N°11
Les fascicules
Septembre 2007
Plateforme Internationale de l’Education Citoyenne
Regards croisés sur l’éducation citoyenne France, Québec, Brésil et ailleurs Analyse comparée de 20 expériences du Québec, Brésil, Suisse, Inde et France Coordination Julie Banzet
Travail réalisé avec l’appui du Conseil Régional du Nord-Pas de Calais du Conseil Régional de Midi-Pyrénées et de l’OFQJ
La Plateforme internationale d'échanges sur l'éducation citoyenne, créée en janvier 2005 après le Forum Social Mondial de Porto Alegre a permis de constituer un réseau d’acteurs de terrains au Brésil, au Québec et en Europe. Pendant deux ans, nous y avons croisé nos pratiques, et réfléchi ensemble autour de la question « Comment, dans les différents pays, menons-nous des actions qui préparent les citoyens à affronter demain les enjeux d'un monde incertain ? ». Ce travail a montré l’importance des échanges de pratiques, d'une réflexion commune et d'un approfondissement des convergences et des spécificités de chacun, avec l’apport des différents regards. Le présent fascicule est le fruit d’un travail en commun avec les partenaires de la plate forme au fil de ces deux années. Il rassemble les récits de 20 expériences porteuses d’éducation citoyenne ayant participé, de près ou de loin aux échanges lors de la Plateforme Internationale d’Education Citoyenne. Ces expériences agissent dans différents champs d’action, et dans des contextes très différents. Ces fiches et ces réflexions sont l’aboutissement d’un travail d’expérimentation en réseau, ouvert à de nouveaux partenaires, avec l'exigence d'un travail de chacun dans la durée. Les échanges à distance, par mail et Internet, ont donné lieu à une observation des méthodes et des difficultés rencontrées, de même que les rencontres physiques. Ce document est destiné à servir à tous ceux qui souhaitent se donner des repères pour entreprendre une action ou pour élaborer un programme qui prend en compte la dimension « éducation citoyenne ». Dans une première partie, nous présentons le travail du groupe des butineurs au sein de RECit, qui a permis de développer les présentations d’expériences regroupées dans ce fascicule. Dans une deuxième partie, une analyse transversale introductive se propose de tenter de dégager ce qui leur est commun et qui caractérise une éducation citoyenne, émancipatrice. La troisième partie présente de manière détaillée chacune des 20 expériences, regroupées par pays. Tout ce travail de recueil et d’approfondissement des expériences nous paraît essentiel pour ancrer notre travail sur l’éducation citoyenne. Cependant, nous avons besoin de vos retours pour pouvoir préciser les méthodes et les façons de procéder. Une fiche de suivi, en fin de recueil, vous permettra de commenter votre lecture, et éventuellement participer au groupe des butineurs à votre tour.
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Sommaire
LA PLATEFORME INTERNATIONALE DE L’EDUCATION CITOYENNE......................................7 ........................................................................................................................................................................ 10 ECHANGER ET MUTUALISER DES EXPÉRIENCES.......................................................................... 10 MUTUALISER ET FAIRE CONNAÎTRE LES EXPÉRIENCES ............................................................................... 12 LE GROUPE DES BUTINEURS............................................................................................................................ 13 DES OUTILS ÉLABORÉS COLLECTIVEMENT ................................................................................................... 14 DES CONVERGENCES À TRAVERS LES ACTIONS – ....................................................................... 16 LES CONDITIONS D’UNE PÉDAGOGIE ÉMANCIPATRICE............................................................. 16 EXPRIMER LE SENS DE L’ACTION MENÉE....................................................................................................... 18 ACCOMPAGNER CHACUN DU PERSONNEL AU COLLECTIF............................................................................. 20 ACCOMPAGNER VERS LE COLLECTIF............................................................................................................. 23 FAIRE ENSEMBLE............................................................................................................................................. 26 COOPÉRER, DÉCLOISONNER............................................................................................................................ 30 EXPÉRIENCES DÉTAILLÉES.................................................................................................................. 32 EXPÉRIENCES QUÉBÉCOISES............................................................................................................... 34 INTERFÉRENCES............................................................................................................................................... 35 DES JEUNES EN RÉSEAU POUR LE DIALOGUE INTERCULTUREL, DES CHOIX SOCIO-ÉCONOMIQUES VIABLES, UNE INFORMATION DIFFÉRENTE..................................................................................................... 35 LE SANTROPOL ROULANT, LIVRER DES REPAS POUR CRÉER DES LIENS DANS LA COMMUNAUTÉ ...........38 UN FESTIVAL PERPÉTUEL, OUVRIR SON LOGIS À TOUS ET À TOUTES, AFIN DE PARTAGER GRATUITEMENT DES ACTIVITÉS.................................................................................................................................................. 43 CAFÉ GRAFFITI, AIDER LES JEUNES MARGINALISÉS À SE RÉINSÉRER DANS LA VIE SOCIOÉCONOMIQUE EN FAVORISANT LEUR AUTONOMIE...................................................................................................................... 49 DÉCIDER ENSEMBLE DE L’AVENIR DE SON QUARTIER : L’OPÉRATION POPULAIRE D’AMÉNAGEMENT DE POINTE ST-CHARLES....................................................................................................................................... 54 EXPÉRIENCE SUISSE............................................................................................................................... 58 TRAMPOLINO : RÉDIGER ENSEMBLE UNE DÉCLARATION D’IMPÔTS ........................................................... 59 EXPÉRIENCES BRÉSILIENNES.............................................................................................................. 66
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AÇÃO DA CIDADANIA À SÃO PAULO, LE CAFÉ DU MATIN POUR SAO PAULO - JOURNÉE MONDIALE DE L'ALIMENTATION............................................................................................................................................. 67 À LA PORTE DE LA RUE – TRAVAIL AVEC LES ENFANTS DES RUES............................................................... 70 INSTITUTO DE HUMANIZAÇÃO – DEVENIR ACTEUR DE SA PROPRE VIE....................................................... 73 SHANGRI-LÁ: “ATTENDRE, C’EST IGNORER”................................................................................................ 77 EXPÉRIENCES INDIENNES..................................................................................................................... 82 EN VIE ET JANA SANSKRITI – LE THÉÂTRE DE L’OPPRIMÉ DE LILLE À CALCUTTA................................83 ASHA KIRAN SOCIETY, LAMPTAPUT, ORISSA, INDIA.................................................................................... 87 EXPÉRIENCES FRANÇAISES.................................................................................................................. 92 LE TEMPS D’AGIR – ORGANISATION D’UNE EXPOSITION DÉBAT SUR LES THÈMES DE L’ÉCONOMIE D’ÉNERGIE, L’URBANISME ET L’HABITAT BIOCLIMATIQUE.......................................................................... 93 YORANOO : ATELIERS HEBDOMADAIRES APRÈS L’ÉCOLE POUR ANCRER SA PLACE DANS LE MONDE 100 UNION CA CRÉE – DES ÉCHANGES MULTICULTURELS POUR DES JEUNES ................................................. 104 INTOLERAGE (MARSEILLE), VIBRATIONS CITOYENNES......................................................................... 107 CULTURE XXI, PLATEFORME DE RÉFLEXION, DE DIALOGUE ET D’ÉCHANGE SUR LES DÉFIS DU 21ÈME SIÈCLE............................................................................................................................................................. 111 PARTENARIAT ENTRE UNE COLLECTIVITÉ LOCALE ET UN COLLECTIF ASSOCIATIF PEUT-IL RÉUSSIR ?. 115 LA MAISON POUR UN DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE, UN LIEU D’ACCUEIL OUVERT ET MILITANT .........121 ARDELAINE- FAIRE-ENSEMBLE AVEC PRAGMATISME ET FLUIDITÉ, VERS UNE DÉMARCHE CITOYENNE. 125 OUTILS POUR ALLER PLUS LOIN...................................................................................................... 130 TRAME DE LECTURE D’EXPÉRIENCE............................................................................................................. 131 INVARIANTS DE L'ÉDUCATION CITOYENNE ?............................................................................................... 135 FICHE DE SUIVI ET CONTACT............................................................................................................ 140
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La plateforme internationale de l’Education Citoyenne
Favoriser les rencontres, du local à l’international On ne peut se contenter de travailler sur l'éducation citoyenne au niveau national ou local. Des lieux de réflexion internationalisés existent déjà, autour de différents réseaux. Il a été proposé aux constituants de RECit de participer activement à ces échanges et ces liens à travers une plateforme internationale de l'éducation citoyenne. Travailler à l’international n’est pas chose aisée, et questionne sans cesse nos façons de faire et de penser. Cependant, cette ouverture sur l’Autre apparaît toujours riche. Pour les acteurs associatifs, les échanges locaux offrent un espace essentiel examiner le contexte dans lequel ils évoluent, apprendre les uns des autres sur des problématiques communes, mutualiser des savoir-faire et mettre en place des actions communes. Étendre les échanges locaux au niveau international (échanges du "local au local") confronte les participants à un contexte historique, politique, économique et social différent, et les met dans une dynamique d’apprentissage renouvelée. D'une part cette nouvelle dimension leur apporte des regards différents sur leur organisation et leurs actions. D'autre part elle permet aux participants de prendre davantage de recul, d’aiguiser leur sens critique et leur écoute de l’autre, leur capacité à améliorer leurs pratiques, à imaginer leur organisation autrement et à risquer le changement.
Elaborer des outils pour travailler en réseau ouvert Dans le cheminement entre acteurs de terrain, l'apprentissage est lié à l'autonomie. Dans chaque situation, et d’autant plus dans ce contact multiculturel, on doit accepter un certain droit à l'erreur et au malentendu, lié à l'écart culturel et à l'inexpérience. Le travail à l’international permet aux acteurs de RECit d’affiner leurs outils, de consolider leur réflexion. Toute une partie du programme était tournée vers la construction d’outils, la mutualisation, et la formation. Nous avons cherché à consolider les outils que nous utilisions pour animer le réseau de RECit, en France et à l’International. En travaillant sur la gestion d’une base de données, sur notre site Internet, sur la rédaction et la gestion d’une lettre d'information, en élaborant des réflexions collectives sur la communication publique, nous avons pu mieux faire connaître les actions et relayer l’information. Certains outils de travail collaboratifs, tels que le Wiki, ont prouvé être bien adaptés pour le travail en réseau à distance. 7
Par ailleurs, si l’autonomie est nécessaire pour permettre de démultiplier les tâches et s’assurer une grande fluidité du réseau, il faut toujours un coordinateur pour gérer la vie de ces outils. La difficulté essentielle n'est pas dans l'outil technique, mais dans la régularité et la qualité de l'animation des échanges. Il est en effet nécessaire, dans ce travail à distance, de respecter les délais auxquels chacun s’engage, bien que chaque rédacteur ait un agenda à respecter dans sa vie quotidienne. Dans un souci de permettre à chacun de trouver sa juste place dans RECit, et de favoriser la vie du réseau, l’accent a été porté très fortement en 2006 sur une réflexion autour du bénévolat. Comment favoriser une prise de responsabilité et une autonomie des bénévoles? Comme on le verra dans les diverses expériences présentées dans ce recueil, l’essentiel reste l’accompagnement de chacun vers une prise de responsabilité progressive. Les guides mis en place en 2005 ont montré un besoin d’accompagnement et de suivi des personnes responsables autant que de méthodologie.
Des temps de rencontres physiques Le travail à distance ne suffit pas. Il reste essentiel de se voir de temps en temps en chair et en os, pour construire, échanger et relancer les dynamiques. 2006 a permis des rencontres, en France, au Québec et au Brésil, pour approfondir nos pistes de réflexions. Les ateliers avec nos partenaires étrangers ont permis d’élaborer des questionnements et des perspectives, qui ont ensuite été diffusées par Internet au reste du réseau, et ainsi enrichies d’autres perspectives. Ces rencontres ont permis de mettre en lien de nombreux acteurs dans le réseau, et ont ouvert de multiples pistes de collaboration.
Un travail sur le sens des mots Chacun ne met pas les mêmes choses sous les mêmes mots. Les mots clé pour les uns peuvent être les mots ennemis de autres, alors même que nous pouvons être d'accord sur la réalité commune que ces mots différents recouvrent Les histoires, les convictions, le langage du sens sont très différents selon les personnes, les groupes et les organisations. Le travail sur les mots nous paraît un préalable essentiel à d’autres travaux que nous menons : comment parler de citoyenneté, de laïcité ouverte ou de fraternité, si nous n’avons pas confronté d’abord nos différents points de vue sur la question et fondé une définition commune à laquelle nous pouvons nous référer ? Ce travail sur les mots a été très riche, et souvent émouvant dans les surprises et les rencontres qu’il a encouragées. Il a permis de préciser une méthodologie avec des publics différents, ayant des rapports différents à la langue. Un fascicule reprend les éléments de méthodes. Ce travail peut être utilisé comme un support très riche pour des rencontres entre différentes histoires et contextes, et croisements de regard, dans d’autres organisations, et d’autres contextes.
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Echanger et mutualiser des expériences
Sur le terrain, de multiples expériences développent depuis parfois très longtemps des actions et des méthodes qui vont dans le sens d’une société plus humaine. Elles montrent qu’il est possible de jeter les bases d’une société solidaire, participative et durable. RECit s’est créé d'une part pour croiser ces expériences et dégager les lignes de force et les invariants d’une éducation citoyenne, d'autre part pour travailler sur la cohérence entre la finalité des actions et les méthodes mises en oeuvre.
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Mutualiser et faire connaître les expériences Le site Internet Premier outil de mutualisation, le site Internet de RECit est à la fois un outil interne, pour faire circuler les réflexions et les expériences, et un outil externe, pour les faire connaître au grand public. Il permet de diffuser des références collectives et montre la diversité des initiatives dans tous les domaines. Le site est fait grâce à SPIP, logiciel libre qui permet de publier des articles très facilement. Chacun peut proposer des expériences à publier sur le site, ou simplement nous aider à le tenir à jour et à l’enrichir. Une petite formation de 4h est organisée pour présenter la logique de fonctionnement du site.
Les Rendez-vous de l'éducation citoyenne Au delà de la diffusion à travers les récits d’expériences, c’est la rencontre entre les personnes et le croisement de regards différents qui font la richesse des échanges d’expérience. Les RDV de l'éducation citoyenne mêlent des personnes d'expérience et d'autres qui découvrent et s'informent, se forment en même temps. Une structure ouvre ses portes pour une journée ou soirée pour présenter son travail autour d’une thématique qu’elle a choisie. Chacun apporte, à travers son témoignage, ses questions, un autre éclairage sur l’expérience et sur la thématique, une autre expertise de vie quotidienne. Ces RDV ont servis de base pour les rencontres organisées lors de la semaine à Montréal, autour du programme d’été de l’institut du développement communautaire. La délégation de RECit a ainsi pu rencontrer plusieurs acteurs du milieu communautaire québécois.
Des analyses de groupe Grâce à des rencontres ou bien des échanges par mail, il est envisagé que des groupes d’expériences comparent leurs pratiques sur des questions précisées à l’avance ; ils déterminent les points de convergences et les invariants, précisent les conditions de réalisation et de réussite et les difficultés de ce type d'actions, en fonction des objectifs poursuivis, des méthodes en cohérence avec ces objectifs, des valeurs sous jacentes. Une seule condition pour démarrer un tel travail : un chef de file prêt à faire le travail de synthèse. Des échanges peuvent aussi prendre la forme d’échanges réciproques d’expériences : deux expériences s’observent et échangent de manière réciproque sur une période donnée. Chacun accepte d’être à la fois observateur et observé, accompagnateur et accompagné, à la manière d’un réseau d’échanges de savoirs. 11
Le groupe des butineurs Le suivi d’une expérience peut aussi être effectué dans la durée par un observateur extérieur, un Butineur. Le groupe des Butineurs est né fin 2005. Il a pour objectif de permettre à des bénévoles de RECit d’aller à la rencontre d’une expérience en lien avec l’Education Citoyenne. Le butineur est un observateur extérieur qui va aider le porteur de l’expérience à aller plus loin dans la description de son expérience. Ce travail est restitué à l’ensemble du réseau sous forme de fiche approfondie. Les fiches approfondies sont publiées sous forme de recueils – le présent fascicule est le deuxième répertoire publié. Un premier répertoire, rassemblant 25 autres expériences, peut être commandé sur le site de RECit.
Un travail d’échange et d’enrichissement mutuel Il ne s’agit pas d’« espionner » l’expérience au sein de RECit, pour qu’elle soit ensuite copiée, mais de proposer un outil pour évaluer le travail et réfléchir sur le sens et la portée de ce que nous faisons au quotidien. Ce travail de rencontre est un apprentissage, parfois difficile, toujours très riche. Le butineur et le porteur d’expérience sont à la fois observateur et observé, accompagnateur et accompagné, dans un dialogue sur la durée. Entre les questions du butineur, et les propositions de réponses du porteur de l’expérience, qui évoluent, il s’agit davantage d’un échange que d’une observation. Le butiné comme le butineur vont cheminer dans une autre compréhension de leur travail, du sens de leur expérience, des outils et méthodes utilisées, des difficultés rencontrées, et de comment cette expérience peut être transmise à d’autres. La confiance réciproque, ainsi que la démarche de questionnement sur le sens, qui demande une vraie sincérité face à soi-même, peuvent mettre du temps à s’établir. Le groupe des butineurs se définit autant par les fiches produites, et diffusées ensuite par la suite, que dans ce travail d’approfondissement, où tous les participants évoluent et se forment en continu. Le groupe de butineurs se réunit une fois par trimestre (à Paris et dans les groupes locaux qui le souhaitent), pour présenter les expériences butinées, se rencontrer et échanger sur les expériences. Ces réunions permettent d'aborder des questions de fond et de forme qui se posent pour mutualiser des expériences : Qu'est-ce qui fait qu'une expérience est porteuse d'éducation citoyenne? Comment la retranscrire ? Comment la rendre « contagieuse »? Les réunions trimestrielles sont aussi un moment de capitalisation et de comparaison des méthodes rencontrées.
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Une expertise pour chacun Ce travail répond de façon très précise à des besoins d’expertise de beaucoup d’acteurs associatifs. Il va au-delà d’un travail sur les outils, les méthodes, que peuvent faire les entreprises d’audit. Il s’agit d’aller au fond de notre réflexion sur la citoyenneté, en tâtonnement en binôme, dans un accompagnement vers l’autonomie. Cet échange et mutualisation d’expertise s‘insère dans une démarche de formation permanente, une formation à la compétence d’analyse et de réflexion. La rencontre de ces expériences, et les réflexions qui en résultent sur le sens de notre action, apparaissent comme triplement utiles. Pour le porteur de l’expérience, d’une part, qui avance dans la compréhension de son travail, prend du recul sur son action, l’évalue, et peut la faire évoluer différemment à cette occasion. Pour le butineur, d’autre part, qui accompagne et repense sa propre expérience en regard de cet échange. Pour celui lit la fiche, enfin, et peut s'en inspirer. Il peut trouver des réponses aussi bien à des questions sur les outils, les méthodes, que sur le sens de son travail.
Des outils élaborés collectivement Pour permettre les échanges constructifs et approfondis sur le sens des actions rencontrées, des outils ont été affinés pour accompagner la rencontre, et aller directement au sens et à ce qui fait qu’une expérience est ou non porteuse d’éducation citoyenne. En travaillant sur ces outils, et en allant à la rencontre des expériences butinées, les butineurs se sont appropriées la démarche. Cela prend du temps. Chaque nouveau butineur passe par cette phase d’appropriation du processus. En butinant, il repense sa propre expérience, son parcours, évolue dans sa vision du monde.
La trame de lecture Les récits d’expériences et les fiches méthodes sont élaborés et améliorés avec les acteurs participant à RECit à partir de leur expérience de terrain. Une trame d’expérience a été affinée puis testée pour permettre au Butineur de guider les questionnements et d’aider à formaliser et systématiser la rédaction de fiches. Ces propositions doivent être vues comme un guide et des propositions : un questionnement autour d’une expérience, pour rédiger une fiche, reste un échange ouvert. La trame n’est pas un carcan, mais un soutien à la rédaction, sur lequel chacun peut broder selon ce qu’il est et souhaite exprimer. Le récit d’expérience prend ensuite une forme libre, selon le rédacteur. Voir Annexe
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Les invariants de l'éducation citoyenne Les butineurs, qui vont à la rencontre d’expériences sur le terrain, croisent régulièrement leur regard avec le groupe Quelles Références, pour préciser ce qui, pour nous, seraient les bases d’une expérience émancipatrice, porteuse d’éducation citoyenne. Une liste d'invariants a ainsi été établie à partir d'une lecture transversale des récits d’expériences entre 2004 et 2006. Voir annexe. Ce travail sur les invariants de l’éducation citoyenne sert : - Pour ceux qui travaillent à ces invariants, à repenser nos expériences et celles qui nous entourent avec un regard critique et aller y chercher les pépites, et pour les Butineurs, à avoir des critères communs pour évaluer les expériences qu'ils ont rencontrées, - Pour tous les membres de RECit, à comparer des expériences fortes sur un même point (par exemple, actions qui permettent l'épanouissement de la personne, en favorisant la prise de responsabilité) - et à travers notre travail même, préciser quelles démarches nous considérons comme Ecole de Citoyens. Ceci nous ramène aussi à une redéfinition de RECit, dans une optique d'évolution permanente.
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Des convergences à travers les actions –
Les conditions d’une pédagogie émancipatrice
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Exprimer le sens de l’action menée Les actions regroupées dans ce recueil présentent une grande diversité. Les contextes socioéconomiques varient énormément d’un pays à l’autre, du Brésil à la Suisse, mais aussi au sein d’un même pays ou d’un même quartier, comme dans le quartier en transition de Pointe St Charles au Québec, où les classes ouvrières de cet ancien quartier industriel voient arriver de jeunes familles plus riches dans des grands lofts retapés. Mais cette diversité ne saurait masquer les grandes convergences. Au fil des rencontres, ces convergences touchent, comme autant de clins d’œil sur l’universalité de nos actions, derrière des circonstances et des cultures très diverses. Des liens se créent des échangent sur les outils utilisés et les façons de faire s’enrichissent et se font échos. Convergence d’action, touchant aux besoins de base de l’être humain. Habitat avec Shangra Là et l’Union National pour l’Habitat Populaire (UNMP) au Brésil ou les coopératives d’habitant du Québec. Convergences aussi dans les publics ciblés, depuis les enfants des rues à São Paulo jusqu’aux Marseillais accueillis dans les colos d’Intolérage, ou le Café Graffiti à Montréal. Mais, au-delà de ces convergences dans les faits, se dessinent par ailleurs une communauté de valeurs et de finalités, avec une profonde croyance en l’amélioration de l’humain et en l’importance du vivre ensemble. Par delà les océans, nous partageons des raisons d’agir. Dignité, Réciprocité, Confiance, Respect des différences, Tolérance, Solidarité… ces valeurs communes nous portent, et se traduisent dans l’action menée. Toute expérience porteuse de ces valeurs ne sont pas en soi des expériences porteuses d’éducation citoyenne. C’est le retour entre l’action et les principes d’action et leur articulation, avec une vraie prise conscience de chacun des acteurs qui font qu’une action prend tout son potentiel d’émancipation. On retrouve ces principes d'action communs dans la charte de principes de RECit : • Respecter les droits de l’homme et la dignité humaine, lutter contre les discriminations, en dépassant l’égalité formelle pour aller vers une égalité effective de tous dans l'accès aux droits. • Permettre à chacun de se libérer par rapport aux conditionnements imposés par la société afin qu'il puisse re-construire ses savoirs et ses représentations, prendre conscience de la situation du monde, être en capacité d'agir en tant que citoyen. • Mettre en oeuvre des logiques de coopération et de fraternité, et non de compétition et d’individualisme, l’égalité et la liberté ne trouvant leur sens que dans un contexte de fraternité. • Développer la solidarité, mais comme une réciprocité et une co-responsabilité de chacun envers tous, (des relations interpersonnelles à une solidarité mondiale) et non comme une assistance. • Consolider l'avenir de la démocratie et l'étendre à l'international, en réinventant des formes de citoyenneté active, de participation, de mise en réseau et de rencontre qui n'excluent personne, et assurent à chacun une place et une reconnaissance. 17
• Adopter individuellement et collectivement un autre modèle de développement afin de préserver les biens communs de l’humanité, nécessaires aux générations actuelles et futures, et assurer les conditions de poursuite de l’aventure humaine. • Assurer à chacun, par des échanges équitables et une solidarité locale, nationale et mondiale, une égalité effective d'accès à l’éducation, à la santé, à la culture et aux services, biens communs de l'humanité, et aux richesses produites. • Respecter les différences tout en cherchant des convergences sur l'essentiel, par l’écoute, la relation et la réciprocité, par une laïcité ouverte, où la diversité des raisons d'agir est considérée comme une richesse. • Permettre à chacun de développer et d’épanouir ses potentialités, en particulier ses capacités de don, de relation, de partage, de non violence, et ce dès l’école, dans une optique de développement personnel et de promotion collective, et non de compétition de tous contre tous. • Permettre à chacun de trouver une cohérence entre ses actes, son rôle dans la société et le sens donné à son existence, dans le respect de ses options et de son histoire personnelle, avec un équilibre entre identité et ouverture, entre culture propre et métissage. A travers ces principes, les expériences rapportées permettent à long terme à chacun d’être autonome, acteur de sa propre vie et citoyen d’un monde solidaire. Etre un citoyen solidaire c'est se construire, être dans une dynamique d’apprentissage et d’ouverture à chaque instant. C'est partager ses dons, ses talents, ses habilités, et ses compétences, vers une construction du collectif, un engagement pour le « Bien Commun ». La citoyenneté est une exigence d’ouverture et de rapprochement. On ne peut être un citoyen solidaire seul et à part.
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Accompagner chacun du personnel au collectif Ces actions présentent pour la plupart un questionnement sur l’articulation entre la personne, son équilibre et sa construction personnels, et sa place dans la société. Ce double élan de transformation se construit avec précision et une présence attentive à chacun. Dans ce processus, le rôle du garant ou « responsable » de la relation pédagogique ou de l’action - formateur, éducateur, animateur - est capital. Dans le travail sur les Invariants de l’Education Citoyenne, mené dans RECit, plusieurs éléments importants quand à l’attitude de ce « guide » ont été pointés. Apprendre à écouter L’animateur doit être autant que possible à l’écoute des participants, de leurs demandes, capacités et limites afin d’y adapter les méthodes. Dans un groupe en général, écouter les contraintes de l’autre, expliciter les siennes de manière négociable dès le début est indispensable à la réussite d’un projet commun. Néanmoins, il ne s'agit pas seulement d'écouter mais d'entendre. Certaines remarques ou opinions des participants peuvent remettre en cause les visions établies du projet, les façons de faire. Ecouter c’est aussi savoir se remettre en question, et aborder l’échange sur un pied d’égalité. Face à des adultes en construction comme au Café Graffiti, ou dans un groupe d’enfants comme à Yoranoo, cette capacité à accepter ses erreurs et à entendre les besoin de l’autre est une condition à l’établissement du dialogue. Il s'agit, pour les « responsables », de laisser réellement la parole aux participants, parce qu'ils ont droit à cette parole, parce qu’ils ont besoin de cette parole, parce que cette parole singulière est utile pour l’œuvre collective, et non pour être démocratiquement correct. La personne avant la tache Pour développer des citoyennetés actives, en tant qu’animateur ou formateur, il est essentiel de donner aux gens les moyens de réaliser leurs désirs, de mettre les individus en « auto expérience » en organisant le mouvement et en donnant les moyens de la réussite. Cette impulsion est souvent suffisante pour mettre en mouvement d’autres personnes, mais il faut apprendre à la donner. L’approche du Santropol Roulant dans sa vision des bénévole est très instructive. On attend souvent des bénévoles une implication dans le projet sans se demander ce que eux viennent y chercher. Du coup, ils ont parfois du mal à comprendre le sens de leur investissement, ou à donner une priorité à leur investissement, et ils désertent alors rapidement cet engagement, au grand dam des organisateurs. Pour le Santropol, cela traduit des façons de faire où on tend à « utiliser » le bénévole pour remplir une tache définie sans eux, pour une utilité publique extérieure. Selon le Santropol, avant de se tourner vers une transformation de l’extérieur, il faut viser à une transformation des participants. Il faut mettre la personne avant la tache, en se centrant en priorité sur les 19
besoins des bénévoles. Pourquoi viennent-ils ? Quelles sont LEURS attentes ? Lien social, besoin de se sentir utile, formation, etc ? C’est en construisant le projet sur ces attentes, avec une approche pragmatique, que l’on peut construire un espace où l’engagement prend un sens à chaque instant, pour tous. De même, le Café Graffiti va à la rencontre des jeunes qu’il accompagne. Il va les retrouver dans leurs lieux de vie, et répond à leur préoccupation, avec leurs désirs. Il les suit dans leur parcours, s’adapte à eux plutôt que de se plaindre parce qu’ils ne s’adapteraient pas au projet. Envisager la personne comme un tout Quand cette parole est écoutée, l’IDH souligne que le travail populaire peut alors contempler les savoirs que les gens portent en eux. Il faut pour cela prendre en compte toutes les dimensions de la personne humaine, qui forment un système, viser à développer la personne humaine comme une totalité. Max Neef (chilien, Prix Nobel d'économie) a mené une recherche dans plusieurs pays du monde avec un groupe d'anthropologues sur la question : quels sont les besoins humains fondamentaux ? Il en arrive à distinguer 9 besoins fondamentaux (voir page 72) Certains sont des besoins basiques, a-temporels, a-historiques. D'autres sont des satisfactions, liées à la culture et à l'histoire. Il n'y a pas de hiérarchie entre les besoins, mais tous sont nécessaires et complémentaires. Dans cette optique le rapport éducatif est un acte complet. S'il ne contient pas toutes ces dimensions, il n'enseigne pas à relier, il ne développe pas la relation. Avec une telle approche, la personne est ainsi considérée comme un tout, et non sous un seul aspect traité dans le projet. Ainsi, la Maison pour un Développement Solidaire accueille des habitants du quartier populaire en pleine transformation qu’est Belleville, et les accompagne dans des situations de vie parfois difficiles, sur plusieurs plans : un accompagnement psychologique, ne peut être dissocié d’un accompagnement à la vie pratique, dans les actes administratifs, et à une aide au montage de projet pour se placer dans une perspective d’avenir. Travailler avec les différentes personnes de la famille dans différents projets permet aussi de toucher à d’autres dimensions de la personne, par exemple. Favoriser l’expression de l’expérience personnelle, la respecter et l’intégrer à la construction d’une œuvre collective porteuse de sens pour tous. Une fois considéré avec sa propre histoire et ses savoirs propres, chacun des participants dans un projet peut être considérés comme une personne ressource. Dans cette optique, le clivage expert/non- expert n’a plus de sens et si l’animation du groupe est faite dans cette perspective, chaque personne peut apprendre tout en apportant quelque chose à un travail collectif. Il s’agit d’un échange et pas d’un enseignement unilatéral. L’hétérogénéité est acceptée non comme un handicap aux apprentissages, mais comme le ressort d’une pédagogie interactive et différenciée. Reconnaître les différentes dynamiques propres à chaque classe d’âge, chaque niveau, chaque statut, chaque origine, chaque expérience, reconnaître la diversité des participants et rechercher les complémentarités suppose d’éviter les catégories généralisantes, de 20
reconnaître les langages différents des uns et des autres, de les respecter et de rechercher des outils de traduction pour se créer un langage commun. Considérer comme une richesse les différences et la diversité des identités individuelles Chacun est ainsi considéré comme unique et porteur de toute sa richesse personnelle. Le reconnaissance et la valorisation des différences entre groupes ou entre individus permet à chacun de trouver sa place au sein du projet. Cette ouverture à chacun permet d’accueillir des personnes souvent exclues des projets, comme les femmes des campagnes Indiennes avec Jana Sanskriti ou des adolescents « à problèmes » au Café Graffiti. Mais cette démarche ne doit pas tomber dans le communautarisme qui étiquette et recrée une autre forme de discrimination. Les chantiers internationaux pour les jeunes, avec Union Ca crée en Algérie, ou au Bénin avec Intolérage, sont une occasion privilégiée pour construire la tolérance et l’ouverture à l’autre, dans des expériences souvent très fortes pour les jeunes participants. Cette ouverture à l’autre est une étape indispensable pour rétablir le dialogue. Ainsi, un dialogue peut s’établir dans un contexte interreligieux pour dépasser les intégrismes, comme à Culture XXI. Des solutions peuvent être construite entre les riches et les pauvres d’un quartier en pleine transformation, à Pointe St Charles, à Montréal. Mais encore une fois, le lien entre les idées et les conditions matérielles est essentiel. Il nous faut nous donner les moyens pour garantir qu’un projet permettra à chacun d’y trouver sa place. Intolérage ouvre ses séjours à des enfants très défavorisés en proposant un prix modique pour ses colos, grâce au soutien de la CAF. L’Institut d’Humanisation (IDH), propose à Porto Alegre de réfléchir à d’autres façons de communiquer, d’éduquer, en passant par le corps, la création artistique, le jeu, afin de permettre à chacun d’évoluer selon son rythme, sa culture, ses peurs, etc. Cohérence entre valeurs, méthodes et action Cette approche insiste sur l’importance d’appliquer à soi-même ce qu’on essaie de porter à l’extérieur. Mettre en cohérence les façons de faire au quotidien avec les valeurs que l’on porte, dans l’action de l’association, et, plus généralement, dans chacun de nos faits et gestes quotidiens. Pour le Santropol Roulant, l’efficacité dans l’action doit se faire avec une exigence de qualité dans la relation. C’est un tandem qu’on ne peut pas dissocier et il faut pouvoir mesurer l’importance relative de ces deux critères pour fixer les objectifs à court ou long terme. A Intolérage, la vie de l’équipe, la relation entre les animateurs, est tout aussi importante que la relation avec les enfants. La vie démocratique au sein des colo s’établit autant dans la Charte construite collectivement avec les enfants, que dans chaque geste et parole des adultes et des enfants. Comment demander à un enfant de se calmer et de ne pas crier si on crie soi-même ?
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Accompagner vers le collectif Appartenir à un groupe Dans la pratique du Santropol, la dimension collective tient une place primordiale dans les projets. Ceci permet de créer des communautés dans lesquelles les participants peuvent se reconnaître et s’épanouir. Dans une démarche porteuse d’éducation citoyenne, le travail en équipe et la concertation, dans l’élaboration du projet, sont considérés comme partie intégrante du fonctionnement et non comme un luxe. On ne peut pas faire l’impasse sur cette étape. Développer une dynamique de groupe basée sur la confiance et l’ouverture prend un certain temps, reconnu et prévu dans la préparation (rencontres régulières, jeux, réunions conviviales…).
