 47 : les « ciocarlani », Musée du village, Curtisoara, Roumanie – éléments symboliques du toit, semblant aux oiseaux, protège la maison // photo personnelle *2007 Fig. 48 : les « têtes de chevaux », Olténie du Nord, Roumanie – éléments symboliques protecteurs du bâtiment // photo scannée Fig. 49 : détail église Olténie du Nord, Roumanie, - marque d’une église démontée et remontée // photo scannée Fig. 50 : maison du Gorj, Musée du village, Curtisoara, Roumanie, - expressivité et liberté de l’espace architectural // photo personnelle *2007 Fig. 51 : Constantin Brancusi, Centre Pompidou Paris, - sculpteur originaire de la région de Gorj, Roumanie, influence de la culture et symbolique locale // photo personnelle *2008

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B.1. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN BOIS, ROUMANIE

Fig. 52 : Eglise de Rogoz, Maramures, Roumanie, 1663 – patrimoine UNESCO // Google Images 2011 Fig. 53 : Axonométrie de l’église de Ieud Deal, Maramures, Roumanie, début XVIème siècle – détail de la structure en bois // Google Images 2011 Fig. 54 : L’église de Budesti - Josani, Maramures, Roumanie, 1643 – détail de la toiture en bois // Google Images 2011 Fig. 55 : L’église de Plopis, Maramures, Roumanie, 1798 – monument en bois // Google Images 2011

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B.1. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN BOIS, ROUMANIE

Fig. 56 : L’église peinte du monastère Humor, Bucovine, Roumanie, 1530 – monument UNESCO // photo personnelle *2010 Fig. 57 : Paysage caractéristique de la région de Bucovine, Roumanie – relation étroite entre habitat, collines, forêts, champs agricoles // photo personnelle *2009 Fig. 58 : Paysage d’une colonie polonaise dans la région de Bucovine, Poiana Micului, Roumanie – des lotissements linéaires tracés en dépit de la topographie // photo personnelle *2009

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B.1. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN BOIS, ROUMANIE

Fig. 59 : maison du village Manastirea Humorului, Bucovine, Roumanie – orientation au sud de la façade principale // photo personnelle *2009 Fig. 60 : « gospodarie » du village Manastirea Humorului, Bucovine, Roumanie – l’élément unifiant de la toiture en bois // photo personnelle *2009 Fig. 61 : détail de toiture d’une maison, Bucovine, Roumanie // photo personnelle *2009 Fig. 62 : artisan local du village Plesa – la continuité d’une tradition familiale // photo personnelle *2009 Fig. 63 : cérémonie d’enterrement dans une maison traditionnelle, Partesti, Bucovine, Roumanie – la relation entre croyance, traditions et l’habitat // photo personnelle *2008

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B.1. LES PARADOXES DU VERNACULAIRE

Fig. 64 : le vernaculaire contemporain, Bucovine, Roumanie – le bois est remplacé par la tôle pas chère, le parpaing, le plastique // photo personnelle *2009 Fig. 65 : Renzo Piano, Centre Culturel Tjibaou, Nouvelle Calédonie, 1998 – inspiration formelle et interprétation de la culture locale // Google Images 2011 Fig. 66-67 : Norman Foster, « Maison du Futur », St. Moriz, Suisse 2000-2004 – utilisation des tavaillons traditionnels suisses // Google Images 2011

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B.2. LA CHINE ET LE JAPON

Fig. 69 : le temple Todai-Ji de Nara, Kansai, Japon, fondée 750, construction actuelle datée 1709 – la plus grande construction en bois au monde // photo personnelle *2010 Fig. 70 : la pagode à 5 étages du temple Kôfuku-ji de Nara, Kansai, Japon, 1426 // photo personnelle *2010 Fig. 71 : La cité interdite, Pékin, Chine – la pierre utilisée pour les terrassements et fortifications, clôtures, le bois pour habiter (palais et autres bâtiments connexes) // photo personnelle *2009 Fig. 72 : Le palais d’Osaka, Kansai, Japon – la plus grande pierre d’une muraille de la fortification, 130tones // photo personnelle *2010 Fig. 73 : Résidence noble à Osaka, Kansai, Japon – l’omniprésence du bois dans l’habitat // photo personnelle *2010

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B.2. LA COREE

Fig. 74 : temple bouddhiste, Haeinsa, Corée du Sud – le rapport au paysage // photo personnelle *2010 Fig. 75-76 : académie confucéenne, zone rurale à proximité de Busan, Corée du Sud – l’emplacement dans la nature, de l’extérieur et de l’intérieur // photo personnelle *2010 Fig. 77 : temple bouddhiste, Gyeongju, Corée du Sud – les arbres sont plus vieux que les bâtiments derriere qui ont été reconstruits plusieurs fois // photo personnelle *2010

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B.2. LA COREE

Fig. 78 : détail d’un pavillon à Jinju, Gyeongsangnam-do, Corée du Sud // photo personnelle *2009 Fig. 79-80 : détails constructifs de l’architecture coréenne // cours scanés Fig. 81 : charpentier, Corée du Sud – le patrimoine vivant et la perpétuation d’une tradition constructive // photo personnelle *2010

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B.2. LA COREE

Fig. 82 : temple bouddhiste, Gyeongju, Corée du Sud – l’imitation de l’arbre et de la forêt des pin par les couleurs spécifiques du tronc et de la couronne // photo personnelle *2009 Fig. 83 : maison noble et jardin, Corée du Sud – la mise en valeur de l’arbre et son rapport à la maison // photo personnelle *2009 Fig. 84-85 : détails de l’avant-toit et de la structure dans l’architecture coréenne // photo personnelle *2009

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS


B.2. L’INFLUENCE JAPONAISE - TADAO ANDO

Fig. 86 : Tadao Ando, Pavillon japonais, Séville, Espagne 1992 –vue de l’entrée principale // Google Images 2011 Fig. 87 : Tadao Ando, Pavillon japonais, Séville, Espagne 1992 –détail structurel « exposé » // Google Images 2011 Fig. 88 : Tadao Ando, Musée du bois, Japon, 1996 - gallérie circulaire // Google Images 2011 Fig. 89 : Tadao Ando, le temple bouddhiste de Komyo-ji sur l’ile de Shikoku, Japon1999-2000 – signification culturelle du bois // Google Images 2011

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS


B.2. L’INFLUENCE JAPONAISE - KENGO KUMA

Fig. 90 : Kengo Kuma, Noh Stage in the Forest; Teraikekanmachi, Miyagi, 1996 // Google Images 2011 Fig. 91 : Kengo Kuma, Great (Bamboo) Wall, Beijing, China, 2002 – l’architecture suprimée // Google Images 2011 Fig. 92 : Kengo Kuma, Nakagawamachi Bato Hiroshige Museum of Art; Bato, Nasu, Tochigi 2000 // Google Images 2011

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B.3. LA NORVEGE

Fig. 93-95 : l’architecture traditionelle norvegiene, NORSK FOLKEMUSEUM, Oslo, Norvège // photos personnelles *2010 Fig. 96 : bateau viking, Viking Ship Museum, Oslo, Norvège – performance technique // photos personnelles *2010 Fig. 97 : église en bois de bout, NORSK FOLKEMUSEUM, Oslo, Norvège // photos personnelles *2010

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS


B.3. LA SUEDE

Fig. 98 - 100 : le « paradoxe rouge » de l’architecture suédoise, Skansen Open Air Museum, Stockholm, Suède – on essaie de nier la vraie nature du bois, en imitant la brique // photos personnelles *2010

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PARTIE B: CULTURES DU BOIS


B.3. LA SIBERIE

Fig. 101 - 103 : Maisons en bois d’Irkoutsk, Sibérie-lac Baïkal, Russie – des formes en bois empruntées de l’architecture de pierre // photos personnelles *2010

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PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

P A R T I E C : L I MI TE S D U BOI S

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE La complexité d’un matériau ............................................................................................66 C.1. Une opposition historique face à la pierre ........................................................................66 Abris / Tombes ..................................................................................................................67 Orient / Occident ..............................................................................................................67 Nomade / Sédentaire........................................................................................................68 Poteau / Mur ....................................................................................................................69 Charpentiers / Maçons .....................................................................................................69 Révéler le bois par le contraste ou la complémentarité ...................................................70 C.2. Le caractère vivant du bois ...............................................................................................71 Vivant ou Mort ? ...............................................................................................................71 Peter Zumthor – les parfums et sons du bois ...................................................................71 Structures paysagères – Architectures vivantes ...............................................................72 C.3. Le bois – une ressource vraiment renouvelable ? .............................................................72 Changement de rapport entre exploitation et régénération ...........................................72 L’industrie du bois et la gestion des forêts .......................................................................73 L’importance des nouvelles découvertes .........................................................................74 Quantité / Qualité / Responsabilité ..................................................................................74


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

LA

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

CO M P L E XI T E D ’ UN M AT ERI A U

A la différence des autres ressources naturelles comme la pierre ou la terre, le bois provient du règne vivant des végétaux. C’est un matériau non homogène, non-isotrope, il a des caractéristiques spécifiques en fonction de sa section, des espèces, de l’âge, de la partie utilisée, etc. La science du bois devient de plus en plus complexe et importante, car c’est un matériau qui a beaucoup de qualités mais aussi des limites, des imperfections, des irrégularités. Chaque espèce de bois a des propriétés physiques et mécaniques spécifiques : dureté, poids, retrait ou flexibilité, mais aussi couleur, lustre et odeur. Les propriétés physiques les plus importantes d’un bois sont les suivantes : -

