The Red Bulletin FR 01/20

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FRANCE JANVIER 2020

HORS DU COMMUN Votre magazine offert chaque mois avec

BEN LECOMTE A NAGÉ 555 KM DANS

UN OCÉAN DECePLASTIQUE qu’il y a appris nous poussera-t-il à agir ?



ÉDITORIAL

LE PLASTIQUE N’EST PLUS FANTASTIQUE En ce début d’année, ce que Ben Lecomte veut nous faire comprendre, c’est l’ampleur d’un désastre qui se déroule sous nos yeux : l’omniprésence du plastique sur la planète, et ses répercussions environnementales, probablement irréversibles. Il n’accuse pas, ne pointe pas du doigt, ne joue pas les moralisateurs. Ben Lecomte est un homme animé par les mêmes désirs et espoirs que vous, nous : un homme ordinaire en somme. Mais un homme ordinaire qui accomplit des choses extraordinaires, en érigeant ses convictions au-­dessus du niveau de la mer. Après avoir traversé l’Atlantique à la nage une ­première fois en 1998, il a nagé dans le vortex du Pacifique nord en 2019 pour documenter une réalité méconnue car loin de nous. C’est sous le niveau de la mer que Ben Lecomte nous invite à regarder, avant de plonger dans la réflexion.

ROD GLACIAL

Originaire de Bretagne mais Parisien depuis dix ans, Rod Glacial a débuté dans le fanzinat puis a travaillé ­plusieurs années chez Noisey, le site musical de Vice. Freelance, il collabore avec divers médias. Pour ce numéro, il a rencontré ­Mathieu Rochet, cofondateur du ­magazine Gasface et ­auteur de la série Lost In Traplanta diffusée sur Arte en fin ­d’année. Page 56

NEAL ROGERS

Ouvrez les yeux ! Votre Rédaction

TOM POWELL/@ICEBREAKERNZ (COUVERTURE)

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

Cet Américain, collaborateur d’ESPN et du site CyclingTips, a rencontré l’inspirant pilote de VTT Paul Basagoitia. « Un jeune gars à la croisée des chemins : celui d’un athlète de haut niveau dont la carrière est stoppée par une blessure, et celui d’un homme qui devient connu dans la communauté des personnes victimes de lésions de la moelle épinière. Une communauté qu’il n’avait jamais pensé rejoindre un jour. » Page 72

Ben Lecomte, 51 ans, architecte, féru de natation, marié, père de famille (ici avec ses enfants), expatrié, et fervent défenseur des océans. Bref, un homme ordinaire. P. 42 THE RED BULLETIN

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72 6 Plein les yeux : sur l’eau, les cimes

ou dans les airs, les athlètes français sont à l’honneur de notre ­galerie ce mois-ci ! 12 Le plastique, c’était fantastique : le top, désormais, c’est le carton 14 Un disque vinyle fait de déchets marins, ça sonne comment ? 15 Comme Sophie Everard, prenez la vague de l’entrepreneuriat 16 Un Noir dans un gang suprémaciste blanc, c’est l’histoire vraie d’Adewale Akinnuoye-Agbaje 18 À quoi nous servirait une queue ? 20 Pour se faire une place dans le ­milieu du cinéma, Daisy Ridley avait peut-être (déjà) la Force... 24 Playlist : ce qui excite Underworld

Cette photo de Paul ­Basagoitia n’aurait jamais dû exister.

26 L e Dakar, au choix

La tête dans un roadbook ? Avec le couple Peterhansel ? Ou dans la catégorie Side by Side ?

42 L e plastique, ce fléau Ben Lecomte a nagé dans des déchets pour envisager la suite : avec nous

5 6 Lyon-Atlanta

C’est le chemin parcouru par un passionné de hip-hop, qui voulait autre chose pour sa culture

62 D e la balle, la trap

Gunner Stahl connaît les boss du genre, et partage son portfolio

72 Rouler à nouveau

Paul Basagoitia ne devait plus ­remonter sur un vélo. Un film ­raconte sa persévérance

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86 Les Gorges du Verdon, avec le

grimpeur Stefan Glowacz, rien que pour vous 90 Comment une montre a résisté aux plus grandes profondeurs jamais atteintes par l’homme 92 Experte des courses d’obstacles extrêmes, Ida Mathilde s’entraîne même au bureau 94 Au programme sur Red Bull TV : le Dakar comme si vous y étiez, un BMXer de retour à sa source, et les caïds de Street Fighter à nouveau réunis dans une cage... 95 Agenda : la neige sportive et festive, la plus célèbre course d’enduro moto sur sable, le retour du WRC et les affreux Slipknot 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté : la street dance sur le toit du monde THE RED BULLETIN

EMILE DARVES-BLANC, DEWEY NICKS, FLAVIEN DUHAMEL

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Mathieu Rochet s’est bougé aux USA pour sa vision du hip-hop.


CONTENUS janvier 2020

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Le Rallye Dakar se pointe en Arabie saoudite : nous lui dédions un dossier spécial.

THE RED BULLETIN

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CARBONNE, FRANCE

Pour Jules Charraud, athlète français montant en puissance dans l’univers du wakeboard, tout est question de flow. C’est aussi presque une priorité pour Tomz FPV, le pilote de drone qui s’est évertué à le suivre avec son engin volant, et filmant sur le wake park de la Source, du côté de Carbonne, dans le 31, pour une ­vidéo de la série Follow Me à retrouver sur redbull.com. Instagram : @jules.charraud

DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL

Le flow de Charraud


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MATERA, ITALIE

La tête à l’envers

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, AUSTIN JACKSON/RED BULL ILLUME

De son apparition dans le parkour en 2015 à l’âge de onze ans, à sa ­validation pour l’une des huit qualifications en ligne pour le Red Bull Art of Motion 2019, Lilou Ruel est l’une des plus prometteuses athlètes dans son sport. Ici, la freerunneuse française de seize ans montre aux juges de quoi elle est capable, alors qu’elle participe à la finale du Red Bull Art of Motion à Matera, en Italie. « Ce move s’appelle un bub cork, dit Lilou. Je suis la première femme à l’avoir réussi lors d’un Art of Motion, et j’en suis plutôt fière. » Instagram : @lilouruel


SPIRIT FALLS, ­WASHINGTON, USA

C’est la saison

Quand un photographe fait preuve d’une vraie passion pour son sujet, ça se voit. Dans cette image de l’autodidacte et fan d’outdoor Austin James Jackson, la passion de l’aventure est évidente. « L’hiver est une période ­excitante pour explorer les gorges du Columbia, au nord-ouest des ÉtatsUnis, dit Jackson. La neige rencontre les chutes d’eau et les rivières, et la saison du kayak hivernal démarre. » Instagram : @austin.james.jackson

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MÜRREN, OBERLAND BERNOIS, SUISSE

Un air de paradis Pas besoin de bouger au bout du monde pour prendre son envol dans des spots uniques. Valentin Delluc, un spécialiste du speedriding (du ski mixé à du parapente en mini-voile) s’éclate ici à deux pas de chez vous, en plein cœur du domaine de Mürren, offert à lui seul. Il est suivi par le ­photographe Dom Daher, venu documenter les évolutions du rider français en Suisse. « Cet endroit dans le canton de Berne était comme un petit paradis dans lequel Valentin s’est pointé par-dessus les falaises grâce à sa voile… Ce fut grandiose ! », se ­remémore Daher, en spécialiste des prises de vue outdoor dans les environnements les plus s­ aisissants de la planète. Instagram : @domdaher


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DOM DAHER


Ça va faire un carton ! Une équipe d’artistes construit de petites maisons recyclables qui sont fabriquées en enrubannant des rames de carton.

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Vivre dans un habitat en carton, cela semble peu probable, mais cette boîte en carton est bien réelle. C’est une maison 100 % recyclable, confortable et à la pointe de la technologie, qui peut être construite en une seule journée. Fruit de la création de Fiction Factory, un groupe de concepteurs de décors de théâtre devenu une entreprise de design créatif, la Wikkelhouse (wikkel en néerlandais signifie « emballer ») est une construction de petite dimension en carton de fibres vierges. Conçue en enrubannant des rames de carton ondulé autour d’un moule, la maison est collée avec une colle écologique pour créer une structure incroyablement solide et robuste. « Wikkelhouse est synonyme d’innovation et de durabilité ainsi que de design, explique le fondateur Oep ­Schilling. Lorsque nous nous sommes lancés dans ce projet en 2012, nous nous sommes dit que le carton était un bon

matériau écologique. En n’utilisant que du carton, nous créons ainsi beaucoup de matériau à partir d’un seul arbre. C’est donc une façon efficace d’utiliser les arbres en tant que matériau de construction. » De telles maisons ont été récemment installées dans des milieux urbains et ruraux, de la campagne néerlandaise à la skyline d’Hoxton, dans l’est de Londres. D’autres devraient suivre au cours de la prochaine année. « La plupart des gens ­utilisent nos maisons pour leurs loisirs mais certains aimeraient sûrement résider dans de petites habitations comme celle-ci », détaille Schilling. Il poursuit en expliquant que l’on peut vivre longtemps dans une Wikkelhouse, à condition de la préserver et de s'en occuper. « Les maisons sont faites pour durer sinon elles ne seraient pas écologiques. Vous n’avez qu’à bien les entretenir et elles tiendront jusqu’à cent ans. » wikkelhouse.com THE RED BULLETIN

YVONNE WITTE/WIKKELHOUSE

WIKKELHOUSE

LOU BOYD

Chaque Wikkelhouse peut être personnalisée avec des ajouts intérieurs et des fenêtres.


ALPHATAURI.COM


La mer est sur écoute Le nouveau disque de Nick Mulvey est une première mondiale. Les déchets de la côte de Cornouailles, en Angleterre, l’ont inspiré et il est réalisé entièrement à partir de ceux-ci. Le disque est beau et la musique est bonne mais en réalité, c’est un déchet. Un déchet de plage. Composé et interprété par Nick Mulvey, le nouveau titre, In The Anthropocene, est sorti sur un disque vinyle entièrement réalisé à partir de détritus plastiques recueillis sur les plages de Cornouailles, l’un des volets d’un projet visant à sensibiliser sur la pollution plastique croissante dans les océans. « Nous avons utilisé du plastique trouvé sur le rivage, dit Mulvey, la base est faite de déchets de filets de pêche transformés et constitue 14

la majeure partie du vinyle alors qu’à l’intérieur même du disque, on distingue des morceaux de plastique et des emballages. » Huit millions de tonnes de plastique sont jetés chaque année dans l’océan, ce qui représente environ 75 % de tous les déchets marins (voir notre sujet Immersion dans le vortex, page 42). Si la situation ne change pas, les scientifiques prévoient que cette quantité pourrait décupler d’ici 2025. « Je pense Nick Mulvey, un chanteur inspiré par l’océan.

que nous sommes la première génération à vraiment comprendre l’impact que nous avons sur cette Terre et l’urgence de la situation tient à ce que nous sommes aussi la dernière génération à pouvoir faire quelque chose à cet égard, dit Mulvey. Cela ne va pas disparaître tout seul et nous devons agir dès maintenant. Mieux comprendre la nature et réaliser que nous ne sommes pas séparés de notre environnement ni supérieurs à lui sont les sujets qui ont inspirés cette chanson ainsi que toute ma musique. » Le produit de la vente et du streaming de la chanson sera versé à l’association caritative Surfers Against Sewage, afin de l’aider dans ses efforts pour réduire les déchets plastiques sur les côtes britanniques. « Avec ce projet en collaboration avec la brasserie Sharp’s, dit Nick, nous avons la possibilité de faire quelque chose de bien, la possibilité de parvenir à davantage de beauté, d’harmonie et de contacts humains. » driftrecords.com THE RED BULLETIN

SHARP'S BREWERY, NICK MULVEY

LA VOIX DE L’OCÉAN

LOU BOYD

Des déchêts dans vos feuilles ? Oui, mais en vinyle !


MAD TO LIVE

Le take-off d’une vie ?

RACHELLE LINCOLN

LOU BOYD

Difficile de créer sa propre société… Sophie Everard a fait carrière dans l’aventure et vous glisse ses recommandations. Qui n’a jamais rêvé d’être son propre patron ? Mais combien s’y sont risqués ? L’aventurière et fondatrice de Mad To Live, Sophie Everard a fait le saut, et dans sa cinquième année d’existence, sa société est plus que jamais dédiée aux femmes. Elle emmène des centaines de personnes pour des aventures un peu partout à travers le monde. « Je savais que je n’allais pas poursuivre une ­carrière dans quelque chose qui sauverait des vies, comme celle de médecin, dit la surfeuse, snowboardeuse et aventurière. Mais à ma façon, je voulais faire quelque chose de bénéfique. Le plus gratifiant fut lorsque quelqu’un a fait appel à ma compagnie et que cela a amélioré sa vie. » Le plus important lors de la création d’une boîte est de comprendre tous les aspects de votre entreprise. « Mes clients qualifient mon cheminement de carrière d’inhabituel, explique Everard. J’ai travaillé dans tous les domaines du marketing, de la vente et des relations publiques, m’assurant toujours de glaner de l’expérience dans tous les domaines. » Il n’y a jamais eu autant de ressources dans le monde pour aider les gens à transformer leurs bonnes idées en ­carrières épanouissantes et rentables. « En quittant un job à plein temps bien rémunéré, prévoyez des périodes d’incertitude, dit l’Américaine. À vous de les apprivoiser. » wearemadtolive.com THE RED BULLETIN

Les conseils de ­Sophie Everard pour lancer votre boîte

les contretemps. Vous devez en fait vous en servir pour alimenter le feu en vous. Chaque jour est imprévisible et unique. »

1/ Soyez audacieux

4/ Restez vous-même

« Souvent, les grandes idées sont ensevelies par les peurs des autres. Si vous avez vraiment une bonne idée, assurezvous de toujours y croire. »

2/ Vos outils sont là « Pas besoin d’un matos coûteux pour se lancer. Connectez avec d’autres entrepreneurs, écoutez des podcasts, allez à des meet-up numériques, ça ne vous coûtera rien ! »

3/ Ce sera intense « Vous ne pouvez pas vous ­permettre d’être affecté(e) par

« Beaucoup d’entreprises ­étonnantes naissent d’un état ­d’esprit unique, mais les gens essaieront d’étouffer cet aspect-­là de vous s’ils pensent que c’est trop “décalé”. Ignorez-­les et continuez. »

5/ L’instinct « Il y aura des hauts et des bas, cela fait partie de la courbe d’apprentissage lors de la création d’une entreprise. Si vous vous trouvez dans une mauvaise situation, suivez votre ­instinct, c’est souvent le meilleur guide que vous ayez. »

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Dévoré par la haine de soi, ce réalisateur et acteur noir britannique a intégré un gang blanc suprémaciste à l’adolescence. Puis il est parvenu à réécrire son histoire.

Comment un enfant noir qui a grandi dans l’Essex (Angleterre) des années 1980 devient-il membre d’un gang de ­skinheads suprémacistes blancs ? Adewale Akinnuoye-Agbaje répond à cette question dans Farming, le premier film qu’il réalise pour le grand écran. Celui-ci raconte l’histoire de cet acteur et réalisateur lorsqu’il était enfant. Né de parents nigériens, il a été confié très tôt à une famille blanche dans une ville portuaire dure où sévissait la violence raciste d’où le titre (to farm : élever, cultiver). Ignoré et mal-aimé chez lui et pris pour cible dans la rue, Adewale a été contraint par son père adoptif à se battre contre ses agresseurs. Le fait qu’il ne reculait jamais devant une baston lui a valu une certaine considération de la part de ses assaillants. Au point de passer chez l’ennemi en joignant un gang raciste. Avec de la chance, du travail acharné et l’intervention d’éducateurs, Akinnuoye-Agbaje a échappé à l’avenir sans issu auquel il se destinait et a décroché un diplôme en droit. Il a ensuite poursuivi sa transformation, a déménagé à Los Angeles pour y devenir acteur et est apparu dans des séries télé comme Oz, Lost et Game of Thrones, tout en apprenant à raconter sa propre histoire. Peu de gens ont la chance de réaliser un long métrage basé sur leur propre vie mais, il y a peu de gens comme Akinnuoye-Agbaje.

the red bulletin : Farming montre à quel point le sentiment d’appartenance peut être puissant, même lorsqu’on se trouve dans un environnement dangereux et dégradant... adewale akinnuoye-agbaje : Dans cette histoire, de jeunes enfants noirs sont placés dans un environnement qui leur est étranger et où ils sont les seuls enfants noirs. Leur exposition à la culture africaine vient exclusivement des médias, que ce soit avec Tarzan, Alf Garnett ou Jim Davidson, des gens qui crachaient régulièrement des injures racistes. Quand on est constamment exposé à ce genre de langage et qu’on est ensuite victime de violence physique dans la rue, quand on n’a pas de références culturelles positives ou de modèles de comportement, on commence à s’identifier aux images méprisantes. Quand mon propre père m’a envoyé me battre contre des brutes, quand j’ai suivi ce conseil et que j’ai commencé à me défendre, j’ai soudainement commencé à me faire remarquer pour autre chose que la couleur de ma peau. Et c’est devenu une bouée de sauvetage, car dès lors, les gens m’appelaient par mon nom. Cela m’a donné un sentiment de validation. Mais ne vous méprenez pas, je n’ai jamais été accepté par le gang. Dans ce genre de groupe, on est toujours considéré comme un outil, un atout utile dans la lutte contre d’autres gangs, et on prend rapidement conscience de qui on est et de qui on était. Mais bon, cela permet au moins de marcher un peu plus librement dans la rue.