Les conditions vers l’autonomie Construire la confiance avec participants L’importance de construire un espace de confiance revient toujours comme une des conditions de réussite. Les participants quand ils arrivent dans un projet doivent pouvoir se l’approprier. Dans des contextes où on laisse peu la parole aux gens, il faut prendre le temps de dépasser la méfiance initiale. A Sangri La, certains habitants du quartier ont mis plusieurs mois pour accepter de participer aux projets de construction collective, de peur d’être d’une manière ou d’une autre récupérés par les autorités. Pour construire cette confiance, il faut apprendre à formuler clairement le but à atteindre et les raisons d’agir, pour permettre à chacun de construire sa motivation pour dépasser ses limites. Chacun aussi doit apprendre à travailler dans le cadre des milites collectives, nécessaire au bon fonctionnement collectif. Les projets sont souvent dits « par et pour la communauté », « par et pour les habitants ». Cela souligne l’importance de la participation de la population au processus lui-même et pas uniquement comme « bénéficiaires ». Il est question de responsabilisation et de prise en main d’un projet par l’ensemble des participants, animateurs, formateurs, éducateurs et tous les autres. Certains parlent d’un pouvoir décisionnel qui soit le plus partagé possible. Autonomie dans un cadre commun Cela suppose que les mécanismes et le fonctionnement du projet soient connus et reconnus de tous ceux qui y participent. La question du cadre dans lequel les expériences sont menées est importante : il doit pouvoir rester souple, non institué, de manière à laisser de la place à
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des propositions nouvelles que l’animateur, le formateur ou l’éducateur va pouvoir intégrer au processus. Les jeunes du Café Graffiti arrivent souvent avec une image de « délinquant » ou de jeunes à problème. Dans le cadre du Café Graffiti, ils trouvent un espace qui leur appartient, dont ils ont les clés, et qu’ils gèrent eux-mêmes. Cette responsabilité les mène vers une autre vision d’eux-mêmes et de leurs pairs. Cependant, ce processus de responsabilisation vers l’exercice de la citoyenneté n’est pas une démarche facile pour tout le monde. Il est important de laisser chacun évoluer à son rythme et selon ses propres attentes. Tuilage Il est essentiel de repérer et accompagner des "passeurs" : des personnes suffisamment insérées dans un milieu pour faciliter, déclancher, traduire, rassembler. Des personnes susceptibles de prendre du recul pour servir de révélateur sur le sens et la portée de l’expérience partagée. Chacun, à son niveau, est considéré comme un expert, et peut ensuite passer son émancipation à d’autres. Cela le responsabilise et le valorise. Ainsi, au café Graffiti, les jeunes « anciens » qui connaissent le lieu sont ceux qui présentent les règles et sont garants du matériel et de la bonne gestion du lieu pour les nouveaux. Chacun devient vecteur d’un accompagnement pour autrui et en ressort grandi. Dans la réciprocité peut se concrétiser dans le travail en binôme entre enfants dans les ateliers Yoranoo, dans la rédaction entre habitants d’une déclaration de revenus à Trampolino, dans l’expertise des habitants sur l’avenir de leur quartier avec l’OPA (sur l’expertise d’usage des habitants d’un quartier, voir l’expérience de Regards d’Habitants à Grande Synthe dans le premier recueil d’expérience de RECit). Dans la pratique du théâtre de l’opprimé, le respect des participants stagiaires et spectateurs, suppose un travail (un spectacle) de qualité dont ils sortent fiers et valorisés, où ils se sentent reconnus, pris au sérieux, respectés dans ce qu’ils sont. Dans un projet porteur d’émancipation, chacun doit trouver une place et une reconnaissance égales aux autres, tout en étant conscient du rôle joué par chacun. Chaque participant devient l’acteur de son propre développement. Le projet les invite sans cesse à trouver en eux les ressources nécessaires pour mener à bien un projet à la fois personnel et collectif. Dans l’attitude du porteur de projet envers les participants, la reconnaissance de l’expertise de chacun favorise la valorisation de la personne par son expérience de vie. Le respect de la dignité des participants implique d’éviter le misérabilisme. C’est ainsi que les jeunes du Café Graffiti retrouvent confiance dans l’autonomie, dans un espace qui valorise leur production et l’ouvre sur l’extérieur. Il s’agit de faire confiance aux participants dans la réalisation d’une tâche qui fera partie d’un tout collectif. C’est reconnaître l’autonomie de chacun, à son niveau, dans une œuvre collective. A travers ce processus, ceux qui vivent l’expérience peuvent se grandir : découverte de soi, peurs libérées, développement des capacités d’adaptation. La question du transfert de compétence demande une vraie volonté, pas toujours simple à appliquer dans des équipes parfois réduites, comme dans le cas du Temps d’Agir. Ardelaine a fait de cette nécessité du tuilage une vraie volonté, et chacun participe ainsi à toutes les 23
taches, avec une vraie vigilance pour éviter qu’une personne monopolise le savoir et le pouvoir. Prendre le temps Mettre en œuvre un projet collectif d’apprentissage ou de réalisation implique de pouvoir prendre le temps d’écouter les besoins, demandes de chacun, mais aussi les capacités et les limites. Il faut savoir accepter de consacrer le temps nécessaire pour « s’apprivoiser », et apprendre à s’écouter avant de pouvoir travailler ensemble efficacement. Le cheminement du projet n'est pas toujours linéaire : les projets comportent souvent des étapes, une part d'imprévu. Il faut apprendre à respecter le temps de chacun, accepter les temps creux et les temps de maturation. Malgré tout, ceci ne s’avère pas toujours simple dans des contextes où les bailleurs de fond reconnaissent peu cette dimension temporelle, et exigent des résultats tangibles et rapides. Multiplier les lieux de rencontres, débats et réflexion, pour se construire On a vu l’importance de construire un espace de confiance où chacun puisse prendre ses marques. Ce climat de confiance doit faciliter les échanges, la prise de parole. Dans cette espace chacun peut se découvrir comme personne respectable et à part entière. Un grand nombre d'expériences insistent sur ce besoin de lieux de parole et décrivent leur construction. Mais le débat permet aussi de créer, temporairement du moins, un langage commun nécessaire pour vivre ensemble. A côté de la très grande importance donnée aux médias pour informer sur la chose publique, les expériences montrent que nous avons besoin d’autres lieux intermédiaires de formations et d’information. L’importance de ces espaces de parole se retrouve dans la construction de soi, et d’un rapport au monde, à la politique - club Tchatche – à la religion, aux extrémismes, à la tolérance - Culture XXI, etc.
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Faire ensemble Aller progressivement vers une conscience plus large de notre rôle comme citoyen Le Faire Ensemble vers une transformation personnelle et collective Une des questions récurrentes qui passe en filigrane de toutes ces expériences est celle de la mobilisation des participants. Le public touché est souvent issu de milieux favorisés alors que le projet se veut ouvert à tous. Même les projets développés par ailleurs auprès de populations en difficulté ne parviennent pas toujours à les mobiliser : faire le pas de s’engager dans une démarche assez longue semble plus difficile pour elles. Ce questionnement rejoint la question, récurrente dans le milieu associatif et particulièrement dans l’éducation populaire, de l’ouverture et la diffusion à un public non sensibilisé, de culture différente. Comment mobiliser les personnes concernées, les habitants d’un quartier comme dans le cas de la l’Opération Publique d’Aménagement à Pointe St Charles, à Montréal, pour qu’ils puissent intervenir sur un projet qui aura ensuite un grand impact dans leur vie ? Comment les encourager à venir se joindre à une dynamique collective sans les manipuler ou les forcer ? Pour permettre à chacun de cheminer vers sa place comme citoyen d’une société solidaire dont il peut se sentir coresponsable, les expériences présentées ici ont fait le choix de partir du concret d’un engagement dans sa propre vie, pour répondre à ses propres attentes. La question de l’élargissement est ensuite critique. Il peut se faire progressivement, à l’occasion d’une prise de conscience d’autres enjeux, d’autres réalités, dans la relation à l’autre dans sa complexité, et dans la démarche de projet. Travailler à Ardelaine c’est acquérir progressivement, par une autre façon de travailler de s’engager concrètement dans un territoire, une autre vision de soi-même comme citoyen. Asha Kiran, en Inde, a accompagné les femmes des Tribus si rarement l’objet des programmes de coopération traditionnel, en passant du besoin quotidien de santé, de médicaments, de suivi, une éducation plus adaptée, ou des micro crédits les aidant à monter leur propre affaire. Les histoires des projets traduisent bien cet aspect progressif, où l’individu dans son évolution propre, va avoir un impact sur le collectif. La conscience de son cheminement comme individus actif, citoyen responsable de sa vie et de son épanouissement, est lié très intimement à la place que l’on peut construire comme citoyen, à la transformation sociale qu’on peut initier. Les jeunes qui participèrent aux chantiers d’Union Ca Crée ont ensuite pu voir naître en eux-mêmes le désir de devenir acteur, de créer l’association.
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Acteur dans le territoire Quel que soit le projet, il apparaît essentiel de se situer dans un espace donné (quartier, commune, "petit pays"), dans une proximité qui rapproche les personnes. A l’échelle d’une collectivité, dans les projets menés par Le Temps d’Agir, ou dans le Cadre de l’OPA de Pointe St Charles à Montréal, il faut que les élus prennent conscience euxmêmes que les habitants sont « experts en vie quotidienne » et ont quelque chose d'irremplaçable à dire sur leur vie, leur vision des choses et du monde. Cette parole est singulière. Elle ne rentre pas dans des réponses types comme une enquête d'opinion. Pour participer à la vie publique, s’ils ont un espace qui leur permette réellement de s’exprimer et d'échanger, les citoyens peuvent se réapproprier le débat et « la chose » public, souvent confisqué par les hommes politiques. Ceci peut se faire sous forme de débat, d’espace d’interaction élus habitant, comme avec Le Temps d’Agir, ou sous forme de rapport plus frontaux pour imposer une idée quand les élus se refusent à écouter, comme ce fut le cas avec le Comité Métallos ou dans les mouvements de revendication pour l’habitat au Brésil. S’ouvrir vers l’extérieur Les expériences entraînent pour chacun une dynamique qui favorise l’ouverture vers l’extérieur. Elle pousse à une vision qui sort du cadre plus ou moins formel dans lequel elles évoluent. En favorisant l’engagement des acteurs dans leur territoire, souvent à l’échelle du quartier ou de la ville, elle favorisent l’ouverture aux autres, aux échanges réciproques, à une conscience de plus en plus globale au fil du temps et des désirs. Cette création de nouveaux liens est une richesse et un foisonnement qui résulte de la place laissée à chacun pou s’épanouir dans le projet. Faire reconnaître les pratiques porteuses d’éducation citoyenne, leur portée sur les territoires Dans une perspective à long terme, il est essentiel de faire reconnaître aux pouvoirs publics les intérêts des habitants et celle de la démarche participative. Les formes de travail, collectives, amateurs et sur le mode de l’échange, sont peu reconnues par la société et donc par les pouvoir publics,
Donner les moyens d’innover S’adapter, risquer, faire des propositions ouvertes et non figées Pour que chacun puisse avoir sa place dans le projet, un équilibre doit exister entre une méthodologie préparée par le « responsable » et une marge de manœuvre collective suffisante. La part de l’informel et de l’imprévu est importante, même si elle nécessite une prise de risque, elle permet de pouvoir construire une « intelligence collective » en s’adaptant aux participants, à leurs compétence, à leurs besoins ou désirs non exprimés encore. 26
Cette ouverture vers la part d’imprévisible dans l’humain se fait en accueillant les nouvelles façons d’agir, de s’organiser, de se financer, etc. Il s’agit de reconnaître e chacun le besoin d’expérimenter et promouvoir de nouvelles pratiques plus respectueuses de l’humain dans une attitude d’ouverture à des personnes, des méthodes et des savoirs nouveaux. Toutes les expériences reconnaissent l’importance de l’expérimentation, de l’erreur pour avancer, en toute humilité et légèreté, autant que faire se peut. Le Théatre de l’Opprimé agit dans ce cadre comme un laboratoire à solution, qui peut redonner à chacun l’énergie et la confiance dans ses propres capacités d’innover. Tout au long du projet, il s’agit aussi pour chacun de savoir rester disponible et savoir détecter et nommer les retombées imprévues et rebondir dessus. Douter, se remettre en question Le doute et avec lui les valeurs de l’humilité, de la simplicité, du non dogmatisme, sont dès lors essentielles. Tout animateur, éducateur ou formateur doit avoir une interrogation permanente et une analyse critique par rapport à son propre rôle. Dans plusieurs expériences, des évaluations, bilans, réunions équipe au Santropol Roulant, sont menées régulièrement pour évaluer dans quelle mesure les actions répondent à une demande et pour se repositionner en tant que porteur d’un projet. Cette remise en question doit savoir questionner aussi bien nos façons de faire que nos façons d’être, en tant que formateur connaissant. Ceci passe par une critique de nos attitude, de notre langage, comme le souligne l’IDH, reprenant Paulo Freire. Prendre du recul Cette remise en question n’est pas naturelle pour tous. Elle peut se construire collectivement en allant à la découverte des acquis du passé, en se projetant dans le futur. Selon les périodes, cependant, on n’est pas toujours enclin à prendre du recul, à se demander par exemple quel est le sens de notre existence. Pourtant, cette prise en compte de la manière dont notre action s’inscrit dans le temps, est importante pour mener à bien un projet. Nous nous sommes beaucoup questionnés au sein de la plateforme internationale sur cette articulation entre réflexion et action. En France, notre volonté d’analyse et de réflexion parfois nous perd dans les raisonnements théoriques, mais nous permet aussi de prendre de la distance et de donner du sens à nos actes. Au Québec, l’action est au centre des projets, avec une approche beaucoup plus pragmatique. La réflexion se fait ensuite, et elle touche davantage aux modalités et aux méthodes utilisées. Au Brésil, l’action repose sur des valeurs fortes, qui sont peu remises en question, mais servent de ferment à l’action collective. L’action en elle-même est fédératrice et porteuse de sens. Cela donne une force à l’action de chacun, mais aboutit parfois à des actions déstructurées qui manquent de lien. Dans tous les cas, l’évaluation des projets est un levier important. RECit mène depuis sa création une réflexion sur les formes d’évaluation de projets où l’on veille à faire participer chacun. Évaluer un projet, une politique, un objectif, c'est reconnaître et si possible mesurer ses effets spécifiques. C'est porter un jugement, un diagnostic sur la façon dont celui-ci a été réalisé pour pouvoir mieux agir. Dans l'évaluation, trois choses entrent en ligne de compte : mettre en place des éléments de mesure (quantitatifs) et d'appréciation (qualitatifs). On 27
cherche à savoir objectivement ce qui se passe, former un jugement et apprécier, relier ce jugement à l'action et au pilotage de l'action menée.
Dépasser les obstacles Plusieurs problèmes se posent pour devenir un citoyen solidaire. L’éducation citoyenne ne se fait pas sur un terrain vide, on a parfois besoin de déconstruire pour reconstruire. Nous pouvons distinguer deux types d’obstacles sur le chemin : Les obstacles extérieurs Certains obstacles tendent à faire disparaître les démarches porteuses d’éducation citoyenne, empêchent de mettre en œuvre ces démarches. Quand on met en œuvre une éducation citoyenne on résiste à un mode de pensée. Il faut changer de paradigme. Les obstacles intérieurs Ceux qui nous conditionnent nous-mêmes et nous empêchent, dans nos pratiques, d’être complètement cohérents avec nos principes d’actions (ex fréquent de démarches dites participatives qui ne le sont pas quand l’animateur abuse de son droit de parole pour expliquer comment il met en place une démarche participative)
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Coopérer, décloisonner Construire à partir de l’existant Pour faire appel à ses partenaires sans faire doublon, le projet doit s’inscrire dans une dynamique de réseau pour établir des synergies avec l’existant. Il ne s'agit pas de monter des structures lourdes, mais de permettre aux réseaux régionaux ou locaux de s'interconnecter pour créer ces synergies. Dans leur pratique, les porteurs de projets tendent à travailler sur ce qui relie, sur le positif, tout en exprimant les différences et les désaccords pour mieux les accepter et mieux les intégrer. Coopérer, travailler ensemble, implique de faire cette confrontation et de chercher à « sortir la pépite du désaccord ». On peut alors s’enrichir des différents points de vue et rechercher les complémentarités. En coopérant les porteurs d’expériences cherchent aussi à mélanger les types d’acteurs (intersectoriel, intergénérationnel, interculturel). Les différents acteurs concernés sont considérés comme des partenaires, des « co-éducateurs », non comme des concurrents ou des ennemis potentiels. Travailler en réseau et en partenariat Collaborer, coopérer, permet de faire valoir des intérêts communs, mais aussi mutualiser, mettre en commun les initiatives, les expériences, les doutes, les questions, les solutions, pour enrichir la démarche et les méthodes. Cette collaboration doit exister au sein des réseaux et entre les réseaux, dans des relations de partenariats. Le partenariat exige rigueur et transparence des parties qui s’engagent mutuellement. La mise en réseau permet des actions communes et un travail de réflexion que les acteurs isolés n'auraient pas les moyens de faire seuls, notamment le travail sur les orientations et l’analyse de la portée éthique des actions menées. Un réseau actif peut permettre de faire évoluer un projet dans le sens d’une éducation citoyenne lorsque ce dernier est mis en questionnement de manière collective. Par exemple, les RDV de l’éducation citoyenne à RECit permettent de construire une analyse collective autour de sujets qui posent question pour des porteurs de projet : c’est une occasion d’évaluer l’action entreprise par rapport aux objectifs et de redéfinir certaines orientations, certaines finalités. Les échanges sur les valeurs qui mobilisent et rassemblent dans l’action sont essentiels pour relancer ou maintenir une dynamique commune. Travailler avec les élus Cette importance de travailler en réseau inclut bien évidemment aussi le paretnariat avec les élus. Ce lien n’est pas toujours simple, et demande un long temps pour apprendre à se connaître et construire des intérêts communs. Ceci dépend aussi beaucoup des élus et des interlocuteurs. Le Temps d’Agir a dès le départ veillé à construire des liens solide avec tous les élus locaux, en dehors de notion de politique. 29
Mais il est souvent difficile de rester indépendant et de garder une liberté de parole face à des élus qui non seulement sont partenaires, mais souvent aussi financent. Changer les regards réciproques, créer du lien social Dans un projet porteur d’éducation citoyenne, la reconnaissance et la valorisation sociale de chacun dans une dynamique collective ont de nombreuses répercussions positives sur la personne. Ceci entraîne un changement de regards réciproques, d’attitudes, aide à créer ou renforcer les liens familiaux et sociaux. Ce lien se construit à partir de la rencontre et de cette volonté de voir les différences comme une richesse et non comme un danger. Cela demande une ouverture d’esprit de la part de tous, esprit critique et autocritique, et un effort de prise en compte du fait que les interprétations des uns et des autres par rapport à une même situation sont différentes (chacun a sa lentille déformante). Cette attitude amène à une remise en question des préjugés de chacun sur l’autre et donc à travailler sur les regards des uns sur les autres. Dans cette dynamique peut se mettre en place un allègement des rapports frontaux traditionnels (usagers/.professionnels, salariés/bénévoles, privé/public). Il s’agit d’apprendre à travailler ensemble, à considérer l’autre comme personne, apprendre à ouvrir son regard sur d’autres contrainte et façons de voir. Tout ceci nous invite à conclure sur l’importance dans toutes les expériences du plaisir à partager. La convivialité et la fête est un aspect essentiel du travail vers une éducation citoyenne, qui permet de toucher chacun en son cœur.
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Expériences détaillées
Le présent fascicule est le fruit d’un travail en commun avec les partenaires de la plate forme au fil de ces deux années. Il rassemble les récits de 20 expériences porteuses d’éducation citoyenne ayant participé, de près ou de loin aux échanges lors de la Plateforme Internationale d’Education Citoyenne. Ces expériences agissent dans différents champs d’action, et dans des contextes très différents. Ces fiches sont destinées à servir à tous ceux qui souhaitent se donner des repères pour entreprendre une action ou pour élaborer un programme qui prend en compte la dimension « éducation citoyenne ». Par expériences porteuses d'éducation citoyenne nous entendons des actions qui contribuent à émanciper les personnes par rapport aux multiples conditionnements de la société. Ces actions permettent une prise de conscience individuelle et collective porteuse de transformation sociale. Ces actions permettent de : • comprendre des grands enjeux du monde d’aujourd’hui, du mondial au local, • préciser les valeurs communes qui fondent l’action collective (laïcité, dignité, bien commun, unité et diversité, réciprocité, partage, souci du long terme, démocratie participative, etc...), au delà des raisons d’agir de chacun. • acquérir des comportements en accord avec ces valeurs (lucidité, écoute, coopération, respect des différences,...), afin de pouvoir construire et participer, • développer des méthodes, des outils, des savoir faire pratiques (s’informer, animer, monter un projet, communiquer,...). La notion d’expérience induit l’idée d’une démarche dynamique, en tâtonnement. Le travail sur les pratiques et les méthodes part du concret, de ce qui a été fait par un acteur dans une situation donnée, pendant un temps donné, et aboutit à une réflexion transposable sur le contexte, les conditions de l'action, les points forts et faibles. C'est pourquoi nous considérons comme expérience non l'entité qui agit - une association, un collectif, un individu, une collectivité - mais bien une action qu'il considère intéressante pour construire une réflexion.
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Expériences québécoises
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Interférences Des jeunes en réseau pour le dialogue interculturel, des choix socio-économiques viables, une information différente. Origine : les jeunes Lors de la Marche Solid’ERE, qui avait réuni plusieurs milliers de jeunes dans les rues de Montréal en 1995, de nombreux liens se sont créés entre les participants. Afin de rendre ce « réseautage » permanent, un des jeunes participants a lancé le projet « Réseau International Jeunesse Deux Tiers ». Ce réseau d’individus vise les jeunes de 18 à 30 ans du monde entier, engagés pour une cause particulière dans l’une des trois grandes thématiques du réseau : dialogue interculturel choix socio-économiques viables; information différente et informations différentes : varier les modes de diffusion et diversifier les sources et les points de vue. L’adhésion est libre et gratuite et implique d’adhérer à la Charte de Valeurs du réseau : Pluralité, Solidarité, Équité, Transparence, Engagement, Créativité. Ensuite les jeunes sont invités à présenter leur expérience et à diffuser leurs informations, principalement via le site internet. En 1997, le Forum Planèt’ERE à Montréal a été l’occasion pour ces jeunes de redéfinir le projet du réseau et de rédiger l’Appel des Jeunes, pétition d’engagement des jeunes sur le développement durable qui devient l’une des bases RIJ 2/3.
Valoriser et mettre en lien Initialement, l’objectif du réseau était double : valoriser l’engagement individuel des jeunes adhérents, en promouvant leurs projets, diffusant leurs annonces, demandes, etc… créer des liens entre jeunes engagés du monde entier et par là, permettre la naissance de nouveaux projets, les échanges d’expériences et outils,… Pour répondre à ces objectifs, le « Webzine » bimensuel d’information Interférences et une vitrine sur le site internet du CLUB 2/3 faisaient partie du projet dès le départ. Quand 34
l’occasion le permet, des rencontres physiques sont organisées afin de présenter des projets et de réfléchir à l’aide que peut y apporter le réseau. Le réseau visait un public de jeunes très engagés et mettant en place des projets. De ce fait, le public cible initial des 12 à 17 ans est devenu celui des 18-30 ans, cette classe d’âge étant généralement plus à même de se lancer dans des projets concrets et à long terme. Depuis 2002 s’est développée une volonté d’ouverture vers des jeunes déjà conscientisés et ayant besoin du «coup de pouce » leur permettant de franchir le pas de l’engagement (outils, idées, informations, motivation,…). « Démystifier l’engagement social » est devenu le troisième objectif du réseau : inciter d’autres jeunes à s’engager en montrant qu’il existe une foule de « petites actions du quotidien » possibles. Pour mieux toucher ce public, le site internet a été retravaillé pour être plus interactif (forum de discussions, petites annonces, « boîte à outils », système de mise en lien automatique…). De plus, il est envisagé de mieux promouvoir le réseau au Québec, notamment lors des évènements publics et dans les écoles secondaires avec l’idée d’ateliers de sensibilisation, sur le modèle de ceux du CLUB 2/3.
Des structures pour se développer En 2000 ont eu lieu les premières rencontres physiques du réseau à Montréal : une dizaine de jeunes venant de huit pays se sont penchés sur les défis du réseau. En effet, la philosophie du réseau impliquait un fonctionnement horizontal, entretenu par les adhérents eux-mêmes pour rendre les liens les plus directs possibles. Malgré le suivi du CLUB 2/3, ce mode de fonctionnement s’est avéré difficile à maintenir régulièrement en l’absence de permanent sur ce poste. Pour assurer le développement du réseau, le CLUB 2/3 a donc demandé et obtenu un financement gouvernemental pour trois postes de janvier 2002 à décembre 2003 : deux animatrices de réseau et une webmestre chargée de créer le site internet. Cette période fut la plus dynamique de la vie du réseau jusqu’à présent... A la fin de ce financement, le réseau est retombé au niveau minimum de survie, maintenu à bout de bras par trois bénévoles. En juillet 2004, deux d’entre elles ont participé au Parlement Jeunesse International d’Oxfam en Australie1 en tant que représentantes du Club Deux Tiers et du projet Interférences. Cette participation a été l’occasion de rédiger un rapport-bilan des objectifs et orientations du réseau. Les conclusions étaient claires : pour exister réellement, le réseau avait besoin de ressources humaines et matérielles et d’encadrement. Ces conclusions ont été entendues : depuis octobre 2004, un poste permanent à temps plein est financé par le CLUB 2/3 pour gérer le réseau en l’intégrant dans les activités du Club pour faire le lien entre le public 12-17 ans privilégié par le Club et le public 18-30 ans du réseau.
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organisé par Oxfam, il réunit des jeunes du monde entier présentant un projet communautaire pour leur permettre de se rencontrer, se former, échanger et réfléchir ensemble sur leurs projets et sur « comment travailler ensemble ». Plus d’informations : www.iyp.oxfam.org 35
Difficultés et Défis… Le manque de ressources matérielles et humaines reste un obstacle primordial face au potentiel de développement du réseau. En effet, la permanente n’a pas le temps de nouer et suivre les liens entre adhérents, ni de commencer l’ouverture du réseau au monde anglophone. Le réseau touche surtout des jeunes francophones et hispanophones: Québec, Amérique Latine et Afrique de l’Ouest. La priorité est mise aux pays du Sud dans la recherche de nouveaux adhérents. La recherche de partenaires pouvant relayer le réseau dans les pays du Nord, notamment en Europe peut être une solution. En même temps au Sud se pose le problème de l’accès aux moyens de communication, le réseau fonctionnant essentiellement par internet, Par ailleurs, Interférences s’adressant à des jeunes engagés, il rencontre la même difficulté chronique du milieu associatif : le manque de temps de militants « multi-engagés »! Cela explique entre autres le peu de retours des adhérents et la difficulté d’évaluer l’impact du réseau. Pour la permanente, gérer et développer d’un tel réseau exige certaines aptitudes : - connaître l’existant : ONG et réseaux nationaux et internationaux; - bien comprendre ce qu’est un réseau, le potentiel que ça peut avoir et acquérir le réflexe de «réseauter », mettre en lien personnes et expériences; - savoir situer et comprendre les différents intérêts et niveaux de conscientisation des adhérents afin d’adapter au mieux les informations à transmettre. Par exemple à Interférences, les jeunes sont déjà conscientisés : ce sont des outils qu’ils recherchent; - de même, être ouvert à la différence culturelle et avoir quelques repères pour comprendre les différences au sein du public visé (ex : public plutôt féminin au Nord, masculin au Sud). En effet si l’on prend ce dernier point, l’un des gros défis actuels du réseau consiste à trouver comment intéresser aussi bien les jeunes du Nord que du Sud sur des thématiques qui les touchent différemment. Par exemple, le VIH est omniprésent dans les préoccupations des jeunes d’Afrique, l’environnement l’est plus chez les jeunes du Nord. Autre exemple : les jeunes du Sud et surtout d’Afrique ne conçoivent pas leur adhésion au réseau comme individuelle, ce que propose Interférences, mais plutôt comme celle de leur organisme communautaire à travers eux. Il ne semble pas dans leur culture de parler d’eux-mêmes, de se concevoir au-delà de leur entité/communauté. Ce point demeure une piste de réflexion pour adapter le message et ne pas exclure. Trouver des moyens de traduction simultanée pour le site fait partie de ce gros défi.
Coordonnées Réseau Interférences : www.2tiers.org 1259 rue Berri, 5ème étage bureau 510 Montréal QUÉBEC, CANADA (001) 514 382-7922 poste 229 36
Le Santropol Roulant, livrer des repas pour créer des liens dans la communauté Un dynamisme intergénérationnel pour le changement social et environnemental Il y a maintenant 11 ans, deux serveurs du café Santropol à Montréal ont une idée pour tenter d’aider la communauté : proposer à des jeunes de livrer des repas à des personnes âgées. De là est née la popote roulante, située en face du café, aujourd’hui appelée le Santropol Roulant. Il s’agit d’un organisme montréalais sans but lucratif, fruit d’une initiative jeunesse. L’une des difficultés rencontrées au départ fût le financement : la moitié provenait du café et l’autre partie était subventionnée par le gouvernement. Les employés étaient engagés pour des périodes de 6 mois ce qui rendait le projet instable. Mais, grâce à la persévérance des employés, la communauté s’est rapidement sentie impliquée dans le projet. Petit à petit celle-ci a commencé à mettre les mains à la pâte et a participé à la restructuration des locaux pour aménager une cuisine fonctionnelle.
Créer une communauté intergénérationnelle et multiculturelle Grâce à l’apport de nombreux jeunes ( et jeunes d’esprit ! ), bénévoles et salariés, nous combattons l’isolement social et nous établissons un pont entre les différentes générations. Assurer le maintien de nos activités intergénérationnelles est un des moyens que nous avons adoptés pour atteindre notre objectif : permettre la création d'un espace où il est possible de nouer des relations qui mènent à s'intéresser aux soins qu'on peut se donner les uns les autres, des soins plus larges que ceux offerts par le service de popote roulante. Le Roulant utilise l'alimentation comme véhicule d'idées et d'actions pour une communauté saine et vivante. Nous amenons une variété de personnes à jouer un rôle actif dans leur communauté, et ce, a travers des initiatives visant à réduire des problèmes d'ordre alimentaire, de perte d'autonomie ou de santé. Dans cette optique, le service de popote roulante constitue le cœur du Roulant. Depuis 1995, grâce à l’énergie de milliers de bénévoles, nous avons préparé 330 000 repas qui ont été livrés à pied, en vélo ou en auto dans 7 quartiers de la région montréalaise. Nous réunissons des membres de différentes cultures et générations par le biais de ce service de popote roulante. Nous nous servons de notre service de popote roulante pour inviter les personnes à faire partie d'une communauté intergénérationnelle qui dispense des soins. À ce service quotidien se greffe un programme intergénérationnel qui permet de développer des projets conçus par et pour nos membres clients, bénévoles et employés. Nous organisons
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de nombreuses activités (brunch, fêtes, soupers discussions, cabane à sucre, etc.) visant un rapprochement entre les jeunes et moins jeunes ainsi que divers programmes de bénévolat. Des ateliers de cuisine et les cuisines collectives offrent l’opportunité de créer des petits plats et d’apprendre ensemble, et aident les gens à se retrouver dans une ambiance chaleureuse.
Des principes éthiques à tous les niveaux pour approfondir la cohérence Depuis la création de la popote, le service a pris de l’ampleur et livre aujourd’hui une centaine de repas par jour. Notre but consiste à servir des repas de haute qualité qui soient les plus nourrissants possibles. Autant que possible, nous cultivons, achetons et d’encourageons l’utilisation des produits biologiques afin d’appuyer les producteurs locaux et de permettre l’établissement d’un système alimentaire renouvelable. Nous mettons de plus en plus une emphase sur la réduction du gaspillage en essayant de diminuer les pertes en fruits et légumes; nous récupérons les surplus alimentaires de deux épiceries de la ville. On cuisine aussi du bœuf haché biologique et nos légumes sont régulièrement locaux et biologiques. Depuis quelques années le Santropol Roulant a étendu la portée de son service en offrant des repas de plus en plus grande qualité et aussi en proposant à la communauté d’autres expériences en harmonie avec un futur durable. Désireux de faire notre part pour l’environnement et de créer une véritable popote verte, plusieurs initiatives sont nées. Une première s’est concrétisée en des journées biologiques en travaillant de concert avec des agriculteurs locaux. Depuis désormais trois ans, nous démarrons la chaîne alimentaire à ses débuts grâce à notre jardin sur le toit. Élaboré avec l’ONG Alternatives (www.alternatives.ca) via le projet Des jardins sur les toits (www.lesjardins.ca), notre jardin nous permet de cultiver des légumes, des fruits, des herbes et des fleurs comestibles biologiques qui contribuent directement à la préparation des repas. Le jardin offre par le fait même aux bénévoles de découvrir l’agriculture urbaine. Trois fois par semaine, les jardiniers-bénévoles et le coordonnateur se rencontrent lors de séances de jardinage pour entretenir et en apprendre ensemble sur la culture des légumes. Pour développer et maintenir la communauté nous misons sur le travail de groupe en partageant des idées, transférant des connaissances et avant tout en faisant du jardinage une source simple de plaisir. Notre préoccupation première consiste à offrir à nos bénévoles, nos généreux jardiniers, une expérience riche et valorisante. Les ateliers « Du jardin à l’assiette » qui lient le jardin à la cuisine offrent un espace pour créer ensemble des repas à partir des produits du jardin. Cette année, afin de consolider le cycle alimentaire au roulant, nous avons mis en place un projet de lombricompostage. Les déchets organiques de la cuisine séjournent désormais quelques mois dans notre chambre de lombricompostage située au sous-sol où 50 000 vers travaillent pour nous à transformer les résidus de cuisines en compost. Le compost est amené au jardin pour nourrir les plantes, et finalement les légumes du jardin sont rapportés à la cuisine pour préparer de succulents petits plats. Nous avons aussi en période estivale, une friperie, boutique de vêtements de seconde main, et un atelier de vélo communautaire qui s’ajoutent à la liste.
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Dans les prochains mois, des projets comme l’éco-défi, une étude sur l’empreinte écologique de l’organisme et comme le labo vivant, qui vise à partager notre expérience et nos façons de faire à l’extérieur, s’ajouteront au cœur de nos activités de la popote. Voilà en 2007 le Santropol Roulant!
Une équipe vivante où chacun a sa place Notre service de popote roulante est un catalyseur pour l’établissement d’une communauté saine et dynamique, constituée de personnes qui sinon ne se seraient sans doute pas rencontrées. La communauté du Santropol Roulant est composée de nos clients, des bénévoles, du personnel et de nos partenaires. Les clients doivent être référés par des centres de santé, des intervenants sociaux, des hôpitaux ou des médecins de famille. Les clients sont admissibles s’ils sont en perte d’autonomie, souffrent de malnutrition ou d’isolement social, ou s’ils vivent sous le seuil de la pauvreté. Les bénévoles amènent leur enthousiasme. Ils sont issus de milieux sociaux variés. Ils viennent de Montréal, mais aussi d’autres régions du Québec, ou du reste du Canada, et parfois même d’autres pays et continents. Ils contribuent en moyenne jusqu’à 2000 heures de service par mois. Nous laissons la place à chacun de trouver la façon dont il veut participer dans l’organisme. Par exemple, un de nos membres qui est bénéficiaires du service de popote en hiver se joint à l’équipe de bénévoles de la cuisine durant la belle saison. Aidé de trois bénévoles, un autre de nos clients cultive sur son balcon des légumes dans une jardinière écologique provenant du jardin sur le toit. Aussi, chaque membre de la communauté (clients, bénévoles, donateurs et employés) ont droit de vote à l’AGA. Le personnel est une équipe dévouée et passionnée. Les salariés adorent leur travail. Le dynamisme de l’équipe repose entre autre sur le renouvellement régulier du personnel (court contrat pour offrir une expérience de travail), le jeune âge des employés, et la façon dont nous travaillons ensemble. Soutenu par l’équipe, chacun est responsable d’un volet de l’organisme et peut de manière créative le faire évoluer et proposer des projets. Au sein de notre équipe nous valorisons une approche collective dans notre travail et nos espaces de vie, afin de permettre aux gens de grandir personnellement et professionnellement. Nous encourageons l’esprit familial. Notre équipe de travail est très soudée. Et grâce à ça, nous nous écoutons les uns les autres, et il existe entre nous une grande ouverture d’esprit. La tolérance est omniprésente et on permet à chacun d’apporter sur son lieu de travail ce qu’il est vraiment, sans jugement.
