SPÉCIAL ANNIVERSAIRE 10 ANS // NUMÉRO 1 // DÉCEMBRE 2016
LIGUE REIN ET SANTÉ 10 ANS DÉJÀ
La Ligue Rein et Santé Rein échos vous souhaite, une heureuse et bonne santé en 2017. Prenez soin de vous !
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 2 #
D
epuis 2012, Pharmagest s’investit avec la Ligue Rein et Santé auprès des pharmaciens en organisant des opérations de sensibilisation sur l’insuffisance rénale chronique en officine. Chaque année, durant 2 semaines en mars, les pharmaciens équipés d’une solution Pharmagest proposent à leurs patients diabétiques ou hypertendus de répondre à un rapide questionnaire en ligne afin de les sensibiliser sur leurs facteurs de risques de développer une Insuffisance Rénale Chronique. Le dialogue s’installe entre le professionnel de santé et le patient qui peut repartir avec une fiche conseil et prendre rendez-vous ultérieurement pour un entretien pharmaceutique dans un espace confidentiel s’il le souhaite. Le succès est au rendez-vous puisque plus de 3800 patients ont déjà été ainsi sensibilisés par leur pharmacien et près de 1650 fiches conseils ont été remises ! L’investissement de Pharmagest dans l’insuffisance rénale chronique ne s’arrête pas là puisque le projet E-Nephro porté par Pharmagest à travers sa filiale Diatelic a été sélectionné aux côtés de 13 autres projets pilotes de services numériques dans le domaine de l’e-Santé. Ce projet est dédié à la prise en charge par télémédecine de l’insuffisance rénale chronique. Le Groupe Pharmagest en est le chef de file. Le projet E-Nephro est une étude médico-économique qui se déroule dans trois régions françaises et qui a pour but d’évaluer l’impact d’un système de télémédecine sur la prise en charge de patients aux différents stades de la maladie rénale chronique. Un logiciel partageable de suivi longitudinal permet la télésurveillance de
patients Insuffisants Rénaux (Chroniques, Dialysés et Transplantés Rénaux) à leur domicile. Ce logiciel embarque des systèmes experts, qui à partir des données enregistrées à domicile, génèrent des notifications aux professionnels de santé et donc permettent une anticipation d’une aggravation de l’état de santé des patients suivis. ///// Joëlle GENY (Pharmacien responsable contenu Pharmagest division e-Santé)
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 3 #
ÉDITO
PR OLIVIER KOURILSKY, PARIS
AU SOMMAIRE Bien comprendre l’IRCT Les techniques de référence pour traiter l’insuffisance rénale terminale Suivi des patients avec leurs maladies rénales et diabétiques
C
’est avec grand plaisir que je rédige cette brève introduction pour ce dernier numéro de la revue Reins Echos. Cette revue, je l’avais découverte autrefois dans les salles d’attente de consultation de néphrologie, avant de la connaître de l’intérieur, voire de participer à certains numéros grâce aux sollicitations amicales de Michel Raoult. J’ai pu apprécier, au cours de ces années de collaboration, la grande honnêteté de l’équipe de la ligue Rein et Santé, dont le but essentiel est d’informer les patients atteints de maladies rénales sur tous les aspects de la néphrologie pour leur permettre de mieux se prendre en charge. Cette information bénévole aborde aussi bien le problème capital de la prévention des maladies rénales, que les traitements qui peuvent en ralentir l’évolution, et les techniques de substitution. L’information sur ces dernières se veut toujours aussi objective que possible, sans masquer les inconvénients potentiels de l’une ou de l’autre, et ceci est à souligner dans l’ambiance actuelle où on a parfois tendance à présenter la dialyse de façon très négative. Les progrès de la néphrologie ne sont bien sûr pas oubliés dans les informations délivrées par la LRS. Obtenir des subventions pour réaliser ces revues, trouver de nouveaux sujets, récupérer des articles rédigés par des spécialistes, tout ceci représente une énergie considérable et un énorme travail qui ne peuvent que susciter l’admiration. J’ajouterai que les discussions avec le président (inévitables mais constructives) se sont toujours déroulées dans la plus grande franchise et le respect mutuel, ce qui a permis une collaboration fructueuse entre le corps médical et l’association : tous partageaient le même but. Encore un grand bravo à toute l’équipe de bénévoles, et en particulier à son infatigable président Michel Raoult, et souhaitons une longue vie à la LRS, dont, faut-il le rappeler, la revue Reins Echos ne représente qu’un des multiples supports d’information (newsletters, vidéos, livres, bandes dessinées…) ! REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 4 #
INTRODUCTION
PR GABRIEL CHOUKROUN AMIENS
LA MALADIE RÉNALE CHRONIQUE : AGIR, AU-DELÀ DES POLÉMIQUES ACTUELLES La Maladie rénale chronique : Agir, au-delà des polémiques.
N
ous avons eu à le constater en 2014, la dialyse La maladie rénale chronique reste longtemps asymptomatique et le diagnostic en est souvent tardif. Une prise en charge néphrologique précoce permettrait de ralentir la progression de la maladie. Lorsque la fonction rénale ne permet plus d’assurer les fonctions vitales nécessaires à la vie, la dialyse ou la transplantation s’imposent, cette dernière est le meilleur traitement à proposer lorsqu’il est possible. Le traitement par dialyse (HD/ DP), qui permet à plus de 45 000 personnes de vivre, a fait l’objet de polémiques « médiatiques » récentes (1). Ce numéro de la Ligue Rein et Santé permettra d’apporter, avec d’autres (2) des éléments d’informations et de réflexion aux patients et à leurs proches. Les associations de patients comme la LRS et de professionnels, souhaitent œuvrer ensemble, dans la sérénité, le respect mutuel et l’indépendance, à l’amélioration de la prise en charge de la maladie rénale chronique. Ce numéro anniversaire de la LRS va dans ce sens. Dans une large majorité des pays, les patients insuffisants rénaux décèdent faute de soins (3). Au Royaume-Uni, pays riche et développé, (4) environ 31 000 patients sont transplantés et le nombre de patients dialysés est nettement inférieur à ce qu’il est en France (5) : 59 000 patients traités pour IRC terminale contre plus de 79 000 en France pour une démographie assez compa-
rable. Ces comparaisons montrent la prudence nécessaire dans l’interprétation des chiffres brutes comme cela est fait parfois. Les comparaisons internationales montrent que la dialyse en France est dans les meilleurs standards et que la survie est dans notre pays une des plus élevées des pays occidentaux. Enfin, rappelons qu’en France, tous les patients dialysés ou greffés sont recensés dans le registre REIN (6) réalisé avec la participation volontaire des néphrologues, ce qui n’est pas le cas partout en Europe ou les registres n’existent pas toujours (Allemagne, Italie….). REIN permet d’avoir des informations fiables sur la dialyse ; son pilotage associe les professionnels et les patients.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 5 #
Des progrès restent cependant nécessaires dans le dépistage et la prise en charge de la maladie rénale chronique. On peut les résumer en 3 points.
alable informé. Le maintien d’une bonne autonomie et des critères de qualité de vie doivent être des éléments entrant dans le choix du traitement, au même titre que les aspects médicaux.
(1) Prévention des complications de la MRC par une prise en charge néphrologique mais aussi multidisciplinaire par des IDE d’éducation thérapeutique, des psychologues, des diététiciens, des spécialistes d’activité physique, des assistants sociaux. Un mode de tarification favorisant une prise en charge globale pourrait être proposé avec pour objectifs le ralentissement ou la stabilisation de la progression de la maladie ce qui permettrait d’engendrer des économies dans les dépenses de santé).
Un nouveau modèle de financement de la maladie rénale chronique doit être envisagé comme cela se fait déjà au Canada ou Danemark par exemple. L’augmentation du nombre de patients dialysés ou greffé est régulière (8) ; la baisse constante des tarifs de remboursement de la dialyse visent à contenir cette augmentation mais a ses limites, pas d’influence sur la prévention de la maladie, risque d’altérer la qualité des soins à terme… notamment. D’autres modèles de financements autres que la T2A (9) sont souhaitables. Des stratégies préventives c’est-à-dire de prise en charge optimisée et précoce de la MRC, doivent être développées et évaluées, c’est un des chalenges qui nous attends dans le futur.
(2) Accès à la transplantation : 2 à 4 ans d’attente pour une greffe rénale pour les patients inscrits sur la liste nationale, délai qui augmente régulièrement. La greffe préemptive (7) à partir de donneur vivant permettrait d’augmenter significativement le nombre de transplantation. Son développement indispensable nécessite un accompagnement d’une autre dimension que les dispositifs existants. Les centres non transplanteur devrait développer l’accompagnement des patients et des donneurs potentiels par des professionnels de l’éducation thérapeutique et du soutien psychologique. (3) Améliorer les performances de la dialyse et l’accès à la dialyse autonome : la dialyse est un traitement contraignant, mais indispensable pour vivre ou attendre une greffe rénale qui ne sera pas possible pour tous (50% des patients arrivant au stade l’EER ont plus de 70 ans). Au cours de sa vie, un patient atteint d’insuffisance rénale peut être traité par différentes méthodes, complémentaires les unes des autres, permettant de répondre aux besoins de chaque patient à un moment précis de sa vie. Améliorer la qualité de vie des patients traités par dialyse doit être une priorité (autonomie, choix de la méthode de dialyse, développement des techniques convectives, nouveaux appareils d’hémodialyse à domicile, recherche sur la mise au point d’appareils de dialyse portables…). L’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients en dialyse passe aussi par le soutien à la recherche. Le choix de la technique de traitement de la MRC avancé doit se faire en étroite concertation avec le patient et son entourage qui auront été au pré-
Ce numéro de Reins Echos est nécessaire à tous les intervenants, soignants et soignés, car il propose une information claire et adaptée aux patients et à leur entourage. /////
1. Journal Le Monde, 16 mai 2016 , « tribune libre » de l’association Renaloo 2. Concours médical, T. 138, N° 8, Octobre 2016 3. Editorial. Live and let dialyse. Lancet 2016 May 14;387(10032):19693 4. 64 millions d’hab. , niveau de vie comparable 5. UK Renal Registry 18th Annual Report : Chap. 2, Analyses 2016 Mar 30:1-28. 6. Réseau épidémiologie et information en néphrologie, géré par l’Agence de la biomédecine 7. avant le stade de la dialyse, 8. Selon la Cour des comptes le coût de la prise en charge des patients insuffisants rénaux terminaux par dialyse ou trans¬plantation a crû entre 2010 et 2012 « de 4,9 % en rythme annuel, soit environ le double de la progression de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), sous l’effet pour l’essentiel de l’augmentation du nombre de patients ». 9. la Tarification des actes médicaux à l’acte (T2A) est peu adaptée à la prise en charge de la maladie rénale chronique car elle est centrée sur le paiement des actes et non pas sur la prise en charge GLOBALE de la maladie elle-même (Docteur, Infirmière, Education thérapeutique, Diététique….). 10. éviter la MRC 11. éviter les complications de la MRC, éviter la progression vers la dialyse et la greffe.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 6 #
BERNARD BAYLE DIRECTEUR DE L’AURA SANTÉ AUVERGNE, PRÉSIDENT DU COMITÉ MRC FEHAP & STÉPHANIE ROUSVAL–AUVILLE, DIRECTRICE, ADJOINTE DU SECTEUR SANITAIRE DE LA FEHAP
LES DIFFÉRENTS PARCOURS DE LA POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE
DU L’INSUFFISANT RÉNAL
DU POINT DE VUE DE LA FÉDÉRATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS ET D’AIDE À LA PERSONNE (FEHAP).
