Le Guillon n° 46 - FR

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LA REVUE DU VIN VAUDOIS

WITH ENGLISH SUMMARY

N째 46 1/2015

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Sommaire Photo de couverture: Régis Colombo

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éditorial et impressum

Vin Vaudois 5 Pros français dans le vignoble vaudois 13 Le réveil de la vigne 22 Lauriers de Platine 2014 25 Grand Prix du Vin Suisse 2014 30 Arvinis – En avant toute! 34 Un écrin rubis pour Bonvillars 37 Les vins vaudois hôtes du Palace 39 Vendange improbable à Aigle 41 Un Pinot Noir vaudois encensé par Parker! Nos terroirs ont du talent 42 Le taillé aux greubons

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Livres

Confrérie du Guillon 51 Message du gouverneur 52 Les Ressats des Douze lustres 63 Propos de Clavende 64 Cotterd de Bâle 67 Les Quatre heures du vigneron 70 Soulevons le couvercle 75 Guillon d’Or 79 Portrait de conseiller 80 La colonne de Michel Logoz 80 Hommage

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Editorial

Revue Le Guillon Sàrl Chemin de la Côte-à-Deux-Sous 6 CH-1052 Le Mont-sur-Lausanne revue@guillon.ch www.revueleguillon.ch Le Guillon, la revue du vin vaudois paraît deux fois par an en langues française et allemande; résumés en langue anglaise. IMPRESSUM Gérants: Dr Jean-François Anken (président), Luc Del Rizzo, Daniel H. Rey. Partenaires: Confrérie du Guillon Office des Vins Vaudois Label de qualité Terravin Fédération des caves viticoles vaudoises Section vaudoise de l’Association suisse des vignerons encaveurs Service de l'agriculture (SAGR) – Office cantonal de la viticulture et de la promotion (OCVP) Service de la promotion économique et du commerce (SPECO). Rédacteur responsable: Pascal Besnard. Ont collaboré à ce numéro: Philippe Bujard Ernst W. Eggimann Pierre-Etienne Joye Michel Logoz Claude-Alain Mayor Claude Piubellini Pierre Thomas Alexandre Truffer Jean-Claude Vaucher Fabrice Welsch Eva Zwahlen. Adaptation en langue allemande: Evelyn Kobelt (Confrérie), Eva Zwahlen. Adaptations: Loyse Pahud (français), IP Communication in English. Graphisme et mise en page: STLDESIGN – Estelle Hofer Piguet. Photographes: Edouard Curchod – Studio Curchod Régis Colombo – photographeprofessionnel-lausanne.ch Sandra Culand – kairos-photos.ch Philippe Dutoit Sacha Fehlmann Bertrand Rey – bertrandrey.com Hans-Peter Siffert – weinweltfoto.ch

Pascal Besnard Rédacteur responsable

L’expertise, le talent et l’audace Les pleurs de la vigne, l’éclosion des fragiles bourgeons, le vignoble qui reverdit. Le tableau est bucolique, le phénomène déconcertant de naturel. Il ne faudrait toutefois pas oublier l’implication des hommes, pépiniéristes et autres spécialistes: ils sont les complices éclairés de la nature, et sans eux pas de nectars à faire rouler sur les papilles. L’expertise viti-vinicole vaudoise n’est plus à démontrer. Elle attire même les professionnels français, œnologues ou chefs de culture, venus parfaire leur formation dans les domaines d’ici. Ceux qui témoignent dans les colonnes de cette revue, reconnaissent les qualités spécifiques du terroir vaudois. A l’unisson, au moment de désigner leur vin favori, les tricolores ont brandi une bouteille de chasselas, cépage emblématique du canton de Vaud, son berceau. Un terroir et ses pros, capables de créer aussi les meilleurs vins effervescents du pays. Le triplé vaudois au Grand prix du vin suisse l’atteste. A l’expertise s’ajoute donc le talent. A l’image de celui que Parker reconnaît, lorsqu’il accorde 93 points au Pinot Noir Raissennaz Grand Cru 2012 du domaine Henri Cruchon. Une appréciation conforme à celles qu’obtiennent les ténors bourguignons. L’expertise, le talent. Et l’audace. Comme celle dont a fait preuve la maison Badoux, en vendangeant une parcelle aiglonne de pinot gris le 24 janvier, entre deux épisodes de neige. Sans doute un record. Histoire de rappeler, qu’ici aussi, on sait élaborer de grands vins liquoreux. Enfin à toutes ces qualités, il convient d’ajouter celle de l’accueil. Les domaines et caves du canton de Vaud ouvrent régulièrement leurs portes aux visiteurs. Profitez-en!

Photolitho et impression: IRL plus SA. Régie des annonces: IRL plus SA, Arnold Krattinger Chemin du Closel 5 - CH-1020 Renens Mobile: +41 79 373 06 22 E-mail: arnold.krattinger@irl.ch Abonnements: www.revueleguillon.ch – revue@guillon.ch ISSNN 0434-9296

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P. S. A big welcome to those of you reading the magazine in English. Whether you live in Switzerland or are just visiting, we hope you enjoy learning more about the exceptional wines made in the Pays de Vaud and our unique art of living.

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Vin Vaudois

Pros français dans le vignoble vaudois

Rouge, blanc… bleu Des professionnels français sont de plus en plus engagés dans le vignoble et les caves vaudois. Il n’y a ni chiffre, ni étude. Encore moins d’«amicale», mais une tendance, sans doute due à la proximité et à la langue. Cinq rencontres entre «quatre-z’yeux». Pierre Thomas – Photos: Bertrand Rey Le cas n’est pas unique en Suisse: Neuchâtel a déjà, depuis plusieurs années, un responsable cantonal vitivinicole d’origine française. Mais la désignation par le Conseil d’Etat, il y a deux ans, du jeune Alsacien Philippe Meyer, au poste d’œnologue cantonal, successeur de Denis Jotterand, qui officiait depuis douze ans, a braqué le projecteur sur une réalité nouvelle. De son côté, Changins aspire à un rayonnement francophone, en confiant son

enseignement et des secteurs de recherche à des Français, voire, comme un exemple ci-après le montre, en attirant des élèves de l’Hexagone sur ses bancs d’école. Dans les vignes et les caves, la présence des voisins paraît moins évidente. Ca change! Notamment avec la nouvelle génération. Dans les pages qui suivent, les cinq portraits sont contrastés. Une double «bonne surprise» les lie: d’abord, les témoins

disent leur passion pour le chasselas (qu’ils ont tous choisi comme leur vin favori!), ensuite, le petit monde helvétique est vu davantage comme une terre riche et diverse qu’exigüe et repliée, malgré l’exportation faible (1%). En route pour se familiariser avec les titulaires de BTS (brevet de technicien supérieur) et de DNO (diplôme national d’œnologue).

Red, White… and Blue Increasing numbers of French wine professionals are working in the vineyards and cellars of the Vaud canton. There are no data and no surveys, but there is plainly a trend which is no doubt attributable to a common border and a common language. For some years now, Neuchatel has had a French cantonal wine-manager, but the State Council’s nomination two years ago of Philippe Meyer, a young wine professional from Alsace, to the post of cantonal oenologist, highlights this new reality. As for Changins, the school has a policy of spreading its influence in the French-speaking world: it hires French nationals for teaching and research, and attracts students from France. In the vineyards and cellars, the presence of our neighbours is less evident. But that

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is changing, especially with the new generation who are united in recognising some welcome surprises: firstly, that one can be passionate about Chasselas and secondly, that although small and with exports at a mere 1%, Switzerland is a land of richness and diversity. Chasselas wines selected by French professionals: • Philippe Meyer, cantonal oenologist, Cully Aigle 2013, Hospices cantonaux Full of elegance and finesse • Floriane Garçon, œnologist, Morges Mont de Vaux 2013, Grand Cru, Domaine Cruchon Lovely personality, original and complex

• Dorian Amar, oenologist and production manager, Etoy Vigne En Bayel 2013, Féchy, Raymond Paccot All the best qualities • Fabien Bernau, cellar hand and oenologist, Union vinicole Cully Son Excellence 2013, Epesses, Union Vinicole de Cully Cultivated by two wine-grower members, optimal maturity, controlled vine yield • Mathieu Le Saux, former production manager, Domaine des Faverges, Saint-Saphorin L’Enigme 2013, Domaine des Faverges, Saint-Saphorin Bio Bourgeon label 2015, spontaneous malolactic fermentation, long maturation on fine dregs. PT

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Vin Vaudois

Philippe Meyer, œnologue cantonal, Cully

«Un potentiel énorme à valoriser» «La Suisse m’apporte beaucoup. Par exemple au travers de Changins, proche de la profession. Ici, le vigneron qui veut apprendre et se former, peut le faire». Œnologue cantonal vaudois depuis le printemps 2012, l’Alsacien Philippe Meyer, 37 ans, demeure à Cully, là où, de 2008 à 2012, il a effectué quatre vinifications au domaine LouisPhilippe Bovard: «Je m’y sens bien, avec ma famille, mes amis, et j’apprécie ce cadre de vie.» D’une famille de vignerons (ses cousines ont repris le domaine Josmeyer, un des plus cotés d’Alsace), Philippe Meyer a accompli un BTS viti-œno à Rouffach, puis un DNO à Reims. «Quand on allait skier à Verbier, je me rappelle que vers 17-18 ans, je m’étais exclamé en longeant le Léman: là, je reviendrai! Plus tard, je me suis dit que de Lavaux, vignoble hors norme, on peut faire quelque chose d’exceptionnel. Et dès que j’y ai pris pied, ma motivation a décuplé ! Je compare Lavaux à la Côte Rôtie. Il y a le même potentiel terroir. Il faut encore prendre conscience du potentiel marketing pour hisser les vins à 30 euros la bouteille, comme en Côte Rôtie.» «J’avais vinifié du chasselas en Alsace, qu’on assemblait dans une cuvée blanche. Ici, je me suis rendu compte que le chasselas pur exige une remise en question et une réflexion permanentes», constate celui qui fait des analyses pour une centaine de domaines vaudois, et prodigue ses conseils suivis à une quarantaine, et enseigne à l’Ecole de Marcelin. «Je déguste des vins de tout le canton. Avec 66 cépages autorisés, c’est passionnant. Les terroirs sont très différenciés. A chaque fois, c’est une découverte.» Quelle image avait-il des vins vaudois avant de s’établir ici? «Quand on venait vendre le vin d’Alsace en Suisse, chez

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Globus à Bâle ou Zurich, on ramenait des flacons. Je savais donc que le chasselas est un vin gras et ample en bouche. Les vignerons tiennent euxmêmes à ce côté tendre, presque trop… Ce caractère, c’est un peu comme la question du sucre dans les vins alsaciens. On m’a aussi averti: le vigneron vaudois n’aime pas le changement. Le vigneron est un terrien, le milieu est petit, mais il est obligé d’être ouvert: la main-d’œuvre dans les vignes est souvent étrangère et la clientèle aussi, sur l’arc lémanique.» Et l’avenir du vin vaudois, comment le voit-il? «La marge de progression technique est restreinte, tant le niveau est élevé, mais énorme au niveau

de la commercialisation. Les caves sont bien équipées et les vignes bien tenues. Trois millésimes climatiquement difficiles viennent de montrer que les vignerons sont durs à la tâche et persévèrent. Et pour être vigneron, il faut être convaincu de ce qu’on fait.» Philippe Meyer sait de quoi il parle; un Vaudois dirait de lui sans rougir: «Il est des nôtres.»

Le vin qu’il a choisi: Aigle 2013, Hospices cantonaux Un chasselas tout en élégance et en finesse, élevé par la «maître caviste» Marjorie Bonvin.

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Floriane Garçon, œnologue, Morges

«La diversité dans la qualité m’a surprise»

«Je n’avais aucune idée des vins suisses avant de venir, mais de la curiosité, et je suis tombée sous le charme du chasselas», dit d’emblée Floriane Garçon, 26 ans, née dans le Bugey, entre Genève et Lyon. Ses parents y sont maraîchers. Après le bac, elle est allée faire un BTS viti-œno à Mâcon-Davayé, suivi d’une licence en «sciences de la vigne» et un DNO à Dijon. Après des stages en France, elle arrive en janvier 2013 pour seconder Raoul Cruchon au domaine familial d’Echichens. Rapidement, l’œnologue lui demande de rester. Et elle dit «oui», avant d’être envoyée en Bourgogne, pour faire les vendanges 2014 à Gevrey-Chambertin, pour mieux apprivoiser chardonnay et pinot noir. «Cette expérience m’a ouvert les yeux. Je me suis dit qu’à 25 ans, je n’avais pas encore tout vu et qu’il fallait que je parte…» Ces lignes, elle les lira donc en Nouvelle-Zélande, où elle vendange

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ses premiers pinots noirs dans la région de Marlborough. Même si elle paraît aujourd’hui certaine de ne pas revenir en Suisse, Floriane Garçon jette un regard sur ses deux dernières années. «S’il ne restait que du chasselas et du pinot noir dans le vignoble vaudois ça ne me dérangerait pas !» Les deux cépages exigent de la précision en cave, pour exprimer «délicatesse, discrétion et équilibre». Un vrai défi pour un(e) œnologue: «Quand on recherche la richesse et la complexité, on a davantage de marge de manœuvre, notamment par l’élevage en barrique, alors que la finesse et l’élégance imposent d’être d’autant plus vigilant et attentif.» Sur un domaine reconnu, parmi les plus diversifiés du vignoble vaudois, la jeune œnologue n’a pas boudé «le plaisir» d’autres cépages, «mais je n’ai pas eu autant d’émotion qu’avec le chasselas.» «Le plus grand vin que j’ai

bu est un Dézaley du Clos des Abbayes 1979, de la Ville de Lausanne, lors de la dégustation de la Mémoire des vins suisses, au printemps 2014. Je suis restée bluffée. Avec l’âge, les arômes de miel, d’épices, de curry me rappellent les vins du Jura, d’où vient ma maman. De tels vins sont fabuleux avec un plateau de fromages. A la maison, on buvait du vin jaune avec du comté!» Au domaine Cruchon, l’œnologue s’est confrontée à la biodynamie: «Sur une même parcelle, nous avions du raisin cultivé en conventionnel et en biodynamie. Déguster l’un ou l’autre, c’était le jour et la nuit. La biodynamie est avant tout une réflexion sur l’équilibre de la vigne. Pour que le terroir parle, le vin se fait à la vigne. Un œnologue révèle ce qu’il y a dans le raisin; rien de plus!» Si elle avait un conseil à donner, ce serait de «se concentrer sur les cépages autochtones et d’arrêter de se diversifier, sauf à Genève, peut-être. Dans le canton de Vaud, il faut miser sur le chasselas et le pinot noir et améliorer le gamaret et le divico, en leur laissant plus de temps dans le processus d’élaboration.» Car la jeune Française regrette qu’on ait pris l’habitude de «consommer trop tôt les vins rouges comme les blancs!».

Le vin qu’elle a choisi: Mont de Vaux 2013, Grand Cru, Domaine Cruchon Un chasselas «sans hésiter!», d’une belle personnalité, original et complexe.

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Vin Vaudois

Dorian Amar, œnologue et chef de culture, Etoy

«La biodynamie par respect de la tradition évolutive» «Dire que je ne connaissais pas la Suisse avant d’y venir fait cliché français», s’excuse Dorian Amar, 33 ans. Après un riche parcours de formation dans le Sud de la France, il s’est installé sur l’arc lémanique: «Tout mon réseau professionnel est construit ici. C’est aussi le premier endroit où je me suis dit: ici, je pourrais vivre. Le climat me convient. J’aime la ville et la campagne: on passe vite des feux rouges aux vaches.» Et cet ingénieur œnologue diplômé, volée 2009, de Changins, où il a achevé ses études à la faveur d’une offre faite aux Français titulaires d’un BTS, affirme n’avoir connu aucun problème d’intégration: «La culture est la même et il y a autant de différences entre un Suisse et un Français qu’entre quelqu’un de Cannes et de Montpellier» (où il est né, puis a étudié). Le jeune œnologue a déjà bien bourlingué en Suisse, en stage au domaine Les Hutins, à Genève, puis sur La Côte vaudoise (Cruchon et Paccot), avant de s’engager quatre ans à Lavaux, chez Gilles Wannaz puis, après un bref passage chez les Frères Dutruy, comme chef de culture chez Raymond Paccot, à Féchy. Il passe pour un spécialiste de la biodynamie, sujet sur lequel il a écrit plusieurs articles dans les publications spécialisées, la «Revue des œnologues» (français), et «Objectif» (des anciens de Changins). «J’ai voulu me rendre compte s’il était possible d’obtenir du raisin de qualité sans avoir recours à la viticulture traditionnelle. La réponse est oui!» Est-ce dire que la biodynamie est une méthode d’avenir ? Dorian Amar, qui vient de mettre la dernière main à un livre technique sur le vin, de la vigne à la dégustation, après «L’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le vin», publié chez Slatkine en 2012, répond: «La biodynamie est une

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méthode. La plus complète à ce jour pour la viticulture, mais les techniques évoluent. L’histoire de l’agriculture ne se résume par aux 200 dernières années. Il est vain d’opposer la technique d’aujourd’hui à celle des anciens. La tradition est une notion évolutive. Si je devais avoir mon domaine, je serais en biodynamie», affirme celui qui travaille les vignes de Raymond Paccot, conformes au label de biodynamie «demeter». Venu du pays du pastis, il a été surpris par «la culture de l’apéro» au chasselas: «Ca fait partie de l’identité helvétique. Le chasselas nécessite une grande technicité pour obtenir un vin de qualité. Les grands chasselas montrent un vrai savoir-faire. Le combat pour le maintenir est noble. Ce cépage est encore trop mal compris, notamment par rapport à sa longé-

vité. Et puis, avec les produits du terroir, des poissons du lac aux fromages d’alpage, il offre de belles expériences sensorielles.» A l’avenir, Dorian Amar «parierait davantage» sur les cépages typiquement suisses que sont le gamaret, le diolinoir, le mara, ou la mondeuse. «Il faut les valoriser sur divers terroirs, pour leur donner davantage d’identité. Je crois beaucoup aux nouveaux cépages de Changins.»

Le vin qu’il a choisi: Vigne En Bayel 2013, Féchy, Raymond Paccot Un chasselas qui a «toutes les qualités», même si Dorian Amar risque une pirouette: «Le vin dont je suis le plus fier, c’est celui que n’ai pas encore fait!»

