Le Guillon n° 42 - FR

Page 1

LA REVUE DU VIN VAUDOIS

WITH ENGLISH SUMMARY

N째 42 1/2013

REVUELEGUILLON.CH


Depuis 1933

www.cidis.ch

meilleur rosĂŠ suisse


Revue Le Guillon Sàrl Chemin de la Côte-à-Deux-Sous 6 CH-1052 Le Mont-sur-Lausanne Tél. +41 (0)21 729 72 68 – revue@guillon.ch www.revueleguillon.ch Photo de couverture: Régis Colombo Amphores chez Bernard Cavé à Ollon.

Le Guillon, la revue du vin vaudois paraît deux fois par an en langues française et allemande; résumés en langue anglaise.

UNIQUE! Françoise Zimmerli Depuis toujours, Le Guillon, la revue du vin vaudois se distingue des autres revues qui parlent du vin. Avant tout parce qu’elle se concentre sur le seul Pays de Vaud, qu’elle explore dans ses facettes les plus fascinantes. En Suisse, c’est unique. A l’étranger, c’est rare. Partout, c’est singulier. C’est d’autant plus singulier que la consommation de vin diminue partout. Ici aussi, mais l’aura du vin vaudois reste bien vivante. Certains voudraient bien le confiner à un vin régional, mais voilà: le vin vaudois ose croire à son destin en s’affirmant dans cette revue où, d’année en année, vous, lecteurs et lectrices, vous pouvez le suivre au plus près de sa vérité. Par son histoire, son vécu, le patrimoine vitivinicole vaudois est unique, comme celui des plus grands vignobles. Et parce que nous tenons à vous qui nous lisez, nous soutenez, nous avons osé. Osé relooker sa couverture pour revenir aux fondamentaux: un visuel, un titre! La tendance actuelle des magazines culturels. D’ailleurs, pas besoin d’en dire davantage. Il vous suffit de tourner la page pour trouver le sommaire qui dévoile les nombreuses pistes que nous vous proposons de parcourir dans ce numéro. Autres nouveautés, notre adresse mail et celle de notre nouveau site Internet. A partir du mois d’avril, ce dernier sera le lien entre vous et votre revue. Un lien étroit pour commander un abonnement, réserver un espace publicitaire, ou pour que nous puissions vous donner des nouvelles de nous entre deux numéros. Alors tapez www.revueleguillon.ch, vous serez chez vous! P. S. A big welcome to those of you reading the magazine in English. Whether you live in Switzerland or are just visiting, we hope you enjoy learning more about the exceptional wines made in the Pays de Vaud and our unique art of living.

Tendance L'œuf de Colomb

2

Vin Vaudois Un modèle d’avenir… L’OVV, support pour coacher le futur Raymond Metzener couronne sa carrière Les «Wyschiff» misent sur la complémentarité

5 11 16 18

Dégustation Servagnin et Plant Robert deux rouges parallèles La dégustation Thierry Ciampi, l’œnologue (qui) a tout gagné Concours en Suisse et à l'étranger

22 26 30 33

Ceci, celà 37 Nos terroirs ont du talent Quand le terroir arrive en ville

38

Nos régions sont des perles rares Vully, l’union fait la force

43

Confrérie du Guillon Message du Gouverneur 51 Ressats des Mercuriales 52 Hommages 62 Propos de Clavende 63 Cotterd 64 Les Quatre heures du vigneron, à Cully 67 Portrait de conseiller 71 Soulevons le couvercle 72 Guillon d'Or – Clos, Domaines & Châteaux 76 L’étiquette en folie, les visages du vin 79 La colonne de Michel Logoz 80

IMPRESSUM: Gérants: Dr Jean-François Anken (président), Gilbert Folly, Daniel H. Rey. Partenaires: Confrérie du Guillon; Office des Vins Vaudois; Label de qualité Terravin; Fédération des caves viticoles vaudoises; Section vaudoise de l’Association suisse des vignerons encaveurs; Service de l'agriculture (SAGR) – Office cantonal de la viticulture et de la promotion (OCVP); Service de la promotion économique et du commerce (SPECO). Direction de l'édition: Françoise Zimmerli. Ont collaboré à ce numéro: Jean-François Anken, Pascal Besnard, Edouard Chollet, Caroline Dey, Gilbert Folly, Fabien Loi Zedda, Michel Logoz, Claude-Alain Mayor, Pierre Thomas, Alexandre Truffer, Jean-Claude Vaucher, Eva Zwahlen. Adaptation en langue allemande: Evelyn Kobelt (Confrérie), Eva Zwahlen. Traduction: Loyse Pahud (français). English adaptation by CFS Communication, Geneva. Art director: STLDESIGN – Estelle Hofer Piguet. Photographes: Studio Curchod – Edouard Curchod, Diapo.ch – Régis Colombo, Kairos atelier photos – Sandra Culand, Caroline Dey, Philippe Dutoit. Photolitho et impression: IRL plus SA. Régie des annonces et abonnements: www.revueleguillon.ch – revue@guillon.ch – ISSNN 0434-9296


Tendance

L'œuf de Colomb A côté des cuves, des foudres et des barriques de chêne, d’étranges contenants ovoïdes ont fait leur apparition dans les caves vaudoises. Baptisés amphores, ces nouveaux venus donnent naissance à des cuvées très appréciées de la critique. Nous avons donc enquêté sur ces œufs aux propriétés mystérieuses. Alexandre Truffer – Photo: Régis Colombo Le meilleur pointage du Grand Prix du Vin Suisse 2012 arborait sur son étiquette «Johannisberg élevé en amphore». L’Ovaille 1584, le Premier Grand Cru sélectionné pour devenir le vin du Conseil d’Etat pendant l’année 2012, a connu le même type de vinification. Deux exemples qui montrent l’intérêt d’un contenant arrivé sur sol vaudois il y a moins de dix ans. De la terre au béton Le terme amphore peut prêter à confusion. Pendant plus d’un millénaire, les amphores (des vases ansés en argile) servent à transporter des marchandises dans tout le bassin méditerranéen. A partir du IIe siècle de notre ère, les tonneaux, plus légers et très maniables, deviennent le contenant le plus utilisé pour le commerce du vin. Cependant, la terre cuite demeure le matériau de base des vases de très grande taille enterrés dans le sol qui sont utilisées pour la fermentation et l’élevage du vin. Dolia romaines ou kvevris géorgiennes, ces amphores font aujourd’hui l’objet d’un retour en grâce auprès de certains vignerons novateurs. Toutefois, les amphores qui nous intéressent ont un parcours différent, comme l’explique Charles Rolaz, administrateur de la maison Hammel SA: «Les œufs ont été développés par la société bourguignonne Nomblot sous l’impulsion de Jean-Daniel Schlaepfer, du Domaine des Balisiers, à Genève. Cette

2

forme particulière permet une dynamique des fluides différente de celle existant dans un contenant carré ou rectangulaire.» Dans le Chablais, Bernard Cavé, qui a acquis 24 de ces œufs depuis 2006, confirme que «les lies en suspension dans le vin tournent sans interruption. Ce mouvement n’est pas visible à l’œil nu, mais il existe bel et bien et provoque une hydrolysation des lies (réd.: une décomposition en éléments plus petits et facilement solubles qui confère gras et rondeur au vin). Ce phénomène va épanouir le vin.» Au Domaine La Capitaine, à Begnins, Reynard Parmelin ajoute que «les amphores semblent une excellente solution pour apporter du volume au vin sans amener d’arômes boisés. A l’image de la barrique, nos amphores sont construites dans un matériau poreux qui permet une micro-oxygénation naturelle.» Des blancs minéraux et des rouges épanouis Si les amphores favorisent le travail des lies et laissent le vin respirer sans le doter d’arômes boisés, elles offrent un troisième avantage que détaille Charles Rolaz: «Le ciment naturel utilisé pour les œufs possède une inertie thermique différente de celle d’une cuve en inox. Avec le métal, la température monte assez rapidement pendant la fermentation et il faut ensuite réguler, tandis que dans un œuf, d’un volume plus petit (600 à 700 litres), on reste naturellement entre 15 et 16 °C.» Chez Hammel, les œufs ont surtout

Le Guillon

N°42 1/2013


été testés sur des cépages blancs comme le chasselas et le savagnin blanc. «Nous avons obtenus nos meilleurs résultats sur des blancs élevés en biodynamie et vinifiés sans fermentation malolactique. Après un passage en amphores, les vins apparaissent plus ciselés et plus précis. Leur toucher de bouche se révèle lui aussi différent, avec un surcroît de fruité et de complexité.» A Ollon, les veines de gypse donnent aux vins un accent minéral, presque salin. Bernard Cavé qui élève du chasselas, de la marsanne blanche, du savagnin blanc et du riesling en œuf pense que l’amphore permet d’amplifier cette caractéristique: «C’est non seulement excellent pour le chasselas, mais cela permet aussi de faire apparaître des notes minérales sur le cabernet franc. Bien sûr, on gagne aussi en onctuosité, mais les rouges suisses possèdent assez de fraîcheur pour rester équilibrés.» A Begnins, Reynald Parmelin a réalisé des essais avec une vingtaine de cépages. «Avec les vins tanniques et corsés, nous avons eu d’excellents résultats. Le passage de quelques mois en œufs permet d’ouvrir ces variétés facilement réductrices.» Concernant le chasselas, ce pionnier de la viticulture biologique a décliné un de ses blancs traditionnels en deux versions pour permettre à ses clients de comparer. Verdict? «L’élevage en œufs donne un vin un peu moins fruité et moins pétillant, mais plus structuré et plus charpenté. Plus gastronomique en un sens!» Charles Rolaz parvient aux mêmes conclusions: «Le chasselas élevé en amphores possède un profil bien défini, assez différent du style traditionnel.» Mais, quand on lui demande si ces contenants vont provoquer une révolution dans la vinification du plus lémanique des blancs, il se montre catégorique «L’amphore constitue surtout un contenant à mi-chemin entre la cuve en inox et la barrique. Elle offre à l’œnologue une nouvelle nuance pour ses assemblages et représente une possibilité intéressante pour les vins de terroir, mais ne remplacera pas l’approche traditionnelle.»

Le Guillon

N°42 1/2013

«Le chasselas élevé en amphores possède un profil bien défini, assez différent du style traditionnel.» Charles Rolaz

3


www.bgcom.ch

L e s m e i L L e u r s v i n s vau d o i s p o rt e n t L e L a b e L t e r r av i n d i e b e s t e n Wa a d t L Ä n d e r W e i n e t r a G e n d a s L a b e L t e r r av i n

ExIgEz le Label d’excellence TERRAVIN Votre garantie de qualité

VERLANgEN SIE das Label der Vorzüglichkeit TERRAVIN Ihre Qualitätsgarantie

Les crus primés sur: Die prämierten Weine www.terravin.ch Office de la marque de qualité TERRAVIN - Tél. 021 796 33 00 - www.terravin.ch - info@terravin.ch


Vin Vaudois

Un modèle d’avenir… Les coopératives ont été fondées durant les années de crise par des vignerons aux abois. Aujourd’hui, elles continuent à jouer un rôle capital dans l’économie vitivinicole suisse. A l’image d’Uvavins, à Tolochenaz, près de Morges. Eva Zwahlen – Photos: Sandra Culand

 Après 31 ans à la tête de la coopérative, Thierry Walz, directeur d’Uvavins – Cave de La Côte, trouve son travail aussi passionnant qu’aux premiers jours.

Créée en 1929 par des vignerons, Uvavins Cave de La Côte s’est ensuite transformée en fédération à l’arrivée des coopératives de Morges, Nyon et Gilly. Avec ses 320 vignerons de La Côte, ses 420 ha de vignes et ses 230 vins (3,5 millions de litres de production propre plus 2,5 millions importés), elle est la plus grande coopérative vitivinicole du canton de Vaud. Elle figure aussi parmi les vingt plus grands acteurs du marché viticole suisse. Une entreprise qu’il ne faut donc pas sousestimer! Pas plus d’ailleurs que celui qui préside à sa destinée depuis 1990, Thierry Walz. L’ingénieur agronome formé à l’EPFZ, Genevois d’origine, semble avoir de l’énergie pour trois et cumule les charges. Il est le président de la Fédération des caves viticoles vaudoises et de l’Association nationale des coopératives vitivinicoles suisses, ainsi que le vice-président de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses et de Swiss Wine Promotion. Et ce n’est pas fini: il siège encore au comité de la Société des exportateurs de vins suisses et il est le maître de cave de la Confrérie du Guillon. Aux ressats du Château de Chillon, ses traits d’esprit, ses blagues, son aisance oratoire enchantent tout le monde. Après 31 vendanges au service d’Uvavins, Thierry Walz a l’habitude des hauts et des

Le Guillon

N°42 1/2013

5


Vin Vaudois

bas. «Mon travail est aussi palpitant qu’au début, même si je suis plus détendu face aux crises et aux fluctuations du marché, dit-il en souriant. Actuellement, on doit se battre contre le franc fort et la concurrence de vins étrangers devenus moins chers. Et il y a beaucoup de Suisses qui vont faire leurs achats derrière la frontière. On le sent.»

 Rodrigo Banto, Chilien aux racines suisses, est le «visage» de la coopérative. Par la richesse de son multiculturalisme, il incarne la passion, l’ouverture au monde ainsi qu’un attachement profond au terroir.

Desserrer le corset des prix Avec quelles stratégies riposter? «Les vins suisses se meuvent à l’intérieur d’un segment de prix trop étroit que nous devons élargir. Avec nos produits haut de gamme, nous voulons pénétrer dans un segment plus élevé, et d’un autre côté nous proposons des vins nettement meilleur marché: des vins de pays corrects, pas AOC, concurrentiels dans un canal bon marché.» Thierry Walz sait qu’une maison comme Uvavins ne peut pas offrir que des produits chers: la coopérative a pour obligation d’accepter tous les raisins de ses membres.

Et pourquoi? «Parce que nous ne voulons pas nous retrouver sans raisins les bonnes années et débordés les mauvaises. Même si, grâce aux limitations de rendement, nous n’avons plus que de bonnes, voire de très bonnes années!» Il faut dire que la coopérative jouit d’une bonne image, grâce à ses vins vedettes qui, année après année, lui ramènent une brassée de médailles d’or. En 2012, au Grand Prix des Vins Suisses, l’œil-de-perdrix Les Chaumes 2011 a reçu le titre de Meilleur rosé du pays; aux Vinalies de Paris, le Doral Expression 2010 a remporté l’or, tout comme Empreinte 2010 au Chardonnay du Monde. Malgré tout, il y aura toujours des sommeliers – «des Français en général», note malicieusement Thierry Walz – qui, par principe, ne mettent que des vins de producteurs indépendants sur leur carte. Tant pis pour eux! Mais qu’est-ce qui donne son identité à la coopérative? «L’identité de notre maison repose sur nos marques et la personnalité de notre œnologue», répond


Thierry Walz. Parmi les marques, on pense à la collection Le vin vivant, créée en étroite collaboration avec le chef Bernard Ravet, aux vins de terroir ou de domaines, au très raffiné Premier Grand Cru Château de Malessert, ou encore aux spécialités de la gamme Inspiration, dont, par exemple, le splendide Merlot Réserve. Le responsable de tous ces nectars? L’œnologue Rodrigo Banto. Du vin ouvert à la Cuvée Prestige, c’est lui le maître en vinification. Retour aux sources Né en 1969 à Santiago du Chili, Rodrigo Banto a passé son baptême du chasselas il y a bien longtemps. Il n’a pas atterri en Suisse par hasard. Son grand-père était un ingénieur de Nidwald parti chercher sa chance au Chili. Le petit-fils a fait le trajet inverse. Après plusieurs emplois auprès de grandes maisons de vin chiliennes et des détours par le Bordelais et la Californie, il s’est laissé

«C’est important pour nous, cet esprit coopératif, ce côté social. Derrière chaque vigneron, il y a une famille. La richesse se partage, tout comme le risque est également porté par tout le monde.» Rodrigo Banto

tenter par l’aventure suisse. «J’aime les défis», dit-il, et de se souvenir, amusé, de ses débuts en terre vaudoise: «D’abord, on m’a donné une cinquantaine de chasselas à déguster, après quoi j’étais quasi mort…» Le chasselas était pour lui un univers inexploré, le parfait contraire d’un blanc international. «Au Chili, c’était plus simple, il n’y avait que vingt vins à vinifier.» Les vignerons sont sceptiques quand ils rencontrent le nouvel embauché. Mais la providence lui donne un coup de main. «Mon premier millésime, le 2003, était plus chilien que suisse… Cela m’a bien aidé.» Très vite, les vignerons apprennent à respecter Rodrigo Banto et à l’estimer. «D’abord, on a eu des

A Model for the Future Uvavins in Tolochenaz (near Morges) was created in 1929 by winegrowers. Known then as Uvavins - Cave de la Côte it became a federation as cooperatives in Morges, Nyon and Gilly joined up. Now – with its 320 La Côte winegrowers, 420 hectares of vineyards and 230 wines (that’s 3.5mn liters of its own production and 2.5mn imported liters), it is Vaud’s largest winemaking cooperative and one of the 20 biggest players on the Swiss winemaking scene. Heading Uvavins since 1990 is Thierry Walz, a Genevois with a degree in agricultural engineering from the Swiss Federal Institute of Technology in Zurich. He also

Le Guillon

N°42 1/2013

chairs, vice-chairs, or is a member of a long list of boards in the wine sector including Swiss Wine Promotion and the Swiss Wine Exporters’ Association. Walz says that “what gives Uvavins its identity is our brands and the personality of our enologist.” Brands include the “Vin Vivant” (Living Wine) Collection created in close collaboration with Michelin-starred chef Bernard Ravet, and specialty wines from the Inspiration line such as the splendid Merlot Réserve. The enologist is Rodrigo Banto (opposite): from open wines to the Cuvée Prestige, he’s the one in charge of the winemaking.  p. 9

7


Vin Vaudois

discussions sur le bon moment pour vendanger. Pour moi, même si les raisins sont mûrs au niveau des analyses, tant que les oiseaux et les guêpes ne se jettent pas dessus, je ne donne pas le signal.» Depuis, les coopérateurs et leur œnologue forment un bon team. «Durant la vinification, je déguste régulièrement chaque vin, mais je passe la moitié de mon temps dans les vignes», raconte-t-il. «Aux vignerons, nous montrons concrètement, verre en main, l’influence de leur travail sur la qualité du produit. Les distinctions et les médailles sont aussi un bon stimulant.» Pour chacune des 1800 (!) parcelles, Rodrigo Banto décide quels raisins iront dans quel vin. «Nous devons réduire la croissance des vignes, choisir des clones, des sélections et des porte-greffes, opter, selon les années et la situation, pour ou contre la verdure…» Tout

en collaborant activement avec Changins, l’œnologue fait moins d’essais que son prédécesseur, Philippe Corthay. Pour lui, c’est très clair: «Mieux on travaille dans les vignes et moins il y a de problèmes en cave.» Autrefois, on reprochait aux coopératives de séparer le travail à la vigne de celui à la cave. «Chez nous, ça ne fonctionne qu’avec les vignerons et grâce à eux», souligne Thierry Walz. Et Rodrigo Banto d’ajouter: «L’identité de la coopérative repose aussi sur la pensée solidaire, quelque chose qui redevient actuel aujourd’hui.» Car la coopérative ne fonctionne pas comme un commerce privé qui peut refuser les raisins de ses fournisseurs au risque de précipiter ceux-ci dans la misère quand le marché va mal. Elle a le devoir d’accepter toute la récolte de ses membres. «C’est important pour nous, cet esprit coopératif, ce côté social, insiste

Tél. 024 436 04 36 1427 Bonvillars www.cavedebonvillars.ch

8

Le Guillon

N°42 1/2013


l’œnologue. Derrière chaque vigneron, il y a une famille. La richesse se partage, tout comme le risque est également porté par tout le monde.» «Il n’y a que les banques qui ne comprennent pas ce genre de pensée économique, déclare Thierry Walz, sarcastique. Pour elles, nous sommes une entreprise à risque aux performances trop faibles…» En 2009, au tour de Sylvie Camandona, experte passionnée, d’intégrer l’équipe dirigeante d’Uvavins. La directrice commerciale s’occupe des grossistes et des supermarchés, des restaurants et des clients privés. «Beaucoup à faire! dit-elle. Nos produits sont bons et connus comme tels, mais il faut que leur degré de notoriété progresse encore. Nous devons aussi développer notre offre aux restaurants ainsi que nos spécialités, devenir plus actifs dans l’exportation.» Un pour cent de la production part à l’étranger.