Vous avez depuis fait d’autres transformations : d’avocat à acteur, auteur et réalisateur... Et de la haine de soi à l’amour de soi. Il s’agit de vous donner les moyens de vous prendre en main par vos propres réalisations, non pas en ­cherchant à obtenir une validation de l’extérieur, mais en vous validant vous-même. Votre histoire montre une extraordinaire capacité d’adaptation et de survie… Mon apprentissage à Tilbury m’a donné une intrépidité face à la vie et le sentiment que rien n’est impossible. Je n’avais jamais écrit de scénario auparavant, mais il a été primé. Je n’avais jamais réalisé de film auparavant et il a été primé. La clé, c’est d’être intrépide et de se lancer. Parce que si l’on n’essaie pas, on ne peut pas savoir.

hanwayfilms.com

Comment avez-vous dévié de cette voie ? Le tournant a été la réussite de mon premier examen. Ce n’était pas une 16

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JESS HOLLAND

Seconde peau

bonne note, à peine la moyenne, mais c’était prouver à moi-même que lorsque je m’appliquais, je pouvais accomplir quelque chose ; on m’avait toujours dit que je n’y arriverais pas. Ça a été une révélation pour moi. Mais il m’a fallu du temps pour sortir de cet ­environnement et me retrouver dans un milieu davantage multiculturel ; avoir ma première petite amie de couleur a aussi été un gros truc. Ça a été un parcours tortueux et difficile parce que j’avais une telle haine de moi-même et une telle sous-estime de moi. Un soir que je galérais sur un devoir de droit, au point de fracasser un meuble dans ma chambre, un ami m’a donné une pilule qu’il avait l’habitude de prendre pour rester debout tard. Je l’ai prise et nous sommes restés d’attaque toute la nuit pour résoudre le problème. À la fin, je lui ai demandé ce que c’était, et il m’a répondu que ce n’était qu’un comprimé de vitamines et que le remède se trouvait dans ma tête. Des leçons comme ça ont commencé à m’aider à percevoir mes propres capacités.

AUSTIN HARGRAVE/AUGUST

ADEWALE AKINNUOYE-AGBAJE


« N’attendez pas que l’on vous valide. Faites-le vous-même. »


Le corps augmenté En matière de conception de robot, le Japon a une longueur d’avance sur le reste du monde. À la croisée de la technologie, de la prévention médicale et du loisir, voici Arque, la première queue humaine robotisée.

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La nature s’essaye à des expériences parfois surprenantes, mais pas dénuées de sens. Ainsi, on a récemment découvert que les personnes possédant un sixième doigt (1 naissance sur 500 dans le monde) s’accommodaient très bien de ce dernier en l’utilisant comme un pouce. À l’inverse, certains chercheurs se sont interrogés sur l’utilité de réhabiliter un

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JUNICHI NABESHIMA, KOUTA MINAMIZAWA, MHD YAMEN SARAIJI KEIO UNIVERSITY GRADUATE SCHOOL OF MEDIA DESIGN

ARQUE

appendice squelettique dont l’homme moderne n’a conservé qu’un reliquat. Nous ne parlons pas ici d’un substitut de virilité, mais bien d’une prouesse technologique réalisée par l’équipe de l’université de Keio (Tokyo), constituée de Yamen Saraiji, Junichi Nabeshima et Kouta Minamizawa. Cet appendice robotisé d’un mètre de long s’inspire de la queue des vertébrés dont le rôle est de protéger leur colonne vertébrale et de favoriser le développement de leur mobilité. Il reflète la plasticité, l’élasticité et la compression du squelette de la queue d’un hippocampe à l’aide de quatre muscles artificiels qui lui donnent la possibilité de bouger comme un pendule dans huit directions. Ces « muscles » reproduisent des contractions selon qu’ils sont remplis ou vidés d’air. Arque s’ajuste sur le dos en ajoutant ou en enlevant des poids dans les modules (ou « vertèbres ») en métal et permet ainsi de corriger une posture en déplaçant le centre de gravité de son porteur pour renforcer le corps et les muscles. À terme, l’objectif des chercheurs est d’inclure cette prothèse dans la vie quotidienne des personnes âgées ou souffrant de maux de dos en leur apportant un renfort au niveau de l’équilibre, ou tout simplement en prévention. Le deuxième aspect insoupçonné de cette queue robotisée est ludique et récréatif : utilisée en association avec un jeu de RV, elle devient un accessoire venant perturber le joueur, elle le déséquilibre, ce qui confère encore plus de réalisme aux sensations du jeu en expérience immersive. Mais une chose est sûre, avant de devenir commercialisable, Arque devra se faire socialement et publiquement accepter IRL.

CHRISTINE VITEL

Un délire fashion ? Queue dalle ! D’après ses créateurs japonais, les bénéfices d’un tel appendice pour les humains sont concrets.


Ven. 31 jan 14h30 - 15h30

Sam. 1er fév 8h30 - 9h30

Sam. 1er fév 10h30 - 12h

Sam. 1er fév 13h30 - 16h

ENDURO VINTAGE

ENDUROPALE ESPOIRS

ENDUROPALE JUNIORS

QUADURO

Dim. 2 fév 13h - 16h

ENDUROPALE DU TOUQUET PAS-DE-CALAIS


Il y a quatre ans, l’Anglaise Daisy Ridley, décollait pour la stratosphère de Star Wars. Avec la sortie du troisième volet de la nouvelle trilogie, l’actrice explique les stratégies auxquelles elle a recouru pour se frayer un chemin.

the red bulletin : Votre personnage de la saga Star Wars se laisse convaincre de rejoindre le Côté obscur de la Force. Mais qu’est-ce donc que ce Côté obscur ? daisy ridley : C’est lorsque vous utilisez des choses qui pourraient être utilisées à de bonnes fins pour faire exactement le contraire. On pourrait aussi dire que c’est lorsque tu fais quelque chose pour toi seul plutôt que pour le bien de la communauté. Le Côté obscur de la Force existe donc vraiment. La plupart des gens sont aimables les uns envers les autres mais d’autres n’ont pas de limites et croient qu’ils vivent dans un autre monde que celui du reste de l’humanité. Ce n’est pas votre façon d’agir... Tout d’abord, j’ai des principes moraux. Par exemple, lorsque je suis très fatiguée, cela me serait facile d’être impolie envers les autres. Mais je dois justement me ressaisir, parce que l’autre n’y peut rien.

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Comment gardez-vous cette attitude louable ? Vous faites souvent face à des situations stressantes… Il faut simplement être reconnaissant et tu n’auras pas de sentiments négatifs. Je suis donc surtout reconnaissante envers les gens que je connais et pour ce qu’on m’a permis de faire. Et encore une fois, cela signifie que je ne tiens rien pour acquis. Par exemple, il n’était certainement pas évident que l’on vous confie un rôle principal dans Star Wars. Pourquoi pensez-vous que cela a fonctionné ? Il faut beaucoup de chance. Et cette chance doit être complétée par un travail acharné. Mais le rapport n’est pas 50/50. Cela varie. Parfois il y a davantage de chance, ou davantage de travail. Et avec cette combinaison, j’ai appris à connaître les bonnes personnes grâce à qui j’ai rencontré encore plus de bonnes personnes. Ça aussi c’est important. Et qu’est-ce qui a fait la différence à propos de Star Wars ? D’être au bon endroit au bon ­moment. Et le fait que j’incarnais quelque chose que le réalisateur J.J. Abrams recherchait. En dehors de cela, je pense aussi qu’il faut ­ajuster ses antennes.

Et comment avez-vous fait ? Je me suis dis que je pouvais le faire. Même si au fond de moi je pensais le contraire. Dis-le-toi, c’est tout. Et permets-toi aussi des moments de faiblesse, quand tu te dis : « Ce n’est toujours pas ça. » Espère que les gens voient quelque chose en toi. À l’époque, vous étiez barmaid, n’est-ce pas ? Oui. Après les fêtes, j’ai voulu prendre quelques mois de congé du pub et ma dernière audition était en février. Vous n’aviez que les auditions en tête pour vous confronter à la ­réalité du cinéma ? Vous n’aviez pas de relations dans ce métier ? Il y avait un type super dégueu au pub qui n’arrêtait pas de dire : « Viens avec moi à telle ou telle soirée, je peux te présenter des gens. » Je me suis dit : « Je ne te crois pas. » Même si ça avait été une fête où j’aurais pu rencontrer quelqu’un d’important, je ne voulais pas de ça ! Je voulais passer des auditions pour des rôles et suivre mon propre cheminement. Vous jugiez inutile de rencontrer des personnes avec une potentielle connaissance de ce milieu ? Je demande bien sûr conseil aux gens, mais personne ne doit faire

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RÜDIGER STURM

« Une force existe quelque part, ­ailleurs  »

Comment y parvenez-vous ? Quand un ami m’a parlé pour la première fois de la nouvelle trilogie Star Wars, je me suis dit : « Je vais décrocher un rôle dans ce film. » Puis j’ai passé des auditions pendant sept mois. Parfois, je me disais : « J’ai merdé, je n’y parviens pas. Je ne suis pas celle qu’il faut. » Mais tu dois continuer à aller de l’avant, même si tu doutes de toi. Tu te l’imagines jusqu’à ce que tu y parviennes.

JUMBO TSUI/TRUNK ARCHIVE

DAISY RIDLEY


« Le succès, c’est de la chance plus du travail acharné. Mais le rapport n’est pas 50/50. » Daisy Ridley, 27 ans.

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Star Wars, épisode IX : L’ascension de Skywalker

mon travail à ma place. Je veux ­atteindre mon but toute seule. De plus, si quelque chose semble trop beau pour être vrai, c’est souvent un mirage. Étiez-vous une bonne barmaid? J’étais géniale. Je n’étais pas exagérément amicale, plutôt réglo avec les clients : « Que voulez-vous boire ? Je vous prépare vos drinks et c’est tout. » J’aime travailler et préparer les boissons rapidement. Je ne m’embrouille pas. C’est pour ça que je suis passée derrière le bar à la fête de ­clôture du huitième l’épisode, Les derniers Jedi. Sérieux, j’étais meilleure que les gars derrière le bar. Je me disais : « Il vous faut une éternité, laissez-moi faire.» J’aime jongler avec toutes sortes de choses en même temps.

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Vous avez toujours su que ce n’était qu’un travail temporaire et avez toujours cru que vous pourriez réussir en tant qu’actrice ? Oui, et je ne sais même pas pourquoi. Peut-être parce que je n’avais pas encore fait mes preuves. J’ai été virée de mon premier rôle parce que les gens me trouvaient horrible. Je ne croyais pas non plus que j’étais la meilleure actrice du monde. Mais j’avais le sentiment que la chance finirait par tourner. Existe-t-il donc une force divine ? Je crois que toutes les bonnes choses arrivent pour une raison. Les mauvaises choses ne sont généralement que des coïncidences bêtes. Une ­certaine force existe quelque part, ailleurs – nous, les humains, ne sommes pas seuls. Vous arrive-t-il de répandre de l’énergie négative ? En bagnole, oui ! Je me mets facilement en colère lorsque je suis derrière le volant. La plupart du temps, je crie : « Est-ce que ça te tuerait de mettre le clignotant ? Tu pourrais signaler à la voiture derrière toi que tu changes de voie ? » Les gens n’ont pas de considération pour autrui et je déteste quand quelqu’un met les autres en danger. Il y a aussi des pistes cyclables à Londres où les cyclistes zigzaguent au milieu de la circulation avec leurs

écouteurs sur les oreilles, ce qui est très dangereux. Mais en tant que conducteur, c’est vous qui serez blâmé si quelque chose arrive. Mais conduire est-il préférable à prendre le métro ? Mais je prends le métro ! C’est intéressant – bien que les wagons sentent souvent la transpiration et soient dégoûtants, il faut se comporter de façon plus responsable que lorsque l’on conduit. Parce nous sommes tous en interaction les uns avec les autres. Personne ne passe devant les autres. Ceux qui embarquent sont calmes. En d’autres termes, si vous voulez rencontrer des gens qui savent se ­tenir, prenez le métro et l’autobus. Comment retrouvez-vous votre calme ? D’habitude, j’écoute de la musique. D’abord je crie, puis je chante. Quelles chansons ? Des classiques soft : Fleetwood Mac, Barbra Streisand. Je suis aussi fan d’Ariana Grande. Ce matin, j’ai ­écouté Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler. LUSCASFILM

Après Le réveil de la force et Les derniers Jedi, Daisy Ridley se glisse à nouveau dans la peau de Rey, la pilleuse d’épaves, dans le troisième v­ olet de la nouvelle trilogie. Avec ses alliés, l­’apprentie de Luke Skywalker veut cette fois-ci remporter la lutte contre le Premier Ordre du ­Leader Suprême Kylo Ren (Adam Driver). Sortie en salle : le 18 décembre.

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©JÜRGEN SKARWAN

SUPPORTED BY JABRA – THE OFFICIAL AUDIO INNOVATION PARTNER

SAIL & RUN THE 3RD LEG FROM BALI TO THE SALOMON ISLANDS TUNE IN NOW AT


UNDERWORLD

Un son ­stimulant Karl Hyde, musicien, peintre et ­vidéaste de renom, doit le succès de sa formation à des chansons originales qui ouvrent toutes sur de nouveaux ­horizons. Le duo britannique Underworld est l’un des groupes d’électro à succès des plus innovants. Depuis leur énorme succès Born Slippy en 1996, Karl Hyde et Rick Smith n’ont cessé de se réinventer. Outre leurs dix albums, ils ont composé pour le cinéma, le théâtre et les jeux vidéo sans oublier la musique des JO 2012 de Londres. Ils dirigent aussi leur propre plateforme multimédia, Tomato. Et lorsqu’ils sont à court d’idées, ils trouvent l’inspiration dans la musique, explique Hyde, 62 ans, celle de ses héros précise-t-il. Il nous dévoile ici quatre chansons qui activent ses méninges. Drift Series 1 est leur nouvel album  ; ­underworldlive.com

Brian Eno

Bob Dylan

Iggy Pop

Kraftwerk

« Brian Eno est un type fascinant avec qui j’ai beaucoup appris, ­surtout en m ­ atière d’inspiration. Lui et moi avons inventé un jeu où l’un suggère à l’autre le nom d’une ville à v­ isiter, choisi au hasard. “Va à ­Birmingham.” “Pour y faire quoi ?” “Vas-y, point.” Quitter le studio pour aller à la découverte d’un t­ erritoire vierge débouche ­toujours sur une bonne idée. »

« Bob Dylan est très polyvalent et ne craint pas de prendre des risques. Quand il sentait qu’il n’intéresserait plus personne, il partait en tournée pour reconquérir son ­public. Je l’ai vu à Hyde Park l’été dernier et j’étais agacé d’entendre les gens dire qu’il n’est plus celui qu’il était. Il a évolué, Dieu merci ! Cela devrait inspirer chaque ­artiste.  »

« La façon dont Iggy Pop improvise est absolument unique. Il débarque en studio et se lance spontanément. Il crée à partir de souvenirs d’articles de journaux, de livres et de conversations, mélange le tout et régurgite sans le filtre. Ce morceau est la parfaite illustration de cette ­approche très stimulante, surtout quand on n’arrive plus à avancer. »

« Kraftwerk, les pionniers de l’électro, ainsi que Neu! et Can ont bercé mon enfance. Je dois mon goût pour les rythmes répétitifs à ces groupes allemands des années 70. La consonance a quelque chose d’hypnotique qui stimule l’esprit. Je suis un fan inconditionnel, au point que l’on peut e­ ntendre cet ­élément répétitif dans à peu près tout ce que je fais. »

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Nightclubbing (1977)

Europe Endless (1977)

THE RED BULLETIN

FLORIAN OBKIRCHER

Lily, Rosemary & the Jack of Hearts (1975)

PEROU

Needles in the Camel’s Eye (1974)


Naturellement rafraîchissants Red Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658

N’EST PAS UNE BOISSON ÉNERGISANTE

P O UR V O T R E S A N T É , M A N GE Z A U M O IN S C IN Q F RUI T S E T L É GU M E S PA R J O UR . W W W. M A N GE R B O U GE R . F R


R A L LY E D A K A R

17,78

0,53

18,60

0,82

18,94

0,34

21,10

50m

2,16

21,33

0,23

PARLEZ-VOUS

ROADBOOK ? Vous n’y pigez que dalle, à ces mystérieuses inscriptions ? Rassurez-vous, nous allons y ­remédier. Et consolez-vous : vous n’avez pas besoin de les déchiffrer à 140 km/h au guidon de votre moto comme les pilotes du Dakar. Texte WERNER JESSNER


PICTUREDESK.COM

SEUL SUR LE SABLE Un pilote du Rallye Dakar au Pérou en 2019. Première erreur potentielle : suivre uniquement les traces des autres concurrents. NB : le roadbook est votre meilleur ami.

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MARCIN KIN, FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL

CHANGEMENT DE PLAN Nouveauté en 2020 : le roadbook sera remis aux pilotes comme ­Matthias Walkner (photo) seulement quinze minutes avant le départ. R ­ ésultat : pas moyen de se préparer à l’avance comme les années précédentes.


R A L LY E D A K A R

POSTE DE TRAVAIL En haut : le compteur kilométrique et la boussole. En dessous : le roadbook. Au milieu du guidon : le GPS de l’organisateur qui affiche les points de contrôle.

A 17,78

0,53

« C’est parti ! » Au kilomètre 17,78, 530 mètres après le dernier point, il y a un contrôle de passage caché (C) – si un pilote le manque, il écopera de 15 minutes de pénalité. Attention, zone potentiellement dangereuse en partant en hors-piste légèrement à gauche dans les dunes (HP DS DN = hors-piste dans les dunes) ! Cap à 268 degrés.

rgentine, dixième jour du Rallye Dakar 2018. Un groupe de six motards fonce à travers le désert. Une étendue de sable, parcourue ça et là de lits de rivières ­asséchés impossibles à voir. L’un des pilotes du groupe n’est pas ­serein. Son nom ? Matthias Walkner. Son problème : les autres roulent trop vite. À une telle vitesse, on se demande bien comment ils réussissent à naviguer sans faire d’erreurs, sans la moindre once d’hésitation sur la tonne d’informations à traiter – sachant que certains filent même à plus de 140 km/h. Walkner lève le pied et se laisse distancer. Son leader, Jordi Viladoms, en bon spécialiste de la navigation, lui a enfoncé un principe dans le crâne depuis qu’il a osé passer du motocross au rallye : ne jamais, au grand jamais, se contenter de suivre les traces des autres pilotes, ­toujours naviguer par soi-même ! Arrivé au point 349, l’Autrichien de 33 ans commence à douter : « Les kilomètres sur le roadbook ne correspondaient pas exactement à ceux de mon compteur et, dans ce cas-là, il faut se fier à son ­intuition, à son instinct, enfin vous voyez. Les traces devant moi bifurquaient vers la gauche dans une espèce d’entonnoir sablonneux, alors que d’après le roadbook, je devais rester à droite. Mais est-ce qu’il   29


R A L LY E D A K A R

18,60

0,82

« En piste ! » Au kilomètre 18,60, 820 mètres après le dernier point, ­depuis la route L3, on continue légèrement vers la droite à travers les dunes, il n’y a plus de route. Le cap est à 180 degrés plein sud, donc. (On a déjà vu la signification des lettres HP DS DN à la page précédente.)

