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Tess Ledeux

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En roues libres

En roues libres

À 20 ans, la skieuse Tess Ledeux en veut plus: plus de titres, d’originalité et de filles dans son sillage.

La manière forte

Victoires au plus haut niveau et drames personnels, à 19 ans la Savoyarde TESS LEDEUX peut déjà s’exprimer sur une vie sportive et privée intense. Sa détermination et son envie de donner encore plus, malgré les épreuves et d’énormes challenges à venir dans son ski freestyle, forcent le respect.

Texte PATRICIA OUDIT Photos SANDRO BAEBLER

«Le ski, c’est ma manière à moi de m’exprimer, de sortir ma colère, ma tristesse… Et ma joie aussi, ma force de vie.»

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iffcile de deviner, sous la bouille blonde de Tess Ledeux, la rage de vaincre et de vivre qui s’y cache. Pourtant, aussitôt notre entretien commencé dans les locaux parisiens de Red Bull en septembre dernier, la star plus que montante du ski freestyle, dont la précocité (un premier titre de championne du monde de slopestyle à 15 ans en 2017, puis un autre deux ans plus tard en big air) étonne moins que la maturité, répond cash, droite dans ses boots, le regard franc et le langage sans tabous à chacune de nos questions. Elle parle de tout, de sa famille, des moments douloureux traversés, de son sport en mal de notoriété, de la place qu’y tiennent les jeunes femmes, en passant par ses maux de dos chroniques dont elle a fait une force. La jeune icône de la Plagne n’esquive rien, surtout pas le décès de son père en janvier 2021, qui au lieu de lui mettre un genou à terre, n’a fait que renforcer son envie «de tout défoncer». Elle nous raconte comment elle a réussi à transformer sa peine en créativité, ses faiblesses en force, sans remords ni regrets.

the red bulletin: Tout d’abord, Tess, comment allez-vous? Physiquement et mentalement?

tess ledeux: Physiquement, ça va très bien. J’ai fait un bon entraînement cet été, beaucoup plus poussé que les années précédentes, parce que j’avais plus de temps et que j’étais concentrée comme jamais sur le ski. Mentalement, je suis impatiente de la saison qui arrive, une saison normale, avec douze compétitions, pas tronquée à cause du Covid.

L’hiver dernier a été un peu particulier, pour ne pas dire très diffcile…

Oui, tout d’abord avec le Covid, on ne savait pas comment ça allait se passer, le début de saison s’est plutôt déroulé normalement, c’est plutôt vers la fn que ça s’est compliqué. Et puis tout début janvier, j’ai dû arrêter ma saison: j’ai reçu un appel de ma famille, m’annonçant que mon père n’était pas très bien. Cela faisait deux ans que je gérais le ski et la famille, un équilibre un peu complexe à trouver. Suite à cet appel,

je n’ai pas skié pendant deux mois en plein milieu de l’hiver. Juste avant les mondiaux. Mon papa est mort fn janvier.

Comment avez-vous vécu, puis géré ce moment douloureux?

C’était dur, pour moi et toute ma famille. D’autant que j’ai dû retourner sur le circuit de compétition mifévrier pour les mondiaux, donc deux semaines après que mon papa est parti. Je ne savais pas si je devais remonter sur les skis, si j’étais prête psychologiquement et physiquement parce que je n’avais pas fait de sport depuis plus de deux mois, je n’étais même pas allée faire une marche. J’étais au plus bas à tous les niveaux, physique et mental.

Dans ce contexte, avez-vous hésité à aller à ces championnats du monde?

Je me suis dit: il faudra que j’y retourne un jour, si ça se trouve, ça va me faire du bien de chausser les skis, de voir du monde. J’ai donc décidé d’y aller, accompagnée de ma grande sœur, pour ne pas être toute seule, car je partais pour un mois et demi aux États-Unis. Sur place, à Aspen, j’ai repris assez vite des sensations sur les skis, même si je fatiguais très rapidement. Le soir, j’avais du mal à récupérer, j’avais beaucoup de courbatures le lendemain. Mais le bon côté, c’est que j’ai vécu ces mondiaux sans pression ne pouvant pas être trop exigeante avec moi-même.