His Swiss grandfather emigrated to Chile; he did the opposite after working in Chilean wineries and a detour via Bordeaux and California. It is Banto who decides what grapes from 1,800 (!) parcels of vineyard will go into what wines. He actively collaborates with the Changins School of Engineering, the winegrowing and enology college, but as Walz says “the whole thing only comes together because of our growers.” A cooperative is not a private company that can refuse to buy grapes, it has to take them all thus ensuring revenues for all farmers – and “the cooperative spirit, the social side, is important,” Banto says. Sylvie Camandona (right) joined Uvavins as sales director in 2009. She works with wholesalers, restaurants and private buyers but stresses the importance of exporting. Currently only 1% of production is exported: “These may be niche markets but for reasons of image they’re important.” Uvavins: tradition, quality grapes, moti-

Le Guillon

N°42 1/2013

«Ce sont des marchés de niche mais, pour l’image, c’est important d’exporter.» Peur de l’avenir? Ni Thierry Walz, ni Rodrigo Banto, ni Sylvie Camandona n’ont d’appréhensions. «Nous avons une bonne structure, des installations modernes et beaucoup d’autres atouts», observe Thierry Walz. Une tradition, de belles vignes, des vignerons motivés, des vins reconnus, un œnologue ouvert au monde, un directeur engagé, une conscience sociale… tous ces éléments font de ce modèle prétendument révolu de la coopérative vitivinicole un véritable projet d’avenir.

 Experte, passionnée, Sylvie Camandona est depuis 2009 directrice des ventes de la coopérative.

vated growers – and managers –, renowned wines by a top enologist, a social conscience… the cooperative business model is often said to be no longer viable, but this one is facing the future with confidence.

9


10

Le Guillon

N째42 1/2013


Vin Vaudois

«L’OVV est le support pour coacher le futur» Depuis septembre 2012, une nouvelle équipe est à la tête de l’Office des Vins Vaudois. Le président, Pierre Keller, peut s’appuyer, pour l’opérationnel, sur un directeur, Nicolas Joss, 30 ans, et sur son assistant, Benjamin Gehrig, 28 ans. Tour d’horizon, après cent jours, avec le premier. Pierre Thomas Nicolas Joss, vous êtes du Chablais vaudois, de Saint-Triphon-Gare. Quels liens entreteniez-vous avec le monde du vin? Je suis né dans un domaine familial qui exploitait moins d’un hectare de vigne. Depuis tout petit, j’y ai travaillé et j’ai vendangé. La récolte était livrée à un encaveur. A table, enfant déjà, nous étions familiarisés avec le vin. Raisin et vin font partie de mon éducation! Pourtant, vous ne vous destiniez pas à un métier du vin? J’ai fait mon apprentissage de cuisinier à l’Eurotel-Victoria, à Villars, auprès du chef

Joël Quentin, un passionné d’herbes sauvages. A l’époque, il était possible de faire un apprentissage couplé avec la sommellerie, ce que j’ai fait. Puis j’ai enchaîné avec la formation à l’Ecole hôtelière de Genève. Vous vous êtes alors éloigné du vin? Pas tant que ça! D’abord, j’ai appris à connaître les vins de Genève grâce à l’encadrement de passionnés, à l’école hôtelière. Durant mes vacances, je suis revenu dans le Chablais, faire les vendanges chez Philippe Gex et Bernard Cavé. Et, pour la Vinicole de Villeneuve, où ma maman est gérante, après avoir été secrétaire-comptable. Ensuite, j’ai voyagé dans toute l’Europe vitivinicole, de l’Espagne à l’Allemagne, en passant par le Portugal, l’Italie et la France.

© OVV/Elise Guillod

 À gauche Nicolas Joss nouveau directeur de l'OVV et à droite son assistant Benjamin Gehrig.

Le Guillon

N°42 1/2013

11


Vin Vaudois

Et vous avez embrassé la carrière hôtelière… Au Grand Hôtel Park, à Gstaad, où j’étais parti pour un stage, je suis resté trois ans et demi, à la fin, comme assistant directeur F&B. Ensuite, je voulais aller travailler non pas en station, et ses deux saisons, mais en ville. J’ai été engagé par le Lausanne Palace & Spa, comme cost controller (contrôleur de gestion interne), d’abord au Palace, puis pour le groupe, avec l’ouverture du Château d’Ouchy et de L’Hôtel. Je suis aussi parti pour un long voyage, de Sydney à Hong Kong. Si j’ai visité plusieurs régions viticoles d’Australie, le vin m’a beaucoup manqué en Asie! Deux ans après être rentré, j’avais besoin d’un nouveau défi. Le hasard a voulu que Nicolas Schorderet (réd.: qui venait lui aussi de l’hôtellerie, diplômé de l’EHL) quitte l’OVV. J’ai donc postulé… L’idée de mettre le vin vaudois en avant me plaisait. Comment concevez-vous votre rôle? En ce moment (réd.: à mi-janvier, soit cent jours après son entrée en fonction), j’en suis encore à approfondir deux axes. D’abord, comprendre le vignoble avec une autre vision que celle d’acheteur, qui fut la mienne.

 Verticale Château de Vinzel avec les sommeliers  Mickaël Grou, sommelier au Georges V à Paris, une première au «tirer au Guillon»

© OVV

 Les sommeliers français en dégustation chez Raymond Paccot

12

Je dois me mettre dans la peau du vigneron face au client. Si je connais bien le Chablais, je dois encore apprivoiser les autres régions. Ensuite, appréhender comment a fonctionné l’OVV jusqu’ici. Inutile de trop remonter dans le temps! En deux ans, le marché a évolué, et ce qui était vrai naguère ne l’est déjà plus aujourd’hui. L’attente de tous, c’est que je continue avec ce qui a bien fonctionné et que j’apporte des projets nouveaux. Vous retrouvez l’hôtellerie et la restauration, le secteur Horeca? C’est le premier client des vins vaudois, sa vitrine permanente! Il faut aller au-devant de la jeune restauration. C’est notre clientèle cible. On doit travailler avec les jeunes. Notre projet Horeca, qu’avait lancé mon prédécesseur, a été remodelé. Un responsable a été engagé, Philippe Bujard, œnologue à l’aise dans l’expression orale en français comme en allemand. Avec plusieurs formateurs confirmés, cette année, près de 40 cours de deux ou trois heures seront donnés au personnel d’hôtels, de restaurants et de cafés, avec un choix de vins vaudois élargi. La priorité va au canton de Vaud, afin que les professionnels d’ici servent, en toute connaissance, davantage de vins vaudois, mais aussi à Fribourg, dans le Jura et à Berne. Vous voulez aussi intéresser des sommeliers? Nous allons en inviter pour faire, sous notre conduite, une tournée des vignobles de deux jours en leur présentant plusieurs domaines représentatifs de leur région. C’est ce que nous avons fait, avec des professionnels français d’Annecy, de Lyon et de Paris en janvier. Nous allons continuer, avec de petits groupes suisses, mais aussi étrangers, en partenariat avec l’Office du tourisme du canton de Vaud. A la fin de l’été, Pierre Keller emmènera des vignerons vaudois au Japon… Que vous apporte Prométerre, qui a succédé au Centre patronal, comme «hébergeur» de l’OVV? C’est un soutien administratif pour la comptabilité et pour les locaux. Nous sommes ici en ville, à Lausanne (réd.: près d’Ouchy),

Le Guillon

N°42 1/2013


accessibles en métro et en bus. Les produits du terroir, l’association Art de vivre, les gens de l’agriculture et de l’œnotourisme, tout le monde est sous le même toit et on gagne du temps pour communiquer. Et puis, ne l’oublions pas, ma place est sur le terrain… pas derrière un bureau! Comment vous répartissez-vous la tâche avec votre adjoint, Benjamin Gehrig? Celui-ci entre et ils répondent en chœur: Nous sommes polyvalents et complémentaires! Nous allons partout ensemble. Puis Nicolas Joss reprend: Et Benjamin (réd.: diplômé de l’EHL, avant d’avoir travaillé durant deux ans  p. 15

«Nous croyons beaucoup aux Caves ouvertes!» lance Nicolas Joss. La quatrième édition se déroulera à Pentecôte (18 et 19 mai 2013). La fréquentation était estimée à plus de 90 000 personnes en 2012. Plus de 1000 arrangements avec les CFF (Railway) ont été vendus en 2012, et l’opération est reconduite cette année; elle promet 15% de rabais sur les billets de train et les passes d’accès (à 15 francs). Nouveauté cette année: le samedi précédant les Caves ouvertes (dans tout le vignoble vaudois, Vully compris), une piqûre de rappel aura lieu dans une dizaine de villes, à Lausanne, mais aussi à Berne, Fribourg et Bulle, avec des grappes de ballons et des passes à gagner. www.cavesouvertes.ch

Promotion Office OVV

“Coaching the Future” Since Fall 2012, operations at the Office des Vins Vaudois (OVV) under President Pierre Keller – the high-profile former director of the University of Art and Design Lausanne (ECAL) – have been headed by Director Nicolas Joss, 30, and his assistant, Benjamin Gehrig, 28, whose respective ages point to one of the OVV’s main aims: ensuring a healthy future for Vaud wines by creating awareness among the young, encouraging them to opt for wine-related careers and serve Vaud wine with pride. Joss himself hails from a Vaudois vineyardowning family. After an apprenticeship as cook and sommelier, he graduated from Geneva’s Hotel School (EHG). Widely traveled across European wine regions Joss has also traveled in Asia and toured Australian wineries. Some key OVV projects this year are courses about Vaud wines for hotel, restaurant and café staff to be held in Vaud mainly but also Fribourg, Jura and Bern. Managing the courses is Philippe Bujard, a French and

Le Guillon

N°42 1/2013

German-speaking enologist. Starting with a group from Annecy, Lyon and Paris, the OVV in conjunction with Vaud Tourism is also inviting sommeliers – from Switzerland and abroad – to tour Vaud wineries. Gehrig, a graduate of the Lausanne Hotel School (EHL), manages OVV relations with his alma mater: “We want to strengthen ties not only with students but alumni/ae and teachers,” say Joss and Gehrig, adding that they will also be working more closely with Montreux’s Ecole professionnelle des métiers de bouche (EPM).  p. 15

CAVES OUVERTES ON PENTECOST WEEKEND Caves Ouvertes – open house days of Vaud’s wineries – takes place on May 18 and 19, 2013. Last year an estimated 90,000 people attended and over 1,000 CFF (Railway) combo tickets were sold. The tickets offering a 15% discount on the cost of the train and Caves Ouvertes passes (CHF 15) are available again this year. On the Saturday before Caves Ouvertes, keep your eyes open for promos in Lausanne, Bern, Fribourg and towns such as Bulle: there are free passes to be won. www.cavesouvertes.ch.

13


Montage Cruchon irl.indd 1

25.03.10 09:21

Les formations à l’Ecole d’Ingénieurs de Changins Haute Ecole Spécialisée, filière œnologie (HES) Bachelor HES-SO en Œnologie Master HES-SO en Life Sciences, orientation Viticulture et Œnologie Début des cours: mi-septembre de chaque année Ecole spécialisée (ESp) en viticulture, arboriculture et œnologie Brevet fédéral et/ou Diplôme ESp Début des cours: janvier et septembre 2013 Actuellement en voie de transformation en Ecole Supérieure. Ecole du vin (EdV) Formation modulaire destinée aux amateurs et professionnels du vin et de la table Début des cours: en fonction des modules

Ecole d’Ingénieurs de Changins Route de Duillier 50 Case postale 1148 CH-1260 Nyon + 41 22 363 40 50 office@eichangins.ch

www.eichangins.ch


Vin Vaudois

avec Pierre Keller à l’ECAL) gère les relations avec l’Ecole hôtelière de Lausanne. Nous voulons renforcer les liens autant avec les étudiants qu’avec les anciens et les enseignants. Comme nous avons un partenariat avec Gastrovaud pour un concours de l’hebdomadaire gratuit LausanneCités. Et nous voulons nous rapprocher de l’Ecole

professionnelle des métiers de bouche, à Montreux. Il faut que l’OVV soit le support pour coacher le futur… Nous devons donner envie aux jeunes, leur montrer que le service des vins est une passion et que le terroir vaudois est parfait pour l’exercer, cette passion. Ainsi, ils garderont la sensibilité aux vins vaudois.

L’encaissement de la taxe cantonale rapporte 3,5 millions de francs par an. Une partie est reversée aux AOC régionales. Après déduction de la participation à Swiss Wine Promotion, subistent 2,2 millions de francs pour l’OVV. Les dépenses administratives sont plafonnées à 15% des 3,5 millions de francs. Communication (800 000 francs) et manifestations (700  000 francs) sont les deux gros postes du budget: d’une part, nouvelle campagne d’affichage, avec un nouveau graphisme, mais aussi nouveau site Internet, destiné au consommateur, lié à une application pour iPhone (revue) et Android (nouvelle), et, d’autre part, les Caves ouvertes (300 000 francs à elles seules), mais aussi le Montreux Jazz Festival, l’Olma à Saint-Gall, la Zuger Messe, Expovina à Zurich, «Digne d’un Palace» à Lausanne, etc., et la mise sur

pied de la Sélection des vins vaudois. Cent cinquante mille francs vont également à des publications (dont une participation financière à la revue Le Guillon). Les brochures seront redessinées cette année, Guide du vignoble et palmarès de la Sélection). Un conseil d’administration, nommé par le Conseil d’Etat vaudois, chapeaute l’OVV. Il est présidé par Pierre Keller et formé de Sylvie Mayland (Cave de Bonvillars), de Vincent Gränicher (Tartegnin), et, depuis cette année, d’André Fuchs (Schenk, Rolle) et de Philippe Gex (Yvorne). www.vins-vaudois.com

© OVV

PLUS DE 2 MILLIONS DE FRANCS POUR LA PROMOTION

 Expovina ZH, 12-13 novembre 2012, Susi Scholl et Andreas Keller (Présentation des 1er Grands Crus)

Waadtländerwein pure

Leidenschaft

With a 2013 budget of CHF 2.2mn, the OVV plans a new poster campaign, a revamped Internet site linked to iPhone and Android apps, and presence at events such as the Montreux Jazz Festival, Expovina in Zurich, and Digne d’un Palace at the Lausanne Palace Hotel. It will also be launching the Vaud Wine Awards. Publications include a new guide to Vaud’s wineries. The OVV also partially finances this magazine. www.vins-vaudois.com.

Le Guillon

N°42 1/2013

Vins Vaudois,

la passion des

Grands Crus www.vins-vaudois.com

www.vins-vaudois.com

15


Vin Vaudois

Raymond Metzener couronne sa carrière Ceux qui le connaissaient déjà et ceux qui l’ont découvert à cette occasion sont unanimes: le vigneron de Perroy a bien mérité les cinquièmes Lauriers de Platine de Terravin. Les grands noms de Lavaux n’ont pu que s’incliner devant son Clos de la Dame. Cette haute distinction lui a été remise le 22 novembre dernier par ses deux parrains, le conseiller d’Etat Philippe Leuba et le chef Benoît Violier, au Restaurant de l’Hôtel de Ville, à Crissier. Eva Zwahlen – Photo: Philippe Dutoit Raymond Metzener est un vrai vigneron. Du genre de ceux qui ont le métier chevillé à l’âme. Cela fait trois décennies que, comme son père, son grand-père et son arrièregrand-père, il prend soin des vignes du

«Le téléphone n’a pas cessé de sonner pendant une semaine. Le dimanche, j’ai même reçu des commandes en provenance du Japon!» Domaine de Chatelanat, à Perroy, ainsi que d’une partie de celles de la commune. Neuf hectares en tout. «En 2001, il y a eu un gros changement; depuis, je ne suis plus employé par la famille propriétaire mais associé.» Outre son travail à la vigne, il porte depuis lors la responsabilité de la vinification et de la vente. «Si j’étais plus jeune, j’aurais volontiers appris tous les aspects du métier…» ditil d’un ton de regret. Et, bien que le caviste

16

Claude Jacquard et l’œnologue Thierry Ciampi (voir aussi p. 30) soient les maîtres en cave, il adore y intervenir. Il ne retient pas un sourire malicieux: «Au début, avec Thierry Ciampi, on a eu de vraies disputes, mais maintenant on se comprend magnifiquement. Il sait qu’il ne peut faire de bons vins que si je lui amène de bons raisins.» Les trois hommes, Thierry Ciampi, Claude Jacquard et Raymond Metzener, ont l’habitude de déguster ensemble les vins du domaine élevés dans la vieille cave de la propriété et de discuter de la suite à leur donner. Pour le millésime 2011, Raymond Metzener a pu imposer le choix de la levure; il jubile d’autant plus qu’il a gagné: «La victoire m’a donné raison!» En effet… Le vin lauréat est le seul Clos de la prestigieuse association Clos, Domaines & Châteaux. Pendant des années, il s’est vu régulièrement distingué par le label Lauriers d’Or de Terravin. Ses raisins poussent dans

Le Guillon

N°42 1/2013


les 12 700 m2 du Clos de la Dame, dans la zone viticole de Féchy. La vigne prospère sur ces sols majoritairement caillouteux et sablonneux, notamment dans les années humides, comme 2011. Témoin ce chasselas à la minéralité délicate et à l’élégance pleine d’éclat soutenue par des notes de fleurs de tilleul et d’agrumes. «En fait, c’est seulement le dixième millésime dont je suis pleinement responsable», explique Raymond Metzener. Aussi modeste qu’intraitable en matière de qualité, le vigneron voit dans les concours un stimulant: «Mais c’est comme à ski, on ne gagne pas à la première descente. Et celui qui veut gagner doit aussi apprendre à perdre.» Dans le cas de cette cinquième édition des Lauriers de Platine de Terravin, c’est aux grands noms (surtout de Lavaux) d’apprendre… Le Clos de la Dame les a relégués un peu dans l’ombre. Parmi eux, Jean-Luc Leyvraz et Jean Vogel & Fils, deux anciens gagnants. Deux semaines après son foudroyant succès, l’ancien commandant des pompiers et musicien passionné semble encore s’étonner de l’intérêt soudain qu’il a suscité: «Le téléphone n’a pas cessé de sonner pendant une semaine. Le dimanche, j’ai même reçu des commandes en provenance du Japon!» Mais le succès ne vient pas de nulle part. Au contraire. Il est le couronnement et le salaire mérité d’un dur labeur. Contrôleur IP durant de nombreuses années dans les vignes du canton de Vaud et fidèle des cours de formation continue, Raymond Metzener s’occupe de ses vignes selon des principes rigoureux: limitation des rendements, bonne aération des raisins sans trop les exposer au soleil, apport d’azote pour éviter les notes amères dans le vin les années de sécheresse, recherche du point de récolte optimal. Tout cela exige doigté et expérience: «Personne ne vivra assez longtemps pour décrypter tous les secrets de la vigne…» Quand on n’a pas trouvé l’œuf de Colomb, il est d’autant plus beau de gagner les Lauriers de Platine de Terravin! www.domaine-chatelanat.ch

Le Guillon

N°42 1/2013

17


Vins Suisses

Les «Wyschiff» misent sur la complémentarité Un projet mené de main de maître par une association de vignerons passionnés: de Rapperswil à Zoug, en passant par Bâle, Thoune et Lucerne, les dégustations Wyschiff ont pour objectif de se rapprocher du consommateur final en donnant à déguster des vins suisses sur un bateau en contact direct avec le producteur.