18,94

0,34

« Attention, fin dangereuse » Attention : au kilomètre 18,94, 340 mètres après le dernier point, je dois tomber exactement sur un point de contrôle de sécurité (S). Trois points d’exclamation = danger ! Après la sortie des dunes (END DN), on arrive sur une piste en ­mauvais état (MVS) avec un fossé difficile à repérer. Après l’avoir passé, on continue en virant légèrement vers la droite s­ uivant un cap d’environ 80 degrés.


21,10

50m

2,16

« Trempette des pieds »

EDOARDO BAUER/RED BULL CONTENT POOL

Au kilomètre 21,1, soit 2,16 kilomètres après le dernier point, on descend dans des dunes parsemées d’arbustes avant de traverser une rivière de 300 m de large. Ensuite, je dois continuer en hors-piste légèrement vers la droite dans un oued de 50 mètres de large (lit de rivière asséché), selon un cap moyen (Moy) de cinq degrés.

TRACER SA ROUTE Souvent, la piste présente des irrégularités, donc il est difficile de garder précisément le cap. Et c’est là que cela devient intéressant.

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R A L LY E D A K A R

21,33

0,23

« Trop facile » Au kilomètre 21,33, 230 mètres après le dernier point, je dois bifurquer à droite au sommet de la butte et continuer sur une piste balisée bien visible, en parallèle de laquelle d’autres pistes sont signalées (ET P // = et pistes parallèles).

fallait réellement passer par là ? Je me suis dit que les deux ríos se rejoindraient sûrement bientôt de toute façon, donc par précaution, j’ai d ­ écidé de rester quand même sur la droite. Plus aucune trace des autres concurrents sur les kilomètres suivants. Est-ce que je me serais planté ? Même le cap ne m’était pas d’une grande aide parce qu’il n’indiquait qu’une valeur moyenne afin de suivre la trajectoire sinueuse des ríos. Du kilomètre 350 au kilomètre 368, où le point suivant était enregistré, j’ai eu tout le temps de me demander si j’avais déconné ou bien si j’étais le seul à avoir vu juste. » Aujourd’hui, on connaît le fin mot de l’histoire : Hiasi (surnom de Matthias) avait raison, il s’est taillé une confortable avance de 50 minutes sur ses concurrents ce jour-là et a remporté le Dakar.

MARCIN KIN

L

LE FACTEUR HUMAIN Le cerveau de Matthias Walkner traite des centaines de lignes de roadbook par jour, sans se tromper et en un temps record.

e Dakar à moto est au moins aussi éprouvant sur le plan mental que sur le plan physique. Tout ce que les pilotes ont à leur disposition, c’est une suite d’instructions sur un écran. Et il n’y a qu’en les suivant à la lettre qu’ils peuvent espérer atteindre l’arrivée. Explication : sur le roadbook, la colonne de gauche indique le kilométrage, ainsi que la distance relative et absolue par rapport au dernier point de référence. Mais il est rare que les pilotes puissent suivre une trajectoire parfaitement droite, ils doivent donc recalibrer leur compteur kilométrique en permanence. Dans la colonne du milieu, des pictogrammes donnent des indications sur le terrain et le parcours, ainsi que le cap à suivre. Et il y a tout un catalogue de plus de cent pictogrammes à apprendre pour les pilotes. Tout à droite, les éventuels commentaires écrits, qui s’affichent sous forme d’abréviations ­basées sur des termes français. Le pilote doit donc non seulement déchiffrer ces infos sans se tromper et les appliquer pendant qu’il roule, mais s’assurer aussi de garder un œil sur le point suivant afin d’avoir une vue d’ensemble. Jordi Viladoms (10 Dakar à son actif) : « C’est comme apprendre une nouvelle langue : pour vraiment maîtriser la navigation, il faut pratiquer, pratiquer et encore pratiquer. Rouler vite, c’est à la portée de n’importe quel pilote de haut niveau. Ce qui fait la différence, c’est la capacité mentale restante disponible pour la navigation. » Une affirmation que Matthias Walkner ne peut qu’approuver.   33


NAISSANCE NUMÉRIQUE

PLACE AU GPS

« Nous avons d’abord conçu l’0T3 sur une feuille de papier », dit le d ­ irecteur d’0verdrive Racing, Jean-Marc Fortin. Le travail sur écran est venu après.

Malgré un espace réduit, le copilote a droit au même double système de ­navigation que dans une voiture de rallye « grand format ».

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THE RED BULLETIN

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL

R A L LY E D A K A R


LE BOLIDE DU

DÉSERT

Qui seront les futurs vainqueurs du Dakar ? Rien de tel pour le savoir que de construire une voiture qui saura les stimuler. Lever de rideau sur le buggy OT3 Side by Side et ses pilotes, qui participeront à leur premier Dakar en 2020 ! Texte WERNER JESSNER

NOUVELLE GÉNÉRATION Le program team Red Bull Offroad S×S a un objectif : acquérir de l’expérience au Dakar au volant du buggy OT3 Side by Side de l’écurie belge Overdrive Racing.

FAIT MAIN DE A À Z

VUE INTÉRIEURE

Tous les OT3 sont construits à la main au siège d’Overdrive Racing à ­Villersle-Bouillet près de Liège (Belgique). Premier départ : Dakar 2020.

Ce buggy ne comporte ni habillage ni lest. Tous les câbles sont apparents, chaque pièce a une fonction bien précise. Priorité numéro un : la sécurité.

THE RED BULLETIN

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R A L LY E D A K A R

L’OT3 d’Overdrive Racing est le premier buggy Side by Side ­spécialement construit pour le Dakar.

VISIBILITÉ Il n’y a pas de pare-brise. C’est imposé par le règlement.

POIDS RÉDUIT Les buggys Side by Side sont les véhicules les plus légers du D ­ akar. L’OT3 pèse 890 kg grâce à sa carrosserie en carbone et en kevlar et à des détails bien pensés comme cet éclairage LED.

RENOUVEAU

STABILITÉ

Les Américains Blade Hildebrand (21 ans), Mitch Guthrie Jr. (22 ans) et Seth Quintero (17 ans, le plus jeune participant) ­seront au ­départ en Arabie saoudite sous la bannière du program team Red Bull Offroad SxS.

L’OT3 mesure 2,08 mètres de large, pour une stabilité ­optimale. C’est encore plus qu’un SUV haute performance comme l’Urus de Lamborghini !


CHÂSSIS RIGIDE « L’OT3 roule avec une précision incroyable », déclarait Cyril ­Despres, cinq fois vainqueur du Dakar, après les premiers tests.

ACCÈS FACILE Lors de la construction, la priorité numéro un a été de faciliter l’accès à toutes les pièces en cas d’éventuelles réparations à effectuer en plein désert.

PETIT MOTEUR

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL

1 000 cm³, turbo, 177 chevaux : suffisant pour résister dans le sable face à de nombreuses ­voitures plus puissantes. La ­raison : un poids réduit.

ARRÊT RAPIDE Le système de frein à disques spécialement adapté au S×S a été fourni par le spécialiste américain Wilwood.

PROTECTION ÉLEVÉE Les éléments techniques fragiles ont été relocalisés dans des endroits stratégiques.   37


R A L LY E D A K A R

« SI JE GAGNE AVEC ANDREA, JE METS FIN À MA CARRIÈRE » Personne n’a remporté plus de Rallye Dakar que ­STÉPHANE PETERHANSEL. Sa femme, ANDREA, qui était l’une des meilleures pilotes sur la course, n’a ­jamais voulu être copilote. Et pourtant, en 2020, c’est bien ensemble qu’ils veulent participer à cette compétition motorisée légendaire. Et la gagner.

TANDEM AU TOP Andrea et Stéphane ­Peterhansel : le Dakar pourrait malmener leur couple. Ou, bien au contraire, les rapprocher encore plus.

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NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL

Entretien WERNER JESSNER



R A L LY E D A K A R

Andrea, vous ne conduisez ­jamais  ? andrea : La seule exception, c’est quand on a notre chien dans la voiture. Il est malade quand c’est Stéphane qui conduit. Donc pour éviter de ­devoir nettoyer le coffre... stéphane : … Je te laisse le volant. Tu conduis super bien, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais je suis vraiment trop nul côté ­passager. Pourquoi vouliez-vous faire le Dakar ensemble ? andrea : C’était une idée de Stéphane. Nous nous sommes mariés en 2018, donc j’ai un peu vu ça comme une sorte de voyage de noces : on loue un buggy, on se balade quelques jours dans le désert. Deux ans plus tard, on remporte la Coupe du monde des rallyes tout-terrain ensemble et on est au départ du Dakar. On en a, de l’ambition. (Ils rient tous les deux.) Et l’ambition, ça suffit ? stéphane : Bien sûr que non ! On est des pilotes professionnels, mine de rien, donc dès le départ, j’ai voulu faire les choses comme il faut. On a participé à quelques compétitions dans des buggys deux places et on s’est rendu compte que ça nous plaisait de rouler ensemble. Un jour, j’ai reçu 40

une demande de Toyota pour le Dakar, mais la direction ne ­voulait pas entendre parler d’Andrea et insistait pour que je fasse la course avec un copilote professionnel. Chez Mini, en revanche, ils ont accepté de nous faire passer un test ensemble. Mais on n’est pas allés très loin : Andrea était malade dans la voiture. Alors vous auriez pu laisser tomber, non ? andrea : Oui, mais entre-temps, Stéphane nous avait fixé comme objectif commun d’être le premier couple à remporter le Dakar. Donc il fallait que je résolve mon problème de nausée. Il s’est avéré que j’avais un nerf dans l’oreille interne qui s’irritait de manière chronique. J’ai dû prendre de la cortisone pendant deux mois avant de pouvoir commencer mon entraînement contre le mal des transports. Un entraînement contre le mal des transports ? andrea : Je suis allée dans un centre de traitement des vertiges à Sinsheim, en Allemagne. Ça consistait par exemple à lire assise sur une chaise qui était en train de tourner. Ou il fallait que je marche tout droit dans une pièce sombre avec des lumières qui se déplaçaient dans différentes directions. stéphane : Tu t’es investie à fond pour notre rêve. Je me sens mal rien qu’à la pensée de la chaise qui tourne. andrea : Sans oublier que j’avais toujours dit que je ne voulais pas devenir copilote. Mais je me suis dit : si je veux pouvoir un jour ­réaliser le rêve de remporter le Dakar à mon âge, alors ce sera aux côtés du meilleur pilote de l’histoire, mon mari. Mais à l’inverse, pourquoi un grand champion comme vous se complique-t-il tellement la vie ? N’importe quel copilote aurait été ravi de faire la course à vos côtés.

SORTIE EN FAMILLE Dans leur buggy Mini, les Peterhansel affronteront des pilotes pros chevronnés lors du Dakar, et ne se contenteront pas de jouer les challengers.

stéphane : Avec « Paulo » (Jean-Paul Cottret, ndlr), j’ai participé à vingt Dakar et j’en ai gagné sept. Un de plus ou un de moins, ça ne pèse pas lourd dans la balance. En remporter un avec Andrea, par contre, ce ne serait pas du tout la même chose. Ce serait plus compliqué, certes, mais peut-être encore plus beau. Quand on a remporté l’Abu Dhabi Desert Challenge ensemble, c’était dix fois plus fort que n’importe quelle victoire avec Paulo. Alors si c’était le ­Dakar, on n’en parle même pas ! Comment fonctionnez-vous en tant que couple quand vous êtes sous pression ? andrea : On découvre des aspects de l’autre que l’on n’aurait probablement jamais voulu

« On est livrés l’un à l’autre pour le meilleur et pour le pire – et ça nous va bien comme ça. » ANDREA PETERHANSEL THE RED BULLETIN

FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL, NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL(2)

T

he red bulletin : Andrea, Stéphane, vous êtes tous deux de grands champions du sport automobile. Avez-vous décidé dès le début et d’un commun accord lequel des deux prendrait le volant ? stéphane : Quand on s’est rencontrés il y a plus de quinze ans, on a bien essayé d’échanger nos places. Mais la vérité, c’est que je ne supporte pas d’être sur le siège passager. J’ai bien trop besoin d’avoir le dernier mot.


« Quand on appuie là où ça fait mal chez l’autre, on finit par se faire du mal à soi-même. » STÉPHANE PETERHANSEL

on finit par faire du mal avant tout à soi-même.

connaître. Mais c’est ça, l’amour, pour moi. Accepter des choses qui ne nous plaisent pas et travailler ensemble pour que ça fonctionne quand même. Dans la vraie vie, quand il y en a un qui ne sort pas les poubelles, ça ne nous empêche pas d’avancer. En voiture, s’esquiver, ce n’est pas une option. Au final, dans un couple, l’objectif commun doit primer sur la fierté de chacun ? andrea : Exactement. stéphane : Quand Andrea fait une erreur de navigation, je lui pardonne beaucoup plus vite que je ne le ferais avec un pro. Et inversement : quand je fais une erreur de pilotage et qu’on part en tonneau – ce qui est déjà arrivé – elle ne m’en veut pas, même si, bien sûr, j’aurais dû faire plus attention. Une erreur n’est jamais intentionnelle. Alors c’est toujours tout beau tout rose dans votre voiture ? THE RED BULLETIN

stéphane : Ce n’est qu’une course après tout. D’accord, la plus importante au monde, mais ça ne reste quand même qu’une course. Ça ne vaut pas la peine de se rendre malade. Et puis, j’ai aussi tendance à oublier très rapidement. Les défaites comme les victoires. Quand je gagne, je suis content, mais pas longtemps, et ce n’est pas plus mal. andrea : Ce qui se passe dans la voiture reste dans la voiture. Bien sûr, on peut analyser ses erreurs après-coup, mais ce serait une perte d’énergie que de les ressasser encore et encore. Dans un duo qui fonctionne bien, de toute façon, les deux veulent la même chose, et pour nous, notre objectif est encore plus clairement défini. stéphane : Ne pas reprocher ses erreurs à l’autre, c’est le secret d’un bon duo. Je l’ai bien vu avec tous ces tandems auxquels j’ai participé en course ces vingt dernières années. Quand on appuie là où ça fait mal chez l’autre,

Et quand la situation dégénère vraiment ? stéphane : Il y a un mot-code qu’on utilise. Quand l’un de nous a l’impression que l’on n’argumente plus de manière productive et que l’on veut seulement avoir raison. andrea : On efface tout, on analyse. Mais ça, on n’en a besoin que dans la voiture, pas dans la vie de tous les jours. stéphane : Beaucoup d’amis m’ont dit que je risquais de mettre notre couple en danger dans les conditions extrêmes d’un Dakar, où l’on est collés l’un à l’autre, jour et nuit pendant deux semaines et où chaque petite erreur a des conséquences immédiates. Mais je pense que vivre cette aventure ensemble ne pourra que nous rapprocher encore plus. Enfin, je l’espère. andrea : Dans la vie de tous les jours, on peut toujours partir en claquant la porte et aller prendre l’air. Sur le Dakar, on ne peut pas remettre les décisions à plus tard, on ne peut pas faire de compromis : à gauche ou à droite ? Il y a des conséquences immédiates. On est livrés l’un à l’autre pour le meilleur et pour le pire – et ça nous va bien comme ça.

STÉPHANE PETERHANSEL Né en 1965, le Français a remporté le R ­ allye Dakar à treize reprises : 6 en moto, 7 en auto. Les deux records restent inégalés. Depuis 1987, il participe tous les ans à ce rallye dans le désert qui est le plus dur au monde.

ANDREA PETERHANSEL Née en 1968, l’Allemande a participé au Dakar en moto et en auto. Elle a été pilote pour KTM, BMW et Mitsubishi. Son top : une cinquième place dans la catégorie ­autos et dans la ­catégorie motos.

Qui commande dans la voiture ? stéphane : Dans la voiture, c’est moi. Forcément, je suis au volant ! andrea : Attends qu’on soit à la maison. (Ils rient tous les deux.) Remporter le Dakar ensemble signifierait quoi pour vous ? andrea : La réalisation d’un rêve. stéphane : Une fin parfaite. Si je gagne avec Andrea, je mets fin à ma carrière professionnelle.   41


IMMERSION DANS LE VORTEX Le plastique, ce fléau

BEN LECOMTE est le premier homme à avoir traversé « la décharge des mers » à la nage. Si ses exploits sportifs ne sont pas à la portée de tout le monde, il est un autre défi que chacun est en mesure de relever, dit-il.


Ben Lecomte a avalé 300 miles nautiques à la nage pour sensibiliser au désastre écologique des océans.

Texte CHRISTINE VITEL Photos @THEVORTEXSWIM et @ICEBREAKERNZ

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Huit heures par jour, quatrevingt jours durant, il a nagé les yeux ­rivés dans la colonne d’eau du Pacifique.

H

uit heures par jour, sur 300   miles nautiques (555 km),   il a évolué au milieu d’une   catastrophe écologique sans précédent. « Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois de faire quelque chose pour les suivantes », déclare Ben Lecomte, un architecte français naturalisé américain, établi à Austin (Texas) depuis 1993, marié et père de deux enfants. Sa vie pourrait ressembler à celle de n’importe qui ayant l’ambition d’apporter sa pierre à l’édifice – l’édifice étant l’état de santé actuel de la planète. En 1998, à 31 ans, il devient le premier homme à avoir traversé l’Atlantique à la nage et sans planche, soit 5 980 km en 73 jours, de Cape Cod (USA) à Quiberon (France). En 2018, avec The Longest Swim, il tente de réitérer la performance dans le Pacifique cette fois, soit 9 000 km. À propos de la quantité de plastique dans les océans, Ben Lecomte témoigne : « Il y a vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque chose que je voyais très rarement. » Sept ans durant, il prépare ce dernier projet, recherche des fonds, puis part « en collaboration avec 27 institutions scientifiques, dont la Nasa et le CNRS, qui mènent des recherches sur la pollution, les migrations des mammifères ou l’endurance extrême. In extremis, un groupe de médias a pris en charge l’énorme budget de télécommunications et la production de vidéos ». Sauf que la tentative échoue en novembre 2018, à cause des typhons qui abîment le bateau suiveur. Il se voit obligé

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THE RED BULLETIN


« Il y a vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque chose que je voyais très rarement. » Ben Lecomte à propos des débris de plastique flottants dans l’océan. En 1998, il est le premier homme à traverser l’Atlantique à la nage.