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Fabien Bernau, caviste-œnologue, Union vinicole Cully

«On cherche la pureté par la précision» d’élaborer des vins de meilleure qualité avec moins de personnel! A la coopérative de Cully, nous visons la qualité avant tout, par exemple en revoyant les contrats de culture qui nous lient avec les sociétaires.» Et puis, technologique: «A travers mes expériences, et l’équipement moins sophistiqué en France, je me suis rendu compte que les très bons vins sont ceux qui sont faits le plus simplement. Les procédés traditionnels sont souvent supérieurs à la haute technicité et j’ai le sentiment que les Français y reviennent par respect du terroir. Le vin se fait à la vigne avant tout. La France reste une référence: d’abord, il y a le terroir et le cépage, ensuite la vinification. En Suisse, parfois, on espère corriger en cave ce qui n’a pas été réalisé à la vigne.»

On le croyait Français, mais il ne l’est pas; encore que… Né à Lausanne, il y a 37 ans, Fabien Bernau a fait une bonne partie de ses expériences vitivinicoles dans le Sud de la France, où il a rencontré sa femme, Parisienne d’origine. Son parcours détonne dans le vignoble vaudois: après l’Ecole de commerce, il accomplit un CFC de caviste chez Uvavins. Puis se lance dans un «bac par correspondance», avec de fréquentes sessions à Bordeaux, puis s’en va travailler à Cassis, au Clos SainteMagdeleine, et décroche un BTS vitiœno en «formation pour adultes» à Hyères. Puis il s’engage dans divers domaines, avant de «tout faire» dans une coopérative, tout en revenant aux vendanges dans le vignoble vaudois chaque automne. Après un crochet par Bonvillars, il devient, en 2009, cavisteœnologue de l’Union Vinicole de Cully,

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par «intérêt pour vinifier des chasselas». Entre la France et la Suisse, ce qui l’a frappé, c’est «la diversité». «En France, pour connaître des différences notables, il faut passer d’une région à une autre, alors qu’entre Cully et Lutry, j’élabore avec mon équipe une quinzaine de chasselas, une demidouzaine de spécialités blanches et quinze rouges, y compris ceux qui sont élevés en barriques.» Ainsi, après avoir rejoint la charte du Plant-Robert, l’UVC a sorti une mondeuse, récoltée début novembre. Rayon technique, le caviste-œnologue a retrouvé des cuves en béton, comme dans le Sud. La France a une longueur d’avance, dans deux secteurs. D’abord économique: «Ici, on est sans doute juste avant une centralisation des caves, une étape déjà franchie en France. Avec le défi

Le vin qu’il a choisi: «Son Excellence» 2013, Epesses, Union Vinicole de Cully Un chasselas, cultivé par deux vignerons-sociétaires, suivi jusqu’à maturité idéale, à rendement maîtrisé: pour son premier millésime, ce vin est arrivé en finale des Lauriers de Platine de Terravin 2014, battu par le Trèchêne de la Commune d’Yvorne.

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Cette deuxième Collection Chandra Kurt est un hommage au Chasselas – principal cépage blanc en Suisse. Pendant longtemps, l’origine du Chasselas a donné lieu à de nombreuses controverses – depuis, il a été reconnu que le pays de Vaud est son terroir d’origine. Découvrez les multiples facettes aromatiques de ce cépage issu des meilleurs terroirs du pays de Vaud. www.chandrakurt.com www.bolle.ch


Vin Vaudois

Mathieu Le Saux, ex-chef de culture, Domaine des Faverges, Saint-Saphorin

«Il faut davantage cultiver l’identité des vins» du bourgeon «en reconversion» dès 2013. Sur les 6,5 hectares exploités par Gérald Vallélian, 2,5 ha sont en biodynamie et 4,5 en «bio bourgeon»; deux tiers traités à la chenillette, un tiers à l’atomiseur: «Je suivais moins le calendrier lunaire que la météo. Et je préparais mes tisanes de plantes moi-même, le soir. On devrait se passionner pour la botanique: mes vignes, c’était mon grand jardin de 6,5 ha. Sans oublier qu’il faut produire du raisin: c’est notre métier.» «En bio, ça va bouger!», pronostique-t-il, «et il faut des exemples avec de gros volumes, comme aux Faverges. Et comme en France, la transition s’accomplira avec le passage à la nouvelle génération.» Pour Mathieu Le Saux, il est temps de «travailler différemment les cépages traditionnels que sont le chasselas, le pinot noir et le gamay. On devrait le faire à la bourguignonne, avec des levures indigènes, et miser sur des élevages longs, même si le chasselas ne supporte pas la barrique. Les vins vaudois n’affirment pas assez leurs différences et leur identité propre. On reconnaît plus la patte de l’œnologue que le terroir, malgré les noms de villages. Trop souvent, en cave, on applique une recette et on gomme toute aspérité, alors qu’il y a de beaux amers et une belle acidité!» On l’a cueilli à la veille de son «pot de départ», mi-décembre, au Domaine des Faverges. Ce Breton de 27 ans, après quatre ans comme chef de culture sur le domaine appartenant à l’Etat de Fribourg, mais aussi en cave, pour seconder Gérald Vallélian (élu syndic de Saint-Saphorin dans l’intervalle), a décidé d’aller voyager. «Du côté du Languedoc, et de Montpellier où j’ai fait mon BTS viti-œno et mon apprentissage, en Alsace, en Bourgogne

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et au Piémont.» Le jeune pro avait fait connaissance de son patron sur le site internet vitijob.com. «J’ignorais tout des vins suisses en arrivant. Quand j’ai dégusté mon premier chasselas, je me suis dit, c’est quoi, ce machin? C’est mou, c’est gras, c’est carbonique…» L’annonce des Faverges mentionnait une «possible reconversion en bio». Mathieu Le Saux a poussé à la charrue: une étiquette du chasselas «classique» des Faverges affiche le label

Le vin qu’il a choisi: L’Enigme 2013, Domaine des Faverges, Saint-Saphorin Ce chasselas sera labellisé «bio bourgeon» dès 2015. Fermentation spontanée, malo et élevage long sur lies. Dès 2012, il a son pendant en rouge, un pinot noir, fermenté en grappes entières, «L’Evidence».

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Š Hans-Peter Siffert


Vin Vaudois

Le réveil de la vigne Entre les vendanges et l’arrivée des premiers bourgeons, la vigne s’endort. Le producteur, de son côté, prépare les récoltes futures. Coup de projecteur sur quelques-uns des enjeux liés à la moins connue des saisons, celle qui précède et accompagne le réveil de Vitis Vinifera. Alexandre Truffer – Photos: Sandra Culand Une fois les vendanges terminées, la vigne va perdre ses feuilles avant d’entrer en dormance. Durant cette période qui dure jusqu’aux premiers beaux jours du printemps, la sève quitte les parties supérieures de la plante. «Les pleurs sont les premières manifestations du réveil de la vigne», explique Jean-Laurent Spring chercheur à l’Agroscope de Changins. «Cette montée de liquide provoquée par les racines va saturer tout le réseau conducteur de la vigne. Elle expulse les petites bulles d’air, les embolies, qui se sont formées

durant l’hiver. Ce qui va en quelque sorte mettre le cep sous tension et permettre son démarrage», poursuit le scientifique qui rappelle que cette purge reste spécifique à la vigne et à quelques autres végétaux. «Composés d’eau et de manières organiques, les pleurs constituent un phénomène très variable. Leur précocité, comme leur importance, sont conditionnées par la température de l’air et des sols, ainsi que par la composition et l’état hydrique de ces derniers. Cette première manifestation de l’entrée en végétation

de la plante précède le gonflement des bourgeons et le débourrement.» Un siècle d’observations Le débourrement est le moment où le bourgeon, qui contient les embryons de feuilles et de grappe, brise son enveloppe protectrice constituée pendant l’hiver. Observé avec attention par les professionnels, il constitue le premier jalon important de l’année viticole. Depuis 1925, les collaborateurs de la Station fédérale de recherche de Caudoz, à Pully, notent scrupuleu-

«Les pleurs sont les premières manifestations du réveil de la vigne» Jean-Laurent Spring, chercheur à l’Agroscope de Changins

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SERVAGNIN MORGES GRAND CRU

Le vrai goût DU du SERVAGNIN Servagnin

LE VRAI GOÛT

DESCRIPTION Seules les vignes plantées en Pinot Noir, clone Salvagnin, situées dans le lieu de production Morges, ont droit à l’appellation Servagnin de Morges. La production maximale ne doit pas dépasser 50 hectolitres à l’hectare et son raisin doit atteindre un minimum de 82 degrés Oechslé. Vinifié obligatoirement en barrique de chêne, son élevage doit durer au moins 16 mois. Il ne peut pas être commercialisé avant le 1er avril de chaque année. La Commission du Servagnin, qui contrôle toutes ces normes, attribue l’appellation Servagnin de Morges après avoir jugé par une sévère dégustation que les qualités obtenues correspondent à la haute définition exigée. Les bouteilles ayant obtenu l’agrément portent la capsule rouge d’authentification Servagnin de Morges.

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Vin Vaudois

Débourrement

Evolution de la température moyenne printanière en Suisse 1864-2011

Extrait de l'étude intitulée Climat et phénologie de la vigne (PDF complet sur http://www.vitiplus.ch/document/Phéno%2088%20ans%20Pully%20a.pdf)

«ces cycles montrent que la Suisse est dans une zone de transition entre des régions méditerranéennes qui deviendront plus chaudes et surtout plus sèches et l’Europe centrale qui devrait voir ses précipitations augmenter.» Jean-Laurent Spring, chercheur à l’Agroscope de Changins

sement les dates de débourrement, du début de la floraison, de la fin de la floraison, du début de la véraison (moment où les baies changent de couleur), des vendanges et enregistrent également les teneurs en sucre des moûts au 20 septembre. Ces observations sont réalisées sur des vignes témoins de Chasselas suivies avec attention au cours de ces nonante ans d’étude. Elles offrent une vision précise des évolutions du climat sur l’arc lémanique que Jean-Laurent Spring a compilées dans une étude intitulée «Climat et phénologie de la vigne». Première constatation, la moyenne des nonante dernières années (le 13 avril) semble plus une ligne de démarcation entre années précoces et millésimes tardifs, qu’une date habituelle du débourrement. Ainsi 2013 avait dix jours de retard et 2014 une semaine

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d’avance sur cette moyenne. En ce qui concerne les extrêmes, on oscille entre fin mars comme 1990, 1994 et 1948 et début mai: 1956 et 1986. Si l’on prend en compte toute l’année viticole et pas uniquement le débourrement, l’étude montre assez clairement l’existence de quatre périodes distinctes. Entre 1925 et 1939, les années tardives sont la règle. De 1940 à 1953, un basculement s’opère. Floraisons et véraisons deviennent très précoces et gagnent près de trois semaines sur les valeurs médianes de la période précédente. Après 1954, la tendance se retourne une nouvelle fois et débutent trois décennies plus fraîches. De 1985 à 2012, les valeurs se rapprochent de la période chaude de 1940 à 1953. Comme l’explique Jean-Laurent Spring: «ces cycles montrent que la Suisse est dans une zone de transition

entre des régions méditerranéennes qui deviendront plus chaudes et surtout plus sèches et l’Europe centrale qui devrait voir ses précipitations augmenter. Pour l’heure, les fluctuations à court terme semblent avoir autant d’influence que la tendance générale.» Le pépiniériste, chasseur de tendances Nul professionnel de la vigne n’a autant besoin d’anticiper les évolutions du vignoble que le pépiniériste. Philippe Rosset plante chaque année quelques 250 000 greffes. «Pour savoir quels cépages planter et en quelles proportions, je dois deviner la mode des années à venir. Une greffe que je plante maintenant va être achetée dans une année par un producteur. Il faut attendre quatre ans pour une première vendange et l’espérance de vie d’une vigne tourne autour des quarante ou

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Vin Vaudois

«Le porte-greffe est issu d’une vigne américaine qui pousse à ras du sol. On va d’abord la tailler, puis on enlève tous les rameaux secondaires (rebiots et fourchettes) pour garder des bois d’au moins 7 mm de diamètre qui soient le plus droit possible.» Philippe Rosset

cinquante ans. Il faut donc savoir quel type de vin sera demandé à moyenne et à longue échéance. Aujourd’hui, on ne greffe quasiment plus de Gamaret ou de Garanoir, car il s’en est beaucoup planté la décennie précédente et tout le monde a ce qu’il lui faut. Par contre, le Gamay et le Pinot Noir reviennent en force», précise ce pépiniériste, l’un des plus importants du canton de Vaud, qui dédie 1,7 hectares de terre agricole à cette activité spécifique. Pour comprendre l’importance de ce métier souvent mal connu, il faut revenir quelque peu en arrière. Jusqu’à la fin du 19e siècle, planter une vigne n’avait rien de compliqué. Il suffisait de mettre en terre un sarment que l’on

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incisait superficiellement afin de favoriser le développement de nouvelles racines. Tout change, dans les années 1860, suite à l’apparition du phylloxéra sur le sol européen. Cet insecte importé d’Amérique est mortel pour la vigne européenne. En quelques décennies, ce fléau qui détruit près de 99% du vignoble, contamine tout le continent, puis presque toutes les autres régions viticoles. En 1886, il atteint Founex et se dissémine dans le canton de Vaud. Il n’existe qu’une méthode efficace contre ce parasite: greffer les cépages européens sur des pieds américains qui sont résistants à l’insecte mais dont les raisins n’ont pas d’intérêt gustatif. Pour remplacer les 6600 hec-

tares de vignes que compte à l’époque le canton, apparaît un nouveau métier: celui de pépiniériste. Parmi eux, l’arrière-grand-père de Philippe Rosset qui a débuté cette activité en 1901. Pour qu’un vigneron puisse planter une nouvelle vigne au début du printemps, de nombreuses étapes ont été nécessaires. «Le porte-greffe est issu d’une vigne américaine qui pousse à ras du sol. On va d’abord la tailler, puis on enlève tous les rameaux secondaires (rebiots et fourchettes) pour garder des bois d’au moins 7 mm de diamètre qui soient le plus droit possible. Ces porte-greffes seront alors éborgnés (opération qui consiste à enlever les bourgeons), car ils sont là uniquement pour leurs racines, puis découpés à la longueur désirée», explique Philippe Rosset. De son côté, le greffon est obtenu en prélevant des sarments sur des vignes traditionnelles. Porte-greffes et greffons sont ensuite plongés dans de l’eau, puis dans une solution désinfectante avant d’être stockés dans des chambres froides à trois degrés où est maintenu un taux élevé d’humidité.

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Ils y patientent jusqu'au greffage qui débute entre le 15 et 20 mars et dure trois bonnes semaines. Débute ensuite la stratification: les plants sont chauffés à 30° pendant quinze jours afin que se développe un cal autour de la greffe. Lorsqu’il est bien formé, les plants sont prêts à être mis en terre, en pépinière.» Tailler pour protéger Bien que domestiquée, la vigne reste une liane qui met toute son énergie à faire grandir ses sarments. Pour obtenir des baies sucrées indispensables à l’élaboration de la plus noble des boissons, le vigneron doit limiter par la taille, l’ébourgeonnage, l’effeuillage et le cisaillage, la production de végétation. Bien que la taille soit aussi ancienne que la culture de la vigne, Prométerre organise depuis 2011 des cours de perfectionnement de cet art ancestral. «Tailler c’est domestiquer la vigne pour pouvoir la cultiver. Cette étape essentielle permet la gestion de la charge et de la vigueur», explique David Marchand. Ce conseiller viticole rappelle que les techniques les

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«Les nouvelles techniques de taille ont été développées pour limiter les maladies du bois, telles que l’Esca» David Marchand

plus utilisées en Suisse sont la taille Guyot simple et le cordon de Royat (qui permettent une mécanisation des parcelles) ainsi que le gobelet (non mécanisable et qui implique de désherber la parcelle). «Les nouvelles techniques de taille ont été développées pour limiter les maladies du bois, telles que l’Esca», précise David Marchand. Cette maladie endémique, causée par l’action de divers champignons, a toujours existé, mais elle a connu un fort développement ces dernières années. 2012 a hélas battu tous les records. Ainsi, dans le canton de Vaud, une parcelle témoin de 1200 pieds de Pinot Noir a été observée depuis 2007. Si les quatre premières années, les pertes oscillaient entre 1% et 3%, en 2012 près d’un dixième des ceps a succombé à ce fléau. Au final, en six ans, plus de 20% des ceps ont

dû être remplacés. Naturellement présents sur les plants sains et se propageant par voie aérienne, les vecteurs de l’Esca ne peuvent être combattus avec efficacité par des produits phytosanitaires ou des mesures prophylactiques. «De plus en plus, on pense que les champignons ne sont pas la cause du dépérissement, mais qu’ils amplifient un dessèchement du cep qui a pour origine une taille inadéquate», précise ce professionnel qui anime plusieurs ateliers intitulés «Tailler et ébourgeonner la vigne selon la méthode Simonit & Sirch pour limiter les dépérissements». «En taillant, on crée un cône de dessèchement qui va nécroser une partie du bois. Celui-ci atteint en général une fois et demie le diamètre de la pousse qu’on a coupée. Ainsi plus la taille est rase, plus la plaie est profonde et plus

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Vin Vaudois

elle entrave le passage de la sève», précise David Marchand. «Les techniques de taille des années 1900 ont été simplifiées, entre autres à cause de la mécanisation, ce qui a amené à l’oubli de certains principes importants. Par exemple, faire les plaies de taille sur la partie supérieure afin de ne pas faire barrage à la circulation de ce fluide vital pour la plante. En Suisse, cette règle a toujours été appliquée, par contre, on a tendance à ne préserver qu’un seul flux de sève. En outre, les tailles traditionnelles ont tendance à être trop rases, le vigneron veut être trop propre, trop «esthétique», et ne laisse pas de chicots assez consé-

quents. Et ce d’autant plus depuis que l’on utilise des sécateurs électriques qui coupent sans difficultés de grosses sections de bois. Lorsque l’on fait une coupe longitudinale d’un cep taillé selon la méthode helvétique traditionnelle, on voit bien qu’une partie importante du sarment est constitué de bois mort. Ce qui n’est pas le cas si l’on suit les principes de la méthode Simonit & Sirch. Développée il y a une dizaine d’année par des professionnels italiens, elle reprend et synthétise ces techniques anciennes dans le but de prolonger la vie des vignes.» Pour l’heure, les données chiffrées sur l’impact du style de taille sont encore

Gel: ennemi rare mais mortel On distingue deux types de gel. Le plus courant, appelé gel de printemps, apparaît lorsque le thermomètre descend en dessous de -1° C. Dès que la température arrive à ce niveau, les bourgeons et les rameaux peuvent souffrir. L’importance des dégâts ne dépend pas que de la température, mais varie en fonction de l’humidité, du cépage ou encore du type de taille. Des moyens de lutte, comme l’aspersion d’eau, l’utilisation de braseros ou le brassage par des ventilateurs des couches d’air froid proches du sol avec l’air plus chaud situé au-dessus du vignoble existent, mais restent peu utilisés à cause des investissements importants qu’ils nécessitent. S’il détruit les bourgeons et certains rameaux, le gel de printemps ne cause pas en général de dommage irréversible au plant de vigne à l’inverse du gel d’hiver. Celui-ci, caractérisé par des températures beaucoup plus basses (dès -15° C) tue régulièrement la souche.

lacunaires, car les problèmes de dépérissement apparaissent une fois que la vigne atteint une quinzaine d’années. Pourtant, les résultats obtenus par les professionnels italiens dans leurs vignes de démonstration sont qualifiées «d’impressionnants» par David Marchand qui conclut que: «malgré un travail un peu plus conséquent, la taille non traumatisante permet de limiter fortement les perte dues au dépérissement, ce qui favorise le vieillissement des vignes, garant de qualité. Ces nouvelles techniques sont non seulement rentables d’un point de vue économique, mais bénéfiques pour le consommateur.»