© Wyschiff

Texte et photos: Caroline Dey

 Wyswchiff à Bâle

Agenda 2013 Rapperswil: du 28 février au 3 mars Lucerne: du 21 au 24 mars Bâle: du 4 au 7 avril Thoune: du 11 au 14 avril Zoug: du 14 au 17 novembre. www.wyschiff.ch

18

«La force des Wyschiff, c’est de montrer que les vignerons suisses sont unis et complémentaires, relève le président de la Fédération vaudoise des vignerons, le Chablaisien Willy Deladoëy. Nous voulions redonner envie aux Suisses alémaniques de consommer des vins suisses. Comme les vignerons se déplacent sur le bateau pour présenter leurs vins et qu’ils connaissent parfaitement leurs terroirs, ils peuvent en parler dignement.» L’idée de ce concept a été lancée par GuyLouis Chappuis, vigneron à Rivaz, un des fondateurs des Wyschiff. En cela, il s’est inspiré d’Expovina, à Zurich, qui a développé il y a

bien longtemps un concept similaire, mais en y associant des vins étrangers. «Or, notre propos était d’organiser une foire qui présente exclusivement des vins de toutes les régions viticoles de Suisse dans un espace convivial et sur des plans d’eau», explique-t-il, convaincu que l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même. Le vin, produit de notre culture «Le vin fait partie intégrante de notre culture, il est le produit de nos terroirs, ajoute GuyLouis Chappuis, rappelant au passage qu’il a commencé par amener sur le bateau sa clientèle de la foire de Bâle, la Mustermesse. En 2008, «nous avons choisi notre président, Jean-Pierre Cavin, des Artisans Vignerons d’Yvorne, qui s’investit avec passion dans cette aventure». Un secrétaire général a été désigné en la personne de Stephan Schnoz qui s’assure du bon fonctionnement de l’association. Dans un premier temps, il a fallu déposer le nom de la société, trouver un logo, recruter des vignerons, 35 en fait, choisis dans les différents cantons suisses, rechercher des sponsors, faire de la publi-

Le Guillon

N°42 1/2013


cité dans les offices du tourisme, les journaux et les hôtels. Projets pour l’avenir «C’est Bâle, souligne le président, qui rencontre le plus grand succès. Les bateaux sont loués en dehors des heures de foire par des entreprises comme UBS qui offre des cocktails dînatoires à ses clients deux fois par année. Nous organisons le service traiteur avec les vins. Les entreprises sont très satisfaites de nos prestations: elles aiment le cadre et l’ambiance agréable!» Ils aimeraient développer la location de bateaux à des entreprises dans d’autres villes, toujours en relation avec UBS. «Ainsi, en 2013, nous travaillerons avec la banque sur le bateau de Rapperswil. Quant à Bâle, nous organiserons, les 5 et 6 avril 2013, deux soirées «Wine and Dine», sortes de croisières gourmandes pendant lesquelles 12 vignerons feront la promotion de leurs vins.» Dans cette ville où tout a commencé, le nombre de visiteurs progresse d’année en année: de 700 entrées en 2004 à 5000 en 2012. Il a fallu quatre ans à la foire pour être rentable, pour gagner et fidéliser la clientèle. D’ailleurs, elle y dispose de nombreux partenaires, dont la corporation Rebleuten, créée il y a six cent cinquante ans, qui remet chaque année une distinction vinicole renommée et très appréciée dans la branche, pour laquelle le lauréat reçoit 3000 francs. Un jury de spécialistes locaux juge la qualité des vins. La remise des prix se déroule lors d’une cérémonie festive sur le bateau, la veille de la fermeture de la foire. «A l’avenir, dit Jean-Pierre Cavin, nous aimerions aussi naviguer sur le lac Léman, sur celui de Neuchâtel, au Tessin et dans les Grisons. » Le président espère aussi obtenir le soutien de Swiss Wine Promotion. «Comme les foires ne durent que quatre jours, il faut créer l’événement, être sou-

Le Guillon

N°42 1/2013

tenu par les radios locales, les magazines spécialisés, chercher d’autres sponsors, passer des annonces dans les journaux et sur Internet.» L’association travaille aussi en collaboration avec certains hôtels qui proposent ses vins dans leurs restaurants quinze jours avant et après la foire. L’objectif de ces nombreuses actions est d’accroître la notoriété des vins suisses. Un esprit de famille Que pensent, de leur côté, les partenaires vignerons. «Nous présentons des vins haut de gamme, commentent les frères Kursner, à Féchy. Le cadre de travail est agréable et décontracté et la clientèle le ressent. Et, surtout, il y a une grande diversité de produits suisses, représentés par les producteurs eux-mêmes et non par des intermédiaires. Les visiteurs apprécient tout particulièrement ces échanges. Enfin la participation de Terravin, qui assure la promotion des vins vaudois, est un plus.» «Nous voulions aussi présenter nos vins en Suisse centrale, se réjouit Willy Deladoëy, également vigneron à Bex, c’est la raison pour laquelle, nous avons lancé de nouveaux bateaux: à Zoug en 2008, Lucerne en 2009, Rapperswil en 2010 et Thoune en 2012.» Dernier interlocuteur interrogé, Jean-François Chevalley, du Domaine de la Chenalettaz en Dézaley: «Le point fort de ces foires, qui attirent chaque année un public spécialisé toujours plus nombreux, c’est que les vignerons collaborent, s’entraident, recommandent au besoin les vins de leurs collègues. C’est comme une grande famille!»

 De gauche à droite : Le Chablaisien Willy Deladoëy, président de la Fédération vaudoise des vignerons, le président de l’Association Wyschiff, Jean-Pierre Cavin des Artisans Vignerons d’Yvorne (AVY), Guy-Louis Chappuis, vigneron à Rivaz, les frères Kursner, vignerons à Féchy et Jean-François Chevalley, du Domaine de la Chenalettaz en Dézaley. Comme une grande famille!

Nota Bene: Le Lavaux Vinorama à Rivaz reste ouvert durant les travaux d’optimisation de la petite centrale hydraulique du Forestay qui prendront fin à la fin du mois d’août 2013. Le lieu est toujours aussi chaleureux et pro.


WYSCHIFF RAPPERSWIL, LUCERNE, BÂLE, THOUNE, ZOUG VOYAGE DÉCOUVERTE DANS LE MONDE SAVOUREUX DES VINS SUISSES A l’occasion des Wyschiff, des vignerons suisses renommés sont fiers de vous présenter leurs dernières créations en matière de crus. La plupart d’entre eux sont des vignerons-encaveurs issus de domaines familiaux ayant excellé ces dernières années dans les concours nationaux et internationaux en récoltant une pluie de médailles. Ils auront le plaisir de déguster avec vous une palette de 300 vins et attendent avec impatience votre jugement dans un lieu privilégiant le dialogue entre connaisseurs. Laissez-vous séduire et participez à ce voyage captivant dans le monde des vins suisses. Nous nous réjouissons d’ores et déjà de votre visite!

AGENDA WYSCHIFF 2013: Wyschiff Rapperswil

28 février – 3 mars 2013

Wyschiff Lucerne

21 – 24 mars 2013

Wyschiff Bâle

04 – 07 avril 2013

Wyschiff Thoune

11 – 14 avril 2013

Wyschiff Zoug

14 – 17 novembre 2013

Verein Wyschiff Schweizer Winzer Postfach 962 CH-4102 Binningen 2 www.wyschiff.ch

Entrée: Fr. 10.– ( verre Wyschiff compris )


“Wine Boat” Spotlights Swiss Wines "The strength of the Wyschiff idea is that it shows that Swiss producers are not only united but complementary," says Willy Deladoey, President of the Federation of Vaud Winegrowers. It’s an idea that Lavaux producer Alexandre Chappuis says was inspired by Expovina Zurich. But instead of several boats on one lake and wines from around the world, he and his co-founders figured one boat on various lakes (see 2013 Dates) and Swiss-only wines could be a winner too. They were right. Chappuis got the ball rolling by drawing Basel Mustermesse clients aboard a Rhine boat. By 2009 Wyschiff was a full-fledged association of 35 producers with Jean-Pierre Cavin of the Artisans Vignerons d'Yvorne (AVY) as

president. Basel visitor figures went from 700 in 2004 to 5,000 in 2012. Cavin says that in Basel companies like UBS rent the wine boat for client receptions, and Wyschiff is developing that at other locations. Basel’s Rebleuten Guild not only holds a prizegiving ceremony on the boat – it awards a CHF 3,000 prize to the Wyschiff wine its tasters think is best. Open to the public are Wine and Dine cruises during which 12 winemakers present their wines. As Wyschiff steams into the future on its mission to promote Swiss wine, the association aims to develop a presence on Lac Léman and in Neuchâtel, Ticino and Graubünden.

2013 Dates Rapperswil: February 28-March 3 Lucerne: March 21-24 Basel: April 4-7 Thun: April 11-14 Zug: November 14-17 www.wyschiff.ch.

Top Distinction for a La Côte Wine “The phone hasn’t stopped ringing, we’ve even had orders from Japan!” says Raymond Metzener, the Domaine de Chatelanat winegrower whose wine won Terravin’s 5th “Lauriers de Platine” distinction – the Platinum Laurel award that goes to just one Vaud wine a year. The wine that took the prize in 2012 is the

Le Guillon

N°42 1/2013

Domaine’s Chasselas Clos de la Dame 2011 Appellation La Côte. Obviously Chatelanat caviste Claude Jacquard and enologist Thierry Ciampi share the glory with Metzener, but Ciampi is the first to say that it’s the quality of the grapes that makes a wine. And the grapes are Metzener’s job along with management of the Perroy wine estate where his father, grandfather and great-grandfather were winegrowers before him. Metzener also cultivates

most of Perroy’s communal vineyards, for a total of 9 hectares. Over the years Clos de la Dame has regularly won Terravin Gold Laurel distinctions – it is from a year’s Gold winners tasted by pros that the Platinum winner is determined. Clos de la Dame is also the only Clos wine among the wines of the highly prestigious Clos, Domaines & Châteaux association of which Domaine de Chatelanat was a founding member.

21


Dégustation

 Tant pour le Plant Robert (ici) que pour le Servagnin, l’accent est mis sur la viticulture.

Servagnin et Plant Robert deux rouges parallèles Dans le vignoble vaudois, il n’y a pas que le chasselas qui exprime le terroir. Mais aussi deux clones locaux de pinot noir et de gamay, le Servagnin, à Morges, et le Plant Robert, à Lavaux. Points de repère historiques et dégustation parallèle. Pierre Thomas – Photos: Sandra Culand N'allez pas dire aux vignerons du lieu de production Morges qu’ils pratiquent, pour leur rouge fétiche, comme ceux de l’AOC Lavaux. Et réciproquement… Car, de part et d’autre de Lausanne, chacun se croit unique au monde. Pourtant, la démarche, dans l’esprit, est la même, comme le montre notre tableau (page 25). Et, mieux, cette année les surfaces plantées en salvagnin de Saint-Prex et en plant robert sont exactement identiques: 4,2 ha. Chacun de ces deux rouges microscopiques raconte son histoire, grande ou petite, authentique ou romancée. Un pinot noir venu de Bourgogne L’Académie Internationale du Vin s’est délectée de l’épopée du Servagnin racontée avec verve par Raoul Cruchon, admis en décembre dernier. Fondée, par le journaliste Constant Bourquin à Genève, elle y a toujours son siège et regroupe un aréopage de personnalités proches du vin, de l’œnologue à l’amateur, du monde entier. L’encaveur d’Echichens leur a rappelé que, selon l’auteur Jacques Dubois (dans Les vignobles vaudois, réédité par Cabédita), «pour remercier les gens de Saint-Prex, Marie de Bourgogne (fuyant la peste) aurait fait apporter, en automne 1420, des chapons de salvagnin, son cépage préféré». Pour le distinguer des pinots, ce clone restera connu

22

sous le nom de «Salvagnin de Saint-Prex» ou plus rarement sous «Vieux plant Salvagnin». La commercialisation, encouragée par l’Office des Vins Vaudois dans les années 1960, d’un rouge vaudois sous le nom de salvagnin brouille alors l’image… Il faut dire que le plant lui-même a failli disparaître. C’est un contremaître d’une entreprise de travaux publics, Werner Kaiser, qui est à l’origine du sauvetage des derniers ceps dans les années 1950. Et il a fallu qu’il croise un vigneron de Saint-Prex, PierreAlain Tardy, pour relancer ce salvagnin, à partir de trois pieds de vigne, dont un seul survécut. Dès 1990, on replante des ceps dans différents terroirs. Puis, en 1996, alors président de l’Association de promotion de l’appellation Morges (APAMO), Raoul Cruchon estime que «l’histoire est belle, il serait idiot de ne pas en tirer profit». Ce salvagnin devient Servagnin, une «marque commerciale propriété des vins de Morges». Le premier millésime, qui aurait dû naître selon un cahier des charges précis en 1999, fut reporté au millésime 2000. Un gamay «dérobé» au Beaujolais Pour le plant robert, c’est encore Jacques Dubois qui fait office de source, en citant un ouvrage de 1911, de Burnat et Anken,

Le Guillon

N°42 1/2013


mentionnant l’existence de cette spécialité de Lavaux. Qui peut avoir plusieurs noms, comme plant robez ou plant robaz, soit «dérobé». Donc importé d’ailleurs… ouvrant la porte à une autre histoire d’errance, sur les traces de l’arrivée du gamay du Beaujolais, au début du XIXe siècle. Ce «gamay fin de Lavaux» faillit lui aussi disparaître au début des années 1960, lors de la construction de l’autoroute LausanneMartigny. Il fut sauvé in extremis par le vigneron Pierre Paley (1908-1972), puis par le pépiniériste Robert Monnier. Dès 1975, le vigneron Henri Chollet en replante et, avec ses collègues Jean-François Potterat et Blaise Duboux, fonde en 1996 l’association de la marque Plant Robert, Plant Robez, Plant Robaz, dite 3 PR. Il s’agit, d’abord, comme pour le Servagnin, de protéger et de sécuriser le matériel viticole. Grâce à une sélection sévère, les bons plants ont pu être reproduits dès les années 1960, même si une analyse ADN confirme que, génétiquement, le plant robert ne se distingue pas du gamay, dont il est un clone. Aujourd’hui encore, les plants sont tirés de parcelles mères par trois pépiniéristes dûment certifiés.

Le Guillon

N°42 1/2013

Vaud’s Very Own Reds Chasselas isn’t Vaud’s only home-grown grape variety – there are also two clones of Pinot Noir and Gamay respectively: Servagnin from Morges and Plant Robert from Lavaux (see table p. 29). According to Jacques Dubois in Les vignobles vaudois “to thank the people of St. Prex Mary of Burgundy, fleeing the plague, gifted them with shoots of ‘salvagnin,’ her favorite grape, in 1420.” The plant now called Servagnin nearly didn’t make it through the 1950s, but the variety took off again when Saint-Prex winemaker PierreAlain Tardy planted some. It’s now a Morges brand, registered in 1997 with Swiss intellectual property authorities by the Association de promotion de l’appellation Morges (APAMO), which has since become Les Vins de Morges. Jean-François Crausaz is the current president of the Servagnin Commission. Plant Robert – the “fine Gamay of Lavaux” – also nearly disappeared but was saved in extremis by Pierre Paley and Robert Monnier. Henri Chollet planted some in 1975, and by 1996 he and fellow producers Jean-François Potterat and Blaise Duboux had founded an association dubbed the “3 PR” to protect “the Plant Robert, Plant Robez, Plant Robaz brand.” Producers of Servagnin and Plant Robert wines are listed on www.vinsdemorges.ch and www.plantrobert.ch.  p. 29

23


Dégustation

 Pour le Servagnin, le cahier des charges définit des pratiques précises en cave et chez Bolle, Jean-François Crausaz, président de la Commission du Servagnin, pratique le bâtonnage des lies.  Vincent Chollet et sa femme Valérie, tous deux diplômés en viticulture et œnologie, ont pris le relais de Henri et Claire Chollet, au domaine familial.  La taille (courte), étape importante pour régler le rendement de la vigne.

24

En cave, liberté ou corset? S’il existe un cahier des charges à Morges comme à Lavaux, cette «certification de la vigne au verre par l’Organisme Intercantonal de Certification OIC» est propre au Plant Robert, souligne Blaise Duboux. Pour le Servagnin, une bouteille et une étiquette communes, relookées «classe» pour le dixième anniversaire, attestent du passage de toutes les chicanes, dégustation probatoire comprise. Pour le Plant Robert, seule la fascetta rouge (banderole sur le modèle du Chianti Classico) fait foi. Mais la liberté est de mise pour les flacons et les étiquettes! En aval de la vigne, la bride est laissée sur le cou des vinificateurs, puisque le cahier des charges du Plant Robert n’impose aucun élevage, au contraire de celui du Servagnin et ses neuf mois en fûts de chêne, au moins. La plupart des meilleurs élaborateurs du Plant Robert tirent pourtant profit de l’élevage en barriques, comme les Chollet, père et fils. A 67 ans, Henri Chollet, père, a passé le relais à son fils Vincent, 32 ans, et sa femme

Valérie qui officient désormais au domaine. Si, à Morges, chaque producteur ne propose qu’un seul Servagnin – les Cruchon réservant les vignes cultivées en biodynamie pour ce vin, cuvé le plus souvent en grappes entières –, les Chollet en offrent pas moins de quatre versions. Deux sélections parcellaires strictes (Clos de Nant et Clos de la Maisonnette), en cuvage mi-long (trente jours), une sélection parcellaire et de barrique, Sous-Savuit (non classée dans la dégustation, issue en 2011 d’une seule barrique de chêne autrichienne), et la cuvée Chant de la Terre, issue de plusieurs parcelles, dont quelques-unes des plus vieilles vignes du domaine, sur les hauts de Villette, en cuvage plus long. A Lavaux, rappelons-le, les Chollet proposent 30 vins tirés de 20 cépages, sur un domaine de 7 ha planté à 40% en rouge: des caractéristiques quasi valaisannes… Peu de recul sur l’évolution Que ce soit à Morges ou à Lavaux, la production codifiée de vins rouges de terroir reste

Le Guillon

N°42 1/2013


récente. Faut-il alors garder en cave ces vins de niche, vendus entre 18 et 26 francs? «Je conseille de boire nos différents Plants Roberts jeunes, sur le fruit et la fraîcheur», répond sans hésiter Henri Chollet. «On n’a peu de recul sur leur évolution, renchérit son fils. Pour assurer un beau potentiel de garde, il faut réduire naturellement les rendements.» «J’ai immédiatement été convaincu par le concept du Servagnin et depuis quelques années je m’aperçois que nous maitrisons de mieux en mieux son délicat élevage en barriques. Ce qui devrait dévoiler des vins de belle tenue en vieillissant.», confesse Jean-François Crausaz, œnologue de la maison Bolle, nouveau président de la Commission du Servagnin. Se réclamant de traditions viticoles séculaires, les encaveurs de Morges, comme ceux de Lavaux, sont conscients qu'avec l'évolution des techniques, ils n’échappent pas aux enjeux de la vinification moderne.

Le Guillon

N°42 1/2013

Critères Cépage Région Désignation Signe distinctif Nbre de producteurs Surfaces Rendement ° Oechslé mini Elevage Coupage (avec un autre cépage) Déclassement

Mise en marché Premier millésime Internet

Servagnin clone de pinot noir «Vieux Salvagnin de Saint-Prex» lieu de production. Morges, AOC La Côte Grand Cru bouteille et étiquette communes 14 (2011) 4,2 ha, dûment répertoriés 50 hl/ha 82° au minimum 9 mois en fûts de chêne de 600 l au maximum 5% en pinot noir

16 mois après vendanges (présentation à Arvinis) 2000 Sur les bouteilles, un QR-Code renvoie sur la page Servagnin de www.vinsdemorges.ch

Plant Robert clone de gamay, plants sélectionnés et certifiés AOC Lavaux Grand Cru, si le lieu de production est précisé languette à cheval sur le bouchon (fascetta) 11 (2011) 4,2 ha, dûment répertoriés 75 hl/ha (1 kg/m2) 85° pas de conditions imposées 5% peut rester Plant Robert, mais commercialisé sans fascetta le 1er septembre de l’année suivant le millésime 2006 www.plantrobert.ch

25


Dégustation

La dégustation Cette dégustation a eu lieu au Midi 20, bar à vins à Lausanne, le 11 décembre 2012. Marco Grognuz, vigneron-encaveur à Villeneuve, dégustateur-chef de file du label Terravin, Thierry Ciampi, Chapeau noir 2012 (lire son portrait en page 30), Jean Solis et Pierre Thomas

ont dégusté douze Plants Roberts 2011, quatre de 2010 et dix Servagnins 2010. Sur ces 26 vins, cinq ont obtenu entre 17 et 18 points sur 20, soit ★ ★ ★, et neuf entre 15 et 16 points, soit ★ ★. Les Plants Roberts 2011 venaient d’être mis en bouteilles, tandis que la majo-

Plant Robert 2011 ★★★ Clos de Nant, Chardonne Grand Cru, Henri et Vincent Chollet, Aran www.mermetus.ch ou www.arte-vitis.ch Elevé en barriques de 225 l de plusieurs vins; 1000 bouteilles; 21 fr. Robe brillante, reflets violacés; nez typé de gamay, avec des notes de violette, de framboise; attaque sur les fruits mûrs; finale sur le noyau de cerise; beau potentiel, fruité frais, avec du gras, de l’équilibre, «un vin bien ficelé».