Des espaces pour mettre la personne avant la tache Cette communauté riche et diversifiée est centrée avant tout sur la personne. Quoi qu’il y ait à faire au quotidien, nous essayons de toujours mettre la personne avant la tache, c'est-à-dire de respecter et valoriser sa personnalité, ses besoins, ses désirs, etc, pour qu’elle trouve sa place. 39
Comme il n’y a pas de service de popote les jeudis et les dimanches (congés), les jeudis sont dédiés à des réunions et des activités d’équipe. Ces réunions de personnel favorisent une convivialité et une énergie créatrice qui nous aide à bien travailler ensemble. Les jeudis matins sont l’occasion de partager ensemble et faire des mises à jour sur des projets, les opérations quotidiennes de la popote, des enjeux particuliers (partenariats, financement, bénévoles, clients). Les décisions sont prises par consensus. Ce qui nous guide : chacun s’engage à partager et comprendre les différents points de vue ainsi que de supporter les décisions collectives puisqu’elles sont issues d’un processus ouvert et juste et que c’est la meilleure solution pour le groupe et la communauté en ce moment. Les jeudis-staff sont nés dans une période d’essoufflement de l’équipe et ce, afin d’éviter que celle-ci se tue à l’ouvrage. Le compromis pour une vie saine et durable de notre organisme fut de réduire à cinq jours (au lieu de six) le service de popote. Ceci a engendré un meilleur service et une meilleure cohésion de groupe. Ces temps de pause permettent d’apprécier la personnalité de chacun des membres et par le fait même celle de l’organisme en tant que telle. Cette journée nous permet aussi d’approfondir les projets qui sont mis de côté les jours où la popote est en service. Ainsi, les jeudis après-midi sont l’occasion de faire du rattrapage dans le travail ou de planifier des activités sociales pour apprendre à mieux se connaître et tisser des liens forts au sein de l’équipe.
Diversifier nos sources financières pour la durabilité Nos partenaires et donateurs sont divers : des universités, des centres de services sociaux, des travailleurs sociaux, des organismes communautaires, des fondations, des commerces sociaux, des donneurs corporatifs, des programmes d’emploi. Du diagramme du financement, 13% des avoirs proviennent de Centraide, 36% des fondations et organismes, 7% de dons de particuliers, 6% de compagnies privées, 19% d’initiatives d’autofinancement, 6% du développement des ressources humaines et 13% de programmes gouvernementaux. Et notre plus important soutien est, bien évidemment, la générosité des nombreux individus qui s’impliquent, ce qui permet au Roulant de tourner. Il est courant au Québec de rencontrer des organisations qui recherchent sans cesse des fonds. Il n’est par contre pas aisé de trouver de l’argent. De notre côté, les racines anglosaxonnes de l’organisme dont la culture repose sur l’entraide, la localisation des locaux dans un quartier réputé pour l’implication communautaire, la proximité d’universités et la notoriété que le Roulant s’est bâti au fil des années, contribuent à la récolte des fonds. Toutefois, cela reste une tâche ardue. Afin de consolider notre assise financière, il est important de mettre les énergies jours après jours pour assurer une pérennité : demande de subventions, événements de levés de fond, recrutement de donateurs, etc. Rien n’est acquis d’avance. C’est pourquoi une personne travaille à temps plein sur les levées de fonds. De plus, notre large éventail de sources de financement nous permet d’être plus fort et durable en cas d’un manque d’intrants dans une des catégories.
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Partager notre expériences En tant qu’organisme qui œuvre localement, nous sommes perçus comme un espace de connexion dans la communauté, voire même un tremplin pour plusieurs membres qui y développent des réseaux sociaux et prennent de l’expérience de travail. Nous sommes partie intégrante de la communauté et on nous contacte fréquemment pour faire partie d’événements spéciaux dans le quartier (ex : vente trottoir où l’on vend des calendriers, des t-shirts, des agendas, des biscuits maison, des livres, etc. et où l’on partage des idées autour d’une communauté saine). Nous publions des journaux sur nos activités que nous distribuons à nos membres, nous organisons divers événements et nous facilitons les échanges qui nous permettent de partager nos expériences.
Contact Santropol Roulant 4050, rue St-Urbain Montréal, Québec H2W 1V3 Canada 1-514-284-9335 info@santropolroulant.org www.santropolroulant.org
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Un Festival Perpétuel, ouvrir son logis à tous et à toutes, afin de partager gratuitement des activités De 2003 à 2006, Un Festival Perpétuel a rassemblé en réseau des individus, à Montréal (Québec), qui décidaient occasionnellement d'ouvrir leur logis à tous et à toutes, afin de partager gratuitement des activités de leur choix. Le réseau prenait la forme d'un site internet annonçant ses activités et de rencontres physiques de partage et de coordination, indépendantes de la programmation principale. Ateliers de fabrication/réparation d'objets et de partage de connaissances; groupes de discussions et de réflexions à thématiques diverses; espaces de jeu, de création et d'expression artistique; fêtes, cuisines collectives et dégustations; sont quelques exemples de types d'événements ayant été proposés à l’intérieur des 37 espaces du réseau, entre le mois de septembre 2003 et le début de l’année 2006. Mentionnons que chaque participant déterminait la nature et la date de son/ses activité(s), le nombre maximal de visiteurs et demeurait libre de répéter l’expérience le nombre de fois qu’il le souhaitait : de la tentative unique, à l’événement hebdomadaire. Le récit d'expérience suivant traitera de manière personnelle de la constitution, l'animation et la coordination du réseau lui-même. L'accent sera porté plus particulièrement sur les notions de diversité, de décentralisation, d'auto-coordination et d'ouverture à l'autre vers lesquelles tendait le projet.
Genèse du projet Comment catalyser les aspirations d'individus divers? Comment créer rapidement et simplement des groupes d'intérêt qui s'enracinent dans des lieux physiques? Comment rendre l'initiative d'actions collectives possible et accessible à tous, en peu de temps, sans investissements trop importants ? Voilà quelques unes des questions qui m'amenèrent (Marc-Antoine Vermette) à initier Un Festival Perpétuel. En guise de piste de réponse : une expérience qui allait combiner l'utilisation ponctuelle de l'espace privé résidentiel comme lieu d'action collective (une pratique riche d'histoire et de traditions) et l'idée de plus en plus répandue de réseau.
Fondements L'espace résidentiel privé est probablement le type d'espace dans lequel nous avons individuellement le plus de liberté. Il est peut-être bien le seul à permettre à la plupart d'avoir simultanément un lieu d'action qui leur est propre. Il favorise ainsi selon moi une diversification et une décentralisation de l'action citoyenne; il rend les initiatives possibles, ici, maintenant, sans location de locaux, demande de permis, assurances et autres 42
complications, dans la mesure où l'activité demeure légale et gratuite. Malgré cet incroyable potentiel latent, l'espace résidentiel urbain demeure pourtant souvent réservé, pour des raisons diverses, aux individus qui l'habitent et à leur entourage immédiat.
Objectifs Un des objectifs d'un Festival Perpétuel fut de favoriser un climat de confiance, des conditions permettant aux participants de se sentir à l'aise d'ouvrir ponctuellement leurs logis à des citoyens inconnus qui partagent des intérêts semblables aux leurs. Le festival accompagnait toute personne qui désirait ouvrir son espace à sa communauté, invitait ceux qui le faisaient déjà à joindre le réseau et diffusait l'information relative aux activités de chacun. Il était prévu initialement que ces différentes fonctions soient graduellement assumées par les participants eux-mêmes dans un esprit d'auto-coordination.
Les premiers jours d'un réseau Il a d'abord été question de créer un " espace pilote ", pour vérifier le réalisme de la dynamique proposée et apprivoiser certaines peurs (agression, envahissement, vol, etc.) qui se sont avérées, après plusieurs expériences, assez démesurée : à ma connaissance, aucun incident critique ne fut signalé pendant l’existence du projet. Cet espace initial, un appartement que je partageais avec 6 autres personnes, fut nommé le Laboratoire. Il proposa pendant les premiers temps un calendrier d'activités assez diversifiées (4 par mois) afin que le réseau, qui se limitait alors à cet unique espace, ne soit pas catégorisé de manière trop spécifique et demeure attrayant aux yeux d’individus d’horizons variés. Par la suite, plusieurs autres espaces (dont la grandeur variait de deux pièces à deux étages) s'ajoutèrent et Le Laboratoire perdit son statut particulier. Si l'image " diversifiée " du projet semble avoir été bien intégrée par la population de divers milieux et même plus tard par les médias de masse, nous pouvons nous demander quel aurait été les conséquences d'initier le réseau avec, dès le début, un groupe d'espaces / individus (disons une dizaine) au lieu d'un seul. Cette alternative aurait probablement évité que symboliquement, le projet en tant que réseau soit associé pendant longtemps à son fondateur, bien que je prônais la décentralisation de sa coordination et son appropriation par ses participants. Le choix retenu tenait selon moi d'une difficulté personnelle (bien surmontable pourtant) à m'entourer de gens intéressés à tenter l'expérience avant le lancement, sans avoir vérifié moi-même la viabilité de l’idée. Notons que cette dynamique n'affecta selon moi que le réseau en tant que structure et n'enleva rien à l'importante autonomie d'action qu'avaient les participants dans leurs espaces respectifs.
Appropriation du pouvoir décisionnel par les participants Certes, pour favoriser cette décentralisation, un " organe de coordination " fut créé deux mois après le lancement du site web du projet et l'ouverture du Laboratoire. Les rencontres de l'organe eurent lieu de manière assez informelle à chaque mois ou deux mois au 43
Laboratoire (puis plus tard, en d'autres lieux). Environ 5 ou 6 personnes y participaient et les discussions portèrent d'abord sur le fonctionnement général de l'organe lui-même et du festival dans son ensemble, bien que de grandes lignes directrices avaient été tracées préalablement. D’autres enjeux et situations plus spécifiques furent par la suite discutés L'organe était ouvert à tous et à toutes, bien que seulement ceux ayant déjà proposé une activité dans le cadre du réseau détenaient un pouvoir décisionnel. Les décisions se prenaient par consensus avec un quorum de 3 personnes. La légalité, l'aspect résidentiel, non-promotionnel et gratuit des activités furent confirmés comme étant les critères de participation du festival. Une section "espaces connexes " fut proposée et ajoutée pour annoncer des activités non-résidentielles gratuites ou à contribution volontaire. Pour poursuivre dans l'esprit du commentaire de la section précédente, le fait de créer cet organe "après " le lancement du projet ne favorisa probablement pas l’appropriation optimale de la coordination par les participants. C'est le dilemme : partir un projet solo rapidement puis espérer que d'autres se l'approprient, versus partir un projet collectivement, avec le temps, l'écoute et les dialogues que cela implique...
Coordination sur le terrain, difficultés initiales à déléguer et statut de salarié Au-delà de la prise de décisions, la coordination du réseau se traduisait en actions terrains bien concrètes consistant principalement à aller rencontrer les futurs participants chez eux afin de discuter, les accompagner dans leur projet, puis assister à leur première activité. Cet accompagnement joua un rôle primordial dans l'alimentation du climat de confiance souhaité à travers le réseau. Mentionnons aussi que toute personne désirant participer à une activité devait au préalable aviser l’hôte par courriel ou téléphone de son intérêt. C’est vers la fin de l'année 2004 que " l'adresse contact " du festival fut redirigée vers d'autres boîtes électroniques que la mienne et que d'autres participants commencèrent à s'impliquer dans l'accompagnement des nouveaux intéressés. Un "guide d'accompagnement " fut également créé, facilitant ainsi le transfert d'expériences. Outre une certaine insécurité de fond, cette difficulté à déléguer de ma part devint d'autant plus tenace que j'obtins à partir d'avril 2004 un soutien salarial minimal d'un an de l'organisme Engrenage Noir (supportant l'art communautaire et engagé, www.engrenagenoir.ca). Bien que l'idée première était de créer un réseau autonome sans salariat, le démarrage du projet, la multiplication initiale et inattendue des espaces ainsi que le désir de créer un nouveau site web plus interactif, justifièrent en quelque sorte ce support financier temporaire. Désormais payé, je me sentais d'autant moins à l'aise de déléguer que je ne me trouvais pas surchargé de travail comme il en est le cas dans d'autres organisations où les salariés doivent obligatoirement avoir recours à des bénévoles, faute de temps. Constatant cet impact sur la décentralisation de la coordination du projet, j'ai écourté l'aide financière de six mois, après quoi un changement notable fut observé au niveau de la répartition des responsabilités. Cette répartition (vers deux autres participants) fut complétée lors de ma décision me retirer du projet, en juin 2005, le tout précédé par une baisse notable de mon implication.
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Diffusion, médias et leurs limites Au niveau de la visibilité du projet et l'annonce des activités des espaces, le projet opta d'abord pour la technique du bouche-à-oreille à l'intérieur des différents cercles de connaissances avant que le réseau ne se dote d'une diversité d'activités significative, évitant ainsi les catégorisations hâtives d'un point de vue extérieur. Ce souci quant à l'image projetée porta finalement fruits, bien qu'il ait pu initialement retarder le développement du projet. Par la suite, des interrogations au sujet du nom (le projet s'intitulait à l'origine " Le festival perpétuel de réanimation d'espaces résidentiels "), puis des modifications majeures apportées au site web repoussèrent souvent à plus tard des stratégies de visibilité accrue via des techniques comme l'affichage. L'information circulait donc principalement via le site internet et un bulletin courriel mensuel envoyé à une liste d'individus intéressés. Le site internet prit différentes formes en suivant l'évolution du projet et le nombre d'espaces. C'est en juin 2004, à l'aide d'une partie de la subvention d'Engrenage Noir et des compétences d'une généreuse personne, que le festival se dota de la version finale du site, programmée en langage php, permettant à chaque participant de gérer de manière autonome l'affichage de ses activités à la suite d’une première rencontre d'accompagnement. Cette modification allait réduire de beaucoup les tâches de coordination reliées à la gestion du site web et justifier d'autant plus l'arrêt de la subvention. Par la suite, les médias commencèrent à s'intéresser au projet et traitèrent le sujet de manière plutôt positive. La Presse, Voir, Radio-Canada, ELLE Québec et d’autres encore permirent de faire connaître l'expérience du festival à probablement des milliers d'individus... Malgré cette nouvelle visibilité inattendue et de nombreux retours très positifs, proportionnellement très peu de gens nous contactèrent pour proposer d'y ajouter leur espace ou pour assister aux activités offertes par les espaces existants.
Développement de la confiance à travers la rencontre Cette expérience avec les médias fut très révélatrice quant aux limites de la visibilité et surtout quant à aux dynamiques de développement interne du projet. Les conclusions tirées faisaient peut-être écho aux intuitions initiales : à savoir que le festival semblait se développer essentiellement via la rencontre d'individus, en chair et en os, via la création d'un lien de confiance suffisant pour s'ouvrir à l'autre. Pour favoriser de telles conditions, des rencontres ont été organisées avec succès dans les premiers temps afin que les personnes possiblement intéressées par l'idée d'offrir une activité chez eux puissent partager leurs projets aux autres et parfois puiser dans le groupe la motivation nécessaire pour passer à l'acte. Ces rencontres au Laboratoire permettaient aussi aux participants de faire connaissance dans un lieu plus neutre avant de se retrouver dans leurs espaces respectifs pour partager une activité. Au-delà de la coordination, il semble donc y avoir eu un besoin d'animation, un besoin d'un espace physique (qui aurait même pu être public) pour prendre contact, se donner mutuellement de l'énergie dans nos démarches. Un festival perpétuel a toujours tenu à se présenter non pas comme LA solution, mais comme une expérience parmi d'autres, en complémentarité avec d'autres approches. Il évitait d'essayer de convaincre qui que ce soit de joindre le réseau, tout en restant à l'écoute 45
du moindre petit signe d'intérêt qui, parfois avec un peu de support, pouvait finir par porter fruits. Après un certain temps, cette animation, qui consistait à rassembler différents porteurs de petits signes d'intérêt, créer de la synergie humaine, diminua de beaucoup. Ainsi, quelques activités continuèrent à être annoncées sur le site, la coordination demeura disponible, mais l'effervescence et le développement des premiers mois ne fut pas retrouvés.
Perspectives • Effet "nouveauté ", besoin d'apprivoisement et facteur temps Nous pouvons nous demander si l'effet "nouveauté " n'a pas joué un rôle important dans l'alimentation de cette effervescence initiale : le défi de tenter l'expérience, oser ouvrir sa porte à l'inconnu, sans trop en connaître les résultats. En ouvrant cette porte, ce n'est toutefois pas aux vols, aux envahissements, aux agressions et aux conflits que nous avons été confrontés comme plusieurs le craignaient, mais à toute autre chose. D'abord, s'il y avait une résistance à accueillir, il semblait également y avoir une résistance à " aller vers ". Ces résistances faisaient en sorte que parfois, lors de leur première activité, les espaces recevaient bien peu de visiteurs. La notion de " peu " est encore relative dans la mesure où dans un espace " intime " et souvent restreint comme notre propre demeure, un, deux, ou même trois visiteurs peut déjà sembler énorme... Si parfois cette faible réponse initiale a pu en décourager certains, les espaces qui ont annoncé des activités de manière plus régulière sur une plus grande période de temps permirent aux gens potentiellement intéressés de prendre leur temps, de se sentir prêt avant d'aller vers eux. Il en résulta de nombreuses expériences incroyablement riches à plusieurs niveaux.
• Réciprocité, respect et volonté personnelle À plus long terme, ouvrir mon espace dans le cadre du festival m'a aussi amené à considérer la réciprocité dans le présent, sans quoi un épuisement peut vite surgir étant donné que nous proposons une activité gratuitement, à n'importe qui de manière quasi inconditionnelle, sans promesse d'un retour. Vient alors l'apprentissage de cette fameuse réciprocité en temps réel qui m'a semblé, dans mon cas, loin d'être acquise, bien que très prometteuse... Le fait d'ouvrir ma porte dans le cadre du festival, m'a également fait découvrir un " statut " un peu inhabituel. Un statut où je pouvais me donner " l'autorité " de proposer quelque chose à des inconnus et des proches, sans qu'ils y soient obligés, sans que personne au dessus de moi ne légitime mon désir, comme il est souvent le cas dans la sphère publique. Il ne restait donc plus que moi et ma volonté du moment, entouré de gens plus ou moins connus, qui ont répondu à cette volonté. Des gens qui me respectaient un peu inconditionnellement, comme je les acceptais un peu inconditionnellement chez moi, tout en sachant que j'avais le droit de veto sur ma demeure et qu'ils pouvaient également choisir de quitter quand bon leur semble.
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Conclusion Le projet du festival perpétuel a fermé sans éclat son site web en mai 2006, après quelques mois d’activités largement réduites. Je crois qu’une plus longue période d’animation soutenue aurait été nécessaire avant de pouvoir espérer qu’il acquiert une synergie autonome alimentée par l’ensemble des ses membres. Le mot " perpétuel " peut désormais sembler ironique, mais à mes yeux, le titre tirait ses racines moins d’une prétention à la perpétuité que d’un sincère désir d’imaginer et d’expérimenter une structure, dont la simplicité et la convivialité permettrait une décentralisation maximale de l’action citoyenne et culturelle, dans l’espace et dans le temps. Notons qu’en guise de développement ultérieur, nous aurions pu créer des ponts avec divers autres groupes existants de Montréal. La question de l'environnement immédiat aurait aussi mérité d’être approfondie. Pourquoi entre autres, je recevais des inconnus chez moi sans même connaître mes propres voisins? Pour conclure, au-delà de toutes les rencontres, les échanges et les expressions de soi qu'elle a rendu possibles; je crois qu'une expérience comme le festival perpétuel a favorisé un regard autre chez certains de ses participants et chez plusieurs individus via les médias traditionnels. Elle a peut-être renforci l'idée que nos rêves, nos désirs, nos projets, sont beaucoup plus possibles qu'on se le fait parfois croire; que les ressources sont là, que tout pourrait être plutôt simple en fait. Mais que malgré tout, souvent quelque chose résiste, quelque chose qui ne peut plus maintenant seulement se cacher derrière la peur de l'agression extérieure. Ce quelque chose, je ne suis pas même obligé de l'identifier pour avoir l'intuition que c'est tout de même moi qui le mets au milieu de mon chemin. L'intuition aussi que c'est moi qui pourra l'enlever graduellement, lorsque je m'en sentirai prêt... Quant au festival, il renaîtra peut-être, à Montréal ou ailleurs, avec une image semblable ou une autre... Après tout, l’idée d’ouvrir sa porte n’est pas né, ni morte avec lui... Récit écrit par Marc-Antoine Vermette
Contact Marc-Antoine Vermette antoine_orange@hotmail.com
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Café Graffiti, aider les jeunes marginalisés à se réinsérer dans la vie socioéconomique en favorisant leur autonomie. Une histoire qui se construit avec les jeunes Sept jours sur sept, 24 heures sur 24, deux travailleurs de rue s’investissaient auprès des jeunes marginalisés et vont à leur rencontre dans leur milieu de vie. Contrairement à une pratique conventionnelle, ces deux travailleurs de rue ne se limitaient pas à un quartier. Ils rejoignaient le jeune là où il se trouve. Cette approche «nomade» les faisait circuler dans plusieurs quartiers de la ville mais surtout, leur permettait d’établir une relation stable et profonde avec les jeunes qu’ils accompagnaient. Ces deux bénévoles sont le Père André Durand et Raymond Viger. Raymond Viger, intervenant de crise auprès de personnes suicidaires, avait remarqué que les jeunes marginaux n'appelaient pas les centres de crise. Il devait établir une relation significative avec ces jeunes avant même que les premiers signes avant-coureurs de la crise n'apparaissent et ainsi intervenir adéquatement avec ces jeunes. Les jeunes marginalisés ont tendance à être paranoïaques et a se méfier de tout et tous. Ceci explique leur rupture avec les ressources conventionnelles. Ils doivent avoir confiance en l’intervenant avant d’accepter son intervention et sa présence. De là est né le projet du Journal de la Rue, un organisme, de Reflet de Société, le magazine et du Café-Graffiti, un lieu de vie.
Accompagner dans la durée les jeunes vers une place citoyenne Le jeune n'est pas considéré comme un problème sur lequel nous devons intervenir pour le changer. Il est un citoyen à part entière. Il est différent par ses besoins, ses façons de communiquer et par son mode de vie. Notre présence auprès de lui est un soutien dans sa démarche. Un citoyen doit avoir le droit d'avoir des rêves. Nous l'aidons à les exprimer, à définir ses besoins ; les moyens qui sont à sa portée et ceux qui pourraient l'être. Les jeunes marginalisés sont des artistes et des citoyens sensibles. Nous canalisons leur talent et leur intensité dans les arts et la culture pour les aider à s'exprimer et prendre une place citoyenne positive pour eux et pour la société.
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Construire un espace de confiance Nous nous positionnons comme « un grand frère » pouvant les aider et les accepter tels qu’ils sont. Nous leur permettons de réaliser leurs rêves. Nous établissons une relation dans laquelle le jeune se sent aimé et apprécié. Ils ne voient pas un adulte qui les perçoit comme des problèmes ou des cas, mais plutôt comme des collègues plus expérimentés pouvant les soutenir dans leurs démarches. Cette relation significative nous permet d'intervenir auprès du jeune et éventuellement, de le référer aux ressources spécialisées qui pourront l'accompagner pour répondre à un besoin précis. Alors même que le jeune est référé, nous restons son accompagnateur principal. Cela permet d'éviter que le jeune se retrouve « entre deux chaises » et laissé à lui-même. Notre relation avec le jeune est atemporelle. Un changement de comportement peut prendre des années d'accompagnement. Le jeune peut décider de faire un bout de chemin avec nous, voler de ses propres ailes un certain temps et revenir subséquemment. Nous en arrivons même à intervenir auprès de ces jeunes quand ils deviennent parents, nous permettant d'influencer le devenir des citoyens en herbe. Nous accompagnons un jeune qui est mobile. Nous devons être aussi mobile que lui. Si le jeune change de milieu, nous demeurerons son grand frère et continuerons notre intervention. La proximité et la constance font qu’ils apprennent à se confier, à accepter de livrer leurs états d’âmes, leurs difficultés et de faire des plans d’action avec nous. Ce lien demeure un acquis pour longtemps. Il n’est pas rare de voir les anciens revenir chercher conseil auprès de nous lorsqu’ils ont des difficultés avec leurs propres enfants ou dans leur parcours personnel.
Accompagner dans la construction volontaire de soi La cohabitation de jeunes crée des crises. Celles-ci font partie de l'expérimentation que le jeune vit. Le mot crise, en grec, veut dire changement. Ces crises aident le jeune dans ses moyens de communication et à mieux se définir et se positionner comme citoyen. Notre présence est requise pour les aider à gérer ces crises. À chaque fois qu’un nouveau arrive dans le local, les anciens ont peur de perdre leur place, leurs avantages, leurs privilèges. Nous devons les aider à faire connaissance et à réaliser que chaque nouvel arrivant ne met pas en péril leurs acquis. Régulièrement, le jeune nous demande d'intervenir dans les difficultés qu'il va vivre, autant sur le plan individuel que communautaire. Nous laissons le jeune expérimenter le plus possible par ses propres moyens pour développer son autonomie. La base volontaire se vit par la demande du jeune d'être aidé dans la résolution de conflit. Notre intervention est surtout basée sur la possibilité qu’on leur offre d’exprimer ses besoins, de les définir, de faire l’inventaire des solutions appropriées, de poser les limites, de les faire respecter, de les négocier… Cet apprentissage, devient un nouveau mode de vie basé, une nouvelle façon de s’exprimer et de communiquer Le jeune est maître d'œuvre de son implication et de ce qu'il veut vivre. Sa participation se fait sur une base volontaire. Il n' y a pas de recrutement pour aller chercher ou rejoindre le 49
jeune. C'est par l'attrait qu’il y trouve que le jeune veut participer aux activités et y prendre sa place. Lorsqu’il est volontaire, le jeune peut en arriver à s’ouvrir et à donner sa confiance à l’adulte. Malgré tout, cette confiance prend du temps à s’établir.
Le milieu de vie pour apprendre le vivre ensemble et l’autonomie Les outils que nous rendons disponible pour les jeunes, incluant le milieu de vie CaféGraffiti que nous avons créé, appartiennent aux jeunes. Ils en possèdent les clés et le code du système d'alarme. Certains n’ont pas d’appartement, mais peuvent bénéficier de l’accès à notre local 24 heures sur 24. Pour certains, posséder la clé du Café-Graffiti est la seule chose qu’ils possèdent. Ils peuvent ainsi inviter leurs camarades qui tombent sous leurs responsabilités. Ils sont fiers d’avoir leur local bien à eux. C’est ce qui nous amène à devoir répondre à des besoins qui changent régulièrement. Nous les aidons à cohabiter avec d'autres groupes de jeunes, à communiquer leurs besoins, à définir un code de vie, les règlements qu'ils veulent se donner pour la bonne gestion de leur milieu de vie. Par la pratique, ils apprennent à exercer leur citoyenneté. Les jeunes ont leur place dans toutes les instances démocratiques de l'organisme. Ces instances ont été créées pour répondre à leur besoin et s'adaptent à l'évolution du jeune. Un comité de justice peut être créé pendant une période de temps où les jeunes ont senti le besoin de réviser le code de vie. Le comité pourra ensuite disparaître pendant un certain temps. Ils sont majoritaires à l'Assemblée générale de l’association.
Devenir des acteurs de changement Nous aidons des jeunes marginaux à devenir des adultes responsables et significatifs auprès des autres jeunes de leur milieu. Ils deviennent des animateurs, des intervenants, des artistes… Par leur fonction et leur rayonnement, ils participent à l'accueil du nouveau qui commence à prendre sa place. Ils deviennent des exemples positifs à suivre et à imiter. Ces jeunes deviennent nos ambassadeurs. Les plus jeunes les voient réussir et veulent leur ressembler et prendre la relève. Ainsi, ces jeunes deviennent des acteurs de changement, non seulement chez nous, mais à l'intérieur d'autres organismes communautaires ainsi que dans l'entreprise. Certains vont prendre avantage de leur poste de travail pour devenir un compagnon et initier un plus jeune. Ainsi, nous avons maintenant des gens qui interviennent dans différentes régions du Québec et qui ont été formés chez nous. Des jeunes qui n'ont pas de formation académique, mais qui peuvent intervenir grâce au vécu qu'ils ont assumé.
La diffusion
et le partage d’expérience
Notre organisme est sollicité par plusieurs communautés pour intervenir, mais aussi pour former des aidants naturels dans différents milieux de vie. Nous prenons avantage de notre 50
magazine d'information « Reflet de Société » et de sensibilisation pour rejoindre à travers le Québec plus de 470 000 lecteurs sensibles aux causes sociales et communautaires que nous défendons. Un site Internet www.journaldelarue.com rend accessible gratuitement tous nos textes. Classés par catégorie, les textes peuvent être commentés par tous. Nous offrons l'opportunité de photocopier gratuitement ces textes afin de les rendre encore plus accessibles à tous.
Poser et expliquer des limites quotidiennes Nous avons moins peur de mettre des limites claires et que ces limites aient des conséquences pour les jeunes. Parfois cela peut leur faire mal. Mais certains ont besoin de souffrir pour apprendre. Nous restons en relation avec eux, mais sans les prendre en charge et les rendre dépendants de nous. Nous avons appris à gérer ce que certains considèrent comme des « injustices ». Parce que notre intervention peut créer des injustices. Nous allons être plus souple avec le nouveau et de plus en plus sévère au fur et à mesure de son ancienneté. Cela peut créer un sentiment d’injustice ou du ressentiment chez l’ancien qui nous regarde agir avec le nouveau. Nous devons lui expliquer nos faits et gestes et pourquoi nous le faisons. Cela fait partie de leur formation afin qu’ils deviennent eux-mêmes des grands frères pouvant s’impliquer.
Se remettre en question Pour l’équipe et les encadrant, rien n’est pris pour acquis. Nous nous remettons en question à chaque occasion. Chaque jeune est différent et va nécessiter un encadrement différent à chaque fois. De plus, pour le même jeune, ses besoins différeront d’une année à l’autre, nous obligeant à nous adapter à lui et à revoir notre encadrement.
• La reconnaissance artistique et culturelle Les différents projets artistiques et culturels que l’organisme a réalisés avec les jeunes les ont amenés à pouvoir se faire reconnaître comme professionnels. Plusieurs de nos jeunes vivent à plein temps de leur art et bénéficient des services de direction artistique pour les aider dans leur cheminement professionnel. L’organisme est devenu un diffuseur d’art et un producteur d’événements important pour une culture urbaine tel le Hip Hop. Une culture qui ne s’apprend pas sur les bancs de l’école, mais à l’université de la vie.
• L’expérience internationale L’organisme a reçu des intervenants d’un peu partout à travers le monde. Cela a permis d’échanger sur les pratiques et de faire des liens. Les jeunes que nous accompagnons ont une grande ouverture sur le monde. Internet rend accessible toutes les cultures et tous les milieux. Les jeunes voyagent beaucoup. Les intervenants prennent avantage de créer des 51
réseaux pouvant mieux soutenir les jeunes dans leurs déplacements et dans leurs expériences internationales. Notre présence dans un voyage exploratoire en France a été très instructive. Cela nous a permis de mieux comprendre les similitudes et les différences existant dans nos méthodes d’intervention. Nous recevons régulièrement des stagiaires de France venu expérimenter leur pratique au Québec.
Contact Café Graffiti 4237, rue Ste-Catherine Est Montréal (QC) H1V 1X4 Raymond Viger, (514) 256-4467 Courriel: journal@journaldelarue.ca
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Décider ensemble de l’avenir de son quartier : l’Opération Populaire d’Aménagement de Pointe St-Charles Pointe St Charles, un quartier populaire en pleine transformation Pointe St-Charles est un quartier ouvrier du sud-ouest de l’Ile de Montréal qui compte une population d’environ 13 000 personnes. Il est bordé au sud par le fleuve St-Laurent, jonché de rapides à cette hauteur, et au nord par le canal de Lachine qui permettait le passage du trafic maritime vers les grands lacs au centre du continent nord-américain. Ce canal fut remplacé, il y a un demi-siècle, par la voie maritime du St-Laurent, ce qui a entraîné un déclin industriel important et plusieurs pertes d’emploi. Depuis ce quartier se bat pour améliorer les conditions de vie de sa population résidente, d’où le nom de la coalition Action Gardien, , le regroupement des organismes communautaires du quartier Pointe StCharles, et pour résister à l’expansion du centre-ville au profit d’une population aisée. Ce quartier est aussi coupé en deux par une voie ferrée.
L’Opération Populaire d’Aménagement pour imaginer notre quartier ensemble Le 4 juin 2003, Action Gardien convoquait une assemblée de quartier pour présenter son mémoire qui allait être déposé dans le cadre de consultations restreintes sur le plan d’urbanisme de l’arrondissement Sud-Ouest de la Ville de Montréal. Les 175 citoyenNes présentEs à cette assemblée étaient conviéEs à préparer des propositions d’aménagement répondant davantage à la volonté populaire. Un an plus tard, Action Gardien, malgré des moyens financiers extrêmement limités, initiait l’Opération populaire d’aménagement (OPA), misant sur la force du milieu et sur la compétence des citoyenNEs du quartier afin d’entreprendre un vaste chantier qui vise à transformer La Pointe pour les gens du quartier. Dans une perspective de maintien dans les lieux et d’amélioration des conditions de vie de la population actuelle du quartier, l’OPA fut un exercice pratique d’aménagement. L’expérience a débuté par une assemblée publique tenue en avril 2004, au cours de laquelle on retraçait les grandes lignes de l’histoire du quartier, on présentait trois secteurs ciblés pour développer des propositions d’aménagement et on expliquait en détail la démarche proposée. Chaque participantE choisissait un secteur et disposait d’une semaine pour marcher dans le quartier, identifier les trajets qu’il emprunte, les endroits qu’il fréquente et qu’il aime et les lieux à améliorer.
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L’expertise d’usage des citoyen du quartier L’OPA s’appuie sur la connaissance intime qu’ont les résidentEs de leur quartier ainsi que sur leur compétence à nommer les problèmes qu’ils y vivent et à proposer des solutions concrètes. Elle s’inspire d’une approche de démocratie participative et délibérative entre les résidentEs d’un quartier. Un diagnostic participatif permet aux résidents d’évoluer d’un statut de résidents passifs à celui de partenaires actifs dans la production de connaissance et de solutions. Toutefois, une telle démarche n’est jamais acquise. Les contacts avec les résidentEs doivent être maintenus par des rencontres régulières d’échanges sur des projets concrets et des activités plus festives, ce qui est parfois difficile à réaliser avec le peu de ressources que nous avons. Plus d’une centaine de citoyenNEs ont participé ensuite à l’OPA qui s’est déroulée durant la première fin de semaine de juin. Les résultats de cet exercice d’exploration ont été compilés et présentés le vendredi soir; le samedi des équipes arpentaient un secteur pour observer et discuter de leur quartier. Des personnes ressources, urbanistes, architectes et géographes et quelques professionnelLEs de différents services de l’arrondissement ont proposé leur expertise bénévolement. Pendant qu’on traduisait les propositions des équipes de travail en plans et en esquisses, des ateliers de discussion sur la spéculation foncière, le transport en commun, les parcs et espaces verts, les nuisances liées à l’activité ferroviaire, la propreté et la sécurité ont permis d’exprimer les préoccupations des résidentEs sur ces enjeux communs à tout le quartier. Une quinzaine d’intervenantEs d’organismes communautaires se sont assuréEs du bon fonctionnement de l’événement. Toute cette expertise bénévole a facilité l’expression des besoins des résidentEs et les négociations de compromis favorisant le « vivre ensemble ». Cette démarche a permis de dégager les propositions qui faisaient consensus.
