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2. Comment l'État émet la monnaie franche

LES MOUVEMENTS DE FONDS 195

14. Les mouvements de fonds « sans numéraire » [V].

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Une question se pose, qui trouble bien des esprits : quand on considère les mouvements de fonds sans numéraire, sans argent comptant, qui se pratiquent aujourd'hui, comment faut-il se représenter cette monnaie immatérielle, cette pure monnaie de compte, et son rôle dans la formation des prix ? Pour bien des gens cette question relève de la métaphysique. Pour eux, en l'occurrence, le mark cesse d'être la marchandise palpable que constituaient les pièces et les billets. Les sommes figurant dans les livres de comptabilité représenteraient des grandeurs entièrement abstraites. Mais alors, comment se fait-il qu'on puisse à l'aide d'une simple abstraction, commercer, marchander, spéculer, bref, faire tout ce qui généralement détermine les prix ? Dans les comptes de l'organisme central fonctionnant sans numéraire, on n'hésiterait même pas à supprimer le mot « mark », celui-ci devenant superflu. En traçant un chèque, on se contente d'indiquer un chiffre. « 50 au débit du compte de A.» Un nombre dont l'unité ne représente aucun objet concret. Un chiffre sans consistance, pour régler les achats et les procès. Effrayant I

L'esprit humain ne saisit que ce qui se limite dans l'espace et dans le temps. Les mouvements de fonds sans numéraire ne constituent un mystère, que parce que nous ne parvenons pas à les déterminer dans le temps et dans l'espace. Il est indispensable de s'en faire une idée claire. Prenons le cas le plus simple. Supposons que la Reichsbank retire de la circulation tout le numéraire, qu'elle le détruise, et qu'elle ouvre à chacun un compte pour le montant des billets rentrés. Dès lors, le montant total des comptes est égal au montant des billets antérieurement en circulation. La Reichsbank détruit les presses à billets. Le droit d'émettre des billets (des chèques) passe aux titulaires des comptes, qui exercent ce droit dans les limites de leur avoir en compte. Le monopole des billets est désormais partagé, contingenté, transmis au public. Ce monopole continue néanmoins d'appartenir à la Reichsbank, en ce sens que, sans son consentement, le montant total des comptes ne peut augmenter ni diminuer d'une unité. Ce n'est au fond que l'extension du système actuel. En effet, actuellement le droit d'émission est aussi contingenté. Les banques des États du Sud de l'Allemagne partagent le monopole d'émission avec la Reichsbank (1). A ces banques viennent s'ajouter tous les porteurs de billets de la Reichsbank. Mais le droit total d'émission de ces comptes n'est pas plus élevé que le montant des billets qui étaient en circulation. Peu importe que les papiers émis par les titulaires des comptes s'appellent des chèques ou des billets de banque. Le billet de banque n'est d'ailleurs rien d'autre qu'un chèque de banque. (1) Écrit en 1919.

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LA MONNAIE MÉTALLIQUE

Chacun, maintenant, fait usage de son droit d'émission dans les limites de son contingentement, lequel diminue à chaque émission et augmente à chaque réception d'un chèque. Ce qu'un compte perd, un autre le gagne. On trace des chèques pour tout ce que l'on achète. Il n'y a aucune différence essentielle entre ces chèques et les billets de banque utilisés antérieurement. Les chèques sont des billets de banque à durée de circulation limitée. Limitons le temps de circulation du billet de banque à trois jours : l'identité du chèque et du billet de banque apparaîtra clairement ; le fait que la garantie d'authenticité du chèque est plus réduite que celle du billet de banque n'y changera rien.

Pour saisir mieux encore l'identité du chèque et du billet de banque, supposons qu'en guise de formulaires pour les chèques, la Reichsbank délivre aux titulaires des comptes ses propres billets de banque. Dans ce cas, seule la signature du billet de banque changerait, ce qui n'aurait guère d'importance pour la signification du billet.

Que reste-t-il de mystérieux à pareille monnaie ? En quoi échapperait-elle à notre contrôle ? Bien entendu, pour ceux qui continuent à voir en la monnaie de papier un problème insoluble, les explications que nous venons de fournir ne serviront pas à grand'chose. Rappelons ce que nous avons dit au chapitre : « Pourquoi on peut faire la monnaie avec du papier ». Quiconque aborde le problème en partant de la notion de valeur finira par douter de ses propres facultés ou par déclarer le problème insoluble. Eugen Dühring traitait carrément de fou, quiconque prétendait comprendre quelque chose à la monnaie de papier. Eugen Dühring, lui aussi, avait ses idées sur la valeur.

L'argent dit non comptant, non monnayé, la monnaie scripturale, est en réalité de l'argent comptant au même titre que les billets de la Reichsbank. Chaque exemplaire en est palpable, visible, transmissible. Le chèque remplit toutes les conditions matérielles que l'on peut exiger du numéraire. La production de cette monnaie est strictement limitée.

Comme pour toute monnaie, la formule suivante est valable : (A x V) / M = P

A = Somme des avoirs en banque ; V = Vitesse de circulation ; M = Production des marchandises ; P = Prix.

V est égal à l'inverse du temps moyen qui s'écoule entre le jour où le chèque est émis et celui où le bénéficiaire est avisé de ce qu'il est crédité, c'est-à-dire où le montant du chèque est de nouveau disponible. Si chacun utilisait constamment l'entièreté de son avoir, et si chaque chèque avait un temps de circulation de 3 jours, la circulation monétaire serait de A /3. La notion de temps est ici indispensable.

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