Il fut une époque où il était fantastique. Le plastique aujourd’hui, c’est dramatique. Ben Lecomte et son équipe ont trouvé au milieu de l’océan les objets les plus improbables.

« Pour l’instant, c’est mon approche : faire quelque chose d’un peu marginal pour attirer l’attention. »


« C’est un problème global très complexe auquel il faut répondre par une action locale. » d’abandonner au bout de 2 700 km. Mais l’ambition du nageur activiste demeure intacte. Début juin 2019, il plonge avec The Vortex Swim tête la première dans la mer de déchets du Pacifique nord, entre Hawaï et San Francisco. Il n’est plus question de défi sportif ni de record personnel : Ben Lecomte veut alerter sur la pollution des océans et donner l’occasion de récolter des informations scientifiques pour documenter un fléau moderne aux multiples facettes : « La question du plastique dans l’océan, ce n’est pas un problème, ce sont des problèmes. » I Am Ocean, le voilier de 20 mètres à coque d’acier qui vogue à ses côtés, héberge une équipe de dix volontaires, dont Ben, motivés par l’aspect environnemental et la contribution scientifique de la mission, dont l’objectif principal est d’inspirer les citoyens d’ici et d’ailleurs à instaurer le changement qui s’impose. Les données collectées THE RED BULLETIN

Des échantillons de microplastique (particules de moins de 5 millimètres) et de fibres synthétiques ramassées par Ben Lecomte et son équipe.

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OCÉAN ARCTIQUE

AMÉRIQUE DU NORD

EUROPE OCÉAN AT L A N T I Q U E AFRIQUE OCÉAN INDIEN ASIE

AMÉRIQUE DU SUD A N TA R C T I Q U E

OCÉAN PAC I F I Q U E

Changer de carte pour changer de point de vue Afin de souligner l’importance des océans, Ben Lecomte a nagé 555 km dans le vortex, de Hawaï à San Francisco. Et afin de souligner leur unité à la surface de la planète, le géographe sud-africain Athelstan Spilhaus réalisait, en 1942, cette Projection qui place les océans au centre de la carte. Résultat : elle fait apparaître une immense mer intérieure là où, habituellement, les continents se profilent.

Départ Hawaï

OCÉAN PAC I F I Q U E Arrivée San Francisco

AMÉRIQUE DU NORD

s­ auront-elles convaincre les mentalités, les lobbyistes, les politiques, les décideurs, etc. de la brutale réalité et de l’urgence d’agir ? Aujourd’hui, aucun gouvernement n’endosse la responsabilité du désastre écologique marin. C’est pourquoi Ben Lecomte nous invite à prendre nos responsabilités en matière d’impact écologique, telles que ne pas consommer de plastique à usage unique, opter pour des matériaux alternatifs et des fibres naturelles. Sans avoir à être irréprochable, le devoir de chacun d’entre nous est de contribuer à la préservation des océans.

Comment avoir un impact et sensibiliser le public ? En choisissant l’humour décalé, tremplin radical pour aborder les problèmes de fond, car même si la situation est catastrophique, il est encore possible d’agir, et de faire réagir.

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the red bulletin : Au cours du projet, vous avez décidé de transformer The Longest Swim en The Vortex Swim, parce que vous avez réalisé qu’il y avait beaucoup de débris flottants dans l’océan. Ces débris, ce sont majoritairement du plastique et d’autres formes de déchets, ou seulement du plastique ? ben lecomte : The Longest Swim était pensé comme une vue d’ensemble sur les THE RED BULLETIN


« Quand on ramasse un gros morceau de plastique, celui-ci se casse et devient du microplastique. » Les organismes se développent sur (algues, coquillages) et sous (crabes, poissons) les débris flottants, ce qui crée un nouvel écosystème.


« Au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur, ces organismes deviennent une “population envahissante”. » différentes problématiques liées à l’océan : le plastique, la radioactivité, le déversement de polluants. En atteignant la partie nord du vortex, à Hawaï, j’ai été contraint d’arrêter à cause d’une avarie du bateau. Alors pour The Vortex Swim, nous sommes revenus là où nous nous étions arrêtés l’année précédente en vue de poursuivre notre précieuse collecte, puisque nous sommes la première expédition à réunir des échantillons sur toute la longueur du Pacifique. Tous les débris que nous avons ramassés sont faits de plastique ; ce qui est organique comme le bois ne pose pas de problème puisque c’est biodégradable. On voit des objets absolument incongrus sur vos photos, on a peine à croire que vous les avez trouvés dans l’océan. Vous communiquez en jouant sur l’absurdité de la situation. Est-ce que c’est 50

THE RED BULLETIN


« Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois de faire quelque chose pour les suivantes. »

La solution au problème du plastique dans les océans est très complexe, et doit être adaptée localement. Le ramassage de débris peut se ­révéler plus préjudiciable qu’appréciable. Ici, Ben L ­ ecomte et ses coéquipiers font des prélèvements d’échantillons de ­déchets plastiques pour les envoyer à analyser en laboratoire. THE RED BULLETIN

en impactant ainsi les esprits que le changement s’amorce ? Vous parlez de la photo où je suis assis tout nu sur une lunette de WC ? J’ai posé avec des débris que j’ai trouvés, pour choquer. Car les gens vont s’offusquer de me voir – et c’est exactement cela qui m’intéresse –, ils vont plus s’offusquer de me voir nu que de voir un tel morceau de plastique dans l’océan. Pour l’instant, c’est mon approche : faire quelque chose d’un peu marginal pour attirer l’attention. Et ensuite pouvoir aborder les sujets de fond. Existe-t-il une solution globale au problème du plastique dans les océans ? Certes, le problème est global, mais il est surtout complexe, d’où la nécessité d’y répondre avec des actions locales, adaptées aux pays. Aux États-Unis par exemple, les lobbyistes ont beaucoup de pouvoir et   51


« Il faut être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité. La majeure partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau. » 52

THE RED BULLETIN


font pression sur les hommes politiques ; c’est moins le cas en Allemagne, c’est pour ça qu’ils ont pu faire passer des lois et des décrets pour limiter l’utilisation du plastique. On ne peut décemment pas apporter une solution miracle adaptée pour tous, car les modèles économiques et les ressources sont différents. Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, le vortex de déchets n’a ni la densité ni la visibilité d’un continent. Cela est dû au fait que les débris flottent sous et non à la surface de l’eau. Voilà pourquoi on ne peut pas le voir depuis l’espace sur les images satellite. Combien dénombre-t-on de vortex ? Cinq. Deux dans le Pacifique, deux dans l’Atlantique, et un dans l’océan Indien. Le vortex du Pacifique nord étant le plus gros. Pour nous, l’important était d’avoir des images pour communiquer sur cette monstrueuse réalité et sensibiliser le public. Cela n’est effectivement pas visible sur les images satellite. Il faut vraiment être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité car la majeure partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau. C’est la raison pour laquelle je nageais : en étant dans l’eau 7 à 8 heures par jour, je voyais les endroits où la concentration de microplastiques était la plus forte et cela me permettait de guider les recherches. Le vortex du Pacifique nord serait grand comme six fois la France ?

Cela dépend sur quelle étude on se base. Disons que c’est une zone très étendue, où la concentration de microplastiques et de gros déchets est très élevée. On peut comparer cela à une oasis car il y a tout un écosystème qui se développe autour des gros débris : des algues et des mollusques s’accrochent dessus, des crabes et des poissons nagent en dessous… En général, ces débris sont jetés près des côtes. Les courants marins finissent par les pousser au milieu de l’océan, mais les organismes dessus et dessous proviennent des régions côtières. En se retrouvant au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur, ces organismes deviennent une « population envahissante », on parle aussi d’invasion biologique. Il y a aussi le phénomène de lixiviation des produits chimiques… C’est lorsque certaines substances contenues dans les plastiques se dissolvent dans l’eau. Je vous explique : quand un gros morceau de plastique se casse en petits morceaux, des produits chimiques se déversent dans l’eau car le plastique a la propriété d’absorber les produits chimiques et les polluants. Un poisson ou un mammifère qui avale un morceau de plastique, eh bien, le fait qu’il confonde le plastique avec un aliment comestible est déjà un problème en soi, mais aussi les substances chimiques qu’il renferme sont néfastes car elles vont pénétrer dans la chair de l’animal. On constate donc qu’il y a une concentration de polluants au tout début de la chaîne alimentaire.

Le bateau de vingt mètres de long à coque d’acier est ­équipé pour l’expédition scientifique. Les membres de l’équipage, à bord de I Am Ocean, sont tous volontaires et motivés par la portée environnementale et scientifique du projet. THE RED BULLETIN

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« Faire réfléchir aux habitudes de consommation, inciter à opter pour des alternatives durables. » Voilà l’ambition de Ben Lecomte pour les générations à venir.


Qu’appelle-t-on « microplastique » ? Ce sont des particules de plastique qui ne font pas plus de cinq millimètres. Quand on ramasse un gros morceau de plastique, celui-ci se casse et devient du microplastique. L’autre grand danger, car on ne peut pas les voir à l’œil nu, ce sont les microfibres synthétiques. Elles proviennent des vêtements en polyester ou en fibres synthétiques, qui, lorsqu’on les nettoie à la machine, perdent des microfibres, lesquelles restent dans l’eau. Pour vous donner une idée : on a filtré de l’eau du Japon jusqu’à San Francisco. Les échantillons sont en cours d’analyse dans des laboratoires. Les premiers résultats d’échantillons envoyés l’année dernière montrent la présence de microfibres dans tous les relevés effectués. Et à chaque fois qu’on attrapait un poisson, on découpait sa chair pour voir si elle renfermait des microfibres. Là aussi, les analyses sont en cours. Donc pour résumer, il y a deux problèmes majeurs avec le plastique : l’un, c’est le microplastique, et l’autre, ce sont les fibres synthétiques. On ignore encore tout de l’impact qu’ils ont sur la vie marine et sur nous en tant qu’humains. Le problème ne se résoudra alors pas seulement en ramassant les débris et en s’en débarrassant, car ce serait détruire un écosystème déjà très fragilisé…

au fond des mers, ou ont été ingérés par la faune marine. En revanche, ce que l’on sait, c’est que 300 millions de tonnes de plastique à usage unique sont produites chaque année, et que huit millions finissent dans les océans.

Ben Lecomte, 51 ans, ne compte pas s’arrêter de nager ni de s’activer de si tôt.

Exact. Il n’existe pas encore de filtre approprié, ni aucun moyen de stopper la pollution des microfibres et des microplastiques. Nous avons essayé, mais même en utilisant un filet très fin, on ramassait trop de planctons et de micro-organismes. On en est arrivés à la conclusion que si on crée un système pour collecter les microplastiques, on risque de collecter aussi les micro-organismes et de les soustraire à l’océan… Ce qui est impensable. Aussi, il faut savoir qu’on ne connaît que 1 % de la masse de plastique en mer. On ne sait pas si les autres 99 % flottent dans la colonne d’eau, stagnent

« Nous sommes la première expédition à réunir des échantillons sur toute la longueur du Pacifique. »

Jusqu’ici, il n’est possible de localiser que 1 % du plastique dans les océans. On ignore où se trouvent les 99 % restants : au fond de l’eau, ingurgités par la faune marine… THE RED BULLETIN

Quelle vision d’avenir souhaitez-vous transmettre aux générations futures ? La nage, c’est un moyen de communication pour moi, un moyen d’expression. En faisant prendre conscience aux gens que les mers et les océans constituent plus de 70 % de la planète, et en leur faisant comprendre à quel point les océans sont pollués, ils pourront réfléchir à leurs habitudes de consommation, et opter pour des alternatives durables et des matériaux en fibres naturelles. J’ai voulu créer une plateforme avec cet événement, The Vortex Swim, et son interface en ligne, afin de réunir des données pour la science, mais surtout pour agir comme un électrochoc et interagir avec une audience. En montrant exactement ce qu’est le vortex de plastique, en éduquant les gens sur les effets néfastes du plastique, des microfibres, de la difficulté de « nettoyer » les océans sans abîmer l’écosystème, on leur fait prendre la mesure de la réalité. Dans l’échange, sur Internet ou lors des conférences, on commence par engager une conversation – c’est un premier pas ! – en vue d’initier des changements. Notre but, c’est d’aider les gens à construire leur pensée, avec une motivation et une responsabilité. Comme si on leur proposait de changer de carte pour changer de point de vue ? En plaçant les océans au centre et en les faisant apparaître comme une seule unité (voir page 48) ? C’est une vision rare qui permet de changer de paradigme, qui force à voir les choses autrement. Un peu comme vos photos… Voilà pourquoi j’insiste sur la partie sensibilisation, éducation, et responsabilisation. C’est en éduquant les générations futures, en allant dans les écoles, en faisant des conférences, en montrant des images frappantes que nous sensibiliserons sur le développement durable et sur le problème du plastique en milieu marin. Nous avons amassé beaucoup de contenus vidéo pour réaliser des documentaires et des clips éducatifs, qui ne seront pas que centrés sur l’expédition. En adoptant une vue plus générale de la problématique du plastique dans l’océan, nous pourrons toucher et impliquer les lobbys, les gens de l’industrie chimique, de l’ONU, etc., et trouver des solutions avec eux. Et du côté civique, il faut soutenir toutes les initiatives… thelongestswim.com   55


Mathieu Rochet en repérage dans le quartier d’East Point à Atlanta, berceau de OutKast.

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Un Français à Atlanta MATHIEU ROCHET fait partie de ceux qui savent emmener le hip-hop « ailleurs ». Cofondateur du magazine Gasface, scénariste et réalisateur pour Arte, son dernier projet en date s’appelle Lost in Traplanta, une mini-série à la fois authentique et drôle au cœur de la nouvelle capitale du rap. Texte ROD GLACIAL

Vocation et bobards

JILL SALINGER

Né en 1979, comme le rap, l’environnement de Mathieu ne le prédestinait pas vraiment au hip-hop. Lyonnais, fils de ­parents fans de Jean-Jacques Goldman, il est bluffé à l’âge de onze ans par une K7 de Run-DMC que lui fait découvrir son grand-frère. Cette culture pleine de trous, à mille lieues de New York ou Paris, un cousin à lui la colmate parfois à l’aide de MTV où le kid découvre la magie des clips de rap et l’hégémonie de 2Pac. Quelques tags et scratchs plus tard (la passion du turntablism le contamine au lycée), deux inspirations plus profondes se démarquent chez lui : The Source, la revue de référence américaine, et Get Busy, le magazine créé par Sear, ancien proche de NTM et aujourd’hui animateur sur ­Clique TV. THE RED BULLETIN

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Mathieu, sur son PC, en 2001 à Lyon, en train d’enregistrer ses interviews sur disquette !

« On faisait des interviews en vrai, c’était notre point fort. » 58

Gasface, les Inrocks du hip-hop

En parallèle du fanzine, ils organisent des concerts à Lyon de façon à ne plus ­devoir voler leurs interviews. Surtout, ils mettent de l’argent de côté pour publier un « vrai » magazine. C’est à l’été 2006 que sort la nouvelle formule de Gasface en kiosque, toujours tranchante, touchant à toutes les branches de la galaxie hiphop – d’Isaac Hayes au producteur Pete Rock en passant par l’auteur George ­Pelecanos. « On faisait toujours des interviews en vrai, c’était notre point fort, pas de téléphone. Plus ça allait, plus on racontait, et on était plus intéressés par la rencontre en elle-même que par le fait d’écrire un papier. Et ce n’était pas que du rap, on voulait êtres les Inrocks du hip-hop. » Les beaux jours de la presse rap sont loin derrière et pourtant, le magazine cartonne. Les deux Lyonnais obéissent toujours à la loi de la débrouille ; rédaction, graphisme, régie pub, distribution, etc., ils apprennent sur le tas et deviennent des entrepreneurs par défaut. En 2008, leur sixième numéro est boycotté à la suite d’une couverture (affichant « Faut-il avoir peur de ces enculés de blancs ? ») qui suscite l’incompréhension : « Ça a provoqué beaucoup de buzz, on n’a jamais eu autant de presse. Libé et Les ­Inrocks nous soutenaient. Ce numéro de Gasface a été présenté au Conseil des

L'une des meilleures ventes du magazine : Gasface n°3 avec Booba, Alchemist, Jacques Audiard.

­ inistres pour voir s’ils pouvaient l’interm dire, comme le Charlie Hebdo de 1969. Évidemment, ils ont vu que c’était une blague. » Sans garantie que les kiosquiers continuent à distribuer Gasface, le duo prend la décision d’arrêter. Au sommet. Au même moment, Sylvain Gire, ­directeur éditorial d’Arte Radio, les contacte et leur propose de réaliser un documentaire web. « On a connu la phase déclinante de la presse, mais sans le ­savoir, on s’est retrouvés dans la phase ­ascendante des nouveaux médias. » THE RED BULLETIN

JILL SALINGER

C’est avec ces références en tête que Mathieu rejoint l’équipe de l’émission Fragment of Hip-Hop sur Radio Canut (­radio associative lyonnaise), en 2000. Il y rencontre Nicolas Venancio avec qui il va bientôt fonder le magazine Gasface. L’élément déclencheur ? Sa première interview, à Paris, celle du producteur californien Madlib. Il comprend ce jour-là quelle sera sa vocation. Et fin 2001 sort Gasface n°1. À cette période, le hip-hop se prend très au sérieux et le duo veut amener un nouveau souffle impertinent à la discipline. Les deux compères font des heures de route en Europe, vont même passer des virées à New-York pour rencontrer les poids lourds du rap, avant d’inventer des stratagèmes pour leur « voler » des interviews. « Les ­managers nous envoyaient chier donc on avait des bobards pas croyables. On donnait le nom de famille du rappeur à l’accueil de son hôtel et on regardait le type composer le numéro comme des détectives. Un soir, on s’est retrouvé à huit dans une chambre pour faire une interview ! »


« J’ai mis un an à trouver le héros de ma série Lost in Traplanta. »


Mathieu Rochet sur le tournage de Hell Train à New York en 2015 (en haut). Sur le tournage de Lost in Traplanta avec Kody Kim, une Oldsmobile Cutlass, et Masta Ace qui joue le Rap God (en bas à gauche). Avec Dr. Dax, légende américaine du graffiti et membre du crew de OutKast, la Dungeon Family (en bas à droite).