Bien que rare dans le Canton de Vaud, le gel d’hiver n’est pas inconnu et provoque des dégâts considérables. Ainsi le «grand gel de 1956» a détruit les trois-quarts du vignoble vaudois. Le phénomène a été amplifié par le fait que le mois de janvier s’était révélé particulièrement printanier. Le 31 du mois, la Gazette de Lausanne dressait même une liste des hivers sans neige au cours des âges relevant «qu’en 1288 on cueillait des violettes à Noël, qu’en 1725 l’automne se termina en mars ou qu’en 1939, 1948 et 1953 l’hiver n’apparut guère.» Deux jours plus tard, des courants polaires s’abattent sur toute l’Europe. On mesure -19° à Toulouse, -10° aux Baléares et 0° à Tanger, au bord de la Méditerranée. Après plusieurs semaines de froid intense, on estime que 20'000 des 25’000 hectares de blé et de colza du canton sont annihilés. En ce qui concerne le vignoble, on compte plus de 1'775'000 ceps détruits.

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The Awakening of the Vine In the post-harvest period, the vine loses its leaves and goes into a state of dormancy. During this period, which lasts until the first fine days of spring, the sap leaves the above-ground parts of the plant. “Tears are first signs of the awakening of a vine”, explains Jean-Laurent Spring, a researcher at Agroscope in Changins. “This root liquid flushes through the vine’s central network. It expels the little air bubbles and blockages, which are formed during winter, which has an energising effect on the vine stock and helps it take off again”, continues the scientist, adding that this purge is specific to the grapevine and several

other plants. “These tears, made up of water and organic materials, are very varied phenomena. They are conditioned by air and soil temperatures, as well as their composition and hydrous state. These first signs of the plant’s vegetation are followed by the swelling of the buds and the beginning of the annual growth cycle”. This is called bud break; the buds which contain the embryos of the leaves and grapes, break their protective envelope formed during winter. A nursery gardener and a trend expert Philippe Rosset plants about 250,000 grafts a year. “To know which grape va-

Jean-Laurent Spring, a researcher at Agroscope in Changins

rieties to plant and in what proportions, I need to take a guess at future trends. The graft I plant today will be purchased by a producer in a year’s time, but we have to wait four years for the first harvesting and a vine’s lifespan is around forty to fifty years. So it’s important to know what the best-sellers are going to be in the medium to long term. Nowadays, Gamaret

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Philippe Rosset

and Garanoir are rarely grafted because a lot was planted over the last decade and everyone has all they need. In contrast, Gamay and Pinot Noir are making a strong comeback”, observes the nursery gardener, who is one of the leaders in the Vaud canton and dedicates 4.2 acres of agricultural land to this specific activity. Pruning to protect In order to obtain the kind of grape berries that are indispensable for making the noblest of drinks, the wine grower has to limit the amount of vegetation by pruning, debudding, leaf-thinning and trimming. “Pruning is an essential step that optimises the vine’s potential and determines its fruiting and vigour”, explains David Marchand, a viticultural consultant. He points out that the most wide-

David Marchand, a viticultural consultant

spread techniques used in Switzerland are simple Guyot and Cordon pruning (which allow mechanical farming), and the Goblet technique (mechanical farming is not possible – the plot has to be weeded). “New pruning techniques have been developed to limit the potential for grapevine wood diseases such as esca”, explains David Marchand. “This endemic disease, caused by different fungi has always existed, but has developed strongly in recent years. 2012 was the worst year ever. Esca vectors, naturally present on healthy plants and spread by air-borne spores, can be efficiently managed only by plant protection products and protective measures. It is now increasingly believed that the fungi are not the cause of the stress, but that they amplify the dry-

ing of sap which comes from incorrect pruning. Pruning creates cones of dissecation and part of the wood dries out. These can reach the size of one and a half times the diameter of the shoot that has been pruned. The closer the secateurs cut, the deeper the wound and the greater the disruption of the flow of sap. With the traditional pruning method, the secateurs tend to cut too close; winegrowers try to be too neat and don’t leave enough growth. This is more frequent now that growers use electric secateurs which can easily cut large sections of wood”. We do not have enough statistical data yet on the impact of different pruning techniques. This is due to the fact that stress problems only appear once the grapevine has reached the age of about fifteen years. AT

Frost: a rare but mortal enemy There are two types of frost. The most common is spring frost which appears when temperatures fall below -1° C. Whenever temperatures fall to this level, buds and twigs can suffer. The degree of damage depends not only on the temperature, but varies according to the level of humidity, the grape variety and the pruning technique. There do exist means of grappling with this problem – the use of water sprinklers, or giant fans that mix layers of cold air close to the ground with the warmer air above the vines – but they require substantial investment and are therefore not widely used. If the spring frost does destroy some buds and twigs, the damage to the vine is generally not irreversible. However, the reverse is true in the case of winter frost when temperatures drop below -15° C and invariably kill the vine.

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Vin Vaudois

Lauriers de Platine 2014 En remportant les Lauriers de Platine, la Commune d’Yvorne récolte les fruits d’une politique qualitative mise en place par un duo de passionnés: l’œnologue Frédéric Blanc et le municipal Alain Bassang.

Alexandre Truffer Assis à la table du Conseiller d’Etat Philippe Leuba, Frédéric Blanc, œnologue en charge des vins de la commune d’Yvorne, et Alain Bassang, municipal «des vignes», savourent… la selle de chamois de Benoît Violier? Le Merlot 2011 de Pierre Monachon qui accompagne ce gibier rosé à cœur? Sans doute, mais les deux compères goûtent surtout leur victoire aux septièmes Lauriers de Platine. Un duel gagné avec panache: lors de la finale qui opposait le Trechêne 2013 de la commune d’Yvorne à l’Epesses Grand Cru de l’Union Viticole de Cully, la cuvée du Chablais l’a emporté par quinze voix contre onze. Toutefois, la compétition n’a pas commencé le 20 novembre à Crissier. Le Trechêne a connu le long parcours de sélection commun aux seize nominés (deux Dézaley, cinq Calamin, quatre Lavaux, autant de Chablais et un représentant des Côtes-de-l’Orbe). Comme plus de 600 Chasselas, le Lauriers de Platine a d’abord dû satisfaire aux critères du label Terravin – dont les «Lauriers d’Or Terravin» se métamorphosent en «Label Or Terravin» en 2015 – en séduisant un jury de cinq dégustateurs. Cet aréopage a constaté que le Trechêne 2013, jugé à l’aveugle, n’offrait aucun défaut, présentait une parfaite expression de son millésime et de son appellation et qu’il satisfaisait aux 25 critères de la fiche de dégustation. Ils ont aussi détecté un petit quelque

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chose en plus – un équilibre idéal, une profondeur particulière ou une finesse remarquable – justifiant qu’il soit référencé dans les coups de cœur. Ceux-ci, au nombre d’une quarantaine, ont été redégustés durant l’automne par le comité du label Terravin qui a choisi de n’en garder que seize, les nominés des Lauriers de Platine. Pour élire le vainqueur, vingt-six professionnels – journalistes et sommeliers de restaurants étoilés surtout – ont été réunis le 20 novembre à Crissier. Leur tâche? Déguster des séries de quatre verres avec une seule recommandation: les classer par ordre de préférence. De seize nominés, on est passé à huit quart-de-finalistes, puis à quatre demi-finalistes pour finir par le duel au sommet remporté par le Trechêne. Jamais deux sans trois Les six hectares du vignoble municipal ont eu plusieurs fois les honneurs du Guillon. En 2008, Eva Zwahlen écrivait déjà que Frédéric Blanc «était considéré comme l’un des meilleurs œnologues de la région» et rappelait que ce professionnel qui vinifie aussi au domaine familial (Charly Blanc & Fils) avait débuté sa carrière à la commune en remportant la Coupe Chasselas en 1994 avec le Clos de l’Abbaye avant de rééditer l’exploit en 1999 avec le Clos de l’Ombren. En 2013, votre revue s’intéressait à l’entrée du Clos de l’Abbaye (qui se prononce «abeille» et qui

tire son nom de la commune du Jura Vaudois avec laquelle Yvorne est jumelée) dans les Premiers Grands Crus. Revenons sur le vainqueur des Lauriers de Platine 2014, «le parent pauvre du domaine, celui qui n’avait encore gagné aucune compétition majeure» plaisante Frédéric Blanc. «C’est le plus ancien Chasselas de la cave. Il naît sur les hauts du village, au lieu-dit Trechêne, qui fait référence à trois chênes depuis longtemps disparus. Nos vignerons-tâcherons, Claude Perotti et Jean-François Franceschini, y cultivent un peu plus d’un hectare de vignes sur une zone d’éboulis. Ce sol caillouteux et drainant restreint les rendements» A cause de l’altitude, entre 500 et 550 mètres, les baies mûrissent tout en douceur pour engendrer un blanc équilibré que l’œnologue vinifie en grand foudre de chêne ou en cuve inox. Pour parler de la commercialisation des 11 000 bouteilles de Trechêne que produit chaque année la Commune d’Yvorne, il faut se tourner vers Alain Bassang. Désigné volontaire pour le dicastère des vignes lors de son élection à

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la Municipalité en 2011, ce responsable commercial d’une imprimerie dans le «civil» s’est pris de passion pour «son» vignoble. Au prix de 15.50 (Clos de l’Ombren), 17 (Trechêne) et 21 (Clos de l’Abbaye) francs, les Chasselas de la municipalité d’Yvorne sont un exemple de valorisation. D’autant plus que la commune se refuse à concurrencer les producteurs du village. Elle s’interdit en effet de démarcher tout client potentiel qui affiche déjà un Yvorne dans sa sélection. «Les lauriers de Platine

ont généré un fort intérêt médiatique, explique Alain Bassang. Les ventes du Trechêne se sont envolées.» Afin d’encourager cet engouement, le municipal des vignes entend poursuivre le travail de communication: «Cette année, nous sommes aussi entrés dans l’association Clos, Domaines & Châteaux avec le Clos de l’Abbaye, qui a été intégré parmi les Premiers Grands Crus. Ce qui a permis de doubler les ventes de notre Chasselas haut de gamme.» Convaincu que les médailles ou les dis-

tinctions comme les Lauriers d’Or ont un vrai potentiel «à condition qu’on les communique et qu’on ne les range pas au fond d’un placard», Alain Bassang confirme que la stratégie de mise en avant des cuvées communales passera par les concours (Vinalies de Paris, Grand Prix du Vin Suisse, Sélection vaudoises, Mondial du Chasselas) et par Terravin, «un label incontournable». www.commune-yvorne.ch

Alain Bassang et Frédéric Blanc

«C’est le plus ancien Chasselas de la cave. Il naît sur les hauts du village, au lieudit Trechêne, qui fait référence à trois chênes depuis longtemps disparus.» Frédéric Blanc

© Philippe Dutoit

Platinum Laurels 2014 The Platinum Laurels award collected by the Yvorne Commune is the payoff from the quality policy developed by two aficionados, the oenologist Frédéric Blanc (right) and the local councillor Alain Bassang (left). Trechêne went through the same long selection process as did all the other fifteen nominees. Together with more than 600 other Chasselas wines, the Platinum Laurels winner had first of all to satisfy the five-man jury of tasters in order to make the Terravin label grade. At a blind tasting, the panel found that the Trechêne 2013 was faultless, that it was a perfect expression of its year and appellation, and met the 25 tasting crite-

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ria. They also identified some extra qualities - an ideal balance, a particular depth, and a remarkable finesse - which won it a place on the ‘favourites’ list. The prizewinner was selected on 20 th November, in Crissier, by a group of 26 professionals including journalists and sommeliers mainly from starred restaurants. The winner of the Platinum Laurels 2014 award “was the poor relation in our estate, the one that hadn’t ever won any

major competition”, jokes Frédéric Blanc. “It’s the oldest Chasselas in our cellar. It comes from a locality called Trechêne, just above the village, whose name refers to three oak trees (chênes) which died long ago”. At an altitude of 500 to 550 meters, the grapes ripen very slowly to give a balanced white which the oenologist vinifies in huge oak casks or stainless steel vats. AT

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LABEL VIGNE D’OR La quête de l’excellence

Quintessence de la nature

Les Artisans Vignerons d’Yvorne ont réservé leurs meilleures terres et leurs meilleurs raisins à cette ligne d’exception. Microclimat, orientation, pente, ensoleillement et aptitude du sol à absorber et restituer l’eau confèrent à chaque parchet sa nature, sa force et sa personnalité. Cette rigoureuse sélection permet d’exprimer la parfaite adéquation des terroirs et des cépages, en donnant à ses vins une grande complexité aromatique et une empreinte hors du commun.

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Vin Vaudois

Vins vaudois au Grand Prix du Vin Suisse 2014

Les Vaudois au sommet

Outre la catégorie Chasselas, dans laquelle les œnologues du canton affirment leur domination, le vignoble vaudois s’est illustré dans des catégories très diverses: assemblages rouges, effervescents, cépages blancs purs.

En plus des trois vins présentés cidessous, le canton de Vaud réussit une belle performance d’ensemble en montant trois fois sur la deuxième marche du podium (Le Petit Cottens 2013 dans les Chasselas, le Brut Impérial de Daniel Marendaz qui assure un triplé chez les effervescents et le Pinot Gris Les Solistes 2013 des Artisans Vignerons d’Ollon dans les cépages blancs purs). Le canton lémanique s’adjuge aussi le bronze dans la catégorie assemblages rouges avec Le Cardona 2012 de Jean-François Neyroud Fonjallaz. Ajoutons encore huit nominés qui manquent d’un rien le podium. Calamin L’Arpège 2013 du Domaine Blondel, Réserve 2013 de la Commune d’Aigle et Les Délices 2013 d’Obrist complètent la catégorie Chasselas. Le Frimeur 2013 d’Arc-enVins Sa et l’Œil-de-Perdrix 2012 du Domaine Croix-Duplex se distinguent chez les rosés et blancs de noirs.

© www.grandprixduvinsuisse.ch

Alexandre Truffer

 Emile Blum exulte: il s’impose dans la catégorie des assemblages rouges,

avec son «Puissance cinq», millésime 2012

Le Mousseux Bio 2013 de Reynald Parmelin, le Gewürztraminer 2012 de la Cave des Rossillones et la Cuvée Origine 2013 du Château de Valeyres brillent dans les catégories effervescents, cépages blancs purs et Gamay. Notons enfin que dans la catégorie Chasselas, le vainqueur, le Fendant

de Maurice Gay, et le troisième, le Chasselas du Domaine des Molards à Genève, sont tous deux vinifiés par Thierry Ciampi de la maison Schenk. Ceci permet à ce talentueux professionnel de réussir le triplé puisqu’il est aussi en charge du Petit Cottens, qui a terminé deuxième de la catégorie.

Vaud Wines at the 2014 Swiss Wine Grand Prix

Vaud wines at the top Vaud wines excel not only in Chasselas. The canton’s wineries shone in a range of different categories such as assemblage, sparkling, and pure whites.

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In addition to the three wines presented below, the Vaud canton achieved excellent overall results including three second prizes (Le Petit Cottens 2013, Chasselas; Daniel Marendaz’s sparkling Brut Impérial, for the third time; and

the pure white, Pinot Gris Les Solistes 2013 from Artisans Vignerons d’Ollon). And in the red assemblage category, the Vaud winery, Jean-François Neyroud Fonjallaz, won a bronze medal with their Cardona 2012. cont. p. 26 >

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Vin Vaudois

Uvavins, the masters of bubbly The two wines from Uvavins which won prizes at the Swiss Wine Grand Prix Cuvée Auguste Chevalley, top of the category, and Bertrand de Mestral Brut, third place - are two versions of one and the same wine. What changes is the dosage (the amount of sugar added at the end of the carbonation process) and the labelling. It’s a dry Chardonnay which

is made using the closed tank method, that is, instead of adding sugar and yeasts to the bottle to create effervescence (as is done with traditionally produced Champagnes), the yeasts and sugar are mixed with the wine base in a special pressure-resistant tank. This way it is possible to put competitively priced wines on the market, at about 14 francs a bottle.

© Philippe Dutoit

Uvavins, maître de la bulle «Uvavins commercialise des effervescents depuis très longtemps. Autrefois, nous en confions l’élaboration à la maison Bourgeois Vins. Lorsque nous avons acquis cette entreprise en 1995, nous avons aussi repris ce savoir-faire

en matière de mousseux», déclare Thierry Walz, directeur de la coopérative de La Côte. Les deux lauréats primés au Grand Prix du Vin Suisse – Cuvée Auguste Chevalley, vainqueur de la catégorie, et Bertrand de Mestral Brut, classé troisième, - constituent deux versions du même vin. Seul le dosage, c’est-à-dire le taux de sucre ajouté à la fin du processus de prise de mousse, et l’habillage changent. Pour le reste, il s’agit d’un brut de Chardonnay élaboré selon la méthode de la cuve close: au lieu d’ajouter du sucre et des levures dans une bouteille pour créer l’effervescence (à l’image des Champagnes ou des bruts dits de méthode traditionnelle), levures et sucre sont amalgamés au vin de base dans une cuve spéciale qui résiste à la pression. Plus rapide et plus économique, ce processus permet de mettre sur le marché à un prix compétitif (14 francs environ) des vins qui ont la faveur du consommateur. «Notre positionnement est assez difficile, précise Thierry Walz. Nous ne faisons pas du Champagne et nous restons plus chers et moins connus que Prosecco ou Cava. Néanmoins, on sent un intérêt croissant du consommateur pour les bruts suisses Nous pensions que nos 6000 cols de Cuvée Auguste Chevalley dureraient jusqu’en mars. Le 23 décembre, la dernière bouteille était vendue… »

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Thierry Walz et Rodrigo Banto

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Domaine de la Combaz - red assemblage winner Emile Blum, who owns 3.5 hectares of vines at the Ollon vineyard, explains that his Puissance 5, which originated more than 10 years ago, was intended as an upmarket assemblage of reds, and that’s why he planted the four varieties Gamaret, Garanoir, Ancellotta, and Cabernet Franc. The Swiss Wine Grand Prix gold was

the best recognition he could hope for. Competition in that category was very tough with a Ticino wine and Cardona 2012 from Jean-François Neyroud Fonjallaz, Chardonne, coming second and third respectively. What’s Emile Blum’s secret? He refines Puissance 5 with his Pinot Noir which comes in three versions: made in stainless-steel tanks, Œil-de-Perdrix, and a selection matured in barrels.

