Le Guillon N°52 - FR

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LA REVUE DU VIN VAUDOIS

REVUELEGUILLON.CH

N° 52 1/2018

WITH ENGLISH SUMMARY


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SALON SUISSE DU VIN

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EDITION

25 AU 30 AVRIL 2018

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Editorial

Un château, des vignerons, deux fêtes et dix ressats risme a récompensé le château de Chillon. Depuis des lustres, la forteresse et le vin sont liés. L’existence du Clos de Chillon en témoigne, comme les animations mises en place à l’intérieur de l’édifice. Enfin, parce que le vénérable bâtiment accueille, au printemps et à l’automne, les fastueux ressats de la Confrérie du Guillon. Evidemment, ce numéro n’est pas uniquement consacré à Chillon. Au fil des pages, vous découvrirez des vignerons vaudois qui explorent de nouvelles voies œnologiques en élaborant des

© Hans-Peter Siffert

Le château de Chillon en couverture de la revue Le Guillon, banal ? Eh bien pas vraiment. Il faut remonter à 2005 pour retrouver la forteresse savoyarde à la une de la revue des vins vaudois, et encore, seul le sommet d’une tour était visible ! Chillon la mérite bien cette couverture. D’abord parce que le château a vu 405'000 visiteurs franchir son pontlevis en 2017 : c’est un record pour le monument historique le plus visité de Suisse. Ensuite, parce que l’an dernier encore, le premier Prix suisse de l’œnotou-

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Pascal Besnard Rédacteur responsable

vins « nature », et des vignerons qui triomphent dans les concours, à l’instar des Frères Dutruy, ou de jeunes pros, femmes et hommes, qui prennent la relève de leurs glorieux aînés dans les caves et domaines vaudois. Enfin cette revue donne un double coup de projecteur sur des événements majeurs à venir dans le canton de Vaud : la Fête du Blé et du Pain, cette année, et la Fête des Vignerons, en 2019. Bonne lecture !



Revue Le Guillon n° 52 1/2018 Couverture : Château de Chillon, © Hans-Peter Siffert

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Le château de Chillon, forteresse pour amateurs de vin

13 Tous les goûts sont dans « le » nature 21 Grand Prix du Vin Suisse 2017 27 Rendez-vous : Cave de Bonvillars et Arvinis 28 Le Pain Solstices illumine de pourpre la Fête du Blé et du Pain 39 Relève en terre vaudoise 46 Lauriers de platine : un Aigle s'impose 49 Fête des Vignerons, Urbi et Orbi 53 Passages de témoin à l’Office des Vins Vaudois Confrérie du Guillon 55 Message du gouverneur 56 Les Ressats de Grandgousier 68 Olivier Viret, nouveau conseiller 69 Propos de clavende 70 Soulevons le couvercle: Philippe Gobet 74 Quatre heures du Vigneron: Saint-Prex 78 Guillonneur de Zurich 80 La colonne de Michel Logoz Revue Le Guillon Sàrl, Ch. de la Côte-à-Deux-Sous 6, CH-1052 Le Mont-sur-Lausanne revue guillon.ch, www.revueleguillon.ch Le Guillon, la revue du vin vaudois paraît deux fois par an en langues française et allemande; résumés en langue anglaise. IMPRESSUM – Gérants : Dr Jean-François Anken (président), Luc Del Rizzo, Daniel H. Rey – Partenaires: Confrérie du Guillon, Office des Vins Vaudois, Label de qualité Terravin, Fédération des caves viticoles vaudoises, Section vaudoise de l'Association suisse des vignerons encaveurs, Service de l'agriculture et de la viticulture (SAVI), Service de la promotion économique et du commerce (SPECo) – Rédacteur responsable: Pascal Besnard – Ont collaboré à ce numéro: Pierre-Etienne Joye, Michel Logoz, Claude Mani, Claude-Alain Mayor, Claude Piubellini, Pierre Thomas, Alexandre Truffer, Jean-Claude Vaucher, Eva Zwahlen – Traductions: Evelyn Kobelt, Eva Zwahlen, Loyse Pahud, IP Communication in English – Graphisme et mise en page: stl design – Estelle Hofer Piguet – Photographes: Edouard Curchod, Sandra Culand, Philippe Dutoit, Bertrand Rey, Hans-Peter Siffert – Photolitho: l'atelier prémédia Sàrl – Impression: PCL Presses Centrales SA – Régie des annonces: Advantage SA, Marc Berney, regie@advantagesa.ch, +41 (0)21 800 44 37 – Abonnements: www.revueleguillon.ch – revue@guillon.ch – ISSNN 0434-9296