Quatrième en big air et huitième en slopetsyle, pas si mal pour un retour prématuré sur le circuit …

Oui, honorable, mais loin de mes objectifs de début de saison, où j’y allais pour gagner. Par contre, mentalement, ça été assez dur à gérer: d’un côté, je voulais être indulgente avec moi, mais de l’autre, je m’étais dit: il faut que je gagne pour lui, pour mon père. Depuis le premier jour où il était tombé malade, je lui avais répété, promis, que j’allais le porter au plus haut à travers mon ski, pour le faire vivre. Pendant ces deux dernières années, à chaque fois que je faisais un bon résultat, je le voyais rayonner! J’avais envie de lui faire plaisir, toute ma vie. Aux Mondiaux, ça a été très frustrant car je voulais gagner pour lui, mais je n’en avais pas les capacités. J’avais l’impression de subir une double peine: le chagrin personnel et l’amertume de n’avoir pas été à la hauteur. Puis j’ai fni par me dire que mon papa aurait été indulgent avec moi et qu’il fallait que je le sois aussi.

D’autant que votre papa n’était pas du genre coach à vous pousser en permanence…

Il ne venait pas sur les compétitions, il était à des années-lumière du haut niveau, ce n’est pas grâce à lui que j’ai fait du ski, mais que j’ai le goût de la compétition, si! Je n’ai jamais eu cette pression des parents agents, coaches, qui gèrent tout, parce que le rêve de devenir une championne de ski ne vient pas d’eux, ni de lui, mais de moi. Mon père ne vivait pas ma carrière par procuration. Mes parents sont restaurateurs, ils allaient faire trois pistes pendant la saison, ça suffsait. Ils n’y connaissent rien en freestyle, mon papa aimait juste me voir sourire à l’arrivée. Et ça me rendait fère.

Après ces mondiaux, vous faites la meilleure saison de votre carrière avec deux globes de Cristal à la clé. Comment vous êtes-vous remobilisée?

En slopestyle, j’ai gagné quatre compétitions sur six et les deux que j’ai ratées, c’était aux Mondiaux, trois semaines après que mon père fut parti. Paradoxalement, j’ai fait une très bonne saison et je me suis rendue compte que le ski, c’était ma manière à moi de m’exprimer et de sortir ma rage, ma colère, ma tristesse, ma joie aussi et qu’à travers ça, je prenais beaucoup de plaisir. Sur le moment, je ne me sentais pas super bien sur les skis, à chaque fois que je ne réussissais pas comme je le voulais, ça me détruisait encore plus. Mais en faisant le bilan, je me suis dit que, si dans des moments douloureux, j’arrivais à m’en sortir, ça voulait dire que ça faisait partie de moi. Si on m’enlève le ski, on m’ampute d’une partie de moi, une partie qui me fait vivre et vibrer.

Pour reprendre, en la travestissant, une expression très utilisée par les sportifs, «ce qui l’a tué, vous a rendue plus forte»?

J’ai encore du mal à trouver les mots. Cet hiver, on me disait «Ça va te rendre plus forte.» J’avais envie de leur dire: «Taisez-vous, ça fait deux mois que ça s’est passé, comment ça peut me rendre plus forte maintenant?» Je n’avais pas envie d’abandonner car ce n’est pas dans mon caractère, mais au fond de moi, j’étais détruite. Et puis, avec le recul, je me suis dit: «Très bien, il nous arrive ça, alors moi, j’ai envie de vivre ma vie encore plus intensément et de le faire vivre à travers ma vie.» Dans ma tête, j’ai cette devise, «vivre pour mon père». Il est parti trop tôt, je vais prolonger sa vie. C’est le déf que je m’étais donné pour la fn de saison et j’espère que ça va marcher pour la saison prochaine.

Comment avez-vous vécu l’intersaison?

Pas facile! Je n’avais plus le ski pour m’aider, j’avais un peu refoulé la tristesse, et j’ai déménagé pour aller vivre à Annecy, pour la première fois toute seule, loin de ma famille, tout en vivant mon deuil. Début avril, je me suis retrouvée avec un lit au milieu de mon appartement, me disant: «Voilà, la vie recommence.»

«J’étais au plus bas à tous les niveaux.»

«Il faut être créatif, on a la chance de faire un sport hyper visuel.»

Malgré un corps, un cœur et un mental endoloris, Tess Ledeux a su trouver la sérénité dans sa passion: le ski freestyle.

«Mon père est parti trop tôt, je vais prolonger sa vie.»

Au début, j’appelais mon copain sans arrêt, je ne voulais pas rester seule. Petit à petit, je me suis installée dans ce vrai nouveau départ. Encore une fois, j’ai trouvé, je ne sais pas comment, la force de repartir.

Avez-vous été accompagnée?