★★★ Clos de la Maisonnette, Epesses Grand Cru, Plant Robert, Henri et Vincent Chollet, Aran www.mermetus.ch ou www.arte-vitis.ch Elevé en barriques de 225 l de plusieurs vins; 600 bouteilles; 21 fr.

Reflets violacés; nez fin de petits fruits rouges; attaque sur un joli grain, avec du gras et de l’ampleur en milieu de bouche; finale sur la finesse des tanins; un vin tout en fraîcheur, typé gamay gourmand, soutenu par une note acidulée.

★★★ Rouge Ardent, Plant Robert, Union Vinicole Cully – www.uvc.ch Vin élevé en barriques, 60% de deux ou trois ans, 20% de neuves et 20% de vin en cuve; 2400 bouteilles; 20 fr. 50 (et en 50 cl, 15 fr. 10) Robe violacée; nez expressif de fruits mûrs et note toastée; attaque très fruitée; de la fraîcheur sur une structure de vin unie et ramassée; équilibré en fin de bouche, avec un retour sur les fruits rouges; bon potentiel de garde; un vin très savoureux!

★★ Plant-Robert de Lavaux, Patrick Fonjallaz, Epesses www.fonjallaz.info Vin élevé en barriques (20% de neuves); 3000 bouteilles; 17 fr. 50 Rubis; nez au boisé perceptible sur des notes un peu végétales; bonne trame, avec du volume et une pointe de douceur; finale un peu astringente; un vin encore un peu brut de décoffrage et rustique.  La fascetta, marque distinctive du Plant Robert certifié.

26

★★ Plant Robert, Jean-Daniel Porta, Villette – www.vins-porta.ch Vin élevé en demi-muids (500 l), 1300 bouteilles; 22 fr. Rubis à reflet vermillon; nez mûr, de fraises cuites et d’épices douces; attaque souple et riche; manque un peu de volume en milieu de bouche; belle droiture finale, sur la maturité du fruit et une pointe de sècheresse; agréable et simple.

★★ Epesses Plant Robez, Blaise Duboux, Epesses – www.blaiseduboux.ch ou www.arte-vitis.ch Vin élevé en demi-muids (500 l), 3400 bouteilles (et demi-bouteilles); 26 fr. Rubis à reflets violacés; nez un peu fermé; vin encore sur la retenue, construit sur une bonne matière première; finale sur des tanins fermes et encore un peu rêches; bon potentiel de garde.

★★ Le Chant de la Terre, Plant Robert, Lavaux AOC Villette, Henri et Vincent Chollet, Villette – www.mermetus.ch ou www.arte-vitis.ch Elevé en fûts de chêne de 225 et 450 l, de plusieurs vins; 4500 bouteilles; 22 fr. Robe rubis soutenu; nez un peu masqué, avec une pointe de cassis; attaque souple, sur les fruits rouges; friand et digeste; un peu sec et brûlant en fin de bouche, sur des tanins rêches et une note de graphite (mine de crayon). Le Guillon

N°42 1/2013


© Philippe Dutoit

 Le jury du Guillon, de g. à dr., Jean Solis, Marco Grognuz, Pierre Thomas et Thierry Ciampi. rité des Servagnins 2010 étaient (déjà) épuisés. Selon le cahier des charges, le 2011 n’est présenté qu’en avril, seize mois après les vendanges, à Arvinis cette année du 17 au 22 avril 2013, à Morges. Les Vins de Morges y tiennent un stand où il est possible de déguster tous les Servagnins mis sur le marché.

Servagnin 2010 ★★★

 Les Servagnins ont une étiquette commune: seule la mention de l’encaveur varie.

Domaine Henri Cruchon, Michel & Raoul Cruchon, Echichens www.henricruchon.com ou www.arte-vitis.ch Elevé en barriques de plusieurs vins (10% de bois neuf); 4000 bouteilles; 20 fr. Rubis brillant; nez de fruits mûrs, avec une légère note de cassis et de sureau; attaque sur la richesse, le gras, le volume; tanins à la fois fins et fermes; bon arôme de griotte du pinot noir; remarquable équilibre en bouche.

★★★ Bolle 2010, Bolle & Cie, Morges www.bolle.ch Elevé en barriques de 2e vin; 2100 bouteilles; 18 fr. 50 Belle robe carmin dense; nez complexe sur les fruits très mûrs, la fraise cuite, avec des épices douces; belle matière, avec du gras, de la richesse et une grande vinosité; tanins serrés et bien enrobés; finale acidulée sur une belle fraîcheur de fruits; une belle réussite!

★★ Les Trois-Terres, Domaine de Valmont, Cofigo SA, Morges www.lestroisterres.ch Barriques de plusieurs vins; 700 bouteilles; 20 fr. Robe rubis soutenu; nez brut, de cassis, avec une pointe de végétal; attaque sur le volume, le gras; à la fois souple et rustique, sur des tanins déjà fondus. Le Guillon

N°42 1/2013

★★ Domaine de la Ville de Morges, Luc Tétaz, Morges www.vinsdeterroirmorges.ch Elevé en barriques, dont un tiers de neuves; 800 bouteilles; 18 fr. 50 Robe rubis, avec une frange vermillon; nez typé de pinot noir à haute maturité, avec des notes de laine mouillée; attaque fraîche et riche; matière mûre, tanins fondus et finale toastée.

★★ Domaine de Marcelin 2010, Ecole cantonale d’agriculture et de viticulture, Marcelin-sur-Morges www.agrilogie.ch/presentation/ Marcelin/marcelin1.html ou www.arte-vitis.ch

★★ Domaine du Crêt-Blanc, Michel et Martial Gros, Echichens www.cavedubon.ch Elevée en barriques de 2e vin; 700 bouteilles, 18 fr. 50 Rubis; nez de fruits rouges, de griotte; attaque marquée par un léger pétillant; tanins présents, mais en voie de se fondre; un pinot soutenu par l’acidité, avec une touche d’évolution et un peu sec en finale.

★★ Domaine Le Moulin, Félix Pernet, Villars-sous-Yens www.domaine-lemoulin.ch

Elevé en barriques de bois suisse, 10% de bois neuf; 1300 bouteilles; 20 fr.

Elevé dans une barrique de 2e passage, 300 bouteilles; 20 fr.

Rubis à frange vermillon; nez très boisé, toasté, avec des notes d’évolution; attaque sur un léger pétillant; du volume, sur des fruits mûrs, mais finale séchée par le bois; l’ensemble reste friand, dans un style toasté.

Rouge, avec une frange vermillon; nez fragile, avec des notes de boisé; attaque souple, sur un volume gras et riche; tanins fermes, bien enveloppés, trahissant une belle matière première et des raisins bien mûrs. 27


SERVAGNIN MORGES GRAND CRU

Le vrai goût DU du SERVAGNIN Servagnin

LE VRAI GOÛT

DESCRIPTION Seules les vignes plantées en Pinot Noir, clone Salvagnin, situées dans le lieu de production Morges, ont droit à l’appellation Servagnin de Morges. La production maximale ne doit pas dépasser 50 hectolitres à l’hectare et son raisin doit atteindre un minimum de 82 degrés Oechslé. Vinifié obligatoirement en barrique de chêne, son élevage doit durer au moins 16 mois. Il ne peut pas être commercialisé avant le 1er avril de chaque année. La Commission du Servagnin, qui contrôle toutes ces normes, attribue l’appellation Servagnin de Morges après avoir jugé par une sévère dégustation que les qualités obtenues correspondent à la haute définition exigée. Les bouteilles ayant obtenu l’agrément portent la capsule rouge d’authentification Servagnin de Morges.

Association pour la promotion des Vins de Morges Case postale 72 1110 Morges 1 T 079 869 28 94 vinsdemorges@bluewin.ch www.vinsdemorges.ch


Continued from page 23 Criteria

Servagnin

Plant Robert

Variety

clone of “Vieux Salvagnin de Saint-Prex” Pinot Noir Region place of production Morges, AOC La Côte Designation Grand Cru Distinctive signs all producers use same bottles and labels Number of producers 14 (2011) Grown on 4.2 hectares (ha), all listed Yield 50 hl/ha Oechslé (minimum) 82° Aging at least 9 months in oak barrels of max. 600 liters Blending (with another variety) 5% Declassification to “Pinot Noir” Market launch First vintage Internet

16 months after harvest (presentation at Arvinis, in 2013, April 17-22) 2000 QR code on bottles sends consumers to Servagnin page on www.vinsdemorges.ch.

Gamay clone from carefully selected and certified plants AOC Lavaux Grand Cru, if place of production is given neck label (“fascetta”) 11 (2011) 4.2 ha, all listed 75 hl/ha (1 kg/m2) 85° no imposed conditions 5% can still be called Plant Robert but not sold with the “fascetta” September 1 of year following the harvest 2006 www.plantrobert.ch.

Tasting Notes On December 11, 2012, at the Midi 20 wine bar in Lausanne, wine tasters Marco Grognuz (a Villeneuve-based producer who is chief taster for the Terravin label), award-winning enologist Thierry Ciampi, Jean Solis and Pierre Thomas put twelve 2011 vintage and four 2010 vintage Plants Roberts, and ten 2010 Servagnins, to the test. Of the 26 wines, 5 rated between 17 and 18 points of 20, or three stars ***, and nine rated between 15 and 16 points, or two stars **. The Plants Roberts had just been bottled, while most of the Servagnins were sold out. In accordance with production rules for these two wines (see above), 2011 Servagnin doesn’t go on the market until April – 16 months after harvest – at the Arvinis wine fair in Morges, taking place from April 17 to 22 in 2013. Check out the “Les Vins de Morges” stand to sample them. Following are four of the wines, all barrel-aged, that got three stars at the December 2012 tasting.

Le Guillon

N°42 1/2013

Servagnin 2010 ★★★

Plant Robert 2011 ★★★ Clos de Nant, Chardonne Grand Cru, Henri et Vincent Chollet, Aran www.mermetus.ch or www.arte-vitis.ch Brillant red, purplish glints. Nose of violets, raspberries; ripe fruit attack; cherry stone finish. Fruity, fresh, full, balanced.

★★★ Rouge Ardent, Plant Robert, Union Vinicole Cully – www.uvc.ch Purplish color. Nose of ripe fruit with toasty notes; fresh fruity attack, unified structure; balanced finish on red fruit. Should bottle-age well.

Domaine Henri Cruchon, Michel & Raoul Cruchon, Echichens www.henricruchon.com or www.arte-vitis.ch Brillant ruby. Nose of ripe fruit with notes of black currant and elder; rich, full attack; fine firm tannins, aromas of morello cherry at the finish. Remarkably balanced.

★★★ Bolle 2010, Bolle & Cie, Morges www.bolle.ch Vivid crimson. Complex nose mixes ripe fruit and cooked strawberry with light spiciness; rich and full, sophisticated tannins; at the finish, beautiful fresh fruit balanced by acidity.

29



Dégustation

 Thierry Ciampi, un amoureux du chasselas sous un chapeau noir gagné de haute lutte.

Thierry Ciampi,

l’œnologue (qui) a tout gagné Qui est Chapeau noir? Et vainqueur du Verre d’or, le championnat vaudois de dégustation? Et même des Lauriers de Platine, pour le meilleur chasselas vaudois labellisé Terravin? Un nom, un seul, à retenir: Thierry Ciampi. Pierre Thomas – Photo: Philippe Dutoit A 34 ans, cet œnologue du groupe Schenk SA a tout gagné en 2012. Un parcours stupéfiant. Son père, orphelin d’Avellino, dans l’arrièrepays de Naples, était venu à 18 ans tenter sa chance en Suisse. Il y a été garagiste, avant de rencontrer la fille du vigneron-tâcheron du Château de La Bâtie, à Vinzel, et, marié, d’en reprendre les travaux viticoles, à l’âge de 37 ans. Autant son père se contentait de livrer du moût, sans rien connaître de la cave, autant la mission de Thierry Ciampi débute à ce stade. Pourtant, «en entrant à Changins, après avoir fait le gymnase à Nyon, c’est plutôt le côté viticole qui m’intéressait». Onze ans plus tard – il a fait son diplôme d’ingénieur-œnologue entre 1998 et 2001 –, il ne changerait pas de job. En 2004, le voilà chef caviste chez Schenk, marchant sur les traces d’Alain Gruaz, qui succède à Armand Dufour. «Des places comme celle-là, il y en a pas beaucoup en Suisse. Elles sont rares et intéressantes.» Bon an, mal an, Thierry Ciampi signe 8 à 10 millions de litres de vin, de 40 cépages, issus de vignobles vaudois, genevois et valaisan. Combien de cuvées? «Je n’aime mieux pas y réfléchir», confie-t-il. Mais que ce Féchy de Perroy, Clos de la Dame 2011, ait décroché

Le Guillon

N°42 1/2013

les Lauriers de Platine ne le surprend pas: «Je l’ai suivi tout au long de la vinification, sur place, une fois par semaine et c’est un beau vin!» Foi d’œnologue «élevé au chasselas». Un pro de la dégustation Pro de la dégustation – «Ça occupe ma journée» –, que fait-il donc le week-end? Il déguste, encore et toujours… «Mon papa m’en a donné le goût, à 15 ou 16 ans. C’est en pratiquant qu’on fait de bons résultats; j’ai fait mille fois zéro!» Pour lui, 2012 restera un millésime parfait: remporter le titre de Chapeau noir, sur un week-end, et le Verre d’or, sur la régularité des quatorze épreuves de la saison – «Je les ai toutes faites» «C’est un peu comme remporter les Jeux olympiques et la Coupe du monde la même année. Il faut aussi un peu de chance… Le Comptoir est tombé avant les vendanges, sinon je n’aurais pas eu la tête à ça.» Marié, deux enfants, une fille, Tessa, 4 ans, et un garçon, Tiziano, 6 mois, ce Sagittaire de La Côte aime faire la cuisine à la maison. Et joue du trombone basse à la fanfare de Mont-sur-Rolle: «J’en faisais avant de déguster.» Mais c’est dans l’œnologie qu’il embouche la trompette de la renommée.

31



Concours

Aux places d’honneur Toujours pas de «Vigneron de l’année» vaudois, en six éditions du Grand Prix du Vin Suisse. En 2012, le titre est allé au négociant tessinois Claudio Tamborini. Mais deux œnologues vaudois ont décroché un trophée national, remis lors du Gala des vins suisses, à Berne, le 23 octobre. Et à la page suivante, les vins classés dans les concours internationaux. Pierre Thomas Consécration pour le président de l’Union Suisse des œnologues, Daniel Dufaux, qui signe, pour la maison Henri Badoux, à Aigle, une collection de vins élevés en barriques, Lettres de Noblesse. C’est son assemblage rouge de malbec et de cabernet 2009 qui l’emporte. Ce vin est sorti en tête des 346 assemblages rouges, dégustés à l’aveugle, fin juin, à Sierre. Le titre suprême dans la catégorie des rosés (sur 148 échantillons) revient à l’œil-de-perdrix Les Chaumes 2011, de la Cave Cidis, à Tolochenaz, signé par l’œnologue Rodrigo Banto. Dans cette catégorie, Jean-Jacques Steiner, à Dully, obtient le troisième rang, également avec un œil-deperdrix de La Côte 2011, Parfum de vigne. Quatre vice-champions nationaux Quatre Vaudois sont sacrés vice-champions de leur catégorie. Seul vaudois en lice en chasselas (452 vins au départ), le Villette 2011 Champ-Noé, du Domaine (Jean-Luc) Blondel, à Cully, se classe derrière le fendant 2011 Balavaud Grand Cru de Vétroz, du président de Swiss Wine Promotion, le Valaisan Gilles Besse. Derrière un autre vin valaisan, le Varietas Vigne d’Or 2010, des Artisans Vignerons d’Yvorne (AVY), est deuxième des assemblages blancs (92 vins), et a failli réaliser la passe de trois tout en haut de l’affiche, après l’or à Paris et à Bruxelles (Le Guillon N° 41). Confirmation pour l’Apicius 2009, du Clos du Châtelard, à Villeneuve, d’Hammel SA: sacré meilleur merlot de Suisse au Mondial du Merlot (lire page suivante), il ne s’incline

Le Guillon

N°42 1/2013

que devant le SanZeno Costamagna 2009 du Tessinois, meilleur vigneron de l’année, Claudio Tamborini (sur 139 merlots). Et, dans la (nouvelle) catégorie des vins mousseux, la Cuvée Rogivue, blanc de blancs 2010 de Saint-Saphorin, des Fils (et frères jumeaux) Rogivue, de Chexbres, ne pouvait faire mieux que vice-champion, puisque une seule médaille d’or, sur 39 échantillons seulement, avait été attribuée au Bouvier Brut de Châtenay-Bouvier, à Boudry (NE). Outre en rosé, deux autres vaudois se classent troisièmes: en gamay (107 vins), le 2010 des Celliers du Chablais SA, à Aigle, et, en assemblages rouges (346 vins), le Dominoir 2010, de la Cave des Rossillonnes, de Jean-Paul et Martial Besson, à Vinzel. Ces titres sont le sommet de l’iceberg du Grand Prix du Vin Suisse, disputé par 600 encaveurs et 3000 vins. En 2012, 68 vins vaudois y ont glané une médaille d’or et 194 une médaille d’argent, sur les 748 échantillons présentés (25% du concours). www.grandprixduvinsuisse.ch

 Daniel Dufaux, œnologue de Badoux, et Kurt Egli, directeur.  Rodrigo Banto, œnologue d'Uvavins, et Sylvie Camandona, directrice des ventes.

33


Concours

1

2

3

Avantage aux pinots Dans les concours internationaux de la deuxième moitié de 2012, les vins vaudois ont obtenu leur meilleur résultat d’ensemble avec douze médailles d’or au Mondial des pinots, organisé par VINEA à Sierre. 1300 vins de 24 pays ont été appréciés par un jury international. L’ouverture à d’autres formes de pinots (en matière de couleurs et de vinification) a souri aux Vaudois. Trois caves réussissent ainsi un doublé: le Domaine Croix Duplex (Vogel, à Grandvaux) avec son pinot noir 2011 (1) et un œil-de-perdrix 2011 (2), Henri Cruchon, à Echichens (Raoul et Michel Cruchon), avec un pinot noir Champanel 2009 (3) et un pinot blanc 2011 (4), et Henri Badoux, à Aigle (Daniel Dufaux, œnologue), avec un pinot noir La maison du lézard 2010 (6) et, du même millésime, un pinot gris Lettres de Noblesse (8). Un pinot gris 2011 Parfum de vigne, du Clos Saint-Bonnet, grand cru

de Bursinel, obtient l’or. Les autres vins aussi récompensés d’or sont tous des pinots noirs: Les Romaines Grande Réserve 2009, des Frères Dutruy, à Founex, le Domaine de Chantemerle 2010, à Bursins, la Cave Cidis, avec un Vufflens-le-Château 2011 de la collection Le Vin Vivant de Bernard Ravet, le Feu d’amour 2010 des Artisans Vignerons d’Yvorne (AVY) et le Barrique 2010 d’Alain Neyroud et Gianni Bernasconi, à Chardonne. Le meilleur merlot suisse est vaudois Au Mondial du merlot, rapatrié par VINEA du Tessin à Sierre, le palmarès vaudois se résume à une seule médaille d’or, pour l’Apicius 2009 (7), du Clos du Châtelard, à Villeneuve. Mais le duo de chez Hammel SA, Charles Rolaz, propriétaire, et Fabio Penta, œnologue, se voit récompensé du titre de meilleur merlot pur suisse de ce concours qui a réunit 300 vins.

Awards At Home and 4

34

At the Mondial des Pinots, held in Sierre (Valais) in August 2012, Vaud wines won no less than 12 gold medals awarded by an international jury that tasted 1,300 wines from 24 countries. The competition doesn’t just feature Pinot Noir but all the Pinots as the following double distinctions show: two golds each went to the Domaine Croix Duplex (Vogel, Grandvaux) for its Pinot Noir 2011 (1) and Oeil-de-Perdrix (Pinot Noir rosé) 2011 (2); to Henri Cruchon (Raoul & Michel Cruchon, Echichens) for its Pinot Noir Champanel 2009 (3) and its Pinot Blanc 2011 (4); and finally to Henri Badoux in Aigle (Daniel Dufaux, enologist) for its Pinot Noir La Maison du Lézard 2010 (6) and Pinot Gris Lettres de Noblesse 2010 (8). The other winners were: • Pinot Gris 2011, Parfum de Vigne, Grand Cru de Bursinel, Clos Saint-Bonnet

• Pinot Noir 2009, Les Romaines Grande Réserve, Frères Dutruy, Founex • Pinot Noir 2010, Domaine de Chantemerle, Bursins • Pinot Noir 2011, Vufflens-le-Château Collection Le Vin Vivant de Bernard Ravet, Cave Cidis • Pinot Noir 2010, Le Feu d’Amour, Artisans vignerons d’Yvorne (AVY) • Pinot Noir barrique 2010, Alain Neyroud and Gianni Bernasconi, Chardonne. More at www.mondial-des-pinots.com. At the 2012 Mondial du Merlot on October 17, Apicius 2009 (7), Clos du Châtelard Villeneuve, made by Hammel SA (Charles Rolaz, owner, Fabio Penta, enologist), not only took gold – it was pronounced the best Swiss Merlot. The international competition featured 300 different Merlots this year. www.mondial-du-merlot.com.