A l’heure où les sujets sur la dialyse en France interpellent fortement des responsables du ministère de la santé, les financeurs, et des associations de patients, le secteur associatif au fil des échanges s’est doté d’une vision d’avenir.
L
es associations FEHAP dites de dialyse prenant en charge des patients insuffisants rénaux souhaitent poursuivre une politique tournée dans le strict intérêt des malades pour une prise en charge globale. Lors des Etats Généraux du Rein (EGR) il avait été rappelé que les orientations politiques défendues par l’ensemble des associations qui traitent des patients en dialyse, sont plus que jamais d’actualité. Les dirigeants de ces associations, en partenariat historique avec les services de néphrologie publics mais plus récemment aussi avec les des établissements privés lucratifs, développent une approche autour de 4 P. Pas comme des Principes mais le P d’une Politique qui correspond à un ENGAGEMENT qui de plus est désintéressé.
Le premier P c’est celui de la PREVENTION Retarder l’arrivée en dialyse c’est un premier engagement en développant des organisations de consultations néphrologiques soit en Centre de santé, soit au plus près des patients en consultation avancée (par ex au sein des Centres hospitaliers ou sont implantées des unités d’auto dialyse de proximité)
Le second P c’est la PROXIMITE Le caractère répétitif de séances de dialyse constitue une très importante contrainte. Traiter le patient au plus près de son domicile fait partie intégrante de son projet thérapeutique. L’organisation de séances en dialyse à domicile ou au sein d’unités d’auto dialyse ou d’Unités de Dialyse Médicalisée(UDM) de proximité est un engagement fort pour la qualité de vie des patients. En réduisant ainsi les temps de transport, le patient trouve aussi un bénéfice sur la fatigue déjà générée par le traitement en lui-même. Ainsi en évitant au patient de se « lever trop tôt ou de rentrer trop tard », nous « soignons » encore le patient et ses aidants. S’agissant de la question de la gestion de la chaine d’approvisionnement et des risques, pour un suivi de qualité au domicile du patient, pour la FEHAP celle-ci passe impérativement par un fonctionnement avec une pharmacie à usage intérieur(PUI), des compétences pluridisciplinaires au service du patient. La spécificité des produits, les changements de prescription pour adapter continuellement le traitement, et la relation régulière et personnalisée entre le patient et un service logistique spécialisé nécessitent une expertise que seuls les professionnels d’une PUI ont su construire au fil du temps. Cette volonté de privilégier la PROXIMITE c’est agir aussi sur la maitrise des dépenses de transport.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 7 #
Le troisième P c’est la Prise en charge globale personnalisé
Enfin le dernier P c’est la Préparation à la transplantation
Chaque patient est unique et malheureusement la maladie rénale s’accompagne aussi d’autres pathologies. L’orientation vers la meilleure technique de soins appropriée à l’état du patient, conduit les associations à veiller à deux questions fondamentales ; - Quelle degré d’autonomie le patient dispose t-il pour maitriser au mieux son traitement ? Et à ce niveau toutes les actions d’orientation vers des techniques de domicile ou d’auto dialyse trouvent leur sens - Comment compléter le traitement de base d’une dialyse pour s’attacher à une prise en charge plus personnalisée ? (accès aux soins de support, ex des propositions d’activité sportives adaptées, de solutions douces pour lutter contre la douleur (à titre d’exemple l’hypnose), d’ateliers nutrition, d’accompagnements de fin de vie mais aussi les dialyses de nuit, longues….
Accompagner un patient vers une greffe nécessite un investissement en temps par les équipes néphrologiques. Au delà de l’approche simplement psychologique et du temps d’échange lors des colloques singuliers, c’est aussi contribuer à l’élaboration d’un dossier administratif et médial spécifique avec notamment des examens et le bilan pré-greffe. Les liens créés entre les patients et les équipes soignantes, qui dépassent souvent le strict cadre d’une dialyse et la réussite d’une transplantation, représentent aussi pour les équipes une forme de reconnaissance et de satisfaction. Dans ce contexte, il convient de rappeler plusieurs publications récentes, publications qui apportent des perspectives intéressantes sur l’évolution de la prise en charge des patients insuffisants rénaux en France. Le rapport de la cour des comptes visant l’application des Lois de Financement de la Sécurité Sociale publié le 16 septembre 2015 et plus précisément son chapitre X portant sur l’insuffisance rénale chronique terminale « favoriser des prises en charges plus efficientes » a dégagé un certain nombre de propositions d’évolution pour le secteur. Pour la Fédération ce rapport souligne bien les problématiques de la prise en charge de l’IRC telle qu’elle se présentent aujourd’hui avec les activités de prévention très insuffisantes et
La FEHAP et la dialyse Minoritaire dans l’offre de soins MCO « conventionnel », le secteur associatif ou Privé à but Non Lucratif (PNL) est en revanche le plus présent concernant les alternatives à l’hospitalisation : Hospitalisation à Domicile ou alternatives au centre lourd dans le domaine de la dialyse. D’une façon générale, toutes modalités de soins confondues, l’offre associative représente 40 % de l’offre nationale en dialyse. Le Privé Non Lucratif est pour sa part majoritairement présent sur la dialyse hors centre : moins hospitalo-centré que le secteur public mais désintéressé dans sa gestion comme lui, d’où de nombreuses
coopérations, il bénéficie d’une grande réactivité et d’une position moins captive vis-à-vis des politiques tarifaires. Le PNL représente plus de 60% des séances en UDM et en reste donc l’acteur de référence avec une augmentation de plus de 20% par an en moyenne depuis 2004. Le PNL représente un peu plus de 70% des séances d’autodialyse.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 8 #
qui conduisent à des trop nombreuses prises en charge médicale en urgence (40%), ainsi qu’à des orientations excessives vers les modalités d’épuration extra-rénale les plus lourdes. Le rapport indique à juste titre l’insuffisance du recours à la greffe avec des inscriptions sur liste des greffes encore perfectibles (délais, inégalités territoriales). Il relève d’autres points importants : des Unités de Dialyse Médicalisée (UDM) accolées aux centres de dialyse qui ne jouent pas leur rôle de proximité, des marges brutes d’exploitation pour les centres du secteur lucratif à deux chiffres alors même que l’activité de dialyse est en constante croissance. Pour l’hôpital public, la nécessité d’une orientation de son activité de dialyse chronique vers des établissements plus efficients et un recentrage sur ses missions de dialyse aiguës ou de repli... C’est pourquoi la FEHAP trouve ce chapitre X très révélateur, mettant bien en lumière les principales problématiques du secteur de l’Insuffisance Rénale Chronique. L’enjeu pour les établissements de dialyse privés à but non lucratif est à ce jour de plusieurs ordres : il est impératif de mettre l’accent sur la prévention de l’IRC terminale et le dépistage précoce de la maladie rénale chronique, maladie silencieuse dans la plupart des cas. Le registre de la Prévention et de la réduction des arrivées en urgence en dialyse (qui restent encore trop élevées) est un axe majeur d’actions : il nous parait souhaitable de réfléchir à la construction d’un forfait dédié « prévention et détection précoce », lié à l’activité des établissements, en lien avec le nombre de patients suivis : ce forfait pourrait comprendre les traitements conservateurs, les consultations de suivi, les soins de support…). Cette réflexion s’inscrit bien entendu dans les prises en charge des « parcours des malades chroniques ». Le Ministère pourrait très naturellement et légitimement recommander l’expérimentation régionale de cette action de santé publique dans une approche territoriale et populationnelle ; qui permet de réduire le taux très élevé d’entrée en dialyse en urgence. Ces arrivées en urgence sont des marqueurs de santé publique faciles à objectiver en termes d’enjeux et de mesures de résultat des efforts engagés à l’échelle des territoires. Du point de vue de la FEHAP, il convient aussi de réfléchir aux prises en charge pouvant engendrer un démarrage de la dialyse le plus tard possible grâce à un suivi médical, paramédical et la déli-
vrance de soins de supports appropriés, voire même supprimer l’arrivée en dialyse grâce à un programme d’amélioration du taux de transplantation par donneur vivant. Concevoir un forfait, pour la préparation et le « retardement de la dialyse » est une approche que la FEHAP a déjà proposée ; apportant satisfaction des patients et source d’économies dans un contexte d’ONDAM contraint. Il serait intéressant d’imaginer une construction tarifaire, indexée sur la base d’objectifs de qualité et comportant des majorations et minorations en fonction de l’état du patient (âge, autonomie, …), afin de « favoriser la prise en charge des patients par les structures les plus efficientes ». La question des compétences des personnels est essentielle : la qualité de la prise en charge passe aussi par des compétences humaines spécialisées en diététique, accompagnement social et psychologie. L’évaluation et le suivi social, l’évaluation et le suivi diététique d’un patient insuffisant rénal relèvent d’une compétence et d’une expérience dédiée. Enfin, les enjeux des innovations technologies en dialyse sont essentiels et doivent être soutenues en la télémédecine pour favoriser encore d’avantage les prises en charge autonomes de proximité et du domicile, autour des savoirs existants et des équipes de néphrologie.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 9 #
BIEN COMPRENDRE L’IRCT Témoignage d’un patient NephroCare de Tassin-Charcot Je suis porteur d’une polykystose rénale, j’ai 48 ans et je suis en dialyse depuis septembre 2015. Au centre Nephrocare Tassin Charcot. Commencer les dialyses a été un choix presque facile, mon insuffisance rénale était telle que je n’étais plus qu’un fantôme de moi-même. Mon néphrologue m’avait préparé à cette échéance. J’avais déjà vu une salle de dialyse, déjà échangé avec les infirmières. Ma fistule avait été faite au début de l’été. Dans mon cas, la dialyse est un passage en attendant la greffe. Avec mon néphrologue, nous avons donc, très vite mis en route le processus d’inscription sur la liste de transplantation. Contrairement à ce que je pensais, il s’agit d’un vrai parcours, semé de points de passages, un peu à l’image d’une course d’orientation où l’on doit valider le passage par un point donné pour aller vers le point suivant. J’ai ainsi découvert qu’à chaque étape, il existe la possibilité de ne pas être inscrit sur cette liste. Jusqu’au point final, matérialisé par un courrier anodin qui annonce enfin cette inscription. Un courrier anodin porteur de beaucoup d’espoirs.