© Philippe Dutoit

Le Domaine de la Combaz s’impose dans les assemblages rouges Emile Blum possède 3,5 hectares dans le vignoble d’Ollon. Chasselas, Viognier et cépages rouges se concentrent autour de la maison familiale sise dans le hameau Les Fontaines. Très impliqué dans la promotion de son lieu de production, Milon, comme il est surnommé par ses amis, se déclare heureux d’être félicité lorsqu’il se promène dans la rue. Il laisse surtout paraître son émotion lorsqu’il évoque la possibilité que Laurine, sa fille de 22 ans montée avec

lui recevoir le trophée lors de la soirée de gala du Grand Prix du Vin Suisse, reprenne un jour le domaine et poursuive son œuvre. « Puissance cinq a été imaginé il y a plus de dix ans avec l’idée de créer un assemblage rouge haut de gamme. J’ai planté Gamaret, Garanoir, Ancellotta, et Cabernet Franc dans cette intention», explique Emile Blum qui ajoute que cette victoire au Grand Prix du Vin Suisse est sans doute la plus belle des reconnaissances. Surpassant un cru tessinois et le Cardona 2012 de Jean-François Neyroud Fonjallaz de Chardonne, son Puissance cinq s’impose dans une catégorie très disputée. Son secret? Le Pinot Noir, qu’Emile Blum décline en trois versions –vinifié en cuve inox, Œilde-Perdrix et une sélection élevée en barriques – permet d’affiner Puissance cinq. «Gamaret, Garanoir, Ancellotta et Cabernet Franc sont vinifiés ensemble. Cette combinaison de base amène des tanins, de la structure, des épices et de la charpente. Ensuite on ajoute le Pinot qui apporte le fruit. L’objectif est de créer un vin de caractère enveloppé d’une matière soyeuse». Pari gagné, puisque le millésime 2012 qui a charmé les jurés du Grand Prix du Vin Suisse 2014 a su aussi convaincre les clients du Domaine de la Combaz. Ceux-ci se sont en effet déjà partagé l’intégralité de la production.

Laurine et Emile Blum

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Š Siffert/weinweltfoto.ch


Vin Vaudois

Prix Bio Suisse pour la Ville de Lausanne Tania Gfeller, responsable des cinq domaines historique de la capitale lémanique savoure la double récompense du Gamaret Barrique Château Rochefort Allaman Grand Cru 2011, deuxième de la très disputée catégorie des cépages rouges purs et meilleur vin bio du Grand Prix du Vin Suisse. A l’initiative du vigneron-tâcheron Aimé Berger, parti à la retraite à l’automne 2014, les vignes du Château Rochefort sont cultivées en biodynamie depuis 2009. 2011 se révèle une date importante pour le

domaine. En effet, cette année-là, le Château de Rochefort initie le processus de certification Demeter et Tania Gfeller décide de vinifier séparément Gamaret et Garanoir. «Jusqu’en 2010, on en faisait un assemblage. J’ai pensé qu’on pouvait mieux valoriser la puissance du premier et le fruité du second en les travaillant en monocépage», précise l’œnologue. Commercialisé en mars 2013, mis en bouteille à l’automne 2012, ce rouge charpenté et soyeux a été élevé un peu plus d’un an en barrique certifiées Terroir Chêne, un label de qualité impliquant que les arbres

sont issus exclusivement de forêts suisses. Il a d’abord été vinifié dans des bacs de 600 litres dans lesquels il a macéré une semaine puis fermenté, le tout à basse température, avant de rejoindre les fûts helvétiques où il a acquis sa patine et son fondu. «Nous nous efforçons de conserver les vins en cave un an, voire dix-huit mois, afin de ne commercialiser que des crus ouverts et prêts à boire. Apparemment, il méritait encore un an de bouteille pour atteindre son apogée».

Tania Gfeller et Aimé Berger

© Philippe Dutoit

The Bio Suisse award for Ville de Lausanne Tania Gfeller, who is in charge of the five Lausanne estates, is very pleased about the two Swiss Wine Grand Prix awards: second place in the pure reds category for Gamaret Barrique Château Rochefort Allaman Grand Cru 2011, and best organic wine. On the initiative of the wine-grower, Aimé Berger, now re-

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tired, the Château Rochefort vines have been cultivated biodynamically since 2009. In 2011, Tania Gfeller decided to vinify Gamaret and Garanoir separately. Bottled in the autumn of 2012, this wellstructured, silky red was matured for a little over a year in barrels certified byTerroir Chêne, a quality label that warrants that the wood comes from trees grown exclusively in Swiss forests. AT

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Vin Vaudois

En avant toute! Arvinis fête ses vingt ans au mois d’avril. Nadège et Philippe Fehlmann, le couple de fondateurs et organisateurs - les «âmes» du salon morgien du vin se souviennent de leurs débuts et lèvent leur regard vers l’avenir.

Eva Zwahlen

15 décembre 2014. Lendemain d’hier… pas franchement le meilleur moment pour discuter avec Nadège et Philippe Fehlmann qui viennent de passer cinq jours éprouvants. Installé dans «leurs» halles CFF, le marché de noël de Morges a fermé ses portes la veille. Le tandem complice est mort de fatigue, mais content, voire euphorique. «On va enfin manger quelque chose de chaud», se réjouit Nadège, marchant d’un pas décidé en direction du Club Nautique, suivie de son mari ainsi que du chien Fripouille, qui semble parfaitement connaître le chemin. Pas de surprise, tous trois sont salués comme des membres de la famille, de chaque table on leur fait signe, on les hèle, et le patron du lieu se hâte de contourner le bar pour les accueillir. Le repas chaud est commandé, un verre de chasselas servi. Le moment est venu de parler du bébé des Fehlmann - le salon Arvinis - qui fêtera en avril son vingtième anniversaire. Un

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magnifique anniversaire pour les initiateurs de la manifestation, qui attire aujourd’hui à Morges 150 exposants et 22 000 visiteurs. «Nous aimons notre travail comme au premier jour et sommes complètement motivés», dit simplement Philippe. Sa femme renchérit: «Chaque matin, nous nous réjouissons d’aller bosser!» «Sinon, je resterais à la maison, lâche Philippe tout en faisant un clin d’œil, moi j’ai atteint l’âge de la retraite…» Une idée née au supermarché Le déclencheur de l’aventure Arvinis est une scène banale dans un grand magasin. Sous les yeux des Fehlmann, un jeune couple cherchant à haute voix

une bouteille pour ses hôtes, passe devant le rayon des vins suisses sans lui accorder un seul regard et choisit un vin étranger pour son… étiquette! «Nous étions choqués. Ce n’est pas comme ça qu’on choisit un vin! raconte Nadège Fehlmann. C’est ainsi que nous est venue l’idée de créer un salon du vin avec une majorité de vins suisses. Tous nos amis ont pensé qu’on était devenus cinglés… A l’époque aucun n’achetait du suisse.» «Maintenant, poursuit son mari en riant, ils peuvent nous remercier, vu qu’ils boivent tous des vins suisses!» Puis Philippe Fehlmann reprend rapidement son sérieux et déclare que «c’est typiquement suisse de se sous-estimer et de ne pas croire en soi. C’est ce qui explique aussi pourquoi les débuts n’ont pas été très faciles. Mais les Vins de Morges nous ont toujours soutenus, Raoul Cruchon et Thierry Walz d’Uvavins en tête. Au contraire de Lavaux, dont les premiers producteurs ont mis dix ans

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Un duo bien rodé: Philippe et Nadège Fehlmann

à nous accorder un peu d’attention… Aussi l’Hôte d’honneur de cette vingtième est-elle l’association Les Vins de Morges. Notre manière à nous de leur dire merci.» Un salon rayonnant Les années ont passé. Désormais Arvinis est LE Salon romand des vins et pour certains producteurs, le salon suisse des vins. La composition de la clientèle a en effet beaucoup changé depuis les temps héroïques. «Au début, nous avions peur que les gens boivent trop, raconte Nadège Fehlmann, ce qui par bonheur n’a jamais été le cas. Aujourd’hui, on compte davantage de femmes, de jeunes et de couples.» Ce qui importe pour les Fehlmann, c’est la qualité des visiteurs plutôt que leur nombre. Raison pour laquelle l’entrée, d’abord gratuite, est devenue payante. Et récemment, alors que la fréquentation baissait légèrement, le chiffre d’affaires n’a pas bougé.

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Les amateurs de vin disposent de beaucoup d’espace entre les stands, l’atmosphère est soignée et professionnelle, très éloignée de l’ambiance des grandes tentes avec odeurs de fondue. «Nous choisissons nos exposants avec soin. Pour les étrangers, on fait attention à ce que les producteurs soient là en personne. Il faut qu’on sente le terroir.» Quant aux représentants d’outre «röstigraben», on n’en note qu’un seul, mais non des moindres puisque il s’agit de Kaspar Wetli, président de l’Interprofession de la vigne et du vin suisse alémanique. Optimisme pour l’avenir Il y a plusieurs années, lors d’une rencontre avec les Fehlmann, nous avions remarqué qu’ils étaient un peu tendus face à l’avenir, ce qui s’expliquait aisément puisque le cadre de la manifestation (qui par ailleurs ne bénéficie d’aucun soutien de l’Etat) est voué à la démolition. Les immenses halles CFF

© Sacha Fehlmann

à la structure en bois devraient faire place à autre chose. «Au début, c’est clair qu’on stressait, on ne savait jamais ni comment ni quand ça allait finir, raconte Philippe. Cela fait dix-huit ans maintenant que nous vivons avec cette incertitude… Nous sommes devenus fatalistes et ça ne nous angoisse plus. Chaque deux ans, on reçoit l’accord des CFF pour continuer…» Et Nadège de conclure: «Bien sûr, cet endroit, juste à côté de la gare, est idéal. Mais une chose est sûre: même si, un jour, les halles ne devaient plus exister, Arvinis continuerait.» C’est qu’il est devenu adulte, le bébé des Fehlmann!

La 20e édition d’Arvinis aura lieu du 15 au 20 avril dans les Halles CFF à côté de la gare de Morges. Infos: www.arvinis.ch

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Un autre regard sur Lavaux...

J&M DIZERENS

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Vin Vaudois

Un parrain nommé Burki et un hôte d’honneur… évident! Tout jeune retraité, Raymond Burki, amateur de vins éclairé, a été désigné parrain de la 20e édition d’Arvinis. Un statut qui vaut au dessinateur de presse, d’entrer dans le club select des propriétaires de ceps de la vigne dite des Célébrités, plantée à Vufflens-le-Château. Burki rejoint ainsi Jean-Pierre Coffe, Yann Lambiel et Bernard Stamm, pour n’en citer que quelques-uns. Et question hôte d’honneur, les organisateurs n’ont pas eu à chercher bien loin, tant le choix leur paraissait évident, pour un tel anniversaire: il s’agit de l’association Les Vins de Morges, qui soutient la manifestation depuis ses débuts, en 1996.

Le vignoble morgien réunit 38 communes viticoles et leurs 620 hectares de vignes, dans l’appellation La Côte. Les cépages cultivés y sont nombreux. Il y a les classiques: Chasselas, Pinot Noir et Gamay. Mais aussi des spécialités, à l’image du Viognier, de l’Altesse, du Pinot Blanc, de la Mondeuse, du Merlot ou de la Syrah. Et last but not least le remarquable Servagnin de Morges, variété bourguignonne de Pinot Noir, introduite dans la région à la fin du Moyen Âge. PB  Raymond Burki présente la plaquette d’identification et le certificat de propriétaire de cep de la Vigne des Célébrités.

© Pascal Besnard

The 20th Anniversary of Arvinis Arvinis will be celebrating its 20th anniversary in April. Nadège and Philippe Fehlmann, the founding couple and organisers, reflect on their beginnings and look into the future. Arvinis now attracts 150 exhibitors and 22,000 visitors. An idea that came to them in a supermarket What triggered the Arvinis adventure was an ordinary scene in a store. The Fehlmanns saw a young couple walk straight past the Swiss wines and on to the foreign wines, and then select a bottle – on account of its label! “We were shocked”, says Nadege, “and that’s how we came up with the idea of creating a wine fair chiefly for Swiss wines. Our friends thought we were crazy. In those days, no-one used to buy Swiss wines”. “Nowadays, thanks to us”, her husband continues with a smile, “They all drink Swiss wines! It wasn’t an easy start at all, but the Morges wineries were always there to support us, in particular Raoul Cruchon and Thierry Walz from Uvavins. And that’s why the Vins de

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Morges Association will be our guest of honour at the 20th anniversary edition. That’s our way of saying thank-you”. Arvinis has become the fair of the French-speaking part of Switzerland and, for certain producers, the Swiss fair. Nadège Fehlmann tells us that at first they were afraid that people might drink too much, but fortunately that was never the case. Nowadays more and more women, young people and couples come to the event. For the Fehlmanns what counts is the quality and not the quantity of visitors. Optimism about the future The venue of the event (which, by the way, does not get any government support) is destined for demolition. The huge wooden building that was a Swiss

railway depot will have to disappear. Philippe explains that from the start they never knew how much longer they would be able to use it. They’ve now lived with this uncertainty for eighteen years and have adopted a fatalistic attitude. So far, every two years, Swiss Rail has given them the authorisation to carry on. Of course, the place is ideally situated right next to the station, but the Fehlmanns assure us that even if some day the building disappears, Arvinis will certainly not. EZ

The 20th edition of Arvinis will take place 15th-20th April in the Swiss Rail depot, next to Morges station. For further information: www.arvinis.ch

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Vin Vaudois

Un écrin rubis pour Bonvillars Impossible de passer à côté sans le voir. Dans le langage d’aujourd’hui on dit «flashy»! Rouge, le nouveau bâtiment de la Cave des viticulteurs de Bonvillars est bel et bien rouge. Un choix de couleur aux allures de pied de nez à l’adage «pour vivre heureux, vivons cachés».

Pierre Keller, président de l’OVV, avec Sylvie Mayland, directrice et Denis Taillefert, président de la cave des viticulteurs de Bonvillars

Texte et photos: Pascal Besnard

L’appellation Bonvillars compte 190 hectares de vignes sur les rives vaudoises du lac de Neuchâtel et les contreforts du Jura. Le vignoble bénéficie d’un micro-climat, notamment grâce aux thermiques lacustres. Etendard de l’appellation, la Cave des Viticulteurs de Bonvillars (fondée en 1943), compte quatorze collaborateurs et plus de cent sociétaires qui exploitent 100 hectares de vignes, donc

un peu plus de la moitié des surfaces consacrées à la vigne. Sept cépages blancs et autant de rouges sont autorisés par la CVB dont les capacités d’encavage s’élèvent à 2 millions de litres. Les marques phares de la cave sont le chasselas l’Arquebuse et le pinot noir Vin des Croisés. Mais l’ensemble de la gamme mérite que l’on s’y intéresse. Elle porte la signature de l’œnologue Olivier Robert.

Les sacrifices des vignerons Pour revenir au fameux bâtiment rubis, Denis Taillefert, président de la Cave, explique qu’il est l’aboutissement d’un processus de restructuration entamé en 2003, au sortir d’une période difficile, à deux doigts de se conclure par une faillite. Les sociétaires et d’autres partenaires de la CVB consentent alors des sacrifices financiers : ils renoncent au paiement des vendanges de 2003 et

A Ruby-Coloured Building for Bonvillars Denis Taillefert, the president of Cave des viticulteurs de Bonvillars (CVB), explains that the building was the result of the restructuring begun in 2003, after a difficult period bordering on bankruptcy.

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CVB members had agreed to the financial sacrifice of forgoing payment for the 2003 and 2004 harvests. Ten years later, the wine-growers voted in favour of a 2.5 million credit to build new facilities which would live up to their expectations and talents, and also serve their clients. Since 2007, the cellar has been run by

Sylvie Mayland. According to her, the Swiss wine market requires an unyielding search for excellence. That is exactly what the Bonvillars winegrowers are doing. Pierre Keller, president of the Office des Vin Vaudois, has congratulated them on their dynamism and courage. PB

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2004. Une décennie plus tard les vignerons votent un crédit de près de 2 millions 500 000 francs pour édifier un écrin à la hauteur de leurs ambitions et de leur talent. Et dédié généreusement aussi à la clientèle. Depuis 2007, une femme, Sylvie Mayland, assume la direction de la cave, comme un commandant tient la barre d’un navire: avec énergie et autorité. Lucidité aussi. Lorsqu’elle évoque

le marché suisse du vin, elle souligne que «par son étroitesse et la multiplicité des intervenants, il exige des efforts permanents d’imagination et de créativité en matière de promotion et une recherche sans faille de l’excellence.»

A l’évidence la Cave des Viticulteurs de Bonvillars s’y emploie. Pierre Keller, Président de l’Office des Vins Vaudois a tenu à saluer le dynamisme et le courage de la CVB «qui montre la voie à suivre».