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En mode nouvelle vague

Série la plus vue à l’international dans l’histoire d’Arte, New York Minute transforme l’essai de Gasface du papier à l’écran. Le programme suit des personnalités de chaque borough et transcrit leur rapport à la ville, de l’artiste Futura 2000 au rappeur Joell Ortiz en passant par les enfants-soldats de Sierra Leone recrutés par des gangs. Sans technique mais avec beaucoup d’idées et de contacts, ils réussissent leur pari. « On nous a filé les clés d’un camion à 200 000 balles et on a tourné ça en mode nouvelle vague, sans aucune supervision, à cinq dans un van. Comme c’était le début d’un truc, on avait les mêmes chances que les autres. » Dans la foulée, ils produisent la version 52 minutes pour la télé. Jamais là où on les attend, ils tournent ensuite Lookin4Galt en partenariat avec Dailymotion, un documentaire sur le musicien canadien Galt MacDermot, auteur de la comédie musicale Hair et musicien autant samplé par le rap que James Brown. Le duo, toujours en mode commando, met en scène une fausse quête qui constitue le récit ; l’expérience se révèle fructueuse. Sorti en 2013, le film est accompagné de deux séries pour le promouvoir, Think Big et All That Jazz. Toujours plus loin dans la fiction, le duo signe une ultime fois pour Arte un format court nommé Hell Train, et diffusé en 2015. Cette adaptation de ­L’Enfer de Dante dans le gangsta rap new-yorkais malmène encore une fois le genre, pour son bien. On y évolue parmi des figures maléfiques (Azie Faison, roi de la coke dans les 80’s, ou Chaz Williams, ex-braqueur et imprésario de 50 Cent) dans une atmosphère oppressante et irréaliste. B ­ oulot le plus abouti du duo, Mathieu et Nicolas partiront pourtant chacun de leur côté après cette dernière aventure.

Lost in Traplanta

Sur sa dernière prod pour Arte, ­Mathieu s’est à nouveau servi de ses obsessions (la reformation d’OutKast, groupe qui a révélé Atlanta) et a imaginé une chasse au

« La trap, en termes de sonorité tu ne peux pas faire mieux, c’est la fin du chemin. » THE RED BULLETIN

ceux qui se posent la question : oui, la série a été écrite avant que ne sorte la saison 1 d’Atlanta de Donald Glover. Ce qui n’empêche pas les deux de partager la même légèreté et spontanéité rafraîchissantes. Tourné en deux semaines, la mini-série a été une fois de plus l’occasion pour ­Mathieu de partager des moments uniques (l’hospitalité du sud est à mille lieues du stress new-yorkais) et de voir la trap d’un tout autre œil. N’en déplaise aux puristes, sa série en est le meilleur avocat. « En termes de sonorité tu ne peux pas faire mieux, c’est la fin du chemin. C’est marrant, ce qui fait que le rap d’Atlanta marche très bien, c’est ce qui a fait que le rap a très bien marché au début et a plu à beaucoup de gens, avec Planet Rock d’Afrika Bambaataa par exemple. C’est pratiquement la forme la plus pure de rap. » Larry (Kody Kim) vient de se faire larguer et tente d’oublier son chagrin dans les rues d’Atlanta.

duo au sein de la nouvelle capitale du rap. Pour jouer « le Français à Atlanta », il a choisi un Belge, Kody Kim, humoriste déjà réputé dans son pays dont le rôle semblait taillé pour lui. Mais ce n’était pas gagné. « J’ai mis un an à le trouver, au début je ne voulais pas faire de casting, j’allais juste voir des trucs de stand-up. Je cherchais quelqu’un de marrant, physiquement, quelqu’un qui savait bien parler anglais et qui savait écouter les autres aussi. Puis j’ai découvert Kody dans l’émission Le Grand Cactus, il imitait JCVD, Depardieu, Karl Lagerfeld avec un aplomb incroyable. Je suis alors allé à Bruxelles pour le rencontrer. Avant ça, j’ai même casté Monsieur Fraize. On a t­ ellement rigolé que je n’arrivais plus à le filmer. Et puis à un moment, je me suis dit qu’on allait se faire tuer si on continuait avec lui. » Dans ces dix épisodes de huit minutes, vous ne verrez pas les rappeurs Gucci Mane et Future exhiber leurs bijoux, mais vous pénétrerez dans les dessous de leur monde ; avec DJ Toomp, producteur du premier album du genre (Trap Muzik de T.I.), Debra Antney (manager et mère de Waka Flocka Flame), les danseuses de Magic City ou encore John Roberts (batteur de Janet Jackson). Kody zone, joue de hasard en hasard, passe de l’armurerie au barbier, du strip club à l’université, et rencontre sur sa route toute une galaxie de personnages qui ont façonné cette ville, musicalement et spirituellement. Pour

Conçu pour durer

Lost in Traplanta, qui devait clore un chapitre pour l’ancien Gasface, se présente comme un nouveau tremplin pour lui – la série (à voir sur arte.tv) a déjà remporté quatre prix dans des festivals (à Munich encore dernièrement). Il pense déjà à des suites, à Los Angeles ou en Jamaïque. Mais surtout, il continue de jongler avec différents supports. En effet, cela ne surprendra personne, Mathieu Rochet vient de finir l’écriture de son premier long-­ métrage de fiction, Jacques Martien, l’homme le plus dangereux du monde. L’histoire ? Un prof d’auto-école lyonnais est accusé d’avoir tué un prix Nobel et doit retrouver le vrai assassin pour empêcher la première guerre mondiale d’éclater. L’intention est claire : redonner ses lettres de noblesse à la comédie qui réfléchit. Quoi d’autre ? Une sitcom sur un rappeur has-been qui se fait virer de son label alors qu’il est en vacances, et se retrouve placardisé à l’étage des community managers à son retour. Ses influences puisent autant dans l’absurde d’un Boots Riley (Sorry to Bother You), la satire de la série 30 Rock ou les sitcoms des années 80 comme Cheers et Taxi. Et ce n’est pas fini. Pour se remettre d’un documentaire sur David Ginola qui n’a jamais pu voir le jour (dans lequel il analysait le destin du joueur devenu la bête noire du foot français), Mathieu a signé Un Prophète en survet, un portrait de la France des 90’s par le prisme du basket, via la star du streetball Moustapha Sonko. Comme La Cliqua, le fameux groupe de rap parisien de la même époque, ­Mathieu Rochet est conçu pour durer.   61


Lorsque la trap s’est démarquée de ses origines illicites pour devenir la force dominante du rap, il lui fallait une esthétique à la hauteur. Rencontrez le jeune photographe qui prend des images sans fard des plus grandes stars du genre.

Gunner Stahl

Sur la piste des trappeurs


YOUNG THUG L’un des artistes préférés de Stahl, le natif d’Atlanta est un pionnier de la nouvelle vague de rappeurs trap. Après six mixtapes acclamées, son premier album studio, So Much Fun, s’est classé en tête du US Billboard 200 en août dernier.

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J

onathan Simmons, alias Gunner Stahl, achète son premier appareil photo à un ami lors d’une soirée. Il a dix-huit ans. Malgré son échec à un cours de photographie, il ressent le besoin de photographier sa vie à l’école, dans les fêtes, les concerts. Une vie qui sera impactée par la scène trap qui explose alors aux USA depuis son Atlanta natal. La trap – un courant du hip-hop fait de textes et de mélodies rapidement esquissées sur un fond de snare, de charleston et de boîte à rythme Roland TR-808 au sub-bass puissant, puis immédiatement uploadées sur les plateformes de streaming – est devenue une force dominante du rap. Et les portraits intimes de Gunner Stahl, 27 ans, parviennent à canaliser cette énergie brute. L’Américain s’est taillé une place de choix dans cette scène en prenant des clichés sans fard des plus grandes stars de la trap comme Future et le super-­producteur Metro Boomin alors qu’ils se ­trouvaient à la Fashion Week de Paris, ou Gucci Mane pendant sa tournée. 64

­ ’attachement de Stahl à la photo en L 35 mm apporte une autre dimension à son esthétique recherchée, rendant son travail encore plus imprévisible dans un monde toujours plus numérisé. Mais c’est un médium qu’il a découvert par hasard : alors qu’il se préparait à documenter la tournée Yeezus de Kanye West à Atlanta en 2013, l’appareil photo de Stahl s’est brisé. L’appareil de remplacement proposé par un ami n’étant pas numérique, il fallait donc passer par un drugstore pour acheter de la pellicule. Stahl a depuis rejeté ces photos qu’il qualifie de « déchets », mais a continué de prendre des photos avec l’appareil et est tombé amoureux de la crudité du processus du film. Ce n’est qu’autour de 2014 que Stahl se lance dans la photographie musicale. Beaucoup de ses amis étaient musiciens et il avait même été nommé membre du collectif de rap local Two-9 après avoir simplement traîné avec eux en studio. Stahl a commencé à documenter leurs sessions d’enregistrement et leurs collaborateurs : les premières images de son flux Instagram incluent l’un des DJs de Two-9, Osh Kosh, aux côtés du styliste

« Si la personne ne m’inspire pas, je ne la photographie pas. »

Virgil Abloh, ainsi que des photos d’un Wiz ­Khalifa aux cheveux violets prises au ­moment où il est venu enregistrer avec le collectif. Stahl ne s’immisce pas dans le processus créatif de ceux qui l’entourent, ce qui signifie qu’en retour il a leur respect, et pour eux, ses photos constituent une rupture nécessaire. Elles apparaissent plus proches de la réalité et offrent aux fans un aperçu de leurs artistes préférés dans leur habitat naturel. « Je n’entretiens les relations que pour arriver à ce type d’images, explique Stahl. Si je ne suis pas passionné par la personne, je ne la photographie pas. » Mais la crédibilité de son travail a inévitablement transcendé les héros de sa ville natale, et lui a permis d’approcher des mégastars mondiales comme Ed Sheeran, Drake, Kanye West, Kylie Jenner, Post Malone, Miley Cyrus, Lana Del Rey et même Adam Sandler. Aujourd’hui, Stahl vit plutôt dans les hôtels : il passe la majeure partie de sa vie à se déplacer à la recherche de la meilleure photo. Il ressent ainsi une empathie plus profonde pour ses sujets et leur vie sur la route. Ses portraits sont réalisés entre les studios, les coulisses et les ­logements provisoires mais les images donnent l’impression d’être habitées. L’une de ses photos les plus emblématiques, la couverture de la mixtape éponyme de Playboi Carti, le natif d’Atlanta, parue en 2017, montre ce dernier confortablement affalé entre deux modèles dans une location de Los Angeles. À travers son travail, Stahl peut partager avec son public les pass « all-access » qu’il a obtenus pour suivre les stars de la trap. En 2017, il a créé une collection ­capsule de vêtements pour Puma et réalisé une exposition en galerie intitulée For You, Mom – un hommage à sa mère, décédée d’un cancer du sein. Récemment, Stahl a publié Gunner Stahl: Portraits, un ouvrage rempli de ses photos inédites préférées des trois dernières années avec des contributions de Swae Lee, du duo de trappeurs Rae Sremmurd et d’un célèbre photographe de rap des années 90, Chi Modu. Le livre a été présenté dans des galeries de trois villes : New York, Los Angeles et, bien sûr, Atlanta. Mais bien que son étoile grandisse, Stahl, à l’image de ses photographies, conserve les deux pieds sur terre. « Sois toi-même, dit-il. Alors les gens viendront davantage à toi. » Gunner Stahl: Portraits (Abrams) ; Instagram : @gunnerstahl.us THE RED BULLETIN


PLAYBOI CARTI « J’adore les yeux. Les yeux donnent l’image complète », dit Stahl. Avec cette photo cependant, le photographe prouve sa capacité à créer un moment intrigant en faisant exactement le contraire. Les yeux de ses sujets, ici le rappeur Playboi Carti et le mannequin Justine Mae Biticon, sont hors champ, ce qui éveille la curiosité et stimule l’imagination.


LIL UZI VERT Photographié durant le festival Rolling Loud à New York en 2016, le natif de Philadelphie est surtout connu pour son énorme succès viral XO Tour Llif3. « J’étais dans les coulisses, en train d’attendre, raconte Stahl. Tout à coup, il a traversé le service de sécurité. On a passé du temps ensemble, et je me suis habitué à sa personnalité. »


AMINÉ Le rappeur originaire de Portland s’exprime autant par l’humour surréaliste de ses visuels et de son esthétique aux couleurs vives que par les textes réfléchis et ses chutes auto-dépréciatrices. Pas surprenant qu’il ait développé une relation avec Stahl, un fan autoproclamé de comédies dites « mumblecore ».

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LIL BABY GUNNA Les deux artistes dont la popularité a explosé à Atlanta au cours des dernières années font preuve d’une solide éthique de travail, ­publiant individuellement plusieurs mixtapes chaque année. Ils ont aussi canalisé leur chimie naturelle dans la mixtape Drip Harder parue l’année dernière.

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LIL YACHTY Un sujet récurrent dans l’œuvre de Stahl. Le « King Of Teens » autoproclamé d’Atlanta était un personnage polarisant au moment de son apparition avec ses mélodies bubble-gum et ses paroles fantaisistes, mais il a explosé sa popularité auprès de ses fans et est devenu une icône dans le domaine de la mode.


NIPSEY HUSSLE Le rappeur, entrepreneur et activiste de Los Angeles a été assassiné devant son magasin, The Marathon Clothing, en mars, un peu plus tôt cette année – une perte énorme pour sa famille, ses amis et la communauté hip-hop à travers le monde. Stahl lui rend hommage avec des photographies inédites tirées de ses archives.

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PLAYBOI CARTI Après avoir réalisé la pochette emblématique de sa première mixtape, Stahl a continué à documenter la montée en puissance de Playboi Carti. Ici, le rappeur de Magnolia profite d’un moment en coulisses avec son mentor, A$AP Rocky.

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ROULER À NOUVEAU Comme le montre le nouveau documentaire Any One of Us, la vie de l'Américain PAUL BASAGOITIA a été bouleversée par un accident survenu au Red Bull Rampage. Le combat de l’ancien ­coureur pro pour retrouver sa place et son ­identité a été dur et est devenu une source d’inspiration que personne n’aurait pu imaginer. Lui le premier. Texte NEAL ROGERS  Photos DEWEY NICKS

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« Je n’ai plus à regarder en arrière – je vais continuer à regarder vers l’avenir », dit Paul Basagoitia, qui pose ici à Minden, N ­ evada (USA), le 2 août.


Sur un sentier près de Truckee, en Californie, Paul Basagoitia dans ce qu’il sait faire de mieux et adore : rouler à vélo.


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aul Basagoitia chevauche en VTT sur un sentier poussiéreux dans le Mount Rose Wilderness, à mi-chemin entre le lac ­Tahoe et sa maison à Reno dans le Nevada (USA). À un rythme soutenu. Durant les chaudes journées de juin, l’occasion de zigzaguer dans la forêt ombragée est la bienvenue. Un cycliste ordinaire observera que l’homme de 33 ans pédale sur un vélo de montagne électrique. Un observateur attentif remarquera qu’il porte une orthèse personnalisée à la cheville droite. Pratiquement personne ne pourra cependant déceler à quel point il aura du mal à marcher sans aide une fois descendu de vélo. Vu de l’extérieur, Basagoitia semble à l’aise, mais la navigation à travers les arbres n’était pas son point fort durant sa carrière de onze ans en tant que rider professionnel de VTT. Basagoitia a plutôt passé sa vie de cycliste sur le fil du rasoir. Quand il n’était pas en compétition, il essayait de trouver le terrain le plus raide et le plus raboteux que l’on puisse imaginer, pour dévaler sa pente à fond et s’élancer dans les airs. C’est ce genre de cyclisme – d’abord le slopestyle, sur des bosses artificielles et plus tard, les épreuves de VTT extrême –

qui a apporté à Basagoitia une renommée et une fortune relatives. C’était un phénomène sur bicyclette, gagnant sa vie à repousser les limites. Et c’est ce qui lui a causé une blessure à la moelle épinière qui a bouleversé sa vie en octobre 2015 lors du Red Bull Rampage. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, le documentaire Any One of Us sur sa réhabilitation lui redonne une certaine notoriété. Une description franche et sans détour de la réalité de la vie après une lésion à la moelle épinière (LM). Après avoir été présenté dans le cadre de festivals de cinéma durant le printemps et l’été, le documentaire a été acquis par la chaîne HBO qui l’a diffusé pour la première fois le 29 octobre, presque quatre ans jour pour jour après son accident. De retour sur son vélo et dépassant les attentes de ses médecins, Basagoitia est devenu une source d’inspiration pour tous ceux qui ont subi ce type de blessure. Une tournure douce-amère pour un homme relativement discret au sujet de sa vie privée qui n’a jamais cherché la gloire et qui a trouvé à la place le réconfort sur un vélo après une enfance mouvementée, vécue dans un motel miteux racheté par des parents en conflit. Basagoitia voulait être connu pour avoir fait évoluer son sport, pas pour une petite erreur lourde de conséquences. « Je suis un peu bouleversé à l’idée de cette diffusion sur HBO, nous disait Paul en août dernier. Il y a beaucoup d’amis et de membres de ma famille qui n’ont pas   75


encore vu le film. J’ai vécu des choses qu’ils ignorent. Disons que je suis à la fois impatient et nerveux. » Sa blessure n’est pourtant pas le point final de son histoire.