Relayer les propositions auprès des élus Dans la foulée de l’OPA, des comités de travail composés de citoyenNES se sont formés et un comité de coordination a entrepris des démarches auprès des élus de l’arrondissement pour faire progresser les recommandations de l’OPA et faire en sorte qu’elles soient priorisées dans les budgets d’immobilisation de l’arrondissement. Les démarches auprès des élus et des services de l’arrondissement ont démarré lentement car cette forme de démocratie participative n’est pas dans la tradition politique municipale.
Un suivi dans la durée Au fil des ans, des rencontres élargies informent les participants de l’OPA et valident avec eux les propositions que développent les comités. La première fin de semaine de juin s’organise aussi une activité large à l’intention de toute la population. L’an dernier des représentantEs de Récit ont visité notre « marché aux idées » et l’aménagement d’un passage plus sécuritaire pour piétons, cyclistes et automobilistes au centre du quartier, réalisé par l’arrondissement suite aux démarches de l’OPA. 54
La base d’une mobilisation citoyenne forte dans le quartier Cette mobilisation citoyenne et l’action de la coalition Action Gardien ont aussi contribué au mouvement de résistance qui s’est développé contre le déménagement d’un Casino sur une ancienne friche industrielle située dans le quartier. La majorité des citoyenNEs craignait l’augmentation des problèmes de jeu et de criminalité (prêts usuraires, prostitution, etc.) dans un quartier à faible revenu. Plusieurs ne croyaient pas les promesses de développement économique que faisaient miroiter les promoteurs et le gouvernement du Québec qui soutenaient ce projet. Au contraire la spéculation immobilière risquait de faire augmenter les coûts de logement, l’augmentation de la circulation automobile allait augmenter la pollution dans un quartier déjà entouré d’autoroutes d’accès à Montréal et l’effet sur l’emploi s’annonçait peu prometteur surtout qu’il s’agissait d’un déménagement et non pas d’un nouveau projet. Le mouvement citoyen a eu gain de cause après une lutte de plusieurs mois qui a mobilisé des centaines de résidentEs (dont une manifestation de plus de 300 personnes en plein hiver dans les rues du quartier); elle a bénéficié de l’appui des quartiers avoisinants et de plusieurs réseaux associatifs du Québec et un rapport de la Direction de la santé publique de Montréal demandait des garanties face aux risques soulevés par les gens du quartier. Les promoteurs ont alors retiré leur projet accusant le mouvement communautaire d’immobilisme. Le défi est maintenant de se relever les manches et de développer ensemble des propositions alternatives pour le développement du quartier. Des projets s’appuyant sur l’histoire du quartier et misant sur le développement des transports en commun seront présentées à la population du quartier en juin prochain. L’OPA n’est pas un symptôme d’immobilisme; au contraire, c’est la contribution d’une population qui prend en mains son avenir et propose un autre type de développement, un développement durable et écologique au bénéfice des résidentEs.
Travailler avec tous les habitants du quartier L’OPA doit aussi faire un effort particulier pour rejoindre les nouveaux arrivants qui viennent vivre dans le quartier et les communautés immigrantes qui sont regroupés en réseaux distincts. Une consultation de l’OPA qui s’amorce sur l’amélioration des parcs et espaces verts devrait être un levier pour rejoindre ces nouvelles familles et développer un dialogue inclusif au-delà de nos différences. Apprendre à débattre nos idées et négocier entre nous en dépassant les préjugés reste un défi qui demande de l’imagination et le sens du bien commun, une valeur qui n’est pas dominante dans notre société marquée par la consommation et l’hyper-individualisme. L’avenir du quartier Pointe St-Charles n’est pas facile. Il hérite d’un passé industriel qui a laissé des traces dont d’immenses friches industrielles polluées. Il fait face aux pressions de développeurs immobiliers attirés par des terrains en bordure du fleuve St-Laurent et qui veulent faire du secteur une vitrine pour le positionnement international de Montréal. Ce n’est pas le genre de développement que veut la population résidente qui s’accroche à ses acquis : un réseau de coopératives d’habitation qui permet de maintenir des logements accessibles, un réseau « tissé serré » d’organismes d’éducation populaire et d’entraide qui sont actifs dans plusieurs domaines d’activité, une tradition de luttes pour améliorer ses 55
conditions de vie malgré qu’on n’ait pas tous les leviers au palier local et aussi des liens avec plusieurs réseaux associatifs à travers le Québec. Cette démarche repose sur l’alliance de plusieurs organismes de la communauté dans la coalition Action Gardien et sur l’implication bénévole de plusieurs citoyenNEs. Les ressources sont limitées à un petit budget d’une dizaine de milliers de dollars et surtout au soutien et à l’animation d’une organisatrice de la Clinique communautaire du quartier et de la coordination d’Action Gardien. Tout au plus l’équivalent d’un poste de travail tout compris. En somme cette animation est nécessaire, mais c’est la synergie d’un réseau associatif qui travaille ensemble avec une population déterminée et mobilisée qui est à la base de cette réussite. Ce travail doit aussi se nourrir d’échanges avec d’autres réseaux militants dans la ville et même à l’étranger. Par exemple, Action Gardien s’est associé au Groupe de travail sur la démocratie municipale et la citoyenneté à Montréal dans la préparation d’un 4 e Sommet des citoyenNEs de Montréal qui se tiendra au début de juin 2007, date anniversaire de l’OPA. Des contacts sont aussi entretenus avec un Réseau sur la démocratie municipale visant à regrouper des citoyenNEs et des éluEs progressistes de plusieurs municipalités du Québec et développé dans la foulée d’un Forum organisé l’an dernier par D’Abord solidaires et auquel ont participé des membres de RéCIT.
Contact Jocelyne Bernier joce_bernier@sympatico.ca
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ExpĂŠrience Suisse
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Trampolino : Rédiger ensemble une déclaration d’impôts L’éducation émancipatrice dans l’accompagnement de la vie quotidienne Chaque année les assistants sociaux du service social polyvalent CSP (Centre social protestant à partir duquel se développe Trampolino) aident de nombreuses personnes à remplir leurs déclarations d’impôts. Ce travail individuel prend beaucoup de temps. Il est aussi assez laborieux et un peu rébarbatif pour tout le monde. L’équipe de Trampolino (en collaboration avec l’Espace des Montagnes, projet collectif de Caritas) a proposé aux travailleurs sociaux de participer avec leurs usagers à des séances collectives et conviviales de remplissage de feuilles d’impôts. Au cours de 6 rencontres, 47 personnes sont venues « ouvrir le Grand livre des Impôts » et s’entraider ! 14 personnes se sont relayées pour animer les séances et conseiller les personnes. Les contribuables qui ont participé à ces séances ont souvent été étonnés de leurs propres capacités à comprendre les formulaires, de leurs compétences à donner un coup de main à une voisine ou un voisin de table. Plusieurs personnes sont reparties en disant qu’elles reviendraient l’année prochaine, qu’elles avaient apprécié l’entraide et qu’elles étaient prêtes à donner un coup de main. Pour la 3e année début de 2007, Trampolino a proposé aux citoyens et contribuables de venir remplir leurs déclarations d’impôts en groupe, de s’informer sur l’utilisation de l’argent des impôts, de s’entraider pour mener à bien cette tâche fastidieuse. Les membres de Trampolino animent des tablées où s’installent les personnes qui ont répondu à l’invitation. Ils encouragent les gens à remplir eux-mêmes leur déclaration, en utilisant leurs compétences et celles des voisins de table, au lieu de faire faire ce travail par des assistants sociaux déjà surchargés. En 2005, une cinquantaine de personnes ont participé à cette action et en 2006, elles étaient quatre-vingts.
"Trampolino" … une envie de rebondir face à l'adversité, de s'émanciper, d'apprendre ensemble. Trampolino est un collectif d’action citoyenne qui a été mis en route dans le cadre du CSP (Centre social protestant) du canton de Neuchâtel (Suisse) en 2004 par deux assistantes sociales et des usagers du CSP. Pratiquement, Trampolino, ce sont deux groupes, un à Neuchâtel (une dizaine de personnes) qui existe depuis 3 ans, et un autre à La Chaux-de-Fonds (7 personnes) qui s’est constitué en juillet 2006. Ces groupes se réunissent environ une fois par semaine et mènent des actions d’intérêt général. 58
Le groupe offre aux participants un soutien mutuel, une entraide et une solidarité, dans le but de trouver des réponses collectives à des problèmes individuels ou généraux. Diverses actions, d’autodéfense ou de conscientisation ont été menées par les groupes du collectif, en fonction des besoins des participants et/ou des demandes des assistants sociaux du CSP. Après une période de préparation, d'information donnée aux collègues du CSP, de supervision et de recherche d'informations, les deux animatrices (engagées pour trois ans) ont pu constituer un groupe de six personnes. Celles-ci avaient eu connaissance du projet par leur a.s. du CSP et venaient voir de quoi il s'agissait. Les premières rencontres ont permis aux participants de faire connaissance et de définir ensemble sur quels thèmes ils souhaitaient travailler. En effet, il s'agissait (pour les animatrices) de proposer une structure, mais pas un contenu, ce dernier appartenant aux personnes concernées. Le travail social de groupe utilisé comme méthode pour constituer et animer ce premier groupe a peu à peu permis aux participants d'établir des relations de confiance et de solidarité. Au cours de cette année, trois sujets ont été traités dans le groupe, qui a baptisé cette action collective: "Trampolino" … une envie de rebondir face à l'adversité, de s'émanciper, d'apprendre ensemble. Action « pointes d’iceberg » Cette action, de juillet à novembre 2006, a été menée par le groupe de la Chaux-de-Fonds. Ce groupe est constitué de personnes vivant de grosses difficultés financières accentuées par les coupes budgétaires décidées par les autorités cantonales. Les participant-e-s ont décidé de se faire mutuellement le récit de leurs parcours de vie et d’écrire ces histoires. Celles-ci ont été réunies dans un recueil de témoignages (dont le titre est « Pointes d’iceberg, une face cachée de la société ») qui a été distribué aux députés et conseillers d’Etat à l’occasion d’une séance d’information sur les problèmes sociaux organisée par le Collectif des travailleurs sociaux du canton. Action « changer de caisse-maladie » En Suisse, les risques maladie et accidents ne sont pas couverts par une sécurité sociale d’Etat. Chaque citoyen est obligé par la loi de s’affilier à une des 87 caisses existantes dans le pays. En novembre 2005 et 2006, le groupe de Neuchâtel a organisé des séances publiques dans divers lieux du canton pour encourager les assurés à réfléchir sur la manière dont ils étaient assurés et oser changer de caisse (comme la loi le prévoit) s’ils en trouvaient une autre, moins chère que la leur. Souvent les gens, même en ayant de la peine à payer leurs cotisations de caisse-maladie ont peur de changer de caisse alors que les prestations sont rigoureusement les mêmes d’une caisse à l’autre.
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Accompagner l’émancipation - L’action « Déclaration d’impôts » L’action « Déclaration d’impôts » a été mise en place après une première année de fonctionnement du groupe et deux autres actions menées par les membres de celui-ci. Cette nouvelle action est issue du constat fait par les assistants sociaux que les usagers du CSP ne peuvent pas s’émanciper en continuant à venir année après année demander de l’aide pour remplir leurs déclarations. Les membres de Trampolino, eux, n’avaient pas forcément beaucoup d’enthousiasme à remplir leurs propres feuilles. L’hypothèse fut faite qu’un travail en groupe pourrait peut-être soutenir le moral de chacun. Cela allait aussi éventuellement nous permettre (à Trampolino) de rencontrer de nouvelles personnes intéressées par notre démarche, et d’élargir notre groupe. La philosophie de la démarche veut que dans chaque action, nous soyons tous là pour apprendre : il n’y a pas ceux qui savent et les autres. Nous sommes ensemble pour nous entraîner les uns les autres et nous comptons bien le faire avec plaisir ! Dans cette action « impôts », nous espérions que les personnes qui y participeraient en ressortiraient avec « le goût d’être acteur » L’objectif de l’action était de permettre à chacun de remplir sa déclaration d’impôts, en toute tranquillité, avec l’appui d’autres personnes présentes, sans se sentir dévalorisé, ni pénalisé. Le but était que chacun puisse expérimenter le plaisir d’être aidé et celui d’être capable d’aider.
• Travailler en partenariat Nous souhaitions nous adresser en priorité aux usagers des deux services sociaux polyvalents du canton de Neuchâtel : le CSP et Caritas. Nous avons adressé un flyer aux assistants sociaux de ces services pour les inciter à participer, avec leurs « clients » aux séances prévues (voir ciaprès). Un peu de publicité a par ailleurs été faite auprès d’autres services. Pour privilégier la convivialité, nous avions prévu l’animation des séances de la manière suivante : Accueil informel autour d’une boisson et de quelque chose à grignoter. Tour de table pour faire connaissance les uns avec les autres, avec une introduction pour dire que nous allions ouvrir ensemble le Grand livre des impôts et que nous allions nous entraider pour remplir ces déclarations. Pour commencer, une des animatrices a proposé de faire un tour de table pour entendre chacun et qu’étant donné qu’il était question d’argent, nous allions commencer en disant chacun son prénom et une chose que nous avions achetée l’année passée avec plaisir Après ce tour, nous avons varié les manières de faire en fonction du nombre de personnes présentes : introduction technique sur la manière de remplir (tous ensemble, un point après l’autre) les déclarations, ou travail en sous-groupes par tablées. Nous avions à disposition des exemplaires vierges de déclarations, les directives de l’administration, des stylos, crayons…
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• Financement. Cette « Action impôts », n’a pas exigé de devoir trouver un financement spécifique. Elle entrait dans la démarche générale de Trampolino qui a un budget pour trois ans (2004-2006) pour payer un 30 % d’animatrices professionnelles, un petit dédommagement financier pour les membres du groupe et le matériel utilisé. Les animateurs de l’Espace des montagnes et les assistants sociaux qui ont participé à cette démarche l’ont fait sur leur temps de travail.
• Des séances ouvertes et conviviales. Un autre atout a été la manière dont les séances ont été conçues. L’accueil, le verre de l’amitié, l’introduction permettant à chaque personne de se présenter, non pas avec son rôle déterminé(contribuable venu remplir sa déclaration, membre de Trampolino, assistant social), mais avec son prénom et une dépense faite l’année précédente (en tant qu’être humain utilisant l’argent dans sa vie personnelle) ont bien détendu l’atmosphère. Trampolino invitait chacun à « participer à une séance conviviale servant à remplir les déclarations d'impôts 2005 autour d'un pot ! ». L’insistance était mise sur le temps pour « faire connaissance les uns avec les autres pour, ensuite, s'offrir mutuellement un soutien dans le but d'apprendre et d'exercer notre autonomie de citoyen face à l'impôt. » 3 rencontres deux semaines de suites, de 15 à 18h. Les séances ont duré deux heures, les personnes partaient quand elles le voulaient. Beaucoup se sont donné des coups de main, ont échangé des expériences à propos d’un point ou l’autre des directives ou de la déclaration. Certaines personnes n’avaient pas pris tous les documents nécessaires et sont revenues à une séance suivante.
• De la participation à l’éducation émancipatrice de tous les acteurs, partenaires Les acteurs de cette action ont été (chronologiquement) les suivants : les assistants sociaux du CSP, qui demandaient à être déchargés d’un travail individuel et qui ont parlé de cette action aux personnes venant habituellement remplir leurs déclarations d’impôts au CSP. Ces assistants sociaux ont souvent accompagné les personnes lors des séances. les membres de Trampolino comme initiateurs et animateurs de l’action ; les animateurs de l’Espace des Montagnes (lieu de travail collectif de Caritas à La Chauxde-Fonds) avec qui Trampolino souhaitait collaborer. Ils ont co-animé les séances avec les membres de Trampolino ; des assistants sociaux de Caritas et d’autres services du canton qui ont présenté l’action à certains de leurs « clients » ; 47 contribuables venus remplir leurs déclarations d’impôts lors de six séances. Les différents acteurs en présence ont tous été des ressources et ont fait bénéficier les autres de leurs compétences. Comme lors des autres actions de Trampolino, nous avons constaté à quel point chaque personne a des idées et des savoir-faire à transmettre. C’est la combinaison de toutes ces connaissances, ces expériences, le fait que les gens ont osé dire leur avis, demander un conseil qui ont rendu ces séances vivantes et utiles. 61
Un des atouts de cette Action a été la participation des assistants sociaux. Les contribuables qui ont participé sont souvent ceux qui se sont sentis encouragés à faire une démarche de groupe, ou même qui ont été accompagnés par leurs assistants sociaux. Il n’est pas évident d’oser participer à un groupe, et encore moins quand il s’agit d’y parler de son argent, de ses gains, de ses dettes, etc…Nous pensons que l’investissement des assistants sociaux a été déterminant pour mettre en route cette action impôts. A entendre les gens à la fin des séances, on peut imaginer qu’ils reviendront une prochaine année, prêts à remplir leur déclaration et à aider d’autres personnes, sans avoir besoin d’être accompagnés. Transformations des acteurs Cette action a permis par ailleurs à de nombreux assistants sociaux de vivre de l’intérieur ce qu’est un travail collectif. Jusqu’en février 2005, bien qu’ils aient reçu régulièrement des informations sur Trampolino, ils n’arrivaient souvent pas à comprendre en quoi le travail collectif changeait les rapports entre les gens (considérés, en groupe, non pas comme des clients venant chercher de l’aide, mais comme des partenaires prêts à s’entraider). Les assistants sociaux qui ont participé à cette action sauront mieux à l’avenir comment parler du travail collectif et encourager les personnes à s’y engager. Nous espérons aussi que les personnes qui sont venues en 2005 reviendront en 2006 et que l’entraide se développera avec de nouveaux contribuables. Dans ce pays où il est souvent difficile de parler d’argent, où les salaires sont tus et où le fait d’être au chômage ou à l’aide sociale est souvent vécu comme quelque chose de honteux, il nous paraît important de vivre et revivre des expériences comme celle de février 2005 : un temps d’entraide entre être humains, pour faire au mieux un travail en général ennuyeux ou angoissant… et le rendre assez joyeux et décontracté. Montrer à chacun qu’il peut aider, qu’il a un savoir Les personnes présentes ont dit à plusieurs reprises qu’elles étaient étonnées de voir qu’elles arrivaient à comprendre ce qu’il fallait faire, et qu’elles étaient encouragées à refaire la démarche l’année prochaine. Plusieurs aussi ont constaté qu’elles avaient des connaissances utiles à d’autres. Certaines ont réalisé qu’on était tous à la même enseigne, à savoir qu’on devait accomplir cette tâche de citoyen, alors que pour toutes sortes de raisons, on a plutôt tendance à reporter ce devoir ou carrément l’oublier tellement il nous rebute ! Cette « sensation » commune et partagée par les membres du groupe a allégé d’emblée le fardeau du remplissage ! Une fois dépassés ces appréhensions et ce dégoût récalcitrant de la paperasserie, il devenait presque facile, ensemble, de se plonger dans les données techniques des déclarations d’impôt, dans la détente et même la bonne humeur ! Nous pensons que ce type d’action développe des attitudes de coopération. L’expérience des uns peut servir à la pratique des autres Suite aux impôts de février 2005, trois personnes ont rejoint Trampolino pour participer à d’autres actions collectives. Affiner la façon de travailler avec Par ailleurs, il était précieux qu’un certain nombre de personnes (les membres de Trampolino, les assistants sociaux) soient à disposition pour donner des coups de main, mettre les gens en relation, lire les directives et réfléchir avec les gens à partir de leurs 62
déclarations d’impôts. Si nous avions tous dû nous pencher sur nos propres déclarations en même temps, il aurait été difficile d’avoir la disponibilité nécessaire. Cette action nous a permis de nous rendre compte qu’il n’est pas impossible de proposer une démarche de groupe, même sur des questions d’argent. L’important est, cependant, que des personnes de confiance (ici les assistants sociaux) fassent le lien, du moins pour le premier pas. Les difficultés sont en partie techniques : il n’est pas évident de savoir bien conseiller quelqu’un pour l’aider à remplir sa déclaration d’impôts, sans oublier d’y mentionner une déduction légale, par exemple. L’équipe d’animation de cette action s’est rendu compte de la nécessité de mieux se préparer, s’exercer, pour la prochaine action. Lorsqu’on peine devant une déclaration d’impôts, il nous arrive d’en oublier la personne et d’être absorbé par la tâche, la compréhension du texte, les calculs à faire, etc. Certains d’entre nous se sont retrouvés, un crayon à la main, en train de remplir une partie de la déclaration à la place du contribuable concerné ! Nous devons affiner la manière de « travailler avec ». Nous devons à la fois mieux maîtriser la matière pour donner des pistes justes, et améliorer l’animation pour promouvoir de l’émancipation et de l’entraide… tout un programme !
Contact Jérôme Finsterwald Av. de Bellevaux 10, 2000 Neuchâtel Tél. 0041/32.725.82.61 jfinsterwald@net2000.ch
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ExpĂŠriences brĂŠsiliennes
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Ação da Cidadania à São Paulo, Le café du matin pour Sao Paulo - Journée mondiale de l'Alimentation L'événement pour la Journée Mondiale de l'Alimentation a eu lieu pour la première fois en 1998 et il a surgi de la nécessité de faire émerger l'Alimentation comme un droit humain, dans la lutte contre la faim et la misère. La motivation apparaît en 1993 avec le constat qu'il y avait au Brésil, 32 millions de personnes qui avaient faim (presque un tiers de la population) et que la faim et la misère sont la conséquence de politiques économiques qui produisent et reproduisent la faim.
Histoire du projet : L'événement " Café du matin pour Sao Paulo" célèbre le Jour Mondial de l'alimentation - 16 octobre, date instituée en 1945 par l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO). Il est réalisé simultanément dans plus de 150 pays. A Sao Paulo il est organisé sur la place publique avec une dimension inter religieuse, spectacle et partage de pain, de boissons et de fruits pour 5000 personnes. Il dénonce le fléau de la faim au Brésil et dans le monde et popularise le concept de sécurité alimentaire et nutritionnelle, prônant l'alimentation comme un Droit de l'Homme et dénonçant comme immoral un pays qui ne respecte pas le droit des citoyens à l'alimentation. La campagne "Noël sans faim" est lancée en même temps que l'action citoyenne contre la faim, la misère et pour la Vie, campagne nationale, animée dans tous les Etats. L'événement met en débat la sécurité alimentaire et nutritionnelle, sensibilise les volontaires et un grand nombre de participants qui adhèrent à la réalisation de l'événement. En même temps il sensibilise la société et les médias à réaliser un événement politico/ religieux/culturel.
Sens, finalités, valeurs, principes L'objectif de l'événement est la formation à la citoyenneté, focalisée sur la question de la faim au Brésil et dans le monde. A travers cette journée, on vise à sensibiliser et favoriser l’organisation de la société pour participer à l'élaboration de politiques publiques et au contrôle social. Nos principes éthiques nous poussent à défendre et à augmenter les droits en réaffirmant le droit à l'alimentation, en déclenchant des actions de citoyens dont est issue la campagne "Noël sans faim" comme possibilité d'atteindre les personnes dans le besoin et de stimuler la société à distribuer la richesse d'une manière solidaire, réaffirmant la citoyenneté active et la citoyenneté participative. 66
Une mise en œuvre collective, en partenariat La méthode participative vise à la réalisation collective de la planification à l'exécution. Par méthode participative nous entendons la participation de volontaires pour la préparation de l'événement qui favorise l'apprentissage de l'organisation et la formation pour sa réalisation, formation à la citoyenneté alliant information/action. La concrétisation se fait par la participation de donateurs de temps, de talent et d'équipements, d'aliments ou autres matériels. Elle compte aussi avec la mobilisation des Pouvoirs Publics qui donnent l'autorisation et mettent à disposition la police, le département des transports, le corps des pompiers (SABESP) qui offrent de l'eau potable… Les sources de financements sont diverses, chacun donne une participation en ressources matérielles et humaines. La réalisation serait encore meilleure avec plus de temps de formation pour les volontaires et des financements suffisants pour une réalisation de meilleure qualité. Il est primordial sont d'obtenir des partenaires pour faire face à tous les besoins et des moyens financiers, pour un public qui va croissant et d' une grande diversité. Le résultat est encourageant et sa réalisation a été progressive. Au cœur des changements il y a la sensibilisation croissante et la popularisation au thème qui est aujourd'hui au cœur des débats nationaux au point de devenir programme de gouvernement. Entre les objectifs, les méthodes et les moyens il y a accord et cohérence. Les diverses étapes du projet - planification, recherche de ressources, entraînement, réalisation et évaluation – constituent un cheminement en direction de la citoyenneté qui est toujours un processus. Pour permettre ce cheminement, outre les moyens financiers, une attention particulière doit être accordée au temps pour la formation des personnes, des techniciens pour l'encadrement.
Une réussite malgré certaines difficultés C'est une méthode testée durant 7 années consécutives et déjà utilisée pour d'autres manifestations de rue, avec pleine attention aux objectifs d'organisation et de citoyenneté. L'objectif serait amplifié si nous avions un attaché de presse qui divulguerait l'information. Chaque année nous touchons et sensibilisons un plus grand nombre de personnes. La méthodologie est appropriée pour avancer mais se heurte à la faiblesse des moyens financiers. Le scénario idéal est la continuité et la mobilisation que nous avons aujourd'hui, participation d'un nombre toujours plus important d'acteurs, réponses positives de la société et du public. Le scénario "catastrophe" serait la non réponse de ceux qui nos sympathisants, le non engagement des volontaires, des participants à la manifestation et du public. Un autre problème serait le refus des pouvoirs publics d'utiliser l'espace et de tous les donateurs de ressources, en plus du manque de volontaires. Le fait d'utiliser la méthode participative d'action collective permet à chacun de se sentir toujours plus appartenir au groupe porteur du thème et réalisateur de l'action, et le scénario tendanciel est d'inclure un nombre toujours plus important de personnes. 67
Contact Nadja Faraone nadjafar@ig.com.br S達o Paulo
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À la porte de la rue – travail avec les enfants des rues À la porte de la maison qui viendra frapper? Une porte ouverte on entre Une porte fermée un antre Le monde bat de l’autre côté de ma porte. Albert-Birot
Sortir la rue de l’enfant ? La rue, pour ceux qui y vivent, évoque beaucoup plus qu’un lieu de survivance, elle représente un état, une façon d’être et de trouver sa place dans la vie. Ce sont des tactiques pour survivre dans les rues et autant de permanences qui établissent, même si elles sont hétérogènes, une fixation à la représentation identitaire « J’suis d’la rue ». Mais que faut-il pour entrer dans ce monde ? Et, surtout, comment faire pour en sortir ? Plusieurs politiques sociales se tournent vers l’assistance à ces populations et, de plus en plus, on essaie de résoudre le problème de l’abandon dans les rues en en « sortant » ceux qui y habitent. Mais même les faibles travaux parvenant à la qualité et la continuité des assistances arrivent trop lentement aux résultats et touchent un nombre de personnes très restreint. Il y a ce qu’on appelle « l’éternel retour » de l’enfant à la rue. Je me rappelle d’un éducateur qui dit toujours : « Sortir l’enfant de la rue, c’est facile ; ce qui est difficile, c’est sortir la rue de l’enfant ». Ainsi, on peut caractériser les habitants de la rue comme des possesseurs d’une culture qui leur est propre : la « culture de la rue », qui n’est pas considérée ici comme isolée du contexte psycho-socio-culturel plus large. Malgré ses contours spécifiques, la rue est traversée par de nombreux autres réseaux d’interaction sociale, qui se constituent déjà dès les premiers relations avec l’intimité familiale. Dans leurs communautés d’origine, on voit des logements minuscules occupés par des familles nombreuses, des maisons ramassées sans espace pour que les enfants puissent jouer, des chaussées étroites ou inexistantes. Les changements fréquents de quartier et les déplacements dans de différentes unités familiales et institutions d’hébergement font que la «maison », en tant qu’image d’une intimité protégée, est absente dès l’enfance. La dissolution des frontières entre le publique et le privé et la forte instabilité dans des espaces et relations, qui constitue la caractéristique de la culture de rue, sont déjà à la « maison » que l’enfant quitte.
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La vision de la rue par l’enfant Lors de mon travail avec un groupe d’adolescents habitant les rues centrales de Porto Alegre, je leur ai posé la question de ce qui était le plus important pour eux. Parmi les éléments à choisir, ils en ont remarqué trois qui, selon eux, seraient « Les trois choses les plus importantes pour nous : la rue, la drogue et la mort ». Afin de comprendre la vision de monde d’un enfant de la rue, il faut connaître la rue, et en plus, la rue de cet enfant. Il ne s’agit pas seulement de l’aspect physique de la rue, mais de la place sociale que l’enfant occupe dans la rue, de son point de vue à propos de la rue et de la signification que celle-ci entraîne sur la constitution de son identité.
Choisir un territoire pour construire une identité Il n’en va pas de même pour le « mocó » et le groupe de référence de la rue qui offrent, eux, une sensation de choix, autant du territoire où l’enfant veut vivre que des sujets en qui il se reconnaît, devenant un simulacre de foyer et de famille, différemment de l’unité domiciliaire dans le quartier. C’est le « contrôle adolescent » du groupe tranchant avec les conflits intergénérationnels de la communauté d’origine. Se grouper, se réunir auprès de ses « pareils», et lui confère une plus grande confiance en de soi, tout en instituant ou en renforçant le statut symbolique d’appartenance à la rue. Mais, à cause de leur instabilité dans les relations personnelles, il s’agit d’une phase de plus dans la circulation constante maison-rue-institutions d’hébergement.
L’errance Une caractéristique de ceux qui vivent dans la rue, c’est l’errance ou, par des mots plus positifs, la mobilité. L’enfant construit et se construit dans cette errance. A la fois cette errance lui interdit d’accéder à d’autres espaces et le fait devenir un être mouvant et souple. Car, alors que le sédentaire voit le monde à partir d’un point fixe et de son noyau, le nomade voit le monde en constant mouvement et à partir des multiples regards sur lui-même
Une impossible construction de soi Toutefois, cette circulation exacerbée interfère sur un enracinement fondamental que constituerait un recours apaisant à une représentation du « moi » moins chaotique. Elle se corporifie. Le besoin d’exaltation du corps et des sensations fait que la drogue occupe le lieu de la faim, du froid et d’autres manques, et aussi se configure dans un temps suspendu, arrêté au présent, car il faut éviter le passé : « À propos de moi, y a presque rien » et l’avenir, peut-être qu’il n’arrive jamais : « Demain, c’est quand? ». Dans la plupart des rapports, l’espace de l’enfance a été mélangé au travail dans les rues et au harcèlement sexuel. La lutte pour la survivance s’est faite en même temps que la 70
découverte du monde. Devenir adolescent dans la rue est aussi imprécis que les figures qui lui devraient servir comme appui. L’adolescent ne sent son étape de vie (son âge) que lorsqu’il est averti qu’il est sur le point d’entrer dans un temps d’encore plus d’exclusions : les 18 ans. La phase où « Ou j’meurs, ou j’suis arrêté ou j’deviens clodo (adulte “de rue”) ». C’est dans les différents regards et non-regards sur lui-même que l’adolescent se constitue. Quand il dit : « J’suis né mort », cette mort symbolique représente un « moi » qui lui a été dénié depuis toujours et qui est renforcé avec les non-regards des passants dans la même rue, qui est cherché comme espace d’anonymat et, paradoxalement, d’exposition. Le regard de l’Autre crée une altérité négative ou déniée : « Ceux qui sont dans la rue, ce sont des déchets » ; « Si j’meurs aujourd’hui, demain ça fait un jour de plus ». Et l’une des paroles fréquentes par rapport à l’utilisation des inhalants, c’est « Plus j’inhale, plus tôt je meurs », cela veut dire l’anticipation sur la mort annoncée dans la violence des rues. Cette cohabitation avec la mort (symbolique et réelle) fait qu’ils cherchent à la dominer tout en l’anticipant et en s’engageant de plus en plus dans des situations de risque.
Proposer un enracinement À la porte de la rue, on trouve l’adolescent. C’est justement là, au seuil entre le « dedans», la « maison » en tant que recoin de sa subjectivité, et la « rue » en tant que place du publique et du social, le « dehors ». Être « à la porte de la rue », pour cet adolescent qui y habite, c’est être dans une frontière qui, une fois dépassée, peut cesser d’exister en tant qu’une référence concrète s’il ne sait pas d’où il est exactement sorti et où il peut retourner. Comment faire que cette porte de sortie vers la rue – la recherche pour cette constitution de son espace – soit aussi une porte d’entrée vers un enracinement dans la culture de sorte à ne pas enfermer l’adolescent dans un moule préparé, mais de lui permettre d’exercer sa complexité? La porte, qui délimite et en même temps s’ouvre, représente l’acte de s’engager dans une relation. Si l’on comprend le conflit entre la vision sédentaire et la vision de ces nomades urbains, on peut essayer de les faire circuler à travers d’autres espaces-temps-relations et s’insérer dans une histoire qui va au-delà de son immédiateté, en brisant la fatalité ruedrogue-mort. Intervenir comme médiateur dans la construction de « leur » culture, c’est les faire percevoir que la même porte qui se ferme, peut également s’ouvrir pour d’autres avenirs possibles.
Contacts Miriam Lemos miriam.lemos@uol.com.br Porto Alegre
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Instituto de humanização – devenir acteur de sa propre vie Historique de l'IDH Le mouvement Paulo Freire allie l'alphabétisation, ou la formation de cadres citoyens à une conscientisation (le support de l'alphabétisation ou de la formation méthodologique n'est pas neutre). Les 4 fondateurs d'IDH (Gloria et José Frison, Ricardo Cetrullo, José Alberto Curado) ont été des compagnons de Paulo Freire. Ce sont des "enseignants populaires", militants "volontaires" (bénévoles) du mouvement Paulo Freire depuis 25 ans. Ils sont psychologue, avocat, sociologues. Ils se sont trouvés, dans le contexte des années 70-80, avec un double désaccord : • au sein du mouvement Paulo Freire, avec un glissement vers la retransmission d'un message déshumanisé, de haut en bas. Celui-ci reproduit les rapports de domination que le discours prétend renverser (ce sont des cadres, intellectuels qui définissent les messages politiques pour le compte des masses populaires) • avec le savoir universitaire, cloisonné et compartimenté, qui empêche toute approche globale et reproduit des rapports de domination par le savoir même sir les enseignants se disent progressistes. Dans ce contexte, l'IDH est né de la volonté de retrouver une pratique humaniste en revenant aux principes de respect et d'intégration enseignés par Paulo Freire.