Le Guillon

N°42 1/2013


5 Gamays à Lyon: un… trésor S’il y a un concours international où les vins vaudois se classent en tête, c’est celui du gamay, à Lyon (19 janvier 2013, www.concoursgamay.com). La Cave des 13 Côteaux, coopérative des Côtes-de-l’Orbe, a décroché une des quatre médailles «grand or» suisses avec sa cuvée Aurore XIIIor (en phonétique, «trésor»!) 2011 (5). La version 2010 du même vin obtient de surcroît l’or, tout comme deux classiques vaudois, déjà médaillés par ailleurs, l’Atlantique 2010, de Philippe Bovet, à Givrins, et le Gamay Barrique 2010 de Bolle & Cie SA, à Morges. Le tableau est complété par le gamay effervescent Rosé de la Sorcière, de Pierre Mandry, à Founex, et le gamay de Buchillon Violette des Prés 2011, la Maison du Moulin, à Réverolle.

© C. Jaccard /www.vaud-photos.ch

La participation n’est pas énorme… mais au concours des 7 Ceps, en novembre à Bourg-en-Bresse, elle était encore plus restreinte, avec 134 vins, dont 28 vaudois (sur 37 suisses). Cette compétition débouche désormais sur des podiums façon olympique, avec, en blanc, une médaille d’or unique par pays, pour le vin doux Cuvée Euphonie 2011, de la Cave Cidis, une médaille d’argent, en vin doux encore, avec la Cuvée Trilogie 2011, signée Uvavins, et une médaille de bronze ex æ quo pour la Faveur des Muses 2011, des Artisans Vignerons d’Ollon, et la Réserve blanche 2010, du Domaine de Marcelin. En rouge, le tiercé vaudois est formé de trois vins de La Côte, en or, du merlot 2010 Grand Cru, du Domaine de Terre-Neuve, à SaintPrex, en argent, de l’Esprit Carmin 2010, du Domaine de Marcelin, et en bronze, du Gamaret Réserve 2011, de la Cave Cidis.

6

7

Abroad At the 7 Ceps competition in Bourg-enBresse (France) in November, 37 of the 134 wines rated were Swiss. A Cave Cidis sweet wine, Cuvée Euphonie 2011, won the gold medal for a Swiss white wine, and the Domaine de Terre-Neuve in Saint-Prex won the gold medal for a Swiss red with its Merlot 2010 Grand Cru. www.concours7ceps.com. Finally: at the Grand Prix du Vin Suisse award ceremony held in Bern on October 23, the big winner in the red blend category was a 2009 blend of Malbec and Cabernet produced by Henri Badoux in Aigle. The winery’s enologist, Daniel Dufaux, is also president of the Swiss Union of Enologists. Top prize in the rosé category went to Cave Cidis, Tolochenaz (Rodrigo Banto, enologist) for its Oeil-de-Perdrix Les Chaumes 2011. Check out the many other

Le Guillon

N°42 1/2013

Vaud winners at www.grandprixduvinsuisse.ch. BULLETIN January 2013: Vaud Wines Win Big at International Gamay Competition in Lyon! • Grand Gold, Aurore XIIIor 2011 (5), Cave des 13 Côteaux, Côtes-de-l’Orbe • Gold, Aurore XIIIor 2010, Cave des 13 Côteaux, Côtes-de-l’Orbe • Gold, L’Atlantique 2010, Philippe Bovet, Givrins • Gold, Gamay Barrique 2010, Bolle & Cie SA, Morges • Gold, Rosé de la Sorcière (sparkling Gamay), Pierre Mandry, Founex • Gold, Gamay de Buchillon Violette des Prés 2011, Maison du Moulin, Réverolle More at www.concoursgamay.com.

8

35


Un autre regard sur Lavaux...

J&M DIZERENS

l e s p é c i a l i s t e d e s v i n s d e L ava u x

CHEMIN DU MOULIIN 31 - 1095 LUTRY - SUISSE - WWW.DIZERENSVINS.CH


.indd 1

Ceci, celà

L’esprit Vincœurs, la clé des vignes Le vin n’a jamais eu autant la cote. De jeunes entrepreneurs fourmillent d’idées pour vendre le vin autrement. C’est précisément le cas de la carte Vincœurs qui a pour but de favoriser la rencontre entre l’amateur de vin et le producteur directement sur son domaine. En rendant visite aux 17 vignerons qui ont été sélectionnés avec le plus grand soin par Julien Beauverd en raison de leur grande renommée, ces derniers vous feront découvrir, comprendre et aimer les délicieux nectars qu’ils ont élevés avec amour et passion. À l’issue de cet instant convivial, vous bénéficierez systématiquement d’un rabais exclusif de 25% lors de la première visite et cela chez chacun des vignerons-partenaires. Prix de la carte, valable jusqu’au 31 décembre 2013: Fr. 80.–. A commander sur www.vincoeurs.ch

25.03.10 16:11

Festival Oenovideo 2012 Le prix Revue Le Guillon a été décerné à la photo «Détail de pressoir au Domaine Gilles et Odette Miolanne» du photographe autodidacte Pierre-Alain Heydel (www.pa-heydel.fr) à l’occasion de la 7e exposition internationale Terroir d’images qui s’est tenue lors du Festival Oenovideo 2012, à Aigle. Le jury composé d’Estelle Hofer, Alexandre Truffer et Françoise Zimmerli a été séduit par l'approche picturale de cette photographie, rappelant le travail des grands peintres: la touche du pinceau, la texture, la force des couleurs, leur vibration et ce en parfaite adéquation avec le thème proposé «Toutes les couleurs du raisin au vin». Le prix lui a été remis le 28 septembre dernier au Palais du Luxembourg, à Paris, sous la forme de deux «Pot vaudois 1822» comprenant l’un du chasselas et l’autre du plant robert, deux cépages identitaires du Pays de Vaud. Palmarès complet du 19e Festival Oenovideo sur le site www.oenovideo.oeno.tm.fr. L’acteur français Claude Brasseur en était le président. Relevons que le prix du meilleur film de «Promotion des ventes» a été attribué au court métrage réalisé par le vigneron vaudois Vincent Graenicher Vin Vaudois, un instant de séduction. 37


Nos terroirs ont du talent

Quand le terroir arrive en ville Sise rue de Genève 100, à l’ouest de Lausanne, la Halle Romande attire œnophiles, locavores, terroiristes et gourmets sans étiquette. Ce magasin, qui fait le lien entre consommateurs urbains et producteurs romands, propose près de 700 articles. Pour en savoir plus, nous avons rencontré l’âme du projet, Suzanne Gabriel. Alexandre Truffer – Photos: Sandra Culand

 L'accueil chaleureux de Corinne Zambaz, l'un des atouts de la Halle Romande.

«Même si nous mettons en avant les membres de ProTerroir, nous travaillons avec des producteurs de toute la Suisse romande», explique Suzanne Gabriel. En effet, en flânant dans les rayons on peut voir le Bleuchâtel voisiner avec L’Etivaz, le jambon cru du Valais cohabiter avec le boutefas et les bières des Franches-Montagnes faire face à une belle sélection de chasselas vau-

dois. «La Halle Romande a été inaugurée en septembre 2011. Ce magasin est un projet de ProTerroir, une sàrl fondée en 2000 par Prométerre pour promouvoir et commercialiser les produits issus du terroir vaudois», poursuit cette fille de vigneron de Lutry, qui a travaillé pendant dix ans comme acheteuse chez Manor. Alors que l’entretien se poursuit, de savoureux arômes se diffusent dans l’air. Tout près de nous, des corbeilles garnies commencent à s’aligner en attendant une livraison. Les carrés vaudois, une variante locale des leckerlis, distillent de petites notes d’épices et de noix. Celles-ci se mêlent aux discrets parfums du caramel au beurre salé et du miel de forêt, deux autres spécialités empaquetées prestement dans les panierscadeaux par les employés de la Halle. «Ce sont tous des gens proches du monde agricole et leur connaissance des produits est inégalable», précise Suzanne Gabriel. Une qualité certifiée «Nous garantissons une traçabilité et une qualité parfaites à nos clients. La plupart des produits que nous mettons en rayon sont

38

Le Guillon

N°42 1/2013


 Des légumes toujours frais et de saison! C'est la philosophie de Lydia Michel (ici avec un fournisseur)! certifiés par l’Organisme Intercantonal de Certification. Dans certains cas, la bière par exemple, ce n’est pas possible, car les ingrédients de base sont importés. En dehors de ces exceptions, tous nos articles suivent le cahier des charges qui demande une provenance cantonale pour au moins 90% des ingrédients et helvétique pour le solde.» Pourtant, un label n’est pas une garantie pour entrer dans la Halle, comme l’explique la responsable de ProTerroir: «Toutes les marchandises vendues ici ont passé une dégustation de sélection. Nous avions d’abord donné un mandat au Concours suisse des produits du terroir, mais maintenant nous avons un comité ad hoc.» Pourtant, ce processus complexe ne fait-il pas de la rentabilité un vœu pieux? «Nous nous sommes donnés trois ans pour être rentables. A l’heure actuelle, certaines prestations font un carton, alors que d’autres ont plus de peine. Cependant, les chiffres sont encourageants: la moitié des achats réalisés dans la Halle sont le fait d’habitués qui viennent une fois par semaine. Nous avons calculé que leur panier moyen dépasse les 100 francs, ce qui est considérable!» Des projets en pagaille Magasin, paniers-cadeaux, assiette du jeudi, service traiteur, est-il possible d’augmenter encore l’offre de la Halle? «Nous avons déposé une demande pour réaliser un espace où l’on pourra déguster des tapas accompagnés d’un verre de vin. A l’origine,

Le Guillon

N°42 1/2013

Terroir in the City Located at rue de Genève 100, to the west of Lausanne, the Halle Romande attracts locavores, gourmets, winelovers – whatever label you pin on them, they come to this store because it offers a direct link between urban consumers and farm producers. Of the 700 items stocked, the Halle’s driving force Suzanne Gabriel says: “we do put the spotlight on the production of ProTerroir members, but we work with producers from the entire Swiss-French part of Switzerland” – an assertion that a stroll through the aisles readily bears out: Vaud specialties like l’Etivaz cheese, boutefas sausage and Chasselas wine are matched by Bleuchâtel (Neuchâtel blue cheese), Valais cured ham, and Franches Montagnes beer. Gabriel points out that while all items are at least 90% local or otherwise Swiss, traceability per se does not for a great product make: taste does – and “we taste everything before agreeing to stock it,” she says, adding that half the products sold are bought by regulars who shop here once a week. Some tips: forest honey, Carré Vaudois cookies, and salted butter caramels. For wine lovers: a different winemaker presents his or her wines every Saturday – and they can be tasted.  p. 41

39


Nos terroirs ont du talent

 En plus de l’épicerie, la Halle Romande propose à sa clientèle divers services respectant toujours la même philosophie: mettre en avant les produits du terroir romand. Toutes les offres sur www.halle-romande.ch

 Au contraire des grandes surfaces, la Halle propose des farines entièrement panifiables sans aucun produit importé de l'étranger.

notre concept devait marier un magasin et un restaurant. Nous avons prospecté du côté d’Ouchy, mais les coûts de location étaient exorbitants. Pourtant, nous ne baissons pas les bras. Il faut que la Halle dispose d’un lieu de dégustation, mais ensuite j’espère trouver un local bien situé au centre de Lausanne pour y installer un restaurant ProTerroir.» Entre deux, d’autres projets vont se concrétiser. Ainsi, un nouveau logo plus centré sur le canton de Vaud devrait voir le jour en 2013. «Le terme romand disparaîtra, mais nous continuerons à proposer des produits des autres régions, qui auront le titre de cantons invités», précise Suzanne Gabriel. Autre projet, déjà bien avancé, la transformation de l’ancien local des pom-

piers d’Epesses qui deviendra un espace de dégustation alimenté par des produits de la Halle. Bien sûr, les vins resteront l’exclusivité des encaveurs d’Epesses. En attendant l’ouverture de ces bars à vins gourmands, la Halle invite chaque semaine un vigneron partenaire à faire déguster ses spécialités aux clients du samedi. Lors de notre dernier passage, on y a ainsi croisé Laurent Berthet, un vigneron prometteur de Lavaux. Halle Romande rue de genève 100 1004 lausanne 021 614 25 65 info@halle-romande.ch www.halle-romande.ch


 Suzanne Gabriel, l’âme de la Halle Romande (à gauche) et son assistante Marianne Dizerens. Absente sur la photo, la gérante Laetitia Guignard.

LE PREMIER MAGASIN TERRAVIN En novembre 2012, Suzanne Gabriel et Philippe Herminjard, secrétaire général du label de qualité Terravin, ont inauguré le premier présentoir Terravin. Si le vin a toujours fait partie des produits proposés par la Halle Romande, la nouvelle collaboration permet au consommateur de découvrir une importante sélection de crus ornés des Lauriers d’Or. Impossible à manquer, le mural Terravin abrite une quarantaine de crus de toutes les appellations vaudoises. Le label se charge d’organiser un tournus pour que l’ensemble des vignerons désireux de voir leurs crus proposés à la clientèle lausannoise soit représenté. De même, comme l’explique Philippe Herminjard, «nous ne voulions par proposer à cette clientèle 40 chasselas, donc nous faisons attention à présenter des rouges et des spécialités que nos jurys de dégustateurs ont estimés dignes des Lauriers d’Or.» Novembre 2012 a vu la création d’un autre partenariat, celui de Terravin et du Vacherin Montd’Or. Entre ces deux produits exclusivement vaudois, dont l'accord est déjà naturel pour de nombreux gourmets, la collaboration a pris la forme d'un carton gastronomique regroupant un vin labellisé et un vacherin, et baptisé Symphonie des sens. Un coffret gourmand qui fait bien entendu partie des 700 produits goûteux référencés par la Halle Romande.

First Terravin sales point In November 2012, Suzanne Gabriel and Philippe Herminjard, Secretary General of the Terravin wine label, launched a space where Halle Romande customers can taste a rotating selection of 40 wines crowned with Terravin’s highly prestigious Lauriers d’Or distinction. Herminjard explains that “we didn’t just want to offer customers different Chasselas options – we make a point of also presenting reds and specialty wines that our tasting juries thought merited a Laurier d’Or.” Terravin is also partnering with Vacherin Mont-d’Or on a pack called Symphonie des Sens that contains a cheese and a bottle of Terravin wine. La Halle Romande also offers… Catering services: For groups of 30 to 1,000. Six kinds of gift baskets: The “apéro” version includes those iconic Vaud cork-shaped goodies, Bouchons Vaudois, while the many different items in “connoisseur” baskets include a bottle of Johanniter wine, Boxer Old beer, salt with herbs – and sinfully good meringues. Basket of the week: fresh produce – subscribe for six months or a year to a single, couple or family-sized basket and come get it once a week. The Thursday special: a “balanced, healthy” – and seasonal – dish, served at the store. www.halle-romande.ch.

Erratum: Il y a Bettschen et Beetschen! Le premier s’appelle Steve et propose son expérience (fascinante) des vins sur le site www.phusis.ch. La cave Beetschen quant à elle se situe à Bursins www.cavebeetschen.ch et offre un concept d’accueil unique (voir Le Guillon N° 37). Mille excuses au premier pour son nom mal orthographié dans l’article consacré au miel, en pp. 38 et 39 du N° 41.

41


LabeL Vigne d’Or La quête de l’excellence

Quintessence de la nature

Les Artisans Vignerons d’Yvorne ont réservé leurs meilleures terres et leurs meilleurs raisins à cette ligne d’exception. Microclimat, orientation, pente, ensoleillement et aptitude du sol à absorber et restituer l’eau confèrent à chaque parchet sa nature, sa force et sa personnalité. Cette rigoureuse sélection permet d’exprimer la parfaite adéquation des terroirs et des cépages, en donnant à ses vins une grande complexité aromatique et une empreinte hors du commun.

A r t i s A n s V i g n e r o n s d ’ Y V o r n e s o c i é t é co o p é r At i V e

www.avy.ch


Nos régions sont des perles rares

Vully, l’union fait la force

© Hans-Peter Siffert

En 2010, la Confédération expulsait les Vully vaudois et fribourgeois de la liste des AOC. Deux ans plus tard, les deux entités ont fusionné et se profilent comme une région en plein essor, qui se distingue par la diversité de son encépagement et la qualité élevée de sa production. Alexandre Truffer – Photos: Sandra Culand Depuis le 1er juillet, les Vully vaudois et fribourgeois bénéficient d’une AOC unique et ont réintégré le concert des appellations helvétiques. Malgré cette fusion qui implique que l’on ne parle plus aujourd’hui que du Vully sans distinction cantonale, il nous a paru utile de revenir ici sur l’histoire et les évolutions de l’ex-Vully fribourgeois (pour l’ex-Vully vaudois, voir Le Guillon N° 34. Un vignoble capital Encore floue, l’histoire du Vully sera dévoilée en 2013 dans une plaquette de présentation inspirée des recherches du médiéviste Ivan Mariano. Cependant, quelques pistes nous ont été données par Christian Vessaz, responsable du Cru de l’Hôpital et président de l’Association des Vignerons du Vully. L’origine de la vigne dans la région remonte sans doute à l’époque romaine, lorsque Avenches, aujourd’hui paisible bourgade de 3000 habitants, était Aventicum, la capitale de l’Helvétie romaine, dont la population dépassait les 20 000 âmes. Si les légendes mêlent la reine Berthe et les vignes du Vully, les plus anciens documents connus remontent au XVe siècle, lorsque la Bourgeoisie de Morat acheta des vignes pour financer l’hôpital de la cité et donner à boire aux malades. A la fin du XIX e siècle, deux événements d’importance transforment le Vully viticole.

Le Guillon

N°42 1/2013

«Avant le phylloxéra, le Vully vaudois totalisait 150 hectares de vignes. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une cinquantaine», explique Christian Vessaz. A Fribourg, il s’est passé l’inverse. Les corrections des eaux du Jura ont permis de gagner des terres sur les rives du lac et l’arboriculture, qui a quitté les coteaux pour la plaine, a été remplacée par la viticulture. «Cependant, pour notre vignoble, l’élément fondamental a été le remaniement parcellaire des années 1960, poursuit le jeune œnologue. S’il n’avait pas eu lieu, les vignes auraient disparu, mangées par la pression immobilière. Une fois le remaniement terminé, les parcelles étaient importantes et protégées, ce qui a sauvé notre vignoble.» Tandis que les exploitations se recomposent selon une logique pragmatique, une personnalité va profondément influencer l’encépagement du vignoble du Vully. «Louis Chervet, le père de Jean-Daniel Chervet, du Domaine Chervet, à Praz, faisait partie des premiers techniciens viticoles. Il comptait parmi les gens les mieux formés de l’époque et a parcouru l’Europe à la recherche de méthodes culturales modernes et de cépages adaptés à notre climat. Il a introduit notamment le freiburger (un croisement de pinot gris et de sylvaner) et le traminer (appelé gewürztraminer dans le reste de la Suisse)», souligne Christian Vessaz.