«par son étroitesse et la multiplicité des intervenants, le marché suisse du vin exige des efforts permanents d’imagination et de créativité en matière de promotion et une recherche sans faille de l’excellence.» Sylvie Mayland, directrice de la cave

Cave des Viticulteurs de Bonvillars Chemin de la Cave 1 1427 Bonvillars Tél. 024 436 04 36 www.cavedebonvillars.ch Lu-mer: 8h - 12h // 13h30 - 18h Je-ve: 8h - 12h // 13h30 - 19h Sa: 9h - 12h30 // dim: fermé

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1er Grand Cru

Un millénaire d’excellence Entrez dans l’univers d’exception d’un 1er grand cru www.chatagnereaz.ch Les 1ers Grands Crus vaudois, nouveaux symboles d’excellence Membre de l’Association


Vin Vaudois

Les vins vaudois hôtes du Palace Pascal Besnard – Photo: Edouard Curchod Les crus vaudois figurent depuis longtemps en bonne place sur les cartes des vins des restaurants du Lausanne Palace & Spa. Mais comme rien ne remplace le contact direct, l’Office des Vins Vaudois et l’établissement hôtelier s’associent depuis quelques années pour permettre aux vignerons vaudois de faire découvrir leur production dans ce cadre prestigieux. De mi-novembre à mi-décembre 2014, tous les lundis, huit domaines (1) ont offert à la dégustation leurs crus, à raison de deux vignerons chaque premier jour de la semaine. Des règles précises fixent les conditions de participation: les domaines ne peuvent pas avoir pris part aux précédentes éditions (la 4e en 2014). Chaque vigneron doit proposer aux amateurs un vin primé, au moins, lors d’un concours majeur (Grand Prix du Vin Suisse, Sélection vaudoise ou Mondial du Chasselas). Trois vins sont autorisés par domaine, un chasselas, un rouge et un 3e vin dont le choix est laissé à l’ appréciation du producteur. Ca peut sembler un brin austère, mais cela témoigne surtout du sérieux de l’opération. Explications de Nicolas Joss, directeur de l’OVV: «L’objectif est de démontrer qu’il n’y a pas que les marques historiques qui ont accès aux établissements de prestige. Des vignerons méconnus mais talentueux ont l’occasion de mettre (1)

Cave des 13 Coteaux, Arnex-sur-orbe; Olivier Ducret, Chardonne; Abbaye de Salaz, Ollon; Domaine Haute-Cour, Mont-sur-Rolle; Domaine Antoine Bovard, Cully; Parfum de Vigne, Dully; Domaine de Terre-Neuve, Saint-Prex; Les Celliers du Chablais, Aigle.

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le pied dans la porte d’un cinq étoiles et d’améliorer leur visibilité. Mais il n’y pas de cannibalisme: leurs vins ne vont pas prendre la place de ceux qui sont référencés sur les cartes des vins du Palace.» Pas de cannibalisme, mais une opération qui permet un contact direct

avec une clientèle qui ne se déplace pas forcément dans les domaines. 800 invitations ont été lancées à l’automne dernier. De nombreux amateurs ont répondu présent: ils sont descendus au Lausanne Palace pour satisfaire leurs papilles avides de découvertes.

Vaud Wine Tasting at the Palace Hotel The Office des Vins Vaudois (OVV) and the Lausanne Palace & Spa have for some years now partnered an event giving the Vaud wine-growers the opportunity to present their produce at the prestigious hotel. Every Monday, from mid-November to

mid-December, eight estates representing two wineries were offering tastings of their wines. Nicolas Joss, OVV director, pointed out that this way not only historic brands had access to such a prestigious establishment. PB

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IRL plus SA, plus qu’une imprimerie de qualité IRL plus SA est fi ère d’imprimer la revue Le Guillon sur ses machines très performantes et inédites en Suisse romande. Depuis cette année, nous nous occupons également de l’acquisition publicitaire de ce magazine de référence. Avec notre nouveau département Editions & Régie publicitaire, nous sommes à même de vous offrir des prestations éditoriales complémentaires à notre offre d’impression. Vous aimeriez en savoir plus sur les nombreuses prestations d’IRL plus SA? Téléphonez à Kurt Eicher au +41 79 250 50 00. IRL plus SA, une société connue et reconnue dans le paysage éditorial de l’arc lémanique.

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Vin Vaudois

Daniel Dufaux et Jean-Pierre Lüthi, responsable des vignes chez Badoux

Des baies aux allures de raisins de Corinthe

Vendange improbable à Aigle Pascal Besnard – Photos: Edouard Curchod Il fallait oser: vendanger le 24 janvier! Certainement un record vaudois, peutêtre une première suisse. Evidemment la date est évocatrice: le jour anniversaire de l’indépendance vaudoise. Une opération de marketing? Daniel Dufaux, directeur-adjoint et œnologue responsable chez Badoux ne conteste pas que la date a contribué à susciter l’intérêt des médias. «Mais au départ on ne pensait pas vendanger si tard. Cette récolte particulière nous la pratiquons sur cette parcelle depuis 2009, d’ordinaire à fin décembre ou début janvier. Mais à ces dates-là en 2015, le flétrissement n’était pas suffisant. Dès lors pourquoi ne pas tenter le coup le 24 janvier? Evidemment ça n’était pas sans risque…»

Lettres de Noblesse Pinot Gris d'Aigle, Vendange tardive, Chablais AOC, barrique www.badoux-vins.ch

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Des baies rares Ce samedi 24 janvier 2015, la neige s’est mise à tomber sur le vignoble aiglon vers 14 heures. Mais à ce moment-là, grâce à l’efficacité de la vingtaine de vendangeurs mobilisés, les raisins étaient déjà rentrés. Des baies rares de pinot gris flétries sur souche, aux allures de raisins de Corinthe. Des fruits bruns foncés, presque noirs, quasi-secs. Issus d’une parcelle de quelque 2000 mètres carrés portant le nom charmant d’En Chantemerle. Caractérisée par sa

forte pente, sa remarquable exposition et son sol graveleux. Une vendange tardive, cela s’exprime aussi en chiffres: 600 kilos de raisin, 225 litres, 600 demi-bouteilles. Sondage au bout du pressage: 163 degrés oechslés, rien que ça! «Le vin ne fera sans doute pas plus de 12,5 degrés d’alcool, mais il y aura beaucoup de sucre résiduel», précise Daniel Dufaux. Et pour déguster ce nectar, il faudra patienter: pas question d’en lamper la moindre goutte avant l’an prochain.

An Unlikely Harvest A harvest on 24th January! That’s certainly a record in the Vaud canton, perhaps in the whole of Switzerland. 600 kg of rare Pinot Gris berries withered on the vine that look rather like Corinthian raisins were harvested on a very steep and gravelly 2,000 m 2 lot called En Chantemerle (Aigle). The test after pressing showed 163° on the Oechsle scale! PB

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BE DIFFERENT. BE SWISS.

WYSCHIFF RAPPERSWIL, LUCERNE, BÂLE, THOUNE, ZOUG VOYAGE DÉCOUVERTE DANS LE MONDE SAVOUREUX DES VINS SUISSES A l’occasion des Wyschiff, des vignerons suisses renommés sont fiers de vous présenter leurs dernières créations en matière de crus. La plupart d’entre eux sont des vignerons-encaveurs issus de domaines familiaux ayant excellé ces dernières années dans les concours nationaux et internationaux en récoltant une pluie de médailles. Ils auront le plaisir de déguster avec vous une palette de 300 vins et attendent avec impatience votre jugement dans un lieu privilégiant le dialogue entre connaisseurs. Laissez-vous séduire et participez à ce voyage captivant dans le monde des vins suisses. Nous nous réjouissons d’ores et déjà de votre visite !

Association Wyschiff Vignerons Suisses

AGENDA WYSCHIFF 2015 : Wyschiff Rapperswil

26 février – 1 mars

Wyschiff Lucerne

19 – 22 mars

Wyschiff Bâle

26 – 29 mars

Wyschiff Thoune

09 – 12 avril

Wyschiff Zoug

12 – 15 novembre

www.wyschiff.ch


Vin Vaudois

Un Pinot Noir vaudois encensé par Parker! Pascal Besnard 93 points pour le Raissennaz Grand Cru 2012 du domaine Henri Cruchon à Echichens. Une note conforme à celles qu’obtiennent les vedettes bourguignonnes Rousseau ou Trapet pour leurs Chambertins! La revue The Wine Advocate, créée par l’incontournable Robert Parker, s’est intéressée (enfin!) aux Pinot Noirs suisses. Elle a sélectionné 150 échantillons et n’en a retenu que 67, à qui elle a appliqué son fameux barème à 100 points. Le Raissennaz a obtenu la 3e place, derrière deux crus du talentueux vigneron neuchâtelois Jacques Tatasciore. La Réserve des Hérauts du Domaine des Frères Dubois (Cully) et Les Romaines des frères Dutruy (Founex), figurent aussi dans le classement de Wine Spectator, rendu public début janvier. Une exigence de calcaire Raoul Cruchon savoure ce résultat: «Cela récompense un énorme travail, en particulier à la vigne. Avec mon frère, Michel, on a développé un style, en dehors de tout standard. Raissennaz

 La tribu Cruchon: Michel, Anne, Lisa, Raoul, Catherine et Henri

est un terroir très particulier. D’abord la vigne n’est pas un coteau abrupt orienté au sud. Elle regarde la Dôle, et bénéficie du soleil couchant. On vendange très tard; il n’y a plus de feuilles lorsqu’on récolte le raisin. Et puis il y a le sous-sol. Il y a une exigence de calcaire pour le Pinot Noir et le sous-sol de Raissennaz en contient. Nous cultivons la vigne de telle manière que les racines aillent coloniser le calcaire. Ce terroir fait ressortir la sensualité et la profondeur du pinot.» Et à cet inventaire on peut ajouter l’âge des vignes: 40 ans pour les plus an-

ciennes (plus de 25 ans en moyenne), 14 années de biodynamie, et des macérations en grappes entières (rarissimes en Suisse). Il y a peut-être aussi et surtout la force de l’union familiale chez les Cruchon, trois générations au service de beaux terroirs qui produisent des vins de grande qualité. Un bémol toutefois: avec l’effet Parker, les 3 000 bouteilles de Pinot Noir Raissennaz 2012 sont d’ores et déjà vendues. Il n’y plus qu’à attendre le 2013, que Raoul Cruchon juge supérieur au vin distingué!

Parker Points for a Vaud Pinot Noir! Ninety-three points for Raissennaz Grand Cru 2012 from the Henri Cruchon estate in Echichens! Robert Parker’s Wine Advocate selected 150 Swiss Pinot Noirs retaining just 67 of them which were rated on the famous 100-point scale. Raissennaz won third place, behind two wines from the tal-

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ented Neuchatel wine-grower, Jacques Tatasciore. Raoul Cruchon is delighted with this result: “My brother and I have developed a special style, but above all Pinot Noir must have a limestone subsoil – and Raissennaz has it”. The age of the vines is another factor:

the oldest are 40 (the average age is over 25 years), with 14 years of biodynamic wine-making, and maceration in whole bunches. And then there are the strong ties within the Cruchon family: three generations at the service of those fine terroirs that produce such high-quality wines. PB

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Le taillé aux greubons, véritable fleuron vaudois Il a failli disparaître il y a plus de 10 ans. Le taillé aux greubons, monument de la boulangerie vaudoise, reste un produit emblématique. Un délice traditionnel qui fait appel autant au talent des artisans de la farine qu'à celui des as de la boucherie. Une pâtisserie pour les carnivores, en somme. Pierre-Etienne Joye Photos: Sandra Culand

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Nos terroirs ont du talent

A St-Prex, Patrice Oberson exhibe des taillés feuilletés remplis de greubons entiers.

Il est pratiquement impossible d’entrer dans une boulangerie du canton de Vaud sans tomber sur ces rectangles brun doré, brillant de petits grains appétissants. Cette gourmandise n’est pas prête à se tailler des étals. Passé le jeu de mot facile, il faut songer que le taillé aux greubons aurait tout aussi pu figurer dans les livres d’histoire de la cuisine vaudoise, et basta. C’est la fourniture des greubons qui posa problème, à la suite de la fermeture en 2001 du dernier grand fondoir des graisses du canton. Nous y reviendrons. Car il s’agit dans un premier temps de définir ce que sont ces fameux greubons. L’or gras, le graal Les greubons, ce sont tout simplement les petits résidus solides que l’on obtient en fondant du lard pour faire du saindoux. La définition provient du livre de Michel Vidoudez et Jacqueline Grangier, A la mode de chez nous*, qui compile les plaisirs de la table romande. Quand les familles paysannes bouchoyaient encore, ces pépites étaient extraites en automne, lorsque le précieux caïon était tué. Dans le cochon tout est bon. Cet adage ne saurait mieux convenir aux greubons. Il fallait ne rien perdre, parbleu! Alors,

pas étonnant qu’une partie du lard, –de poitrine et de dos– servait à fabriquer du saindoux qui était conservé dans des pots. Mieux encore, pour ne rien laisser du tout, même les résidus de la fonte de la graisse étaient utilisés. C’est devenu tout simplement un joyau, un bijou précieux que l’on nomme à dessein selon sa juste valeur: l’or gras. Un feuilleté plein de richesse Selon les notes de l’inventaire du patrimoine culinaire suisse, les premiers éléments faisant mention de taillés aux greubons remontent à la fin du 19e siècle. Un gâteau salé feuilleté enrichi de boules de graisses tellement bon que les paysans le mangeaient entre eux, sans en parler aux gens de la ville. Les taillés pouvaient alors prendre la forme de galettes rondes, de bandes salées ou sucrées. La pâtisserie telle que nous la connaissons aujourd’hui a pris son essor dans les années 1940. Une nouveauté technologique en est à l’origine: l’invention du fondoir à saindoux, œuvre des Ateliers mécaniques de Vevey. Le lard gras de porc était alors fondu sous vide, ce qui permettait de produire de greubons de taille respectable, et surtout sans goût de brulé, condition sine qua non pour assurer une qualité de goût et de sa-

veurs constante à la pâtisserie feuilletée. Le fondoir acquis par les abattoirs de Lausanne a ainsi approvisionné la plupart des boulangeries vaudoises – des boucheries aussi– jusqu’à sa fermeture définitive. La funeste date de mai 2001.

Une recette de Taillé aux greubons Avant les quantités et le procédé, ayons à l’esprit que le taillé aux greubons est fait d’une pâte à base de farine et d’eau, de levure aussi, pâte à laquelle sont ajoutés les greubons à raison d’un quart de la masse. Cela peut aussi aller jusqu’à la moitié. Sabler 750 g de farine avec un demikilo de greubons, 125 g de saindoux et deux cuillères à café de sel. Délayer la levure à l’eau tiède avant de l’ajouter, avec un déci de lait. Pétrir la pâte et la laisser lever une heure. Foncer un plaque rectangulaire à 1 cm d’épaisseur, couper des bandes de 3 cm de largeur, dorer au jaune d’œuf et enfourner à four chaud pour une demi-heure. Voilà, c’est assez simple dans le fond. Sinon, foncez à la boulangerie du coin. PEJ

* A la mode de chez nous, M. Vidoudez, J.Grangier. Editions Cabedita

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Nos terroirs ont du talent

Plus de fondoirs, plus de greubons? Non! Et Alors? Et Alors? Non malheureusement, Zorro n’est pas arrivé. C’est la crise. Des pétitions circulent. L’association des boulangers-pâtissiers recueille 10 000 signatures. Un artisan voit son projet de reprise bloqué. Le sauvetage tarde. Pour finir, c’est l’union qui fera la force. Pour rebondir, les bouchers locaux ont repris le flambeau pour alimenter les artisans boulangers. Conséquence, les greubons sont devenus plus petits, et leurs prix, eux n’ont pas fondu, bien au contraire. Mais cet épisode délicat a contribué à redorer le blason du taillé aux greubons. Il figure plus que jamais au panthéon des spécialités gastronomiques vaudoises et s’est taillé une sacrée réputation au-delà du Léman et des rives de la Venoge, de l’Orbe ou de la Thièle. Un produit du terroir qui n’attend plus, pourquoi pas, que son appellation d’origine protégée (AOP). Pour l’heure, n’hésitez pas à le déguster, à le ruper, même. Dès qu’on le croque, ça croustille et ça fond en même temps. Le goût est unique, même s’il existe des flopées de subtilités, de dosage et d’équilibre. Autant de taillés aux greubons qu’il existe de boulangers-pâtissiers. A Saint-Prex, par exemple, Patrice Oberson produisait deux variantes: des mous et des croustillants. Il n’a gardé que les feuil-

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letés qui croustillent, plus prisés. Les autres peuvent être commandés. Par contre, ses greubons sont entiers, non broyés. Le taillé aux greubons, on peut même le faire soi-même, si la passion et le temps sont au rendez-vous (cf. recette p. 43). Et avec ça? Du vin bien sûr. Un chasselas. Vaudois, évidemment. Interviews A Penthalaz, ils sont deux à avoir succédé au grand spécialiste du taillé aux greubons, Roger Neuenschwander, parti à la retraite. A la boulangerie «Au pain gourmand», c’est désormais Christophe Bauer et Sébastien Godineau qui ont repris le flambeau. Trois questions à ce dernier. Le Guillon: Le taillé aux greubons reste-t-il une spécialité phare de votre production boulangère? Sébastien Godineau: Assurément. Le succès est toujours au rendez-vous. On peut estimer que l’on écoule entre 70 et 100 taillés par jour. Nous avons repris la recette qui a fait la réputation de notre prédécesseur. Et qu’a-t-elle de particulier? S.G.: Cette recette, c’est d’abord un savoir-faire. Elle tient d’abord dans la manière de travailler la pâte. Il faut la pétrir sans la brusquer. Ensuite, le mélange contient du saindoux, de la graisse boulangère, mais pas de beurre. C’est le goût des greubons qui

doit ressortir. Ces greubons, ils constituent un tiers du poids total du taillé. LG: Vous n’avez pas non plus abandonné la confection du taillé en forme de lyre… S.G.: Au contraire. Nous confectionnons bien sûr des taillés traditionnels en forme de bâton, mais nous ne pouvions évidemment pas reléguer la lyre aux oubliettes. C’est une spécialité que Roger Neueunschwander a mis au point: des grandes pièces constituées de plusieurs tronçons que l’on propose surtout sur les marchés (le mercredi à Penthalaz et le vendredi à Cossonay, ndlr.). Elle est également très prisée lors de réceptions. Je peux vous assurer qu’une lyre de taillé aux greubons posée sur la table fait toujours son effet! Boucher-charcutier à Champvent, Pierre Marendaz a toujours confectionné des greubons. Trois questions. Le Guillon: Faire des greubons pour la boulangerie, qu’est-ce que ça représente? Pierre Marendaz: Cela fait partie intégrante du travail de charcutier. Mais beaucoup ont arrêté. Personnellement, j’en ai toujours fait. La mise hors service du fondoir des graisses de Malley au début des années 2000 n’a pas été un problème très longtemps. Ça a créé une émulation et les grandes maisons se sont aussi mises à en produire. p. 47 >

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Des chutes de graisse broyées aux greubons tout juste sortis de la chaudière: la savoir faire de Pierre Marendaz. 