talier, les autres patients, pas toujours sympathiques, souvent âgés et atteints d’autres maladies. Mais le bénéfice surpassait tout. Très vite, les équipes du centre m’ont proposé de rejoindre le groupe d’auto dialyse de nuit. La nuit, c’est-à-dire un branchement entre 21h et 22h et un débranchement à 5h du matin. Et j’ai commencé la formation. Pour moi, être acteur de ma maladie a toujours été important et comme j’ai choisi de continuer à travailler à 100% (je n’ai pas un métier physique), dialyser la nuit, en dormant m’est apparu
Parmi les points de passages importants vers la liste de transplantation, il y a eu la néphrectomie. La polykystose rénale a pour effet de faire grossir les reins de façon disproportionnée, aussi, mes reins prenant toute la place, et pour pouvoir accueillir un greffon, il a fallu en enlever un. Il pesait environ 4 Kg (un rein normal pèse environ 450 Gr). Au tout début, donc, les dialyses m’ont permis de retrouver un confort de vie que j’avais oublié. Très vite, je me suis senti « revivre ». Certes, il y avait la douleur des aiguilles que l’on me plantait dans le bras (et malheureusement, c’est toujours le cas), le temps à passer dans un lit à attendre, l’environnement hospi-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 10 #
être la solution « idéale ». De plus, avec cette formation, je maitrise la machine, je sais la monter et la démonter ; je sais en faire les réglages pour ma séance de dialyse, je peux choisir des options en fonction de mon état du jour. Je connais aussi les alertes qui peuvent intervenir et agir en fonction, je connais les paramètres et sais les interpréter. De plus, cela permet des dialyses longues (7h) moins agressives et plus efficaces pour l’ganisme. Je me suis installé dans cette « routine », lundi, mercredi, vendredi, en dialyse. Le poids est important, plus il faut en perdre, plus la dialyse est dure. Perdre beaucoup de poids en dialyse, peut induire de sortir avec une tension très (parfois trop) basse. De plus, si le « poids de base » n’est pas finement défini, on prend le risque d’être trop sec, donc d’avoir des crampes, parfois à en pleurer de douleur. Avec le temps et les erreurs, j’ai appris à contrôler du mieux possible cet aspect. Je suis très attentif à ce que je bois et mange, à mon équilibre alimentaire. C’est une discipline de vie à mettre en place, d’autant moins simple que, de par mon métier, je mange souvent au restaurant. Mais désormais je sais ce que les écarts me coûtent et je les évite le plus possible. Dialyser la nuit s’est avéré être un mauvais choix pour moi car je n’arrivais pas à dormir, j’ai donc demandé à changer d’horaire, désormais, je commence mes dialyses à 18h pour finir vers 1h du matin au plus tard. J’ai la grande chance d’habiter à 2 pas de mon centre de dialyse, ce qui me permet d’être vite dans mon lit en sortant. Mon autre chance est de dialyser dans un centre important, avec beaucoup de machines et des équipes conséquentes, cela permet une flexibilité dans les horaires qui n’est pas accessible à tous. En sortie de dialyse, il se produit 2 phénomènes : J’ai faim et au bout d’environ 30 minutes à 1h, je ressens une grande fatigue, j’ai besoin de repos. Et ce, quel que soit le poids que j’ai perdu. Dans l’imaginaire collectif, la dialyse est très simple, beaucoup en connaissent le principe. En revanche, peu ont connaissance de la fréquence des dialyses, ni même de l’importance de la notion de poids. J’ai beaucoup expliqué à mon entourage plus ou moins proche. Mes enfants, mon épouse, mes parents sont
venus me voir « branché » à ma machine, cela leur a permis de se rendre compte par eux- mêmes et de démystifier. J’ai choisi de mener une vie la plus normale possible malgré la dialyse. Par exemple, je suis parti en vacances l’hiver dernier et cet été. Il faut avoir un centre de dialyse à proximité, donc choisir sa destination correctement et accepter de ne pas pouvoir choisir les horaires (puisque dans ce centre, il y a des « titulaires » et vous n’êtes que de passage) mais tout est possible. C’est même une bonne chose de changer un peu de cadre, pour dialyser. La dialyse est une contrainte forte dans l’existence mais elle n’empêche pas de vivre une vie décente et proche de la normalité. Ce n’est pas non plus aussi terrifiant qu’il peut paraitre. Chacun à sa propre appréhension des choses et, en la matière, il n’y a pas de jugement possible. Mais on peut vraiment mener une existence satisfaisante. Pour cela, il faut une discipline qu’un général de la légion étrangère pourrait envier et une surveillance du régime alimentaire qu’un athlète de haut niveau pourrait nous jalouser. Bien sûr, il arrive de déraper, personne n’est infaillible. J’ai pris le parti de garder autant que faire se peut, un moral à toutes épreuves, alors parfois, un dérapage « contrôlé » est aussi bon pour le moral qu’il est mauvais dans le cadre de la dialyse et je me l’autorise. Pour autant, il y a des jours plus difficiles que d’autres, des moments d’impatience, de lutte contre moi-même. L’entourage à son importance aussi, je suis tellement entouré, il ne passe pas un jour sans un message, un appel, une visite de quelqu’un, même inattendu pour prendre de mes nouvelles ou me passer un message d’espoir ou simplement se manifester. Ils ne savent pas toujours combien cette bienveillance est importante pour moi, mon moral et mon envie de surpasser tout cela. Au fond, pour moi la dialyse n’est qu’un chemin vers la greffe, d’une certaine façon ce n’est qu’un passage d’une vie à l’autre. J’ai la chance de pouvoir être greffé, je suis en salle d’attente, j’attends mon tour... /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 11 #
PR PHILIPPE LANG HÔPITAL CRÉTEIL (HENRI MONDOR)
LES TECHNIQUES DE RÉFÉRENCE POUR TRAITER L’INSUFFISANCE RÉNALE TERMINALE La transplantation rénale : de la petite entreprise de luxe à la grande surface.
L
a transplantation rénale, quand elle est indiquée et qu’elle est une réussite, est le meilleur traitement de l’insuffisance rénale dite terminale. Réussite ne veut pas uniquement dire taux de succès à 1 an. Il faut aussi tenir compte des différentes complications rénales et extra rénales qui ont pu émailler l’évolution. On n’en parle pas souvent, mais elles existent et peuvent largement annuler le bénéfice potentiel d’une greffe. Ceci étant dit, une transplantation rénale réussie améliore le pronostic et la qualité de vie du patient. Malgré tout, un certain nombre de patients à priori éligibles ne sont pas inscrits. Ce peut être un choix délibéré mais pas toujours éclairé du patient ou bien le résultat d’une discussion entre le patient et le médecin, au cours de laquelle est évalué le rapport bénéfice/risque. En cas de doute, et ceci est vrai pour toutes les étapes du parcours du candidat potentiel à la greffe, la prise d’un 2ème avis par une équipe de transplantation d’un CHU mériterait d’être instituée. Il est évident lors des consultations pré-transplantation que tous les patients ne mettent pas le même espoir dans l’attente d’un greffon rénal. Dans un monde idéal, il faudrait rajouter dans le score d’attribution des greffons, une composante importante liée à la motivation du patient. S’il est vraisemblable qu’un certain nombre de patients non-inscrits sur la liste d’attente bénéficieraient d’une trans-
plantation, la réciproque est également vraie, à savoir qu’un certain nombre de patients inscrits sont à haut risque de complications. Si la concurrence est une saine émulation, celle-ci ne doit pas se traduire par une compétition pour faire le plus grand nombre de greffes afin de satisfaire son ego ou les autorités de tutelle ou encore la T2A. Il faut savoir que pour de nombreux services de néphrologie des centres hospitalo-universitaires, la transplantation représente sinon la principale, du moins une part très importante de leur activité. De même la course à la performance technique doit rester raisonnable et encadrée dans des protocoles si possible
Dans un monde idéal, il faudrait rajouter dans le score d’attribution des greffons, une composante importante liée à la motivation du patient.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 12 #
nationaux, faute de quoi les résultats des greffes iront en s’altérant, diminuant d’autant le pool de greffons pour les autres receveurs. La greffe à partir d’un donneur vivant a de nombreux avantages, d’abord pour le patient en raison d’une durée d’attente courte, et de meilleurs résultats mais aussi pour la société diminuant le coût de la dialyse et augmentant la chance pour un candidat à une greffe cadavérique d’obtenir un greffon. Néanmoins, certaines études récentes montrent qu’il est fondamental d’être très strict sur la sélection du donneur et les critères du don méritent sûrement au vu de ces études une réunion nationale de consensus afin d’actualiser les contre- indications au don. Il faut savoir raison garder et se méfier de la pensée unique qui même si elle part de bons sentiments peut être source d’excès et d’un effet boomerang. Il est évident que la communication des médecins auprès de leurs patients sur le bénéfice de la transplantation a été remarquable. Certes, le nombre d’insuffisants rénaux chroniques au stade terminal augmente d’environ 4% par an, mais le nombre d’inscrits a plus que doublé en 10 ans alors même que la population concernée est de plus en plus vieillissante. Le ratio dialysés/ transplantés lui va en diminuant et aujourd’hui l’insuffisance rénale terminale est, tous âges et
morbidités confondues, traitée à part égale par la dialyse et la transplantation. Ce succès de la greffe a ses revers et les centres de transplantation doivent s’adapter. De petite entreprise de luxe où le patient transplanté était particulièrement choyé, les centres sont devenus des grandes surfaces où la qualité du service rendu n’est parfois pas à la hauteur de l’investissement de chacun des professionnels concernés. Les différentes cohortes : patients à inscrire, patients inscrits et à suivre régulièrement avant la greffe, patients greffés et à suivre après la greffe, et celle des couples donneurs vivants receveurs deviennent très importantes avec des ressources médicales qui n’augmentent pas de façon proportionnelle. De nouvelles organisations ont donc été rendues nécessaires ou sont à l’étude. Les enjeux du don et de la greffe doivent être parfaitement compris. Les situations des patients sont différentes les unes des autres, et on aura beau leur donner différentes brochures informatives, rien ne remplacera le dialogue adapté à chaque cas. Les médecins (et les secrétaires) ont longtemps été le seul interlocuteur des patients, mais actuellement le temps médical est largement consacré aux problèmes
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 13 #
strictement médicaux d’où la nécessité de créer des structures dédiées à l’information et à l’accompagnement du patient. L’éducation thérapeutique et la coordination de greffes ont donc été créées pour répondre à ces besoins. L’éducation thérapeutique pose 2 problèmes, d’une part elle n’est pas obligatoire créant des biais de sélection, seuls les patients déjà les plus motivés en profitent, et d’autre part elle nécessite du personnel lui-même formé et qui actuellement est pris sur la substantifique moelle du service diminuant d’autant le personnel disponible auprès du lit du patient. La valorisation de cette activité est indispensable si on veut généraliser cette activité à l’ensemble des centres. La coordination de greffes est supposée également informer le patient ou le donneur et l’accompagner dans son parcours avant la transplantation. Cet encadrement qui est quantitativement insuffisant dans bon nombre de centres l’est également qualitativement. Trop souvent cette activité est embolisée par des tâches administratives de secrétariat, dénaturant la fonction première de la coordination qui doit être l’accompagnement du donneur avant et après le don et du receveur avant la greffe.