Je vois une psy/préparatrice mentale depuis deux ans, ce qui correspond au début de la maladie de mon père. Elle m’a aidée à trouver l’équilibre et à ne pas refouler mes émotions. Tout le monde, après un deuil passe par cette phase. Puis au bout de quatre ou cinq mois, j’ai commencé à laisser venir les coups de blues. Et en fait, un soir, et puis deux et puis trois, à chaque fn de journée, tu lâches un peu. Et à chaque fois, je me disais: «Okay, tu as laissé sortir ta tristesse, mais lui, il aimerait que tu fasses ça, ça, et ça.» Et c’est comme ça que je me reboostais.

Vous dites que votre père n’y connaissait rien en ski freestyle, mais qu’il vous a donné le goût de la compétition. De quelle façon?

Il n’était pas du genre à se laisser aller. Il est parti de chez lui à 16 ans, après avoir quitté l’école, puis l’école hôtelière, car la théorie, ce n’était pas son truc. Il a été chef de cuisine dans un restaurant gastronomique à 18 ans, il a ouvert son premier restaurant à 20 ans. À 22 ans, il a quitté sa région natale de Nice pour acheter une affaire à La Plagne, parce qu’il avait envie de montagne. Il a eu plusieurs restaurants, puis il a tout perdu du jour au lendemain. Il n’a jamais rien montré, il est reparti de zéro à Montpellier, et ça a très bien fonctionné. Un peu comme s’il faisait de la compétition, mais en restauration, avec le même esprit: se nourrir de tout ce qui lui arrive, que ce soit positif ou négatif. À chaque échec, il rebondissait encore plus fort ailleurs. Ce qui nous a fait tous grandir, c’est quand il a appris sa maladie. Il a dit: «Mais moi, je ne suis pas malade, je vais guérir et je vais vivre encore dix ans s’il le faut.» Quand il est entré à l’hôpital, vers la fn, il a dit: «Bon, quand est-ce qu’on rentre à la maison?» Il nous a montré la force de croire en quelque chose. On lui donnait six mois, il a tenu deux ans et demi. Peut-être que je vivrais dix ans ou quinze ans de plus parce que j’ai cette persévérance et que je ne me laisserais pas faire si on me met des bâtons dans les roues. C’est la plus grande leçon que mon père nous a donnée. Ni regrets, ni remords.

C’est cela, avoir un caractère de championne, comme le dit à votre endroit, votre célèbre cousin, Kevin Rolland*?

Je ne sais pas ce que c’est un caractère de championne, mais je ne pense pas que cela soit une coïncidence si la plupart des champions ont vécu des moments très compliqués dans leur vie. J’ai regardé beaucoup de reportages, écouté des podcasts sur ce genre de parcours, en me posant cette question: comment tous ces gens ont-ils réussi à être aussi forts en ayant vécu ces moments si pénibles et douloureux? Je crois avoir la réponse: c’est parce qu’ils ont vécu ces échecs, ces moments durs, qu’ils sont devenus des champions. C’est ça qui les a forgés, ce qui m’a forgée. Je ne sais pas si c’est le bon terme d’ailleurs, avoir un caractère de champion. Parce que dans la vie, des tas de gens ont un mental qui les fait se relever, sans être sportif de haut niveau.

*Kevin Rolland, 32 ans, star du ski freestyle, triple vainqueur de la coupe du monde en half-pipe, entre autres.

L’échec et les blessures sont constitutifs du sport de haut niveau, alors qu’on a tendance à n’insister que sur les victoires. Vous en pensez quoi?

Personnellement, je n’ai aucun mal à en parler. J’ai des gros problèmes de dos depuis l’âge de 15 ans, j’ai une jambe plus courte que l’autre de 2,4 cm. J’ai des sciatiques qui descendent jusque derrière le mollet presque tous les deux jours, j’ai eu un corset pendant huit mois, pendant ma première année à haut niveau. J’aurai des problèmes de dos toute ma vie, je pars avec ce petit truc en moins que les autres, cette douleur présente tout l’hiver, à chaque entraînement. Mais fnalement, est-ce que ce ne serait pas mon petit plus à moi? Mais j’ai mis du temps à l’accepter. J’ai 19 ans, j’ai pris de la maturité; mais à 15 ans, je vivais ça comme une injustice totale, une trahison. Puis au fur et à mesure, je me suis dit: «Ça ne bloque pas tant que ça, j’ai juste besoin d’être davantage cadrée, mais ça va rouler.»

Comment gérez-vous ce problème chronique de dos?