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Œnotourisme

Le château de Chillon,

forteresse pour amateurs de vin Eva Zwahlen Photos : Hans-Peter Siffert En ce matin d’hiver, le Léman étale des eaux lisses comme un miroir qui semblent se noyer dans l’horizon. A peine sont-elles froissées au loin par une légère brise. Encore plus loin, flottant dans un ciel pâle, les silhouettes des montagnes de Savoie déclinent toutes leurs nuances de bleu. Face à cette palette azur, le vénérable château dresse haut ses murailles, ses créneaux et ses tours, tandis qu’à ses pieds, filent en pointillé une ribambelle de canetons. Ce qui de loin semble la maquette d’un château de conte de fées prend une allure imposante, voire menaçante, dès

Le fleuron de la Riviera vaudoise n’attire pas que les fans de Moyen Age ou les touristes chinois mais, progressivement aussi, des amateurs de vin. Rien que de très normal: partenaire certifié «Vaud Œnotourisme», Chillon a gagné l’automne dernier le premier Prix suisse de l’œnotourisme. qu’on s’en approche. Devant le pontlevis, on lève le nez vers le cadran solaire qui orne la façade. Au-dessus du donjon, dans le ciel, le drapeau vaudois attend un souffle de vent. Normalement, on ne le hisse qu’en automne et au printemps, lorsque la Confrérie du Guillon fête ses ressats à Chillon. Le reste de l’année, il laisse la priorité à l’emblème national. Records d’affluence Même un matin de janvier comme celui-là, des touristes sont déjà là, attendant de pouvoir entrer, certains d’Asie et d’Inde, d’autres venus d’ail-

leurs en Suisse. 76% des visiteurs sont étrangers, révèlent les statistiques. Ils étaient en tout plus de 405 000 en 2017. En moyenne, par jour, ce sont donc quasi 1116 personnes qui ont franchi le pont-levis en bois l’an dernier (le château est ouvert 363 jours par an – il ne ferme que le 25 décembre et le 1er janvier). 10% de plus que l’année précédente : un nouveau record. Le château de Chillon est, et reste, le monument historique le plus visité de Suisse. Pour les voyages organisés, il fait partie du programme obligatoire, comme le Musée olympique à Lausanne ou le tour en bateau sur le Léman.

The Chateau of Chillon, a Wine Lovers’ Fortress This jewel of the Vaud Riviera is an attraction not only for fans of medieval chateaux or Chinese tourists, but also increasingly a favourite destination for wine lovers. This is hardly surprising as Chillon is a certified Vaud Wine Tourism partner and the first top-prize winner at the Swiss Wine Tourism awards last autumn. Statistics show that in 2017 over 405,000 tourists visited the site – a new record, up 10% on 2016 - with approximately 76% coming from abroad. The Chateau is open 363 days a year, closing

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only on December 25th and January 1st, which means that last year, on average, almost 1,116 visitors crossed the wooden draw bridge each day. The Chateau of Chillon was and remains the most visited historic monument in Switzerland. In the nineteenth century, the Chateau de Chillon triggered the development of local tourism. It had become a major point of attraction for visitors on a Grand Tour of the Vaud Riviera, which led to the construction of the Belle Epoque hotels

that still today are a nostalgic reminder of a bygone age. The Chateau’s sudden popularity was sparked by a poem by the English poet Lord Byron who in 1816 learned about the terrible sufferings of François Bonivard in the vaulted underground dungeon built into the rock. The Savoyards had kept the Geneva patriot prisoner for six years, deprived of daylight and chained to a column, until his release by the Bernese. In reaction to this shocking story, the poet wrote his muchcelebrated work, The Prisoner of Chillon,