Le suivi post greffe est très chronophage, et les consultations médicales sans doute souvent trop courtes. C’est pourquoi il est envisagé d’avoir recours à un corps d’infirmiers spécifiquement formés au suivi du patient greffé. Cette délégation de tâches nécessite en effet une formation théorique et pratique validante et devra se faire en étroite coordination avec le médecin transplanteur. Seuls les patients volontaires et si possible ayant reçu une éducation thérapeutique pourraient en bénéficier. Il s’agit en effet d’un réel bénéfice, le patient ayant une prise en charge plus globale et une meilleure écoute vu la plus grande disponibilité de ce personnel dédié. De même les réactualisations du bilan pré greffe pourraient être suivies par ce personnel et validées ou non (mise en contre- indication temporaire, levée de la contre- indication, examens à prescrire) par le médecin référent.
Les enjeux du don et de la greffe doivent être parfaitement compris. Les situations des patients sont différentes les unes des autres, et on aura beau leur donner différentes brochures informatives, rien ne remplacera le dialogue adapté à chaque cas.
ABM Don d’organes 2016 : À l’image des films d’horreurs américains, le film 2016 met en scène de manière parodique les mésaventures d’une jeune femme qui va croiser le chemin d’un tueur en série. De par son attitude et ses choix, on comprend très vite qu’elle va mourir. Une mort qui ne semble ni surprenante, ni utile au sein d’un film d’horreur. Et pourtant, le film rappelle qu’elle est donneuse d’organes présumée ce qui n’aura pas rendu cette mort totalement inutile.
Tout ceci n’a rien de révolutionnaire et est déjà largement réalisé dans les pays anglo-saxons. La greffe rénale est un acte médico-chirurgical mais aussi un changement de mode de vie qu’elle soit faite en pré-emptif ou chez le patient déjà dialysé. Ce changement de mode de vie doit être facilité et accompagné au long cours nécessitant une adaptation de nos pratiques en tenant compte des moyens humains potentiels. /////
Vous trouverez ci-après le lien Youtube pour visionner le film https://youtu.be/NkiQLc1D77Y La transplantation rénale est expliquée sur ce blog : https://nephronurse.com/la-transplantation/
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 14 #
CHRISTOPHE LEGENDRE, HÔPITAL NECKER, PARIS
DES PROGRÈS DANS LA COMPRÉHENSION DES PERTES TARDIVES DE GREFFONS
D
epuis une vingtaine d’années, nous avons progressé considérablement dans l’amélioration des résultats précoces des transplantations rénales puisque le taux d’échec à un an, a été divisé par 3 environ, grâce à une meilleure prévention à la fois du rejet aigu et des infections. Il n’en va pas de même en ce qui les résultats à long terme, principalement en raison d’une compréhension partiellement erronée des phénomènes conduisant à la perte tardive des greffons. La néphrotoxicité des anticalcineurines a été considérée comme la cause principale de perte tardive des greffons principalement à cause d’une vaste étude australienne sur des biopsies rénales sériées pratiquées durant les 10 premières années de suivi de greffés rein-pancréas. Cette étude indiquait qu’à 10 ans de suivi, on retrouvait des signes évocateurs de néphrotoxicité dans environ 100% des cas. La conséquence logique de cette découverte a été la mise ne place de différentes stratégies visant à diminuer voire à éliminer les anticalcineurines, soit au début de la transplantation, soit secondairement. Récemment, plusieurs études ont challengé le bien fondé de ces stratégies. Tout d’abord, les signes histologiques de toxicité des anticalcineurines ne sont pas spécifiques
et on peut les retrouver, aussi et même très souvent, chez des patients qui n’ont jamais reçu un seul comprimé d’anticalcineurine ! En second lieu, grâce à de nouvelles méthodes de dosage, plus sensibles, nous avons pu mieux apprécier le rôle des anticorps spécifiquement dirigés contre le donneur, anticorps appelés DSA (donor specific antibody). Il s’est avéré que la présence de ces DSA était délétère lorsqu’ils étaient présents au moment de la transplantation mais également, lorsqu’ils apparaissaient au cours du suivi de greffe.
Tout d’abord, les signes histologiques de toxicité des anticalcineurines ne sont pas spécifiques et on peut les retrouver, aussi et même très souvent, chez des patients qui n’ont jamais reçu un seul comprimé d’anticalcineurine !
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 15 #
En outre, il est apparu que la première cause de perte de greffons était le rejet chronique et plus particulièrement le rejet liés aux DSA. Encore une fois, c’est l’étude des biopsies rénales qui a permis cette prise de conscience. La présence des DSA, a quelque moment que ce soit, entraine une activation du complément et des lésions de l’endothélium qui ne sont visibles qu’en microscopie électronique au début. Puis les lésions d’inflammation des petits vaisseaux du rein deviennent visibles en microscopie optique et se chronicisent par la suite pour entrainer une élévation de la créatininémie, l’apparition d’une protéinurie et finalement la perte plus ou moins rapide du greffon. Enfin, la constatation que l’observance des patients était souvent insuffisante a permis d’écrire l’histoire de la façon suivante. Pour différentes raisons et principalement en raison des effets secondaires des anti-rejets, l’observance thérapeutique est imparfaite ce qui induit un état de sous-immunosuppression que fait le lit de la synthèse des anticorps de type DSA. Ces anticorps, qui n’ont pas tous le même potentiel d’agressivité, vont entrainer les lésions de rejet dit humoral puis la perte du greffon. On voit bien que les stratégies de diminution ou d’élimination des anticalcineurines ont pu et même du participer au développement de ce schéma global. On voit donc que la façon d’aborder la perte tardive des greffons a été bouleversée avec à la clé plusieurs conséquences.
Tout d’abord un regain d’intérêt pour les immunosuppressions dirigées contre les lymphocytes B avec pour l’instant des résultats limités par la toxicité de ces traitements. En second lieu la prise de conscience que la baisse de l’immunosuppression, si elle logique pour diminuer les effets secondaires des traitements, entraine aussi une diminution de leur effet primaire, c’est-à-dire l’immunosuppression, d’où la nécessité de trouver de nouveaux traitements mieux tolérés par les patients et donc mieux pris au quotidien ! En outre, la recherche de nouveaux médicaments passe par la mise au point de biomarqueurs et de modèles de prédiction individualisée qui permettront de ne pas attendre 10 ans le résultat d’une étude, ce que les industries pharmaceutiques ne peuvent se permettre. Enfin, il nous faut développer des méthodes qui permettent d’éviter l’apparition des anticorps de type DSA en particulier par un meilleur appariement HLA entre donneur et receveur qui repose sur de nouvelles approches plus fines mais aussi plus complexes. Les challenges pour les années futures sont donc nombreux : éviter les DSA, éviter les lésions de rejet lorsque malgré tout les DSA apparaissent et enfin, si le rejet humoral est constaté, bénéficier de traitements à la fois plus efficaces et mieux tolérés. Nous n’en sommes plus très loin ! /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 16 #
DR MARIE FRANCE MAMZER BRUNEEL HÔPITAL NECKER, PARIS
LA GREFFE À PARTIR DE DONNEUR VIVANT La loi relative à la bioéthique révisée en 2011 (1) élargit les possibilités de don d’organes du vivant. Il s’agit d’une avancée majeure qui devrait contribuer à développer ce type de don qui n’a été à l’origine que de 9,8% des transplantations rénales en 2010 dans notre pays.
I. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une greffe à partir de donneur vivant pour les donneurs et les receveurs ? I.1 - Avantages et inconvénients pour le receveur La greffe à partir de donneur vivant est le meilleur traitement de l’insuffisance rénale « terminale », lorsqu’elle est possible. Elle ne présente que des avantages pour le receveur. La transplantation rénale améliore la qualité de vie et la survie des patients insuffisants rénaux. La transplantation à partir d’un donneur vivant permet de maitriser le délai d’accès à la transplantation. Elle peut être organisée et réalisée avant que le receveur ait dû débuter la dialyse si le donneur s’est manifesté tôt. La transplantation est alors dite « préemptive ». Dans tous les cas, l’intervention d’un donneur vivant permet de programmer la greffe en tenant compte des contraintes et disponibilités de toutes les personnes concernées (donneur, receveur, équipe de greffe), contrairement aux transplantations à partir de donneurs décédés qui ne peuvent être réalisées qu’en urgence. Par ailleurs, les conditions du prélèvement sont très bonnes et le délai entre le prélèvement et la greffe est réduit au maximum, ce qui favorise la récupération rapide d’une fonction rénale de bonne qualité. Enfin, si le donneur est un frère ou une sœur totalement compatible, ce qui arrive une fois sur
quatre au sein d’une fratrie, le besoin en traitement immunosuppresseur est plus faible et les résultats à long terme meilleurs. Aujourd’hui, environ 3/4 des greffons prélevés chez des donneurs vivants sont encore fonctionnels au bout de 10 ans. I.2 - Avantages et inconvénients pour le donneur Une personne en bonne santé peut vivre normalement avec un seul rein, ce qui permet de se porter volontaire pour donner un rein à l’un de ses proches. Le prélèvement est néanmoins un acte chirurgical qui comporte des risques liés à
Les calculs rénaux, les traumatisme ou les tumeurs du rein ne sont pas plus fréquents chez les donneurs de rein, mais ils sont plus complexes à gérer après le don, en situation de rein unique.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 17 #
l’anesthésie, à l’acte opératoire et à ses suites. Ils sont limités et bien identifiés. Ce sont surtout des douleurs de la cicatrice (22%), des infections urinaires (4%), une hypertension artérielle nécessitant un traitement (2%), ou des complications pulmonaires ou pleurales (1,2%). D’après les données de suivi à long terme, publiées dans la littérature médicale internationale, la recherche d’albumine dans les urines devient positive chez 10 à 20% des donneurs, habituellement sans conséquence pour le fonctionnement du rein restant. L’hypertension artérielle est plus fréquente chez les donneurs les plus âgés, comparés aux personnes du même âge, sans incidence sur leur espérance de vie. Les calculs rénaux, les traumatisme ou les tumeurs du rein ne sont pas plus fréquents chez les donneurs de rein, mais ils sont plus complexes à gérer après le don, en situation de rein unique. Malgré ces possibles inconvénients, les donneurs témoignent d’une bonne qualité de vie après le don, comme en témoigne une enquête réalisée par l’Agence de la biomédecine et le service d’épidémiologie du CHU d’Angers récemment (2). Enfin depuis la révision de la loi de bioéthique qui interdit toute discrimination fondée sur la prise en compte d’un don d’organe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations d’assurance, les donneurs vivants ne devraient plus être confrontés à des refus d’assurance ou à des surprimes en raison de leur don (1).
II. La greffe à partir de donneur vivant estelle toujours possible ? II.1. Qui peut recevoir La greffe de rein avec donneurs vivants concerne des personnes atteintes d’insuffisance rénale dite « terminale ». Il s’agit du dernier stade de l’insuffisance rénale chronique, qui aboutit à la perte de l’autonomie rénale et met en danger la vie de la personne à court terme en l’absence d’un traitement de suppléance rénale. Une évaluation médicale rigoureuse est nécessaire pour vérifier l’absence de contre-indication à la greffe. Le patient doit ensuite obligatoirement être inscrit sur la liste nationale d’attente gérée par l’Agence de la biomédecine par le médecin transplanteur, même si le projet de transplantation à partir d’un donneur vivant est certain. II.2. Qui peut donner ? Le don d’organes entre vivants est très encadré. Il ne peut avoir lieu que dans le respect strict des dispositions légales. En France, il est dirigé, gratuit, et librement consenti. Cela signifie que le don est destiné à un proche, qu’il ne peut donner lieu à aucune rémunération ou avantage en nature en échange, et que toute forme de pression sur le donneur (financière, psycholo-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 18 #
gique ou physique) est strictement interdite par la loi. Tous les proches autorisés par la loi peuvent être candidat (le père ou la mère du receveur, l’un de ses frères ou sœurs, l’un de ses fils ou filles, l’un de ses grands-parents, de ses oncles ou tantes, de ses cousins ou cousines germains, le conjoint de son père ou de sa mère, toute personne pouvant justifier d’au moins deux ans de vie commune ou pouvant apporter la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec lui). Toutefois, seules les personnes majeures et ne faisant l’objet d’aucune mesure de protection légale sont autorisées à donner. Depuis la révision de la loi en 2011(1), le don croisé est autorisé, ce qui signifie, qu’en cas d’incompatibilité il est possible pour le receveur d’un « couple » donneurreceveur A, de recevoir le rein du donneur d’un couple B, également en situation d’incompatibilité. Le receveur du couple B reçoit alors le rein du donneur du couple A. Les deux opérations doivent être engagées simultanément en respectant l’anonymat entre couples. II.3. Quelles sont les contre-indications à la transplantation à partir de donneurs vivants L’état de santé du donneur doit être compatible avec le don, et celui du receveur avec une transplantation. Ainsi, certains problèmes médicaux du donneur, tels que l’hypertension artérielle sévère, certaines maladies rénales ou certaines maladies transmissibles (tumorales ou infectieuses notamment) peuvent contreindiquer un prélèvement susceptible de porter préjudice au donneur ou de mettre en danger le receveur. Toutes les pathologies contre indiquant l’anesthésie générale ou la chirurgie sont des obstacles à la réalisation d’une transplantation à partir de donneur vivant. Une évaluation médicale appropriée est donc nécessaire avant de retenir les candidatures du donneur et du receveur. A coté des contre-indications formelles, il existe des facteurs immunologiques de nature à compromettre le succès de ces greffes, en l’absence d’un traitement approprié lourd et spécifique. C’est le cas des incompatibilités ABO entre donneur et receveur, ou encore Références 1. Loi 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la
bioéthique. http://www.legifrance.gouv.fr
2. http://www.agence-biomedecine.fr/profes-
sionnels/donneur-vivant-rein-enquetes-qualite
des immunisations préalables des receveurs spécifiquement dirigées contre les antigènes HLA du donneur. Ces situations représentent des facteurs de risques particuliers qui ne sont plus toujours bloquants, au prix d’une augmentation des traitements immunosuppresseurs.
III. Comment parler à mes proches de la possibilité qu’ils soient donneurs pour moi ? Les informations sur la greffe à partir de donneur vivants, ses avantages et ses inconvénients sont peu diffusées en France. Les médecins sont réticents à prendre contact directement avec les familles et beaucoup de malades éprouvent des difficultés à solliciter eux même leurs proches. Pourtant lorsque ces derniers disposent de l’information, il n’est pas rare qu’ils se proposent spontanément. Cette information fait partie intégrante de l’information que les médecins doivent délivrer aux malades insuffisant rénaux chroniques sur leur maladie et les traitements disponibles. Elle doit être faite le plus précocement possible dans leur parcours de soins, le cas échéant en présence des proches. Quelques de supports sont désormais disponibles (affiches, plaquettes, témoignages). Certains sont diffusés par l’Agence de la biomédecine, d’autres par les associations de patients. Des témoignages sont disponibles, sous formes de films, ou de livres qui peuvent être partagés, offerts ou prêtés. Les associations de patients sont parties prenantes dans cette information, via leurs revues, et leurs sites internet (3, 4). Cette information est un droit pour les proches et peut être abordée sans prendre la forme d’une demande. Plus elle est précoce, plus les proches pourront murir leur choix de se porter candidat ou non. Par la suite, les candidatures des donneurs sont soumises à des comités dits « donneurs vivants » dont le rôle est de s’assurer que la qualité de l’information reçue par les donneurs leur a permis de bien comprendre les enjeux et les risques de l’opération, mais aussi de s’assurer qu’il n’ont pas subi de pression psychologique ou financière de l’entourage et qu’il sont bien libres de leur choix. Le futur donneur devra dans tous les cas exprimer son consentement devant le président du tribunal de grande instance ou la magistrat désigné par lui. Sa décision reste révocable à tout moment jusqu’au prélèvement. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 19 #
LAURELINE BERTHELOT, CHARGÉE DE RECHERCHE À L’INSERM U1149, HOP. BICHAT, CENTRE DE RECHERCHE SUR L’INFLAMMATION
SUIVI DES PATIENTS AVEC LEURS MALADIES RÉNALES ET DIABÉTIQUES La néphropathie à IgA : bilan du 14ème symposium international sur la néphropathie à IgA qui a eu lieu à Tours en septembre 2016.
L
’une des maladies rénales : l’une des glomérulopnéphrites la plus répandue dans le monde la maladie de Berger.
Depuis 1983 et le premier symposium international à Milan, Italie, dédié à la néphropathie à IgA, les spécialistes mondiaux de la maladie de Berger se retrouvent tous les trois ans environ pour discuter de leurs résultats de recherche, tests cliniques et avancées sur la maladie. Cette année, nous avons réuni en France à Tours 125 chercheurs, cliniciens et représentants de com-
pagnies pharmaceutiques venant de toute l’Europe, le Japon, la Chine, l’Inde, l’Argentine, les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. Le congrès a abordé la physiopathologie de la maladie, le diagnostic, les biomarqueurs à potentiel pronostique et les traitements. Cet article va décrire les principales avancées et conclusions du symposium. Depuis la découverte et la publication en 1968 par le Professeur Jean Berger de l’hôpital Necker à Paris décrivant pour la première fois la maladie, de nombreuses équipes de recherche se sont
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 20 #
attachées à décrypter les mécanismes pathologiques de la maladie et à chercher de nouveaux traitements. La caractéristique première de la maladie est des dépôts anormaux d’anticorps de type IgA au niveau du rein et plus particulièrement au niveau de l’unité de filtration rénale le glomérule sur les cellules mésangiales (Figure 1, IgA représentées par les points noirs). Les IgA déposées, associées à des dépôts de complément C3 induisent une activation des cellules mésangiales qui vont proliférer de façon anormale et produire des facteurs inflammatoires, conduisant à l’insuffisance rénale dans environ 30% des cas au bout de 20 à 30 ans de maladie. Figure 1 : Dépôts d’IgA au niveau des cellules mésangiales
Les immunoglobulines A anormales Les IgA qui se déposent au niveau des cellules mésangiales des patients présentent des anomalies au niveau de leur structure. Elles portent en effet moins de galactose (un sucre) que celles d’individus sains. Cette différence induit une tendance à l’agrégation entre elles et également va induire une réponse immunitaire. Des auto-anticorps de type IgG principalement vont reconnaître ces IgA hypo-galactosylées et formés des complexes de taille plus importante. Ces complexes induisent au niveau des cellules circulantes immunitaires une sécrétion du récepteur soluble aux IgA le récepteur CD89 qui se retrouve également dans ces complexes moléculaires dans la circulation sanguine. Au niveau du rein, ces complexes contenant les IgA se collent aux cellules mésangiales. En 2003, note équipe de recherche a montré que le récepteur à la transferrine était le récepteur sur lequel les IgA se fixaient au niveau des cellules mésangiales. Depuis d’autres récepteurs ont été décrits comme pouvant participer à la formation des dépôts d’IgA sur les cellules mésangiales. Les autres cellules rénales (cellules endothéliales qui entourent les capillaires sanguins et podocytes) ne semblent pas exprimer les mêmes récepteurs, expliquant la préférence des IgA à se déposer sur les cellules mésangiales lors de la filtration du sang au niveau du glomérule. Ces dépôts d’IgA induisent une activation des cellules mésangiales qui a également un effet délétère sur les cellules à proximité comme montré par une équipe de Hong-Kong: sur les podocytes conduisant à des problèmes de fil-
tration rénale et aussi sur les cellules tubulaires épithéliales (responsables de la réabsorption d’éléments). Les dépôts d’IgA très localisés au départ ont donc des effets sur tout le rein.