-

-

La dureté est définie par le niveau de difficulté rencontré dans le travail du bois. Parmi les bois durs figurent par exemple l’ébène, le chêne ou le buis ; on range au nombre des bois tendres le peuplier, le saule ou le balsa. La flexibilité est la faculté qu’ont certains bois de se plier longitudinalement sans se briser. Le frêne et l’orme sont de ceux-là ; en revanche, les moins flexibles sont par exemple le chêne ou l’érable. Le poli est une qualité qui s’obtient au mieux avec les bois durs comme le noyer, le merisier ou le poirier, dont les fibres sont très serrées. La densité est la relation entre le poids du bois et son volume. L’homogénéité est définie par la structure et la composition des fibres du bois. La couleur varie elle aussi en fonction des espèces : le peuplier et l’érable sont blanchâtres, le chêne brun clair, l’acajou rougeâtre, le bois de rose violâtre, l’ébène noir. L’odeur sert souvent à distinguer les espèces. La durabilité traduit la durée de résistance d’un bois au pourrissement. Toutes ces propriétés ont été plus ou moins reconnues et exploitées au fil des siècles, si bien que l’usage spécialisé des essences s’est peu à peu perfectionné. Pour obtenir le meilleur bois, l’arbre doit être coupé lorsqu’il atteint son plein développement : les arbres trop jeunes donnent du bois trop tendre, les arbres trop vieux peuvent receler des parties intérieures en mauvais état. L’âge optimal de coupe varie selon les essences. Aujourd’hui l’avantage renouvelable du bois et sa meilleure empreinte environnementale semblent effacer ses limites naturelles à l’aide de nouvelles technologies. Mais ses limites ont déterminé des attitudes, des traditions, voire des convictions envers la signification du bois dans l’architecture. Comment cette banalisation écologique peut-elle influencer son usage et sa signification en architecture ? Comment le rapport du bois à la nature change-t-il cette optique ?

C.1. U NE

OPPOSITION HISTOR IQUE FACE A LA PIERRE

Au cours du développement de la civilisation humaine, les matériaux de construction se sont différenciés par leurs propriétés physiques, notamment la durabilité. Ils ont donné lieu à des perceptions différentes suivant les cultures. Dans le chapitre précédent on a 66


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

montré l’emploi et la signification du bois dans certaines cultures qui ont fait du bois le premier matériau dans la construction, sous différentes formes. Mais dans un pays comme la France, par exemple, la perception du bois est différente, car on parle d’une civilisation bâtie en pierre. Il ne s’agit pas seulement d’une question de proximité des ressources, mais ces oppositions renvoient aux croyances, philosophies ou traditions. Il y a plusieurs paliers d’opposition dans la signification du bois, en tant que matériau périssable, et la pierre, en tant que matériau pérenne, durable. Ces oppositions sont souvent le résultat de l’observation et l’intuition, alors que d’autres fois une recherche plus profonde est nécessaire.

A B R I S / T O M B ES Cette approche est basée sur les deux explications de l’origine de l’architecture. En premier la cabane ou l’abri, dont l’objectif principal est de protéger les personnes contre les intempéries, et puis le bétail et les provisions. La deuxième est la construction des tombes, déterminée a par la prise de conscience de la mort de l’homme. On constate que la pierre est utilisée surtout pour les constructions des tombes, des édifices de commémoration d’une personnalité à laquelle on attribuait des pouvoirs surhumains: pyramides, stupas, mastaba, tumuli, autels etc. Ces édifices sont conçues pour durer car ils ne doivent pas dépendre de la vie des hommes. Ils on un caractère permanent. Le bois, ainsi que la terre, restent les principaux matériaux destinés à l’habitat : tentes, kiosques, pavillons, maisons en terre battue avec des planchers en bois, maisons en bois, etc. Ils on un caractère temporaire. La durée de vie de la maison est dépendante de l’entretien et de la permanence des générations. Au cours du siècle dernier, en Occident de nouveaux monuments, les musées, les bibliothèques, les archives se sont éloignées de cette opposition entre matériaux, de la protection et la pérennité de la « pierre » : tous les livres de la bibliothèque nationale française sont tenus en tours de verre, la nouvelle structure du Centre Pompidou à Metz est faite en bois, etc. Assiste-t-on alors à une perte de la signification traditionnelle des matériaux ou à un changement complet de la société, avec une confiance totale dans les nouvelles technologies et dans sa capacité d’entretenir à long terme toutes ces œuvres techniques ? Les matériaux sont aussi entrés dans le débat contemporain sur la « soutenabilité » de notre développement technique, avec un caractère symbolique et culturel, mais concret, des propriétés et limites physiques, de durabilité.

O R I EN T / O CCI D EN T Cette opposition peut être extrapolée aux différences culturelles entre l’Orient et l’Occident, qu’on a détaillées dans le chapitre B.2. de la partie précédente. Ceci est d’un 67


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coté sur le plan de l’habitat, en Asie on « habite » le bois , alors qu’en Occident, la pierre. Mais de l’autre coté, l’influence des croyances religieuses à aussi contribué aux différences de signification du bois dans l’architecture. Les religions ont établi des approches complètement à part en ce qui concerne l’architecture religieuse. Revenons à la différence de perception du bois de l’Extrême Orient, notamment sur la 2 reconstruction permanente des temples au Japon . Ceci invoque les dimensions métaphysiques de l’architecture car cette reconstruction est conforme aux croyances de la renaissance après la mort, de vies multiples. Alors le bois devient le matériau parfait pour une telle signification, car son caractère renouvelable au cycle de la forêt permet de redonner périodiquement (25-30 ans) une nouvelle vie par rapport à ces lieux spirituels. Alors que l’Occident, avec la croyance d’une vie éternelle après la mort, a préféré la pierre comme symbole de permanence pour les cathédrales, qui règnent depuis plusieurs centaines d’années. On trouve donc une différence fondamentale de la signification des matériaux dans l’architecture entre l’Orient et l’Occident. Mais la nouvelle organisation mondiale fait que plus de la moitié des surfaces construites dans le monde dans les dix dernières années sont en Chine, en utilisant généralement le béton et l’acier. Alors qu’en Europe on constate un retour progressif de la construction en bois. On est donc dans un monde globalisé où les différences culturelles ne s’opposent plus, mais se mélangent, en perdant certaines significations et en gagnant d’autres.

N O M A D E / S E D EN T AI R E Si on fait un historique des constructions en bois, on observe qu’elles étaient traditionnellement caractérisées par l’assemblage, avec plus ou moins de savoir faire, de troncs d’arbres, de poutres façonnées à la hache ou sciées. La délimitation de l’espace à l’aide de composants naturellement unidimensionnels sous forme de barre se faisait de manière très différente selon la région. Chez les peuples nomades comme les Indiens d’Amérique du Nord ou les habitants d’Asie occidentale et centrale, des charpentes faciles à transporter, composées de tiges en bois, étaient tendues de peaux ou de tissus. En Asie orientale, des villes entières étaient construites en bambou. Des éléments formant l’espace, surtout murs et plafonds, étaient réalisés par des tiges bien serrées les unes à côté des autres. Les surfaces des toits à protéger de la pluie étaient le plus souvent en paille de riz. Alors que les hommes se sont sédentarisés, ils ont cherché à utiliser des matériaux dont la légèreté ne comptait plus, mais la résistance et la durabilité étaient plus appréciées.

1

Voire les explications du chapitre B.2. « Le bois pour habiter, la pierre pour se protéger », page 2 Ibid. « La reconstruction du patrimoine»

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Dans les « temps modernes », la disparition de limites dans le temps et l’espace, soutenue par les réseaux de mobilités internationales, reviennent à une certaine forme de nomadisme urbain, mais cette fois les matériaux qui remplacent le bois sont plutôt le plastique, le métal, etc. Quand même les industries ont fait beaucoup d’innovations dans les produits de recyclage du bois qui commencent à devenir de plus en plus fiables.