43


Nos régions sont des perles rares

Très mythique traminer Alors que le gewürztraminer des autres AOC vaudoises peine à s’épanouir en dehors de productions confidentielles de vins passerillés, le Vully réussit à tirer de ce cépage de grands blancs secs de garde. En témoigne le millésime 2011 de Jean-Daniel Chervet, qui faisait partie des finalistes du Grand Prix du Vin Suisse 2012 ou celui du Cru de l’Hôpital, sélectionné par la Mémoire des Vins Suisses. «La réputation du traminer du Vully ne date pas d’hier, explique Christian Vessaz. En 1985, un traminer 1983 de la cave a été sacré champion du monde lors du Concours international des vins de Ljubljana. A l’époque, c’était l’une des rares compétitions existantes, alors arriver meilleur blanc… Le retentissement fut énorme, mais malheureusement peu valorisé. A l’époque, l’œnologue «fédéral» Jean Crettenand a bien essayé de pousser la cave à planter une majorité de traminer, mais celui-ci se vendait au prix du chasselas et n’était pas

rentable. Une fois que le soufflé médiatique est retombé, tout le monde a oublié le traminer du Vully, sauf les professionnels de Changins.» A côté de son traminer, dont le prix est passé en dix ans de 12 à 23 francs, l’œnologue s’apprête à lancer une sélection parcellaire très haut de gamme. «J’ai eu la chance de tout de suite très bien m’entendre avec le traminer. Pour le chasselas, en revanche, il m’a fallu dix ans pour être content du résultat, et je crois n’avoir toujours rien compris au pinot noir.» Son traminer de prestige viendra – comme son chasselas haut de gamme, arrivé deuxième au Grand Prix du Vin Suisse 2011 – du lieu-dit Fichillien, au centre du domaine. Ces parcelles très sableuses posées sur un fond de mollasse d’eau douce, qui dotent les blancs d’une finesse et d’une minéralité intenses, constituent le cœur du domaine. Né d’un grand terroir, le traminer de Fichillien connaît aussi une vinification très particulière. «En Suisse, nous sommes

Vully: Strength Throu In 2010, the Vully regions in Vaud and Fribourg found that they’d been removed from the federal list of AOCs. Two years on, they’ve joined forces profiling the diversity of the grape varieties they grow and the high quality of their products. And since July 1, 2012 they’re also back on the AOC list sharing the Vully appellation. Christian Vessaz, the man behind the Cru de l’Hôpital (Domaine de la Bourgeoisie de Morat, Môtier) and president of the Vully Winemakers’ Association, says the oldest documents about winegrowing in the area go back to the 15th century, when the Bourgeoisie de Morat bought vineyards to finance the hospital and make wine for patients to drink.

44

Winegrowing thrived in the area, and in the 19th century Louis Chervet, one of the first technician growers, scoured Europe on the lookout for state-of-the-art cultivation methods and varieties that would work well in the Vully climate. Not much of his work would have survived, however, if 1960s laws to check a Vully real-estate boom – which would have spelled an end to winegrowing – hadn’t been passed, Vessaz points out. Among the varieties Chervet brought back were Freiburger and Traminer, both whites. A cross between Sylvaner and Pinot Gris, outside Vully Freiburger is known as Freisamer. Vully is now best known for its Freiburger and Traminer

Le Guillon

N°42 1/2013


les rois des vins fruités, mais je veux développer la vinosité et la minéralité de ce vin par une technique originale découverte en Slovénie. Les baies de raisin entières sont macérées trois mois dans le moût, puis dans le vin, dont la stabilité est garantie par le froid. Pour faire une unique barrique, il faut trier 10 000 grains à la main, c’est un travail de fou! Le premier millésime, un 2011, sera présenté en février.» Le Codex Vully, gage de qualité A côté du traminer, le Vully possède un autre cépage fétiche, le freiburger. Dans le reste du monde, on connaît ce croisement de sylvaner et de pinot gris sous le nom de freisamer. Créé en 1916 dans la station de recherche allemande de Fribourg-enBrisgau par le docteur Karl Müller, il est baptisé freiburger en honneur de sa ville natale. Dans les années 1960, il change de nom, car la législation européenne interdit qu'un cépage porte le nom d’une localité. Seul le

ugh Unity wines to the extent that “Vully is starting to become a brand,” according to Madeleine Ruedin, a Salavaux-based enologist who makes her own wines and also works for Pierre Gentizon’s Cave des Marnes in Constantine. What does the future hold? Ruedin agrees with Vessaz when he says: “The most promising variety is Traminer” – and there are already some superlative, dry Traminer de Vully vintages out there with a reputation as great keepers.

Le Guillon

N°42 1/2013

Vully, où il a été introduit dix ans plus tôt par Louis Chervet, lui conserve son nom originel. Cette curiosité, qui couvre à peine 2 hectares du vignoble, se distingue par un nez fruité, souvent exotique, et une agréable richesse en bouche. Considéré comme une variété prometteuse, il pourrait, de concert avec le traminer, faire l’objet d’une charte de qualité spécifique au Vully, le Codex Vully. «Nous voulons valoriser ces cépages sur le modèle de l’amigne, que le public associe désormais à Vétroz. Le traminer et le freiburger doivent ainsi devenir des cépages identitaires du Vully.» Mais ne serait-il pas plus simple d’en

 Christian Vessaz à l'écoute d'un grand blanc en gestation.


Nos régions sont des perles rares

faire un Grand Cru, maintenant que la région peut intégralement revendiquer cette appellation vaudoise? Le président des encaveurs se montre direct: «Nous y avons réfléchi, il y a quelques années, mais nous y avons renoncé, car cette législation, qui permet à 70% de la production d’arborer le titre de Grand Cru, rend impossible de réaliser quelque chose qui tienne la route!»

 Madeleine Ruedin et Pierre Gentizon, un duo complice.

Madeleine Ruedin, le renouveau de Salavaux «La région possède un excellent potentiel viticole. De plus, le Vully commence à devenir une marque. Le travail de communication a été bien fait et la clientèle reconnaît la qualité des crus produits par notre petite appellation», explique Madeleine Ruedin quand on lui demande pourquoi la fille d’un vigneron neuchâtelois qui a travaillé neuf ans dans le Chablais s’est installée dans le Vully.

«J’avais aussi un attachement sentimental pour cette région, puisque la maison où j’ai installé mon caveau de dégustation appartenait à mes grands-parents», explique l’œnologue, qui travaille à temps partiel à la Cave des Marnes de Pierre Gentizon. Ce domaine, créé en 1968 par Frédéric Gentizon, s’étend sur une dizaine d’hectares entre Bellerive, Vallamand et Constantine. Comme le reste du Vully, il bénéficie de l’influence bénéfique du lac, qui fait office de réservoir de température à la mauvaise saison. «Chasselas, pinot noir, pinot gris, chardonnay, riesling-sylvaner, traminer, merlot, gamaret, garanoir, galotta et mara cohabitent sur le domaine des Marnes», énumère l’œnologue, qui se réjouit de cette diversité de cépages. En ce qui concerne son propre domaine, le choix est plus restreint. Si sa carte propose du gamaret, du sauvignon et un liquoreux à base de riesling-sylvaner, les raisins sont achetés hors de la région, à l’inverse du pinot noir et du chasselas. Son Belles-Rives, un blanc fin, vif, fruité et très minéral, se distingue d’ailleurs par son élevage en amphores, une technique de vinification encore peu répandue mais toujours plus tendance, qu’elle a appris à maîtriser pendant ses neuf ans de collaboration avec Bernard Cavé. Concernant l’avenir, Madeleine Ruedin confirme le discours de Christian Vessaz: «Le cépage le plus prometteur est sans doute le traminer. Il a trouvé ici un terroir qui lui convient à merveille, même s’il faut encore travailler pour lui donner de l’équilibre et de la structure. On peut améliorer les choses en cave, mais le vrai travail doit se faire à la vigne», explique notre interlocutrice, qui soutient la création d’une charte dont les points essentiels seraient des rendements de 700 g/m2, des vendanges manuelles et un sondage minimum de 90° Oechsle. «Il y a un temps pour explorer les avantages des différents cépages, mais ensuite il faut se concentrer sur ses meilleures spécialités et les faire monter en gamme», conclut Madeleine Ruedin.

Le Guillon

N°42 1/2013


LA MAISON DE GUÉVAUX, UN LIEN ENTRE VAUD ET FRIBOURG Texte et photos: Caroline Dey

Le paysage composé de vignes au bord du lac de Morat, entre VallamandDessous et Môtier, est depuis le XVe siècle un lieu de villégiature très prisé des aristocrates fribourgeois et bernois. Ces derniers y édifièrent des maisons de maître, dont la maison de Guévaux, qui se trouve en Vully fribourgeois, tandis que le logement du vigneron est situé en Vully vaudois, séparé par une route. Ce dernier est actuellement le Domaine de la Douane, daté de 1766, qui porte une enseigne du même nom. Il aurait servi de douane entre les deux cantons. Deux cousins se partagent le domaine En 1657, un Bernois du nom de Nicolas Fischer possédait la maison. En 1742, Jean Bernard Kilchberger racheta la propriété fribourgeoise, appelée aussi Les Rondas. Les communs furent construits vers 1760, lorsque la route fut déplacée au nord des propriétés. Son cousin germain, Nicolas Kilchberger, bailli d'Avenches, construisit en 1747 la maison du côté vaudois, rache-

Le Guillon

N°42 1/2013

tée en 1825 par Auguste Roulet, de Neuchâtel, puis par la famille Rivier, en 1880. La brasserie est transformée en papeterie en 1818. Les Kilchberger étaient non seulement cousins, mais encore beaux-frères et avaient épousé deux sœurs: Marianne et Catherine. Le voisinage des deux beaux-frères ne fut pas sans problèmes. Ils durent même, en 1753, faire recours au gouvernement bernois pour arbitrer leurs conflits. Des plans semblables aux grands châteaux classiques français Les deux bâtisses forment un U composé d’une cour d'honneur avec corps de logis flanqué de deux ailes qui abritent les dépendances. Elles ressemblent au château de l’Isle, bâti en 1696 sur des plans de Jules Hardouin Mansart. On ne connaît pas l'identité de l'architecte de Guévaux. Une résidence qui cache de magnifiques jardins Comme on peut le voir sur le plan des-

siné par Albert Knecht en 1750, Jean Bernard Kilchberger a conçu pour la propriété fribourgeoise un charmant jardin à la française agrémenté d’un petit bassin avec fontaine. Les Kilchberger ont dû modifier la cour d’entrée à la suite de la création, en 1872, de la première route carrossable reliant Salavaux à Môtier. La première correction des eaux du Jura, en 1868, permettra de créer des jardins sur les quelques dizaines de mètres gagnés sur le lac. Ces deux maisons de maître se révèlent un trésor à découvrir en Vully fribourgeois et vaudois.

47


PATRICK FONJALLAZ Au Clos de la République RUELLE DU PETIT-CRÊT – EPESSES (LAVAUX)

TÉL. 021 799 14 44 • FAX 021 799 21 71 • E-MAIL: info@patrick-

PROPRIÉTAIRE DES GRANDS CRUS QUI DEPUIS ONT FAIT LA RENOMMÉE DE LA FAMILLE FONJALLAZ

Pour un moment de détente et de délassement, avec le ferme espoir de vous le rendre mémorable. Verre en main à l’ombre des mûriers à admirer le paysage si exceptionnel du vignoble en cet endroit et pourquoi pas vous restaurer par une légère agape ou un repas plus conséquent si vous le souhaitez!


-fonjallaz.ch • www.fonjallaz.info

Séance hors les murs pour un séminaire, une réunion d’entreprise, une conférence ou tout divertissement susceptible de réunir 100 personnes en auditoire ou plus encore pour un apéritif, un cocktail ou alors un banquet, 70 personnes dans ce cas. L’endroit idéal est à deux pas de Lausanne, proche d’un accès à l’autoroute.


The Robes of Confrérie du Guillon Councilors

Pascal Besnard Photo: Edouard Curchod

Artist Pierre Estoppey took his inspiration from Etienne Marcel, 14th century provost of the merchants of Paris, in his designs for the robes of the Confrérie du Guillon’s Councilors. For the Confrérie’s inaugural meeting on July 9, 1954 at Château de Glérolles, the seven members of the Small, or Executive, Council wore red robes while half of the 14 members of the Grand Council

wore yellow and the other half brown robes. The colors were meant to evoke the autumnal hues of a vineyard during the harvest season. The robes themselves stayed pretty much unchanged for over half a century. In their choice of colors, however, the Confrérie’s Governors have provided a bit of variety. Robert Anken, André Perey and Louis Ormond gave us a “green period,” Philippe Gex and the present Governor, Jean-Claude Vaucher, a “blue period” – cobalt in Gex’s case, navy in Vaucher’s. And today, red is no longer the prerogative of members of the Small Council: all Councilors are outfitted in yellow, brown or red depending on their order in the hierarchy. Constable and Lieutenant-Governor wear blue the same shade as the Governor’s robes. The prefects of Confrérie chapters known as cotterds wear brown robes with yellow and violet surplices.


Message du gouverneur Jean-Claude Vaucher

Ne mélangeons pas alcool et grands vins L’Office fédéral de la santé publique a annoncé l’automne dernier les premiers résultats de sa collecte de données concernant la consommation de substances psychoactives en montrant qu’un cinquième de la population suisse présente un comportement à risque en matière d’alcool, à savoir qu’ils boivent trop souvent ou régulièrement et en trop grande quantité. Inutile de dire que les médias, tisonnés par les milieux antialcooliques, se sont emparés de ces données afin d’en diffuser le côté sensationnel tout en culpabilisant et en inquiétant une fois de plus les consommateurs raisonnables et réguliers de bons vins. Ces considérations font fi du fait que la majorité des produits alcooliques consommés sont d’origine viticole, qu’ils font partie de notre culture, de notre patrimoine, de notre histoire, de notre gastronomie et qu’ils ne sont pas fondamentalement nocifs, et que seuls les abus posent problème et doivent être combattus. Oui, l’alcoolisme est un véritable fléau, celui des jeunes en particulier. Mais avez-vous souvent vu des jeunes organiser un binge drinking au Dézaley, à l’Yvorne ou au Bonvillars? Non, ces saouleries nocives sont le fait d’alcools blancs importés très bon marché, dont l’accès aux jeunes a été rendu possible en raison des effets pervers d’un libéralisme économique aveugle, soit

Le Guillon

N°42 1/2013

le jour où les droits de douane sur les spiritueux importés ont été abaissés au niveau des droits appliqués aux distillats indigènes. Résultat: la production suisse est devenue moribonde et les jeunes peuvent se saouler à bon marché. Ce fléau, il faut absolument le combattre, mais de grâce ne mélangeons pas tout et arrêtons d’assimiler le noble jus de la treille, produit d’hédonisme, de convivialité, aux vertus sociales indéniables, au rang d’une drogue dure aux effets ravageurs. La mise à l’index indifférenciée de l’alcool d’origine viticole et de spiritueux bon marché nuit gravement aux grands vins mais aussi aux exploitations vigneronnes, sans pour autant faire progresser la lutte contre l’alcoolisme. Car le secteur du vin suisse souffre aujourd’hui tout autant des ultras de la prévention que de la concurrence étrangère. La philosophie de notre Confrérie, c’est donc bien d’améliorer la connaissance des vins vaudois en les mettant en valeur, en inculquant la bonne manière de les apprécier avec raison, modération et respect, mais aussi régulièrement. C’est bien là le meilleur acte de prévention. Car il faut toujours garder à l’esprit, n’en déplaise aux moralisateurs et aux chantres de l’abstinence, qu’une consommation régulière de vin, pour autant qu’elle soit modérée, est un bienfait pour la santé, et cela a été prouvé scientifiquement.

51


Les Ressats des Mercuriales Pascal Besnard, échotier – Photos: Edouard Curchod Mercuriale? «Sous l‘Ancien Régime, assemblée des cours de justice qui se tenait deux fois par an, le mercredi, et au cours de laquelle le président faisait des remarques sur la manière dont la justice avait été rendue.» (Ouf!) Ou: «Plante de la famille des euphorbiacées aux propriétés laxatives.» (Aïe!) Et Mercure? Dieu du commerce, ou planète voisine de palier du Soleil ou compagnon de mesure du thermomètre… Il y avait là de quoi inspirer les intervenants… ou pas! Quoi qu’il en soit, l’inspiration n’a pas manqué, de fin octobre à fin novembre: mercurisés ou non, les élégants propos du gouveneur, du prévôt, des hérauts, les délires oratoires des chantres et clavendiers, les chansons des Gais Compagnons, les sonneries des trompes et trompettes ont suscité, comme à l’accoutumée, des vagues de sourires, de tonitruants éclats de rires, de doux frissons d’émotion et des applaudissements nourris… Et, question nourriture, l’inspiration n’a pas manqué non plus… Les plats de fête concoctés (successivement) par deux amis de la Confrérie, les chefs Andy Zaugg et Didier Schneiter, en ont témoigné: du velouté de Soleure revisité au carré de cerf rôti, de la raviole de ris de veau et bolets au savagnin à l’aiguillette de canette sauvagine. Du carpaccio d’ananas à la limette verte à la tatin de pommes rafraîchie… Des plats subtilement accompagnés par les nectars vaudois délicatement lovés dans les verres frappés du sceau du Guillon… Y paraît que Mercure a complètement fondu!

Toutes les photos des ressats sont disponibles sous www.guillon.ch

52



Ressats des Mercuriales

Vendredi 26 octobre Compagnon majoral André Simonazzi vice-chancelier de la Confédération Châtelaine d’un soir Yvonne Amacker centenaire Compagnon Cédric Buttex Lutry Gilbert Coignet Yens Claude-Michel Salamin Veyras Sébastien Weiss Perroy

Samedi 27 octobre Compagnon d’honneur Raphaël Domjan président de Planet Solar Compagnon Alexandre Berthoud Neyruz-sur-Moudon Yves Bonnard Pully André Gondroz Sugnens Jürg Zbinden Corseaux 1

2

4

54

Le Guillon

N°42 1/2013


3

1. Vice-chancelier de la Confédération et compagnon majoral à part entière. 2. Loué soit le prévôt Gilbert Folly! 3. Yvonne Amacker (avec sa petitefille), cent bougies le 26 octobre… 4. Un zeste d’humidité et de jolis jeux de lumière. 5. Un moment solennel… mais pas trop!

5

Le Guillon

N°42 1/2013

55


TOBIAS MATHIER

Heureux! Le directeur général et administrateur de la maison Jean & Pierre Testuz SA, à Treytorrens, est un homme heureux: à seulement 36 ans, Tobias Mathier a déjà réalisé une partie de ses rêves. «Quand, très jeune homme, je livrais avec mon père en Pays de Vaud et que nous passions en camionnette devant ce magnifique

négoce du cœur de Lavaux, j’étais déjà très attiré par cette affaire familiale de près de 500 ans.» En effet, c’est en 1538 que la famille Testuz vint s’établir dans le vignoble du Dézaley. «En tant que représentant de la troisième génération d’une famille de viticulteurs de Salquenen, attachée à la tradition et au vin, je mesurais déjà toute l’importance d’une telle filiation.» Mais pour que son histoire se fonde avec celle des Testuz, il a fallu bien des tours et des détours. Et pourtant, en 2007, à 30 ans à peine, ce Valaisan reprend les rênes de la vénérable maison vaudoise, perpétuant, depuis, l’héritage commun. Du partenariat de la maison Testuz avec la Baronnie du Dézaley, Tobias Mathier retient qu’il est surtout indispensable de communiquer d’une seule voix sur ce produit unique à la forte valeur ajoutée qu’est le Dézaley. «Osons le vendre comme de l’or, comme un bien précieux», dit-il avec conviction. Chez Testuz, c’est le Dézaley La Borne, un chasselas de caractère à la finale chaleu-

reuse et généreuse, qui est le messager de la maison à la Baronnie. «Depuis toujours, j’ai appris à travailler avec la nature, mais aussi avec mes tripes. J’aime écouter ceux qui m’ont devancé pour savoir ce qu’ils ont fait.» Pour s’en convaincre, il suffit de l’entendre parler de Monsieur Jean, à savoir Jean Testuz, son idole pour ainsi dire. «Depuis que je suis dans la grande maison, je fouine dans les archives pour tenter de mieux saisir cet homme, aujourd’hui disparu, sur la somme de ses connaissances. J’en apprends ainsi davantage chaque jour. Et, comme je vis pour ce métier, pour le vin et par le vin, c’est une manière de m’identifier à l’histoire de la maison et du Dézaley.» Un souvenir inoubliable «Depuis la capite du funiculaire, je vois les vignes, les roses, le lac, les montagnes. Rien d’autre que cela, à perte de vue. Et, en corollaire, le vin bien sûr, la tranquillité, la stabilité, la beauté.» Un effet de la réalité ou une image du paradis?