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Au XIXe siècle, le château de Chillon a même été un élément déclencheur du tourisme naissant, un véritable aimant qui amenait les voyageurs du Grand Tour sur la Riviera vaudoise et qui indirectement a conduit à la construction des hôtels Belle Epoque qui font toujours rêver les nostalgiques… Le rayonnement soudain de la forteresse est dû au poète à la célébrité sulfureuse, George Gordon Byron. En 1816, dans les souterrains voûtés construits à même le rocher, l’Anglais a pris connaissance du martyre de François Bonivard. Les Savoyards avaient retenu ce patriote de Genève six années durant, enchaîné à une colonne et sans voir le jour, jusqu’à ce que les Bernois le libèrent. Lord Byron, bouleversé, en a conçu le poème devenu célèbre « Le prisonnier de Chillon ». Il a incité les Anglais cultivés à venir découvrir la région lémanique, et à visiter le château pour voir les lieux du calvaire de Bonivard. De Byron à Badoux « Byron a mis Chillon sur la carte du monde », déclare sans ambages Claire Halmos, adjointe de la directrice, responsable de la muséographie et du projet œnotouristique, et ce succès dure encore ! Elle nous guide avec assurance dans les dédales du château, nous montre l’exposition en cours et

which incited educated English travellers to visit the Lake of Geneva region and the Chateau, where they could see the place where Bonivard had endured his captivity. Claire Halmos, assistant museum and wine tourism manager, declares forthrightly, “It was Byron who put Chillon on the world map”. A Chateau wine The Chateau is an inspiring cultural and historic centre and a place of interest for wine lovers. The Wine Tourism

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©Edouard Curchod

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p 405'000

visiteurs en 2017

nous annonce que dès septembre 2018, une exposition spéciale sera consacrée au thème boire et manger au Moyen Age. Elle nous explique que la fondation qui gère le château s’est demandé il y a douze ans comment donner une nouvelle vie à ces vieux murs et leur insuffler un nouvel élan. « Une étude avait conclu que le château était vide et froid. Alors froid, il l’est toujours, ditelle en riant, mais vide, il ne l’est plus, non ! » Meublé avec économie mais avec un sens habile du détail, Chillon emporte ses hôtes de manière ludique dans le passé, racontant sa vie de château médiéval en textes, images, pan-

neaux, stations interactives et objets d’époque soigneusement choisis. Tout sauf un musée poussiéreux et vieille école ! Et, par chance, pas non plus un Disneyland cacophonique. Quoi alors ? Plutôt un centre culturel et historique inspirant, s’adressant aussi bien aux jeunes qu’aux plus vieux. Sans oublier les amateurs de vin… Le partenaire de la fondation pour l’œnotourisme est l’entreprise Henri Badoux SA, et plus précisément, son directeur œnologue Daniel Dufaux. Claire Halmos se montre enchantée de la bonne collaboration. Le patron de Badoux n’a peutêtre pas mis Chillon sur la carte du monde, mais il l’a au moins mis sur la

Foundation’s partner is the Henri Badoux SA – Vins winery, and more specifically the company’s director and oenologist Daniel Dufaux. Perhaps he did not put Chillon on the world map, but he has certainly put it on the wine route! And thanks to him, Chillon wine pays tribute to his prestigious brand and, what is more, it is no longer sold predominantly unbottled. Today, all the wine is bottled and, as the Chillon cellar master points out with great satisfaction, is “regularly sold out”. A very special

and spectacular feature is that the wine is sunk in the lake just outside the cellar. One thousand bottles have been put in a metal cage and submerged at a depth of 30 metres to mature over a period of three years. According to Daniel Dufaux, who is also the president of the Swiss Oenologists’ Union, “such preservation conditions are absolutely perfect” (see Le Guillon No. 51). Chillon has always been associated with wine. As you start on the foot-

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Il était une fois… …un rocher calcaire ovale et abrupt qui perçait les eaux du Léman à quelques mètres du rivage. Planté là à un endroit stratégique et facile à défendre, il est colonisé par l’homme dès l’âge du bronze. L’imposant château aux pieds dans l’eau qui s’est accaparé tout le rocher et qui enchante les visiteurs d’aujourd’hui est le fruit d’un long cycle de constructiondestruction-reconstruction. Les parties les plus anciennes datent du XIe siècle, tandis que les éléments architecturaux les plus marquants comme les trois demi-tours rondes, la tour de garde carrée à côté du portail d’entrée ou les grands espaces d’habitation et de représentation remontent au XIIIe siècle. Dans les documents historiques, mention est faite de Chillon en 1150. A l’époque, les Savoyards contrôlent la forteresse et le passage entre le lac et la falaise. C’est un point frontière – de