La génétique et l’environnement Plusieurs équipes ont montré que les patients atteints de néphropathie à IgA et des membres de leur famille non malades présentent ces anomalies d’IgA. Donc l’origine de ces IgA serait au moins en partie d’origine génétique. De plus, de nouvelles études mondiales (une américaine et une chinoise) ont inclus un nombre important de patients (plus de 1000) et se sont intéressées à regarder le génome entiers des patients. Ces études ont montré un polymorphisme particulier de certains gènes associé à la maladie, en particulier des gènes codant des protéines impliquées dans l’immunité innée et les défenses anti-microbiennes et parasitaires. Ces études ont donc fait ressortir l’importance du rôle, déjà fortement soupçonné, des infections et du microbiote dans la survenue de la maladie. Des épisodes d’infections des voies aériennes supérieures précèdent souvent le diagnostic de la maladie faisant suspecter les infections dans le déclenchement de la maladie. Des études récentes ont montrés également que
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 21 #
le microbiote intestinal présente des dysbiose, c’est-à-dire des modifications des populations de bactéries qui vivent dans nos intestins avec des surreprésentations de certaines bactéries et des sous-représentations d’autres populations. Cette dysbiose a été également observée dans le microbiote salivaire des patients. Le microbiote est fortement associé à la production d’IgA par le corps. Des souris élevée sans microbiote ne produisent pas ou peu d’IgA, plus l’environnement contient des bactéries plus les souris produisent des IgA. La composante génétique et la présence d’un microbiote ou d’une infection semblent donc être à l’origine de la production anormale des IgA chez les patients atteints de la maladie.
Clinique : diagnostic et recherche de marqueurs de la progression Encore aujourd’hui, le seul moyen de diagnostiquer la maladie de Berger est de réaliser une biopsie rénale afin de déterminer la présence des dépôts d’IgA au niveau des glomérules. Une fois le diagnostic posé, les médecins doivent adapter le traitement en fonction de l’évolution probable de la fonction rénale des patients qui est très variable. Là réside toute la difficulté actuelle, des traitements trop agressifs peuvent avoir des effets secondaires très importants et des traitements de bases n’empêcheront pas la dégradation de la fonction rénale à long terme pour les 30% de patients qui auront une mauvaise progression de leur maladie. Les cliniciens s’intéressent donc particulièrement à déterminer la progression de la maladie en fonction de paramètres cliniques comme les dosages urinaires. Ceux-ci ont permis de mettre en évidence qu’une protéinurie supérieure à 1g/jour persistante est un facteur de mauvais de pronostic de la fonction rénale. Depuis 2009, les anatomopathologistes ont également établie une classification des lésions histologiques observées sur les biopsies
rénales : la Classification d’Oxford. Celle-ci est maintenant bien établie et confirmée par plusieurs études internationales et peut être, dans certains cas de lésions, prédictive de la fonction rénale dégradée. Une étude en cours à SaintEtienne semble montrer que des biopsies répétées et leur analyse histologique selon la classification d’Oxford améliore la prédiction. De nombreuses études se sont attachées quant à elles à éviter la biopsie en trouvant des marqueurs circulants ou urinaires de l’activité de la maladie et nécessitent des confirmations.
Greffe et récurrence Lorsque la fonction rénale est trop altérée, la greffe devient obligatoire pour les patients atteints de néphropathie à IgA. Cependant, si les patients ne rejettent pas leur greffe, ils peuvent présenter à nouveau une dégradation de leur fonction rénale suite à la récurrence de la maladie. En effet, environ 50% des malades vont à nouveau présenter des dépôts d’IgA dans leur greffon. Ce phénomène de récidive avait été décrit par Jean Berger dès 1975. De rares cas de greffons provenant de donneurs atteints de néphropathie à IgA, découverts à postériori de la greffe, transplantés chez des patients atteints d’autres maladies rénales, ont montré la disparition de ces dépôts dans les greffons chez les receveurs renforçant l’idée que la maladie a une origine systémique et non pas rénale. Deux études françaises récentes ont donc analysé des biomarqueurs sanguins : la présence d’IgA anormalement galactosylées et des complexes contenant des IgG et le récepteur CD89. Les patients qui récidivent rapidement leur maladie sur le greffon présentent des taux plus élevés d’IgA anormales et d’IgG ainsi que des modifications des complexes contenant le CD89. Le monitoring de ces marqueurs pourrait aider à la prise de décision thérapeutique.
Une étude en cours à Saint-Etienne semble montrer que des biopsies répétées et leur analyse histologique selon la classification d’Oxford améliore la prédiction.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 22 #
Traitements actuels et futurs Les traitements à disposition des médecins actuellement sont de deux grandes catégories : pour la première : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes du système rénine-angiotensine (ARA II) qui maintiennent la fonction rénale ; deuxième catégorie : les immunosuppresseurs qui inhibent le système immunitaire et l’inflammation. L’utilisation de ces derniers est controversée, ils ont montré des effets bénéfiques sur la protéinurie mais avec d’importants effets secondaires. Une étude parue dans le New England Journal of Medicine en 2015 montre que, chez des patients traités par IEC ou ARA II, présentant une protéinurie intermédiaire (ente 0,75 et 3,5 g/jour), la balance bénéfice-risque semble penchée en faveur d’une non-utilisation des corticoïdes. Au contraire, pour des patients avec une protéinurie très importante, une étude rétrospective de 2015 (VALIGA) montre l’importance du traitement par corticoïde pour l’amélioration de la fonction rénale. Tous ces traitements ne sont pas spécifiques de la néphropathie à IgA et sont classiquement utilisés pour toutes les maladies rénales inflammatoires. Ils n’empêchent pas à terme pour certains patients d’évoluer vers l’insuffisance rénale et par conséquent la dialyse et la transplantation rénale. En effet ces traitements ne ciblent pas les IgA anormales. De nouvelles thérapies sont donc envisagées. Il y a actuellement 11 tests prévus ou en cours dans la néphropathie à IgA primitive et 2 tests pour la transplantation pour des traitements déjà utilisés dans d’autres maladies. Afin de bloquer la production anormale des IgA, un corticoïde à effet uniquement local : au niveau intestinal (Neficon) est en phase II d’essai thérapeutique chez les patients. D’autres thérapies ciblant les lymphocytes B qui produisent les anticorps sont à l’essai : le Rituximab, qui détruit les lymphocytes B ; l’Atacicept, Belimumab, Fostana-
tinib et l’Ibrutinik qui empêchent l’activation des lymphocytes B. D’autres traitements potentiels visent à bloquer l’activation des cellules mésangiales au niveau du rein ou l’inflammation et la voie du complément. L’élaboration par note laboratoire d’un modèle de souris humanisées pour les molécules clés impliquées dans la néphropathie à IgA : les IgA et leur récepteur CD89 a permis le test in vivo de certaines thérapies. L’utilisation d’une protéase : l’IgA1 protéase qui clive uniquement les IgA impliquées dans la maladie a montré la disparition des dépôts d’IgA chez la souris humanisée et la résorption de l’inflammation rénale. Une diète sans gluten a également montré des effets bénéfiques dans ce modèle. Enfin, l’utilisation d’antibiotiques à haute dose pour modifier le microbiote intestinal à également améliorer la pathologie chez les souris (étude no publiée). Ces études restent cependant à confirmer chez l’Homme en adaptant les protocoles et les doses.
Tous ces traitements ne sont pas spécifiques de la néphropathie à IgA et sont classiquement utilisés pour toutes les maladies rénales inflammatoires. Ils n’empêchent pas à terme pour certains patients d’évoluer vers l’insuffisance rénale et par conséquent la dialyse et la transplantation rénale.
Conclusion La néphropathie à IgA est une maladie complexe et multifactorielle associant une composante génétique et environnementale. Elle est maintenant considérée comme une maladie auto-immune avec la production d’anticorps dirigés contre les IgA anormales. De nombreuses questions restent encore aujourd’hui en suspens : la cause exacte de la maladie, comment sont produites les IgA anormales. Les cliniciens s’interrogent également sur le fait que ce soit une seule maladie ou un groupe de maladies apparentées. Comment prévoir l’insuffisance rénale ? Quel est le traitement le plus adapté ? Générique ou spécifique pour chaque malade ? Les tests de traitements ciblant la production des IgA ouvrent enfin de nouvelles perspectives thérapeutiques. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 23 #
GRÉTELLE BERNADET PSYCHOLOGUE (HÔPITAL BORDEAUX NORD)
LES AFFECTS : TÉMOIN DE LA RENCONTRE AVEC LE RÉEL
D
epuis L’agacement, énervement, la colère, tout cela dit quelque chose du réel. Soigner quelqu’un en souffrance, atteint d’une maladie grave et parfois incurable suppose de pouvoir rencontrer la souffrance de l’autre, cet autre qui, touché au plus vif de son être, sombre alors dans un état des plus régressifs, insu, inédit, étranger à lui-même. Il s’affronte alors à la pulsion dans son versant dévorant, bouffant… il est à chaque minute menacé de disparaître. Qui est-il alors ? Un corps ? Un organisme à étudier ? Une énigme pour l’autre médecin ? Un nom ? Une étiquette, un numéro, une plainte, un symptôme, un homme ou une femme regardée, passée au peigne fin par les différents regards, ou bien par l’œil de la machine ? L’emmerdeur du poste 1 ? Celui qui ne rentre pas dans le cadre parce qu’il ne sait pas être « patient » ou même le bon « patient » ?