FAMILLE FONJALLAZ & Cie

Des vignes à Epesses en mains familiales depuis 1552 et, depuis 2001, un couple pour reprendre le domaine de 1,2 ha, «parce que nous voulions le sauver, toujours en suivant la tradition», s’écrient d’une seule voix Agathe et Toni Fonjallaz Figliola. Dans cette histoire, parfois douloureuse, même si la filiation c’est elle, le vigneron, c’est lui, depuis toujours. Et peut-être

le plus accro des deux. Il faut dire qu’il a travaillé de 1979 à 1981 au Clos des Abbayes de la Ville de Lausanne. «Sans mon mari, j’aurais sans doute quitté le domaine, admet la brunette aux yeux de braise, autrefois vendeuse en bijouterie. Et pourtant c’étaient les vignes de mon père, Michel Fonjallaz.» Finalement, après maintes péripéties, à 48 et 44 ans, ils fonctionnent maintenant en binôme. Lui à la vigne, elle à la gestion et à la commercialisation, alors que le vin se fait à la cave La Cornalle, à Epesses, chez Philippe Rouge, avec lequel ils se sont associés pour cette étape. Une bonne répartition du travail qui les satisfait et dont ils sont fiers, comme ils sont fiers de leur Dézaley, qui représente leur cave à la Baronnie et dont ils tirent environ 3000 bouteilles, parce qu’«élever un vin, c’est l’aboutissement du travail de la terre», souligne Toni, dont le père, Giuseppe, originaire des Pouilles, est arrivé en Suisse en 1960 pour œuvrer en tant que vigneron-tâcheron à Lavaux.

Quant à leur appartenance à la Baronnie du Dézaley, ils ne peuvent que s’en réjouir, car, disent-ils, «elle donne de la valeur à notre travail, nous permet de nous faire connaître et d’accéder à une autre clientèle». Une clientèle qu’ils chérissent tant ils aiment leur métier et que «vendre du vin, c’est bien, mais le vendre avec amour, c’est mieux», conclut Agathe. Un souvenir inoubliable «Depuis le chemin de la Dame, le coin le plus mythique du Dézaley, parce qu’il montre la pente: cette sensation de vertige qui nous saisit entre vigne et lac, c’est unique! Ou le cassecroûte de 9 heures pendant les vendanges, un moment privilégié», dit Toni. Pour Agathe, c’est une expérience à la fois effrayante et formatrice. «Enfant, à la vigne avec mon père, j’ai glissé dans une coulisse et dévalé la pente à grande vitesse, presque jusqu’au lac. Ce corps à corps avec le Dézaley, je ne l’ai jamais oublié.»


Ressats des Mercuriales

Vendredi 2 novembre Compagnon d’honneur Sébastien Loeb multiple champion du monde des rallyes Guy Fréquelin PDG de Citroën Sport Compagnon Jean-Daniel Aubry Crans-près-Céligny Nicolas Baudet Cossonay-Ville Thierry Chauvet Lausanne Yannick Liniger Chevilly Olivier Mivelaz Singapour Simon Monnard Attalens Cédric Ottet Oron-le-Châtel Olivier Pichot Morges David Platel Oron-la-Ville

1

1. Sébastien Loeb devient compagnon d’honneur: enfin un titre qu’il n’aura pas à remettre en jeu! 2. La coupe, pour un PDG deux fois chevronné, Guy Fréquelin.

2

Le Guillon

N°42 1/2013

57


Ressats des Mercuriales

Samedi 3 novembre Compagnon majoral Frédéric Borloz président de l’Association pour le Château d’Aigle Commune combourgeoise Vully-les-Lacs Compagnon Jean-Michel Bardet Saint-Aubin (FR) Claude Bessard Salavaux Liliane Burdet Chardonne Giordano Coletti Blonay Moritz Habermacher Ebikon Dominique Haldi Echallens Bernard Houte Meylan Jean-François Isoz Avenches Sandra Joye Rivaz Patricia Rey Chexbres Virginie Rouiller Troinex Luc Sergy Pensier

2

1

3

1. Visiblement Eric Hoesli apprécie… et accède au rang de compagnon d’honneur. 2. Deux variantes de la prestation de serment par Blaise et Steve Bugnon. 3. «Du Lavaux Vinorama au Château de Chillon: Sandra Joye devient dame compagnon» 4. Au tirer au guillon, c’est toujours le premier pas qui goutte! 5. Vully-les-Lacs, nouvelle commune combourgeoise de la Confrérie du Guillon. 6. Et un titre de plus pour Frédéric Borloz, celui de compagnon majoral.

58

5

Le Guillon

N°42 1/2013


Vendredi 9 novembre Compagnon d’honneur Eric Hoesli directeur éditorial des publications de Tamedia Compagnon Francis Bouvier Bois d’Amont Blaise Bugnon Croy Steve Bugnon Saint-Prex Paul-Antoine Darbellay Lausanne Urs Heitz Münchenstein Dominique R. Maillard Châtel-Saint-Denis Thierry Maurer Mont-sur-Rolle François Menzel Vaux-sur-Morges Christine Mercanton Saint-Saphorin-sur-Morges Laurent Papaux Villars-sur-Glâne Adrian Rickli Grandvaux

Samedi 10 novembre 4

Compagnon Eric Barbay Begnins Francesco Cavicchi Genève Cyril Chacornac Morges Jean-Blaise Defago Wabern Laurent Freymond Montricher Nicolas Gonet Céligny Adeline Mayor Vevey Isabelle Métroz Begnins André Monnard Begnins Jacques Mühlemann Signy-Centre Antoine Nicolas Begnins Brigitte Polonovski Vauclair Genève Raymond Walther Begnins

6

Le Guillon

N°42 1/2013

59


Ressats des Mercuriales

Vendredi 16 novembre Compagnon d’honneur Bernard Poupon administrateur-délégué de Reitzel SA Compagnon Michel Barnoud Thonon-les-Bains Gregori Calcagno Blonay Pierre-Alain Cossy Lausanne Alain Daragon Thonon-les-Bains Philippe Guignard Crissier Françoise Marx Publier Sylvain Richard Les Paccots Christophe Tron Thonon-les-Bains

Samedi 17 novembre Compagnon d’honneur Philippe Morel dir. chirurgical du Centre Universitaire romand de transplantation Compagnon juré Thomas Dürlewanger responsable achats boissons du Groupe Spar Compagnon Nicole Conrad La Croix-sur-Lutry René Diserens Peney-le-Jorat Yann Fergeau Genève José Naef Sainte-Croix Enzo Stretti Savigny Claude Verdon Bursinel

1

Vendredi 23 novembre Châtelaine d’un soir Paule Necker propriétaire du Château de Ripaille Compagnon Mario Canapa Bex Julien Chautems Agiez 3

60

Le Guillon

N°42 1/2013


Pascal Durussel Duillier Coraline Egger Duillier Jonathan Egger Carrouge Jean Lauber Allaman Olivier Mesple Lausanne Marcel Portmann Bottmingen Sébastien Rod Lutry Jean-Frédéric Theobald Villars-Mendraz Pascal Udry Echallens Frédéric Zurcher Belmont-sur-Lausanne

Samedi 24 novembre

2

1. Ce ruban vous ira… comme un cœur! Coraline Egger est adoubée. 2. Paule Necker, deux fois châtelaine: d’un soir à Chillon et tous les jours à Ripaille! 3. Didier Schneiter (à la droite du maisonneur Hans-Ruedi Gerber) et sa souriante brigade.

Compagnon d’honneur Laurent Favre pdt de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses Compagnon juré Gérard-Philippe Mabillard dir. de l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais Compagnon Bernard Bally Trélex Olivier Chenuz Cheseaux-sur-Lausanne Olivier Girardet Cugy (VD) Daniel Jaccoud Lausanne Stéphanie Jaquet Cheseaux-sur-Lausanne Kevin Koch Lausanne Blaise Mettraux Echallens Caroline Pariat-Brocard Crassier Nicolas Potterat Cully Cédric Potterat Lausanne Guillaume Potterat Cully

4. Le geste sûr des cavistes de la Confrérie du Guillon.

4

Le Guillon

N°42 1/2013

61


Jeune hussard dans la cohorte des conseillers intronisés le 9 juillet 1954 au Château de Glérolles, Jean-François Massy était devenu, par la grâce du temps qui passe, le dernier survivant des fondateurs de la Confrérie du Guillon. Sa cooptation dans les Conseils ne devait rien au hasard. A l’âge de 33 ans, en 1950, il avait repris, après la mort de son père (le Colonel), le domaine familial du Clos du Boux, à Epesses. Du haut de sa demeure sei-

Jean-François Massy

«Le dernier de nos membres fondateurs s’en est allé» gneuriale, il régnait en maître sur ses vignes, dont le célèbre Dézaley Chemin de Fer. Radical bon teint, il s’engagea très tôt dans la politique locale. Syndic d’Epesses (de 1966 à 1970) et député de Lavaux (de 1962 à 1970), il s’imposa comme un notable profondément attaché à la tradition vigneronne et au respect de ses valeurs. Mais c’est l’image exemplaire de son art de vivre que nous voulons évoquer. Avec une sagesse toute terrienne, il a su conjuguer, dans une totale harmonie, le temps du travail, de la famille, des responsabilités professionnelles et sociales avec le temps de l’amitié, des parties de caves, des voyages. A coup sûr, cet équilibre qu’il trouvait dans ses diverses activités et son ressource-

ment dans la nature, vers d’autres paysages, dans la fréquentation d’autres gens lui conférait cet esprit d’ouverture à autrui, cette fière élégance qu’il aura conservés jusqu’à son dernier jour, dans sa 95e année. Demeuré longtemps seul rescapé des conseillers de la première heure, il était devenu le patriarche vénéré de la Confrérie du Guillon. On le fêtait à chacune de ses apparitions, jusqu’à celle ultime du Ressat des Investitures, en ce dernier printemps 2012. A Marcelle, son épouse bien-aimée, à Luc, notre frère de robe, et à Margaret, à sa famille et à ses proches, nous adressons un salut ému, empreint d’un souvenir émerveillé. M.L.

© Edouard Curchod

© Edouard Curchod

Hommages

Jean-Marc Sauvant

«Un fin observateur des travers de son temps» Le 28 janvier 2012, Jean-Marc Sauvant quittait la Confrérie du Guillon sur la pointe des pieds après en avoir longtemps illuminé les activités d’un esprit coruscant et tonique. Né en 1927 à La Chaux-de-Fonds, plus tard domicilié à Vallamand-Dessus, dans un nid d’aigle avant-gardiste donnant sur le lac de Morat, il fut d’abord secrétaire municipal de sa ville natale, puis juriste à la Chancellerie fédérale. Elu vice-chancelier de la Confédération en 1968, Jean-Marc allait bientôt parachever sa connaissance déjà transcendante

62

des arcanes du pouvoir en devenant, de 1981 à 1992, secrétaire général de l’Assemblée fédérale et chef des services du Parlement. Ce funambule du verbe à l’humour décalé et à la verve pamphlétaire, fin observateur des travers de son temps, esthète entre les esthètes, offrit à nos rangs une compagnie d’une subtilité rare, d’une culture phénoménale, d’une amitié vraie. Tout semblait aisé à cette âme universelle, à commencer par les rapports humains. Tour à tour compagnon d’honneur, conseiller, légat, membre du Petit

Conseil, clavendier de haut vol de notre confrérie, il y laissera l’empreinte d’un grand serviteur du vin vaudois, épris de beauté et de simplicité. Ses frères de robe prient sa veuve Alice et ses proches de trouver dans ces quelques lignes le témoignage d’une profonde reconnaissance. E.C.

Le Guillon

N°42 1/2013


Propos de Clavende

Lavaux AOC Dézaley Grand Cru 2010 Vacherin Mont d’Or AOC Jean-François Anken, lieutenant-gouvernal J’en ai assez! Défiant les lois de la statistique me voici désigné de nouveau pour vous présenter nos duettistes éternels vacherin et Dézaley. Plus de 600 fois chantres et clavendiers vous ont tout dit sur ces deux larrons. Ce soir, on m’a puni; le chef m’a dit: «Tu as une nouvelle robe, alors tu t’y colles.» Avec le vacherin, ça allait de soi! Alors j’ai cherché: vous parler du sultanat du Mont d’Or, de son calife Haroun al Vacherine et du grand vizir Habdallah Dézaley? Trop difficile, c’était l’alQuaida-ture du cercle d’épicéa du Risoux qui sangle notre bonne pâte. Me tournant vers le cinéma; dialogue Jouvet-Simon: «Vacherin, vacherin, vous avez dit vacherin? Moi, j’ai dit vacherin? Comme c’est bizarre…» Ou, parodiant Sacha Guitry le misogyne: «A Chillon, Mesdames, vous verrez combien le vacherin vous ressemble. Doté d’une rotondité parfaite, il est malheureusement comme vous: avec l’âge il se flétrit…» Evoquer plutôt que vacherin et Dézaley d’autres duos célèbres de la région? Vacheron et Constantin? Jaeger et LeCoultre? Audemars et Piguet? Patek et Philippe? Et même, pourquoi pas, Blanc et Pain. Mais, là, on tourne en rond comme une horloge ou la boîte en sapin de notre combier. Et la piste scientifique? Faisant fi des méchantes langues qui disent qu’à

Le Guillon

N°42 1/2013

la vallée de Joux la matière grise est aussi rare que la fourrure sur un poisson, il faut nous pencher sur la matière blanche du vacherin et, pour cela, il nous faut le LHC; non, Mesdames et Messieurs, pas le Lausanne Hockey Club qui, lui, hélas, n’a plus de matière du tout. Là je veux parler du LHC: grand collisionneur de hadrons: anneau de 27 km de circonférence creusé sous le Pays de Gex. C’est là qu’il y a trois mois on a mis en évidence la particule élémentaire de toute matière, y compris le vacherin: le boson de Higgs. C’est lui qui, petite particule lente et lourde, avec des milliards de congénères, a composé une piscine de mélasse cosmique permettant à l’énergie de se transformer en matière. Il y a dans votre assiette un peu de l’alchimiste créateur. En 1906, chez les Combiers, on ne parlait pas de boson, on s’arrêtait à la beuse, reste peu digeste des vaches laitières employée comme engrais et que l’on retrouve dans l’expression enjouée des mamans photographiant leur progéniture: «Fais un petit sourire à papa qui revient des beuses.» Un siècle plus tard il faut moderniser le marketing: j’ai alors fait part de mes préoccupations à un confrère: Doc Gynéco, sous spécialité le rap, qui m’a dit: «Passe-moi le fromage, je vais le mettre en musique.»

Alors voilà les paroles; pour la musique, Doc Gynéco n’a pas encore accouché… Frères et sœurs super fresh, super cool, Breakers fous de tout âge Allez les soul brothers Allez les soul sisters On va faire le smurf Sur le rap des fromages. On commence en grande première Par le roi du rap, Le fromage de Gruyère C’est celui que ce râpe le plus… Et tout de suite après le gruyère, ça va être, le tour du camenbert. On continue dans notre fromagerie En breakant à fond sur le fromage de Brie. Le coulommiers, un d’ceux qui pue le plus. On n’oublie pas non plus le fameux port-salut, Ni le reblochon et encore plus fort: Le bleu d’Auvergne et le roquefort. La cancoillote qui coule, Tout ça c’est super cool. Génial aussi il est le livarot, vraiment trop, mais trop le livarot. Sans oublier l’edam et le gouda, Chester, parmesan et le gorgonzola. Enfin génius moelleux, c’est pas rien, Celui qu’on kiffe ici, c’est le vacherin! Pour accompagner cette star, il faut bien sûr un grand nectar, et seul le Dézaley peut assumer ce rôle.

63


Cotterd

Claude-Alain Mayor, tabellion Photos: Edouard Curchod

 Un intitulé prémonitoire

64

C’est bien connu: le petit nouveau veut toujours en faire davantage pour épater ses aînés. Ce zèle peut évoquer La Fontaine et la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Mais il peut aussi révéler un talent d’organisation insoupçonné et convier à des réussites éclatantes. Telle a été l’expérience de la bonne vingtaine de conseillers qui eurent le privilège de traverser ou de longer le Léman, vendredi 7 septembre dernier, pour rejoindre le Château de Ripaille afin d’y participer aux célébrations constitutives du Cotterd de Savoie. Accueillis dans la cour d’honneur de la résidence d’été du duc Amédée VIII, les quelque 120 participants eurent tout d’abord droit à une promenade apéritive à travers la forêt domaniale pour rallier un splendide pavillon de chasse dominant le lac, où les attendaient les accents cynégétiques et automnaux des trompes de chasse et un irrésistible buffet de produits du terroir local escortés de vins de Ripaille. Cette exquise entrée en matière n’était pourtant qu’un modeste prélude aux fastueuses réjouissances promises aux convives reconduits au château par un ballet de busnavettes impeccablement ordonné. Dans des jardins ombragés, six tables nappées de blanc proposaient autant de crus savoyards, sélectionnés par le compagnon juré Eric Duret, meilleur sommelier d’Europe 1998, et accompagnés d’amuse-bouche rivalisant d’originalité. L’assistance séduite put ainsi découvrir les vins de Samuel et Benoît Delalex, du Domaine Lucas et du Domaine de la Goutte d’Or, dont un impressionnant Crépy 1992, un chasselas témoignant une fois de plus de la capacité de garde de ce cépage. Il convient de noter que deux crus étaient vinifiés en amphores, poétiquement appelées outre-Léman «cuves en ciment en forme d’œuf». L’assemblée gagna ensuite la salle à manger seigneuriale pour prendre place autour de

1

Rip autour d’un

tables baptisées pour l’occasion du nom des régions viticoles vaudoises et savoyardes. Sans considération d’origine, les invités se retrouvèrent ainsi qui dans le Chablais, qui sur La Côte, qui encore à Marignan ou à Crépy. Peu importe finalement, dans la mesure où tous les mets étaient signés Charles Plumex chef du Prieuré à Thonon et titulaire d’une étoile Michelin et arrosés, comme le veut la tradition, de nectars vaudois. Le festin fut à la hauteur des lieux et de la réputation du cuisinier. La succession des plats enchanta les commensaux, égayée par les propos de bienvenue du préfet Bernard Vioud, l’allocution du gouverneur JeanClaude Vaucher évoquant avec humour la situation de la Suisse et de ses vins au sein de l’UE et la présentation tonitruante et flamboyante de la chère et des crus par

Le Guillon

N°42 1/2013


2

paille un baptême le héraut Christian Dénériaz. Après un foie gras de canard fondant et magnifiquement équilibré par l’acidité d’une réduction de framboises et de cassis, des noix de SaintJacques juste cuites à la plancha régalèrent l’assemblée, avant qu’elle jette son dévolu sur une pièce de veau d’une tendreté et d’une saveur exceptionnelles. En exorde au bouquet final, Louis Necker, le maître des lieux, entretint son auditoire de l’étonnante histoire industrielle du domaine. Génie local oblige, le plateau de fromages rassembla une tomme de Savoie, un Abondance de la Vallée et un chèvre des Plagnes. Au dessert enfin, lingot de chocolat, crème citronnée et pâte de pistache et ganache se chargèrent de parachever la volupté gastronomique des hôtes. Rassasiée des biens de ce monde, à tout le moins de ceux de Haute-Savoie, l’assis-

Le Guillon

N°42 1/2013

3

tance manifesta sa béatitude en reprenant en chœur le refrain d’Aznavour entonné par les Gais Compagnons: «Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil.» Présomption purement virtuelle d’ailleurs, la journée ayant été baignée par le soleil et la misère totalement imperceptible. En conclusion, Ripaille vaut bien Chillon et, pour son baptême, le Cotterd de Savoie a tenu la dragée haute à ses homologues et aux conseils de la Confrérie du Guillon.

1. Accueil des hôtes dans la cour du Château 2. Les Gais Compagnons en apéritif au pavillon de chasse. 3. Préfet et gouverneur encadrent la châtelaine Mme Paule Necker

65


Š Siffert/weinweltfoto.ch


Les Quatre heures du vigneron, à Cully

Bourg-en-Lavaux, la viticole Pascal Besnard, échotier – Photos: Edouard Curchod

Le Guillon

N°42 1/2013

67


Les Quatre heures du vigneron, à Cully

La fusion de Riex, Epesses, Villette, Grandvaux et Cully, le premier juillet 2011, a donné naissance à la plus grande commune viticole vaudoise. Rien que ça! En somme le paradis, pour la joyeuse troupe des fins connaisseurs de la Confrérie du Guillon, appelés à engager leurs papilles le dernier samedi d’août et le premier de septembre du millésime 2012 dans les caves accueillantes de Cully, regorgeant de crus régionaux. Celles des Berthet, Blondel, Bovard, Dubois, Ponnaz, Potterat et Weber, celle de l’Union viticole évidemment, sans oublier les guest stars, hôtes du pressoir de la Maison Jaune, Bujard et Chollet, d’Aran, les Chollet de Montagny, Bron de Chenaux, Duboux et Fonjallaz d’Epesses,

Malherbe de Grandvaux. Last but not least, la Baronnie du Dézaley, installée à portée de bouchon du bleu Léman. Une météo caractérisée par son inconstance, des propos de circonstance et de bons mots frappés du sceau de l’excellence, à l’instar des vins de Lavaux et des mets concoctés par Benoît Thürler et servis à la salle des Ruvines par les fanchettes avec la coutumière élégance… les Quatre heures de Cully, commune de Bourg-en-Lavaux, laissèrent dans les regards des compagnons et invités, quelque chose de lumineux, comme de la brillance. Et à tous les acteurs de ce grand moment de partage, la Confrérie exprime sa reconnaissance.