POTEAU / MUR En Europe, on distingue deux types de construction traditionnelle en bois : la construction en bois empilé et la construction à colombages. Dans le cas de la construction en bois empilé, telles les constructions en bambou, les éléments formant l’espace sont composés de tiges superposées, ici de troncs d’arbres bruts, façonnés ou sciés. Pour la protection contre les intempéries, on utilise selon la disponibilité des plaques en pierre ou du chaume. Dans le cas de la construction à colombage, la structure des murs est constituée d’un squelette en poutres, dont on remplit les interstices de pierres ou de pisé, de torchis. Les toits, en particulier ceux des édifices sacrés ou de stockage, évoluent vers des constructions imposantes à mesure que les portées augmentent. Les édifices de la famille des maîtres bâtisseurs Grubenmann ou les églises en bois debout scandinaves témoignent de l’excellence de l’art de la charpenterie. Toutes ces constructions, du tipi à l’église en bois debout, avaient une caractéristique en commun. Elles étaient le résultat de l’assemblage de tiges unidimensionnelles. Chaque tige n’avait généralement qu’une seule fonction. En particulier dans les grandes constructions, la disposition était : « hiérarchique » : la poutre maîtresse, la ferme porte de panne, la panne porte le chevron qui, lui porte le litonnage. Cette structure caractéristique au bois, de type poteau – poutre, également développée en Asie, introduit une autre différence, qui provient surtout de la linéarité du bois. On peut dire que traditionnellement le poteau est caractéristique au bois, autant que le mur à la pierre. 3 4 D’ici découlent les différences entre « l’espace-structure » et « le plan libre »

C H AR P EN T I ER S / M AÇ O N S Souvent les constructeurs des bateaux deviennent aussi les charpentiers et ils apportent des techniques de construction et d’assemblage du bois très évoluées. On voit apparaître après le Moyen Age, à l’époque des villes grandes portuaires, d’étonnantes charpentes en bois, quelles qu’elles soient des cathédrales ou des halles. En général pour la structure du toit le bois reste le matériau prédominant, car il n’est pas lourd et il permet de couvrir des espaces très larges. Par la suite, les techniques de sciage rationalisées ont simplifié la fabrication de planches et permis une meilleure gestion du matériau. Ainsi, des plafonds en poutres ou 3 4

Les limites spatiales sont déterminées par la structure : le mur, la voûte, etc. La structure est indépendante de délimitations spatiales, déterminées par des cloisons 69


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

en bois demi rond disposés sans interstices (plafonds massifs à cœur fendu ») ont-ils été remplacés par des plafonds en solives portant un plancher en surface ou un fauxplancher intermédiaire. Les planches trouvaient aussi un emploi en bardage des constructions à colombage : leur disposition diagonale (planchéiage) remplace en contreventement jusqu’aux jambes de force, donnant alors naissance à des types de construction « platform frame » et « ballon frame » en Amérique du Nord, caractérisées par leurs montants serrés à disposition exclusivement verticale, et aussi à la construction à ossature bois de style européen. En plus, avec la révolution industrielle, les assemblages traditionnels disparaissent petit à petit, laissant la place aux éléments métalliques de connexion qui offrent beaucoup plus de flexibilité et de rapidité à la construction. Si le bois est utilisé pour la construction totale ou partielle des bâtiments ou comme construction temporaire ou échafaudage ou coffrage pour la construction des bâtiments en pierre, des voutes, ses arcs, etc., les structures en bois ne cessent de se réinventer selon le développement technologique de l’époque. Sa flexibilité, sa résistance en traction, l’élasticité et le poids léger sont les qualités qui ont favorisées la fabrication des structures en bois La beauté structurale mise en évidence par les constructeurs des bateaux pour les charpentes est doublée aujourd’hui dans l’architecture contemporaine par son association à des nouvelles technologies. Il a toujours existé une différence entre ces deux typologies de métiers, dans l’esprit de la construction, le « maçon » et le « charpentier ». Si le premier aspire à une sculpture, en « creusant dans la masse, le deuxième « bricole » une structure à partir d’éléments d’assemblage.

R EV E L E R

L E B O I S P AR L E CO N T RA ST E O U L A CO MP L E M EN T ARI T E

On trouve aujourd’hui plusieurs exemples qui essayent de remplacer d’autres matériaux par le bois, ils essaient de cacher le matériau. De l’autre coté, d’autres architectes utilisent le bois partout bien que des fois il ne se prête pas à un certain usage. Pourquoi ne pas mettre en évidence les qualités du bois en soulevant les contrastes et les différences par rapport aux autres matériaux ? Par exemple, les irrégularités du bois, ses différences de coloration deviennent importantes dans l’habillage en bois sous forme des planches, le bardage, mais il est infiniment plus facilement mis en évidence par la mise en contraste de sa naturalité avec des matériaux « froids » en acier, béton ou aluminium.

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PARTIE C : LIMITES DU BOIS

C.2. L E VIVANT

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

CARACTERE VIVANT D U BOIS

OU

M O RT ?

La sensibilité à l’humidité est un des plus importants aspects du bois, car il a des implications directes dans l’utilisation dans la construction. Le pourcentage d’humidité du bois peut directement influencer les caractéristiques techniques du matériau. Car il est un matériau hygroscopique, il garde la possibilité d’échange d’humidité avec l’environnement, ce qui peut produire des variations de volume et de dimensions On sait qu’il y a des indications très précises sur le temps de séchage pour la mise en œuvre correcte du bois, mais, sans une protection supplémentaire, le bois reste vulnérable, car il absorbe facilement l’humidité et peut pourrir, il est menacé par l’action des microorganismes et insectes, etc. Dans ces situations on l’appelle souvent « vivant » ou encore vivant ». Selon certains paysagistes « Une planche est toujours vivante ». Mais cette appellation du bois m’intrigue beaucoup. Bien sûr que le bois provient de l’arbre, du monde vivant et du règne végétal, à la différence des autres matériaux, mais je ne comprends pas quelles valeurs vivantes un matériau peut avoir après avoir été coupé, scié, séché ou encore retravaillé industriellement. Utilisé par l’homme dans la construction il devient aussi artificiel que le bâtiment dont il fait partie. Il s’agit d’un matériau crée et contrôlé par l’homme, non pas de quelque chose qui appartient à la nature. En plus il s’agit d’un matériau qui a beaucoup d’avantages, mais aussi il est menacé en permanence de se dégrader et finalement de retourner à la nature qui l’a créé, de boucler le cycle. Les cultures du bois connaissent bien ce processus, car elles ont appris à utiliser le bois de manière naturelle, elles acceptent sa dégradation, le vieillissement du bois, etc. Un exemple en Autriche - les gens ne protègent pas le bois avec des produits chimiques pour qu’ils puissent l’utiliser pour le feu après (sinon il émet des gaz dangereux pour la santé). Donc le caractère vivant du bois se traduit du fait de son retour à la nature et non dans sa phase de matériau dans la construction.

P ET E R Z U MT HO R –

L E S P AR F U MS ET S O N S DU BO I S

Architecte suisse, il déclare en référence à sa formation d'ébéniste dans le laboratoire de son père : « J'ai grandi en construisant des choses concrètes. (...) Je suis un menuisier dans ce sens, dans la tentative de connaître le matériau avec lequel je travaille, ses limites, ses potentialités, l'effet que le temps aura sur lui ...". Dans le cas du Pavillon Suisse de l'Expo 2000 de Hanovre, l'intuition du projet tire son origine d'une image fréquente, habituelle : le simple empilage de planches de bois dans 71


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

un dépôt quelconque ou dans un entrepôt de menuisier ou de charpentier. Le petit édifice de 3000 m3 est en effet construit avec 45.000 planches de bois non vieilli, assemblées sans colle : les parois - qui ont une hauteur de 9 m - subdivisent l'espace intérieur en suivant une logique labyrinthique et complexe, tandis que les plafonds constitués de poutres de mélèze reposent sur des poutres verticales de pin écossais. Elles sont maintenues en position par des câbles d'acier reliés à des tirants à ressort au design minimal et élégant, qui " suivent" le bois dans sa nature de matériau changeant. Il accepte ce travail du bois, il lui montre la limite, mais il met en évidence les autres propriétés négligées d’habitude. Son approche est plus sensible, sensorielle, basée sur l’expérience active et avec tous les sens du bâtiment.

S T R U CT U R ES

P A Y S AG E R ES

– A RC HI T E CT UR E S

V I V AN T E S

Certains architectes, paysagistes ou artistes poussent plus loin ce rapport du bois au monde vivant. Ces exemples se trouvent à un stade assez expérimental : il s’agit de structures naturelles, d’architectures vivantes. Les traces de ces approches viennent plutôt du paysagisme, d’une manipulation ou aménagement du végétal, avec le matériau bois dans sa forme vraiment vivante. Elles prennent en compte littéralement le caractère évolutif du bois, qui peut être dirigé par l’homme et reste vivant en même temps. Peter Dougherty, Mikael Hansen, Andy Galsworthy ou Nils Udo travaillent plus dans le land art, en créant avec le bois des structures paysagères avec des formes inédites. D’un autre côté on trouve des architectes qui sont à la recherche d’un bâtiment évolutif, d’une architecture vivante, comme dans le cas du groupe Stafte Strukturen (Structures Soft). Cette approche me paraît très intéressante et pertinente dans le contexte actuel des idées de façades interactives et de matériaux ou bâtiments qui « poussent », qui évoluent, mais elle reste encore peu étudiée à ma connaissance.

C.3. L E

BOIS

C H AN G E M EN T

UNE RESSOURCE VRAIMENT RENOUVELABL E

?