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péage – sur les routes commerciales entre nord et sud. Lorsqu'au XIIIe siècle, les Comtes de Savoie règnent sur des parties toujours plus grandes du canton de Vaud, ils transforment le château en une véritable résidence d’été. Fourneaux imposants, cheminées richement décorées, peintures murales témoignent aujourd’hui encore du style de vie de la Maison de Savoie, qui a conservé sa forme médiévale, reste leur résidence jusqu’au XVe siècle puis est confié à la garde d’un châtelain. En 1536, les Bernois conquièrent le Pays de Vaud. Le château de Chillon tombe entre leurs mains, signe de leur complète victoire. Dans les obscurs souterrains, ils découvrent, entre autres prisonniers, le patriote de Genève François Bonivard que les Ducs de Savoie ont enchaîné à une colonne pour le punir de son activisme en faveur des

confédérés. Le château reste le siège du bailli jusqu’en 1733, puis ce dernier préfère se déplacer dans un endroit plus confortable, à Vevey. Mais les murs de Chillon continuent à héberger prison et arsenal. Après la révolution vaudoise, le château atterrit dans l’escarcelle du canton de Vaud auquel il appartient toujours. Il commence par garder son rôle de prison et d’entrepôt de munitions jusqu’à ce que, dès la fin du XIXe siècle, sur l’initiative d’une association privée, il soit rénové. Depuis, la Fondation du Château de Chillon, conservatrice et gérante du monument, a repris les rênes : elle injecte chaque année des sommes gigantesques dans l’entretien et la rénovation de son monumental protégé. EZ


Œnotourisme

u Depuis toujours, Chillon est lié au vin

route des vins ! Et grâce à lui le vin de Chillon fait honneur à son nom prestigieux. Pas comme autrefois lorsque la plus grande partie devait partir en vin ouvert. Aujourd’hui, tout est mis en bouteilles et « est régulièrement épuisé », comme le déclare très satisfait le maître des caves de Chillon. Ce dernier a donné en outre une petite touche spectaculaire à son vin, en le noyant dans le lac au pied de la cave ! 1000 bouteilles, placées dans une cage métallique à trente mètres de fond, achèvent ainsi leur maturation, en trois ans, « dans des conditions absolument idéales ». Dixit Daniel Dufaux, président par ailleurs de l’Union suisse des œnologues (voir Le Guillon N° 51). Un vin de château Depuis toujours, Chillon est lié au vin. A quelques pas sur le chemin pédestre qui va vers Montreux, on tombe sur le Clos de Chillon, accoté paisiblement au lac, grand tout juste d’un hectare et principalement planté de chasselas. Une petite partie accueille de jeunes ceps de rouge - gamaret, garanoir et merlot. « La vigne est toujours cultivée par le même vigneron, explique Daniel Dufaux, mais nous contrôlons le travail, vendangeons par étapes et vinifions le vin dans la cave du château. »

Donc sous les yeux des touristes… « Dans cette cave magnifique, nous ne pouvions qu’avoir des fûts en bois », reconnaît le maître des lieux. Le chasselas est ainsi élevé dans des barriques de chêne déjà usagées. «  Elles ne doivent pas imprégner le vin de notes boisées, mais garantir de la douceur dans l’oxygénation. » On trouve le Clos de Chillon classique exclusivement au château, dans les deux boutiques. Ou bien on le déguste dans le cadre de la « Verrée vaudoise » qui clôt la visite guidée (groupe de 30 personnes max.) du château. Claire Halmos est persua-

path that leads to Montreux, you pass the Clos de Chillon, a vineyard that extends for barely one hectare producing mainly Chasselas grapes. A small area is planted with young red-variety vines such as Gamaret, Garanoir, and Merlot. Daniel Dufaux explains that “the vineyard is always cultivated by the same wine-grower, but we oversee the work, do the harvesting in various stages, and vinify the wines in the Chateau Cellar”. That means tourists can see the process! “We only have wooden casks in this mag-

nificent cellar”. So the Chasselas is matured in used oak barrels. “These should not infuse the wine with woody notes but simply ensure that it is gently oxygenised”. The classic Clos de Chillon can only be acquired at the two boutiques in the Chateau. Otherwise, it can be tasted at the Vaud Welcome Drink that closes the guided visits of the Chateau (groups of 30 people max.). Claire Halmos believes that they won the top-prize at the Swiss Wine Tourism awards thanks to this initiative, which takes the form of