1. Max Graf, premier syndic de Bourg-en-Lavaux. 2. Moment de convivialité à la cave Potterat… côté jardin! 3. Compagnons et conseillers rassemblés sous la nouvelle bannière de la Confrérie du Guillon. 4. Les Ruvines, théâtre du dernier acte des Quatre heures: le repas.

2

68

1

3

Le Guillon

N°42 1/2013


Le salut du prévôt Gilbert Folly

(extrait) Bourg-en-Lavaux, c’est Cully, Epesses, Grandvaux, Riez, Villette. Quelle jolie carte des vins! Devant ce choix alléchant, sans dénigrer les quatre autres, les conseils de la Confrérie du Guillon ont opté pour Cully, une cité qui nous est chère, puisque nous y avons déjà partagé nos Quatre heures en 1994. C’était donc hier! Cully fait partie des Lieux saints du Guillon, puisque son premier gouverneur, François Cuénoud, en était le syndic. Et, en parlant de QI, quotient intellectuel, je pense à Tapolet, un bon type de mon village (il n’y a d’ailleurs que des bons types, dans mon village), mais le Tapolet avait un peu tendance à trop s’appondre au goulot. Un jour, Monsieur le Pasteur a voulu l’entreprendre: «Tu sais, Tapolet, trop d’alcool nuit à ta santé, ça attaque ton cerveau et détruit ses neurones.» Et le Tapolet de lui répondre: «Monsieur le Pasteur, un troupeau de moutons marche toujours à l’allure de celui d’entre eux qui est le plus faible. Quand le loup attaque les moutons, il s’en prend toujours au plus faible et, quand celui-ci a été boulotté par le loup, le troupeau peut marcher plus vite. Eh bien, avec mon ciboulot, c’est pareil: l’alcool détruit mes neurones les plus mal foutus, si bien qu’après mon cerveau allégé devient d’autant plus vigousse. Je me sens l’égal d’Einstein, de Verlaine et de Mozart!» Alors, mon QI étant ce qu’il est, c’est du fond du cœur qu’au nom des conseils de la Confrérie du Guillon, je vous adresse à vous, gens de Cully et d’ailleurs, nos plus cordiaux saluts. Loué soit le vin!

4

Le Guillon

N°42 1/2013

69


L e pl u s s u bl i m e n’ e s t - i l pa s d e déguster le vin comme à la vigne, face au lac et à l’ombre d’une tonnelle? Notre œnothèque vous transporte d ans un espace hors du temps et d u stress pour profiter de l’instant e t g oûter “Lavaux” tout entier dans son verre. Du mardi au vendredi de 10h00 à 12h30 et de 15h00 à 18h30

design : www.diabolo.com

Le samedi de 10h00 à 16h00

70

Le Petit Versailles CH-1096 Cully (Suisse) Tél. +41 21 799 22 22 Fax +41 21 799 22 54 Le Guillon w w w. l f d . c h

N°42 1/2013


Portrait de conseiller

Daniel H. Rey:

De l’immobilier à la vigne et au vin! Gilbert Folly, prévôt Photo: Edouard Curchod Sans doute la bûche n’est pas tombée loin du tronc. Cependant, si papa œuvrait déjà dans la branche en qualité de promoteur, Daniel H. Rey n’est pas, comme Obélix, tombé dès sa naissance, le 5 novembre 1964, dans la marmite de l’immobilier. Après sa scolarité, il entre en apprentissage à la Banque Cantonale Vaudoise. Après une période militaire qui lui vaudra le grade de sergent, il est engagé au Crédit Suisse, à Lausanne d’abord puis à Zurich, après avoir fait un stage linguistique en Allemagne. Suivent deux ans de collaboration avec papa, histoire d’apprendre les bases d’un métier qu’il ne pratiquera pas immédiatement, puisqu’il se met durant un an à parcourir le pays en vendant des publireportages pour Bilan. Puis retour aux affaires! D’abord dans une gérance de Blonay puis, âgé de 29 ans, en créant DHR Gérance Immobilière SA, société pratiquant également le courtage. Deux ans plus tard, à l’enseigne de GDR Promotions, qu’il crée avec son père, Daniel H. met sur le marché près de 200 logements en PPE. Son activité immobilière le rapproche du monde de la vigne et du vin. En 2005, il reprend les Caves du Petit-Versailles entraînant avec lui les fils de la troisième génération de la famille Dubois, Grégoire et Frédéric, trio assurant la continuité d’une entreprise emblématique de l’économie vitivinicole vau-

Le Guillon

N°42 1/2013

doise. Voici donc Daniel H. à la tête d’une société occupant une vingtaine de personnes, propriétaire de 10 hectares de vignes, achetant des récoltes qu’elle travaille à façon dans ses installations de Puidoux, celles notamment des vignobles que la Ville de Lausanne possède à Lavaux et de la commune de Bourg-en-Lavaux. Dans la lancée, deux ans plus tard, il reprend la cave et le vignoble du Château de Glérolles, château dont il devient propriétaire au travers de la Société Patrimoine Pierre SA, dont il est administrateur délégué. Son abondante activité professionnelle lui laisse cependant le temps de pratiquer le golf, trop peu souvent à son goût, et, si l’on peut le rencontrer l’hiver sur les pistes de ski, l’été c’est en Islande qu’il s’adonne à la pêche à la mouche, technique difficile dans laquelle il se

montre fort adroit. Les saumons en savent quelque chose! Quand il saura que Daniel H. Rey est membre du Rotary Club de Lavaux, qu’il apporte son soutien à des équipes sportives, le lecteur se demandera si notre conseiller trouve encore du temps à consacrer à sa famille. Eh bien, ce challenge auquel il tient, il le réussit pour le bonheur de Patricia, qu’il a épousée en 1994 et qui lui a donné deux enfants: Raphaëlle, qui suit les cours de l’Ecole d’art visuel de Lausanne, et Jérémie, qui poursuit sa scolarité. Et, chez les Rey, on a le sens du partage. Dès lors, Madame n’a pas hésité à passer sur ses épaules le ruban de dame compagnon de la Confrérie du Guillon. Ceux de Raphaëlle et Jérémie sont commandés! C’est ainsi que continuera notre Confrérie!

71



Soulevons le couvercle

Le retour de l’ami soleurois Andy Zaugg, Zum Alten Stephan, Soleure

Pascal Besnard, échotier Photos: Edouard Curchod A l’automne 2008, Andy Zaugg prend pour la première fois ses quartiers au Château de Chillon*. Une visite qui laisse sans aucun doute des souvenirs émus aux hôtes de cette série de ressats. «Depuis lors, quotidiennement, deux ou trois tables de mon restaurant sont occupées par des compagnons de la Confrérie du Guillon», explique le maître queux soleurois. Pour celui-ci, le souvenir de 2008 est contrasté. Il adore l’ambiance des ressats, mais à cette époque-là une lourde sanction tombe: le Michelin lui retire son étoile. Le guide «punit» une incursion dans la cuisine moléculaire. «Dans le fond, cela a été un stimulant pour moi, commente le chef. J’ai compris qu’il ne fallait jamais oublier sa passion et son style.» La leçon est vite apprise. Andy Zaugg retrouve rapidement l’une et l’autre et regagne son étoile dans la foulée. Sa cote grimpe aussi dans le Gault&Millau. Il est noté 17 points sur 20, à l’instar de plusieurs grands cuisiniers de Suisse. Et le retour à Chillon, à l’automne 2012, comment le vit-il? «Avec une grosse pression sur les épaules, sachant à quel point les participants aux ressats sont des gourmets.

Le Guillon

N°42 1/2013

Au début de la première soirée, j’étais comme un tigre prêt à bondir! Mais, comme tout a bien roulé, j’ai eu ensuite le sentiment de cuisiner pour de bons copains dans une ambiance détendue…»

«Nous ne sommes pas des stars; notre mission, c’est de bien servir nos clients.» Andy Zaugg

Andy Zaugg insiste sur la nécessité pour un chef, même renommé, de garder les pieds sur terre. «Nous ne sommes pas des stars; notre mission, c’est de bien servir nos clients.». Et ses «clients» de Chillon ont été gâtés. Par exemple avec le surprenant velouté de Soleure, plat emblématique du Zum Alten Stephan, initialement emprunté au patrimoine culinaire soleurois, mais sérieusement allégé, totalement revisité par Andy Zaugg… A propos, la prochaine visite de l’ami soleurois au Château de Chillon, c’est pour quand?

* Voir Le Guillon, N° 34, page 53

73



Soulevons le couvercle

Le velouté de Soleure revisité par Andy Zaugg Pour 4 personnes

Ingrédients pour le velouté 4 dl de vin blanc 4 dl de bouillon de poule 4 dl de crème 1 cs de fond de veau 1 cs de pesto de basilic 1 cc de Sambal Olek sel, poivre • Portez tous les ingrédients à ébullition • Tenez au chaud • Mixez avant de servir. Garniture 30 g de beurre 40 g de poireaux en julienne 40 g de carottes en julienne 80 g de poulet fumé en brunoise • Blanchissez les légumes • Faites revenir les légumes et le poulet dans le beurre

Le Guillon

N°42 1/2013

Dressage 1 dl de crème fouettée 20 g de ciboulette paprika • Intégrez la garniture dans le velouté • Dressez une coquille de crème fouettée sur le velouté • Parsemez de ciboulette et de paprika Le vin Pour accompagner son velouté de Soleure revisité, Andy Zaugg a choisi un Yvorne Château Maison-Blanche 2011. D’abord parce que c’est un chasselas et que le plat en contient. Ensuite, de l’avis du cuisinier, ce grand vin blanc vaudois associe rondeur et acidité, association que l’on retrouve dans le velouté. Andy Zaugg recommande de le servir à la température de la cave, donc pas trop froid.

75


Guillon d’Or

Guillon d’Or – Clos, Domaines & Chât Claude-Alain Mayor, tabellion – Photos: Edouard Curchod

 Dans un accès de bonne humeur communicative, le gouverneur Jean-Claude-Vaucher remet le Guillon d’Or et le président de CD&C André Fuchs la carafe gravée à la lauréate.

76

La première édition du Guillon d’Or, en 2011, avait couronné le rayonnement scientifique et la vision entrepreneuriale en la personne du président de l’EPFL Patrick Aebischer. Le jury 2012, présidé par le gouverneur Jean-Claude Vaucher et composé de Jean-Jacques Gauer, hôtelier, Pierre Keller, président de l’OVV, Philippe Gex, gouverneur d’honneur, Peter Rothenbühler, membre de la direction d’Edipresse, et Claude-Alain Mayor, secrétaire du Guillon d’Or, a suivi une fibre plus artistique en décidant de consacrer l’immense talent et la carrière exceptionnelle de l’actrice suisse Marthe Keller. Le lundi 25 septembre, le Salon Delamuraz du Lausanne Palace est plein à craquer pour accueillir cette grande dame, ambassadrice de charme de notre pays. Arrivée avec quelques minutes de retard, elle prend à cœur

de s’excuser avec une sincérité, un naturel et une pointe d’humour qui conquièrent d’emblée l’assistance. En lever de rideau, Jean-Claude Vaucher souhaite la bienvenue à la lauréate et à l’assemblée, au premier rang de laquelle il salue le conseiller d’Etat Philippe Leuba. Le gouverneur rappelle ensuite l’histoire et la vocation du prix Guillon d’Or - Clos, Domaines & Châteaux, destiné à associer à notre Confrérie et à la promotion des vins vaudois une personnalité de premier plan, internationalement reconnue, qui contribue à la renommée de ce pays. C’est au conseiller Claude-Alain Mayor que revient ensuite le privilège d’évoquer les mérites de la lauréate. Née à Bâle et attirée dans un premier temps par la danse classique, Marthe Keller s’oriente pourtant vers la scène en Allemagne, où elle fait ses classes, puis en France, où elle est révélée dans la série télévisée La Demoiselle d’Avignon et tourne avec Philippe de Broca, Gilles Grangier et Claude Lelouch. Repérée par John Schlesinger, elle entame en 1976 une carrière hollywoodienne (Marathon Man, Bobby Deerfield, Fedora) qui la verra côtoyer, entre autres, Dustin Hoffman, Al Pacino, Laurence Olivier et Marlon Brando. Les oscars sont à portée de main, mais cette insatiable perfectionniste cherche de nouveaux défis. Elle revient donc en France, où elle partage son temps entre cinéma, télévision et mise en scène lyrique, activité qui la voit triompher en 2004 avec Don Giovanni au Metropolitan Opera de New York, repris au Grand Théâtre de Genève en 2009. Au cinéma, elle tourne notamment avec André Dussollier, Matt Damon et Gérard Depardieu.

Le Guillon

N°42 1/2013


âteaux 2012 Exigeante, refusant d’être confinée à un rôle ou à un genre, la grande artiste n’hésite pas à décliner des propositions alléchantes quand elle ne sent pas le personnage, préférant interpréter des textes difficiles mais consistants. Elle mène donc une carrière en totale indépendance, à l’écart des modes, des mondanités people et du showbiz. Tout en résidant actuellement à Paris, elle reste viscéralement attachée à la Suisse, où elle séjourne de plus en plus souvent, à Verbier, pour se ressourcer. Elle traverse donc fréquemment le Pays de Vaud et s’arrête à Lausanne pour donner des cours à l’ECAL ou à l’Ecole du Théâtre des Teintureries. Le point culminant de la cérémonie est atteint lorsque le gouverneur et le président de Clos, Domaines & Châteaux, André Fuchs, remettent ses trophée à la lauréate sous le crépitement des flashs: un guillon de cristal gravé à son nom et la carafe à chasselas qui l’accompagne. En outre, la promesse de 36 cartons de grands crus vaudois offerts par CD&C, généreux sponsor du prix. Dans ses remerciements, Marthe Keller souligne non sans malice que c’est la première fois, malgré le nombre de journalistes qui s’y sont essayés, que sa carrière est relatée de manière fidèle et scrupuleuse. Elle confesse avec conviction sa passion profonde pour la Suisse romande, ses paysages, ses gens et ses vins, qu’elle se réjouit de déguster tant à Paris qu’à Verbier où ils lui seront livrés, avec les plats qu’elle adore concocter pour ses hôtes. A l’issue de la cérémonie, un apéritif réunit tous les participants dans la Rotonde, où l’héroïne de la soirée, radieuse de fraîcheur

Le Guillon

N°42 1/2013

et de spontanéité, passe de groupe en groupe pour exprimer son émotion, sa reconnaissance et le vif plaisir qu’elle ressent à partager ces instants de détente en compagnie de ceux qu’elle considère déjà comme de vieilles connaissances. Une importante présence médiatique et le bonheur d’un public aux anges témoignent éloquemment de la pertinence du choix du jury de cette deuxième édition.

 Tandis que Marthe Keller et le connétable écoutent religieusement la laudatio de ClaudeAlain Mayor, le chancelier n’a d’yeux que pour la lauréate.

77


1er Grand Cru

Un millénaire d’excellence Entrez dans l’univers d’exception d’un 1er grand cru www.chatagnereaz.ch Les 1ers Grands Crus vaudois, nouveaux symboles d’excellence Membre de l’Association


Le Musée de la vigne et du vin – Château d’Aigle

L’étiquette en folie, les visages du vin Fabien Loi Zedda, président et conseiller

Le Musée, fondé par la Confrérie du Guillon en 1971, vit la deuxième des trois phases de sa refonte complète. Rappelons que la première et la plus importante a été inaugurée, avec faste, le 24 avril 2010. Une salle entièrement consacrée aux étiquettes de vin… Peintures, dessins, gravures… l’étiquette est toujours unique, comme une personne ou une signature. Voilà ce qu’évoque le nom de la nouvelle salle du Musée de la Vigne et du Vin au Château d’Aigle: les visages du vin! Mobilier muséographique modulaire, éclairage harmonieux, bornes interactives, tout a été conçu pour mettre en valeur l’exceptionnelle collection du musée.

Le Guillon

N°42 1/2013

Sous la houlette de Pierre Schulthess, préfet du Cotterd du Tessin, collectionneur et spécialiste reconnu, la Commission muséale de l’AMVVVE a travaillé en étroite collaboration avec la Confrérie de l’Etiquette, Nicolas Isoz, conservateur du musée, et Claire Halmos, chef de projet muséographie. Sur les plus de 300 000 étiquettes en collection, près de 1200, réparties par thèmes, ont été choisies pour l’exposition. Elles illustrent entres autres châteaux, politique, BD, scènes paillardes, artistes, paysages du monde, Fête des Vignerons ou encore étiquettes historiques. Est aussi à l’honneur l’une des marques de vin les plus connues du pays: l’Aigle les Murailles. Actualité oblige, un accent particulier est donné aux étiquettes de la Ville de Lausanne. Deux bornes interactives permettent au visiteur de se plonger dans la collection du musée grâce à une base de données spécifiquement conçue à cet effet. Inauguration le samedi 20 avril 2013! Venez découvrir un aménagement unique au monde, une exposition vivante, ludique et évolutive. www.museeduvin.ch

79


La colonne de Michel Logoz

Domaine de la Grille Alain Parisod Propriétaire-encaveur 1091 Grandvaux

1412 – 2012 Tél. 021 799 48 15 e 600 anniversaire Fax 021 799 48 16 25 générations de tradition Natel 079 607 44 20 E-mail : alain.parisod@parisod.ch www.parisod.ch

A la rencontre des consommateurs! «Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi!» On connaît cette célèbre tirade du mélodrame de cape et d’épée Le Bossu. Nos producteurs de vins suisses ne devraient-ils pas l’adopter comme cri de guerre pour partir à la conquête (ou à la reconquête) de marchés funestement abandonnés à la concurrence? Face au franc fort, à la baisse constante de consommation de nos vins suisses, suffira-t-il de faire vibrer la fibre patriotique, de brandir l’emblème Swissness, d’encourager l’œnotourisme pour que nos compatriotes se sentent submergés par un besoin irrésistible de galoper chez nos vignerons? Toutes initiatives auxquelles on applaudit bien sûr, comme aussi aux opérations de séduction qui déferleront sur Internet, sur les réseaux sociaux, dans des campagnes de presse et d’affichage, dans les salons et expositions. Mais, quand on sait que la grande distribution représente à elle seule plus de 40% du volume des ventes (toutes origines confondues), on doit admettre que c’est bien sur ce terrain que se jouent prioritairement les batailles. A coups de stratégies, hélas souvent très aléatoires, si l’on rappelle que les importateurs et les distributeurs disposent de marges deux fois supérieures sur les vins étrangers que sur les vins suisses. Dans la jungle, le bric-à-brac des bouteilles de toutes nationalités qui envahissent les linéaires, les vins de nos cantons parviendront-ils à se réserver des espaces privilégiés, des îlots de promotions aux couleurs helvétiques? Oui, c’est bien dans cet environnement qu’il faut se battre, être présent pour guider et orienter le consommateur dans ses choix. Là où ça bouge, comme dans les grands centres urbains, avec des bars Swiss Wine au cœur des zones de chalandise. Même le souverain pontife va à la rencontre de ses ouailles!

80

Epesses Domaine Maison Blanche

Pinot-Noir Villette « Domaine de la Grille »

Villette « Domaine de la Grille » Chasselas Terravin

Parisod Alain_annonce_A6_2012.indd 1

16.02.1

Le Guillon

N°42 1/2013


Avec passion et avec vous.

Le domaine de Montagny est situé en Lavaux, une région riche d’une longue tradition viticole. La BCV veille sur ce patrimoine historique et poursuit son exploitation dans le respect du savoir-faire local.

TERROIR Ça crée des liens

www.bcv.ch


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.