D E R A P P O RT E N T R E E XP LO I T AT I O N ET R E G EN E RAT I O N

La nouvelle signification « renouvelable » du bois est en train d’augmenter la demande de bois, car il devient une « marque » de l’éco-architecture. On a tendance à croire que les ressources du bois sont illimitées car les forêts se régénèrent perpétuellement. Mais qu’est-ce qui assure cet équilibre entre l’exploitation des forêts et leur capacité de régénération ? Dans une urgence écologique est-ce qu’on n’a pas besoin de plus de forêts, qui absorbent principalement leCO2 ? C’est un paradoxe environnemental souvent ignoré par plusieurs acteurs qui voient le bois comme élément crucial dans la construction à faible consommation d’énergie, donc une solution « durable » pour la planète. Mais cela veut dire couper plus d’arbres. Les

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PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

architectes et les constructeurs n’ont pas donc les mêmes priorités que les activistes des forêts, malgré quelques buts communs. Dans l’histoire, dans certains cas, il y a eu une relation étroite entre la capacité régénérative de la forêt et son exploitation, corrélée même avec la croissance démographique. Par exemple, on sait que dans les Landes, les grandes familles propriétaires des forêts plantaient quelques dizaines d’hectares de terrain à la naissance d’un enfant. Alors l’enfant pourra faire usage de cet héritage à sa maturité, corrélé aussi à l’espèce plantée (15 ans pour le peuplier, 20 ans pour le pin, etc.) Mais on perçoit que le commerce du bois est fortement mondialisé et les filières bois locales deviennent souvent insuffisantes. Pour que le bois devienne vraiment renouvelable il lui faut un équilibre entre son exploitation et sa capacité de régénération. A cause du réchauffement climatique et notamment du commerce illégal et de l’exploitation non-contrôlée, la gestion des forêts dans le monde est de plus en plus réglementée. Les Nations Unies ont adopté depuis la conférence de Rio de Janeiro, en 1992, l’Agenda 215 en tant que modèle et programme d’action pour le XXIème siècle. Un grand nombre de ses chapitres évoquent les forêts, la sylviculture et l’exploitation du bois.

L’ I N D U ST R I E

DU BO I S E T L A G ES T I O N DE S FO R E T S

La gestion des forêts est un des plus importants systèmes d’exploitation des ressources du monde, car bien qu’elle ait de nombreux effets positifs, elle est un système complexe et non également développé dans le monde. Un autre paradoxe apparent du développement durable est que « L’usage du bois en tant que matériau de construction c’est le seul moyen de sauver les forêts du monde. L’usage du bois est directement lié à la conservation des forêts et la plantation de 6 nouveaux arbres ». Les industries du bois militent pour un usage du bois dans la construction, en disant qu’ainsi les forêts seront contrôlées et renouvelées en permanence. En Allemagne par exemple, le concept de « gestion durable de la forêt » a été introduit il y a trois siècles. En France, on connait l’exemple du massif forestier des Landes, occupant une superficie de près d'un million d'hectares, il est le plus grand d'Europe occidentale. Cette forêt des Landes est presque entièrement constituée de forêts plantées et exploitées industriellement. Sa plantation a commencé au XVIIIème siècle.

5

http://fr.wikipedia.org/wiki/Agenda_21 - l’intégralité du texte (en liens externes) J. Natterer The Use of Timber as a Construction Material - The Only Chance to Save the Forests of the World 6

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PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

Les pays développés, avec une tradition dans la gestion durable des forêts, peuvent être avantagés de cette montée dans la construction, et en même temps contribuer à une bonne gestion de l’environnement. Récemment, six fédérations de propriétaires forestiers allemands, français, autrichiens, finlandais, norvégiens, suédois ont mis en place une autre certification, c'est le Programme de reconnaissance des certifications forestières, le PEFC. Les forêts certifiées par ce label couvrent une superficie de 220 millions d’hectares, soit les 2/3 de la superficie certifiée mondiale.

L’ I M P O R T AN C E

DE S N O UV E L L E S D E CO UV ERT E S

Les nouveaux produits vont jouer un rôle essentiel dans la construction bois car ils peuvent relancer la création, l’expérience, afin de créer de nouvelles esthétiques et formes dans l’architecture. Par exemple, les nouvelles technologies offrent la possibilité d’utiliser le bois en termes de matière recyclable, dans certains produits, notamment les panneaux à base de fibres 7 de bois . Certaines industries utilisent même des meubles, mélangés avec des déchets du bois massif, etc. Alors dans ces conditions plusieurs essences sont mélangées, pressées et collées ensembles, les produits finaux sont standardisés et pas chers. La France et l’Allemagne sont les plus grands producteurs de panneaux en bois. Mais ces produits utilisés déjà depuis plusieurs dizaines d’années continuent d’être considérés inférieurs au « vrai bois », le bois massif. Mais de point de vue de l’écologie je pense que ces produits, qui assurent un recyclage complet et pas des pertes, sont très intéressants et ils méritent plus d’intérêt de la part des architectes. Mais la question qui suit naturellement est en quoi ce recyclage du bois est-il meilleur que le recyclage du béton (réutilisé facilement comme agrégats pour les infrastructures) ou les métaux (avec 90 % de récupération) ?

Q U AN T I T E / Q UA LI T E / R E SP O N S A BI LI T E Si une gestion raisonnée et durable des forets, en équilibrant soigneusement la cadence de la consommation et le temps indispensable à leur régénération, peut résoudre les problèmes de préservation de cette ressource, la mise en œuvre dans les bâtiments revient aux architectes. Il faut qu’ils intègrent les multiples propriétés du bois dans le projet, qu’ils ne considèrent plus juste une belle texture choisie d’un catalogue, qu’ils connaissent l’essence disponible localement et qu’ils les utilisent avec créativité dans leurs projets. Aujourd’hui en France, des nombreux architectes, même ceux présentés en tête d’affiche du HQE, amènent du bois de pays tropicaux, ou de la Sibérie pour les bonnes

7

Certaines industries peuvent recycler même des meubles anciens. 74


PARTIE C : LIMITES DU BOIS

PERISSABLE, VIVANT, RENOUVELABLE

qualités du bois « noble ». Mais évidement on ne gagne pas beaucoup sur « l’empreinte Carbone » avec cette attitude qui va plus loin que les questions de responsabilité et d’éthique, elle dénote même un manque de connaissances et de créativité. Je crois qu’un peu plus d’attention dans l’enseignement scientifique de l’architecte doit être pris en compte car la science de bois est extrêmement complexe et elle ne peut pas être assimilée facilement. Les architectes doivent transformer la quantité en qualité, mais non pas le sens de l’exemple donné au-dessus. Il faut plutôt adapter les nouvelles technologies dans leurs projets, avoir une vision plus large et enfin donner une signification aux matériaux et finalement aux projets, en concordance avec l’esprit de l’époque, plutôt que de respecter des réglementations.

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C.1. OPPOSITIONS FONDAMENTALES

Fig. 104 : mastaba en Egypte – la construction de tombes favorise la pierre, signifiant l’éternité // Google Images 2011 Fig. 105 : tente nord-scandinave, Suède, Skansen, musée en plein air – la construction des abris utilise le bois, signifiant le temporaire // Google Images 2011 Fig. 106 : Le Parthénon, Athènes, Grèce – le temple en marbre domine la ville et tout son paysage // Google Images 2011 Fig. 107 : Temple bouddhiste dans les montagnes Jiri, Corée du Sud – le temple domine la vallée devant, mais la montagne reste derrière lui // photo personnelle *2010

104 105 106 107

PARTIE C: LIMITES DU BOIS


C.1. TENTES ET CHARPENTIERS

Fig. 108 : L’évolution du « ger » (yourte) mongol // Google Images 2011 Fig. 109 : Yourtes (« ger » en mongol) en Mongolie, 2010 – la structure des tiges de bois, symbole de la vie nomade // photo personnelle *2010 Fig. 110 : Shigeru Ban arch., Centre Pompidou Metz, France, 2010 – usage d’une grande structure en bois pour un bâtiment public, un musée // Google Images 2011 Fig. 111 : charpente de l’église Saint-Girons, 1464-1530, Monein, Aquitaine, France - les charpentiers utilisent des techniques de construction et d’assemblage du bois très évoluées // Google Images 2011 Fig. 112 : le système Fachwerk du Moyen Age, Allemagne - France // Google Images 2011 Fig. 113 : les constructeurs de bateaux deviennent souvent les charpentiers et apportent leurs techniques en bois // Google Images 2011

108 109 110 111 112 113

PARTIE C: LIMITES DU BOIS


C.1. SOULIGNER LES CONTRASTES DES MATERIAUX

Fig. 114 : Mole Architects, Cavendish Avenue House in Cambridge, England, Grande Bretagne 2010, le bois en « traditionnel » se détache sur un fond de matériaux très « technologiques » // Google Images 2011 Fig. 115 : BIG Architects, Mountain dwellings, Orestad Copenhague, Danemark, le bois est mis en valeur par le contraste avec le placage métallique des bords du bâtiment et rapproché à la nature par la végétation // Google Images 2011 Fig. 116 : Constantin GORCEA arch., la maison Gorcea, 2001-2004 Suceava, Roumanie, la « boîte en bois »contentant les espaces « à habiter » est mise en contraste avec les murs blancs qui délimitent « les annexes », la cuisine, débarras, etc. // photo personnelle *2005 Fig. 117-119 : mise en évidence du bois par son contraste avec des autres : l’aluminium, la terre, le verre, // Google Images 2011

114 115 116 117 118 119

PARTIE C: LIMITES DU BOIS


C.2. LE S SONS ET LES PARFUMS DU BOIS - PETER ZUMTHOR

Fig. 120 – 123 : Peter Zumthor, « le corps sonore », Pavillon Suisse de l’Expo 2000 de Hanovre - édifice de 3000 m3 est en effet construit avec 45.000 planches de bois non vieilli, maintenues en position par des câbles d’acier reliés à des tirants à ressort au design minimal et élégant, qui “ suivent” le bois dans sa nature de matériau « vivant » // Google Images 2011