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Le Clos de Chillon, un hectare de vignes, de chasselas surtout p

a clever stunt. In the Castellan's Dining Hall, from behind a discreet wooden door, a four-shelved trolley appears as if by magic, fully equipped with all you need for wine tasting. A bottle emerges from an equally well-hidden fridge and then, hey presto, the glasses show up (individually packed in small boxes and offered as gifts to the visitors to avoid any washing up) as well as some traditional butter pastry sticks, so-called flûtes. No wonder groups like to book the visit with the Welcome Drink!

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Œnotourisme

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Claire Halmos, Daniel Dufaux et la Verrée vaudoise

dée que c’est cette initiative qui leur a valu le premier Prix suisse de l’œnotourisme. Poursuivant notre visite, nous sommes arrivées dans la salle du Châtelain. Derrière une discrète porte en bois, apparaissent comme par magie quatre tablettes en bois sur roulettes équipées de tout le nécessaire pour la

dégustation. Un système très ingénieux ! D’un frigo tout aussi bien dissimulé, une bouteille surgit et déjà les verres sont là qui, dans leur petite boîte de carton sont ensuite offerts aux visiteurs. Les flûtes au beurre ne manquent pas non plus. On ne s’étonne pas que les groupes réservent la visite avec « Verrée » !

« Mais le château reste au centre, insiste Claire Halmos, il est le roi incontesté, la cible d’intérêt première. » Cela ne va pas changer non plus. A propos, quand êtes-vous allé au château de Chillon pour la dernière fois ? Non pas à un ressat… mais dans les salles, le donjon, la cave ?

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Prix (CHF): 140.- à 200.- pour la visite guidée traditionnelle ou en costume médiéval de 50 min. (max. 30 personnes), + 10.- par personne pour l’entrée, + 10.- par personne pour la verrée de 30 min. (100.- au minimum) CHÂTEAU DE CHILLON™ Avenue de Chillon 21 1820 Veytaux T +41 21 966 89 10 info@chillon.ch

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Tous les goûts sont dans

« le » nature

Le « vin nature » surgit dans le microcosme vitivinicole vaudois. On croyait devoir signaler deux ou trois exemples isolés. Et voilà que (presque) tout le monde s’y met gentiment, à la vaudoise. Plongée dans les caves où se cachent ces vins faits « autrement », aux goûts différents, aussi.

Rodrigo Banto et en arrière-plan « l'œuf » en plastique qui contient Nu q

Pierre Thomas Le jeune œnologue responsable du groupe Schenk, Thierry Ciampi, aux Lauriers de Platine de Terravin, nous avait glissé : « Le vin nature s’élabore par conviction. Il naît d’une chaîne de production qui va de la vigne à la bouteille. » Pertinente remarque ! Qui nous a envoyé dans les caves où la démarche remonte à la source. Début de l’itinéraire chez Uvavins, la coopérative de La Côte. Le chef œnologue Rodrigo Banto a produit, en 2016, pour la première fois, 600 bouteilles d’un vin blanc sans SO2, ni stabilisé, ni filtré, tiré de vignes cultivées en biodynamie à Romanel-sur-Morges. Le cépage le plus cultivé du canton de Vaud

est aussi le plus sujet à l’expérimentation, on le verra plus loin. « Sans sulfite ajouté » SO2 : ces trois caractères (sulfureux !) scellent le sort du « vin nature ». Car aucune définition légale n’existe pour ce breuvage, nommé tantôt « nature » ou « naturel ». Mais toujours « sans sulfite ajouté »… L’œnologie moderne a certes appris à maîtriser l’usage du « dioxyde de soufre » ou « anhydride sulfureux » (SO2), en anglais « sulfites », le plus souvent dérivé du pétrole, mais qui peut être extrait des mines polonaises, comme celui qu’utilise Raoul Cruchon. La science n’a toujours pas trouvé un

All Kinds of Natural Wines Natural wines are an emerging niche on the Vaud wine-making scene. Let’s visit some wineries to find out more about these wines that are made differently, and have a different taste. We begin our itinerary at Uvavins, the La Côte cooperative in Echichens. In 2016, the chief winemaker, Rodrigo Banto, produced his first batch of 600 bottles of sulphite-free, unfiltered, and unstabilised Chasselas, made from grapes grown organically in Romanel-sur-Morges. This grape variety is widely planted in Vaud and widely used in experiments.