L’accident

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Cette photo capture Basagoitia lors des finales du dixième Red Bull Rampage le 16 octobre 2015, à Virgin, Utah, USA.

grave en regard de qui se produit habituellement au Rampage. Allongé au sol, sa première réaction est la colère. Il croyait être sur le chemin de la victoire et avoir enfin tout mis en place. Sa deuxième chance de gagner Rampage et de prendre sa retraite. « J’ai subi des accidents plus durs dans ma carrière et suis passé à travers, dit Basagoitia. Mais pour une raison quelconque, je suis retombé exactement sur la douzième vertèbre et l’impact a été assez important pour la briser dans ma moelle épinière. Je ne pouvais pas bouger les pieds ou les jambes. C’est là que j’ai su que c’était grave. » Vint ensuite un vol qui sembla ne jamais finir en hélicoptère vers l’hôpital. Après plusieurs scanners, on lui annonce qu’il doit subir une intervention chirurgicale. La procédure qui consiste à retirer des fragments osseux de sa moelle épi-

nière durera plus de dix heures. Il se réveille en vivant dans ce qu’il appelle son « nouveau corps », catégorisé « paraplégique T12 ». Sa moelle épinière n’a pas été complètement sectionnée ; elle est « incomplète », ce qui signifie qu’il y a encore des signaux nerveux en dessous du niveau de sa blessure. Les médecins lui disent néanmoins qu’il va probablement passer le reste de sa vie dans un ­fauteuil roulant. Il y a eu de graves accidents au Rampage par le passé, mais ­personne n’avait subi de blessures qui bouleversent une vie. Désormais, ­Basagoitia est paralysé.

La blessure

Les finales du Rampage avaient lieu un vendredi, le 16 octobre 2015. Les organisateurs avaient décidé de les avancer d’un jour en raison des orages qui menaçaient. THE RED BULLETIN

DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

Le Red Bull Rampage est un événement cycliste sans pareil. Le surf professionnel a sa grande compétition de grosses vagues à Mavericks. L’escalade, l’ascension en solo d’El Capitan. Le cyclisme de grande montagne a Rampage, au milieu des falaises désertiques près de Virgin dans l’Utah, un événement qui attire les riders de slope­style et de descente et les freeriders sur terrain naturel. La compétition se déroule dans un amphithéâtre naturel accidenté et exposé où les sauts de canyon de vingt mètres doivent être effectués au centimètre près et où l’effet de la brise peut transformer la gloire en échec. Pour Paul Basagoitia, Rampage représentait un défi certain. Il venait du monde du BMX et s’était fait connaître pour ses figures sur un VTT. La première fois qu’il a participé au Rampage en 2008, il a terminé douzième. Alors que le sport progressait, il s’efforçait de progresser avec lui. Lorsqu’une nouvelle génération de riders a commencé à le surclasser, il est devenu le premier coureur à faire un double backflip sur terrain naturel. Mais il s’est aussi lassé : des blessures, de la pression, de la lutte pour trouver des sponsors. Après avoir accompli une course unique, Basagoitia a terminé neuvième au Rampage de 2014, son meilleur résultat en carrière. Il sentait qu’il aurait pu mieux faire et peut-être même finir dans les trois premiers. C’est donc devenu son but pour mettre un point final à sa carrière : être sur le podium, utiliser l’argent du prix pour acheter une bague de fiançailles à sa petite amie de longue date, Nichole, et raccrocher son vélo. C’était le plan à l’approche de l’édition 2015 et pendant la première moitié de sa descente, tout semble sourire à Paul. Il réussit un saut périlleux au-dessus d’un canyon, la partie la plus difficile du parcours, suivi d’un 270 pour le plaisir, puis tape durement sur la réception. Mais il va plus loin que prévu. Pas de beaucoup, mais assez pour bouleverser sa vie. En essayant de rectifier, sa pédale droite a accroché une branche d’armoise sur le bord du sentier. Paul est projeté sur le dos, sur un rebord de 2,50 mètres de haut. Bien qu’il s’agisse d’un accident sérieux, il ne semble pas particulièrement


blessure, il est constamment en manque de sommeil ; on le réveille toutes les trois heures pour son cathéter et on lui administre des injections d’anticoagulant toutes les huit heures. Dans les vapes, Basagoitia ne pense plus à gagner Rampage, vraiment plus. Il se demande plutôt s’il va pouvoir simplement enfourcher un vélo à nouveau.

Le documentaire

Basagoitia s’est réveillé ce matin-là confiant, mais aussi tendu. Il n’avait pas encore préparé tout son tracé, mais c’était son cinquième Rampage, et tous les riders étaient dans la même situation. « Les conditions météorologiques allaient bientôt se dégrader, dit Basagoitia. Au lieu d’attendre que cela passe, ils ont avancé les finales d’un jour et personne n’avait fait sa piste. La veille, les sauts n’étaient même pas à moitié terminés et les riders tâtonnaient encore en faisant leurs pistes et tombaient de tous côtés. Et puis voilà, c’est ton tour, un hélicoptère te fait face, les chaînes nationales retransmettent l’événement en direct, et tu te lances pour la toute première fois. » Basagoitia figure parmi les nombreux riders qui ont subi un accident ce jour-là. Les images de la caméra fixée à son casque, montrées dans Any One of Us ont saisi le moment où THE RED BULLETIN

BASAGOITIA INSÈRE UN CATHÉTER DE 36 CENTIMÈTRES DANS SON PÉNIS AFIN DE VIDER SA VESSIE. ET SE FILME, SEUL. Nichole l’a rejoint au sol – au moment où leur vie a changé à jamais. « Je ne peux pas bouger mes pieds », dit-il, la panique pointant dans sa voix. Il est transporté par les airs vers St. George et reçoit le diagnostic qui va bouleverser sa vie à jamais. Il ne pourra plus jamais marcher. Ses fonctions intestinales, vésicales ainsi que sexuelles sont affectées, peut-être pour toujours. En plus du stress émotionnel et physique de la

Allongé sur son lit d’hôpital, Basagoitia a du temps devant lui ainsi qu’une nouvelle caméra vidéo reflex numérique, un appareil photo GoPro et de nombreuses questions sans réponse au sujet de sa blessure. Il se sent perdu, mais il pense qu’il pourrait produire quelque chose qui sera utile aux personnes ayant subi une LM. Il espère également pouvoir documenter sa progression. L’idée d’impliquer Red Bull Media House dans ce projet ne lui vient que près d’un an plus tard. « Me voici dans un lit d’hôpital en train de penser à la façon dont je vais payer mes factures de soins, dit Basagoitia. Je commence à filmer ma progression et je me dis que je vais faire une petite vidéo, la vendre sur iTunes ou ailleurs, et tout ce que je vais récolter d’iTunes servira directement à payer les factures médicales. J’allais tout documenter. Je voulais voir mes progrès au fil du temps. Quand on est dedans, en pleine rééducation, on ne peut pas la voir. C’est paradoxal, car il faut justement pouvoir voir ces progrès pour entretenir la motivation et persévérer. » Une scène au début de Any One of Us ne laisse pas indemne. Seul et nu dans une salle de bain, quelques semaines seulement après sa blessure, Basagoitia insère un cathéter de 36 centimètres dans son pénis afin de vider sa vessie. C’est cru – et d’autant plus impressionnant qu’il a filmé tout seul. « La scène du cathéter, les gens me disent que c’est ce qu’ils ont vu de plus lourd dans tous les documentaires qu’ils n’ont jamais regardés. » Avant ce moment pendant son rétablissement, Basagoitia avait un cathéter inséré en permanence et vidé par les infirmières. Quand elles lui ont enlevé, il croyait qu’il serait capable d’uriner tout seul. Quand on lui a tendu le bâtonnet du cathéter, sa réaction était prévisible. « Je refusais de m’insérer ce truc, hors de question, dit-il. Je me souviens de l’avoir fait une première fois et j’en ai pleuré. Deux semaines plus tôt, j’étais en compétition au plus haut niveau au Rampage à la télévision nationale – une célébrité   77


PAUL COMMENCE À VIVRE AVEC SA BLESSURE TOUT EN VIVANT AVEC UNE ÉQUIPE DE TOURNAGE.

que ce n’était pas son premier choix. « Je ne voyais pas cela comme une occasion de faire un film, dit-elle. Mais Paul a eu une idée dès le début : il voulait se différencier et utiliser sa caméra. Il voulait filmer son rétablissement et son voyage. Je me souviens d’avoir entendu : “Nous pourrions en faire un film”, et je me disais : “Mais de quoi parlent-ils ? C’est de la folie, c’est la dernière chose dont on a besoin.” » Le documentaire se concentre sur Basagoitia et met aussi en lumière l’étendue des accidents et des expériences qui font partie de la vie avec une lésion de la moelle ­épinière. Nous apprenons aussi l’histoire de 17 autres personnes qui vivent avec une LM par le biais d’épisodes intercalés. Les membres de l’équipe de production les ont appelés « le chœur dans le film ». « À l’origine, le film ne parlait que de l’histoire de Paul, de son rétablissement, de ses expériences, explique Villena à propos du chœur, une idée qui n’a été mise en œuvre que tardivement dans la production. Mais comme vous le voyez dans le documentaire, sa guérison est carrément miraculeuse, c’est ahurissant. L’idée était la suivante : c’est génial que Paul se rétablisse et c’est intéressant pour le film, mais il y a une histoire beaucoup plus importante.

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE

quoi – et je suis passé de cela à apprendre comment m’insérer un cathéter de 36 centimètres. Ça m’a méchamment pris par surprise. » Avant que Red Bull Media House ne s’implique dans le documentaire, Red Bull accompagne Paul dans son rétablissement. Le pilote a été sponsorisé pendant des années et s’est lié d’amitié avec le manager d’athlètes, Aaron Lutze. Ce dernier était présent lorsque Basagoitia est sorti de la salle d’opération et s’est assuré qu’il puisse intégrer pour douze semaines l’hôpital Craig, près de Denver, un établissement de premier ordre pour le traitement des lésions à la moelle épinière. Quelques mois plus tard, Lutze a rendu visite à Basagoitia chez lui, à Reno. Ensemble, ils ont regardé le docu Crash

Reel consacré au snowboardeur professionnel Kevin Pearce et à son rétablissement après un traumatisme crânien. « Je savais que Paul filmait son rétablissement, mais il ne savait pas vraiment ce qu’il allait en faire, ce n’était pas clair si cela allait devenir un film, dit Lutze. Quand Crash Reel a été terminé, Paul a dit : “Je veux faire quelque chose comme ça mais pour des blessures à la moelle ­épinière.” » Après quelques coups de téléphone, le projet de documentaire de Paul est approuvé. Très tôt, il est convenu que tous les bénéfices du film iraient à Wings For Life, une fondation à but non lucratif qui se consacre à la recherche d’un traitement contre la paralysie. Basagoitia s’est envolé pour Los Angeles et a rencontré Fernando Villena, un monteur de longs métrages et de documentaires qui avait été sollicité pour épauler Paul dans ses débuts à la réalisation. À partir de là, Basagoitia a commencé à jongler avec deux réalités qui ont changé sa vie : vivre avec sa blessure tout en vivant avec une équipe de tournage. Interrogée sur la possibilité d’inviter une équipe de tournage dans un environnement familial qui se remet à peine d’une catastrophe, sa compagne Nichole admet

Après son accident, Basagoitia a été transporté par hélico à St. George, où il a subi dix heures de chirurgie.

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L’utilisation d’un VTT électrique a p ­ ermis à Basagoitia de ­retrouver un certain niveau de riding.


UNE SÉANCE D’ENTRAÎNEMENT DE 90 MINUTES TOUS LES MATINS, AXÉE SUR LA FORCE MUSCULAIRE, LE RENFORCEMENT MUSCULAIRE ET LE CARDIO.

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE

C’est le quotidien de Paul Basagoitia, l’ex-pilote VTT pro, depuis qu’il vit avec une lésion de la moelle épinière.

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Qu’en est-il des gens qui ne s’en remettent pas, qui ne peuvent rien bouger, et encore moins marcher avec des béquilles ? Il y a un récit plus vaste, sur la façon dont les gens gèrent leur blessure. » Parmi les personnes que le docu nous présente, il y a l’Australien Sam ­Willoughby, double champion du monde de BMX, qui s’est brisé des vertèbres en 2016. Il y a aussi Jesse Billauer, un surfeur qui a subi une lésion complète de la moelle épinière à l’âge de 17 ans sur un banc de sable peu profond en 1996. Et il y a Annette Ross, qui a reçu un mauvais analgésique pour une péridurale pendant son accouchement en 2000, qui a brûlé sa moelle épinière, et Steph Aiello, qui a subi un accident de voiture en 2010 qui l’a paralysée de la taille vers le bas. « Tout était au service de l’histoire de Paul, poursuit Villena. Son histoire bénéficie de ces autres récits pour ajouter de l’information, pour dire les choses qu’il ne peut dire à ce moment-là dans le film. Non seulement le chœur élargit la portée, mais il approfondit aussi ce qu’il ressentait et ce qu’il traversait. » L’un des moments les plus marquants du film vient après que Basagoitia soit rentré de l’hôpital Craig, où on le voit ­lutter contre la dépression tout en apprenant à s’adapter à sa nouvelle situation. Il utilise un déambulateur pour atteindre lentement les boîtes aux lettres de son quartier ; la scène est juxtaposée à des images de lui dans la fleur de l’âge, volant dans les airs, réalisant l’impossible apparemment sans efforts. La scène se termine alors qu’il met une pile de factures médicales dans son corset lombaire. Any One of Us se termine sur Basagoitia faisant son premier tour à vélo depuis son accident. Il montre aussi plusieurs membres du chœur qui profitent de la vie après avoir subi un traumatisme de la moelle épinière, en train de se joindre à une troupe de danse, de faire du surf, de jouer au basket-ball et de marcher sur une scène pour la remise d’un diplôme d’études secondaires. La fin exaltante d’un film difficile qui procure aux spectateurs une nouvelle appréciation de leur propre mobilité, ainsi que de nouvelles perspectives sur la vie de ceux qui sont paralysés.

La vie avec...

Nous sommes en février, le printemps approche à grands pas et la vie est sur le point de changer radicalement (à nouveau) pour Basagoitia. Il a commencé il y a quelques mois un nouvel emploi dans THE RED BULLETIN

LA CAPACITÉ DE TRAVERSER LES AIRS AVAIT DÉJÀ ÉTÉ RETIRÉE À BASAGOITIA. C’EST À CE MOMENT QU’IL EST LE PLUS HEUREUX, QUAND IL EST EN PAIX.

Le film montre des images de Paul, petit, déjà un as sur deux roues.

une entreprise de chaussures de vélo de montagne de pointe, Ride Concepts, située à Truckee, dans les environs. Il gère les athlètes mondiaux de la marque et contribue également sur le plan créatif. Il a déjà réuni une équipe d’athlètes sponsorisés dont Strait et la fratrie Atherton, Rachel, Gee et Dan. Une semaine après notre interview, il ira au festival South by ­Southwest à Austin pour la première d’Any One of Us. En avril, il se rendra à la Sea Otter C ­ lassic, le plus grand événement cycliste des États-Unis, où il travaillera sur le stand de Ride Concepts. Pour Basagoitia, vivre avec une LM signifie une séance d’entraînement de 90 minutes tous les matins, axée sur la force musculaire, le renforcement musculaire et le cardio. Il a pris conscience du fait qu’il ne retrouvera peut-être jamais de sensation à partir des genoux en descendant et que ses fessiers ne fonctionneront peut-être plus jamais correctement. Il fait donc tout son possible pour renforcer le reste de son corps. Comme il ne peut pas utiliser ses fesses, il porte son poids dans le bas de son dos et il compte

sur les muscles fléchisseurs de ses hanches pour faciliter sa marche. Le résultat final est une douleur fréquente et des spasmes musculaires. Comme le montre l’une des dernières scènes d’Any One of Us, Basagoitia est de retour sur un vélo. Il peut utiliser ses quadriceps et ses ischio-jambiers, les deux groupes musculaires les plus importants pour pédaler, mais il ne sent pas les pédales. Observez-le attentivement quand il roule, vous verrez qu’il vérifie constamment la position de ses pieds sur les pédales. Alors que le film s’achève sur sa première sortie, il est maintenant rendu bien plus loin, avec un vélo électrique à pédalage assisté sur les sentiers, ce qui lui permet parfois de faire un petit saut. Nichole dit que voir Basagoitia pédaler à nouveau sur un vélo a été une transformation pour tous les deux. « Ça lui apporte un tout nouveau bonheur, ditelle. Je pense qu’il a trouvé ce nouvel amour pour le vélo qu’il n’avait probablement jamais ressenti. Je pense que le temps qu’il a passé sur le vélo était extrêmement compétitif. Maintenant, la seule personne avec qui il fait de la compétition sur son vélo, c’est lui-même, et rien que lui-même, et je pense qu’il trouve tellement de joie à savoir qu’il peut repousser les limites. C’est une guérison pour lui. Maintenant, il saute, ce qui me rend un peu nerveuse, mais la joie qu’il en tire, ce qu’il poste, il est high, et je veux le ­garder high. » La capacité de traverser les airs avait déjà été retirée à Basagoitia. C’est à ce moment qu’il est le plus heureux, quand il est en paix.

Une communauté

En s’adaptant à sa nouvelle vie, Paul Basagoitia s’est aussi adapté à son rôle permanent au sein de la communauté LM. Il reçoit des courriels « au moins une fois par semaine » d’une nouvelle ­personne qui a subi une blessure qui a bouleversé sa vie. À Reno, un ami qui ­travaille au centre de traumatologie de l’hôpital local le contacte chaque fois qu’il y a un nouveau patient qui a subi une LM. En voyage, dans les festivals de cinéma, il est souvent approché par des personnes qui partagent des détails intimes sur leurs propres défis, qu’il s’agisse d’une blessure à la moelle épinière, de dépression ou de toxicomanie. On vient se confier à lui. « Paul donne à beaucoup de gens l’espoir qu’il y a une lumière au bout du tunnel, qu’il faut continuer, dit Nichole. Quand l’accident s’est produit, je pense que son   81


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Sur un vélo emprunté à Cam Zink, Basagoitia passe du statut d’inconnu à celui d’étoile ­montante en triomphant en slopestyle lors du Crankworx 2004 à Whistler, au Canada.