120 121 122 123

PARTIE C: LIMITES DU BOIS


C.2. ARCHITECTURES VIVANTES

Fig. 124 : Mikael Hansen, « Organic Highway », Danemark 1995 - en relation avec la photo sur la couverture de la partie C, le « retour » à a la nature du bois // Google Images 2011 Fig. 125 : Patrick Dougherty, « Around the corner », Indiana USA, 2003 // Google Images 2011 Fig. 126 : Sanfte Structuren, Allemagne, Suède, Belgique, Pologne, etc., 1998 – – architecture « botanique », « vivante », « évolutive » // www.sanftestrukturen.de

124 125 126

PARTIE C: LIMITES DU BOIS


CONCLUSION

L ES

FACTEURS D ’ IN FLUENCE DE LA SIGN IFICATION DU BOIS

« Ce qui distingue fondamentalement l’homme, c’est donc sa faculté d’abstraire et de généraliser, c’est-à-dire sa faculté d’induction ; d’où, il découle que son besoin fondamental est l’expérimentation de la signification. Devenir adulte veut dire devenir 1 conscient des significations. » Généralement, pour la plupart des architectes modernes et contemporains, la signification d’un matériau fait partie d’une pensée plus large sur l’architecture, la société, l’homme, la nature, etc. Aujourd’hui, des facteurs sociopolitiques et économiques induisent un changement dans la conception architecturale et dans le choix de certains matériaux. Les décideurs politiques, ainsi que le monde scientifique demandent des réductions immédiates de consommation d’énergie, des émissions de CO2, face à une urgence environnementale, ainsi qu’économique et sociale. Ce phénomène d’influence extérieure sur l’évolution de la conception architecturale n’est pas nouveau dans l’histoire de l’architecture. Par exemple, l’industrialisation et la standardisation de la construction au début du XXème siècle ont profondément changé l’architecture. On a commencé à parler d’une « machine à habiter » avec Le Corbusier et d’un « style international » après la deuxième guerre mondiale. La conversion des modes de vie dans les conditions d’un « développement durable » change aussi les attentes et la demande du public de l’architecture. Les matériaux, en tant que premiers éléments de contact direct avec le bâtiment et son environnement,

1

Christian Norberg-Schulz, « Signification, Architecture et Histoire » dans La signification dans l’architecture occidentale, Pierre Mardaga éditeur, Bruxelles, 1974 81


peuvent créer un impact majeur et même changer la signification d’une œuvre architecturale. Dans ces conditions, le bois est souvent vu comme « le matériau sauveur » de ce monde polluant et artificiel qu’on n’aime plus, car il est considéré naturel, chaleureux, proche de l’homme et respectueux de l’environnement.

D IFFERENCES

ET RESILI ENCE DANS LA PERCEPT ION D ’ UN MATERIAU ANCESTRAL Avant l’apparition de nouvelles techniques de construction qui utilisent le béton et l’acier, les matériaux dits « naturels » - la pierre, la terre et le bois – ont bâti les édifices de l’humanité en ayant chacun son rôle bien défini. Leurs significations étaient dépendantes du contexte culturel, géographique, historique, etc. Cet usage ancestral du bois a déterminé des différences de perception fondamentales par rapport aux autres matériaux. La plupart des civilisations occidentales ont favorisé les qualités pérennes de la pierre pour bâtir des empires, en limitant le bois à un usage domestique avec un caractère temporaire. Toutefois, d’autres cultures, en raison du manque de moyen, des ressources ou de la tradition, n’ont pas cessé d’explorer le bois et ont établi des liens très proches et variés avec ce matériau, rapports entre les lieux habités et le matériau. Un contraste majeur s’est créé avec l’Extrême Orient où on a gardé exclusivement le bois en tant que matériau noble pour l’habitat jusqu’à l’aube de XXème siècle, en utilisant la pierre, en tant que matériau utilitaire, pour les fortifications et les socles. A l’ère du développement durable, après quelques décennies de mondialisation, ce phénomène a tendance à universaliser, voire uniformiser la signification du bois comme étant « renouvelable » et « écologique ». Mais comme on l’a montré auparavant, il est difficile de croire qu’on peut changer sa perception culturelle héritée d’un temps long. A part les questions éthiques de cette banalisation, la résilience des architectes, ainsi 2 que du public est souvent justifiée car son usage imposé mène des fois à des résultats catastrophiques qui peuvent, comme le disait F L Wright, « malmener l’intégrité du projet dans son ensemble ». En même temps, la globalisation produit des effets paradoxaux en ce qui concerne les matériaux en architecture, car il y a aussi de vrais échanges culturels, d’un coté l’Occident reprend des concepts orientaux et vice-versa, et de l’autre on emprunte des esthétiques de l’architecture vernaculaire qui deviennent industrialisées.

2

Le bois devient souvent une “étiquette verte” pour un bâtiment HQE, il n’est pas qu’un élément de façade qui ne respecte les règles constructive en bois ; un élément ajouté ; un matériau qui se dégrade trop facilement et prouve plus des faiblesses que des avantages 82


T RANSFORMATION

RADIC ALE DU MATERIAU

Plus de deux siècles après la Révolution industrielle, tout ce qui est production du bois peut être considéré industrialisé. Alors cette « image verte », d’un matériau « naturel », 3 livrée au public, ne risque d’être qu’un « green washing » . En plus, cette demande croissante du bois dans la construction met en péril le renouvèlement des forêts, et en même temps elle met la pression sur les industries pour trouver des solutions de plus en plus innovantes, en minimisant les pertes, et en ajoutant d’autres produits chimiques pour améliorer les propriétés du bois. En effet, ce « retour » du bois dans le débat contemporain accentue l’importance des matériaux dans l’architecture, ainsi que le rôle du développement technologique et, néanmoins, la capacité d’adaptation de tous les acteurs impliqués dans le processus architectural. Cette transformation peut être si radicale qu’elle pourra mener à la réalisation d’un 4 « nouveau matériau » qui remplacera les actuels . Un matériau qui peut perdre certaines qualités appréciées par l’homme et effacer les différences physiques par rapport aux autres matériaux, mais en même temps un « nouveau » matériau qui dépasse les limite du bois « traditionnel » et offre plus de liberté.

Le bois devient donc, par l’importance symbolique qui lui est induite, une « marque » de l’époque actuelle, car apparemment aucun matériau ne correspond mieux aux besoins contemporains. Ce phénomène entraine la recherche de nouvelles esthétiques, plus d’attention aux aspects constructifs et enfin une réflexion élargie et profonde sur la signification des matériaux en architecture.

3

L’écoblanchiment, (éco-blanchiment ou blanchiment écologique) est un procédé de marketing utilisé par une organisation (entreprise, gouvernement, etc.) dans le but de donner à l'opinion publique une image écologique responsable, alors que plus d'argent a été investi en publicité « verte » que pour de réelles actions en faveur de l'environnement 4 Dans des nombreux projets on observe qu’on essaie de prouver qu’on peut utiliser des produits de bois (poutre lamellé-collé, panneaux contreplaqués, etc.) avec des résultats supérieurs aux autres structures en béton ou métalliques 83


EXEMPLIFICATION : PROJET DE FIN D’ETUDES

LE SOL, L’ARBRE, LE BOIS

EXEMPLIFICATION : PROJET DE FIN D’ETUDES

LE SOL, L’ARBRE, LE BOIS ELEMENTS D ’ UN PROJET URBAIN


EXEMPLIFICATION : PROJET DE FIN D’ETUDES

LE SOL, L’ARBRE, LE BOIS

ELEMENTS D ’ UN PROJET URBAIN Après avoir effectué un long et complexe questionnement sur les significations du bois, j’essaie d’exemplifier comment cette réflexion peut contribuer à la conception d’un projet urbain et d’architecture, mon projet de fin d’études. Selon Bernard Lassus nous sommes entrés dans une logique où « l’artificiel » réintroduit 1 « le naturel » . Le bois peut alors jouer un rôle essentiel. Car quand on introduit le bois dans cette équation, on se rend compte qu’il appartient aux deux, car il provient de la nature et en même temps il est utilisé par l’homme pour habiter. Mais comme on l’a montré précédemment, il est un matériau complexe plein de qualités et en même temps de limites. Ce « retour » n’est donc pas si simple. Par exemple, il y à une différence fondamentale de perception par rapport aux autres matériaux, comme la pierre ou l’acier. Il est considéré comme une ressource renouvelable, mais en même temps, dégradable. Ou encore les nouveaux produits en bois, les plus utilisés, sont loin d’être de ce qu’on peut appeler « naturels ». Comment la conception d’un projet d’urbanisation peut elle réintroduire la nature, par le biais de l’habiter, en relation avec le bois et en allant de l’échelle territoriale à celle de l’objet architectural? Donc, la question du bois dans le PFE ne se restreint pas à l’usage du matériau bois dans l’architecture, mais plutôt au retour du bois, de l’arbre à la nature avec l’urbanisation. Si dans le mémoire je fais référence à certains usages du bois, ce n’est pas pour autant un catalogue pour le projet. Plus largement, cela porte à accorder plus d’importance à la signification des matériaux dans l’œuvre architecturale.