 A Penthalaz, les as de la boulangerie «Au pain gourmand» à l'oeuvre pour la confection d'une lyre de taillé aux greubons.

The Taillé aux Greubons (a savoury pastry with bits of bacon crackling) is a genuine Vaud speciality When you go into a bakery shop in the Vaud canton, more likely than not you will see some of these golden brown rectangles with shiny bits of mouthwatering crackling. This ever-popular delicacy could simply be mentioned in books about the history of Vaud cuisine, and you’d probably never hear any more about it. But there’s more to the story. After the closing of the last fat-melting plant in the canton, in 2001, the supply of bits of crackling dried up.

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Gold nuggets, a holy grail Greubons are little solid bits of residual crackling obtained in the process of melting bacon fat to produce lard. When peasants used to slaughter their own animals, these nuggets were obtained in the autumn, when the ‘precious’ pig was slaughtered. As the saying goes, everything in a pig can be used but for the oink! This couldn’t be truer than in the case of greubons. Nothing was wasted! Unsurprisingly, therefore, part of the belly and loin fat was used to produce

lard, and preserved in jars. Better still, to make sure nothing at all was wasted, even the residue from the melted fat was used. These bits of crackling became really precious and were appropriately called: gold nuggets. As noted in the Inventory of Swiss Culinary Heritage, the first mentions of taillés aux greubons appeared at the end of the nineteenth century. Savoury puff pastry cakes with bits of lard inside that were so good that the peasants used to eat them among themselves, cont. p. 47 >

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Le sens ultime, ou la fusion idéale du vin et du bois. Ce savoir-faire artisanal, issu d’une savante alchimie élaborée au cours des siècles, alliage du feu, de l’eau, des essences de bois et de l’air, Hüsler l’a perfectionné au cours de ses trente-cinq années de pratique professionnelle. Il est le dernier tonnelier Romand à fabriquer tonneaux, foudres ou barriques avec la maîtrise de l’œnologue associée à celle du tonnelier.

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Nos terroirs ont du talent

Même dans le canton de Genève… Mais les frontières ne sont pas forcément cantonales en terme d’engouement: dans la région lausannoise ou le Grosde-Vaud, ça cartonne. Après Aigle, ça ne marche plus. LG: Les greubons sont-ils vraiment plus petits depuis? P.M.: Je ne crois pas. Pas chez moi en tout cas. Il y a plusieurs tailles. Les gros, ça ressemble à un joli gravier disons de 5 à 10mm de diamètre. De toute façon, certains boulangers demandent du hachis, des petits greubons. LG: Comment procédez-vous pour les extraire? P.M.: D’abord il faut de la matière. Le lard de dos, c’est très bien, mais c’est surtout les chutes de graisses qui sont utilisées. Le tout est chauffé en chaudière à des températures s’élevant à 130, 140 degrés. Les résidus solides se forment petit à petit. Le greubon, c’est la fibre de la graisse.

keeping them a secret from the towndwellers. They came in different shapes, round or in strips, both savoury and sweet. The pastries as we know them today took off in the 1940s thanks to technological innovation: a melter for lard, developed by Ateliers mécaniques de Vevey. Lard or pig fat was melted in a vacuum, making it possible to produce greubons of a respectable size and, importantly, with no burnt taste, which is absolutely indispensable for obtaining a puff pastry with a consistent taste and flavour. The melter acquired by the Lausanne slaughter house was thus able to supply most of the bakeries – and butchers - in the Vaud canton until its ‘fatal’ closure in May, 2001. No more melters, no more greubons? No! So, what next? Unfortunately Zorro didn’t come to the rescue. Times were

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Du gras craquant partout dans le monde L’idée de fondre les tissus adipeux pour en obtenir des morceaux de gras n’est pas confinée au canton de Vaud. Cela se pratique dans le globe entier. En France, en Auvergne ou en région lyonnaise, on parle de grattons. On peut les définir comme des débris de porc cuits dans la graisse, ou des morceaux de gras frits, voire des couennes rissolées. Les mots de manquent pas, c’en est même une véritable armada: grillons, grabons, gratterons, griaudes ou rillons. Les fritons aussi, mais là, on fait surtout référence à la graisse du canard. En particulier dans le Sud-Ouest, où les palmipèdes gavés sont légions. Les fritons contiennent certes des boules de graisses, mais celles-ci sont agglomérées de morceaux de peaux confits. Salés, ils se dégustent, comme les grattons, en apéritif ou en salade. Plus proche du taillé vaudois, les boulangers des Cévennes proposent des fougasses aux grattons d’oie. Il existe aussi dans l’Hexagone des brioches aux grattons ou des galettes aux griaudes. En Allemagne, à Berlin notamment, vous pourrez siffler votre bière blanche au sirop d’aspérule avec une tartine de Griebenschmalz, saindoux avec des petits morceaux de gras solide et confit. En Espagne, ce seront les chicharrones; ciccioli en Italie. Passons outre-Antlantique pour dévorer des pork rinds voire des cracklings aux Etats-Unis, des scrunchions au Canada ou encore des cueritos au Mexique. En Chine, aux Philippines ou au Vietnam, on est tout aussi friands de ces spécialités graisseuses. On vous épargne les noms et leur prononciation ce coup-ci. Ah, encore une chose: le taillé aux greubons a aussi une autre appellation en romandie. Dans le canton de Neuchâtel, on parle de «razure». PEJ

rough. Petitions abounded. The bakers’ and pastry-makers’ association collected 10,000 signatures. Takeover of the activity was officially refused. Rescue plans made very slow progress. In the end, unity won the day. The local butchers took up the torch and started supplying the bakers. But the greubons got smaller. Their price didn’t melt, quite the contrary! Luckily, that delicate episode actually helped to give a boost to the greubons. Increasingly, they now feature among the finest gastronomic specialities of the Vaud canton and have acquired quite some reputation beyond Lake Geneva and the shores of the Venoge, Orbe and Thiele rivers. A terroir product which seems only to be missing its appellation d’origine protégée. For the time being, don’t hesitate to try one. As soon as you take a bite, it’s crunchy, and

melts in your mouth. It’s got a unique flavour even though there are loads of subtleties in dosing and balancing the ingredients. There are as many types of taillés aux greubons as there are bakers. And to go with them? Some wine, of course. A Chasselas wine – from Vaud. PEJ

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Livres

Chasselas – de Féchy au Dézaley Un voyage à la découverte des trésors du vignoble vaudois Dire simplement de Chandra Kurt qu’elle aime le chasselas serait beaucoup trop réducteur et ne permettrait pas de rendre justice à sa connaissance hors norme du cépage emblématique du vignoble vaudois, même si elle admet l’avoir mal compris dans le passé. Aujourd’hui, non seulement elle le comprend, mais elle le raconte à la perfection, dans le livre intitulé Chasselas – de Féchy au Dézaley, osant d’audacieuses comparaisons: «Le Chasselas est comme Chanel – intemporel, élégant, féminin, classique». Ou encore: «Le Chasselas est pour moi comme une sonate de Chopin ou un tableau de Modigliani. Plus on les apprécie et mieux on saisit leur inégalable grandeur et on souhaiterait toujours les avoir à nos côtés». Mais Chandra Kurt ne se cantonne pas au genre lyrique. Elle pratique aussi avec talent les registres historique, géographique, technique, œnologique, didactique ou statistique. Sans oublier le registre gastronomique, puisqu’elle consacre un tiers de son livre à des recettes, qui demandent à être escortées de chasselas vaudois, lorsque le chasselas n’est pas lui même un ingrédient du plat. Certaines recettes sont nées de l’imagination de personnalités issues du monde viti-vinicole vaudois, ou très attachées à celui-ci. Question habillage, le livre est épuré, mais élégant. Illustré sobrement par la photographe Patricia Von Ah. Et rehaussé des douze remarquables gravures de La Grande Année Vigneronne de Paul Boesch (1935). La moitié d’entre elles ornent déjà les étiquettes des bouteilles de chasselas vaudois de la Collection Chandra Kurt by Bolle. PB Chasselas – de Féchy au Dézaley, un voyage à la découverte des trésors du vignoble vaudois, aux éditions Orell Füssli

Les visages du vin suisse Très exactement 60 visages, de femmes et d’hommes du vignoble helvétique. Sélectionnés parmi 500, présentés dans une brochure publiée par l’Association Vinea. 60 professionnels répartis dans cinq familles: les grandes caves, les innovatifs, les gardiens de la tradition, les «à suivre», les discrets et talentueux. Onze références vaudoises au sommaire de cet ouvrage. Et d’autres à venir, puisque Vinea annonce un opus riche de 60 portraits chaque année. PB

Guide des hôtels de renom Les hôtels ne constituent souvent qu’une étape pour se restaurer et dormir sur la route des vacances. Mais parfois aussi ils méritent le détour, ou mieux encore, valent carrément le voyage. Les établissements hôteliers de Suisse romande présentés dans ce guide appartiennent indiscutablement à la seconde catégorie. Les hôtels vaudois se taillent la part du lion: le lecteur en dénombrera dixhuit, sur la Côte, dans la région lausannoise, le nord vaudois, le Jura et les Alpes. Bien sûr les palaces ont la place qui leur revient naturellement. Mais des hôtels moins prestigieux aussi, parce que la richesse de leur histoire, leur charme, la qualité de leurs services, en font des gîtes incontournables pour les amateurs de belles maisons. Les auteurs nous rappellent que l’essor du monde hôtelier a été intimement lié à l’avènement du chemin de fer, au milieu du XIXe siècle. Mais de nombreux hôtels ont été érigés avant: ainsi la Riviera vaudoise comptait déjà trente établissements hôteliers à l’arrivée du rail! PB Le Guide des hôtels de renom, par Alexandre Metzener et Antoine Viredaz, dans la collection Creaguide.

Les visages du vin suisse, peut s’obtenir gratuitement auprès de l’Association Vinea, à Sierre (www.vinea.ch)

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What is a Ressat? In the Vaud canton, a ressat was the festive meal that the vineyard manager would lay on for the labourers to mark

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the close of the planting, hoeing and, of course, harvesting work jointly accomplished. The Confrérie du Guillon perpetuates this tradition of thanksgiving to celebrate the winegrowers’ generosity by holding ritual ressats at the chateau of Chillon, four in the spring and ten in the autumn. After the initiation ceremony, known as tirer au guillon during which new members draw their own wine from the barrel and promise to observe the spirit of the Confrérie by promoting Vaud wines, there follows a festive meal for the 250 guests who revel in an exalting experience of fine cuisine and wines. The

nectars are selected to represent the different wine-growing regions in the Vaud canton and enhance the cuisine of the evening’s starred chef. Hauteville hunting horns and the Gais Compagnons vocal group provide lively rhythms to accompany the ressat, and announcements are introduced by a brass quartet. The ressat concludes with the Governor thanking all the participants, and in particular the guests, thanks to whom everyone has enjoyed a moment of shared generosity and conviviality. Fabrice Welsch

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Message du gouverneur Jean-Claude Vaucher

La dictature du bonheur Les milieux de la prévention, appuyés par des moralisateurs bien-pensants s’ingénient à nous culpabiliser sur nos comportements et nos habitudes de consommation en criminalisant certains produits au lieu de renforcer la responsabilité individuelle. Ils s’acharnent ainsi sur nos «petits bonheurs» qui apportent joie de vivre et bien-être et qui participent très concrètement à notre équilibre physique et psychique. Notre manière de vivre et nos modes alimentaires sont passés sous la loupe pour être fustigés par des ayatollahs qui pensent faire notre bonheur à notre insu. Leur seule démarche est de nous formater dans un maelström fade et insipide que l’on pourrait nommer le politiquement correct du comportement. La diabolisation des plaisirs de la table en est l’exemple le plus éloquent. La consommation de produits carnés devient strictement réglementée voir interdite, les fruits de nos mers et de nos lacs réduits à leur plus simple

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expression sans parler de l’abandon des corps gras, véritables fléaux mais qui donnent tant d’onctuosité à nos mets préférés. Les produits laitiers bouchent nos artères, le lactose est sérieusement allergène alors que le sel déséquilibre la pression artérielle. Sans oublier de limiter strictement et pourquoi pas d’interdire sucreries et autres pâtisseries, principaux responsables de votre embonpoint. Quant aux glucides ils sont dangereux car bourrés de gluten, sans parler de ces satanés produits alcooliques qui, à l’image des volutes d’un cigare suicidaire, s’acheminent «enfin» vers une prohibition programmée. Aujourd’hui le politiquement correct de la nutrition c’est 5 légumes par jour cuits dans la vapeur, 5 fruits crus bio, des petites graines sans gluten accompagnés d’un verre d’eau du robinet. On ne mange plus pour se nourrir ou pour son plaisir, on mange par obligation physiologique, sur le pouce, puisqu’après le repas l’obligation c’est bouger. L’Indice de

Masse Corporel est strictement imposé alors que l’activité sportive devient obligatoire, minimum une heure par jour. Sans oublier qu’après s’être acharnés sur notre alimentation et sur notre silhouette, les fossoyeurs de bonheur s’en prendront à notre mode de mobilité, à nos mœurs et pourquoi pas à notre manière de penser. Alors vous tous qui ne supportez plus ces donneurs de leçons, il est temps de fermer vos écoutilles et de devenir hermétiques à ces messages de fausse prévention. Arrêtons cette surprotection de l’individu mais laissons le vivre en homme libre et responsable à la quête de son bonheur. Et surtout faisons l’éloge sans aucune restriction des plaisirs du bien-boire et du bien-manger dans un esprit jouissif et convivial. Oublions ces bouffeurs de vitamines, de gélules et d’aspirine en rendant enfin hommage aux bienfaits d’une alimentation variée goûteuse et savoureuse tout en catéchisant l’épicurisme et l’hédonisme.

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Ressats

Les Ressats des Douze lustres 12 lustres? Traduisez 60 ans, 3 fois vingt berges, 6 fois 10 piges, un jubilé plus une décennie, etc… Difficile de l’ignorer, on vous en parle depuis quelques lunes déjà, notamment dans cette revue (voir n° 45): oui, votre confrérie favorite est sexagénaire… A l’automne, notre Prévôt distilla avec talent et espièglerie les nouvelles du front viti-vinicole et l’évocation d’un passé glorieux. Avec un sens aigu de la synthèse, il résuma en quelques sentences ciselées soixante ans d’histoire: Voilà soixante ans que voulant faire face aux difficultés rencontrées dans l'écoulement de leurs récoltes, quelques vignerons vaudois, utopistes mais courageux, inspirés par les Chevaliers du Tastevin de Nuits-Saint-Georges, prirent la décision de créer une confrérie bachique. Sans crainte du ridicule, ces gens de la terre n’hésitèrent pas à endosser des robes multicolores, à se parer de titres pompeux: Conseiller au Trésor, Légat, Echotier, Tabellion, et j’en passe. Après tout, les Rois sont nos cousins! Le 29 avril 1954, au Château de Glérolles, se tint une assemblée constitutive au cours de laquelle les statuts furent adoptés et le premier Petit Conseil constitué avec à sa tête le Gouverneur François Cuénoud entouré de François Vuilleumier, trésorier, de Gérard Olivet, Maisonneur, du Prévôt Philippe Chessex, de Maurice Cossy, Maître de cave, du chantre des vins Louis-Philippe Cherix et du clavendier, Pierre Pelot. Ensuite, sans autre contrainte que l’impatience de ses papilles et l’éveil de ses sens, on passa comme de coutume aux ressats, culinairement mitonnés par Thomas Neeser (le nouveau) puis par Edgard Bovier (le récidiviste), et vocalement entonnés par les divers intervenants, avec la simple mais noble ambition de réjouir les hôtes de la Confrérie du Guillon. Pascal Besnard, échotier Edouard Curchod, photographe

Toutes les photos des ressats sont disponibles sous www.guillon.ch

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Ressats

Vendredi 31 octobre Compagnon Juré Bianca Vetrino Gran Maestra Ordine dei Cavalieri del Tartuffo e dei Vini di Alba Compagnon majoral Michel Roux Cuisinier, auteur et professeur de cuisine Compagnon François Garcia Gland Benjamin Massy Epesses Grégory Massy Epesses Sepp Trütsch Schwyz

Samedi 1er novembre Compagnon d’Honneur François Margot Abbé-Président de la Confrérie des Vignerons Châtelaine d’un Soir Olivia Bessaud Présidente centrale des Gourmettes Compagnon Majoral Josiane Lei Première adjointe au Maire d’Evian Compagnon Didier Badan Aigle Charly Emery Mézières (VD) Jérémy Hayoz Saint-Aubin (FR) Stéphane Jordan Rueyres René Lehmann Evian François Pradelle Thonon-les-Bains Enrico Slongo Muri bei Bern

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Vendredi 7 novembre Compagnon d’Honneur Aldo Ferrari Membre du Comité directeur d’UNIA Markus Hongler CEO du groupe La Mobilière Compagnon Majoral Michel Jeanneret Journaliste, Rédacteur en chef de L’Illustré Compagnon Juré Thibaut Panas Sommelier suisse 2014, Beau-Rivage, Lausanne Compagnon Lionel Apollaro Les Avants Gilles Bovay Lausanne Quentin Gallay Mont-sur-Rolle Raphaël Gaudin Monthey Edouard Millet Crissier

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1. Le cumul des fonctions, pour la bonne cause, celle des vins vaudois: l’Abbé-Président François Margot devient Compagnon d’Honneur 2. Olivia Bessaud, Présidente des Gourmettes, déguste les propos de Jean-François Anken 3. Ca n’est pas une inter-Vioud, mais c’est bien Bernard qui parle de Josiane Lei 4. Une belle brochette d’intronisés, ceux du 1er˜novembre

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Ressats

Samedi 8 novembre Compagnon d’Honneur Jean Studer Président du Conseil de banque de la BNS Compagnon Majoral Thomas Neeser Chef de cuisine, Grand Hôtel du Lac, Vevey Conseiller Patrick Rütsche Avocat, Préfet du Cotterd de Saint-Gall Compagnon Jean-Pierre Allaz Bottens Sylvia Bonanomi Schumacher Pully Pierre-Yves Brélaz Aigle Jean-Luc Estermann Cully Eric Girardet Suchy Linus Haas Andwil (SG) Rahel Isenschmied Miège Lothar M. Kiolbassa Herisau Beat Lussi Stans Theodor Mamaïs Villars-le-Terroir Patrick Neuhaus Cousset Tanja Nicole Lucerne Daniel Ochsner Zollikerberg Yves Progin Fribourg Christian Roux Jongny Fabian Rütsche Wil (SG) Lothar Schmidt Kastanienbaum Thomas Stiegler Saint-Gall Beat Stofer Meggen