Je fais beaucoup de préparation physique, c’est 80% du travail, beaucoup plus d’étirements que tout le monde. Je suis très bien suivie par des kinés et des ostéopathes. La clé, c’est de savoir m’écouter à l’entraînement: contrairement à la plupart des skieurs, je ne skie jamais toute la journée, mais deux ou trois heures. Je n’arrête pas parce que j’ai mal mais pour éviter d’avoir mal. Je me suis libérée peu à peu, et ça n’entrave plus mes entraînements. Même si je tombe, je sais que la chute ne va pas aggraver une blessure, sauf si je vais trop contre la douleur. Je n’ai donc pas particulièrement d’appréhension par rapports aux sauts, à la chute.

À propos de préparation, comment avez-vous travaillé en fonction des grandes échéances à venir? En gros, la préparation type d’une semaine, c’est trois à quatre séances de musculation, une séance d’athlé-

«Ni regrets, ni remords.»

tisme, environ trois sessions d’aérobie, soit marche, vélo ou course à pied, et une séance de trampoline. Ce qui nous amène à deux séances de sport par jour sauf le dimanche. Je pratique une discipline avec énormément d’impacts et il faut être prête à les amortir.

L’énorme échéance internationale qui vous attend en Chine en février, modife-t-elle votre approche de l’entraînement?

On essaie de vivre plus intensément nos entraînements, de ne rien laisser passer, encore moins que d’habitude. En Corée, lors de l’édition 2018, mes premiers Jeux, je suis tombée, une erreur de jeunesse. En y participant, c’est un rêve qui a été réalisé une première fois, maintenant, le rêve c’est de monter sur le podium en 2022. Il y a beaucoup de compétitions avant, je ne veux pas me mettre trop de pression mais je donnerai le meilleur de moi-même en tous cas. On ne parle de nous mondialement qu’une fois tous les quatre ans…

Est-ce que cela vous gêne de pratiquer une discipline où le taux de notoriété est faible?

On a une discipline qui mérite d’avoir une plus grande audience, et pas que tous les quatre ans où ça cartonne. D’ailleurs, quand on la montre aux gens, ils veulent en voir plus, en savoir plus. Je n’ai jamais entendu personne dire: «Ah, je n’ai pas aimé regarder du ski freestyle en compétition!» Certains déclarent: «Je n’ai pas tout compris mais j’ai quand même envie de regarder.» Les retours de gens qui n’y connaissent rien sont toujours les mêmes: ils aiment le côté spectaculaire et ils arrivent à repérer les bonnes prestations, si ça vole haut ou tourne plus ou moins vite. Le fait que ces sports soient jugés les rend compréhensibles aux yeux du grand public. Promouvoir ma discipline fait partie de mes objectifs. Mais pour arriver à titiller le grand public, il faut en passer par cette médaille en or.

Revenons à la famille… Comment votre cousin Kevin Rolland vous a-t-il aidée dans cette période douloureuse?

En plus de m’entraîner souvent avec lui, j’habite maintenant dans la même ville que lui! Il a été très important – et le reste – pour m’aider à gérer ma vie professionnelle. Il me conseille énormément, me fait partager son expérience. Kevin, c’est plus qu’un cousin pour moi. Il était très dur avec moi à l’entraînement, au début, je me suis dit: «Mais pourquoi il est méchant avec sa petite cousine? À tout contrôler, alors qu’il est adorable avec moi dans la vie de tous les jours.» J’en avais parlé à mes grands-parents qui m’avaient dit: «Mais c’est parce qu’il veut que tu deviennes la meilleure!» Quand j’ai passé ce cap de me dire qu’en effet, c’était pour mon bien, je ne me suis plus braquée et lui s’est calmé!

Et vous saviez qu’il avait raison: vous voulez toujours repousser les limites de votre sport, non?

Enfin le soleil: une nouvelle ère s’ouvre à Tess après une période délicate. À droite: action à Stubai, en Autriche.

DOM DAHER

«J’ai juste envie d’être la meilleure.»

Et demain? Tess veut déployer sa créativité, et être une motivation pour les skieuses de la nouvelle génération.

Oui, c’est un autre objectif dans ma carrière. En cinq ans, toute une génération de flles a fait évoluer le niveau très fort et très vite. C’est quelque chose qui m’a toujours tenu à cœur. Je me disais que je serais la première flle à faire cette fgure ou à faire évoluer tel pan de ma discipline. Chaque année, je me demande ce que je vais bien pouvoir faire de nouveau, de mieux, pour aller encore plus loin. J’aime faire partie de ce mouvement de flles, parce que je sais qu’il y a encore peu de temps, c’était diffcile pour nous de se faire de la place, on critiquait notre niveau. Aujourd’hui, je suis fère quand les mecs de la compétition me disent: «Waouh, tu as tué le spot aujourd’hui!» On a réussi à être admirées par les garçons. Cette année, mon idole Torin Yater-Wallace est venu me voir et m’a dit: «Jamais je n’aurais pensé un jour voir une flle faire cette fgure-là (un switch double bio 1260, ndlr)!» En fait il n’y a pas de limites. Il faut être créatif, on a la chance de faire un sport hyper visuel. Je vais pouvoir jouer plus sur ce terrain des images maintenant que j’ai passé mon bac.