LA

R E CO N Q U ET E D U T E RR I T O I R E

L E SO L

Mon projet part d’un modèle d’urbanisation depuis l’échelle territoriale jusqu’à l’échelle de l’habitat. Il est basé sur la logique de la ville linéaire – avec une relation étroite aux infrastructures, il essaie d’opposer le générique des mobilités aux lieux habités, aux proximités. La conception générale s’attaque à un territoire fortement modifié par quatre réseaux d’infrastructures juxtaposés, mais qui manquent de cohésion et de sentiment d’être habité. Dans l’urgence d’une croissance démographique et la limitation d’un modèle radioconcentrique des villes avec le développent périurbain de faible densité, cette approche liée aux infrastructures existantes est justifiée, car il s’agit d’un territoire déjà transformé.

1

Bernard Lassus, interview dans l’exposition « La ville fertile », Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, 2011 85


EXEMPLIFICATION : PROJET DE FIN D’ETUDES

LE SOL, L’ARBRE, LE BOIS

Le principe général s’appuie sur l’idée de « la ville qui recrée la nature », de l’habitat qui réintroduit le naturel, à l’inverse de l’opposition classique entre la ville et la nature. Une rue, qui franchit les quatre réseaux, crée le lien entre un village et sa vallée boisée avec un autre territoire de champs agricoles, en passant par un tissu pavillonnaire, une concentration des centres commerciaux et un campus universitaire. Deux mécanismes prospectifs vont projeter cette rue transversale vers une nouvelle forme de ville linéaire : les « transitions des sols » et « l’évolution des arbres ». Traditionnellement, nous avons une logique qui va du territoire à la matière, de la nature au matériau, dans le sens où l’homme s’adapte à un milieu et en l’habitant, il le « transforme ». Mais aujourd’hui, dans le contexte choisi du projet, on n’est plus dans une distinction nette entre naturel et artificiel, on n’est plus dans le cas d’une colonisation de territoires vierges, car ce lieu est totalement anthropique – depuis les infrastructures qui traversent le territoire jusqu’aux champs soumis à l’agriculture industrialisée intensive. On assiste donc à une réorganisation permanente ainsi qu’une ambiguïté entre « artificiel » et « naturel ». Car l’occupation des sols, ou en l’occurrence du territoire est un thème de départ pour ma démarche générale (l’évolution non-limitée du tissu périurbain), la transformation des sols est un élément clé de la conception du projet. En premier, il s’agit de la reconversion d’une partie des champs en jardins collectifs bordés par des rangées des maisons ou immeubles. C’est une manière de créer le passage vers les nouveaux habitats, en limitant le développement pavillonnaire existant et en redonnant les champs aux habitants. « Dans la nouvelle ville, la qualité du sol devrait largement déterminer la forme fondamentale, et même le style, de chaque occupation dans le bâtiment, les routes et les institutions. Déterminer où le sol disparaît et où commence le bâtiment devrait requérir l’attention la plus soigneuse. » FL Wright, L’architecture et l’étendue réunies sont le paysage

L’ AP P A R I T I O N

D E L ’ A R BR E

Les sols et leur attribution à l’habitat sont en relation étroite avec l’évolution de la végétation dans mon PFE. Le principe reste toujours basé sur l’idée qu’une nouvelle urbanisation apporte aussi un développement du vivant, de la biodiversité. Cette logique est similaire à celle du bois en tant que ressource renouvelable (évoqué surtout dans le chapitre C3). Des cartes montrent l’évolution des arbres et milieux plantés, projetée en 3 parties : premières plantations (1-5 ans), achèvement de la nouvelle LGV (7 ans) et arrivée à 2 l’état de climax (14 ans) . Il est important pour mon projet d’intégrer et d’illustrer cette

2

Giles Clément 86


EXEMPLIFICATION : PROJET DE FIN D’ETUDES

LE SOL, L’ARBRE, LE BOIS

réapparition de l’arbre, car ainsi on peut faire le lien direct avec le matériau bois et l’habitat.

TROIS

E X E MP L ES D ’ UT I LI S AT I O N D U BO I S

Si je reprends la définition de Wright sur le sens des matériaux «Chacun d’entre eux (matériaux) a une signification en fonction de sa propre nature ». Si on suppose que pour nous, aujourd’hui la nature du bois est par excellence d’être une ressource renouvelable, comment peut-on la décliner dans un projet architectural ou urbain ? Cette signification est complexe et ne se réduit pas à l’usage du bois dans le bâtiment. Donc, le bois ne s’impose pas dans tous les bâtiments et peut-être que dans certains il ne trouve pas sa place. Dans mon PFE, j’ai choisi de montrer cette nouvelle forme de ville linéaire et transversale par trois interventions qui correspondent aux trois zones (de 5 en total), définies par une infrastructure spécifique : champs et ligne grande vitesse, université et autoroute, entrée de ville et nationale. Trois programmes spécifiques leur sont attribués : des maisons mitoyennes, un équipement public nautique, un bâtiment mixte avec centre commercial, bureaux et parkings. L’échelle architecturale est celle assurant le passage entre les différentes zones. J’ai choisi de la représenter en coupes et morceaux de coupes détaillés. Ces derniers auront des spécifications claires sur les matériaux, leur choix en fonction de leur utilité et non pas par nécessité externe, afin de respecter leur propre nature. Dans ces trois cas il y a toutefois une certaine utilisation du bois et je vais le présenter pour montrer leur diversité et leur signification en relation avec le projet dans son ensemble et les autres matériaux. Cela n’est pas une recommandation d’utilisation, car on a bien vu qu’il y a une grande diversité de produits et d’usages, qui change de signification en fonction des contextes, programmes, autres matériaux, etc. a.

Panneaux de bois renouvelables, pour les façades des maisons

b.

Poutres lamellés – collés, pour la structure du toit de la piscine

c.

Façade végétale aux plantes grimpantes, pour les façades du centre commercial – parking

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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE A. THEORIES ET ARCHITECTES Herzog, et de Meuron, and Ursprung Philip. Natural History. Montréal Baden (CH): Canadian Centre for Architecture, Lars Müller, 2002. HERZOG, Jacques. «Conférence Herzog & de Meuron.» par Jean-François Chevrier (Beaux Arts Paris). Paris - Musée du Louvre, 2008 (10DEC). Kahn, Louis. Silence et lumière. Paris: Editions du Linteau, 1996 (1961). Norberg-Schulz, Christian. La signification dans l'architecture occidentale. Wavre: Mardaga, 1997. Olafsdottir, Asdis. "« Le bois dans l’architecture d’Alvar Aalto » Conférence par." E.N.S.A. Paris Belleville, 24 mars 2011. Patterson, Terry L. Frank Lloyd Wright and the Meaning of Materials. New York: Van Nostrand Reinhold, 1994. Schildt, Alvar Aalto / Göran. Alvar Aalto, de l'œuvre aux écrits, textes d'Alvar Aalto, établis et choisis par Göran Schildt. Paris: éd. Centre Georges Pompidou, 1988. Thomas Herzog, Julius Natterer, Roland Schweitzer. Costruire en bois - Conception et construction. Translated by Didier Debord Danièle Renard. Bale: Birkhausen, 2005. VENTURI, Robert. De l'ambiguïté en architecture. Traduit par Maurin Schlumberger et Jean-Louis Vénard. Paris: Dunod, 1971. VENTURI, Robert, Denise Scott Brown, Steven Izenour. L'enseignement de Las Vegas ou le symbolisme oublié de la forme architecturale. Bruxelles: P. Mardaga, 1987. WANG, Wilfried. Herzog et de Meuron. Boston : Birkhauser, 1998. Wright, Frank Lloyd. Testament. Traduit par Claude Massu. Marseille: Éd. Parenthèses, 2005 (original 1957). ZUMTHOR, Peter. Penser l’architecture. Basel: Ed. BIRKHAUSER, 2007.

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INDEX * « photos personnelles » ont ©Razvan-George GORCEA No. : 1, 20, 24, 45 – 47, 51, 56 – 64, 69 – 85, 93 – 103, 107, 109, 116 . Total : 46 photos

NO. FIGURE : AUTEUR – TITRE OU PROJET, LOCALISATION PROJET - COMMENTAIRE // SOURCE

A . THEORIES ET ARCHITECTES Fig. 1: interprétation personnelle, I AM GREEN! Recommandation pour un bâtiment écologique // Google Images 2011 + manipulation personnelle

A.1. SIGNIFICATION D’UN MATERIAU EN ARCHITECTURE Fig. 2: Robert Venturi, I AM A MONUMENT! Recommandation pour un monument, 1972 // Google Images 2011 Fig. 3: Louis Kahn, Indian Institute of Management, Ahmedabad, India, 1974 – détail d’arche en brique avec un tirant en béton armé // Google Images 2011 Fig. 4: Louis Kahn, Salk Institute, Californie U.S.A. 1959-1966 – le bois comme matériau de remplissage, en contraste avec la structure en voiles de béton // Google Images 2011