La construction de la relation L'institut poursuit trois objectifs : • restaurer les capacités de connaissance de soi, de créativité, de créativité et de comportements • travailler sur la relation et la désaliénation qui apparaît en chacun de nous dans la relation avec l'autre • permettre à chacun de comprendre les codes de chaque culture et développer une relation inter culturelle "Notre sujet c'est la mise en relation et l'émancipation. Être humain, c'est être en relation. Nous avons pour option de partir de la pratique et de la relation pour arriver à la connaissance, alors que dans l'école classique on part de la connaissance théorisée". La construction de la relation peut apparaître sous diverses formes : • la récupération d'une sensibilité qui a été blessée • la conscience des jeux de pouvoir et de domination 72
• l'histoire de chaque être • la réponse aux besoins fondamentaux
Prendre en compte toutes les dimensions de la personne humaine Le travail populaire doit contempler les savoirs que les gens portent en eux. Il faut pour cela prendre en compte toutes les dimensions de la personne humaine, qui forment un système, viser à développer la personne humaine comme une totalité. Max Neef (chilien, Prix Nobel d'économie) a mené une recherche dans plusieurs pays du monde avec un groupe d'anthropologues sur la question : quels sont les besoins humains fondamentaux ? Il en arrive à distinguer 9 besoins fondamentaux : • subsistance • créativité • protection • affectivité • compréhension • recul, gratuité loisirs créatifs (otium) • participation • liberté • identité Certains sont des besoins basiques, a-temporels, a-historiques. D'autres sont des satisfactions, liées à la culture et à l'histoire. Il n'y a pas de hiérarchie entre les besoins, mais tous sont nécessaires et complémentaires. Par exemple, le bébé qui tête, quand il boit, apprend la relation, comprend le monde, participe au rapport, forme son identité, développe son affectivité. Dans cette optique, la compréhension est une nécessité basique, mais pas l'éducation. L'éducation peut être favorable ou non à la compréhension. Le rapport éducatif est un acte complet. S'il ne contient pas toutes ces dimensions, il n'enseigne pas à relier, il ne développe pas la relation. Dans la réalité, la plupart des rapports de pédagogie ne répondent pas à ces conditions.
Analyser les mécanismes de domination Dans le travail pédagogique, c'est au groupe de produire sa propre connaissance. "Nous avons cherché comment créer les conditions d'une ré appropriation par les gens de leur propre savoir. Il faut pour cela expliquer pourquoi les gens acceptent leur propre domination et leur aliénation". Nous voulons apprendre à apprendre. Nous essayons de focaliser le travail pédagogique sur la relation et non sur la transmission de connaissances. Nous observons, puis analysons ensemble ce qui se passe, pour comprendre les mécanismes impliqués dans la relation. De cette compréhension jaillit le contenu. Par exemple : 73
Observation : Je coordonne un groupe. Une personne ne comprend pas quelque chose, les autres suivent. Je l'oublie. Ou bien, si je lui demande si elle a compris, elle me dit oui. Analyse : ma position est celle d'une école classique. Je rejette celui qui ne comprend pas. L'autre a peur de dire qu'il n'a pas compris. Est ce par peur des autres, par souci d'être à l'abri de l'effort, etc... Nous apprenons à analyser en permanence ce type de processus. Toutes les réunions sont enregistrées et analysées. Nous pouvons nous tromper, mais à la longue une expérience se dégage. En particulier le formateur doit prendre conscience de sa propre aliénation. Souvent il se croit délivré de l'aliénation et pense qu'il doit aider l'autre. Les travailleurs sociaux (au sens large du terme) sont souvent dans cette logique d'aide. Or nous sommes tous aliénés. Les intellectuels reproduisent dans leurs relations les attitudes du système. Leur discours peut être révolutionnaire, leurs attitudes sont souvent conservatrices. Inversement, les groupes populaires les plus simples sont souvent préparés à subir la domination comme une chose naturelle (l'homme et la femme, l'ouvrier et son patron, l'électeur et l'homme politique) Comment travailler sur notre propre aliénation de dominateur dans la relation ? Quand nous évaluons notre pratique, nous pouvons remettre en cause la méthodologie de transmission des savoirs. C'est au groupe de définir les savoirs dont il a besoin, à partir de ses propres questions.
Le langage du corps Il est un autre langage, c'est celui du corps. Nous avons travaillé à décoder le langage corporel. Toutes les expériences sont parquées dans notre corps. Quand nous rencontrons un groupe, nous rencontrons toutes ces histoires de chacun, marquées dans leur corps. Aussi, sans parler, on sait déjà beaucoup de choses. Aujourd'hui nous faisons beaucoup de travail corporel, à partir d'un travail d'improvisation. Par exemple, dans l'atelier du forum social mondial, nous avons de mandé d'improviser sur une même musique un par un, 2 par 2, 4 par 4 , tous ensemble. L'analyse collective de ce travail a mis en évidence trois difficultés : • difficulté de créer quelque chose, • la difficulté de regarder l'autre, du contact direct ou indirect. La relation à travers le regard de l'autre est un thème important pour nous, • la séduction et la peur : peur de séduire et peur d'être séduit, Ces thèmes constituent ensuite des sujets sur lesquels nous continuerons à travailler. D'autres sujets reviennent fréquemment : le pouvoir, la domination, la culture. Le corps est la source de sujets qui concernent le rapport à l'autre. Derrière les mots on peut se cacher alors que le corps ne ment pas. A partir du moment où les gens sortent des sujets ils sont réceptifs aux savoirs.
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Dans le travail fait avec le théâtre de l'opprimé, au cours du séminaire auquel nous avons participé, nous avons vu pendant l'atelier comment la relation au corps sans la parole créait des relations fortes entre les gens. Je l'ai moi aussi souvent éprouvé.
Diversifier les moyens L'IDH est né au Brésil et en Uruguay, il y a 18 ans. Il est composé de bénévoles. Au départ nous étions 4, mais aujourd'hui ce sont 160 personnes, dont une vingtaine d’anciens. Nous nous appelions "Institut de l'homme", mais nous avons changé de nom à cause des critiques des féministes, qui demandaient "où sont les femmes ?". C'est un espace de développement humain où sont rassemblés différents outils de production de connaissances. A travers les modalités de réalisation de soi des agents des actions un nouveau type de société est recherché. Pendant longtemps nous avons fonctionné avec très peu de moyens. Depuis 2 ans de l'argent vient de Hollande. Avec cet argent l'IDG a pu louer un espace, acquérir du matériel, payer les coordinateurs des formations de l'université populaire. L'IDH a mis en place en juin 1999 un programme d'université populaire, conçu comme un service à l'Éducation Populaire. Il s'agit d'une formation de responsables, de travailleurs sociaux qui travaillent avec des agriculteurs, dans des favellas, avec des groupes de femmes, etc... et qui ont déjà une pratique mais souhaitent l'améliorer. Ils sont 160 cette année, répartis en 8 groupes à travers le Brésil. Le cursus s'étale sur 3 ans, à raison d'une journée par mois, avec un séminaire de 3 jours par an (39 jours au total). Les 4 fondateurs sont dépositaires de la méthode. Ils forment les assesseurs, les assistants, qui réalisent les cours. Ce travail sur la relation et le corps n'est pas encore reconnu. C'est un enjeu politique de faire reconnaître l'importance de cette possibilité d'émancipation par le travail sur soi et sur le corps.
Contact José et Gloria FRISON ihfrison@orion.ufrgs.br Porto Alegre
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Shangri-Lá: “Attendre, c’est ignorer” Une prise de conscience populaire En 1993, les Communautés Ecclésiales de Base (CEB) servirent de cadre à un groupe de personnes cherchant à raviver des lieux de rencontres citoyennes. Pour rappel, ces communautés sont des espaces de pratiques de la théologie de la libération, elles rassemblent les gens afin de construire une lecture critique du catholicisme en partant de la réalité des plus pauvres. Au travers de ce processus, seize familles prirent conscience qu’elles vivaient dans des conditions à haut risque: infiltration d’eau de pluie dans les baraquements, sanitaires et éviers insuffisants pour pourvoir aux nécessités de chacun, etc. En d’autres termes, des conditions de vie insalubres pour un loyer souvent difficile à honorer. “Comment faire pour construire un logement si rien de tout cela ne nous appartient? Ni terrain, ni briques, absolument rien!” Au travers des CEB, en partenariat avec la Pastorale des Favelas, les familles organisèrent un relevé de terrain et arrivèrent à la conclusion que ce terrain était occupé depuis plus de 20 ans déjà. Par conséquent, ils interpellèrent le propriétaire des baraquements afin de lui proposer un rachat du terrain, étant donné que ce dernier avait déjà obtenu un droit sur cette terre. De ce groupe de réflexion et de conscientisation de 20 familles est né Shangri-Là (paradis Indien), nom de la coopérative qui constitue les fondations les plus solides de l’Union pour l’Habitat Populaire (União Por Moradia Popular) de Rio de Janeiro et qui aujourd’hui encore, héberge le siège du mouvement.
Des méthodes qui reflètent les valeurs du groupe Dès le début, le groupe ne se limita pas à la seule question de l’accès au logement. Il embrassa d’autres défis comme la capacitation de ses membres, l’éducation et la formation de leaders populaires. Gardant toujours en tête l’objectif suivant : obtenir des logements non seulement pour ceux qui appartiennent à la coopérative, mais aussi pour n’importe quel être humain. Le nombre de familles impliquées directement est par ailleurs passé de 16, à cette époque, à 29 aujourd’hui.
Une cohérence entre la méthode et les valeurs À travers la coopération avec l’Union Nationale pour l’Habitat Populaire et avec la Fondation Bento Rubião, les familles ont découvert des expériences de propriété collective inspirée d’exemples en Uruguay. Elles décidèrent dès lors de relever le défi et 76
d’expérimenter cette nouvelle forme de production de logements selon le principe de mutirão2. Partant de l’initiative des futurs habitants de la coopérative, différents partenariats commencèrent à voir le jour. L’église locale acheta le terrain et une entreprise de la région proposa des prix personnalisés pour la construction des logements. Toutefois, au lieu de ne construire qu’une maison avec la somme dont le groupe disposait, les participants décidèrent d’acheter une machine à fabriquer des briques, une bétonnière et un système de coffrage métallique pour dalles préfabriquées. Ce matériel allait permettre de générer un revenu pour 9 des 16 familles sans emploi et d’épargner une partie des fonds nécessaires à la construction des maisons. Pendant les jours ouvrables, le matériel servait à la génération de revenus individuels, le reste du temps – les soirées, les week-ends et les jours fériés – il fut réservé à la confection de matériel de construction pour les maisons de la coopérative. Après de nombreuses tentatives auprès de la préfecture, le groupe, soutenu par l’organisation Bento Rubião, s’orienta vers les fonds de la Coopération Internationale, au travers de l’Agence de coopération Misereor et constitua ainsi un fonds rotatif pour construire de nouveaux logements populaires dans l’Etat de Rio de Janeiro. Au sein du groupe, le processus de mutirão fonctionne de la manière suivante : les familles travaillent un minimum de 17 heures par semaine à la construction de leurs logements. Les heures travaillées en plus de ce quota viennent alimenter un fonds social permettant de soutenir les familles comptant parmi leurs membres des personnes handicapées ou trop âgée pour travailler sur les chantiers. À la fin du processus, les heures sont comptabilisées et ajoutées à la somme qui constitue la valeur de leur quote-part dans la coopérative. Cette façon de procéder permet de préserver les valeurs d’indépendance des travailleurs (ils ne « reçoivent » pas une maison, mais la conquièrent) et de solidarité (les personnes âgées et/ou handicapées peuvent elles aussi accéder à un habitat digne). Selon cette même idée, le fonds rotatif n’exclut pas les personnes qui ne gagnent pas suffisamment d’argent. Après remboursement, ce dernier est retransmis afin que d’autres familles puissent intégrer et fortifier le processus.
Un résultat concret et la solidarité Ce mode de procéder permet aux familles d’améliorer leurs conditions de vie en accédant à la propriété et à la stabilité. Lorsque le travail est bien réalisé, les participants prennent conscience qu’en rassemblant leurs forces il leur est possible de « conquérir » leur maison. Toutefois, au vu des résultats de leur propre expérience, les familles de la coopérative Shangri-Lá constatent que si autant de personnes demeurent encore dans des logements précaires ou n’y ont pour certains même pas accès, c’est en grande partie parce que les autorités ne veulent pas investir le peu qui est nécessaire.
Une confiance qui s’établit progressivement Les nombreuses années d’oppression n’ont pas facilité les rapports de confiance. Il y eut un premier moment de méfiance de la part des familles envers le groupe de la Communauté 2
Le mutirão est une tradition du Brésil rural qui désigne les moments d’entraide durant les périodes de récoltes. Les mouvements urbains se sont réapproprié le terme pour parler des chantiers de construction en régime d’entraide.
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Ecclésiale de Base. « D’une aumône trop grande, le pauvre se méfie » dit le dicton populaire. Le témoignage de l’une des familles est un bon exemple de cet état d’esprit et démontre la force du mutirão. Cette méfiance initiale l’avait pour un temps écartée du processus et des rencontres. Cependant, voyant tout le monde participer, la famille commença à se dire que peut-être ce chemin était le bon, « la lumière au bout du tunnel ». Aujourd’hui, dix ans après, cette même famille fait toujours partie des membres actifs de l’Union pour l’Habitat Populaire de Rio de Janeiro.
La lutte et les revendications Les personnes n’ont pas toutes pour habitude de lutter afin de conquérir leurs biens. Dans le cas de ce mutirão, les maisons ont été construites sur l’emplacement des anciennes baraques. Habitués aux méthodes assistencialistes de l’Église et des pouvoirs publics, ceux qui voyaient leur baraque détruite pour initier la construction des nouvelles maisons, emménageaient provisoirement dans une autre baraque un peu plus loin, attendant, sans plus travailler, que la nouvelle maison soit achevée. Devant cette réalité, l’équipe se mit à chercher des alternatives pour dépasser ces difficultés. Plusieurs critères furent établis pour décider par qui et dans quel ordre les maisons nouvellement construites allaient être occupées: nombre d’heures travaillées, contribution à l’alimentation collective, jours passés à articuler les luttes en dehors du mutirão. Ceux qui avaient davantage assumé ces tâches occuperaient en priorité les nouvelles maisons.
Articulation avec les pouvoirs publics Les pouvoirs publics n’ont en rien soutenu le projet et n’ont montré aucun intérêt pour le processus de construction en mutirão. À la fin du chantier, ils cherchèrent cependant à s’approprier l’effort des citoyens, leur lutte collective. Ils tentèrent même d’apposer sur les murs fraîchement construits une plaque de la Préfecture. Révoltés par ces procédés honteux les habitants ont répondu fermement par un « Prends ta plaque et rentre chez toi ».
Avec un peu de recul Le manque de logements dignes est immense et cette première coopérative a donné naissance à un nouveau groupe de familles rassemblées sous le nom de « la Coopérative Herbert de Souza ». Cette dernière donna elle-même naissance à une nouvelle coopérative, « le groupe de l’espérance » luttant depuis 4 ans pour un logement décent.
Les 70 familles en question font tout leur possible pour accéder aux fonds du programme « crédit solidaire » proposé par le gouvernement fédéral brésilien. Ce dernier est cependant difficilement viable dans les grands centres urbains, tant et si bien que les membres de l’Union pour l’Habitat Populaire commencent à l’appeler le « crédit solitaire » Le mouvement grandit chaque jour davantage et continue de faire pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils mettent en place une politique de logements qui respecte le droit de chaque être humain à un habitat digne. 78
Un très grand nombre de familles se trouvent renforcées à travers cette démarche collective. Elles participent à des expériences d’économie solidaire et encore aujourd’hui, dix ans après, elles se mobilisent dès qu’il est nécessaire de faire pression sur les pouvoirs publics. Les gens ne restent pas dans le mouvement seulement pour conquérir une maison. Le processus de mutirão renforce la citoyenneté des personnes, augmente leur estime d’euxmêmes à travers la lutte pour leurs droits et la conscience du respect de l’autre et du bien commun.
Contact : Jurema da Silva Constancio Coordinatrice de l’UNMP dans l’État de Rio de Janeiro Téléphone: +55 21 2443 6522 E-mail: ump_rj@bentorubiao.com.org
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ExpĂŠriences indiennes
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EN VIE et Jana Sanskriti – le Théâtre de l’opprimé de Lille à Calcutta L’association En Vie est animée par Jean François MARTEL, comédien formé au théâtre de l’opprimé de Augusto BOAL. Elle propose de mettre en scène des situations d’oppressions vécues afin d’expérimenter ensemble, acteurs et « spect’acteurs », différentes solutions possibles. Du 11 novembre au 4 décembre 2006 le théâtre forum de Calcutta, appartenant au mouvement Jana Sanskriti, a rejoint En Vie, le théâtre forum de Lille, pour une vingtaine de représentations dans le Nord-Pas-de-Calais.
Le théatre de l’opprimé, de Lille à Calcutta Le mouvement Jana Sanskriti regroupe plus de 1000 paysans-comédiens, soit des centaines de troupes de villages réparties dans 14 États de l’Inde. L'objectif, comme au Brésil et partout dans le monde, est de restituer l'art aux opprimés, pour qu'ils puissent se libérer de leur oppression. Mais beaucoup plus exceptionnelle est la méthode utilisée et le travail colossal qui en résulte. Quand une troupe arrive dans un village, les comédiens commencent par discuter avec les gens, analyser la situation locale de façon à discerner sur quels thèmes il est nécessaire, mais aussi possible d'intervenir. Principaux exemples cités : la situation d'oppression des femmes dont la famille doit payer une dot très importante et sont souvent battues, les ravages de la vente d'alcool illégal, l'exploitation des paysans, la démagogie des politiciens locaux. Les comédiens commencent par jouer une pièce qui finit mal, et demandent aux spectateurs de venir sur scène pour imaginer une autre issue. Ce qui est très intéressant, c'est que souvent les villageois mettent en pratique les solutions qu'ils ont pu imaginer sur scène. Par exemple, une manifestation a été organisée devant le domicile du principal marchand d'alcool de village, obligeant la police a intervenir face à une situation sur laquelle elle fermait les yeux. Ces actions sont soutenues par Jana Sanskriti, qui revient régulièrement pendant huit mois à un an dans le même village pour accompagner le mouvement, rejouer une situation qui a évolué, et former les nouveaux comédiens si l'action débouche sur la constitution d'une nouvelle troupe de village. Cela explique que le mouvement ait pris une telle ampleur et effectue un travail aussi énorme à travers tous les États de l'Inde. Fondée dans la région Nord - Picardie en 1984, En Vie travaille en réseau avec d’autres comédiens et d’autres associations formées au Théâtre de l’Opprimé (T.O.) d’Augusto Boal, et forme à son tour de nouveaux “jokers”. Trois types d’activité sont proposés : création avec des groupes amateurs de théâtre-forums, joués en public par le groupe. Ex : Stage de création d’un théâtre-forum « LA MISERE RAS LE BOL ! » avec un groupe de l’association Droit Au Travail (DAT) du quartier de la Grande Résidence à Lens, du 15 au 22 Octobre 2004. 82
stages de formation au Théâtre de l’Opprimé, création et représentation de théâtre-forums joués par les comédiens de l’équipe. En Vie travaille avec des publics différents : habitants de quartiers en réhabilitation, entreprise intermédiaire, association pour l’insertion sociale, groupes de collégiens (violence et éducation), centres sociaux (“où sont nos parents” ?), petits paysans, CIDF (droits des femmes), chômeurs, travailleurs sociaux, professionnels, mouvements, syndicats, membres d’une association, d’une institution, militants...
Un laboratoire à solutions « Le théâtre forum donne du pouvoir à une collectivité et pas seulement à des individus. Le besoin de comprendre devient prioritaire. Les gens deviennent ensemble acteurs dans la société, après avoir été spectateurs au théâtre ». « Nous avons fait ce théâtre parce que le théâtre de propagande ne nous satisfaisait pas. Nous cherchons à permettre aux gens de savoir ce qu'ils font, de ne pas avoir de complexe d'infériorité, de pouvoir décider par euxmêmes ce qui est bon pour eux. ». « Quand les gens agissent hors de la scène, se battent contre des marchands d'alcool qui sont en lien avec la police et les criminels, nous ne pouvons pas les laisser tomber. Nous devons prendre les mêmes risques. » Il n’est pas nécessaire d’être comédien, juste d’avoir envie de raconter des histoires vécues: utiliser le T.O. pour mettre en scène les oppressions contre lesquelles nous luttons. Le public intervient sur scène pendant le forum final pour proposer des solutions concrètes. Pour aider les spectateurs à progresser dans leur réflexion au-delà de ce qu’ils savent déjà, l’équipe de comédiens travaille les personnages, dont celui des oppresseurs, ce qui les amène eux aussi à réfléchir aux raisons qui poussent l’oppresseur à agir ainsi. On aboutit ainsi à un débat et une recherche collective de solutions : au-delà du « que faire ? », mettre en scène différentes tentatives de : « comment faire ? ». En travail de fonds, échanger sur nos interprétations des scènes remet en question les préjugés de chacun sur l’autre et introduit la possibilité d’une ouverture d’esprit (notamment contre la vision manichéenne du « grand méchant oppresseur » : sans l’excuser, on essaie de le comprendre pour mieux lui faire face). D’ailleurs dès que possible, c’est la personne opprimée qui joue le rôle de son oppresseur.
Au cœur de la démarche : Respect, Ouverture, Dignité, Responsabilisation D: dans tous les pays où nous jouons,disent Jana Sanskriti, nous rencontrons des problèmes similaires. Par exemple la question de l'oppression des femmes et des femmes battues se retrouve au Brésil, en Autriche, en Palestine. Nous parlons de la même chose dans des contextes différents. Il y a deux sortes d'oppresseurs : il y a ceux qui savent où et utilisent sciemment leur pouvoir, par exemple certains politiciens. Mais il y a beaucoup d'oppresseurs qui ne savent pas qu'ils sont oppresseurs. Il y a des oppresseurs-opprimés qui souffrent également de la société, et des oppresseurs passifs. Par exemple un père qui marie sa fille. Dans le théâtre 83
forum, l'oppresseur peut se découvrir comme oppresseur. Il peut ensuite changer d'attitude. Nous travaillons avec ceux-là. Nous appelons ça humaniser l'être humain. Pour En Vie-TO, le respect des participants stagiaires et spectateurs, suppose un spectacle de qualité dont ils sortent fiers et valorisés. Cela implique de pouvoir prendre le temps d’écouter leurs demandes, leurs capacités et leurs limites, pour être prêt. Le respect de la dignité des participants implique d’éviter misérabilisme. L’objectif est de montrer que ces personnes, dans ces situations sont restées debout, cherchant des solutions. Acteurs et spectateurs sont invités à travers le théâtre de l’opprimé à se responsabiliser face aux oppressions qu’ils vivent pour ne plus les subir mais agir. Ex : Face à un « débordement émotionnel » d’un participant dans une scène particulièrement difficile, l’attitude de l’animateur a été de le soutenir sans interrompre la séance ou le spectacle pour éviter de tendre à la victimisation et à la pitié. La réflexion collective fait toute la richesse du théâtre-forum : plus on est de cerveaux, plus il y a de solutions et de représentations du monde différentes auxquelles on peut s’ouvrir pour mieux accepter la diversité des opinions.
Jouer pour mieux travailler… Le Théâtre de l’opprimé est une méthode d’éducation populaire dans le sens où elle est accessible à tout public. En effet, elle essentiellement basée sur le jeu pour travailler la voix, le rythme, le jeu de scène (mouvement, figés, improvisation), l’expression orale,… et aussi la confiance au sein du groupe, indispensable pour pouvoir jouer ensemble (cf.Augusto Boal « Jeux pour acteurs et non acteurs », « le théâtre de l’Opprimé » et « l’arc-en-ciel du désir » (théâtre et thérapie) Ed. la Découverte). Les jeux d’improvisation permettent aux participants d’aborder les questions qui leur tiennent à cœur en présentant des bribes de récit de vie. La tâche des animateurs sera de les assembler et les mettre en scène en quelques histoires qui deviendront des histoires communes portées par tous et jouées en théâtreforum. La place de l’animateur dans le groupe est d’autant plus cruciale qu’elle ne doit pas être centrale. La répartition des rôles doit rester claire: la création émane du groupe, l’animateur « facilite » et coordonne la création, et les commanditaires gèrent la logistique. Pour l’animateur, cela suppose d’être au maximum à l’écoute des participants, de leurs demandes, capacités et limites afin d’y adapter les méthodes. Pour le stage comme pour le spectacle, toute la difficulté réside dans l’équilibre à établir entre aider les intervenants à s’exprimer, gérer les relations dans le groupe et veiller à l’avancement du travail/spectacle.
Une remise en question permanente Des évaluations et bilans sont menés régulièrement notamment après les exercices très impliquant au niveau émotionnel, « Qu’est-ce que ça vous a fait ? », et en fin de journée. Après le stage, deux bilans sont faits : le premier entre participants permet à chacun d’exprimer ce qu’il sent et pense du stage, du groupe, et des exercices réalisés ; le second 84
avec les commanditaires concerne leurs objectifs dans ce stage, ceux d’En Vie et les conditions dans lesquelles s’est déroulé le stage. Lorsque le projet de l’association commanditaire se répartit sur plusieurs interventions, il est possible de voir l’évolution des participants entre les stages (moindre timidité, plus grande implication dans le groupe,…) et l’impact qu’a pu avoir le stage sur leur vie. Cette question du suivi des interventions reste une des interrogations permanentes d’En Vie: pour atteindre les objectifs du T.O., est-il plus efficace de s’inscrire dans la durée par un travail suivi sur plusieurs interventions ou rester sur des interventions ponctuelles ? En Vie est souvent confrontée aux mêmes difficultés liées à la reconnaissance de la spécificité de la méthode « théâtre de l’opprimé » qui est parfois considéré comme un « théâtre au rabais » : difficulté de financement (entre travail artistique et travail social, les financeurs se rejettent la balle) ; difficulté de mobilisation des participants et des structures d’accueil; difficulté pour les commanditaires de prendre conscience des contraintes propres au T.O. et d’en tenir compte dans l’organisation (d’autant plus difficile dans un cadre militant: « on peut toujours s’arranger »). Ecouter les contraintes de l’autre, expliciter les siennes de manière négociable dès le début semble indispensable à la réussite d’un projet commun.
Contact EN VIE –T.O Jean-François Martel 22 rue Durnerin, 59000 LILLE Tél : 03 20 54 16 33 en.vie.theatre@wanadoo.fr
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Asha Kiran Society, Lamptaput, Orissa, India Asha Kiran signifie Rayons d’Espoir. Cette communauté a été crée il y a maintenant 15 ans pa trois couples de médecins indiens, quand ils eurent réalisé que le système de santé de cette région où ils venaient de s’installer, était déplorable. La ville et l’hôpital le plus proche sont à 6 heures de route, par des cars rares et vétustes. Dans cet état pauvre, l’Orissa, cohabitent des « tribus », minorités ethniques, et des pauvres de zones rurales (de basses castes notamment), qui ont peu accès aux hôpitaux qui sont développés dans les villes de l’Etat. Ces populations sont peu touchées par les campagnes de sensibilisations à l’hygiène et à la prévention, elles ont peu d’accès aux infrastructures, aux transports, et aux revenus nécessaires pour se faire soigner. Elles ont aussi besoin d’être suivies et informées, et considérées comme importantes, pour prendre en main les rênes de leur propre santé. L’idée de ces jeunes médecins était avant tout de fournir une infrastructure de santé de haute qualité aux “oubliés” du système de santé, et d’accompagner les populations qu’ils rencontraient vers une plus grande autonomie. Faisant fi de tous les avis défavorable à ce projet, les jeunes médecins se lancèrent dans la construction d’un petit hôpital, n’ayant en poche que la ridicule somme de 5000 roupies (équivalent à une centaine d’euros, soit la moitié du salaire mensuel d’un professeur en Inde). Ils furent soutenus par la communauté chrétienne qui les aida par leur participation volontaire, et en leur fournissant un petit revenu pour le personnel.
Des infrastructures ouvertes à tous Après trois ans, l’hôpital était viable économiquement. Aujourd’hui, il est reconnu dans tout le district, et son matériel de haute qualité attire un public très varié, ce qui permet de financer les infrastructures par les patients les plus aisés, tout en accueillent les population défavorisés à un taux très bas. Dans un pays ou les catégories sociales ont peu l’habitude de se mélanger, cette politique de mixité pourrait donner l’image d’un hôpital de luxe, uniquement destiné aux riches. Il a donc été nécessaire dès le départ d’expliciter le fonctionnement de l’hôpital e d’accompagner chacun vers une acceptation de l’autre, en s’appuyant sur une haute qualité de soin. Mais il faut sans cesse rester vigilant. De ce fait, l’accès à l’hôpital est aussi un lieu d’ouverture. Les plus pauvres trouvent une autre valorisation de leur propre image en accédant à des infrastructures de qualité. Pour accompagner ce long changement des mentalités, il fut décidé rapidement de lancer une campagne d’éducation à la santé en parallèle de l’Hôpital, afin de connaître les populations des « tribus », et de gagner leur confiance. Des infirmières font le tour des villages, et créent des liens avec le ou la responsable des soins traditionnels dans le village. Cela ne se fait pas difficultés, de part la méfiance des 86
populations peu habituées à être consultées et à participer activement aux projets, et notamment de la femme de santé qui peut avoir peur de perdre son pouvoir ou sa légitimité par cette nouvelle démarche. Mais les difficultés se situent aussi du côté des infirmières, peu formée à considérer les systèmes de soin traditionnels comme viables, et qui ont tendance à en faire peu de cas. Il a donc fallu former les infirmières pour qu’elles acceptent de considérer leur interlocuteur avec respect, et qu’un échange de connaissance et de compétence puisse se construire, en partenariat. Cette collaboration a permis de développer des centres de santé dans tous les villages, où les volontaires / responsables des soins dans le village, reçoit des traitement médicaux qu’il ou elle peut administrer en complément de certains soins traditionnels. Les infirmières font le point tous les mois sur ce qui a été vendu dans les médicaments, et font le suivis des malades en collaboration avec la responsable locale. Cette collaboration permet un vrai suivis de populations qui ne se déplacent pas à l’hôpital, avec une bonne acceptation dans la communauté, et de vrais liens en aller et retour, sur une base d’égalité. Cependant, dans certains cas, les infirmières gardent encore une approche « hiérarchique » et ont du mal à comprendre qu’elles ne sont pas là pour enseigner quelques choses, mais pour échanger. C’est un long processus de formations réciproque, qui peut se mettre en place quand une confiance réciproque s’instaure, et que les infirmières découvrent qu’elles ont aussi beaucoup à apprendre des responsables locaux. Du côté des responsables locaux, ces partenariats leur assurent une grande influence dans le village où elles sont reconnues et valorisées. Cela peut même poser des problèmes dans une société où les hommes dominent les structures sociales, et où certains maris ont eu du mal à accepter que leur femme prennent ainsi des responsabilité au sein du village. Ceci a montré l’importance de faire des réunions avec tout village une ou deux fois par an pour faire le point sur le système et renforcer les liens avec l’ensemble de la communauté. Des réunions d’équipe, avec les responsables locaux d’une part, avec les infirmières d’autres part, permettent de faire le point deux fois par an sur le processus, et d’accéder à des éléments de formation pour mieux travailler ensemble et suivre les patients.
Des la santé à l’éducation Les équipes locales, en fréquentant les villages, ont parfois fini par s’y installer et sont devnus de vrais pont entre les communautés et l’hôpital. Leur poste sont financés par le projet de Centre de Santé, mais aussi pour encadrer un projet visant à accompagner les enfants dans leur éducation. Dans ces zones rurales reculées, les instituteurs délégués par l’Etat pour venir enseigner aux enfants sont souvent originaires des villes, et ne parlent pas le dialecte local. Ils enseignent dans une langue qui n’est pas parlée dans le village. Les enfants se sentent peu concerné par ces programmes, et rapidement, avec la pression des parents qui voient d’un mauvais œil ces journées d’oisiveté apparente sur les bancs de l’école, reprennent le travail aux champs. Les instituteurs sont mal formés pour accompagner ces populations, et souvent les méprisent pour leurs coutumes qu’ils trouvent « peu civilisées » par rapport à la ville. 87
Dès lors, ces populations restent à un niveau d’éducation très bas, ce qui ne les aident pas à revendiquer leur droit au niveau de l’Etat. Un effort devait donc être fait pour rendre l’éducation utile et attractive pour les enfants et leurs parents, et pour accompagner les instituteurs vers une meilleure compréhension de leur contexte de travail. Dès lors, Asha Kiran a proposé au gouvernement de mener une campagne de traduction des livres scolaires pour permettre aux enfants de commencer leur éducation dans leur langue. Cette campagne comprend un travail de formalisation de ces langues orales pour les passer à l’écrit, avec une petite équipe de linguistes passionnés. En attendant, un système d’étude et de tutorat a été mis en place dans les villages. Un salarié de l’association a commencé par encadrer des études après la classe pour les enfants, ; pour reprendre les cours de la journée dans leur langue locale et constituer des cercles d’entraide. Ces cercles ont ensuite pu permettre aux aînés qui avaient été accompagnés de faire de même avec les plus jeunes. Aujourd’hui, deux des premiers enfants qui ont profités de ce dispositif ont pu, pour la première fois, devenir instituteur, ce qui a constitué une véritable révolution dans la communauté. L’école est dès lors beaucoup plus appréciée par les parents. Ils font confiance en l’instituteur qu’ils connaissent, et voient à travers son exemple les perspectives qui s’ouvrent pour leurs enfants (un salaire fixe en temps que fonctionnaire d’état… même si les instituteurs ne sont pas toujours payés très régulièrement !). Dans ces villages, le projet est maintenant presque autonome, et l’équipe d’encadrement peut prendre de plus en plus de distance, passant la main aux enfants et aux adultes de la communauté.
Donner les moyens de l’autonomie Ces différents projets ont permis sur 15 ans d’accompagner les membres de la communauté vers une prise d’autonomie, en passant par la préoccupation pour leur propre santé, jusqu’à la valorisation des femmes dans la communauté, par l’éducation des enfants pour avoir les outils pour défendre ensuite sa propre culture. Ce projet a pu se faire grâce au soutien de l’Etat, tant pour les programmes de santé que pour l’ambitieux programme d’éducation en langue tribale, qui montre que l’Etat d’Orissa a envie d’avancer sur le statut des communautés tribales. Pour permettre ensuite de mener à bien des projets qui ont pu se développer dans les groupes de femmes àla suite de ces changements au sein de la communauté, Asha Kiran a pensé mettre en place des système de micro-crédit. Ce système, où le gouvernement local met l’investissement initial et qui est ensuite alimenté en roulement avec les remboursements, a permis de financer des outils pour moudre le grain pour les femmes.
Une coordination à repenser Aujourd’hui, une étape nouvelle s’impose pour Asha Kiran. Les projets se sont développés en réponses aux besoins de la population depuis 15 ans, aboutissant à un vrai foisonnement 88
qui permet de toucher les populations avec lesquelles ils travaillent de façons holistiques et de travailler en partenariat avec chacun. Cependant, la question se pose aujourd’hui de comment coordonner ces différents projets. Comment s’assurer que l’esprit d’ouverture et d’éducation émancipatrice, à la base du projet, ne se perde pas dans l’éparpillement ? Des réunions hebdomadaires avec l’ensemble du staff permette de se tenir au courant des projets et de l’avancée des campagnes, mais il faudrait prendre davantage de temps pour que chacun puisse s’exprimer et qu’une vraie participation soit possible. Malheureusement, le temps semble toujours trop court! Asha Kiran est en train de mettre en place à des formations et sessions d’accompagnement pour les communauté pour faire des choix stratégique dans ce qui est nécessaire pour le développement de leur village Mais cela demande à chacun d’accepter de perdre un certain contrôle sur la marche des évènements et du projet, ce qui n’est pas simple, au niveau personnel pour l équipe, et au niveau organisationnel pour l’association. Asha Kiran ets sans doute à un tournant de son histoire, mais cette aventure a réussi à montrer qu’en restant ouvert et en apprenant à s’adapter en fonction des échecs et des réussites, en équipe, et e travaillant en collaboration étroite avec les destinataires du projet, il était possible de faire tomber des barrières qui paraissaient infranchissables.