C’est dans l’air

Paul Basagoitia souffre de vertiges. Cela peut sembler une forme d’humour noir venant d’un homme dont l’ancienne ­carrière comportait des sauts de vingt mètres, mais c’est la vérité – ce qui rend d’autant plus intéressant le fait qu’il cherche maintenant à obtenir une licence de pilote. L’un de ses bons amis est capitaine d’équipage chez SkyWest Airlines. Après l’accident de Basagoitia, il l’a emmené faire un vol sur un Cessna Skywagon. Dans les airs, Basagoitia a pris les commandes. Il a fait quelques virages et a été conquis. Sa blessure ne l’empêche pas d’utiliser les pédales ; bien qu’il ne puisse faire de dorsiflexions, il est capable

BASAGOITIA SERA BIENTÔT UN HOMME MARIÉ. IL A FAIT SA DEMANDE À NICHOLE EN OCTOBRE 2017 À MALIBU, DEUX ANS APRÈS L’ACCIDENT.

de manœuvrer et de ralentir l’avion à l’aide de ses talons. Et, autre périple, Basagoitia a repris contact avec sa mère. Ils ne s’étaient pas parlé depuis plusieurs années avant son accident et cela s’est encore prolongé ­pendant une bonne partie de la première année de son rétablissement. « Elle se ­faisait du souci, mais j’étais tellement concentré sur mon rétablissement que je ne voulais pas essayer de régler notre relation en même temps, dit Basagoitia. Mais en ce moment, nous discutons une fois par semaine, ou toutes les deux semaines. C’est beaucoup mieux maintenant que ça ne l’a jamais été depuis de nombreuses années. » Elle assistera peut-être à son mariage. Car Basagoitia sera bientôt un homme marié. Il a fait sa demande à Nichole en octobre 2017 à Malibu, deux ans après son accident. Dans l’une des dernières scènes du film, il met sa canne de côté, se dirige vers elle sans aide, s’agenouille et fait sa demande. Ils ont d’abord envisagé de se marier à Talum, au Mexique, mais ils ont plutôt choisi le lac Tahoe, en partie parce que son père ne prend pas l’avion. La date a été fixée au 20 février THE RED BULLETIN

YORICK CARROUX/CRANKWORX

identité lui a été complètement enlevée. Il a appris à partager le fait que l’on peut retrouver sa vie et son identité. Il a été une telle source d’inspiration pour tant de gens à leur montrer qu’il ne faut pas laisser ces blessures vous définir. C’est ­tellement cool de voir cela. Je ne crois pas que cela faisait partie de ses plans, mais je pense qu’il se réjouit d’apporter autant à tous ces gens, et il ne se rend même pas compte que c’est exactement ce qui est en train de se produire. » Basagoitia reconnaît que c’est un rôle qu’il apprend à assumer bien que cela ne soit pas toujours facile. Répondre à des courriels ou à des questions après une ­projection est une chose. Mais aller aux soins intensifs et rencontrer quelqu’un qui vient d’apprendre qu’il ne marchera peut-être plus jamais en est une autre. « Je leur parle de ma situation et de ce que j’ai fait, et j’essaie de les encourager, explique-t-il. Je trouve cela gratifiant bien que cela soit aussi difficile parce que ça remue des souvenirs. Les deux p ­ remières semaines après une lésion de la moelle épinière sont littéralement les deux pires semaines de votre vie parce que vous souffrez tellement, vous ne ­pouvez pas bouger, vous ne ressentez rien. L’avenir est incertain. Je leur dis : “Ne lâche pas. Garde la tête haute. On ne sait jamais ce qui peut arriver. La route sera longue.” » Il renchérit : « Moi aussi, j’ai parfois du mal avec ça. Je me dis : “Sérieux, c’est vraiment moi, ça, pour le reste de ma vie ?” La réalité nous rattrape parfois. Je me retrouve à broyer du noir et à me dire : “Ce n’est pas comme ça que je m’étais imaginé ma vie.” J’ai du mal à penser à cela, et puis l’autre côté de mon cerveau me dit : “Tu es tellement remonté. Tu as fait tellement de chemin. Tu es toujours capable de pédaler à vélo. Tu es totalement indépendant ; tu n’as pas à compter sur qui que ce soit pour t’aider. Profites-en.” Je peux dire que j’ai ça. » Avec Any One of Us sur le point d’avoir une importante diffusion, la visibilité de ­Basagoitia et de Nichole à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté LM est sur le point d’exploser. « Idéalement, j’espère que rien ne changera vraiment radicalement, dit-elle. J’aime ma vie et nos vies ensemble. Je sais que c’est plus important que nous, et j’en suis si reconnaissante. Mais il est aussi très important de rester humble, et il y a tant de personnes qui ont subi une lésion de la moelle épinière et on ne leur a pas donné l’occasion de raconter leur histoire. »


­ asagoitia. Pour l’instant, on ne se voit B pas avec des enfants de sitôt. Mais cela ne veut pas dire qu’on n’en aura pas. Après mon accident, la dernière chose que je voulais, c’était d’avoir un enfant et de ne pas pouvoir lui montrer comment faire du vélo ou de marcher dans le parc. Ça m’aurait tué de ne pas pouvoir tenir mon propre enfant dans mes bras, ni de le lancer dans les airs. J’étais terrifié à l’idée que je n’y arriverais peut-être jamais. Je peux cependant lui montrer comment faire du vélo, ça je peux le faire. Peut-être pas le lancer dans les airs, mais je peux certainement lui montrer comment faire du vélo. »

Quel héritage ?

AVANT DE SUBIR SA BLESSURE, LE ­PILOTE INSPIRAIT SES FANS. DEPUIS, IL N’A CESSÉ DE LES INSPIRER. 2020, bien que cela puisse ne pas se ­produire comme prévu. « Nous allons ­rester ensemble jusqu’à notre mort, si Dieu le veut, alors il n’y a pas vraiment d’urgence à célébrer notre union, dit Nichole. Nous sommes toujours dans l’après-coup du tournage et des festivals de cinéma. La planification d’un mariage n'est pas une priorité. » Et même s’il utilisera peut-être une canne le jour venu, Basagoitia marchera plutôt qu’il ne roulera dans l’allée à son mariage. Et qu’en est-il de l’avenir à long terme ? Et des enfants ? Pour l’instant, c’est une éventualité – toujours dans le domaine du possible, comme le révèle l’une des scènes plus légères et plus exaltantes de Any One of Us. « Nous parlons constamment de la question des enfants, dit THE RED BULLETIN

De retour à la randonnée sur vélo dans le Mount Rose Wilderness par une chaude journée de juin. Nous avons atteint le sommet de l’ascension. Nous nous sommes arrêtés pour reprendre notre souffle et contempler la vue à partir du Mount Rose. Le plus dur est maintenant derrière nous. C’est comme la vie de Paul Basagoitia en ce moment. Le plus dur est derrière lui. Mais cela ne sera jamais facile. À ce stade-ci, c’est une question de perspective. Concilier ce qu’il avait avant et ce qu’il a maintenant – et ce qu’il aurait pu avoir. D’un côté, c’est un athlète d’élite qui volait dans les airs avec grâce. D’un autre, il peut marcher avec une seule canne. Il peut encore faire du vélo. « Mon père disait souvent pour plaisanter que je faisais du vélo avant de marcher. Ce qui était vrai, et ce qui est toujours vrai. » Une partie de cette perspective consiste à concilier sa nouvelle identité avec ce qu’il était avant son accident. « Cette blessure va me suivre pour le restant de mes jours, dit-il. Même quand je poste une vidéo ou une photo de moi à vélo, les gens disent : “Oh, je suis si content de te revoir à vélo après ta blessure.” Je fais du vélo depuis deux ou trois ans ! On croit que je suis de retour sur le vélo seulement maintenant ? Ça fait des années que je refais du vélo ! » Je dis que cela me semble une remarque naturelle et bien intentionnée. Qu’est-ce qu’on devrait dire alors ? « “Beau style”, répond-il. Ou “Quelle allure”. Je ne sais pas, moi. Je ne sais pas quelle est la bonne réponse, mais chaque fois que ­j’affiche une photo de moi sur un vélo, c’est toujours : “Content de te revoir à vélo après ta blessure.” C’est toujours lié à cette blessure. Peu importe ce que je fais.

Je pouvais vivre avec ça la première ou les deux premières années, mais cela va bientôt faire trois ans… » Trois ans, et un film. « Et c’était une chose au sujet de ce film. J’ai réalisé un max de trucs cool en vélo de montagne. J’ai vraiment accompli des choses exceptionnelles dans ce sport. Mais ce qu’on retiendra de moi, ce sera cet accident. Les gens oublient le titre de Crankworx ou que j’ai été la première personne à faire un 720 en VTT. Je vais être connu pour avoir fait une erreur aux conséquences désastreuses. Mon héritage sera de rester dans les mémoires comme le kid qui a subi un accident qui l’a laissé paralysé au Rampage. » Mais tout cela fait partie du même héritage, lui dis-je. Tout est lié. Avant sa blessure, Basagoitia inspirait ses fans. Depuis, il continue de les inspirer. Avant sa blessure, il a lutté, s’est débattu et a surmonté les obstacles. Depuis, il fait la même chose. Il ne s’est pas résigné. Il s’est défendu. Il a surmonté les obstacles. Et ça, je dirais, c’est l’histoire de Paul Basagoitia. « Je pense que c’était l’histoire de toute ma vie, résume-t-il. Grandir, vivre dans une chambre d’hôtel, se ­présenter au plus grand événement, Crankworx, avec un vélo emprunté, sans sponsor… J’ai été un outsider toute ma vie. Avec cette blessure, les chances que je récupère autant que je l’ai fait… J’étais vraiment un outsider. Donc si je restais connu pour ça – “Ce mec a reçu des cartes de merde à la naissance mais il a toujours tiré le meilleur parti de la situation, il s’est toujours défendu” – alors je crois que je serais heureux. » Qu’il le veuille ou non, ce sera ça, son héritage. La page s’est tournée quand il a été blessé à la moelle épinière. Mais ce n’était pas le dernier chapitre. « Je n’aurai plus à regarder en arrière, dit-il. Je vais continuer à regarder vers l’avenir. L’un de mes amis m’a donné le meilleur conseil qui soit. Il m’a dit : “Tu ne peux pas t­ oujours regarder en arrière dans la vie, Paul, ça ne fait que te donner mal au cou.” Et c’est foutrement vrai. » Et à ces mots, dans un nuage de ­poussière, Paul Basagoitia part, volant gracieusement sur la piste à une vitesse impressionnante. Tout le reste – les festivals de cinéma, le nouveau boulot, la physiothérapie, la planification du mariage – attendra. Pour l’instant, il est en transe, totalement en paix. Pour l’instant, il ne regarde pas en arrière. Il attend, avec impatience.   83



guide au programme

TEST FATAL

Est-ce que des montres pourront résister à une pression de folie, par 11 km de profondeur ? PAGE 90

CARTE VITALE

Ida Mathilde Steensgaard assure dans le biz et dans la perf. Comment allier les deux ? PAGE 92

KONSTANTIN REYER

VIENS DONC...

Dans le Verdon ! Pour un séjour de grimpe dans le Grand Canyon européen avec Stefan Glowacz. PAGE 86

THE RED BULLETIN

ÉCRAN TOTAL

Action, dépassement et inspiration : c'est 7/7, 24/24, sur Red Bull TV. Le programme du mois. PAGE 94

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GUI D E

Faire.

En mode Glowacz : le Bavarois (54 ans) légende de l’escalade accompagne le groupe durant une semaine dans le sud de la France.

GORGES DU VERDON

SECRETS (ENCORE) BIEN GARDÉS Destination Red Bull vous propose des voyages hors du commun avec des athlètes d’exception. Découvrez le paradis français de l’escalade avec l’aventurier Stefan Glowacz.

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assionné d’escalade et d’aventure, les gorges du Verdon me fascinent depuis plus de vingt ans. Creusé patiemment depuis des millions d’années par la rivière éponyme, ce gigantesque défilé de 40 kilomètres en Provence, à deux heures de

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v­ oiture à l’ouest de Nice atteint sept cents mètres de profondeur. Cela lui vaut d’être aujourd’hui surnommé le « Grand Canyon de l’Europe ». Ses parois rocheuses escarpées sont un éternel enchantement et la qualité du calcaire est exceptionnelle.

Symbole du Verdon : les majestueuses falaises calcaires.

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voyage

INFOS

LE GRAND CANYON EUROPÉEN

Falaises de calcaire escarpées, BASE jump et rivière des enfers, le Verdon est la promesse d’une pure aventure.

Paris

France Les participants au voyage découvrent le Verdon dans le confort d’un van aménagé. La Palud Nice

Un van vous attendra à votre arrivée à ­l’aéroport de Nice pour un transfert à La Palud, point de départ de votre voyage en compagnie de Stefan Glowacz.

TEMPS FORTS

KONSTANTIN REYER, GETTY IMAGES

Expert de l’outdoor : Glowacz a mené des expéditions au Groenland et en Antarctique.

Je m’y rends q ­ uasiment chaque année pour grimper, mais aussi pour jouir de l’art de vivre local dont l’authenticité a su être préservée. Les dix jours de notre voyage Destination Red Bull suffisent amplement pour explorer la vaste vallée. Ma connaissance intime du Verdon me permet de vous faire découvrir des voies qui ne figurent pas dans les guides d’escalade. Un petit avantage issu de mes liens d’amitié avec la population locale. Le choix des voies d’escalade est fonction du niveau des participants. C’est à dire que je définis l’itinéraire selon les capacités du groupe, en faisant bien attention à ce que chacun se sente à l’aise

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« Ce voyage, c’est l’occasion de transmettre l’expérience acquise au cours de mes q ­ uarante ans de c­ arrière ­d’escalade.  » sur les parois et les chemins ­choisis. Nous procédons de manière progressive en commençant par des voies abordables situées aux abords de la gorge afin de s’habituer dans un premier temps à la qualité de la roche

LE STYX DU VERDON Le Styx est, dans la mythologie grecque, le fleuve des enfers. La référence à ce dernier tient au fait que le Styx du Verdon disparaît sous un énorme chaos ­rocheux dans un passage resserré pour suivre son cours sous terre. VILLAGE SPORTIF « Le village de La Palud n’a guère changé depuis vingt ans, explique Stefan Glowacz, expert du Verdon. ­Alpinistes et BASE jumpers s’y attardent volontiers tant l’ambiance est chaleureuse, d’autant plus qu’à notre arrivée en septembre, la plupart des ­touristes sont déjà repartis. »

BON À SAVOIR QUEL EST LE NIVEAU D’ESCALADE EXIGÉ ? « Nous sélectionnons un circuit adapté à tous les ­participants, précise Glowacz. Un niveau de cotation 6 et une bonne maîtrise des techniques de l’assurage ­permettent de profiter pleinement du voyage. » ET LA NOURRITURE  DANS TOUT ÇA ? Plats faits maison avec les produits frais du super­ marché de La Palud. Pour l’amateur de fourgon qu’est Glowacz, voyager vrai c’est « cuisiner ensemble et barbecue au feu de camp le soir venu ».

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GUI D E

Faire.

voyage

DESTINATION RED BULL

VOS AVENTURES AVEC DES ATHLÈTES

Initiez-vous à la MotoGP sur circuit privé, ­visitez New York dans un mode exclusif ou pratiquez le triathlon avec un crack du Ironman Hawaï, bien d’autres aventures encore sont possibles.

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AVEC SETE GIBERNAU ET DANI PEDROSA Améliorez votre technique de pilotage sur le circuit ­privé avec Sete Gibernau, légende du MotoGP et vivez le GP de Barcelone en VIP dans les coulisses.

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SPIELBERG

AVEC MARK WEBBER Expérimentez le Grand Prix d’Autriche en VIP, p ­ rofitez de l’hospitalité de la Styrie et aventurez-vous sur le circuit dès le lendemain de la course.

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Autour du feu : cuisiner, pour Stefan Glowacz, c’est au grand air et ensemble.

locale. Pour être à l’aise dans cette escapade provençale, je vous conseille d’avoir au moins un niveau 6 en escalade (échelle française) et de maîtriser les techniques d’assurage. À l’intérieur de la gorge, des guides de montagne aguerris nous accompagnent et prennent en charge l’équipement et la sécurité. Ce que j’aime en tant que grimpeur et aventurier, c’est de partager mon style de vie avec les hôtes. Le fait de se d ­ éplacer et de vivre dans des fourgonnettes est pour moi un élément essentiel de cette expérience qui résume à elle seule toute ma vie. J’aime cette liberté de pouvoir changer d’endroit chaque soir et faire halte dans un lieu agréable. Se réveiller au petit matin pour admirer le lever du soleil, préparer du café au grand air et déguster ensemble des grillades le soir venu en échangeant les impressions sur la journée écoulée. La présence d’un supermarché à La Palud facilite l’achat de produits frais. La cuisine est l’affaire de tous et nous saurons vous sustenter avec de bons petits plats. Pendant notre voyage, je m’attacherai également à transmettre

autant que faire se peut, l’expérience acquise au cours de mes quarante années d’escalade et d’expéditions. Cela ne se limite pas à l’escalade en soi, mais couvre aussi la préparation d’une expédition ou d’un campement dans des lieux retirés. Je passe en revue les erreurs à éviter et les stratégies éprouvées sur le terrain. Bref, je mets tout mon savoir à la disposition de mes compagnons d’aventure. Alors que devez-vous attendre de notre voyage ? Pour moi, la vie se compose d’une suite de moments. Plus ils sont intenses, plus ils deviennent inoubliables. J’ai vécu beaucoup de moments forts dans les gorges du Verdon : debout face au paysage avec des vautours qui planent juste au-­ dessus de ma tête et que j’accompagne du regard ou encore assis dans la gorge au bord de la rivière contemplant l’eau qui scintille, jouissant de tout mon être de ­l’instant présent. Ces moments occupent une place p ­ articulière dans ma vie. Et il me tient à cœur de les faire vivre à mes invités. Voyage Destination Red Bull avec Stefan Glowacz : du 11 au 20 septembre 2020.

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KONSTANTIN REYER

NEW YORK

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HORS DU COMMUN Le prochain numéro le 20 février avec    et le 5 mars avec  dans une sélection de points de vente et en abonnement LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL


GUI D E

Avoir.

L’OMEGA ULTRA DEEP

MONTRE DES PROFONDEURS Les Suisses d’Omega ont fabriqué une montre qui a accompagné Victor Vescovo dans la fosse des Mariannes, fixée sur l’extérieur du sous-marin de l’explorateur.