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Vendredi 14 novembre

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1. Tout l’or de la BNS ne vaut pas un tel titre: Jean Studer est adoubé Compagnon d’Honneur

4. Le grade de Compagnon Juré pour une grande experte en vins vaudois, Chandra Kurt

2. Tiré au guillon saint-gallois sous contrôle vaudois: Patrick Rütsche et Jean-François Potterat

5. et 6. Le geste et la parole: Claude Piubellini, clavendier, Eric Loup, supporter (et chantre des vins)

3. A Chillon, le patron de Swisscom, Urs Schaeppi, a communiqué par écrit!

Compagnon d’Honneur Urs Schaeppi CEO de Swisscom Compagnon Juré Chandra Kurt Auteur, journaliste spécialiste du vin Compagnon Alain Dobler Lutry Sébastien Fabbi Grand-Saconnex Chris Fluckiger Genève Lionel Freymond Jongny Luc Gagnebin Aran François Goumaz Corseaux Daniel Gremaud Epalinges Jean-Luc Guerry Chevilly Emmanuel Metraux Lausanne Donato Mottini Lutry Marc Charles Séchaud Pully Stephan Sommer Lutry Thomas Suter Saint-Légier

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Samedi 15 novembre Compagnon d’Honneur Michel Albert Président de la Direction générale de la Banque cantonale de Fribourg Compagnon Majoral Nicolas Isoz Directeur et conservateur du Musée de la Vigne et du Vin et du Château d’Aigle Compagnon Julien Aerni Romanel-sur-Lausanne Guido Brivio Mendrisio Nicolas Chervet Morges Eric Diserens Lavey-Village Claire Halmos Chexbres Marc-Antoine Jaccard Crissier Silvano Parini Vaglio Jacques Rubattel Romanel-sur-Lausanne Jean-Marc Rüeger Paudex Michel Wieser Attalens Jean-Pierre Zutter Lonay

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Vendredi 21 novembre Compagnon d’Honneur Pascal Clivaz Vice-Directeur général de l’Union postale universelle Christophe Darbellay Conseiller national, Président du PDC suisse Compagnon Caroline Borloz Lausanne Blaise Clerc Mur (VD) Claude-Eric Corthésy La Tour-de-Peilz Samantha Filipinetti Clarens Jacques Joly Grandvaux Nathalie Noverraz Saint-Saphorin

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Samedi 22 novembre Compagnon d’Honneur Pierre-André Meylan Directeur général de Piguet Frères, Président du Centre patronal Compagnon Majoral Ian Logan Colonel, pilote, Directeur d’Air 14 Compagnon Ministérial Grégoire Dromelet Etudiant, Trompe d’Hauteville Compagnon Didier Borgeaud La Croix-sur-lutry Patrick Frehner Saint-Oyens Aude Genton Le Mont-Pèlerin Hans-Rudolf Moser Oberglatt (ZH) Vincent Payot Etoy Jean-Marc Schlaeppi Etoy Christian Schnyder le Mont-sur Lausanne

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Vendredi 28 novembre Compagnon d’Honneur Andreas Koopmann Président de Georg Fischer, Vice-Président de Nestlé Compagnon Corinne Chalon Villars-sur-Ollon Daniel Herrera Orbe Eric Jordan Evionnaz Marie-Paule Nobel Savigny Marie-Paule Piubellini Pully 1. Sourire valaisan-postal: Pascal Clivaz 2. Sourire valaisan-politique: Christophe Darbellay 3. A toi, à moi, et… santé! Jean-François Anken et Christian Roussy 4. La Force (électrique) est avec lui: Fabrice Welsch, Conseiller Jedi 5. Les Gais Compagnons sous la direction de Claude-André Mani

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Samedi 29 novembre Compagnon d’Honneur Bernard Lehmann Directeur de l’Office fédéral de l’agriculture Compagnon Juré Pierre-Emmanuel Buss Journaliste, actualités vitivinicoles, Le Temps Compagnon Patrick Berger La Sarraz Patrick Bertholet Renens Battiste Briatico Villeneuve Christophe Dubois Villeneuve Jean-Claude Favre Savigny François Fragnière Echichens Maxime Henry Lugnorre Janine Schaer Cudrefin Eric Thut Valeyres-sous-Montagny

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1. Un produit de la viticulture pour le patron de l’agriculture: Bernard Lehmann, Compagnon d’Honneur 2. Pierre-Emmanuel Buss, journaliste aux 99 chasselas, prête serment 3. Triplette de choc pour ressats réussis: Edgard Bovier, cuisinier, Hans-Ruedi Gerber, maisonneur et Chantal Casagrande, générale des Fanchettes

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Propos de Clavende

Le Vacherin Mont-d’Or et le Dézaley Grand Cru 2011 Philippe Bujard, conseiller Vous l'aurez certainement constaté avant moi, dans notre univers, beaucoup de choses vont par deux et rarement l'une sans l'autre. Pour notre plus grande joie, souvent, comme pour notre plus grand malheur, parfois. Pensez-donc, que serait le jour sans la nuit? La vie sans la mort? Le ciel sans les étoiles? Que seraient les pauvres sans les riches? La planète Saturne sans son anneau de gaz et de poussière? Ou sous des aspects nettement plus réjouissants, que serait Paris sans sa Tour Eiffel? Rome sans le Vatican? Les meringues sans la double crème de gruyère? Enfin entre nous, que seraient les Valaisans sans Christian Constantin? Ou encore plus réjouissant que serait l'homme sans la femme? La femme créature grandiose, que serait-elle sans ses deux seins, perchée sur ses deux jambes interminables qui sont comme des compas qui arpentent le monde? Portant au firmament des robes légères qui sont pour nous la seule chose qui tourne sur terre! Oui mais parfois la dualité a ses mauvais côtés: les chaussures vont par deux, les chromosomes vont par deux, les mariages se font à deux… en tous cas au début! Et tout à l'heure, vous constaterez peut-être, ce que je vous ne souhaite pas bien évidemment, les patrouilles

de la gendarmerie vaudoise vont également par deux: oui, il y a toujours un policier qui sait lire et l'autre qui sait écrire! Enfin trêve de balivernes, il est des associations culinaires qui sont plus que des alliances gastronomiques, mais de véritables unions sacrées. Le Vacherin Mont-d’Or, c'est tout vaudois. Enfin pour celui qui vous est servi ce soir. Car l'appellation Vacherin Mont d'or est aussi bien suisse que française. En effet la plus grande partie du vacherin est produite en France dans le Haut-Doubs. A une seule différence typographique près, le Mont d'Or français n'a pas de trait d'union alors que l'AOP Vacherin Mont-d’Or suisse arbore le trait d'union. Le trait d'union géographique du Vacherin est en effet le Mont d'Or, massif montagneux trans-frontalier qui a vu le jour au jurassique et sur le pourtour duquel prend naissance le fromage. Le Vacherin, disais-je c'est tout vaudois, ça voit le jour l'été à la Vallée, ça descend pour l'automne sur la Riviera pour finir dans votre assiette. Certes ça n'a pas l'exotisme d'un gorgonzola, ni l'aristocratie d'un stilton britannique. Et encore moins l'aura d'un camembert dit Président. C'est présenté avec discrétion et élégance dans une petite boîte en bois. Cela dit, j'en connais en France voi-

sine, qui aimeraient bien voir leur Président dans une petite boîte en bois! Oui, le Vacherin c'est tout vaudois disais-je, c'est tout en nuance, crémeux à souhait, velouté à volonté, riche et onctueux. Ça a le sens de la mesure. Car, vous le savez, dans le Pays de Vaud tout est mesuré. A commencer par l'effort. Nos amis alémaniques ont pour coutume de dire: «Les vaudois ils aiment le lac depuis le bord, la montagne depuis le bas et l’église depuis dehors». Il fallait donc trouver pour ce fromage une élévation suprême, un catalyseur gustatif, un vin faramineux, pour une véritable eucharistie vaudoise célébrée dans ces murs depuis plus de 12 lustres, j'ai nommé le très illustre Dézaley Grand Cru. Véritable cathédrale à ciel ouvert, ces 55 hectares de vignes juchées sur une pente incroyable, retenues par des murs vertigineux, face aux paysages féériques du bleu Léman. Les Bourguignons l'estiment, les Bordelais nous le jalousent et les Toscans nous l'envient. C'est le plus grand vin blanc du monde! Nous vivons une époque inconcevable, mais avec des repères éblouissants. Alors, avant de savourer un dessert salvateur puis un café libérateur, appréciez sans heurt ce Dézaley Grand Cru et ce vacherin Mon-Bonheur!

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Cotterd de Bâle

Sous le signe du carnaval Claude Piubellini, conseiller – Photos: Edouard Curchod Alors que la quasi-totalité de la Suisse baigne dans la grisaille, c'est un grand ciel bleu qui illumine la ville de Bâle ce 7 février dernier pour accueillir le Cotterd, sous la houlette de son dynamique préfet Ivo Corvini. Dès 18 heures, nous abandonnons le soleil pour les lumières de la Fasnachtskeller (cave de carnaval) sise à l'adresse Nadelberg 6 en plein cœur de la vieille ville. Du haut d'un grand escalier avec vue plongeante sur la salle où vont se dérouler les réjouissances, nous sommes accueillis par l'épouse du préfet enregistrant les arrivées des participants. Pour les habitués du carnaval, rien d'extraordinaire, mais pour les néophytes, ce sont des multitudes de 

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masques, figurines, luminaires, tous richement décorés des parures du mythique plus grand carnaval de Suisse. Parmi les Conseils, nous pouvons remarquer la présence du gouverneur du Guillon et de son épouse, du légat, du prévôt et de son épouse, du tabellion, et de quelques conseillers dont Daniel Dufaux, directeur adjoint de la maison Badoux à Aigle. Était aussi présent le Compagnon d'honneur Kurt Egli, directeur de la même maison Badoux, fournisseur des vins du repas et de l'apéritif, un Aigle les Murailles 2013, unanimement apprécié des convives. Après les salutations de notre préfet, c'est au tour du prévôt d'apporter le salut malicieux de la Confrérie aux

La Fasnachtskeller accueillait plus de septante participants

plus de septante Compagnons et invités. Un peu plus tard se met en place le fameux Jean-Louis, afin de mettre à l'épreuve les connaisseurs de crus vaudois. Un Jean-Louis «spécial Chablais» Si d'habitude le concours de dégustation organisé dans les Cotterds met en lumière les cinq régions emblématiques du vignoble vaudois (Nord vaudois, la Côte, Lavaux, Dézaley et Chablais), c'est une dégustation plus délicate qui nous est alors proposée. En effet, ce sont cinq chasselas du Chablais qui sont soumis à nos papilles. Deux de la maison Badoux avec


Dégustation et concentration

son Ollon (domaine Grange Volet, Clos Domaines et Châteaux) et son Petit Vignoble (Yvorne). Ces vins sont présentés par Kurt Egli. Les trois autres chasselas viennent du domaine Veillon au Cloître à Aigle, ce sont respectivement le Clos de la Cure, le Cloître et le Clos du Paradis. Ces vins sont présentés par les frères Simonius, de la maison Veillon. Dégustés et présentés, ces vins sont ensuite servis à nouveau dans le désordre et bouteilles cachées. Ce qui semblait auparavant une simple évidence devient alors un périlleux exercice, tant la mémoire gustative peut nous jouer des tours... Un repas vaudois aux accents bâlois Les bulletins de participation étant rentrés, nous passons au repas avec en entrée la traditionnelle soupe à la farine du carnaval de Bâle, que chacun parsème de parmesan selon son goût. Cette soupe est accompagnée d'un Viognier d'Aigle, Lettres de Noblesse (maison Badoux), élevé en amphores. Vient ensuite un papet et saucisson vaudois de belle facture, appétissant à souhait, cette fois accompagné d'un Clos des Murailles rouge d'Aigle, lequel se marie à la perfection au plat. Un deuxième vin est proposé avec le

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 Le

Préfet Ivo Corvini collecte les bulletins

plat principal. C'est un assemblage Malbec-Cabernet franc de SaintSaphorin, nouveauté dans l'assortiment de la maison Badoux. Tous ces vins sont présentés au fur et à mesure par notre conseiller Daniel Dufaux. Lorsque le King et Tom Jones s'invitent... Le plat principal terminé, en guise d'intermède, notre préfet nous annonce la visite d'Elvis Presley pour animer la soirée. C'est chose faite avec l'arrivée de Steven Day et sa guitare. Il va entonner les standards du King ou de Tom Jones entre les tables, la salle reprenant avec lui les refrains les mieux connus. L'ambiance est chaude parmi les convives, puisque l'artiste a droit à un rappel bien mérité. Son tour de chant achevé, il repart sous des applaudissements nourris. Finalement, un magnifique plateau de fromages vient ponctuer ce repas par ses mille et une saveurs, cette fois accompagné d'un Merlot d'Yvorne rouge, Lettres de Noblesse ou un chasselas barrique d'Yvorne, Lettres de Noblesse. Cela permet aux aficionados du blanc ou du rouge avec le fromage d'être tous satisfaits. Mais l'heure avance (23h15) et il est

temps de révéler le résultat du JeanLouis. Malgré la difficulté, ce ne sont pas moins de cinq bonnes réponses qui sont relevées parmi les bulletins rentrés. A tout seigneur, tout honneur, Jean-Claude Vaucher, gouverneur du Guillon fait partie des élus, tout comme le tabellion Claude-Alain Mayor et Kurt Egli, ruban d'honneur. Comme ceux-ci sont d'office éliminés des lots attribués aux vainqueurs, il reste deux lauréates qui ont remis les cinq vins dans l'ordre: il s'agit de Mmes Franziska Lischer et Armella Krattiger qui remportent chacune une place offerte lors d'un Ressat au château de Chillon. Elles sont vigoureusement applaudies pour leur perspicacité et leur palais sans faille. Un diplôme leur est remis pour rappeler leur succès. Le préfet remercie encore chacune et chacun de sa participation à ce Cotterd. Il encourage vivement à participer au Ressat du 2 mai prochain à Chillon où une délégation bâloise sera présente. Quelques flacons circulent encore pour tarir les dernières soifs impromptues, ceci grâce à la générosité de nos vignerons aiglons de la maison Veillon au Cloître ou de la maison Badoux, qui en sont ici encore remerciés.

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Les Quatre heures du vigneron

Villeneuve: 800 ans et… 4 heures! Pascal Besnard, échotier Photos: Edouard Curchod Ville-étape avant la Riviera, dans un sens, ou les Alpes, dans l’autre, ou simple escale lacustre lors des chaudes journées estivales, certes Villeneuve est l’une comme l’autre. Mais elle est bien davantage que cela. Huit siècles d’histoire, ça n’est pas rien. Le bourg médiéval témoigne de ce riche passé. Et c’est précisément là, dans ces ruelles accueillantes ou dans les cours pittoresques, presque à l’abri des regards, que les vignerons du lieu ont accueilli les hôtes des Quatre heures. 1100 personnes, en l’espace de deux samedis ensoleillés, un record!  Pause méritée pour les trompettes du Guillon 

Le sens de l’accueil

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Les Quatre heures du vigneron

Une cohorte de dégustateurs impatients de découvrir ou de confirmer les qualités des crus locaux, et peut-être aussi leurs vertus curatives, pour ne pas dire franchement diurétiques: «Ce qui se boit à Villeneuve, reste à Villeneuve», se plut à rappeler la syndique Patricia Dominique Lachat! L’Eau Froide, rivière locale et limite communale, fut en ces circonstances particulières quelque peu dédaignée, au profit, on l’a déjà suggéré, des nectars villeneuvois, mais aussi des stimuli à papilles concoctés par la brigade mobile du Montreux Palace, placée sous l’autorité efficace du chef Frédéric Breuil. Du tartare de féra du Lac au gruyère de Jaman en passant par la gourmande étreinte d’un saucisson vaudois dans un carré de porc, sans oublier la suave tarte Chiboust aux poires rôties, il y eut tant de prétextes à regoûter les somptueux crus locaux…que personne ne résista vraiment!  Le

charme du vieux bourg de Villeneuve

Soleil radieux et sourire à l’avenant, celui de la syndique, Patricia Dominique Lachat 

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Le Prévôt face à son nombreux public

Le salut du prévôt Gilbert Folly

(extrait) L’année vigneronne n’a pas été simple et il a fallu le travail et le savoir-faire du vigneron et de l’œnologue pour que, malgré la pression des maladies, l’état sanitaire de la récolte à venir soit impeccable et si nous avons le bonheur de pouvoir laisser nos parapluies au fond de l’armoire durant le mois de septembre, tous les ingrédients seront réunis pour s’acheminer vers un excellent millésime. Il mettra en lumière les crus de La Côte, il fera resplendir ceux de Lavaux, il portera aux nues les Dézaley, couvrira de

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gloire les Bonvillars, les Côtes de l’Orbe et le Vully. Il hissera au Pinacle les vins du Chablais, le Villeneuve en particulier. Réjouissons-nous à la perspective de pouvoir bientôt rendre hommage à un millésime de belle lignée. Et peut-être tiendrons-nous les mêmes propos que ce juge au tribunal à qui une journaliste demandait ce qu’il préférait du Chablais ou du Dézaley. En magistrat consciencieux et impartial, ce juge répondit: Oh! Vous savez Madame, Chablais contre Dézaley, c’est un procès dont j’ai tant de plaisir à consulter le dossier que

je reporte toujours d’une semaine le prononcé du jugement. Eh bien! Quant à nous, Compagnons, Mesdames, Messieurs, Conseillers mes frères, penchons-nous sur le dossier Villeneuve. Consultons les pièces, récoltons les preuves, ne laissons pas tomber les témoins, on pourrait rater la médaille. Au terme de ce procès, j’en mets ma tête sur le billot, je suis certain que vous prononcerez le même verdict que le Prévôt. Vous proclamerez bien haut que Loué soit le vin!