Contact Asha Kiran Lamtaput Koraput District Orissa, 764081 ashakiran.orissa@gmail.com
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ExpÊriences françaises
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Le Temps d’Agir – Organisation d’une exposition débat sur les thèmes de l’économie d’énergie, l’urbanisme et l’habitat bioclimatique. Nous ciblons ici le récit d’une expérience parmi d’autres : faire se rencontrer les acteurs d’un territoire rural, l’organisation d’une exposition sur les paysages audois et l’urbanisme.
Croiser développement durable et développement artistique Le Temps d’Agir considère qu’il est important d’accompagner les collectivités dans leurs actions d’urbanismes, à fortiori dans la recherche d’alternatives réalisables. Etre un intermédiaire neutre entre élus, citoyens, entreprises, surtout en milieu rural. Nous souhaitons montrer des exemples de thèmes qu’il est possible d’aborder tous ensemble. Le Temps d’Agir est une association loi 1901 crée en août 2005 par trois personnes, dans l’extrême Ouest audois (Belpech, 11). Cette association a pour but de faire la promotion des pratiques du développement durable adaptées au milieu rural. Nous souhaitons agir et informer sur les techniques et moyens à mettre en œuvre pour valoriser les savoirs faire, savoirs être et ressources locales. Depuis le premier trimestre 2006, Le Temps d'Agir a obtenu 2 licences d'entrepreneur de spectacles vivants (production et diffusion de spectacles). Aussi nous intensifions nos actions dans les domaines artistiques, principalement dans les musiques actuelles. Notre volonté est de soutenir et de promouvoir de jeunes talents, principalement issus de nos régions en incluant des passerelles vers le monde du développement durable.
La naissance du Temps d’Agir Le Temps d’Agir est né du constat du manque de structures d'information, de lieu d'échange, de moments pour rencontrer les élus, les associations, les citoyens, surtout dans un milieu rural, où sont avant tout présentes les maisons de retraites et l'agriculture. Nous croyons qu’une autre relation à l’environnement est possible. D’une part innover, préserver la qualité de vie du milieu rural, préparer l'avenir pour que les jeunes ne s'en aille pas. D’autre part protéger les agriculteurs, leur permettre au besoin une transition professionnelle (notamment dans le monde du tourisme - pour exemple ici il y aura sans doute un aéroport dans 5 ans à moins de 10 km, ce qui modifierait complètement les habitudes socio économiques locales). Au début, il n’a pas été toujours facile de faire comprendre ces objectifs localement, nouveaux arrivés dans cette petite commune rurale de 1300 habitants environ. Il a fallu 92
casser cette image des néo ruraux qui arrivent et souhaitent retrouver les mêmes infrastructures et services qu’en milieu urbain. Il a aussi fallu se faire une place parmi les autres associations. Après une phase de connaissance, nous essayons maintenant de monter des projets inter associatifs. Nous sommes un peu bloqués par la communauté de communes, qui est parfois trop administrative - par exemple pour organiser un loto inter associatif, il nous manque un compte bancaire et une assurance, et la Communauté de Communes qui emploie une chargé de vie associative ne peut malheureusement nous aider. Dans un contexte où les associations ont du mal à se mobiliser, ces complications viennent stopper net certains élans et rendent plus ardue encore la mise en dynamisme.
Echanger sur les enjeux du territoire Nous organisons des rencontres, des activités, des ateliers. Nous essayons de communiquer librement autour des sujets qui nous intéressent, et d’inviter chacun à voir comment il est concerné. Par exemple, nous avons organisé d’une rencontre débat sur l’urbanisme, l’habitat bioclimatique et les énergies renouvelables. Nous voulions montrer aux gens que l’on peut se réunir, faire venir des "spécialistes" et se mélanger avec les élus pour faire avancer la vie du canton. Deux expositions étaient présentées, l’une sur l’urbanisme dans l’Aude et l’autre sur les énergies renouvelables (fournie par l’ADEME). Une vidéo projection complétait les interventions des 3 personnes présentes pour introduire les débats. L’exposition sur les paysages et l’urbanisme audois, fournie par le Centre d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement a été maintenue durant un mois dans la salle multigénération de la médiathèque du village, avec de la documentation à disposition. Cette expo aurait dû se combiner avec une expo de la communauté de communes qui concerne le Plan Local d'Urbanisme en cours, sujet qui nous intéresse particulièrement. Le but était d'apporter un complément au PLU et de préparer les débats publics qui vont avoir lieu dans ce cadre. Cette expo de la communauté aurait permis de confronter plusieurs points de vue mais elle n’a pas encore eu lieu. Nous avons tout de même souhaité maintenir notre action.
Travail avec les partenaires locaux, éducation des élus Au début, pour nous intégrer, nous sommes tout de suite allé discuter et nous présenter au maire, qui est aussi président de la communauté de communes et membre du conseil général, afin de lui expliquer notre démarche et de lui assurer un travail collaboratif. Le Maire, sceptique tout d’abord, a quand même été convaincu par notre conviction et notre dynamisme, et a vite convoqué une réunion avec les responsables des associations locales (les 5 plus importants piliers de Belpech), et nous a présenté en disant qu'il souhaitait qu'on bénéficie de tous les avantages habituels – l’accès à la MJC par exemple. 93
La difficulté était aussi de trouver sa place dans un tissu associatif fourni, qui demandent des subventions pour pouvoir se salarier, dans un contexte économique compliqué. Le soutien est donc davantage politique et moral : le marie est présent à toutes les rencontres que nous organisons. Aujourd’hui, nous lui laissons beaucoup de place, discutant toujours avec lui avant de faire quoi que ce soit. Nous partageons souvent la même vision des choses, à savoir qu'il faut préserver le lieu où nous habitons, chacun a sa façon. Cette relation de confiance nous donne son soutien moral, nous permet d'utiliser les locaux de Belpech (MJC, salle polyvalente, médiathèque) gratuitement, appuie nos dossiers de demande d'aide au Conseil Général, et à la communauté de Communes. Pour la réunion autour du PLU, le président de la Communauté des Communes du Garnaguès et de la Piège (alias maire de Belpech) ne souhaite pas inviter les élus au nom de la Communauté des Communes du Garnaguès et de la Piège en partenariat avec Le Temps d'Agir . Sa raison est qu’il est déjà investit dans le PLU (Plan Local d’Urbanisme) avec un bureau d’étude et qu’ils organiseront une exposition sur l’urbanisme à Belpech. Comme dit précédemment, nous souhaitions faire coïncider ces expositions, mais finalement celle de la Communauté des Communes du Garnaguès et de la Piège n’a pas (« encore ») eu lieu. En général, les élus viennent quand ils peuvent, dans l'ensemble on est satisfait de leur fréquentation. Pour l’expo, 3 élus présents, dont le président de la Communauté des Communes du Garnaguès et de la Piège qui ne manquera pas de prendre la parole. Il signale qu’il ne souhaite pas recevoir de demande de la population afin de mettre en place des énergies renouvelables au cœur du village, la démarche étant encore lourde …il présentera son voisin de chaise, promoteur immobilier qui construira dans l’année 2007 un au moins des 3 lotissements prévus à Belpech. Ils évoqueront la question des énergies renouvelables et matériaux sains dans leur programme. Plusieurs habitants sont déçus et n’ont pas de recours possibles, bien que les intervenants proposent et signalent qu’ils sont justement là pour aider dans cette voie.
Un partenariat avec d’autres acteurs locaux Le travail en partenariat avec le Maire a permis d’asseoir notre action et de montrer aux autres que nous n’allions pas partir si vite, que nous étions motivés. Il a fallu aussi montrer que nous voulions travailler en partenariat plutôt qu’en concurrence. Que nous restions même sans financements. Gagner la confiance des locaux s’est fait très progressivement. Les associations sont souvent très spécialisées - comités des fêtes, la chasse, la pêche, le foot, le tennis et il est difficile de les mobiliser sur des problématiques plus globales. Il n’y a pas d’association de « jeunes »(entendre par là post ados), mise à part la MJC et Familles Rurales, qui gère aussi le cirque. Les jeunes n’utilisent pas vraiment les infrastructures à leur disposition, car ils y sont peu accueillis, et les activités leur laissent peu de place et sont peu innovantes. Ils vont à la ville d’à côté. Le Temps d’Agir a une dizaine de jeunes à ses activités. Le Temps d’Agir travaille aussi en ville, à la MJC de Pamiers entre autre, où cela met moins longtemps pour se décider à bouger.
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Il est difficile aussi de proposer des activités à ces structures établies, qui appréhendent et refusent parfois d’innover. L’impression qu’elles laissent est souvent que nous sommes ressenti comme cherchant à s’imposer ou à prendre une place. Cette situation est très démotivante et peu ont le courage de s’investir dans des nouveaux projets. On remarque beaucoup de personnes « blasées » qui pourtant étaient très volontaires. Pour la réunion 3 présidents d’associations sont présents sur 35, dont la plupart se sont excusés à l’avance cause impossibilité par rapport à la date (préparation des fêtes de Noël, maladie, réunions…).
Difficile mise en réseau Il est difficile de relayer l’information au sein des associations, les présidents considérant l’invitation plus sur un plan personnel. Il faut donc reformuler l’invitation en insistant sur le fait d’informer leurs adhérents. Pour la prochaine rencontre, nous demanderons l’appui des facteurs pour distribuer des flyers en plus grand nombre. Ces difficultés sont largement amplifiées par notre manque de moyens et de personnel. On s’appuie un peu sur un réseau pour le côté artistique. Nous sommes, producteurs et diffuseurs de spectacles vivants et autres, en réseau dans l'Aude et quasiment dans tout Languedoc Roussillon. Ce regroupement s’appelle dans l’Aude le Kama11, Kollectif Audois des Musiques Actuelles. Côté développement durable, la mise en réseau est plus lente : on côtoie quelques autres comme GRAINE LR, on s'informe tous des actions menées... Géographiquement, on est proche de rien et loin de tout, alors ça n’est pas évident d'avoir un vrai réseau, si on ne veut pas être sans cesse en déplacement. Ici,beaucoup n'ont pas le net, et encore moins l'adsl!!! Finalement, cette année, c’est les Canadiens qui nous motivent le plus!!! Nous échangeons beaucoup par mail, construisons des projets communs, échangeons sur nos difficultés, sur nos méthodes, sur nos questionnements.
Difficile de mobiliser les habitants Informer la population locale à moindre coût, sachant qu’Internet n’est pas utilisé, reste problématique, et demande beaucoup d’ingéniosité. Pour l’exposition, le Temps d'Agir a réalisé des flyers et affiches (imprimées par la chargée de vie associative de la Communauté des Communes du Garnaguès et de la Piège, nous avons juste à fournir le papier ) distribués au niveau local (25 affiches chez les commerçants, 200 flyers distribués) , le CAUE fournit une affiche type et des cartons d’invitation pour le courrier. Le Temps d'Agir a aussi contacté presse et radios locales, le CAUE met l’info en première page de son site Internet, la mairie diffuse l’annonce via les hauts parleurs du village 2 fois le jour même à l’heure de la sortie de l’école.
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Il faut aussi savoir s’adapter. Trouver le jour et l’horaire, dans un milieu agricole où la population travaille beaucoup. Pour l’exposition, il y a eu beaucoup de retour négatif sur l’horaire (18h30 malgré un début de conférence à 19h30) et la difficulté de faire se déplacer bénévolement des intervenants un vendredi soir à une heure tardive. Finalement, 30 personnes étaient présentes (moyenne commune lors de débat dans le village) dont 7 enfants bien occupés. 12 mairies et 34 présidents d’associations étaient invités.
Eveiller au collectif Quand nous organisons des évènement ou des activités, les néo ruraux, les parents, les actifs d'assos solidaires participent et se sentent concernés. Ils sont déjà sensibilisés à ces problématiques. Les néo ruraux sont souvent déjà sensibilisés mais démunis pour agir. Manque souvent une vision du collectif : beaucoup pensent encore qu’on ne peut rien faire. La sensibilisation que nous faisons amène progressivement chacun à une autre conscience du collectif. Les locaux sont aussi sensibles à ces questions, de manière plus individuelle peut être. Ils viennent de plus en plus, et plus nombreux. Depuis que nous travaillons, plusieurs ont investi dans les énergies renouvelables par exemple. D’autres on fait des gîtes sur leur exploitation. La conscience du collectif se cristallise autour de moments clés. Par exemple, on espère que l'assaut de la communauté de communes sur le PLU créera un mouvement d’ensemble. Déjà, ceux qui ont conscience du problème s'affolent. Certains sont très intéressés par aider l’association dans l’organisation d’autre rencontre sur des thématiques similaires, donc le besoin au niveau local est bien réel. Plusieurs habitants nous proposent des projets, comme une salle d'informatique avec des logiciels libres, des projections de documentaires, l'organisation de soirée. Suite à cela, nous organisons dans la même salle par exemple, la vidéo projection de la conférence d’Al Gore sur le changement climatique, avec un débat.
Importance de la convivialité Mobiliser sans organiser de buffet gratuit (ici on compte 50 personnes en plus les jours où l’on propose une action avec buffet boisson/nourriture gratuit) et sans une invitation visée par la Communauté de Communes reste quasiment impossible. A l’expo, un espace est réservé au thé, café, sirop ( à cette horaire, la faim se fait sentir…). Cette espace convivial a permis plusieurs rencontres inattendues, par exemple entre un lotisseur et un propriétaire terrien qui ont discuté d’urbanisme quelques temps, on a remarqué plusieurs échanges de numéros de téléphone. Dans l’ensemble, on a plutôt laissé les gens se rencontrer sans notre présence au buffet, on est resté à côté avec les intervenants, puis certains sont venus nous trouver pour nous remercier ou poser des questions.
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La mobilisation du bureau Cette action a reposé sur une grande mobilisation du bureau - uniquement 3 personnes de confiance à la préparation. La difficulté dans notre petite équipe est de se répartir les taches. C’est Lisa qui gère tout le relationnel, administratif, local, artistique, ce qui pose question quand elle part pour quelques mois. Le président conseille, contacte les structures partenaires, définit les orientations, accompagne les montages de projets. C’est ensuite Lisa qui se charge du reste, et la tache est vaste. Difficile, dans une commune rurale, de trouver des bénévoles pour aider pour du secrétariat, par exemple. Les taches administratives ont tendance à prendre beaucoup de temps et empêchent de se consacrer à la mise en réseau, au montage de projet, autant qu’on le souhaite. Chacun choisit ses tâches et définit son planning pour les mener à bien. Dans un premier temps, nous épaulons beaucoup les sympathisants qui souhaitent s’investir, puis nous appliquons la méthode du « c’est celui qui dit qui fait », parce qu’avec nos moyens, il est impossible de prendre le travail d’un autre. L’empowerment a tout à fait sa place ici.
Risque d’essoufflement L’énergie vient surtout de Lisa, à l’initiative du projet, et de son enthousiasme communicatif. Sans elle, la structure ne tournerait pas…il faut être "jeune" et peut être encore un peu « naïf » pour se motiver autant ... Cela demande énormément d’énergie pour inciter chacun à venir travailler en commun, en montrant que cela amène des choses positives, dépassant la peur de perdre des financements, des crédits, etc. Nous sommes souvent moteur, et cela pose la question de cette énergie : nous ne pourrons pas toujours faire cela, sans moyen, et sans soutien. Comment ne pas baisser les bras devant le pessimisme de certains ? Faire évoluer les mentalités reste un combat. On entend parfois dire : « personne ne viendra, de peur des conséquences, dans un petit village, tout le monde sait tout alors si un parle de projets… » « les gens ne sont pas prêt pour les énergies renouvelables, c’est trop cher et on ne sait pas où trouver le matériel… » « tu es trop gentille d’offrir le thé et le café, tu devrais les faire payer » « tu te donnes du mal pour rien, les élus ne veulent rien entendre ». Pour continuer, ne pas nous décourager et adopter la PEA, Positive Extrême Attitude. Il nous faut : • rester convaincu que l’on œuvre pour le bien de la communauté • savoir que les idées et actions innovantes sont toujours en proie à des médisances. Par exemple, le site Internet de Belpech proposé par LTA façon wiki : les habituelles critiques « si tout le monde peut écrire, il va y avoir n’importe quoi » et « est ce que c’est vraiment légal » • préparer l’action avec une petite équipe de confiance. Importance d’être plusieurs pour se serrer les coudes. • fixer de petits objectifs, préférant réitérer des actions similaires à long terme 97
Difficile équilibre financier Au niveau des financements, il est très difficile d’être autonome. on demande cette année une aide à l'état et au conseil général de l'Aude pour les frais de fonctionnement généraux, une aide à la région pour l'échange avec le Canada, une aide à la Caisse d'Epargne pour la création de 4 emplois Nous n’attendons pas de retombées financières pour ce genre d’action. Il faut les conjuguer avec d’autres actions. On compte beaucoup sur les spectacles pour nous mettre en autofinancement, c’est au coeur de notre démarche de combiner ces deux éléments, environnement et artistique, pour ne plus être dépendants d’aide de l’état et toucher à des publics divers. On organise un spectacle de soutien en mai pour l'échange au Canada. Les élus sont ouverts à beaucoup de choses, aimeraient qu’on fasse plein de choses mais ne nous donnent pas les moyens pour ! On demande cette année 300 euros, pour la première fois, pour acheter du matériel pour les jeunes. On a le soutien financier des commerçants, on fait des échanges de bons précédés : on se charge de leur pub, et ils nous donnent trois sous. Nous faisons des flyers, on les mets sur le net, et les incluons dans notre émission de radio.
Perspectives Selon l’essoufflement, nous amplifierons où diminueront nos actions. Les élections communales de 2008 ont aussi leur rôle à jouer. On aimerait organiser une mobilisation par mois au village, pour sensibiliser et accompagner les habitant. Il va nous falloir au préalable réfléchir avec le maire sur les thèmes. On aimerait aussi organiser un spectacle par mois à la MJC de Pamiers. Pour la partie internationale, nos projets s’amplifient. Nous nouons des échanges avec le Canada, l’Italie, la Suisse, Madagascar et souhaitons à long terme, concrétiser de nombreuses petites actions communes. Par exemple, nous travaillons beaucoup sur l’idée des concepts de festivals environnementaux et leur diffusion. Le but est de favoriser et rendre plus simple, plus accessible, les outils liés à l’environnement et l’écologie, comme l’utilisation d’éolienne, de papier recyclé, les verres consignés, les débats incluant les artistes sur les thèmes qu’ils abordent… Cela afin d’inciter les gens partout dans le monde a oser suivre des alternatives.
Contact Lisa Bergeron Tél : (06) 79 88 32 10 lisa-letempsdagir@hotmail.fr Belpech 98
YORANOO : Ateliers hebdomadaires après l’école pour ancrer sa place dans le monde Depuis 2003, je retrouve chaque semaine, pour une année scolaire, un groupe de 15 enfants de 7 à 9 ans d’une école primaire de Paris. L’atelier d’une heure et demie rassemble les enfants qui l’ont souhaité, pendant le temps de l’étude, après la classe. Le thème de l’environnement permet d’aborder ensemble des questions telles que « qui suisje », « qu’est-ce que je sens ? » « Qu’est-ce que la nature ? » « Quelle est la place de chacun, et la mienne ? ». Les enfants trouvent là un temps, hors des règles scolaires, pour proposer, faire sans être juger, questionner et répondre. Un temps où chacun a sa place pour ce qu’il EST. Où l’on apprend à s’amuser en faisant, seul, ensemble. Un temps pour oublier la compétition pour la créativité et la complémentarité. L’idée est bien ici d’accompagner chacun à la découverte parallèle de soi-même, comme unique radical, et de l’aider à comprendre comment il n’existe que dans le partage même de cette radicalité.
Un projet personnel et une association Beaucoup d’information est disponible pour aider chacun à changer le monde, dans sa vie quotidienne, puis à travers des actes plus militants. Dès lors, comment expliquer que nous ayons tant de mal à mettre en cohérence nos actions avec nos idéaux ? Avec des amis, nous avons voulu aller échanger personnellement avec des gens différents, pour que l’information circule entre les cercles et touche chacun au cœur de sa vie. Ainsi est née l’association YORANOO. L’idée était d’accompagner ses membres dans la mise en place des projets qui leur tenaient à cœur. J’avais travaillé à l’intégration des enfants dans des projets de coopération internationale, comme interlocuteurs de la future génération, moins formatés par les habitudes et les médias, plus curieux et enthousiastes… En 2002, de retour en France, le contact des enfants me manquait, et je commençais moi aussi à m’encroûter ! J’ai donc mis en place ce projet d’atelier, et l’ai proposé dans des écoles de la région parisienne.
Un temps pour s’ouvrir et s’épanouir, en relation avec les autres. Dans ce cadre privilégié – petit groupe, pas d’évaluation, pas de programme rigide – l’enfant peut être central. L’idée n’est pas de promouvoir un enfant roi. Le cœur de cette démarche est plutôt la volonté de permettre aux enfants de poser quelques pierres qui les aideront à se rappeler qu’ils sont uniques, qu’ils savent faire des choses uniques, peuvent 99
apprendre aux / des autres. Que la vie et le savoir sont aussi festifs. Que l’erreur est riche et non honteuse. C’est une étincelle pour les inciter à cultiver l’émerveillement et la curiosité qui les accompagneront, peut-être, jusqu’à l’âge adulte. L’idée n’est surtout pas de rentrer dans des processus où on fait porter à l’enfant le poids, la responsabilité et la culpabilité des incohérences environnementales que les adultes ne savent pas gérer. Je ne cherchais donc pas forcément à leur offrir des informations (l’école est maintenant très riche sur le domaine de l’environnement, et les jeunes enfants en savent beaucoup plus que nous, parfois !). Je voulais les inviter à cultiver un état d’esprit chaleureux et créatif, où le monde est source d’étonnement et de surprises. Garder un état d’acteur, pour ETRE plutôt qu’AVOIR.
Construire une image de l’autre Pour moi, il s’agissait aussi rester à l’écoute de ce que les enfants savent et que j’ai parfois tendance à oublier dans le monde des adultes… la spontanéité, l’humour, la candeur, l’étonnement. Il ne s’agissait pas de chercher un paradis perdu de l’attitude spontanée. Du moins, si cela a pu être partiellement en jeu au commencement de l’atelier, j’ai dû apprendre à regarder les enfants avec des yeux plus francs, dans un rapport de personne à personne, laissant de côté les images d’épinal. Malgré tout, la naïveté, la candeur et l’enthousiasme, restent des valeurs et des attitudes que j’aimerais les aider à consolider. Il me semble qu’elles restent ensuite des armes très puissantes pour aimer la vie et lui donner sens. La question de l’image que j’avais des enfants a été au début essentielle. Quelle vision de l’autorité, de la vulnérabilité avais-je ? Comment accepter les remise en cause parfois brutale, les provocations qui viennent tester mon autorité, et en fait ma légitimité? Cela a été un apprentissage d’affirmation de soi. Quand j’étais encore dans une attitude d’émerveillement un peu artificiel face aux enfants, il m’était d’autant plus difficile d’asseoir une autorité. Je ne me sentais pas légitime à leur imposer quelque chose. Aujourd’hui, j’accepte que mon rôle auprès d’eux est de cadrer l’atelier pour qu’ils puissent y faire des choses. D’autres espaces existent pour laisser complètement libre leur spontanéité – cours de récréation… s’ils viennent à l’atelier, c’est pour participer à des activités. Je me sens adulte et m’assumant comme telle, je peux mieux poser des limites et des paroles d’interdit structurantes. Ce pas vers l’âge adulte a sans doute demandé un deuil de l’enfant en moi… pour mieux le retrouver profondément. Cela aborde la question du manque, de cette naïveté qu’il a fallu perdre pour grandir. C’est la résonance entre le regard des enfants et le mien qui est complice est riche, mais cela fonctionne seulement si chacun est à sa place est voit que l’autre est à la sienne.
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Faire autrement et un faire librement Mais le partenaire central, c’est les enfants : selon qu’ils sont fatigués, intéressés, moteurs, passifs, les séances sont plus ou moins faciles. La seule discipline c’est celle que le groupe a fixé ensemble au début dans une Charte de l’Atelier, sous forme de jeu. Pas de punition classique, mais des réflexions sur ce qui se fait ensemble. Entre moi et eux, tout peut se jouer. Je n’ai pas de contrainte au niveau du programme, seul un nombre de séances fixes. Cela me permet d’intégrer de l’imprévu, et aussi, du même coup, exige davantage de souplesse. La pédagogie de l’atelier est avant tout centrée sur le savoir de l’enfant, qu’on développe selon son raisonnement, ses questions. C’est un atelier de tâtonnement, pas un cours magistral sur l’écologie ! Ainsi, on peut tenter de rendre le savoir ludique. Les ateliers sont construits sur une ou plusieurs activités comme du dessin, de la sculpture, de la fabrication d’objet avec des matériaux recyclés, des jeux… Pour permettre un vrai épanouissement des enfants, la difficulté est de leur laisser toute leur place. Cela se passe par une écoute sensible. Cela permet de voir évoluer les enfants, et d’adapter les activités en fonction de leur évolution personnelle. Par exemple, une petite fille a passé plusieurs mois à clamer qu’elle ne savait pas dessiner et à refuser de prendre un crayon. Après plusieurs mois à lui dire que nous n’étions pas là pour être juger, mais pour faire ensemble, et insister sur la qualité de toute production, je me suis aperçue, un jour, qu’elle s’est mise à dessiner spontanément lors d’une activité. Je l’ai alors encouragée discrètement, sans insistance, pour ne pas l’effaroucher. Comme dans toute relation humaine, la palette des émotions est infinie, mais les enfants semblent l’exprimer totalement, et se livrer totalement dans l’émotion du moment. Ils donnent l’impression de risquer leur équilibre entier au détour d’un regard, parfois. J’essaie, l’espace de cette petite heure qui peut-être les marquera, de les aider à se renforcer, à se tenir fermement sur leur pied, pour ne plus craindre les coups de vent.
La construction de soi en rapport à l’autre : le travail en binôme Il s’agit de favoriser l’élaboration en groupe : jeux collaboratifs, des dessins en communs, des réflexions… Par le travail en groupe, les enfants apprennent à ‘écouter, à construire ensemble. On commence par un jeu où un enfant, aveugle, yeux bandés, est guidé par un autre dans la salle… puis on inverse. Quelle confiance en l’autre ? Comment se remttre dans les mains d’un inconnu ? Comment apprendre à savourer cet abandon l’espace d’un instant, jusqu’à découvrir une complicité naissante. Ensuite, il y a beaucoup d’activités, d’abord par deux : dessins, discussions, avant de se retrouver en groupe. Cela permet à tous de s’affirmer, et cela me permet de passer de groupe en groupe pour mieux pouvoir leur répondre dans un dialogue de personne à personne, où ils existent complètement. C’est essentiel, car ils passent la plupart de leur scolarité en rapport de Prof à groupe d’élève, et non dans un rapport d’humain adulte à humain enfant. 101
L’apprentissage de la coopération est difficile, et il faut souvent en passer par des querelles, des moqueries, etc. Mais il me semble que des enfants très réticents au début de l’année sont plus enclin à discuter et à se concerter avant de commencer un dessin collectif à la fin. Les enfants sont contents de participer, les contacts entre eux sont améliorés, ils sont contents de se retrouver. Ils se connaissent et s’acceptent mieux tels qu’ils sont. Ils ont aussi plus confiance dans cet espace et aussi en eux même pour ce qui est de réaliser, de faire. Il y a nettement à présent une identité de groupe. Je cherche aussi à faire en sorte qu’ils naviguent entre une tache collective et des réalisations personnelles. Une collaboration à un travail collectif, ça ne se ramène pas à la maison contrairement à un objet individuel. C’est donc cette articulation entre le collectif et l’individuel qui est à questionner, à verbaliser. Et l’important, c’est d’en parler ensemble, avec un objectif toujours présent, que l’on s’écoute.
Travailler à deux Une nouveauté l’année dernière a aussi la décision de mener l‘atelier à deux. Avec Guilhem, qui vient une semaine sur deux, nous discutons du contenu, et nous nous regardons être mutuellement avec les enfants. C’est pour moi une expérience très riche. Etre à deux permet d’avoir des approches complémentaires sur les activités à proposer. D’apprendre à écouter les idées de l’autre, et de les fusionner en une ligne de séance qui soit commune.
• Conclusion Il est difficile d’avoir un impact en si peu de temps, mais reste cette occasion de planter une petite graine, qui se développera bien, à sa façon, suivant les enfants et leur entourage : les parents et les enfants auront peut-être appris quelque chose au cours de cette année. Pour moi, cela reste une occasion de sans cesse me remettre en cause et avancer.
Contact Julie BANZET julie@yoranoo.com 75 005 PARIS 01 46 33 68 79
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Union Ca crée – des échanges multiculturels pour des jeunes Après une expérience collective en Algérie L’association est née suite à un séjour de coopération dans le cadre d’un chantier de solidarité. L’objet de ce chantier était la rénovation du foyer de l’enfance assistée de Bouira en Algérie. Avant ce projet, l’élu à la coopération décentralisée à la ville de Roubaix avait dit qu’il encourager la création de lien pour d’autres échanges. Ce fut une expérience si encourageante et pleine d’espoir qu’il aurait était dommage d’en rester là. Le groupe a réfléchit aux suites à donner pour instituer un long partenariat. L’association a été créée dans les chambres, à l’auberge, objectifs, statut, etc. L’idée était alors de réitérer ce chantier là un peu partout, avec les jeunes de ce premier chantier comme accompagnateurs. Inscrire ces initiatives dans la durée et dans une dynamique de réseau et ainsi sensibiliser d’autres jeunes a l’entraide et la solidarité. De retour ici en France, le groupe s’est éparpillé. Certains jeunes à l’origine du projet ont abandonné le navire. Deux personnes ont alors décidé de porter le projet, et d’autres sont venus se joindre à eux. De leur côté, les Algériens se sont un peu écartés du projets, mais les personnes les plus intéressées sont toujours là.
Accompagner les jeunes vers la citoyenneté active Union ça crée est une association qui a pour vocation d’initier les jeunes aux principes fondamentaux d’une citoyenneté active par le biais d’échanges internationaux et en sensibilisant les jeunes a l’engagement et au volontariat. C’est une association loi 1901. Elle est dirigée, animée, organisée par des jeunes convaincus par l’importance qu’ont les chantiers internationaux de jeunes dans la compréhension des cultures et l’amélioration des rapports qu’entretiennent les jeunes de différents pays. Union ça crée n’a aucune appartenance politique et ouvert a tous
Le mode de fonctionnement
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L’association détermine des pistes de projets avec les adhérents. Ils se réunissent en groupe de travail et auront en charge de développer le projet avec les personnes ressources, développer les partenariats ou maintenir des contacts avec les associations partenaire. Par la suite, c’est les adhérents qui rédigent le dossier de présentation en vue de financements ou 103
de présentations éventuelles, et mettent en place de action d’information, de sensibilisation et cofinancement si nécessaire.
Apprendre l’échange Un chantier international réuni un groupe de sept a dix jeunes durant, deux a trois semaines pour se mettent au service d’une cause à vocation sociales, culturelles ou environnementales. Les chantiers sont ouvert aux 18 - 30 ans, cependant les plus de 30 ans peuvent y participé a titre d’accompagnateurs ou encadrants. Ils sont organisés en partenariat avec des associations jeunes a l’étrangers (Europe de l’est, Afrique du nord, centre Afrique, Amérique latine, Asie, moyen orient) qui accueilleront les jeunes volontaires français. Union ça crée accueillent également les jeunes des associations partenaires. Pour que les personnes puissent bénéficier pleinement de ce chantier, qu’il leur apporte quelques choses, il faut être dans l’optique du partage, de la solidarité. Si c’est juste le voyage, cela reste de la consommation.
Créer une dynamique local Le rôle des volontaires dans les chantiers consistent à créer une dynamique locale répondant a un besoin spécifique. Notamment en développant des activités afin de relancer l’économie locale et la mobilisation de la population. Les volontaires sont donc amenés a travailler essentiellement des centres de soins, des centres de jeunes ou des centres culturelles. Les volontaires sont hébergés et nourris durant le chantier. Un chantier fait appel a un certain sens des responsabilités tend sur le plan de l’organisation que de la gestion dans lequel les jeunes jouent un rôle déterminant. Le groupe de volontaires avec le soutien des encadrants et des animateurs tend a une réelle autogestion ainsi la réussite de leur mission dépend de la cohésion du groupes, de l’engagement et l’esprit d’initiatives des jeunes. Les temps de travail a raison d’une trentaine d’heure par semaine ne doit pas faire oublier les temps loisirs indispensables à l’échange et à la découverte d’une culture autre. Les loisirs peuvent se concevoir de différente manière et sont définis en fonction de la localisation du chantier.
Sensibilisation au départ et pré chantier Il se passe généralement entre 6 mois et 1 an entre la préparation des chantiers et le départ. Après la constitution du groupe 7 a 10 volontaires par mission, une journée d’intégration et de sensibilisation à la mission permet au groupe de se l’approprier et de commencer à réfléchir à la façon dont il souhaite s’investir, à travers des actions de cofinancement mises en place par les bénévoles, les volontaires et le staff technique.
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Chaque volontaire est vivement sollicité a suivre une série de réunion qui lui permet de rencontrer d’anciens volontaires, des partenaires projet et l’équipe d’encadrement pour les préparer a la réalité des chantiers et à la vie locale
Gérer la différence culturelle L’animateur doit avoir beaucoup de tact, sur le chantier, pour apaiser les tensions quand les cultures se heurtent. Par exemple, sur le premier chantier, dès les premiers jours, certaines filles étaient vêtues à européennes, avec beaucoup de désinvolture. Dans cette petite ville, ça ne passait pas inaperçu. Les filles algériennes ont mal réagi car au comportement des Françaises. Les groupes se sont vite séparés entre les filles d’un côté, et les garçons de l’autre. Il n’y avait pas de médiatrice parmi les filles. Il n‘ y avait pas de temps défini pour parler, pendant les repas, dans les chambres, et les choses se sont vite envenimées. La préparation au départ avait eu lieu de manière très scolaire, en demandant de préparer une sorte d’exposé sur un sujet au choix. Mais il n’y a pas eu de préparation sur les personnes, sur la culture, sur les coutumes, de réflexions sur l’interculturel. On pensait que comme elles étaient d’origine algériennes, elles comprendraient. Maintenant, on veut essayer de proposer un travail sur le pays, les coutumes, etc, avec le témoignage d’une personne qui a déjà fait le voyage.