Fig. 5 : Herzog & deMeuron – l’imprimé partiel sur le mur de cette salle d’un gymnase joue l’ambiguïté de la matière et de la structure qui se cache derrière // photo scannée Fig. 6 : Herzog & deMeuron – Dominus Winery, U.S.A. - l’assimilation du poids de la pierre de ballaste a l’impondérabilité de la lumière transforme signification du matériau // Google Images 2011 Fig. 7 : Peter Zumthor, Musée Kolumba de Cologne, Allemagne, 2007 – l’usage de la brique // Google Images 2011 Fig. 8 : Peter Zumthor, Chapelle Benedict, Suisse, 1989 – l’usage du bois // Google Images 2011 Fig. 9 : Peter Zumthor, Les Thermes de Vals, Suisse, 1996 – l’usage de la pierre // Google Images 2011 Fig. 10 : Peter Zumthor, Musée d’art de Bregenz, Autriche, 1997 – l’usage du verre // Google Images 2011

A.2. LE BOIS POUR FRANK LLOYD WRIGHT Fig. 11 : Frank Lloyd Wright, bureau de M. Kaufmann – usage du placage en bois, au fond modèles géométriques // Google Images 2011 Fig. 12 : Frank Lloyd Wright, dessin des éléments en bois sur plafond, logique non structurelle // Google Images 2011 Fig. 13 : Frank Lloyd Wright, Hillside Home School II – la relation structurale en bois est cachée, dessin décoratif sur le plafond géométriques // photo scannée Fig. 14 : Frank Lloyd Wright, Unity Temple, Illinois USA, 1908 - des éléments en bois encastrés dans l’enduit des parois // Google Images 2011 Fig. 15 : Frank Lloyd Wright, Romeo and Juliet Windmill - des rangées horizontales sur un bâtiment avec une dominante verticale // Google Images 2011 Fig. 16 : Frank Lloyd Wright, F. F. Tomek Residence – utilisation purement décorative du bois en moulure appliquée au dessus du socle // photo scannée Fig. 17 : Frank Lloyd Wright, E.A. Gilmore Residence – coupe verticale façade, montrant l’espace derrière la moulure en bois // photo scannée Fig. 18 : Frank Lloyd Wright, Taliesin West, Arizona USA, 1937- les poutres très fines renforcées par des éléments métalliques // Google Images 2011

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A.2. LE BOIS POUR ALVAR AALTO Fig. 19 : Alvar Aalto, la sauna de la maison expérimentale, Finlande // Google Images 2011 Fig. 20 : Alvar Aalto, détail de garde de corps à maison-atelier Aalto, Helsinki, Finlande, 1956 – inspiration du vernaculaire finlandais // photo personnelle *2008 Fig. 21 : Alvar Aalto, détail aménagement, mairie de Saynatsalo, Finlande, 1952– usage du bois pour le terrassement // Google Images 2011 Fig. 22 : Alvar Aalto, détail aménagement Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – usage de la pierre pour le terrassement // Google Images 2011 Fig. 23 : Alvar Aalto, détail poteau Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – le bois ajouté sur le poteau métallique fait référence à son lien à la nature // Google Images 2011 Fig. 24 : Alvar Aalto, maison – atelier Aalto, Helsinki, Finlande, 1956 – la maison est envahie par la végétation et rapprochement du bardage en bois // photo personnelle *2008

Fig. 25 : Alvar Aalto, le fauteuil Paimio, 1931-32 // Google Images 2011 Fig. 26 : Alvar Aalto, l’usage du bois en contre - plaqué moulé, courbé, 1929 – expérimentations // Google Images 2011 Fig. 27 : Alvar Aalto, tabouret, 1954 –inspiration de motifs végétaux et industrialisation de la production // Google Images 2011 Fig. 28 : Alvar Aalto, intérieur de la Maison Louis Carré, Bazoches-sur-Guyonne, Yvelines, France, 1957 – plusieurs essences de bois utilisées // Google Images 2011

A.3. A L’ERE DU DEVELOPPEMENT DURABLE - UNE NOUVELLE SIGNIFICATION IMPOSEE Fig. 29 : détail poutre lamellé-collé // Google Images 2011 Fig. 30 : détail d’une composition complexe des produits en bois avec des technologies avancées – économie du matériau, réduction aux limites négligeable du « travail du bois »// Google Images 2011 Fig. 31 : panneaux de fibres de bois – minimisation des pertes de matériau, possibilité d’utilisation d’un bois de qualité inferieure // Google Images 2011 Fig. 32 : OSB (Oriented Strand Board) – produit bon marché et résistant // Google Images 2011 Fig. 33 : cross laminated timber, contreplaqué de planches 5/7 couches - produit avec une très bonne résistance, réduction aux limites négligeable du « travail du bois »// Google Images 2011 Fig. 34 : construction avec des poutres en lamellé-collé standardisées // Google Images 2011 Fig. 35 : construction avec des panneaux contreplaquées standardisés // Google Images 2011 Fig. 36 : Hangar avec une structure en poutres lamellé-collé – grande ouverture sans appui secondaire // Google Images 2011 Fig. 37 : Drexel Reinhard architecte, Hohenems, Vorarlberg, Autriche, 1999 - toiture suspendue avec de panneaux en contreplaqué 39mm d’épaisseur / hall de 20x50m // Google Images 2011 Fig. 38: Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – vue pendant la construction à l’intérieur // Google Images 2011 Fig. 39 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 - le plus haut immeuble en bois du monde ; tous les éléments porteurs sont en bois // Google Images 2011 Fig. 40 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – la construction fut élevée en 29 jours// Google Images 2011 Fig. 41 : Waugh Thistleton Architects, Stadthaus building, Murray Grove, Londres, 2008 – toutes les parties en bois sont complètement cachées // Google Images 2011

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B. CULTURES DU BOIS Fig. 42 : le bois primaire dans les zones tropicales – 80% de la récolte du bois part en fumée // ARTE.tv Le dessous des cartes « Le commerce du bois » Fig. 43 - 44 : Plastic Wood Composite PWC, imitations du bois en plastic – marché très développé en Asie // Google Images 2011 Fig. 45 : « Ondol », système de chauffage traditionnel coréen – la fumée traverse le dessous la maison en réchauffant le plancher // photo personnelle *2009 Fig. 46 : le bardage en bois roumain – la décoration devient fonctionnelle car la surface de contact du bois avec l’eau s’agrandi // photo personnelle *2007

B.1. L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE EN BOIS, ROUMANIE Fig. 47 : les « ciocarlani », Musée du village, Curtisoara, Roumanie – éléments symboliques du toit, semblant aux oiseaux, protège la maison // photo personnelle *2007 Fig. 48 : les « têtes de chevaux », Olténie du Nord, Roumanie – éléments symboliques protecteurs du bâtiment // photo scannée Fig. 49 : détail église Olténie du Nord, Roumanie, marque d’une église démontée et remontée // photo scannée Fig. 50 : maison du Gorj, Musée du village, Curtisoara, Roumanie, expressivité et liberté de l’espace architectural // photo personnelle *2007 Fig. 51 : Constantin Brancusi, Centre Pompidou Paris, - sculpteur originaire de la région de Gorj, Roumanie, influence de la culture et symbolique locale// photo personnelle *2008 Fig. 52 : Eglise de Rogoz, Maramures, Roumanie, 1663 – patrimoine UNESCO // Google Images 2011 Fig. 53 : Axonométrie de l’église de Ieud Deal, Maramures, Roumanie, début XVIème siècle – détail de la structure en bois // Google Images 2011 Fig. 54 : L’église de Budesti - Josani, Maramures, Roumanie, 1643 – détail de la toiture en bois // Google Images 2011 Fig. 55 : L’église de Plopis, Maramures, Roumanie, 1798 – monument en bois // Google Images 2011 Fig. 56 : L’église peinte du monastère Humor, Bucovine, Roumanie, 1530 – monument UNESCO // photo personnelle *2010 Fig. 57 : Paysage caractéristique de la région de Bucovine, Roumanie – relation étroite entre habitat, collines, forêts, champs agricoles // photo personnelle *2009 Fig. 58 : Paysage d’une colonie polonaise dans la région de Bucovine, Poiana Micului, Roumanie – des lotissements linéaires tracés en dépit de la topographie // photo personnelle *2009 Fig. 59 : maison du village Manastirea Humorului, Bucovine, Roumanie– orientation au sud de la façade principale // photo personnelle *2009 Fig. 60 : « gospodarie » du village Manastirea Humorului, Bucovine, Roumanie– l’élément unifiant de la toiture en bois // photo personnelle *2009 Fig. 61 : détail de toiture d’une maison, Bucovine, Roumanie // photo personnelle *2009 Fig. 62 : artisan local du village Plesa – la continuité d’une tradition familiale // photo personnelle *2009 Fig. 63 : cérémonie d’enterrement dans une maison traditionnelle, Partesti, Bucovine, Roumanie – la relation entre croyance, traditions et l’habitat // photo personnelle *2008 Fig. 64 : le vernaculaire contemporain, Bucovine, Roumanie – le bois est remplacé par la tôle pas chère, le parpaing, le plastique // photo personnelle *2009 Fig. 65 : Renzo Piano, Centre Culturel Tjibaou, Nouvelle Calédonie, 1998 – inspiration formelle et interprétation de la culture locale // Google Images 2011 Fig. 66-67 : Norman Foster, « Maison du Futur », St. Moriz, 2000-2004– utilisation des tavaillons traditionnels suisses// Google Images 2011