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Soulevons le couvercle

De la campagne bavaroise aux rives du Léman Thomas Neeser, Hôtel du Lac, Vevey Pascal Besnard, échotier Photos: Edouard Curchod

La silhouette et les traits fins, le regard clair et la gestuelle élégante… Thomas Neeser pourrait tout à fait interpréter au cinéma un héros romantique du XIXe siècle, fragile et citadin… La réalité est bien différente: Thomas Neeser est de souche campagnarde, avec des parents, grands-parents et arrière-grands-parents agriculteurs. Sa région d’origine c’est la Franconie, annexée depuis 1815 à la Bavière. Petit garçon, Thomas ne rêvait pas de troupeaux et de gras pâturages, mais de cuisine. Pas de professionnel dans l’entourage immédiat, juste maman, bonne cuisinière, spécialiste des flans et des compotes de fruits. Et l’évocation familiale d’une arrière-grand-mère, certes agricultrice, mais aussi tenancière d’une petite auberge de campagne. Thomas Neeser démarre sur les chapeaux de roue. Il n’a que quinze ans, trouve de l’embauche dans le meilleur hôtel du coin (de la chaîne Maritim), enchaîne les boulots hôteliers: bagagiste, homme de ménage, portier…

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Ensuite il y a une étape à Wiesbaden, dans un hôtel dont le restaurant est étoilé (Die Ente vom Lehel). «Lorsque j’ai eu le job, je ne savais même pas ce que c’était, un restaurant étoilé!», avoue Thomas Neeser. Mais il apprend vite. Et les escales étoilées se succèdent en Allemagne…Il y a aussi un passage «double-étoilé» à Pont de l’Isère, en France, «dur, intensif et très mal payé». Suit La Palme d’Or, table gastronomique (deux étoiles aussi) du célèbre Hôtel Martinez de Cannes. Manque un trois étoiles? Eh non, le voici, c’est l’Auberge de l’Ill, en Alsace. Deux ans et demi pour Thomas sous les ordres du grand Marc Haeberlin. Puis départ en 2000 pour Berlin, dans les «bagages» de Marc Haeberlin,

consultant du restaurant Lorenz Adlon. Thomas Neeser est nommé sous-chef. Trois ans après il est chef de l’établissement étoilé. A l’automne 2009 la direction de l’Hôtel du Lac le contacte. Le défi proposé le tente. Il fait le voyage de Vevey en compagnie de sa femme et du premier de leurs trois enfants. Thomas Neeser est engagé début 2010 comme chef de cuisine. Le restaurant gastronomique Les Saisons n’est pas encore noté. Il obtient 15 sur 20 dans le Gault & Millau en 2012 et 16 points en 2013. Restait un défi à relever: les ressats à Chillon. C’est chose faite depuis l’automne dernier. Une expérience dont Thomas Neeser dresse un bilan positif.

«La clientèle du Guillon est exigeante. Il fallait être au top dès le premier soir. On a apporté de petites corrections en cours de route. L’équipe a vécu une très belle expérience, cela nous a même soudés».

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Soulevons le couvercle

Trio de féra du Lac Léman, mousseline de panais, persil plat et huile d’argan Recette pour 4 personnes

La recette Rillettes • Ecraser à la fourchette la féra fumée et incorporer au fur et à mesure les ingrédients. • Bien mélanger jusqu’à obtenir une masse homogène au fouet. • Assaisonner et dresser en forme de quenelles à l’aide de 2 cuillères à soupe. Féra fumée à froid Retirer à l’aide d’un couteau la peau et tailler le filet en cubes.

Tartare de féra Couper le filet de féra en fines tranches (3 mm) et passer au congélateur pour tuer les bactéries. • Sortir du congélateur, couper les filets encore congelés en petits dés. • Mélanger tous les ingrédients. • Assaisonner et ajouter du jus de citron frais, à votre convenance. • Dresser à l’aide d’un emporte-pièce rond. •

Purée de panais Faire suer le beurre dans une casserole. • Ajouter le panais en mouillant avec le fond et la crème. • Assaisonner. • Laisser cuire à feu doux dans une casserole ouverte. • Mixer jusqu’à obtenir la consistance de la purée. • Dresser sur l’assiette à l’aide d’une cuillère en forme de goutte. • Garder suffisamment de purée pour poser sur le tartare. •

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Ingrédients Terminer l’assiette en disposant la chips de panais et le coulis de persil plat. (Thomas Neeser ajoute en guise de décor de l’huile d’argan «pulvérisée» obtenue par mélange de 20 g d’huile d’argan et 20 g de malto sec). Le vin Pour accompagner son plat Thomas Neeser propose un chasselas, la Réserve Blanche 2012 du Château de Glérolles (Saint-Saphorin). Ce vin provient d'une sélection parcellaire. Il est élevé pour un tiers environ en barriques. Il possède du gras et de la longueur, et présente des notes boisées, mais qui n’altèrent pas sa fraîcheur.

Rillettes de féra 60 g de féra fumée à chaud 2 CS d’huile d’olive extra vierge 10 g de fumet de poisson 1 CS de purée de panais 1 CS de brunoise de panais blanchie à l’eau salée 1 CC de persil plat coupé finement 1 pincée de sel, poivre et piment d’Espelette 1 CC de chasselas Féra fumée à froid au poivre de Sechuan et whisky 80 g de féra fumée à froid, p.ex. du fumoir de Chailly Tartare de féra fraîche 120 g de filet de féra frais sans peau et sans arête 1 pointe de couteau de citron confit en brunoise 1 CS d’huile d’Argan 2 CS d’huile d’olive extra vierge 1 CS de ciboulette coupée finement 1 CC de brunoise d’échalotes Purée de panais 100 g de panais épluché coupé en fines lamelles 20 g de beurre 60 g de fond blanc de poulet 60 g de crème liquide 1 pièce d’anis étoilé 1 pincée de sel, poivre, muscade Décoration 4 chips de panais 4 feuilles de persil plat frais

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Guillon d’Or

Interview de Jean-Claude Biver, lauréat du Guillon d'Or – Clos, Domaines et Châteaux 2014

«Le vin c'est le point de rencontre de Dieu et de l'homme!» Claude-Alain Mayor, tabellion Photo: Edouard Curchod Le Prix Guillon d'Or – Clos, Domaines & Châteaux a connu sa quatrième édition en 2014. Il a couronné cette année un entrepreneur emblématique du canton de Vaud, Jean-Claude Biver, président de Hublot et responsable du pôle horloger de LVMH. Plutôt que de relater la cérémonie qui a réuni une centaine de personnes dans les salons

du Lausanne Palace le 15 septembre dernier, l'auteur de ces lignes a jugé plus pertinent de livrer quelques bons passages de l'interview que lui a accordée le lauréat, et qui illustrent de manière savoureuse le rapport qu'il entretient avec notre canton et singulièrement avec le vin vaudois.

(CAM) Quel est sur le plan philosophique votre rapport au vin? (JCB) Le vin, pour moi, c'est le point de rencontre de Dieu et de l'homme. Il n'y a pas beaucoup de produits qui puissent se réclamer à la fois du divin et de l'humain, mais à mes yeux le vin en fait indiscutablement partie, d'où son caractère sacré. J'en bois depuis l'âge de cinq ans, parce que mes grands-parents vivaient dans le Beaujolais sur le terroir du Moulin-à-Vent. Or, dans les familles bourguignonnes de l'époque, ont donnait toujours aux enfants une larme de vin, afin de les faire participer à la fête de la table et de leur apprendre très tôt à déguster plutôt qu'à boire. Boire le vin sans le déguster, c'est en effet un sacrilège, et surtout le plus sûr moyen d'en abuser. >

 L’auteur de ces lignes, Claude-Alain Mayor, le lauréat, Jean-Claude Biver, le Gouverneur de la Confrérie du Guillon, Jean-Claude Vaucher et André Fuchs, Président de Clos, Domaines & Châteaux.

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Hommage

Hommage à Heinrich Schnyder Ernst W. Eggimann, compagnon juré

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Préfet du Cotterd de Berne au sein de la Confrérie du Guillon jusqu’en 1998, Heinrich Schnyder est décédé le 20 octobre 2014. Un mois avant l’achèvement de sa 87e année. Il avait été adoubé en 1984, succédant à son collègue conseiller national Rudolf Etter. Le futur président du Conseil national André Perey devenait alors Gouverneur de la Confrérie. C’est depuis cette même date qu’a lieu Le Guillonneur. L’initiative de cet échange festif et instructif des vignerons vaudois avec les amateurs de vin des autres parties du pays revient aux Lucernois. Conseiller national de 1971 à 1987, Heinrich Schnyder était ingénieur agronome diplômé de l‘ETH de Zurich. Durant trente et un ans, jusqu’en 1992, il a dirigé l’école d’agriculture de Schwand-Münsingen. Il a introduit dans la filière de formation des réformes qui se sont étendues à l’ensemble du pays. Il faisait partie de nombreux comités d’organisations paysannes et a présidé l’association des paysans bernois. Dans son métier et ses fonctions politiques, économiques ou pédagogiques, l’homme de Müsingen a toujours prôné, et appliqué, des valeurs basées sur le respect et la compréhension mutuels au service d‘une société progressiste. Des qualités qui se manifestaient précisément dans ses relations amicales avec le canton de Vaud et ses vignerons au sein de la confrérie.


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La dégustation, de plus, implique l'exercice de la mémoire du vin. Mon grandpère nous demandait en effet à chaque fois de situer le vin que nous buvions, épreuve dont nous nous tirions en général avec les honneurs, grâce à une grand-mère bienveillante qui nous soufflait la réponse. Au-delà de l'anecdote, je suis certain que seul le travail de dégustation et de mémoire permet d'accéder à un vin dans toute sa plénitude, à la symbiose, comme je l'évoquais, entre la part divine et la part humaine.

c'est que la crème confère à la fondue une onctuosité qui ne peut autrement être apportée que par le vacherin. Et si vous avez la chance d'y goûter une fois, vous tomberez d'accord sur le fait qu'elle est exceptionnelle. A part ça, il m'arrive de sacrifier à une cuisine généreuse, à la cassolette, qui trahit mes ascendances bourguignonnes, comme un coq au vin. Quelles analogies distinguez-vous entre le monde du vin et l'horlogerie? A l'instar de l'horlogerie, le vin s'inscrit dans la dimension temporelle: il fait appel à la mémoire. Lorsque vous dégustez un vin, vous êtes naturellement amené à vous rappeler le millésime: la météo de l'été, la date et les circonstances des

l'éternité. Une expérience que seule la mort, sinon, peut nous apporter. De surcroît, par la précision du travail et la maîtrise du détail, l'analogie est flagrante entre l'horloger et le vigneron. On pense inéluctablement aux Cisterciens, dont le travail méticuleux, patient, obstiné a sculpté les magnifiques terrasses du Dézaley. De plus, le chasselas n'est pas un cépage facile, il faut quelque part être suisse, donc horloger, pour l'élever.

Quelle est votre recette pour vous ressourcer? Passer une journée à la maison, dans ce Quels sont vos vins ou vos cépages cadre (il montre d'un geste la pièce et la favoris? vue sur le Léman). Pour moi, une journée Je suis un authentique régionaliste, donc à la maison, c'est une semaine de vasi je me réfère à mon cadre de vie, ma cances, alors imaginez-vous, si j'y passe préférence va naturellement aux vins trois jours! Il émane quelque chose de de Montreux et de Lavaux. S'agissant magique de cette région, de ce du cépage, lorsque je regarde le lac domaine, de cette demeure. Y et les montagnes, j'ai beaucoup Comme l'horlogerie, vivre, c'est prendre un bain de peine, ici, à boire autre de jouvence permanent. En chose que du chasselas. le vin permet de mémoriser toute saison, d'ailleurs. En Provence, je cultive de le temps. De plus, un vin n'est L'hiver, je chausse mes la syrah. En Beaujolais, jamais figé, mais toujours en évolution. skis et je monte à peau je suis un adepte du de phoque jusqu'au gamay, en Valais, un Déguster des vieux millésimes, c'est sommet du Folly, juste inconditionnel du corune aventure exceptionnelle qui vous en-dessus d'ici, à 1725 nalin. J'aime me ploninvite à entrer dans l'éternité. Une m d'altitude. Là-haut, ger dans une région, c'est à couper le souffle, m'imprégner de ses proexpérience que seule la mort, et quand je reviens ici, j'ai duits. Boire du Bordeaux sinon, peut nous apporter. l'impression d'avoir vécu en tout endroit, c'est refuser Jean-Claude Biver une semaine au Groenland! le voyage, rester figé dans ses habitudes, alors que moi, j'aime la dynamique de la rencontre, qui m'inOn s'arrête là et Jean-Claude-Biver, cite à boire et à manger local. Pour cette qui n'a pas regardé une fois sa montre, raison, ma cave est essentiellement dévolue au chasselas. vendanges, le degré Oechslé du raisin, semble tout étonné: cet homme se etc. Le vin, dans ce sens, est un garde- raconterait durant des heures. Non Vous arrive-t-il de passer derrière les mémoire. Il nous rappelle le travail des par complaisance ou par vanité, mais par générosité, par plaisir du partage. fourneaux? hommes et de Dieu. Bien sûr! Je fais la raclette… et la fondue, En dégustant un 1976, on pense immé- Il ponctue ses réparties de grands que je prépare à 100 % avec le fromage diatement à une année très chaude, on éclats de rire et paraît s'amuser de produit sur notre alpage, dont j'offre par se remémore des événements contem- tout: de la situation, de lui-même, de ailleurs chaque année cinq tonnes à tra- porains, on déroule une histoire. Comme ses souvenirs, comme le grand enfant vers le monde, à mes clients et à mes l'horlogerie, le vin permet de mémoriser qu'il a esquissé le temps de quelques amis. Nous suivons pour sa fabrication le temps. De plus, un vin n'est jamais figé, répliques. En somme, l'écouter penune recette ancestrale qui remonte au mais toujours en évolution. Déguster des dant une heure, pour le paraphraser, XIIe siècle: le lait entier est chauffé à 55° vieux millésimes, c'est une aventure ex- c'est se ressourcer durant toute une sans être écrémé. L'avantage bien sûr, ceptionnelle qui vous invite à entrer dans journée!

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Depuis 1933

w w w. c i d i s . c h

Le savoir-faire au service de l’excellence


Portrait de conseiller Photos: Edouard Curchod

Simon Vogel Un caractère entier Né l'année du passage à la couleur de TF1, notre nouveau conseiller Simon Vogel est définitivement un drôle d'oiseau au plumage bigarré. Selon l'humeur du moment, il sera prononcé à l'alémanique «Foguel» ou au français «Vogelle». Il est marié à Josée, blonde québécoise à l'accent chantant. Après une formation de cancre à l'EPFL (École Primaire de Forel-Lavaux), il commence un apprentissage à Stäfa (ZH), puis à Bremgarten (AG) afin de se familiariser avec les brouillards du nord-est, puis une troisième année au domaine familial de la Croix-Duplex à Grandvaux. Il reprend de ses parents (Jean et Marlyse) les rênes de ce petit paradis dominant le bleu Léman avec sa sœur cadette Maude en 2012.

Tête brûlée, mais amoureux du vin par atavisme, il cherche des résultats dans la mise au point de ses vins. Régulièrement distingué par Terravin pour la plupart de ses crus, il connaît la consécration en 2002 avec un meilleur chasselas primé à ExpoVina, ainsi qu'aux Vinalies. Les distinctions se suivent jusqu'à l'aboutissement en 2010 avec les lauriers de platine pour son chasselas millésime 2009. D'un caractère entier, parfois tranchant, mais toujours bon vivant et jamais rancunier, ce lève-tôt est aussi un couche-tard, aimant animer le Caveau Corto ou l'auberge de la Gare de Grandvaux qu'il considère comme sa deuxième maison. Amoureux de la voile, du ski et de la

dégustation de vins, il siège également au conseil de sa commune depuis environ vingt ans. Nul doute que les Conseils du Guillon auront tout à gagner de cette heureuse acquisition. Claude Piubellini, conseiller

Daniel Dufaux Intarissable sur le vin!

S'il fallait définir d'un mot notre nouveau Conseiller Daniel Dufaux, ce serait sans nul doute: «passionné». Surtout lorsque l'on aborde le domaine du vin sous quelque forme que ce soit... Après un apprentissage de caviste à Montreux, il reprend les études pour ne faire qu'une gorgée de la forma-

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tion d'ingénieur ETS en viticulture et œnologie de Changins, dont il reste aujourd'hui enseignant externe et expert au brevet fédéral ainsi qu'à la Maîtrise fédérale. Dégustateur confirmé, il exerce ses talents dans presque tous les concours suisses et plusieurs épreuves internationales, également en tant que juré. Œnologue de la maison Badoux Vins S.A. à Aigle depuis 2009, il en est devenu directeur adjoint en 2012. Il est également président des Œnologues Suisses et secrétaire général de l'Union Internationale des Œnologues. Intarissable sur le vin, il en maîtrise tous les arcanes et milite pour minimiser l'impact humain sur la vigne et l'environnement. Il est persuadé qu'à

terme, on pourra s'abstenir de traiter, sauf cas extrême où le rendement serait trop lourdement impacté. Initiateur du clos de Chillon dont on peut admirer les barriques dans la cave de Bonivard, il veille avec un soin jaloux à l'élaboration de ses crus. Le goût du vin s'alliant à celui de la cuisine, il compense son côté bon vivant par la course à pied afin de maintenir sa ligne. C'est également un amateur éclairé de minéralogie, une autre de ses passions. Reçu en 2014 dans les Conseils de la Confrérie du Guillon, il est pressenti pour rejoindre la fine équipe des Chantres et Clavendiers. Claude Piubellini, conseiller

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La colonne de Michel Logoz

Vins d’appellations ou vins de marques? La libéralisation des marchés a chahuté le monde du vin. Pépère, notre consommation était axée sur des habitudes et des références d’achat ancestrales. La voilà bousculée par des vins en provenance des quatre coins de la planète ! Des vins pour tous les goûts, pour toutes les bourses, à des prix qui font le grand écart entre quelques francs et plus de cent francs. Confrontés à cette déferlante invasive, les vins traditionnels de nos régions et des vignobles européens se bagarrent sur tous les fronts et sont contraints à innover pour conserver et développer leurs parts de marchés. Ainsi, pour lutter contre les nouvelles classifications très libérales qui se substituent aux normes de qualité consacrées (AOC, Premiers Crus). Dans un contexte où les médias, les réseaux sociaux, les guides d’achat, les tests comparatifs, les chroniqueurs et les palmarès brouillent les cartes et installent un tohubohu permanent en classant et reclassant les champions toutes catégories. Or, il y a longtemps que des firmes dynamiques ont adopté, comme les Champagnes, une stratégie efficace: une marque, sous forme de patronyme ou de signature comme unique code de reconnaissance. Chez nous, nombre de producteurs se profilent, eux aussi, sous leurs noms emblématiques pour accéder au rang de star. De même, de grandes maisons promeuvent leurs produits sous des marques commerciales mises en vedette. La marque passe-t-elle désormais devant la désignation d’origine?

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Avec l'aimable participation de la Sinfonietta de Lausanne - www.sinfonietta.ch et du Théâtre Grand-Champ de Gland / Crédits photographiques : imagevideo.ch

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LE CHOIX DES GRANDS

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