Être atteint d’une maladie chronique et grave, se retrouver entre els mains du corps médical, en étant ou pas atteint en plus d’une problématique psychique, entraîne toujours et systématiquement un état de souffrance qui ne permet pas de rentrer dans un cadre. Il s’agit bien au contraire de créer un cadre qui permette l’accueil de la souffrance du patient c’està-dire pouvoir l’accueillir dans sa dimension de sujet, dans sa langue. Cela suppose de mettre à distance sa propre souffrance ou bien d’en connaître à minima les points d’insupportable, c’est-à-dire d’être un peu au clair avec ses points d’angoisse.
Bien loin du sujet dans sa dignité telle que l’entend le psychologue orienté dans sa pratique par le discours analytique, le « patient » accompagné de ses mécanismes de défenses entre sur scène avec son cortège de symptôme ; parfois à bas bruit, parfois à bruit assourdissant.
Etre en vie n’est pas obligatoirement vivre !
Aussi, c’est au soignant, professionnel de la santé, de s’adapter à celui qui souffre dans son corps et dans son être ; a celui qui est bouleversé par le réel rencontré, véritable tsunamis dans son existence.
Lui qui est piqué, lui qui est condamné à venir trois fois quatre heures de sa vie, un jour sur deux, chaque semaine ; lui qui ne peut échapper au réel dévoilé par la présence permanente de
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 24 #
cette machine dont sa vie dépend, lui qui est obsédé par le moindre signal provenant de son corps, en proie au « sans limite » de son imaginaire ; ne dit-on pas que la santé c’est le silence des organes ? Lui qui voit sa vie brisée par une maladie mortelle. Même si la promesse de greffe, pour certains, ouvre un possible horizon, il n’en reste pas moins que, la aussi, il est question de vie et de mort. En dialyse, il est donc question d’un corps malmené par des soins invasifs, il est question d’un corps amputé de bouts de jambes, d’orteils…, il est question de vaisseaux qui menacent de lâcher à tout moment ; en dialyse, on y arrive après un parcours souvent difficile, un diabète qu’il a fallu tenter de gérer toute sa vie, un cancer, une chirurgie qui a mal tournée, une maladie héréditaire, le grand âge et la dégénérescence qui va avec. Donc ce n’est pas parce que l’on est en vie que l’on vit et ce n’est pas parce qu’il y a une solution potentielle que c’est supportable. En dialyse, il y a donc à faire avec un corps traversé par des émotions, parfois violentes, témoins du fait que l’on est bien vivant : on y éprouve de l’angoisse, de la colère, de la résignation, de la dépression, de la peur. Avoir peur, c’est déjà commencer à traiter l’angoisse de périr tout entier dans cette rencontre avec la maladie en prenant appui sur un point fixe, « cette peur la bien précise, bien délimitée », afin de tenter de poser sa question de sujet vivant, désirant face à ce qui a fait effraction et stoppé le fait de pouvoir penser. Les patients ont besoin d’exprimer cela, à l’image d’un enfant qui régresse parce qu’il n’a pas encore toutes ses défenses psychiques à disposition pour tisser un voile sur le scénario d’horreur de ce qui s’est brutalement dévoilé. Le soignant est alors un appui pour l’aider à supporter et traverser ce moment. Par sa plainte toujours singulière, il demande de l’aide. En proie à une détresse inédite, impensable et insupportable, cette demande est ici peu civilisée et sera à accueillir et à traduire par le soignant. Dans ce néant qui le submerge, le patient ne sait pas ce qu’il demande parce que déjà, il n’est plus le même. Il n’éprouve plus son corps de la même façon, il n’est plus
regardé de la même façon, il ne se voit plus de la même façon… il est bouleversé : rien n’est plus comme avant. /////
En dialyse, il est donc question d’un corps malmené par des soins invasifs, il est question d’un corps amputé de bouts de jambes, d’orteils…, il est question de vaisseaux qui menacent de lâcher à tout moment ; en dialyse, on y arrive après un parcours souvent difficile, un diabète qu’il a fallu tenter de gérer toute sa vie, un cancer, une chirurgie qui a mal tournée, une maladie héréditaire, le grand âge et la dégénérescence qui va avec. Europe 1 : De plus en plus de malades. L’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) affecte une part croissante de la population française :en 2014, ils étaient 79.355 patients à suivre un traitement dit de «suppléance» (greffe du rein ou dialyse), soit 5% de plus par rapport à 2013, après une augmentation de 4% entre 2013 et 2012, relève dans un rapport le HCAAM. http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/ europe-1-sante/videos/l-insuffisance-renaleune-maladie-compliquee-2246385
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 25 #
EDUQUER, SOIGNER : UN SAVOIR Y FAIRE AVEC L’IMPOSSIBLE !
Ê
tre parent est une position impossible au sens ou, il n’y a pas, malgré ce que veulent nous faire croire les discours éducatifs, une solution, unique et qui vaille pour tous, d’être parent. « Parent mode d’emploi » est une utopie ! Cela ne s’apprend pas, il n’y a pas de protocole ni une bonne façon de faire ; nous échouons tous à être parents pour le pus grand bien de nos enfants. Chaque parent se rencontre pour la première fois à l’instant même où il rencontre son enfant. Il suffit d’ailleurs, d’avoir deux enfants pour se rendre compte que ce qui a marché avec l’un, ne marche pas avec l’autre. Chacun de nos enfants nous renvoie un reflet différent de nous-mêmes : dans l’autre on se mire. Eduquer, soigner sont donc des choses fondamentalement impossibles et il va s’agir, tout comme avec un enfant, d’accompagner le bricolage, au cas par cas, pour chaque patient, d’une solution de vie supportable pour lui à partir de cette rencontre avec la maladie. Pour cela, il faudra de part et d’autre y mettre du sien, c’est-a-dire, que chacun connaisse l’opacité, la tache sombre qui est en lui, ce point qui fait qu’il ne peut pas tout entendre, pas tout supporter , pas tout recevoir. C’est ainsi, chacun de nous porte en lui la marque d’où il s’origine en tant que sujet, vestige de sa construction plus ou moins réussie, plus ou moins stable mais toujours bricolée et singulière. Rencontrer l’autre suppose toujours dans le même temps de se rencontrer soi-même. Dans la rencontre avec une personne atteinte d’une maladie grave, menacée de mourir et aux prises avec une souffrance quotidienne, il est impossible de ne pas réagir, de ne
pas souffrir soi-même, il est impossible de ne pas soigner avec un peu de soi… c’est comme cela pour l’être humain et cela n’a rien à voir avec une quelconque impuissance. il devient alors difficile de penser. Quand une rencontre touche au réel, il n’y a souvent pas de mots pour dire ce que l’on éprouve mais bien souvent du corps, c’est-à-dire, des affects, des pulsions - des regards, des manifestations vocales, des gestes, des mots égarés tels des projectiles… le passage à l’acte n’est parfois pas loin, témoin de l’indicible- difficile de construire du sens, de dire sur le réel… L’illusion est alors grande d’imaginer se mettre à la place de l’autre qui souffre. Mettre en fonction cet impossible là, suppose alors de se faire responsable de ce que l’on éprouve face à ce qui est insupportable afin de tisser une trame de sens qui vienne voiler ce réel en disant autour. La question fondamentale dont le soignant et le patient ont à se faire responsable est celle de vouloir en savoir quelque chose de l’énigme de sa souffrance liée à cette rencontre-là. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 26 #
PROFESSEUR MICHÈLE KESSLER (NANCY)
COMMENT RENDRE LE PATIENT ATTEINT DE MALADIE RÉNALE CHRONIQUE ACTEUR DE SA MALADIE
D
epuis 50 ans, de très nombreuses avancées technologiques et pharmaceutiques ont permis d’améliorer les traitements par dialyse et greffe mais les études scientifiques mesurant la qualité de vie perçue par les patients ont clairement montré qu’elle était impactée de façon importante et significative par comparaison à la population générale et que la maladie chronique transformait le quotidien des malades tant sur le plan social, que familial et relationnel. En France on estime à 3 millions le nombre de personnes ayant une maladie rénale chronique (MRC). Compte tenu de la gravité de cette pathologie, de son coût et de ses répercussions psychologiques et sur la qualité de vie le législateur, la Haute Autorité de Santé et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés se sont focalisés sur sa phase terminale qui touche dans notre pays près de 80000 personnes alors qu’il existe des moyens thérapeutiques permettant en amont de ralentir la progression de la MRC voire d’éviter la suppléance et de faire la prévention secondaire des complications en particulier cardio-vasculaires. L’expérience de la maladie acquise au cours du temps a fait émerger chez les patients des besoins de connaissance, une volonté d’acquérir des compétences relatives au suivi des traitements et de participer aux choix qui s’offrent à eux.
Créé en 2002, le réseau régional NEPHROLOR a souhaité offrir aux patients atteints de MRC un accompagnement adapté, sans rupture et complémentaire de leur prise en charge médicale. Pour qu’il soit adapté aux besoins des patients, ceux-ci ont été associés à la construction des programmes d’éducation thérapeutiques. Ils ont également participé à leur évaluation et certains d’entre eux motivés et disponibles ont
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 27 #
été formés à l’ETP et inclus dans l’animation des ateliers en binômes avec des professionnels de santé et sont ainsi devenus des patients qui ont souhaités être appelés patients « ressources » plutôt que patients « experts ». NEPHROLOR a conçu 3 programmes d’ETP couvrant la totalité du parcours des patients depuis les stades précoces de la MRC jusqu’à la suppléance (dialyse et greffe) (figure 1) E’dire créé en 2010, est destiné au patient MRC à des stades modérés (3 et 4). A travers un parcours personnalisé défini lors du diagnostic éducatif, il bénéficie de séances individuelles et collectives. Différents thèmes sont abordés : connaissance de la MRC, surveillance, prise en charge diététique et médicamenteuse, hygiène de vie et activité physique et soutien psycho-social. Ce programme est décliné hors des établissements de santé à proximité du domicile des patients par des professionnels de santé libéraux. Althyse, lancé en 2012, accompagne les patients en IRC sévère (DFGe <20 ml/min) dans le choix de la 1ère méthode de suppléance. Il comprend une consultation d’annonce faite par une infirmière après que le néphrologue ait annoncé la sévérité de l’IRC puis un cycle de 4 ateliers étalés sur un mois au cours desquels le patient accompagné d’un proche découvre ou approfondit de façon interactive sa MRC, la transplantation rénale avec un focus sur la greffe préemptive avec donneur vivant, la dialyse péritonéale puis l’hémodialyse. Une 2ème séance individuelle permet de recueillir le choix du patient qui est ensuite validé par le néphrologue et qui précède la mise en route de la préparation à la ou les méthodes choisies. Edugreffe est proposé depuis 2010 à tout patient transplanté rénal et est découpé en 2 temps : des séances individuelles réalisées au cours de l’hospitalisation pour greffe et destinées à sécuriser la sortie, puis des séances collectives et individuelles au cours de la première année de greffe et reprises annuellement ensuite. Elles apprennent au patient greffé à s’auto surveiller, à reconnaitre les symptômes annonciateurs de complications, à gérer son hygiène de vie et ses traitements médicamenteux, à prendre en compte les évènements intercurrents et in fine à bâtir son projet de santé.