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En haut à gauche dans le sens des aiguilles d’une montre : le DSV Limiting Factor, lors d’une plongée précédente de la mission Five Deeps dans l’océan Austral ; Vescovo ; maquette de la montre sur bras robotique.

CHRISTINA LOCK

le multimillionnaire, qui a bâti sa fortune à Wall Street. Lors de la première plongée de l’expédition dans la fosse de Porto Rico en Atlantique, l’horloger suisse Omega découvre que Vescovo porte une Omega Seamaster, l’un de ses modèles. Le fabricant helvète propose de réaliser une montre capable de résister aux mêmes pressions externes que le sous-marin. Il recourt donc à des morceaux de la coque du vaisseau en titane de grade 5. Trois exemplaires accompagnent Vescovo lors de sa descente dans le Challenger Deep : deux sont fixés aux bras du robot du Limiting F ­ actor et le troisième à l’un de ses trois trains d’atterrissage. Alors qu’il

TOM GUISE

Résister

Omega Seamaster Planet Ocean Ultra Deep Professional En avril dernier, lorsque l’explorateur Victor Vescovo s’enfonce vers le point le plus profond des océans, il porte à son poignet une montre capable de résister à 11 000 m de profondeur et à une pression plus de 1 000 fois supérieure à celle de la surface de la Terre. Un défi que le fabricant de la première montre à atterrir sur la Lune a accepté de relever.

FIVE DEEPS EXPEDITION, OMEGA SA

V

ictor Vescovo est un ­habitué des exploits audacieux. Ce Texan de 53 ans, ancien officier de marine, aviateur et pilote d’essai de sous-marin, a accompli le Grand Chelem des Explorateurs – ascension des plus hauts sommets sur les sept continents et se rendre en ski au centre des deux pôles. En avril dernier, il plonge à quatre reprises dans la fosse des Mariannes jusqu’au Challenger Deep, point le plus profond jamais mesuré dans l’océan Pacifique. Une profondeur de 10 994 m, soit plus de 2 km de plus que l’Everest, mais avec une pression atmosphérique mille fois supérieure à celle de la surface de la Terre. « Dire que l’environnement est hostile est un euphémisme, explique Vescovo. Le fait qu’aucun sous-marin ne l’a effectué plus d’une fois, me pousse à réfléchir à un submersible capable de répéter l’opération de manière fiable. » La réponse nécessitera plus de 32 millions d’euros, coût du DSV Limiting Factor, un submersible biplace entièrement financé par Vescovo pour l’expédition Five Deeps, avec pour objectif d’atteindre le point le plus profond des cinq océans. « Je ne voulais pas de partenariat afin de garder le contrôle total », précise

THE RED BULLETIN


montres

SAVOIR-FAIRE

LA MONTRE DE PLONGÉE ­ABSOLUE

L’Omega Ultra Deep est une conception innovante ­ alliant la résistance d’une coque d’un sous-marin à la grâce d’une créature de l’océan. L’histoire qu’Omega entretient avec les montres de plongée de précision ne date pas d’hier. En 1932, le fabricant est à l’origine du premier modèle du genre. L’Omega Marine, dont le joint en liège assure l’étanchéité est alors testé dans le lac Léman

Niveau de la mer 0 m

1 000 m

Baleine bleue 500 m

2 000 m

s’approche de la profondeur record de 10 928 m, ­Vescovo contemple un sol vierge de tout regard humain. « On pense que le fond des fosses ressemble à la surface lunaire, mais en dix minutes, j’ai vu un concombre de mer transparent onduler lentement sur le fond marin ; il y a de la vie malgré 1 086 bars de pression au cm² et une température à la limite de la congélation. » Vescovo ­refait surface au bout de douze heures sous l’eau, avec le Limiting Factor, la coque intacte, prête pour trois autres plongées. « Je serais mort dans ce submersible si sa construction avait eu le moindre défaut que la pression n’aurait pas manqué d’exploiter, p ­ récise-t-il. Idem pour les montres. » De fait, les trois ont résisté avec succès à la mission et sont intactes. « Omega ­récupère deux des montres, conclut-il en ­souriant. La ­troisième est pour moi. »

THE RED BULLETIN

3 000 m

Épave du Titanic 3 800 m

4 000 m

5 000 m

6 000 m

7 000 m

par 73 m de fond. Aujourd’hui, les montres Seamaster Planet Ocean résistent à des profondeurs allant jusqu’à 600 m, soit 100 m de plus qu’une baleine bleue. Seul un plongeur équipé d’une combinaison atmosphérique de l’US Navy peut s’aventurer à une profondeur comparable. Toutefois, Omega a dû faire table rase de tout son savoir-faire pour concevoir une montre étanche à une profondeur abyssale de 11 000 m, et la développer à partir d’un nouveau concept inspiré par nul autre que le submersible de ­Vescovo. L’assemblage du verre saphir sur le boîtier reprend le solide design conique du hublot du Limiting Factor, permettant de mieux répartir les forces sur sa surface. Le boîtier est taillé dans du titane de grade 5 utilisé pour fabriquer la coque du sous-­ marin, enfin, les cornes évoquant les lobes d’une raie Manta ont été fondues pour éviter le risque de rupture en eaux très profondes. L’épaisseur de la montre n’excède cependant pas 28 mm, parfaitement portable donc. Le poignet auquel la montre était destinée est celui

Cadran céra­ mique, échelle 60 minutes

8 000 m

9 000 m

Lunette tour­ nante uni­ directionnelle

d’un bras ­robotique, aussi le bracelet en polyamide avec fermeture V ­ elcro rappelle celles des combinaisons spatiales des astronautes d’Apollo. Pour s’assurer de leur résistance et répondre aux standards des montres de plongée, Omega a ajouté une marge de sécurité de 25 % à l­’Ultra Deep, et les a testées avec succès à 15 000 m dans les laboratoires de Triton ­Submarines à Barcelone. En refaisant surface après la première ­plongée dans la fosse des ­Mariannes, Vescovo découvre que la sonde détachable où était attachée l’une des montres est restée au fond de la fosse. Vescovo hésite entre replonger pour la récupérer ou l’y laisser à jamais. Il choisit de la récupérer. Après trois jours d’attente pour retrouver des conditions propices à une deuxième plongée, l’Ultra Deep est finalement repêchée et vérifiée en surface. Elle fonctionne parfaitement et n’a perdu qu’une seconde de précision, ce qui la rend éligible à la certification Master Chronometer, le plus élevé des standards pour une montre mécanique, quelle que soit la pression. omegawatches.com

Verre saphir

Boîtier en ­titane grade 5, et couronne

10 000 m Challenger Deep 10 994 m 11 000 m

Cornes raie ­Manta

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GUI D E

L’itinéraire OCR d’Ida ­affiche déjà un titre ­européen.

TRAINING

TRAVAIL DE FORCE Ida Mathilde Steensgaard est l’une des meilleures athlètes de course à obstacles extrême au monde. Mais la Danoise travaille aussi dans un bureau. Elle nous livre ses astuces pour concilier les deux.

R

amper dans la boue, grimper des parois en bois, s’accrocher à des chaînes : la course à obstacles extrême met le corps à rude épreuve. Ida Mathilde Steensgaard est l’une des cracks de cette éprouvante discipline. Son palmarès inclut un championnat danois et un titre européen. Une performance d’autant plus

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remarquable qu’elle occupe un emploi à plein temps dans une entreprise. Comment maintient-elle un tel n ­ iveau de forme ? Pour ce faire, l’athlète de 28 ans a décidé que son lieu de travail devait aussi être un lieu où elle pouvait s’entraîner. Une stratégie gagnante. Elle décrit ici la journée idéale de l’athlète amateur.

7 heures Étirements

À peine réveillée, je m’étire jusqu’à faire craquer le dos. Puis je passe au rouleau de fascia, excellent outil pour des étirements matinaux !

7 h 30 Petit déjeuner consistant

Le petit déjeuner est essentiel, il doit être copieux et me fournit l’énergie pour la séance au bureau. Je me lève un peu plus tôt pour déjeuner tranquillement. Œufs brouillés aux épinards et fromage blanc fourniront l’énergie dont vous avez besoin.

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LEO FRANCIS/RED BULL CONTENT POOL, KRISTIAN FAESTE/RED BULL CONTENT POOL, MARTIN NINK/RED BULL CONTENT POOL

Faire.


fitness

8 heures Un petit jogging ne fait pas de mal

L’idéal serait de courir jusqu’au bureau, mais dans mon cas la distance est trop longue. Du coup, je me gare à trois kilomètres et fais le reste du trajet en courant. En métro ou en train, on peut descendre un arrêt plus tôt et monter des escaliers plusieurs fois en attendant le train.

9 heures L’astuce toilettes

Au bureau, les micropauses, environ toutes les 90 minutes sont une belle occasion pour vous remuer. En cas de stress, certaines astuces se révèlent excellentes, comme utiliser les toilettes de l’étage au-dessus, en empruntant les escaliers bien sûr.

séance du soir. Du bureau, je me rends au gymnase sans passer à la maison où repartir sera difficile une fois que l’on s’est installé dans le canapé. Mieux vaut éviter la case maison ! On ne regrette jamais une séance d’entraînement accomplie, mais toujours celle que l’on a esquivée.

19 heures Tapis avec vue

Parfois, lorsqu’on sort tard du bureau, on a qu’une envie : rentrer chez soi, se poser d ­ evant un écran et déconnecter, et c’est bien compréhensible. En revanche, rien ne vous ­empêche de le faire sur un ­tapis face à la télé en effectuant des burpees (enchaînements de flexion

Le sandwich sous le bras et un collègue à ses côtés, la pause déjeuner se prête bien à la promenade. Après avoir mangé, marchez en balançant les bras. Ça a l’air drôle, mais c’est très bon pour la circulation sanguine en plus de vous revigorer pour le reste de la journée.

Instagram : @idamathildee

Focus sur la course à obstacles extrême, l’un des sports les plus difficiles au monde. PUISSANCE, VITESSE ET ENDURANCE La course à obstacles extrême ou OCR (Obstable Course ­Racing) met le corps à rude épreuve. Avancer ou se soulever à la force des bras est très énergivore. Le temps est compté et un parcours exige une forte e­ ndurance pour passer jusqu’à trente obstacles. EN AVANT, MARCHE ! L’OCR s’inspire des parcours du combattant utilisés dans l’entraînement des armées.

« Balancer les bras en marchant favorise la circulation sanguine et revigore pour le reste de la journée. »

Parfois au bureau, j’effectue des exercices ne nécessitant pas de tenue sportive comme les fentes en avant, par exemple. Le regard de mes collègues ne me gêne pas. Soyez pionnier et montrez la voie. J’ai pour ma part déjà convaincu la moitié de mes collègues !

THE RED BULLETIN

Ma journée finit comme elle a débuté, par des étirements et le rouleau de fascia. À nouveau, tout le corps y passe. Au lit, je soulève mes épaules jusqu’aux oreilles et les abaisse autant que possible. Cela produit la sensation d’étirements après une grosse séance d’entraînement. Ce qui en fin de compte est le cas.

RUDE ET RELEVÉE

OBJECTIF OLYMPIQUE Les athlètes d’OCR œuvrent pour l’intégration de la discipline aux Jeux olympiques. Mais l’OCR devra attendre jusqu’en 2028, à l’occasion des Jeux de Los Angeles.

14 heures Oser la différence

L’après-midi, je mange une ­banane en prévision de la

22 heures Se détendre pour Morphée

CONSEILS

L’OCR ULTIME Lancée en 1987 en Angleterre, la Tough Guy Competition est la plus exigeante et la plus a­ ncienne course ­officielle d’OCR.

12 h 30 Pause balade

16 heures Rester ferme

des jambes, pompes et de saut stretch, ndlr) très sportifs. Pas très pratique pour regarder un documentaire complexe, auquel cas la planche (avec appui sur les avant-bras, ndlr) sera plus indiquée.

Ida Mathilde Steensgaard, athlète de course à obstacles Bien accrochée : Ida passe en mode entraînement.

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GUI D E

Voir.

Rallye dans le désert ­d’Arabie, tricks de BMX dans les rues du Nigeria et combats de rue virtuels au J­ apon sont quelques-uns des temps forts qui vous ­attendent ce mois-ci.

Ne ratez pas le plus emblématique des rallyes.

5

au 17 janvier   DIRECT

RALLYE DAKAR

Après trente ans en Afrique et onze ans en Amérique du Sud, le Rallye Dakar ouvre un nouveau chapitre au Moyen-Orient en 2020. Le passage du Pérou au désert d’Arabie saoudite, trentième pays d’accueil du rallye raid marque une étape ­importante dans la longue et glorieuse histoire du Dakar. ­Pilotes, copilotes et équipes d’assistance devront s’adapter à un tout autre environnement. L’aventure est retransmise et donc à suivre sur Red Bull TV.

17

décembre   À

LA DEMANDE

ENCOURAGED

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

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Le Nigérian Courage Adams, spécialiste du BMX Street, renoue avec son pays natal et ses racines, en écumant les rues ­imprévisibles de Lagos, la capitale du pays. Une histoire sous le signe du partage…

21

et 22 décembre   DIRECT

RED BULL KUMITE

Né à Paris en 2015, l’excitant tournoi du célèbre jeu vidéo de baston Street Fighter  s’exporte au Japon, son berceau spirituel ! Les quinze meilleurs joueurs du monde s’affronteront, auxquels s’ajoutent les gagnants du Last Chance Qualifier.

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MARCIN KIN/RED BULL CONTENT POOL(2), OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL

SUR DE NOUVEAUX TERRAINS

décembre-janvier


Faire.

30

janvier au 2 février Le Touquet, encore et toujours Imaginé par Thierry Sabine, futur créateur du Paris-Dakar alors attaché à la communication de la cité balnéaire, l’Enduropale du Touquet Pasde-Calais est devenu un événement européen majeur et rassemble jusqu’à 500 000 spectateurs. La plus grande course d’enduro d’Europe et la plus longue course sur sable au monde est de retour et plus de 2 000 participants sont attendus pour les 5 courses de e cette épreuve qui fête sa 45 édition. Le Touquet ; enduropaledutouquet.com

25

janvier-mars

23

au 26 janvier T’as vu Monte-Carlo ? Le WRC n’en finit plus d’exciter les foules qui se pressent sur chacune de ses étapes pour y apercevoir (ça va très vite !) les dieux du rallye. La saison 2020 commence à nouveau avec le ­rallye de Monte-Carlo qui va permettre aux forces en présence de se jauger et de démontrer leur détermination, pour, qui sait, stopper dans son élan Ott Tänak, l’Estonien champion en date d’une épreuve dominée par des Français ces vingt dernières années, les deux Sébastien : Loeb et Ogier. Monaco ; wrc.com

30

janvier La nuit des masques Quand les Ricains de Slipknot se pointent avec leur premier album et leurs masques effrayants en 1999, les Metalhead pètent les plombs. En concert, Slipknot offre un show incroyable, entre kermesse brutale et haut niveau de technique, à voir, revoir, ou re-revoir. Alors, jetez-vous sur les potentiels billets restants, et si c’est complet, priez… Les dieux du metal gâtent parfois leurs fidèles dans l’adversité. Paris, AccorHotels Arena ; slipknot.com

janvier et 7 mars Red Bull Tout Schuss

GILLES REBOISSON/RED BULL CONTENT POOL, JOHAN DESMA

Freiner, c’est tricher ! Et ici, le concept de tout schuss se conçoit autant sur les pistes enneigées que sur les dancefloors : 300 hommes et femmes qui partent en sprint tous ensemble vers leurs skis ou snowboards pour ensuite descendre jusqu’au pied des pistes où un afterski de haut vol les attend. Le premier ou la première en bas gagne la course, et n’oubliera surtout pas de participer à la grosse soirée à l’arrivée, ouverte à tous, participant(e)s ou non, et gratuite. Cette année, deux stations accueillent cet événement unique, des Pyrénées (Ax 3 Domaines, en ouverture, le 25 janvier) jusqu’aux HautesAlpes (Les Orres, le 7 mars). Let’s go! Ax 3 Domaines et Les Orres ; redbull.com/toutschuss

15

au 19 janvier

Outdoormix ­Winter Festival

L’Outdoormix Winter Festival revient à Vars la Forêt Blanche (HautesAlpes). Mêlant sports extrêmes et culture musicale, performance et découverte, il propose en journée des compétitions de haut niveau, des démonstrations et des initiations autour de dix disciplines sportives (ski et snowboard freeride ou freestyle, snow MTB DH, snow kayaking, highline). Le soir, des DJs et concerts enchaînent pour faire la fête toute la nuit sur le front de neige, dans les bars de la station.

Glisse et fête : on fonce !

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Vars la Forêt Blanche ; outdoormixfestival.com

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MENTIONS LÉGALES Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Andreas Rottenschlager, Nina Treml Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directeur photos Eva Kerschbaum Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable des infos et du texte Andreas Wollinger Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

Managing Editor Ulrich Corazza Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Marketing B2B & Communication Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif Directeur créatif global Markus Kietreiber Co- Publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.), Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer, ­Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber, Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la une de notre édition US dédiée aux meilleurs spots pour des aventures enneigées. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Production Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder MIT Michael Thaler, Christoph Kocsisek Opérations Yvonne Tremmel, Alexander Peham Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Directeur de la publication Andreas Kornhofer

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni, alessandra.ballabeni@redbull.com Traductions, révision Lucie Donzé, Susanne & Frédéric ­Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Audrey Plaza, Claire ­Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond, tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard, egirouard@profil-1830.com Edouard Fourès efoures@profil-1830.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat Publicité Matej Anusic, matej.anusic@redbull.com Thomas Keihl, thomas.keihl@redbull.com

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Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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Pour finir en beauté.

Le 12 octobre dernier, seize performeurs venus de (presque) tous les continents se sont affrontés lors de la finale mondiale du Red Bull Dance Your Style à Paris à la Villette. Un événement unique autorisant tous les styles de danse (break, voguing, danse debout, hip-hop, house...), jugé par le public et remporté par le jeune Shinshan. Parmi les compétiteurs, le Cubain LMENT s’est autorisé quelques moves au-dessus de Paris.

Le prochain THE RED BULLETIN n° 95 disponible dès le 23 janvier 2020 98

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