D’ailleurs, où en êtes-vous de vos études?

Je fais un DUT Techniques de commercialisation, à Annecy.

C’est pour cette raison que vous avez quitté La Plagne, votre home spot?

Non, c’est parce que c’est plus pratique pour les entraînements qui se déroulent souvent en Suisse et en Autriche. Mais je reste super attachée à La Plagne, c’est là où tout a commencé. Le club des sports a une section freestyle très importante: sans eux, je n’en serais pas là aujourd’hui, c’est la base de l’édifce.

La base, justement, vous pouvez nous la résumer?

C’est ma grand-mère, la Sudiste passionnée de ski, qui m’a mise sur des planches à 2 ans. Mon tout premier jour au club des sports en ski freestyle, après deux d’alpin, j’ai voulu prouver à tout le monde que j’avais ma place: on était partis faire du hors-piste, on fusait dans les bois et d’un coup, les autres ont tous disparu derrière un rocher. Je me suis dit: «Okay, moi aussi je veux sauter!» Sauf qu’avant, j’ai freiné et je me suis fêlé le nez en posant sur le plat! Deux avant cela, en alpin, j’étais partie skier avec mes parents, j’avais insisté pour aller au snowpark, je suis partie de tout en haut pour avoir assez d’élan. Comme je ne savais pas sauter, j’ai volé en étant complètement déséquilibrée et j’ai fait un beau plat ventre. J’ai perdu mes deux dents de devant et je me suis râpé tout le visage. En fait, j’ai fait un trauma crânien, à 7 ans!

Ça n’a pas dû les rassurer vos parents!

Oui, ma maman est fippée devant la télé! Heureusement, Kevin (Rolland, ndlr) est passé avant moi. Elle sait que c’est maîtrisé, elle se dit: «Au pire, c’est une blessure, elle guérira.» Je pense que ce qui l’embêterait le plus, c’est de me savoir triste d’être obligée d’arrêter de skier. Mais l’émotion de me voir gagner emporte tout!

Dans votre carrière, y-a-t-il eu un ou des déclics?

Après la Corée en 2018. Pendant huit mois, je n’ai plus eu du tout envie de skier, il fallait que je digère le plus gros échec de ma vie. Quand je suis remontée sur mes skis, ma première course était ratée, puis j’ai terminé troisième, deuxième jusqu’à regagner. Au début, j’avais énormément de doutes sur le fait que j’allais faire une longue carrière. J’avais l’impression que ça allait être très éphémère, durer deux ou trois ans. Le déclic, ça a été de réaliser que je pouvais performer sur le long terme.

Comment voyez-vous la suite de votre progression?

Techniquement, je vais pousser mes forces et gérer mes faiblesses. Je sais que j’ai un point fort en saut, je vais le travailler au max pour continuer à performer en big air, mais sans négliger le rail pour autant. J’ai encore beaucoup de titres qui manquent à mon palmarès! Si je deviens championne olympique un jour, j’aimerais être double championne olympique. J’ai deux titres de championne du monde, pourquoi ne pas en avoir cinq? J’ai juste envie d’être la meilleure, encore pendant dix ans.

«Dans la vie, des tas de gens ont un mental qui les fait se relever, sans être sportif de haut niveau.»

Avez-vous encore le temps de faire des choses en dehors du ski?

Quand je peux me poser, j’adore faire de la pâtisserie, de jolis gâteaux un peu chiadés, à la Top Chef!

Y a-t-il des causes pour lesquelles vous auriez envie de militer?

Il y a plein de causes qui me tiennent à cœur, comme la place de la femme dans la société, là, il y a encore du travail. J’aimerais pouvoir me promener toute seule dans la rue tard dans la nuit sans avoir peur. Notre pauvre petite planète aussi, elle va mal, même si je suis loin d’être irréprochable. J’attends simplement de trouver le bon mouvement, la bonne association dont j’arriverais à porter haut et fort les couleurs. Je veux m’investir, mais à 100%.

Comme dans le ski?

Exactement! Pour le moment, la seule chose dont je sois sûre, c’est que je skierai toute ma vie.

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