Figure 1 : Education thérapeutique dans le parcours de soins de la maladie rénale chronique
Figure 2 Description de la plateforme de télémédecine e-Nephro
Rendre le patient acteur c’est également lui permettre d’accéder facilement à ses données de santé et de communiquer avec les différents professionnels de santé qui interviennent dans sa prise en charge. Pour cela la télémédecine offre aujourd’hui des outils très intéressants. Nous nous intéressons à ces nouvelles technologies depuis 2000 ce qui nous a permis de concevoir avec un industriel (Pharmagest) un système de télésurveillance du patient atteint de MRC à tous les stades de sa maladie (e-Nephro) qui a été retenu dans le cadre de l’appel à projet e-santé 2 des investissements d’avenir. Son objectif est de faire émerger un modèle économique via une étude médico-économique randomisée. Il propose un ensemble de service et repose sur un large partenariat (fig2). Construit à partir de l’expérience lorraine, il se déploie depuis décembre 2015 dans 3 régions (Hauts de France, Grand est et Nouvelle Aquitaine) ; 234 patients ont déjà été inclus au 30/09/2016 et l’étude devrait se terminer fin 2018. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 28 #
NICOLE KUCHARSKI, DIÉTÉTICIENNE NUTRITIONNISTE HTTP://BALADE-EN-DIETETIQUE.WIFEO.COM/
L’ÉVOLUTION DE LA DIÉTÉTIQUE DES PATIENTS EN ALD
M
ichel Raoult m’a demandé de rédiger un article sur l’évolution de la diététique en néphrologie et en diabétologie durant ces dix dernières années ayant la double compétence dans ces domaines. J’ai décidé de parler de mon expérience aux seins des réseaux de santé (RENIF et PARIS DIABETE) et en dialyse. J’ai connu, grâce à un courrier reçu en 2007, le réseau NephronEst, l’un des trois réseaux de néphrologie d’Ile-De-France qui se sont regroupés pour devenir le réseau RENIF. Ce réseau avait pour vocation de créer un lien entre le milieu hospitalier et les diététiciens en libéral. Courant 2008, j’ai suivi et validé la formation obligatoire et théorique sur la nutrition de la maladie rénale et j’ai pu réellement intégrer ce réseau à cette période car il fallait être formé en néphrologie pour avoir la possibilité de prendre en charge les patients en insuffisance rénale en consultations individuelles. A l’époque, les premiers ateliers que j’ai animés se présentaient sous la forme d’un PowerPoint qu’on projetait sur un mur ou un tableau blanc. Sur le diaporama une série de questions était posée et les participants donnaient leurs réponses à l’aide de pancartes VRAI/FAUX, seule interactivité de l’époque. De 2008 à 2009, nous avons élaboré un livret de recettes « Les recettes du monde » encore actuellement proposé, ce qui permet de montrer que l’on peut manger et se faire plaisir avec une maladie rénale. En 2009, la coordination régionale d’ETP d’IleDe-France (réseau diabétologie FREDIF et de
néphrologie RENIF) m’a proposé de me former en ETP (éducation thérapeutique du patient) et j’ai eu l’honneur de faire partie des seize premiers paramédicaux de ces réseaux à être formée. Depuis 2010 une nouvelle version des ateliers a vu le jour avec les diététiciens formés en ETP. Le diaporama ayant été supprimé au profit d’échanges entre les patients et d’ateliers plus ludiques. Le réseau avait créé trois groupes de travail afin de proposer aux patients une meilleure prise en charge. Ainsi, a été mise en place un groupe « pro » de diététiciennes hospitalières pour former les diététiciens à la maladie rénale, un groupe « recettes » pour l’élaboration du livret et un groupe « ETP » pour construire et proposer les ateliers diététiques liés à la maladie rénale. De nouveaux ateliers ont vu le jour dont les thèmes sont par exemple le potassium, le cho-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 29 #
lestérol, la lecture d’étiquetages et les anciens sont constamment remaniés selon les besoins des patients. Suite à ma formation en ETP, j’ai intégré le réseau PARIS DIABETE qui me permet d’animer des ateliers pour des patients diabétiques de type 2 principalement, sous la condition d’assister chaque année à, au moins, un comité de pilotage de l’ETP ou à une rencontre des animateurs de l’ETP. Ce réseau propose des prises en charge diététique individuelle selon les besoins et des ateliers sur l’alimentation, les traitements, les soins des pieds et tout récemment d’autres thèmes comme par exemple les repas de fêtes, les voyages… Depuis 2015, il est possible d’animer dans des ateliers pluridisciplinaires, c’est-à-dire constitué d’un animateur ayant une expertise dans la thématique de l’atelier et d’un animateur dont l’atelier est autre que celui en rapport avec sa profession. Ainsi, j’ai pu animer des ateliers de podologie avec une pédicure podologue et même participer à une marche organisée par le réseau avec un éducateur sportif formé en ETP. Cette année, avec concertation des paramédicaux, le réseau souhaite proposer des ateliers à la carte ainsi que la construction d’ateliers en co-animation avec un patient intervenant. J’interviens depuis 2013 dans un centre de dialyse à Paris (ANDRA), et avec des collègues infirmiers et la cadre de santé, nous avons créé et développé depuis deux ans un programme d’ateliers ETP lors des séances de dialyse. Nous proposons à deux ou trois patients durant leur séance des thèmes variés sur la nutrition, le générateur, les traitements … Il n’est pas toujours facile d’aider les patients dialysés à comprendre la maladie et à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie, et cela d’autant plus pour les personnes d’origine étrangère ne maîtrisant pas la langue française. Même si cela modifie profondément la relation « soignant- soigné », j’encourage vivement mes collègues diététiciens à se former et à développer des compétences en ETP aussi bien en consultations individuelles qu’en ateliers pluridisciplinaires. Le développement de projets d’éducation thérapeutique du patient malade
chronique favorisé par l’ARS Ile-de-France permet d’aider le patient et ses proches à comprendre la maladie et le traitement et a réellement changé la prise en charge aussi bien en néphrologie, en diabétologie que dans toutes les maladies chroniques. /////
Le réseau avait créé trois groupes de travail afin de proposer aux patients une meilleure prise en charge. Ainsi, a été mise en place un groupe « pro » de diététiciennes hospitalières pour former les diététiciens à la maladie rénale, un groupe « recettes » pour l’élaboration du livret et un groupe « ETP » pour construire et proposer les ateliers diététiques liés à la maladie rénale. De nouveaux ateliers ont vu le jour dont les thèmes sont par exemple le potassium, le cholestérol, la lecture d’étiquetages et les anciens sont constamment remaniés selon les besoins des patients.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 30 #
ÉDITION ET GESTION PUBLICITAIRE Association La Ligue Rein et Santé Tél.:06 87 93 21 54 www.rein-echos.fr Adresse mail annonceurs Écrire à la revue auprès de l’association ou e-mail : rein.echos@orange.fr ANNE CAROLINE NEYRAUD AGENCE LE BOUSCAT
2006-2016 : REIN ECHOS AURA PASSÉ 10 ANS AU SERVICE DES DIALYSÉS !
ISSN : 1958-3184, dépôt légal 2015
En 2006, après avoir effectué une première croisière avec dialyse à bord par notre biais, Michel Raoult nous informait de son projet de revue et le premier numéro de Rein Echos voyait le jour en octobre 2006.
Comité de rédaction (bénévoles) : Auteurs participants : remerciements aux auteurs des différents articles pour ce numéro anniversaire (dernier Rein échos web mag)
L’éditorial de ce premier exemplaire affichait la ligne de conduite de la revue : « Comment faire avec… mon insuffisance rénale, mon diabète, ma dialyse, ma transplantation ? Rein Echos, un portail de réponses et de données accessible à tous ».
REIN ÉCHOS WEB MAG Directeur de la publication Michel Raoult
Crédits photos LRS Direction artistique et réalisation Laurent de Sars 06 73 68 06 32 - LDESARS@MAC.COM
Dans ce numéro et dans d’autres qui ont suivi, nous avons voulu répondre à cette question dans le cadre des loisirs et plus particulièrement des voyages. En effet, spécialisé dans l’organisation de voyages pour les personnes dialysées, Gérard Pons Voyages propose entre autres un programme Dialyses & Croisières depuis plus de 25 ans. Certains de nos clients dialysés ont d’ailleurs partagé leur expérience, que ce soit suite à des séjours ou des croisières organisées par notre agence. Quoi de mieux qu’un dialysé ayant expérimenté ce type de voyage pour en parler aux autres dialysés ? Par le biais de Rein Echos ces 10 dernières années, nous avons souhaité montrer que Gérard Pons Voyages est aux côtés des dialysés, transplantés, leurs familles et amis, dans l’organisation de leurs vacances.
Gérard Pons Voyages est fier d’avoir pu prendre part, à son petit niveau, à ce projet. Nous remercions grandement Michel Raoult de nous y avoir associé !
Nous saluons l’initiative de Michel Raoult et ses 10 ans d’investissement, au côté de son équipe, dans la revue Rein Echos. Une implication de tous les jours qui aura largement contribué à œuvrer dans l’information des dialysés et
Gérard Pons Voyages 55 avenue de la Libération 33110 LE BOUSCAT Tél : 05.56.42.49.01 Email : dialyse@gerard-pons-voyages.fr www.dialyses-et-voyages.fr
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 31 #
DEPUIS DIX ANS ET SANS LEUR SOUTIEN, LA LIGUE REIN ET SANTÉ N’AURAIT PU RÉALISER ET DISTRIBUER SES MÉDIAS GRATUITS
Mais également : G. Pons, Théradial, Genzyme (SANOFI), Novartis, Roche, etc. Sans oublier nos petits donateurs (mécénat). Merci également aux professionnels de santé qui ont bien voulu nous parrainer ou nous assister dans la réussite du challenge des revues Rein échos pour expliquer l’insuffisance rénale et ses conséquences. REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 32 #