Contact Samir Mebarki samir_mebarki@hotmail.fr (06) 19 77 59 50 Roubaix
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INTOLERAGE (Marseille), Vibrations citoyennes Former à la citoyenneté active En 1998 quelques animateurs se sont regroupés pour écrire un spectacle nommé "Intolérage". "Rage contre l'intolérance". Ce spectacle abordait divers sujets liés aux traitements face à la différence, tels que le sexisme, le racisme… L’intolérance représente, pour nous, le refus de la catégorisation sociale liée aux origines culturelles et sociales qui ghettoïsent et catégorisent les individus. Elle représente également la discrimination sous toutes ses formes. Nous refusons d’accepter que la différence de l’autre empêche de vivre ensemble et de communiquer. Nous promouvons la mixité sociale dans le vivre ensemble et la lutte contre l’intolérance. Nous travaillons afin que la différence soit cultivée en qualité d’enrichissement dans la relation aux autres, puisque nous sommes tous différents. En avril 2002 la France se réveille avec la gueule de bois et nous avec. L’idée de création de la structure fait suite à la prise de conscience collective d’un manque d’implication des jeunes dans la communauté se traduisant par un fort absentéisme de leur part aux élections. Une association citoyenne qui forme et sensibilise enfants, jeunes et adultes à la citoyenneté active et participative en les éduquant à des comportements et des actes citoyens. Nous sommes un moteur de projets citoyens, un lieu d’échanges, un médiateur entre les institutions et le public. Pour cela, nous lançons et nous fédérons des actions d’ouverture à l’autre, au monde, à la diversité. Notre équipe est constituée de bénévoles qui ont des parcours de vie différents (instituteurs, informaticiens, psychologues, graphiste…).
Vacances citoyennes Dans le domaine du « Loisir », depuis 2002, Intolérage organise pendant l’été trois séjours de vacances citoyennes (qui peuvent durer 1, 2 ou 3 semaines) : Brins de troubadours pour des enfants de 4 à 6 ans dans le château de Buoux dans le Luberon ; Saltimbanques pour des enfants de 6 à 8 ans ; - Cirque.com pour des enfants de 9 à 11 ans ; Anim’ados pour des adolescents de 15 à 17ans. Le centre accueille 60 enfants Les vacances citoyennes se définissent, pour nous, comme la mise en place d’un fonctionnement démocratique dans lequel les enfants peuvent exercer leur citoyenneté en posant des choix leur laissant la possibilité de s’affirmer. Nous mettons les enfants en responsabilité en les faisant participer à la vie du séjour, en écoutant et en prenant en compte leur parole. Nous leur donnons les moyens d’agir et de prendre possession de leurs vacances en s’affirmant et en prenant position. 106
Pour cela, il existe des instances de décisions dans lesquelles les enfants ont leur mot à dire : Conseil de chambre, tous les soirs avec un référent par chambre, où les enfants font le point sur la journée et peuvent parler de ce qui leur a posé difficulté ; le grand conseil qui a lieu toutes les semaines, où les enfants choisissent les activités de la semaine en fonction de ce que leur proposent les animateurs ; Conseil de délégués où les acteurs peuvent participer au fonctionnement du séjour et transmettre à leurs pairs les décisions prises. Se réunissent une fois par semaine : deux délégués d’enfants par tranche d’âge, un représentant de l’équipe d’animation un représentant de la direction et un représentant de l’équipe technique (cuisine, ménage…) afin que chacun ait son mot à dire sur le fonctionnement du centre. Le fait de faire vivre la mixité sociale, au sein de ces séjours, permet aux enfants de partager des moments de vie avec des personnes venant d’horizons différents. Ils vivent dans une microsociété où ils expérimentent les règles de vie en communauté et où ils prennent conscience de leur capacité à être responsable et à assumer un rôle. Pour cela, les enfants écrivent avec les animateurs les règles de vie du séjour sous forme de droits et de devoirs (sauf les règles imposées par la loi) et les règles de vie internes à chaque lieux de vie (repas, chambre, activités extérieures, etc.). Lorsque les règles, établies en collaboration, ne sont pas respectées les enfants passent un contrat avec les animateurs et le directeur. Ce contrat définit ce que les enfants pensent être capable de faire sur une période donnée. Des points sont régulièrement faits jusqu’à ce qu’il n’y ait plus besoin de passer de contrat. Ils sont considérés comme des citoyens, et dans ce cadre, lorsqu’ils continuent à transgresser les règles de vie, ils se voient perdre les droits qui sont rattachés aux devoirs qu’ils n’ont pas respectés. Un séjour d’une semaine coûte (sans aide) 400 euros pour un enfant, deux semaines coûtent 700 euros, et trois semaines coûtent 990 euros. Les familles peuvent recevoir une aide de la CAF pour financer ces séjours et un tarif dégressif existe en cas de familles nombreuses. Les chèques vacances sont aussi acceptés.
Former les animateurs à une pratique démocratique. Intolérage intervient lors de formations d’animateurs occasionnels ou professionnels et de directeurs sur le thème de la citoyenneté active et participative en centres de vacances et de loisirs. Au cours de ces formations, les participants apprennent à mettre en place une citoyenneté réfléchie au sein de ces centres de vacances par la proposition d’outils démocratiques, comme des jeux et des méthodes pour créer des règles de vie en collectivité avec les enfants.
Un outil pour sensibiliser à la citoyenneté des enfants. Dans le domaine de la « scolarité », en réponse à un appel à projet de la mairie de Marseille en 2003, nous avons mis en place notre premier projet en lien direct avec l’école, 107
« Monsieur Citoyen » en maternelle. Cela nous a permis de créer un outil permettant de sensibiliser à la citoyenneté des enfants. Nous abordons avec des enfants du cycle I et II, de 5 à 8 ans (de la Moyenne Section à la Grande Section, au CP, au CE1 et en Classe d’Intégration Spécialisée pour des enfants en situation de handicap au sein des établissements scolaires « ordinaires » (CLIS) les thèmes fondateurs de la citoyenneté : « Je donne mon avis et je choisis ». La tolérance (« J'accepte ce qui est différent de moi »). L’outil démocratique utilisé est la lecture d’un album, « Noir comme le café, blanc comme la lune ». C’est l’histoire d’une petite fille métisse qui se questionne sur sa couleur de peau. Il s’en suit un débat autour de ce que représente la différence (au niveau de la religion, de la culture, de la couleur de peau, du handicap…) et de ce qu’induit sa tolérance dans les relations. La solidarité (« J’aide et je fais »). L’outil démocratique utilisé est la lecture d’un album qui parle de l’histoire d’une petite fille qui va aider sa grand-mère. Il s’en suit un débat autour de ce que représente « l’aide ». Le travail consiste (sur 4 séances 1h à 1H30) à amener les enfants à prendre conscience qu’être citoyen c’est participer à la vie de sa classe, de sa famille, de la cité. Le fil conducteur est la construction au cours des séances de Monsieur Citoyen, une figurine d’un mètre de haut qui pour vivre avec les autres a besoin d’être complétée grâce à l’aide des enfants. Il est construit en fonction de ce qu’une personne a besoin pour vivre avec les autres : d’une bouche et des oreilles pour s’exprimer et être entendu, des yeux pour voir la différence, de mains, de d’un cœur pour exister en qualité de citoyen. Les enfants construisent aussi le Grand Livre du Citoyen dans lequel ils contribuent sur support artistique (écriture, dessin, …) à laisser une trace du travail effectué. Nous intervenons sur la demande des enseignant(e)s qui souhaitent faire prendre conscience aux enfants des valeurs citoyennes. solliciter la prise de conscience des élèves au niveau des valeurs citoyennes. Par ailleurs, la rédaction de fiches techniques d’information démocratiques sur toutes les instances politiques et les types d’élections permet de sensibiliser et de mieux connaître les institutions. Ces fiches sont mises en ligne sous forme synthétique expliquant le fonctionnement, les attributions et le mode d’élection du conseil général, du conseil régional, des élections présidentielles, etc
Solidarité, du Bénin… Dans le domaine de la solidarité internationale, le projet « Bénin, routes solidaires » vise à favoriser des rencontres interculturelles de solidarité franco-béninoises. Ces rencontres sont organisées entre des jeunes béninois et des jeunes français autour d’un projet : la réhabilitation de l'école du village de Gbeffadji-Aïdjedo. Ce projet est monté en partenariat avec l'association AJDS-PCEA (Association Jeunesse Développement et Solidarité pour la Promotion de la Culture, l'Education et l'Amitié), association béninoise. Les jeunes français qui y participent ont accès à une formation qui définit les fondements d’un projet solidaire, qui déconstruit les représentations et qui relie les jeunes par la prise de conscience de la richesse des différences culturelles. Ils se mobilisent pour mettre en place des actions (tombolas, concerts, etc.) afin d’avoir des financements permettant de payer la vie au Bénin 108
et les billets d’avions. Pendant le séjour les jeunes aident les ouvriers à la construction de l’école et organisent des animations pour les enfants et des ateliers d’écriture et de lecture. Production pédagogique : tous les outils pédagogiques pratiques que nous utilisons sont mis à disposition sur notre site (fiches animateurs, fiches enseignants, …)
Contact Butinée : Sophie CHARVET (contact RECit) sophie@intolerage.com 103 La Canebière 13001 MARSEILLE 04 91 90 92 77 ou 06 73 65 47 58 www.intolerage.com Butineurs : Eric COLAS et Laetitia PRANGE advocacyparis@wanadoo.fr Association Advocacy 5 Place des fêtes 75019 Paris
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Culture XXI, plateforme de réflexion, de dialogue et d’échange sur les défis du 21ème siècle. Genèse et contexte 1992 : nous sommes à la veille du Sommet de la Terre qui doit se tenir à Rio au mois de juin. Des jeunes de l'Ecole Nationale des Sciences Agronomiques de Toulouse, organisés en Comité de Réflexion des Etudiants de Toulouse, décident de lancer une démarche de participation à ce Sommet et organisent, au mois de mai, à Toulouse, une rencontre intitulée "Convention étudiante sur la responsabilité des technologies sur les déséquilibres planétaires". Cette rencontre réunira 350 jeunes et sera, pour tous, un moment de grande richesse intellectuelle et humaine, mais aussi un déclic très important dans la vie personnelle et professionnelle de plusieurs participants. Il y a d'abord eu la création du CREA (Comité de Réflexion des Etudiants Algériens). Grâce à ce Comité et à la Société d'Histoire Naturelle d'Afrique du Nord, nous avons pu organiser, à Oran, en septembre 1993, une rencontre sur la responsabilité des technologies dans les déséquilibres planétaires. Cette rencontre a confirmé, après Toulouse, la mise en place du REMED (Réseau d'Echanges Multidisciplinaire pour l'Environnement et le Développement) regroupant des jeunes convaincus de l'importance de leur implication dans la construction de la société et de la nécessité de leur mobilisation collective au-delà des frontières pour affirmer une citoyenneté active. Ce réseau s'est lui-même transformé en "Collège Jeunes" de l'Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. Etant dans une démarche de construction progressive, nous avons préféré nous appeler "Chantier Jeunes" ; l'envie de continuer et l'esprit de la démarche étaient toujours présents et intacts. Du temps a passé, des graines ont germé et donné plusieurs fruits ; certains même se sont croisés et ont donné de nouveaux fruits. Des liens d'amitié se sont créés et beaucoup d'entre nous restons toujours en contact, voire même travaillons ensemble sur d'autres projets. C'est dans cet esprit qu'est née, en mars 2004, dans le prolongement de ces douze années de réflexions et de travaux, Culture XXI, association régie par la loi de 1901, basée à Paris.
Une longue maturation Ce sont Sarfaraz et Biplove qui ont trouvé le nom. Nous souhaitions un nom qui fasse lien et sens avec l'aventure entamée depuis 1992, un nom qui illustre nos préoccupations, un nom qui ait un fondement au regard des changements qui s'opèrent dans la société mondialisée dans laquelle nous vivons. Il nous semble en effet que beaucoup de choses ont changé avec la mondialisation et qu'il y a une véritable culture du XXIème siècle qui s'installe, avec ses règles, ses réalités, ses résistances. C'est sur cette culture, imprégnée de technologie, de communication, d'information, d’immédiateté, de rapidité, sur l'actualité de ce nouveau siècle qui avance à très grande vitesse que nous voulons concentrer nos réflexions. 110
Les deux premières années d'existence de Culture XXI ont été consacrées à la mise en place administrative de l'association (élaboration des statuts, déclaration en préfecture, prises de contacts, etc.) et à une réflexion sur les projets qui ont motivé sa création et sur les moyens de mettre en oeuvre ces projets, autour d'une petite équipe : Biplove Chouhdary depuis l'Inde, Sarfaraz Khan2, Annick Ollitrault Bernard3, Patricia Aderno4 et moi-même depuis Paris, Betty Nguyen5 depuis Lyon, et d'autres amis, ici et ailleurs. Pas facile de réaliser ce début de quelque chose. Ça s'est fait, réellement, depuis une cuisine, entre deux biberons. Ça a mûrit dans une ambiance de questionnement avec nos enfants, en nous interrogeant à la fois sur ce que nous avons fait et sur ce qu'il faudrait faire pour que nos enfants puissent grandir dans une société vivable pour eux, pour nous, pour tous ! Le monde et la société sont ce qu'ils sont. Nous n'avons pas la prétention de les refaire, mais nous voulons essayer de réfléchir à la façon d'habiter avec le plus d'harmonie possible dans ce monde, dans cette société. Comment faire pour préserver nos valeurs et nos principes dans un monde qui les perd tous les jours un peu plus ?
Citoyens du monde Culture XXI est aussi, quelque part, l'expression de notre sensibilité, celle de Sarfaraz et la mienne. Sarfaraz est indien, moi algérienne ; nous vivons tous les deux en France, nos enfants sont français. Un cocktail "citoyen du monde". Pourtant, au quotidien, cette situation n'est pas toujours facile à vivre. Nous sommes parfois contraints de nous formuler une identité, une position géographique, pour ne pas être perdus et, surtout, pour ne pas donner le sentiment à nos enfants d'être perdus. Nous voulons que nos enfants soient fiers de leur identité française, mais aussi qu'ils soient fiers et conscients des attaches et richesses culturelles qu'ils ont avec les deux autres continents d'où, nous, leurs parents, venons.
Eviter les amalgames D'où le parfum dominant dans tous nos projets de brassage, de dialogue multiculturels. Ce qui s'est passé en France, au moment des "violences urbaines", nous touche beaucoup car nous avons la conviction que les autorités françaises n'ont pas su et ne savent toujours pas comment mettre en valeur la beauté de la différence et de la diversité en France. Tous les discours entendus, lors de ces événements, et après, sont imprégnés consciemment ou inconsciemment d'une approche négative, d'une mise à distance des cultures – il y a "nous" et "les autres/eux" –. Tant que les citoyens d'un même pays auront cette pensée au fond d'eux-mêmes, il sera difficile de réduire cette distance et de faire un effort de rapprochement des cultures. Il y a aussi tout ce qui se passe dans le monde, qui nous choque, qui nous blesse. Étant nousmêmes musulmans, c'est notre éducation et notre culture qui sont mises à mal ; cela nous heurte d'être systématiquement mis en lien avec des "violents" et des "barbares" – car c'est ainsi que le monde musulman est médiatiquement et majoritairement présenté aujourd'hui –. Il est donc important que nous soyons capables de prendre du recul par rapport à cette situation, afin de poser le diagnostic le plus juste possible, même s'il est compliqué, et ainsi de pouvoir mettre en route des initiatives pour surmonter ces défis de civilisation. 111
Il ne faut pas que les citoyens, les peuples fassent l'amalgame entre la réalité et tout le tapage médiatico-politique, tant au plan national qu'international, qui en est fait, d'autant plus que les nouvelles technologies de l'information, qui offrent une actualité en temps réel, ne permettent pas un recul suffisant ; c'est l'événementiel qui prime souvent sur l'analyse de fond. Il faut donc absolument avoir une grille d'analyse des médias pour ne pas être piégés dans le marasme civilisationnel qui nous est trop souvent proposé. Nous voulons être au centre du terrain et non sur les gradins, nous voulons êtres acteurs, comme beaucoup d'autres, avec beaucoup d'autres. Les projets présentés ne sont pas créés pour faire naître seulement une association de plus. Ils sont le reflet de notre sensibilité aux choses et aux gens qui nous entourent et, même si ces thèmes sont déjà traités ailleurs, nous avons l'ambition que nos projets apportent un espace supplémentaire de débat. Nous avons la conviction, grâce et au travers de nos expériences, d'avoir un "plus" à mettre au cœur de ces discussions. Lancer une action, un mouvement, une association n'est pas chose facile. Il y a des moments où tout semble aller de soi, d'autres remplis de doute où les interrogations prévalent. Mais les projets mûrissent et prennent forme. C'est ainsi qu'est née Culture XXI, de nos doutes et de nos expériences de vie.
Multiplier les espaces citoyens de paroles A partir de ces expériences, nous pensons qu’il est important de multiplier les espaces citoyens de paroles, de débats afin de regarder les problèmes autrement et afin de pouvoir mettre en place sa propre grille d’analyse. Pour cela, nous voulons centrer notre travail sur : - l’analyse et la compréhension des situations actuelles : Les réalités actuelles sont extrêmement complexes, mais pour des raisons politiques, elles sont présentées sous forme d’idées simples et facilement consommables. Les informations que nous recevons sont immédiates et souvent détachées de leur contexte historique. Il nous semble fondamental de mettre en place un processus de débats pour enrichir nos positions et nos réflexions sur les différentes réalités : Il faut multiplier les lieux où des personnes puissent soumettre leurs réflexions et les croiser avec d’autres points de vue. Il faut créer les conditions pour que les citoyens puissent avoir leur propre grille d‘analyse de la réalité ; - Des propositions concrètes : Dans le cadre de la démocratie participative, il faudrait créer et renforcer les espaces locaux et nationaux de décisions. Les citoyens ne sont pas simplement des consommateurs de directives et de lois, ils sont aptes à produire des propositions pour un changement social - La mobilisation : Ces réflexions et propositions si elles sont suffisamment partagées, elles peuvent créer des forces de mobilisation importantes en tant que veille pour le respect des règles, de la justice et pour refuser l’inacceptable.
Comment tout cela se décline concrètement ? A travers trois projets essentiellement pour commencer 112
Le premier s’intitule : Participation citoyenne et femmes issues de l’immigration ce qui consiste à organiser dans différentes localités de la région île de France des rencontres de 2 jours pour réunir des élus, des acteurs associatifs et des habitants dont la majorité des femmes issues de l’immigration. L’objectif étant de donner la parole sous forme informelle à chacun pour qu’il puisse expliquer ses fonctions, ses actions et ses sensibilités et aux habitants de comprendre la complexité du système de prise de parole et de prendre des initiatives pour ‘habiter’ leur citoyenneté et notamment les femmes issues e l’immigration qui au-delà des préjugés ont une richesse et une diversité que nous n’avons pas encore su exploiter. Le deuxième projet, très différent du premier s’intitule : ‘Centre Maghrébo-Sahélien pour les savoirs populaires’ qui consiste à mettre en place un lieu, un espace afin de rassembler les savoirs populaires de cette région, les identifier, les valoriser et les mettre à la disposition de tous ceux qui sont intéressés. Le troisième s’intitule ‘carrefour des civilisations’, qui consiste à amener des jeunes de différentes cultures, croyances et parcours à se rencontrer pour se connaître et analyser ensemble, avec la diversité de leurs regard, une situation qui touche leur actualité quotidienne.
Contact Nacéra Aknak Khan Paris nacera@culture21.org (06) 64 42 89 20
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Partenariat entre une collectivité locale et un collectif associatif peut-il réussir ? Ce texte décrit l’action du Comité métallos, collectif d’associations de Belleville, à la Maison des métallos à Paris dans le 11ème. Au travers de cet exemple singulier, il apporte des éléments aux questions suivantes : Quelles sont les attitudes nécessaires des élus et des citoyens pour faire vivre les partenariats ? Comment passer de la victoire de la mobilisation associative contre « l’ancienne municipalité » vers le dialogue avec « la nouvelle équipe municipale » ?
Une mobilisation couronnée de succès Ancrée dans le quartier par son histoire syndicale et militante, la Maison des métallos qui appartenait au syndicat CGT de la métallurgie, a entretenu depuis 1936 un lien singulier avec son quartier. Dès les années 90, la CGT avait annoncé son souhait de vendre le lieu à la Ville de Paris mais celle-ci répondait quelle n’était pas intéressée. Le responsable de la Maison des métallos ouvre gratuitement les lieux aux habitants et associations du quartier de 1996 jusqu’en 2000. L’espace est alors investi pour des actions culturelles et citoyennes par un grand nombre d’acteurs locaux et de collectifs d’habitants. A cette période, le quartier Fontaine au Roi dans lequel est implantée la Maison des métallos est un quartier politique de la ville, et un collectif inter-associatif se met en place pour réfléchir et faire des propositions pour le quartier . Le Comité pour une Maison des savoirs et des cultures de l’Est parisien dans la Maison des Métallos dit Comité Métallos ( association loi1901) est une émanation de ce collectif et se donne pour objectif d’obtenir l’achat de la Maison des métallos, qui est aux prises des promoteurs immobiliers, par la Ville de Paris , et sa transformation en un équipement culturel et associatif en impliquant les associations et les habitants à son fonctionnement. Son action de lutte et de pression (pétitions, manifestations, courriers) aboutit avec l’aide des élus et de L’Union Fraternelle CGT des Métallurgistes à l’achat de la Maison des métallos par Monsieur Jean Tibéri, ancien maire de Paris, en juillet 2000C’était une période électorale, et plusieurs candidats à la Mairie de Paris nous avaient apporté leur soutien. Le succès de la gauche à Paris ouvre une nouvelle ère.
Un temps d’hésitations et de tergiversations de la ville de Paris Suite à cette décision de rachat, avant l’acte de vente, les clés de la Maison des métallos sont confiées au Comité métallos qui gère le lieu et le planning. Le Comité métallos s’élargit aux nombreuses associations utilisatrices du lieu. Ensemble nous mettons en place une charte dont les principes sont : Démocratie participative, Mémoire du lieu, Dynamique interassociative, culture et création, Education populaire, Vie de quartier, Engagement social. Un 114
grand nombre d’initiatives inter-associatives mêlent à la fois le social, l’engagement citoyen, le culturel et l’artistique. : Journées du patrimoine ; 130 ans de la Commune de Paris ; Les zazas feront les zozos aux métallos ; bals populaires ; mariage malien ; baptême républicain ; fête de quartier « Ouvre ta fenêtre » ; pique nique, repas de quartier et conférence de Presse avec Christophe Girard (adjoint à la Culture) , Martine Durlach (adjointe à la Politique de la ville), Gérard Paquet (ancien directeur du Centre national de la danse et de l’ image de Châteauvallon) et l’Union fraternelle des métallurgistes . Malgré nos initiatives lorsque la nouvelle équipe municipale de gauche prend possession des lieux, elle refuse d’établir une convention avec le Comité métallos. Elle récupère les clés et nomme un « ingénieur culturel » à la gestion de la maison métallos sans avoir de projet précis et explicite pour le lieu. Les associations retiennent surtout de cette rencontre avec l’ingénieur culturel un projet en pleine adéquation avec la transformation « bobos » du quartier Oberkampf : création d’un lieu ouvert la nuit, en particulier un crèche pour les jeunes parents qui veulent faire la fête !. Le Comité métallos devenu une force importante de mobilisation des associations entraîne la démission immédiate de l’ingénieur culturel.
Mise en place d’une phase de préfiguration pour réfléchir au devenir de la Maison ( 2003/ 2005) : • Ambiguité et confusion : juxtaposition de deux associations pendant la phase de préfiguration Gérard Paquet : acteur culturel national reconnu, responsable du Festival Châteauvallon et symbole du monde culturel contre le Front National, est proposé par le Comité métallos pour accompagner le processus en marche et est nommé par la Ville de Paris pour mener concrètement la phase de préfiguration. Pour le Comité métallos, l’objectif est de définir pendant cette phase, avec l’aide de Gérard Paquet et son équipe, un projet innovant pour la Maison des Métallos. Lors du comité de pilotage, instance de participation, auquel le Comité métallos participe, nous proposons les bases d’un cahier des charges. Celui-ci est adopté en février 2002 pour la préfiguration mais nous émettons des réserves sur la nomination de Planète Emergences (association de Gérard Paquet) comme seule association chargée de la préfiguration. Toutefois , avec confiance, le Comité métallos imagine que la Maison des Métallos sera un lieu unique par les relations singulières qui pré-existent entre le monde syndical représenté par le syndicat CGT, le monde artistique représenté par Gérard Paquet et le monde associatif que nous représentons En partenariat avec Planètes Emergences (2003), puis directement conventionnée avec la Ville de Paris ( 2004-2005), le Comité métallos développe des actions dans trois domaines rattachés aux quatre axes fixés par le cahier des charges : Axe connaissances et savoirs : la mémoire vivante du lieu et du quartier Axe numérique : le numérique citoyen en coproduction avec Planète Emergences Axe proximité pour développer l’inter-associativité et favoriser l’implication des acteurs locaux et des habitants du quartier dans le devenir et le fonctionnement de la Maison.
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Peu à peu Gérard Paquet et son association Planète Emergences -s’approprient physiquement le lieu et occupe tous les bureaux disponibles, -installent un fonctionnement pyramidal et non collectif, -travaillent sur une programmation et non sur des créations avec les habitants, -refusent la mise en place d’ateliers en amont des spectacles, -refusent notre collaboration à la gestion des salles pour la programmation des actions associatives, - remettent en cause des actions décidées ensemble, en particulier la manifestation culturelle avec les habitants et les artistes : le Fil d’Ariane qui était un projet commun (l’aide des techniciens nous est retirés la veille sans aucun préavis, ni raison), - rompent le dialogue : sollicité par un groupe de réflexion à notre initiative, Gérard Paquet décline l’invitation de venir exposer son projet pour la Maison des métallos. Les relations se détériorent et deux logiques de fonctionnement s’entrechoquent : d’une part une logique d’entreprise verticale avec des moyens de travail importants (600.000€) et un rythme de travail professionnel; d’autre part une logique de collectif associatif horizontal s’appuyant sur un travail militant et bénévole ( 40.000€) dans des conditions instables ( le Comité des métallos a fini par obtenir l’autorisation de s’installer à la Maison des métallos seulement en janvier 2004) Tout au long de l’année 2005 et jusqu’à la fermeture de Maison pour travaux , il devient de plus en plus difficile pour les associations réunies au sein du Comité métallos d’obtenir des salles et des dates pour promouvoir nos initiatives.
• Le rôle de la ville de Paris et des élus locaux encourage l’ambiguïté du processus Le comité de pilotage à l’initiative de la Ville de Paris est une instance qui réunit les différents élus chargé du dossier ( la culture, la politique de la Ville, l’urbanisme) et est présidé par le maire d’arrondissement et par la première adjointe à la Ville de Paris. Le Comité métallos est membre de ce Comité. Ce Comité de pilotage se réunit plusieurs fois, de manière aléatoire, sans compte rendus. Il acte un certain nombre de décisions confuses et générales des élus, sans tenir compte des réserves que formule à chaque fois le Comité métallos. Le projet que nous défendions s’appuyait sur le résultat d’un processus de concertation sur le devenir architectural du bâtiment. Des architectes et des historiens accompagnaient bénévolement cette démarche participative. Nous avions mis en place l’organisation de visites régulière de la Maison , la réalisation de maquettes, l’écriture d’un livre blanc lors des veilles architecturales mené pendant toute l’année scolaire 2002/2003, la rédaction d’un document « Penser l’esprit des lieux » pour présenter nos propositions En octobre 2004, le Comité métallos fait part publiquement de son désaccord avec les élus chargés du dossier car le projet architectural de la Ville transforme essentiellement la Maison des métallos en une salle de spectacle, une salle d’exposition, et des locaux de répétition. Aucune place n’est réservée à l’accueil associatif, à des cuisines collectives qui permettraient d’imaginer des moments de convivialité. L’élu à la Culture à la ville de Paris nous demande de ne pas nous focaliser sur le projet architectural et de faire des propositions concrètes sur les usages et le mode de gestion de 116
la future Maison des métallos. Il nous incite à créer une commission formée de professionnels, d’associatifs et d’habitants pour élaborer nos propositions. Ainsi les « Ateliers de l’Avenir » sur le thème « quel projet construire pour vivre et créer ensemble à la Maison des métallos » deux jours de rencontres et de débats pour aider à l’appropriation et à la compréhension de la transformation du lieu et des commissions se mettent en place tout au long de l’année pour aboutir à la présentation publique d’un document : Contribution du Comité métallos au projet collectif de la Maison des métallos en juin 2005. Avec ce document quelques élus nous rejoignent mais la machine des services municipaux se met en route et fait fi de l’expertise citoyenne. Le fonctionnement par collège que nous préconisions n’est pas retenu et les élus donnent la préférence à la création d’une structure administrative municipale à logique verticale, avec conseil d’administration, régie personnalisé et nomination d’un directeur de la Maison : Gérard Paquet. Tout au long de ce processus, nos interlocuteurs à la Ville sont multiples et jouent à nous renvoyer de l’un à l’autre : les services de la Culture, le cabinet de Bertrand Delanoë ( des personnes à chaque fois différentes) , le maire du 11ième, la société d’économie mixte : la SEMAEST (dont le président est le Maire du 11ième ) et qui gère les locaux de la Maison des métallos. Ainsi les dispositifs de concertation avec différents partenaires qui ne se concertent pas, permettent d’installer une opacité des décisions. Si dans un premier temps le caractère flou du projet ne nous inquiètait pas trop, puisque nous étions dans une phase de préfiguration et d’expérimentation, notre inquiétude ira grandissante lorsque nous nous rendrons compte de la volonté de nous mettre à l’écart du projet de la Maison des métallos.
• Conséquences de la phase de préfiguration Après une période de mobilisation très dynamique, la période de réflexion et de construction est moins fédératrice pour les associations et les habitants : il faut apprendre à négocier , à faire des compromis… Le Comité métallos perd donc des membres et s’affaiblit, les associations ont moins intérêt à en faire partie ce qui entraîne une perte progressive du rapport de force avec l’institution. Nous continuons toutefois à organiser des actions culturelles : opérations : métallo-mobil, Ateliers de l’avenir, Fil d’Ariane, Parcours Filles/Femmes, création d’un emblème sur la Place Jean Pierre Timbaud : œuvre artistique avec souscription populaire et à faire des propositions qui permettent : - d’aller vers les personnes qui n’ont pas l’habitude de fréquenter des lieux culturels - de créer du lien dans le quartier - de mettre en valeur les initiatives existantes dans le quartier En 2005, fin de la phase de préfiguration, un projet non concerté est décidé en comité de pilotage. Ce projet ne correspond pas à celui d’un lieu d’éducation populaire pour les habitants du quartier. Le Comité métallos dénonce ce projet. La volonté de diviser les associations s’exprime ouvertement. A la fois de la part des élus, des services de la Ville et de Gérard Paquet à qui la Ville de Paris a voté une subvention pendant la phase des travaux de la Maison des métallos. Le syndicat CGT n’échappe pas à cette division en son sein.
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Cet échec s’explique par une situation politique complexe : - l’archaïsme de pensée du Maire d’arrondissement qui privilégie la réalisation de toujours plus d’équipements publics, à l’usage qui en est fait. - la frilosité du parti socialiste de l’arrondissement et de la Ville de Paris. - l’assujettissement des associations aux élus : les associations vivent par les subventions qui leur sont allouées - un manque de conscience politique des associations. C’est un débat qui traverse régulièrement les associations et qui divise celles qui sont issues plus du social et de l’engagement et celles qui interviennent au niveau artistique. Peut-on agir socialement sans s’impliquer dans un rapport de force politique sur le territoire ? - un repliement des associations sur elles mêmes et sur leur actions ne croyant plus au collectif. - le manque de volonté de changer les habitudes des services municipaux. Les services font ce qu’ils ont l’habitude de faire - La volonté de Gérard Paquet de recréer « hors sol » le centre de Châteauvallon tel qu’il l’avait crée en 1970 : œuvre d’un acteur culturel qui a une haute vision de l’art et de la société et qui conçoit la culture pour des spectateurs.
Le Comité métallos pendant la période de la fermeture de la Maison des métallos( 2005/2007) multiplie les contacts et développe son réseau. Le refus de la Ville de Paris de reloger le Comité métallos nous entraîne à trouver des hébergements au sein des structures sympathisantes et à nouer des liens plus forts avec certaines. Notre pôle communication est installé dans un centre social, notre matériel dans une association, nos réunions sont dans une troisième … Malgré les difficultés de fonctionnement , nos actions inter-associatives se poursuivent par la mise en place du troisième Parcours Filles Femmes , le troisième Forum social local, la préparation d’un forum de la participation des habitants du bas Belleville, Lire en fête, les trocs de livres, collabore au Parcours citoyen de l’est parisien mis en place par RECIT , adhère à Circul’livres Notre vigilance concernant le devenir de la Maison en particulier la création de l’ établissement public local de la Maison des métallos et la composition du future CA de la Maison des métallos ( délibérations votées par la ville) nous incite en octobre 2005 à faire un recours auprès de la préfecture . Celle-ci nous donne raison et reconnaît des irrégularités. De nouvelles délibérations sont mises à l’ordre du jour du conseil de Paris et votées en février 2006. Après plusieurs débats, le Comité métallos accepte, suite à la proposition de la Ville de Paris, de participer en tant que personne morale au futur CA de la Maison des métallos . Le CA est composé de 9 membres ( 6 élus et trois personnalités nommées par le maire de Paris) En novembre 2007, aura lieu l’inauguration d’une grande machine lourde et pesante (travaux de réaménagement : 10.000.000€ ; subvention de fonctionnement : 440.000€ pour 2006 ; prévision : 2.300 000€ pour 2007 118
La médiatisation de l’ouverture du nouvel équipement consommera aussi beaucoup d’argent public, quelques associations plus ou moins dociles et dépendantes d’élus accepteront d’être le faire valoir associatif de ce projet « hors sol ». Le Comité métallos s’efforcera de faire entendre qu’une autre maison des métallos est possible. C’est parce que la campagne électorale de 2001 commençait que les élus se sont mobilisés avec le Comité métallos. Et la maison des métallos fut sauvée de la destruction. Fin 2007 commence la campagne municipale pour les élections de 2008. La Maison des métallos restera t-elle seulement un lieu de consommation culturelle ?
Contact Joëlle Morel Comité métallos 94 rue Jean Pierre Timbaud 75011 Paris contact@lesmetallos.org site : lesmetallos.org Tel. : 06 84 90 72 16
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La Maison pour un Développement Solidaire, un lieu d’accueil ouvert et militant Créée par Omer Mas Capitolin après les ateliers de l’avenir, pendant lesquels les habitants du quartiers avaient souligné l’absence de lieux d’accueil pour les jeunes, la Maison s’articule autour de 5 projets qui avaient alors été proposés, dont le soutien aux personnes en situation de toxicomanie. Ces projets ont été développés, et il est vite apparu que ce traitement isolé ne répondait pas à tous les problèmes. Il a été envisagé un lieu qui permettrait d’aborder les situations de façons globale et cohérente. Le 1er avril 1999, Omer crée un point d’écoute pour les jeunes, pour aider les jeunes à concrétiser leurs projets, dans un ancrage local. Ce petit local, financé avec l’aide de l’Union Familiale, grâce au soutien de la région IdF, devient vite un lieu d’accueil pour les jeunes du quartier.