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B.2. L’ARCHITECTURE ASIATIQUE : LA COREE ET LE JAPON Fig. 69 : le temple Todai-Ji de Nara, Kansai, Japon, fondée 750, construction actuelle datée 1709 – la plus grande construction en bois au monde // photo personnelle *2010 Fig. 70 : la pagode à 5 étages du temple Kôfuku-ji de Nara, Kansai, Japon, 1426 // photo personnelle *2010 Fig. 71 : La cité interdite, Pékin, Chine – la pierre utilisée pour les terrassements et fortifications, clôtures, le bois pour habiter (palais et autres bâtiments connexes) // photo personnelle *2009 Fig. 72 : Le palais d’Osaka, Kansai, Japon – la plus grande pierre d’une muraille de la fortification, 130tones // photo personnelle *2010 Fig. 73 : Résidence noble à Osaka, Kansai, Japon – l’omniprésence du bois dans l’habitat // photo personnelle *2010 Fig. 74 : temple bouddhiste, Haeinsa, Corée du Sud – le rapport au paysage // photo personnelle *2010 Fig. 75-76 : académie confucéenne, zone rurale à proximité de Busan, Corée du Sud – l’emplacement dans la nature, de l’extérieur et de l’intérieur // photo personnelle *2010 Fig. 77 : temple bouddhiste, Gyeongju, Corée du Sud – les arbres sont plus vieux que les bâtiments derriere qui ont été reconstruits plusieurs fois // photo personnelle *2010

Fig. 78 : détail d’un pavillon à Jinju, Gyeongsangnam-do, Corée du Sud // photo personnelle *2009 Fig. 79-80 : détails constructifs de l’architecture coréenne // cours scanés Fig. 81 : charpentier, Corée du Sud – le patrimoine vivant et la perpétuation d’une tradition constructive// photo personnelle *2010 Fig. 82 : temple bouddhiste, Gyeongju, Corée du Sud – l’imitation de l’arbre et de la forêt des pin par les couleurs spécifiques du tronc et de la couronne // photo personnelle *2009 Fig. 83 : maison noble et jardin, Corée du Sud – la mise en valeur de l’arbre et son rapport à la maison // photo personnelle *2009 Fig. 84-85 : détails de l’avant-toit et de la structure dans l’architecture coréenne // photo personnelle *2009 Fig. 86 : Tadao Ando, Pavillon japonais, Séville, Espagne 1992 –vue de l’entrée principale // Google Images 2011 Fig. 87 - Tadao Ando, Pavillon japonais, Séville, Espagne 1992 –détail structurel « exposé » // Google Images 2011 Fig. 88 : Tadao Ando, Musée du bois, Japon, 1996 - gallérie circulaire // Google Images 2011 Fig. 89 : Tadao Ando, le temple bouddhiste de Komyo-ji sur l’ile de Shikoku, Japon1999-2000– signification culturelle du bois // Google Images 2011 Fig. 90 : Kengo Kuma, Noh Stage in the Forest; Teraikekanmachi, Miyagi, 1996 // Google Images 2011 Fig. 91 : Kengo Kuma, Great (Bamboo) Wall, Beijing, China, 2002 – l’architecture suprimée // Google Images 2011 Fig. 92 : Kengo Kuma, Nakagawa-machi Bato Hiroshige Museum of Art; Bato, Nasu, Tochigi 2000 // Google Images 2011

B.3. LES PARADOXES NORDIQUES : NORVEGE, SUEDE, SIBERIE Fig. 93-95 : l’architecture traditionelle norvegiene, NORSK FOLKEMUSEUM, Oslo, Norvège // photos personnelles *2010 Fig. 96 : bateau viking, Viking Ship Museum, Oslo, Norvège – performance technique // photos personnelles *2010 Fig. 97 : église en bois de bout, NORSK FOLKEMUSEUM, Oslo, Norvège // photos personnelles *2010

Fig. 98 - 100 : le « paradoxe rouge » de l’architecture suédoise, Skansen Open Air Museum, Stockholm, Suède – on essaie de nier la vrais nature du bois, en imitant la brique// photos personnelles *2010

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Fig. 101 - 103 : Maisons en bois d’Irkoutsk, Sibérie-lac Baïkal, Russie – des formes en bois empruntées de l’architecture de pierre // photos personnelles *2010

C. LIMITES DU BOIS C.1. OPPOSITION FONDAMENTALE FACE A LA PIERRE Fig. 104 : mastaba en Egypte – la construction de tombes favorise la pierre, signifiant l’éternité // Google Images 2011 Fig. 105 : tente nord-scandinave, Suède, Skansen, musée en plein air – la construction des abris utilise le bois, signifiant le temporaire // Google Images 2011 Fig. 106 : Le Parthénon, Athènes, Grèce – le temple en marbre domine la ville et tout son paysage // Google Images 2011 Fig. 107 : Temple bouddhiste dans les montagnes Jiri, Corée du Sud – le temple domine la vallée devant, mais la montagne reste derrière lui // photo personnelle *2010

Fig. 108 : L’évolution du « ger » (yourte) mongol // Google Images 2011 Fig. 109 : Yourtes (« ger » en mongol) en Mongolie – la structure des tiges de bois, symbole de la vie nomade // photo personnelle *2010 Fig. 110 : Shigeru Ban arch., Centre Pompidou Metz, France, 2010 – usage d’une grande structure en bois pour un bâtiment public, un musée // Google Images 2011 Fig. 111 : charpente de l’église Saint-Girons, 1464-1530, Monein, Aquitaine, France - les charpentiers utilisent des techniques de construction et d’assemblage du bois très évoluées // Google Images 2011 Fig. 112 : le système Fachwerk du Moyen Age, Allemagne - France // Google Images 2011 Fig. 113 : les constructeurs de bateaux deviennent souvent les charpentiers et apportent leurs techniques en bois // Google Images 2011 Fig. 114 : Mole Architects, Cavendish Avenue House in Cambridge, England, Grande Bretagne 2010, le bois en « traditionnel » se détache sur un fond de matériaux très « technologiques » // Google Images 2011 Fig. 115 : BIG Architects, Mountain dwellings, Orestad Copenhague, Danemark, le bois est mis en valeur par le contraste avec le placage métallique des bords du bâtiment et rapproché à la nature par la végétation // Google Images 2011 Fig. 116 : Constantin GORCEA arch., la maison Gorcea, 2001-2004 Suceava, Roumanie, la « boîte en bois »contentant les espaces « à habiter » est mise en contraste avec les murs blancs qui délimitent « les annexes », la cuisine, débarras, etc. // photo personnelle *2005 Fig. 117-119 : mise en évidence du bois par son contraste avec des autres : l’aluminium, la terre, le verre, // Google Images 2011

C.2. CARACTER VIVANT DU BOIS Fig. 120 – 123 : Peter Zumthor, « le corps sonore », Pavillon Suisse de l'Expo 2000 de Hanovre - édifice de 3000 m3 est en effet construit avec 45.000 planches de bois non vieilli, maintenues en position par des câbles d'acier reliés à des tirants à ressort au design minimal et élégant, qui " suivent" le bois dans sa nature de matériau « vivant » // Google Images 2011

Fig. 124 : Mikael Hansen, « Organic Highway », Danemark 1995 -en relation avec la photo sur la couverture de la partie C, le « retour » à a la nature du bois// Google Images 2011 Fig. 125: Patrick Dougherty, « Around the corner », Indiana USA, 2003 // Google Images 2011 Fig. 126 : Sanfte Structuren, Allemagne, Suède, Belgique, Pologne, etc., 1998 – architecture « botanique », « vivante », « évolutive » // http://www.sanftestrukturen.de 94


C

ette étude attire l’attention sur l’importance de la signification des matériaux dans l’architecture contemporaine. Le « retour » du bois, ce matériau ancestral, en tant que «matériau de l’avenir » mène à de nouvelles découvertes ainsi qu’à des phénomènes contradictoires. « L’image du bois » est devenue « l’étiquette verte » de l’architecture écologique et du développement durable. Face à cet engouement pour le bois, cette recherche vise à comprendre la complexité des différents facteurs construisant sa signification. Elle est structurée en trois parties distinctes. Dans un premier temps, les significations des matériaux, du bois en particulier, sont analysées dans les théories et pensées de plusieurs architectes, pour mieux situer la problématique actuelle et les effets d’un usage imposé du bois dans l’architecture « durable » contemporaine. Dans un deuxième temps, pour mieux comprendre le rapport ancestral et intime de l’homme au bois, trois « cultures du bois » sont présentées : les particularités de l’architecture vernaculaire roumaine, l’influence culturelle de deux pays asiatiques, la Corée et le Japon, ainsi que les paradoxes et mutations de l’architecture nordique. Enfin, les propriétés et les limites du bois sont étudiées pour comprendre ce qui le différencie historiquement et culturellement des autres matériaux, notamment de la pierre. Aujourd’hui ce qu’on appelle « bois » n’est plus le même matériau « naturel » et vivant » avec lequel l’homme avait entretenu un lien fort. La qualité « renouvelable » du bois est en train de créer un « nouveau » matériau qui pourra se substituer aux autres, considérés énergivores et polluants pour le monde contemporain. Cette « nouvelle » signification renvoie à une réflexion élargie sur la question des matériaux, dans un projet urbain et architectural.

Mots-clefs: Bois, Signification, Architecture, Matériaux, Développement Durable, Culturel, Vernaculaire, Propriétés, Technologie, Renouvelable.


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