Accompagner autour de trois axes complémentaires: L’accompagnement individuel de ceux qui viennent du quartier : si le projet était axé davantage sur les jeunes habitants du quartiers, le lieu est ouvert à tous et par bouche à oreille, y arrivent des personnes de tous âges, dans des situations très diverses, pou trouver une solution à des problèmes de tout type. La MDS est là pour les aider à co-construire une stratégie, en les guidant le cas échéant vers ceux qui pourront les aider – psychologue, comptable, juriste. C’est un accompagnement global, qui laisse toute sa place aux personnes. Par exemple, un ancien patron de resto est venu les trouver après faillite de son affaire, et a reçu un accompagnement psychologique, un soutien comptable pour remonter une affaire, une aide juridique pour régler les aléas de sa faillite. Autre exemple, les amis d’un jeune en train de tomber dans la toxicomanie sont aussi venu trouver la Maison, pour un appel au secours : comment se mobiliser pour le sortir de ce cercle, comment l’occuper, l’aide rà trouver un voie pro, etc. Cependant, il est apparu que le lieu risquait de ,n’être qu’un lieu où l’on vient pour régler un problème. Pour y associer des dynamiques actives, et faire des ponts entre des personnes dans des situations différentes, l’équipe a bâti un deuxième axe pour accompagner des porteurs de projets. Ce pôle a été financé jusqu’en 2002, avec plusieurs salariés, ce qui a permis d’accompagner de nombreux porteurs de projets. Depuis 2002, le pôle fonctionne sous forme d’atelier coopératif, où les anciens porteurs de projets accompagnent les nouveaux venus. 120
Un dernier pole, enfin, qui vise à ouvrir la maison vers d’autres publics encore, et faire le pont entre des dynamique individuelle d’abord, puis de projet de groupe parfois, et une dynamique de société, est un axe de capacitation citoyenne. La MDS aide à la mise en place d’ateliers de l’avenir dans d’autres régions qui les sollicitent, en se déplaçant bénévolement pour conseiller et accompagner des structures ou des groupes ailleurs en France. Les ateliers de l’avenir, sur Belleville, ont aidé de nombreux acteurs locaux, comme en a témoigné pendant le RDV Joelle Morel du Comité Métallos pour l’expérience de la Maison des Métallos. Le club Tchatche regroupe une quinzaine de jeunes depuis 2003 toute les semaines, autour de rencontres de parti politique, d’un cycle sur la colonisation, et d’autres thématiques comme le CPE. D’abord là en observateurs septiques, les jeunes ont appris ensemble à discuter, à réfléchir collectivement, et s’impliquent de plus en plus dans des démarches de réflexions. Ce club permet l’émergence progressive d’une pensée critique, puis d’une réflexion plus politique. Ces trois axes sont complémentaires, permettant au lieu d’être un lieu ouvert, fort pour les habitants du quartier, et reconnus par les financeurs.
Un exercice d’équilibre Le postulat a toujours été de favoriser la mixité, et de l’exiger – mixité entre l’urgence et les projet à long terme, mixité des publics, mixité entre les nouveaux venus et les anciens. Quelle démocratie participative ? Quel lien avec les habitants ? L’expérience d’un groupe d’habitants à Argenteuil, amène à s’interroger sur comment permettre à chacun de participer à la vie locale, comment inciter les habitant les plus éloignés, les moins habitués à ces modes de participation, à venir donner leur avis ? Ceci pose des problème de communication : chacun part de son univers, de son histoire, et le vocabulaire – plus ou moins technique, plus ou moins instruit – des uns, n’est pas toujours celui des autres. La MDS témoigne qu’il est possible de faire des liens entre ces différences, mais cela prend parfois beaucoup plus de temps que prévu initialement. Il faut de la patience – le club tchatche le montre. Quel liens avec les élus ? Mais comment accompagner de tel processus sans les financements et les professionnels indispensables pour accompagner de telles initiatives : les élus proposent des modes de participation factices, sans mettre les moyens financiers nécessaires pour permettre leur véritable mise en place – équipe professionnelle pour aider les habitants dans le processus. Il arrive de même bien souvent que les élus organisent des lieux et des processus de participation, mais n’écoutent pas ce qui y est dit. Comment s’affirmer ? Comment être 121
écouté ? Par exemple, souvent la MDS est invitée AU NOM DES jeunes, mais ceux-ci, s’ils viennent, ne sont pas reconnus. Il faut faire des ateliers avec des élus. La participation ne sert à rien si il n’y pas d’écoute des élus. Comment répartir le temps de 4 salariés entre ces problématiques ? Difficultés des financements et de la précarité L’équipe est souvent débordée, et la précarité des financements pose aussi le problème des inquiétudes répétées, toujours, quant à la viabilité du projet. Depuis trois ans, le projet est financé par une subvention de fonctionnement qui est essentielle pour permettre de soulager l’équipe et de faire des ponts entre les axes de travail. Comment assurer une continuité ? Passer le relais? La question du pouvoir ? C’est un exercice de jonglage, de diplomatie, de partage, un investissement très fort, qui pose la question de la possibilité du passage de relais. Ce passage de relais s’est fait naturellement avec Issa, qui s’est progressivement investi bénévolement de plus en plus, jusqu’à faire un formation pour devenir enfin salarié de la Maison. Mais le travail est beaucoup centré sur les personnes : Les membres de l’équipe sont connus et reconnus dans le quartiers, ce qui leur permet d’être accepter et de faire reconnaître le pôle plus facilement. En quelle mesure un nouveau venu peut il avoir un pareil impact ? L’idée est de favoriser un maximum l’autonomie des porteurs de projets, pour leur permettre d’avancer sans la maison, ce qui permet, en théorie, de soulager l’équipe de certaines taches. Mais c’est parfois difficile. Ce demande un vraie militance de l’équipe, quitte à frôler l’épuisement, à certains moments. Comment permettre que ce lieu reste ouvert et convivial, en garantissant par ailleurs au porteurs de projets un espace calme et silencieux pour travailler ? Pour cela, l’agrandissement de l’espace a permis de diversifier les activités, de réserver des espaces à chacun. Comment rester disponible pour les personnes avec qui on travaille localement, tout en s’insérant dans des dynamiques de réseau et de questionnements ? Cette dichotomie se traduit aussi au niveau des territoire : entre un niveau très local, et une volonté de rester en lien avec des réseau plus globaux – UNADEL, IDELIF, RECit, groupe de transformation sociale. Le problème des limites a été repris par J Morel du Comité Métallos : comment se positionner face à des financeurs politiques, tout en restant dans la militance ?
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Contact MDS 161 rue St Maur, 75010 Paris Omer Mas Capitolin (06) 82 16 39 46 omer.mc1@gmail.fr
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Ardelaine- faire-ensemble avec pragmatisme et fluidité, vers une démarche citoyenne. L’aventure d’Ardelaine commence, dans les années 70, avec des animateurs de chantiers de jeunes du site du Viel Audon. Ils prennent conscience de la situation difficile du pays ardéchois : en 1975, on jette la laine, qui n’a plus de valeur, les jeunes partent, le pays est destructuré. Ces 7 jeunes gens rachètent la dernière filature de la laine de la région, trouvée par hasard, et qui tombe en ruine. Aujourd’hui, ils sont 30 salariés, et ils sont reconnus comme des acteurs importants de la région. Au coeur de la démarche d’Ardelaine, on retrouve avant tout la question du développement d’un territoire, de notre place et notre enracinement dans ce territoire, de la cohérence entre nos valeurs et notre vie quotidienne. Toute l’équipe nous montre comment une démarche d’expérimentation, ouverte sur les compétences de chacun et ses capacités à évoluer, pleine d’humilité et d’optimisme, porte ses fruits au quotidien. Comment le faire-ensemble, mené avec beaucoup de pragmatisme et de fluidité, peut accompagner chacun vers une démarche citoyenne.
Eduquer en tant qu’acteur : la richesse du changement Réinventer ses propres savoirs Le groupe des 7 fondateurs est très hétérogène. Ils partagent une histoire et une culture commune, le volontariat au chantier de jeunes du Vieil Audon et l’envie d’entrer ensemble dans un projet avec une démarche où on apprend en faisant : le modèle de l’entreprise apprenante, où chacun sait se reconvertir au fil des années, réinventer, repenser ses savoirfaire. En participant à des formations, puis en appliquant leur savoir, le groupe commence par prendre en main la tonte, qui était faite approximativement par les éleveurs ovins, puis redressent progressivement, tout au long de la filière, la qualité de la laine dans les différentes étapes de transformation et vers la marchandise finale. Plutôt que de s’appuyer sur des enquêtes et des expertises, qu’ils comprennent vite n’être qu’une vision partielle de la réalité, ils vont à la rencontre des agriculteurs, se formant au fur et à mesure, dans une démarche de recherche-action avant l’heure. Enfin, ils vont vendre, et rencontrent les clients à travers l’Europe. Cette démarche est facteur de grande mobilité. Chacun ne s’enracine pas dans un rôle déterminé, mais jongle avec ses compétences, et sait s’adapter et avancer, le tout avec beaucoup de simplicité. La force de l’équipe c’est sa diversité, qui lui a permis de rester ouverte sur le monde, et son adaptabilité : chacun a su apprendre de nouveaux métiers. De l’individu à l’entreprise, l’aventure repose sur cette acceptation du changement… qui permet aussi de ne pas avoir peur de l’échec ; au pire on refera différemment ! C’est un apprentissage de la citoyenneté au fur et à mesure, pour chacun des participants à l’aventure. 124
On ne repose pas sur l’idéologie ou le dogmatisme, mais toujours sur l’expérience. Chacun apprend ensemble, les uns des autres. Le mot Eduquer du titre ne ressort pas clairement de se sous-chapitre, il s'agirait plutôt d'auto-éducation comme on dit au Québec « le s’éduquant pluriel ».
Education des consommateur Pour vivre, Ardelaine a vite diversifié ses activités : le musée, fondé en 1989, a accueilli près de 290 000 visiteurs, qui y découvrent les métiers de la laine, visitent les ateliers, et réfléchissent sur les actes de consommation. Ce lieu, qui permet de vendre les produits de l’entreprise, est aussi un lieu d’éducation, à travers des panneaux, des films, etc. Les vendeurs d’Ardelaine ont tous une autre activité : de production, administrative... Ils ne sont pas externes à l’entreprise, cela permet de vraiment parler du produit et du territoire aux consommateurs. .
Par ailleurs, par leur travail et leur rigueur, l’équipe a pu montrer aux habitants de la région que c’était possible de faire un travail de qualité, qui bénéficie au territoire (valorisation des ressources, créations d’emplois, accueil de nouveaux acteurs). Bien sûr, cela pose des questions, quelques jalousies. Mais globalement, avec le temps, les habitants du village et des alentours sont très heureux de l’aventure… et pour certains ils y participent. Les premiers acheteurs des produits ont été les consommateurs urbains sensibles aux problématiques : santé, nature, qualité de vie, écologie. Ensuite à partir de l’ouverture du musée les ardéchois sont devenus consommateurs sur des critères d’authenticité. Il n’y a pas, cependant, d’action annoncée d’éducation populaire à proprement parler, ni auprès des habitants, ni auprès des 250 éleveurs chez qui Ardelaine va tondre qui peuvent devenir consommateurs par la valorisation de leur apport de laine par bons d’achats. Cela résulte d’un choix : on fait plutôt qu’on ne prêche. Ceux qui veulent en savoir plus, et partager l’esprit de l’aventure peuvent à tout moment venir s’y joindre.
Le faire-ensemble comme voie vers l’engagement Une SCOP (c'est quoi en clair) pour l’éducation des salariés – pédagogie de la responsabilité La démarche d’éducation en tant qu’acteur nous mène donc à l’importance du faire pour apprendre soi-même, et potentiellement transmettre à ceux qui nous entourent. Mais pour que l’aventure se développe, on a vu qu’elle devait reposer sur une vraie équipe, et sur un esprit collectif de coopération, où chacun est complémentaire. L’entreprise est l’œuvre de chacun, dans l’équipe, et sa structure traduit cet attachement. Dans une SCOP, il n’y a pas de possibilités d’enrichissement à la vente de l’entreprise, pas de spéculation possible3 On pourrait parler d’une entreprise d’utilité publique. Cela se traduit par une répartition juste des biens - l’échelle des salaires est quasi égale à un, le 3
Références de livres pour les personnes qui ont des questions plus précises : « Moutons Rebelles » Editions REPAS pour l’histoire d’Ardelaine. « La coopérative, une autre façon d’entreprendre » Editions SCOPEDIT.
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SMIC - et par la volonté d’impact positif sur le territoire qui s’en trouve mieux structuré, et rajeuni. Les décisions sont prises collectivement. Chacun peut avoir des parts de l’entreprise, sur la base de un homme = une voix. Cette volonté coopérative permet à chacun de s’engager à son rythme, en fonction de ce qu’il croit. Tous les salariés ne sont pas coopérateurs, et tous les coopérateurs ne sont pas salariés. Il existe aussi des clients solidaires certains sont sociétaires d’autres non, leurs désirs étant de soutenir l’entreprise de différentes manières. C’est un réseau qui se constitue et qui établit un rapprochement entre les consommateurs et l’entreprise. Cela traduit la souplesse de la structure, qui est essentielle pour que chacun puisse faire son chemin vers l’engagement et y trouve sa place. L’exemple de Fontbarlettes : en milieu urbain Lorsque Ardelaine a pensé faire un atelier de confection, il a été décidé de le faire à Valence, pour bénéficier de l’expérience textile de la ville, mais surtout pour faire un lien avec le milieu urbain. Quand Meriem Fradj a créé son emploi, elle s’est donc installée près de ces nouveaux ateliers, à Fontbarlettes, et y a trouvé un quartier dégradé, morcelé en îlots. En créant une association, le Mat, l’idée a été de remobiliser progressivement les habitants en tant qu’habitants , en s’appuyant sur le même principe que celui de St Pierreville : valoriser les ressources et restructurer. En zone rurale fragilisée on réanime d’abord les ressources du territoire, en zone urbaine concentrée la ressource est plutôt l’habitant. Comment restructurer un milieu par le Faire Ensemble et le Faire Avec ? Un exemple de cette action est le jardin Rigaud, jardin partagé : (une petite description de ce concept serait utile ?) A partir d’une « animation jardin » avec des enfants dans des bacs de béton délaissés et de la gestion partagée d’une « aire de jeux » dans une cour (dans l’idée d’une réappropriation des espaces par les habitants), une demande de jardinage est apparue dans l’immeuble. En partenariat avec Ardelaine, l’association le MAT a permis que ce projet soit pensé collectivement entre les habitants, soit négocié avec la municipalité et aboutisse à une réalisation de jardins situés en pied d’immeuble. Dans ces jardins, les habitants se retrouvent, dans l’intergénérationnel et l’interculturel. Aujourd’hui, le projet évolue à son rythme vers plus d’autonomie. Peut-être sera-t-il très différent dans deux ans : on retrouve la souplesse et l’adaptabilité d’Ardelaine. Des projets d’extensions sont en cours.
Le tuilage Cet esprit collectif repose aussi sur une identité commune. Chacun effectue un peu toutes les taches, à un moment ou un autre, et chacun se connaît dans l’équipe. La fluidité joyeuse Pour que chacun se sente heureux et à sa place, il faut que chacun s’approprie l’histoire et la vie de l’entreprise. Les « ponctuations » permettent de suivre les activités de tous, de plus 126
ou moins près : à la fin d’une phase d’activité (tournée de vente, saison de lavage, fin de la réalisation du catalogue etc.), les responsables de ces activités présentent leur travail au reste de l’équipe sous forme légère et gaie (scénette de théâtre, photos, etc.) Cela évite les prises de pouvoir, et l’enfermement dans son secteur, et permet d’être à l’écoute des remarques des uns et des autres. Soutenir et alimenter l’histoire commune, une démarche permanente. Mais quand l’équipe évolue, s’agrandit, il faut s’assurer que l’histoire de l’entreprise est connue et appropriée par tous. Le livre écrit sur l’histoire d’Ardelaine « Moutons rebelles » y contribue. Il reste toujours un noyau aujourd’hui, mais si quelqu’un s’en va, il aura transmis ses savoir-faire aux autres. Pour cela, il faut toujours s’appuyer sur les questions de Pourquoi ça marche ? Comment ça peut marcher ensuite ? Le passage de relais se fait en se côtoyant, et en comprenant sa propre histoire et l’histoire collective. C’est aussi le cas à Fontbarlettes, où des panneaux reprennent des photos de moments forts pour l’association, où les gens peuvent se voir et se sentir une part de l’aventure collective.
Une recherche de cohérence, pour soi et pour son milieu Pour ne pas se laisser déborder par le quotidien, rester à l’affût des changements de l’époque avec un grand réalisme économique, développer l’entreprise sans la dénaturer, il faut rester ancrés sur des valeurs précises et claires, qu’il faut repréciser à chaque tournant. Par exemple, l’équipe a décidé de refuser un marché avec des Japonais qui leur demandaient de faire des gilets de laine brute du « paysan français typique ». Cela aurait demandé de s’agrandir considérablement, et donc d’abandonner l’exigence sur la qualité de la laine, sur la provenance locale - Massif Central – et sur la rigueur de la tonte – encore aujourd’hui effectuée par Ardelaine. « Une croissance trop rapide de l’équipe n’était pas souhaitée et la logique Hors sol de la croissance nous aurait fait partir de ce territoire vers la vallée du Rhône ». C’est pour des raisons semblables qu’ils ont aussi toujours refusé la grande distribution. Il est nécessaire de faire le point tous ensemble à ces moments clés, de se retrouver pour reparler des valeurs qui nous animent, et faire les choix en conséquences. Cela demande une rigueur de tous, et une écoute des désaccords. Cela pose la question de la taille. Cette question est au cœur des interrogations aujourd’hui. Comment garder au centre de la démarche l’humain, l’échange, l’apprentissage, les liens, et une histoire collective, si l’entreprise s’agrandit ? Aujourd’hui, il est question de créer d’autres expériences annexes et complémentaires, pour ne pas agrandir l’entreprise.
Perspective. Capacité d’adaptation Ardelaine va poursuivre cette démarche de pluralité, en créant un nouveau secteur d’activité soutenu par l’Etat dans le cadre d’un « pôle d’excellence rurale ». Par exemple, avec la chute des subventions européennes à la viande, une grosse menace pèse sur l’économie de la région, qui vit à 70% de l’élevage. Toujours dans une optique 127
d’éducation par le faire-ensemble, Ardelaine voudrait soutenir la création d’un restaurant de viande ovine. Des formations : La coopération comme compétence. Les systèmes d’entreprise développés jusqu’à présents, autour de l’individualisme, du libéralisme à outrance, fonctionnent mal, et les dirigeants sont en train de comprendre qu’il leur faut évoluer pour survivre4. Des entreprises, des banques, font déjà appel à Ardelaine pour leur témoignage dans le champ de la coopération, pour former leurs salariés à d’autres modes de travail Cela reste encore minoritaire, mais l’idée d’Ardelaine est de faire des formations sous forme d’université hors des murs, pour insister sur l’importance de la coopération, même au sein de systèmes commerciaux plus grands. Depuis 10 ans elle participe à une formation compagnonnage à la « culture d’entreprise coopérative » dans le cadre du réseau REPAS (Réseau d’échange et de pratiques alternatives et solidaires ». Ce réseau national d’une trentaine d’entreprises se rencontre deux week-end par an sur le site d’une entreprise pour échanger sur un thème autour de ses pratiques. Il a créé la formation « compagnonnage » pour pouvoir ouvrir ces réflexions, ces témoignages à des jeunes en recherche. Chaque année une quinzaine de jeunes de 18 à 30 ans suivent un parcours de 4 mois dans lequel ils alternent immersions dans les structures du réseau, « groupes action » dans lesquels ils mènent des micro-projets en équipe et regroupements de compagnons (bilans, orientations). Les anciens compagnons ont maintenant structuré leur propre réseau et mutualisent leurs projets. Par ailleurs, Ardelaine participe depuis cette année 2007 à la création d’un projet « d’école de la coopération » en Rhône Alpes qui a pour objectif de permettre à l’expérience des acteurs de l’économie sociale de devenir connaissances visibles et transmissibles dans le cadre de modules de formation. www.ecole-cooperation.fr Il s’agit donc d’éduquer chacun à la vigilance et à l’inventivité pour résister et construire activement et collectivement.
Contact Ardelaine Gérard et Béatrice Barras 07190 St PIERREVILLE bea.barras@ardelaine.fr www.ardelaine.fr 4
La crise du CPE (attention aux sigles non traduits, je ne sais pas ce qu'est le CPE ; par ailleurs, un même sigle peu avoir des traductions différentes selon le lecteur et son milieu social ou professionnel) a montré que les anciens fonctionnements ne sont plus acceptés
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Outils pour aller plus loin
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Trame de lecture d’expérience RECit invite des structures à présenter leurs expériences, en insistant sur le sens de l’action, et le questionnement en profondeur. Ces fiches sont regroupées en répertoires d’expériences ou publiées sur le site Internet, pour les faire connaître, les mutualiser, et approfondir les démarches et méthodes porteuses d’éducation citoyenne à travers les expériences. Il s’agit de décrire une action menée explicitant en quoi cette expérience est porteuse d’éducation citoyenne et émancipatrice, et non de décrire une organisation. Par exemple on pourra parler de comment la préparation d’une fête avec les habitants a changé la dynamique du quartier, et non du foyer rural qui organise cette fête. Cette trame permet avant tout de guider les questionnements et d’aider à formaliser et systématiser la rédaction de fiches. Nous proposons 5 points principaux, qui ne doivent pas être un carcan, mais peuvent être prises comme un guide et des propositions : un questionnement autour d’une expérience, pour rédiger une fiche, doit rester un échange ouvert. Les questions détaillées, au dos de cette trame, ont pour but de donner des idées des thèmes à aborder pour creuser la réflexions, pendant les rencontres, et a posteriori. Elles sont destinées à aider à rédiger le récit de l’expérience. Le récit d’expérience doit prendre une forme libre, selon le rédacteur, et ne doit pas suivre une trame figée. Vous trouverez des exemples de fiches sur le site de RECit : http://recit.net/rubrique.php3? id_rubrique=78
Questions pour guider les entretiens Pour rédiger le récit de l’expérience en 3000 signes (2 pages)
• Genèse et contexte Eléments déclencheurs, motivation des acteurs.
• Sens et Portée Faire ressortir les principes et valeurs sous jacents à l’expérience Pratiques à visée d’éducation citoyenne Comment sont incarnées ces valeurs à travers des méthodes et des outils ? En quoi cette expérience est-elle source de prise de conscience, de coopération, de contribution collective ?
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• Ressources Quelles ressources humaines, matérielles, financières, temporelles ont été mobilisées ?
• Evaluation, source d’analyse Quelles sont les conditions de réussite et les difficultés dont il faut tenir compte pour mener à bien l’expérience et progresser ensemble ? Quels impacts et changements ont été induits par l’expérience ?
• Perspectives Qu’est ce qui permet, individuellement et collectivement, d’élargir l’expérience et la transposer ?
Résumé (en une dizaine de lignes) Faisant ressortir le sens, la portée et les enseignements à tirer de cette action en matière d’éducation citoyenne. Ce résumé constituera la page de présentation de l’expérience sur le site de RECit – le récit en deux page figurera en pièce jointe.
Contacts et compléments Cette expérience fait-elle partie d'un réseau, d'une démarche plus large ou connaissez vous d’autres expériences similaires ? Coordonnées d'un correspondant pour en savoir plus : Nom et prénom / Adresse postale / Adresse électronique /Téléphone(s) prof / domicile / portable - Accord pour que ces coordonnées soient publiées sur le site Internet de RECit avec le récit de l’expérience ? Des informations sont-elles disponibles sur un site Internet, si oui la page ou l'adresse du site avec lequel nous pourrions établir un lien ? Documents pour compléter cette fiche (à mettre en ligne éventuellement sur le site de RECit, format pdf, rtf, Word…) ? Quels mots clés (3 maximum) caractérisent l’expérience ? Qu’y a-t-il à ajouter ?
Idées des thèmes à aborder pour creuser la réflexion Pendant les rencontres, et a posteriori. Elles sont destinées à aider à rédiger le récit de l’expérience.
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• Genèse/contexte de l’expérience Elément déclencheur /motivations des porteurs du projet et des participants
• Sens/finalités/Valeurs/Principes qui sous tendent l’action/le projet/la démarche/l’expérience • Objectifs concrets de l’action • Démarche, Méthode(s)/outils Méthodes, Outils (pour informer, animer, organiser, communiquer…) Acteurs/Partenaires (leurs rôles respectifs) Financements, Ressources, Compétences Que peut on dire des méthodes et des savoirs-faire utilisés ou découverts en terme de cohérence avec les valeurs? (Vous pouvez joindre des fiches pratiques sur les méthodes que développées ou utilisées) Quels moyens doit-on se donner pour mener l’action à bien (on pourra préciser quelle est la source des financements) Observe-t-on une attitude de recul, d'analyse critique du (des) porteur du projet par rapport à son (leur) propre rôle ? Des outils ou méthodes d'analyse, de révision de rôle sont-ils mis en oeuvre ?
• Analyse, Perspectives Résultats et Portée de l’action / Changements observés Etapes ou tournants importants Difficultés (humaines, techniques, financières) / Obstacles Portée/impact sur les acteurs et sur le territoire ? Quelles critiques peut on faire sur la cohérence entre les objectifs, les méthodes et les moyens ? Quelles leçons en tirer pour d’autres expériences ? Quels objectifs au départ et aujourd'hui? Questionnements et difficultés surmontées ou pas et comment ? Atouts et conditions de réussite ?
• Conclusion /Analyse • ENJEUX, PORTÉE, PERSPECTIVES Quelle est la portée de cette action, en termes de développement personnel et de citoyenneté active ? 132
Qu'est ce que cette action a changé, en termes de lien social, de capacités d'initiative, de solidarité, de prises de conscience? Quelles suites donner à l’action ? Comment aller plus loin, avec qui ? Quelles perspectives pour l'avenir ? Comment envisager la place du porteur du projet dans l'avenir du projet? En quelques points synthétiques et factuels, quel serait le scénario idéal ? Le scénario catastrophe ? Le scénario tendanciel (l’évolution la plus probable en fonction du contexte actuel) ?
• EN QUOI CETTE ACTION EST ELLE SOURCE DE PRISE DE CONSCIENCE? En quoi la démarche permet à chacun de prendre conscience de sa situation, de ses propres savoirs, de ses possibilités, de ses aliénations ? Est-ce qu'elle favorise un recul, une libération par rapport aux conditionnements que nous imposent la société, les modes de consommation, les médias, l'école, etc... de penser par soimême, et si oui comment ?
• EN QUOI CETTE ACTION EST ELLE SOURCE DE RÉCIPROCITÉ ? La relation entre porteurs du projet et participants, permet-elle d’aller vers une co-action, un échange, une réciprocité ou chacun est transformé dans la relation pédagogique ?
• EN QUOI CETTE ACTION EST ELLE SOURCE DE COOPÉRATION ET ACTION COLLECTIVE ? L'action favorise-t-elle le passage d'un esprit individualiste à un travail de groupe, à des attitudes de coopération, à la prise en compte du long terme ? à des actions communes ? Est ce qu'elle permet, individuellement et collectivement, d'élargir l'univers des possibles, de développer les attitudes actives, d'aller vers des démarches de création ?
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Invariants de l'éducation citoyenne ? Nous allons penser aux invariants de l’éducation citoyenne à trois niveaux la personne (personne qui participe au projet, personne qui l’organise s’il est organisé) : en quoi cette expérience est-elle prévue pour favoriser le développement de chacun ? En quoi transforme-t-elle ceux qui y participent ? le groupe : en quoi cette expérience a-t-elle changé les rapports entre les participants ? la société : en quoi cette expérience est-elle un pas vers une transformation sociale des participants dans la société, et de la société qui les accueille.
Les conditions d’une pédagogie émancipatrice Se situer dans un espace donné (quartier, commune, "petit pays"), une proximité qui rapproche les personnes Repérer et accompagner des "passeurs" : des personnes suffisamment insérées dans un milieu pour faciliter, déclancher, traduire, rassembler, ... Rester disponible et savoir détecter et nommer les retombées imprévues Respecter le temps de chacun, accepter les temps creux et les temps de maturation Formuler clairement le but à atteindre et les raisons d’agir, de dépasser ses limites
Les signes d’une pédagogie émancipatrice Ceux qui vivent l’expérience peuvent se grandir : découverte de soi, peurs libérées, développement des capacités d’adaptation … Désir d’agir et capacité à innover Réciprocité dans les échanges. Allègement des rapports frontaux (usagers.professionnels, salariés/bénévoles, privé/public) Changement réciproque des regards sur les personnes (les représentations) et sur le travail Plaisir partagé Création de nouveaux liens Progressivité de l'action : le cheminement n'est pas toujours linéaire - des étapes, une part d'imprévu
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Transformation des individus - porteurs de l’expérience et participants On peut différencier le porteur de l’expérience, s’il s’agit d’une expérience formelle, ou organisée (ses intentions, en quoi il met en place des outils qui faciliteront le cheminement vers une expérience émancipatrice, et en quoi cela l’a transformé), et les participants (en quoi ont-ils été transformés). Chaque point est donc à envisager sous ces aspects là. Sens et construction du devenir Comprendre le sens de l'action menée au-delà des réalisations pratiques Exprimer le sens de l’action menée Ceux qui vivent l'expérience se transforment - « Nous forgeons notre devenir en apprenant » (Platon) : Qu’est-ce qui a changé dans ma vie depuis que je participe à cette action ? Développer une connaissance constructive de soi Douter, savoir se remettre en question Pratiquer une pédagogie qui intègre l’auto-critique Prendre du recul Mesurer les attentes, les objectifs Faire des propositions ouvertes et non figées Prendre conscience de ce qui est central en nous, de nos besoins, de nos forces, de nos limites Construire une intelligence de l'autre, basée sur la reconnaissance de l’autre et le lien de sujet à sujet Souligner la richesse qui naît de la diversité des identités individuelles et/ou collectives Ecouter, faire confiance, coopérer Construire à partir de l’existant (ici et maintenant, le passé, le devenir) ; reconnaître ce qui existe déjà, pour soi et pour l'autre Savoir être : écouter et considérer autrui dans ses différences, mériter sa confiance pour l'amorce d'un dialogue. Favoriser l’expression de l’expérience personnelle, la respecter et montrer la force du témoignage Diversifier les modes d’expression possibles - utiliser les différents médias d’expression, les médias de diffusion, qui font appel aux cinq sens (on apprend aussi avec les sens : goûter, toucher, regarder, écouter, observer - Varier les modes d’interaction : diversification du public concerné Accepter le conflit : Permettre le décalage, éviter d’être en réactivité, expliquer, reformuler, donner du temps à l’échange. Construire ensemble Faire appel à des outils théoriques et méthodologiques de champs qui à priori n’ont rien à voir avec ce sur quoi on réfléchit. 135
Mettre en évidence les côtés positifs d’une expérience (préférer la bouteille à moitié pleine à celle à moitié vide) Faire confiance à des propositions inédites, accueillir des idées nouvelles dans une attitude non-violent Construire à partir des expériences Travailler en réseau et en partenariat Donner place à la convivialité et la fête Développer un esprit critique, valoriser le chemin de l’apprentissage Réfléchir, se sensibiliser autour de sujets de société, apprendre, comprendre Se former par la réflexion et le débat Décloisonner, se décentrer, éviter l’ethnocentrisme Prendre le temps : Laisser chacun aller à son rythme, faire preuve de patience, l’apprentissage se fait dans la relation aux autres et plus les personnes ont des difficultés à s’exprimer plus il est nécessaire d’individualiser les échanges. Prendre le temps pour accompagner, redonner confiance pour ensuite oser prendre la parole et s’engager. Désirer et se motiver Persister, risquer, oser aller à contre-courant Jouer
Transformation du groupe– à compléter Développer des modes d’actions Diffuser une information de qualité, donner les sources, les vérifier Créer une ouverture vers l’extérieur Multiplier les lieux de rencontres, débats et réflexion, pour se former Enoncer les idées forces, les valeurs communes Favoriser la formation permanente pour initier les transformations individuelles et/ou collectives Transférer l’expérience : Montrer à partir d’expériences et de témoignages qu’il est possible d’agir, transmettre le désir d’action. Transférer le sens de l’action, et non ré appliquer en plaquant des recettes Laisser à chacun sa place
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Transformation sociétale – à compléter Existence d'une charte dans la structure observée clarifiant le cadre de référence et la nature des engagements Existence d'une convention d'engagement partenariale, document contractuel co-signé par les acteurs et les actants de l'organisation qui précise des engagements bi ou multipartites individualisés inclus dans une démarche de projet collectif initiant un pacte social. Transférer l’expérience - transfert en profondeur, et non décalquage de l’expérience Rêver - Rêver des utopies à plus grande échelle à partir de l’exemple de l’expérience Ont participé à l’élaboration de ce documnt : Groupe "Quelles références...? " et Groupe des Butineurs : Agnès Legris, Claude Delbos, Anne Minot, Camille Lenancker, Jean-Pierre Dodet, Elizabeth Bourgain, Kèmi Fakambi, Laurent Ott, Beatriz Pineda Kèmi Fakambi, Raymond Allouche, Laetitia Camps, Jean N'dema, Danielle Delebarre, Julie Banzet, Caroline Luciathe, Sylvie Brel, Antoine Valabregue, Ide Bleriot, Denis Michel Brochet, Laetitia Prange,Véronique Bombardieri, Eric Colas, .Agnès Legris, Laurent Ott
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Plateforme internationale de l’Education Citoyenne
Fiche de suivi et contact
Tout ce travail de recueil et d’approfondissement des expériences nous paraît essentiel pour ancrer notre travail sur l’éducation citoyenne. Cependant, nous avons besoin de vos retours pour pouvoir préciser les méthodes et les façons de procéder. Cette fiche de suivi vous permettra de commenter votre lecture, et éventuellement participer au groupe des butineurs à votre tour.
• Coordonnées Nom, Prénom Adresse Mail Téléphone
• A propos de ce recueil d’expérience Lieu où j’ai acquis ce recueil
Pourquoi m’a-t-il intéressé ?
Usage que j’ai de ce recueil, avec des exemples : personnel, professionnel, etc 139
Commentaires, suggestions pour ce recueil
• Participer au groupe des butineurs O Je souhaite participer aux groupes des butineurs et aller à la rencontres d’expériences avec RECit – groupe sur Paris et dans des groupes locaux de RECit, en France O Je souhaite témoigner d’une expérience et rencontrer un butineur. Description rapide de l’expérience :
• Participer à RECit O Je souhaite être tenu au courant des activités de RECit O Je souhaite participer aux activités de RECit O Je souhaite participer en tant que bénévole à l’organisation de RECit sur divers chantiers Fiche de suivi à nous retourner à RECit, 15 av Robert Fleury, 78220 VIROFLAY Pour en savoir plus… ou participer, contactez – nous !
www.recit.net Julie Banzet, julie@recit.net, 06 67 05 58 95
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Le présent fascicule est le fruit d’un travail en commun avec les partenaires de la plate forme au fil de ces deux années. Il rassemble les récits de 20 expériences porteuses d’éducation citoyenne ayant participé, de près ou de loin aux échanges lors de la Plateforme Internationale d’Education Citoyenne. Ces expériences agissent dans différents champs d’action, et dans des contextes très différents. Ces fiches et ces réflexions sont l’aboutissement d’un travail d’expérimentation en réseau, ouvert à de nouveaux partenaires, avec l'exigence d'un travail de chacun dans la durée. Les échanges à distance, par mail et Internet, ont donné lieu à une observation des méthodes et des difficultés rencontrées, de même que les rencontres physiques. Ce document est destiné à servir à tous ceux qui souhaitent se donner des repères pour entreprendre une action ou pour élaborer un programme qui prend en compte la dimension « éducation citoyenne ». Achevé de rédiger le 30 septembre 2007 et édité par RECIT Pour plus d'information on peut consulter le site www.recit.net RECIT (réseau d’écoles de citoyens) recit@recit.net 15 avenue Robert Fleury 78 220 VIROFLAY (France) 06 67 05 58 95
Prix : 5 euros