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Sulphite-free SO2: these three characters seal the fate of natural wine. Whether you call it ‘natural’ or ‘organic’, it has no legal definition. However, it always carries the mention ‘no sulphites added’. Modern winemaking techniques have successfully limited the use of sulphur dioxide or sulphurous anhydride (SO2), which is often derived

© Bertrand Rey

from crude oil but can also be extracted from mines in Poland, like the one Raoul Cruchon uses. So far, scientists have not found a better antiseptic and antioxidant agent to add at bottling. Rodrigo Banto points out that there is no such thing as sulphite-free wine because yeast naturally produces sulphites. At Uvavins, all the wines are made without using any SO2 until after the malolactic fermentation. The only way to obtain

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Œnologie

meilleur antiseptique et antioxydant, nécessaire avant la mise en bouteille. Le vinificateur d’Echichens rappelle que « le vin sans sulfite n’existe pas », parce que les levures en produisent naturellement. Chez Uvavins, Rodrigo Banto confie  : «  Je vinifie tous nos vins sans SO2 jusqu’à la fermentation malolactique ». Pour le « Nu », sans le moindre intrant, « la seule maîtrise, c’est le contrôle de la température. » Et le résultat ? Un blanc à la robe dorée, au nez un peu anisé, de foin frais, à l’acidité soutenue, avec une pointe d’amertume. Un chasselas expressif, proche d’un chenin de la Loire… Une autre esthétique De fait, « avec le vin nature, on est dans une autre esthétique  !  » lance Raoul Cruchon. « On ne peut pas exi-

© Bertrand Rey

q

ger d’un vin sans sulfite ajouté la même précision. On fige le vin avec l’ajout de soufre. Le vin naît avec la mise en bouteille. Et plus tard, le soufre s’oxyde avant le vin. » Il faut donc travailler en amont. « Tu as droit à un seul soutirage. Et on laisse plus de gaz carbonique, ce qui est aisément admissible dans les blancs, moins dans les rouges. Et quand tu mets en bouteille, tu ne sais pas comment ça va évoluer : le vin n’est pas filtré, il contient encore ses levures naturelles, et il se renforce avec l’âge ». Le Morgien travaille la majorité de ses rouges en « grappe entière », ou « grains ronds », un autre paramètre qui apparaît dans les « vins nature ». Jusqu’ici, Raoul Cruchon n’a tenté ce non-interventionnisme assumé ni sur le chasselas, ni sur le pinot noir. Mais

Raoul Cruchon et sa fille Catherine avec l'altesse nature

avec la vendange 2017, un chasselas devrait rejoindre l’altesse, un blanc riche, puissant, tonique, et le rouge Nihilo («  rien  », en latin). En 2016, c’était un assemblage à majorité de pinot avec un quart de gamaret, au fruit croquant, épicé (gingembre, cardamome), d’une belle fraîcheur. « Je ne pense pas qu’on va développer le vin sans sulfite ajouté. A part un chasselas et un pur pinot, peut-être. Il faut que ça nous plaise ! » Et, nous a confié Catherine, la fille de Raoul, ellemême œnologue, au premier salon des « vins vivants » à Fribourg début mars, il n’y aura pas de Nihilo 2017, en raison d’une fermentation problématique des moûts « nature » rouges. A Féchy, chez Raymond Paccot, 65 ans, on est tombé sur sa fille Laura, 27 ans, titulaire des brevets viti et œno de Changins, après l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL) : « J’ai eu ma période vins nature. Plus j’en goûte, plus ils me lassent… Ils ont moins l’expression du terroir, la culture du lieu. Parmi nos chasselas, Le Bérolon se distingue immédiatement. » Ce blanc existe depuis plusieurs années, à la demande d’Emmanuel Heydens, le fondateur du négoce « Le passeur de vin », à Genève et à Lausanne, qui a ouvert la voie au « vin nature » en Suisse romande. S’il se distingue, c’est qu’il séjourne en barrique, qui lui laisse une forme de plénitude et des traces d’épices. Ce contenant, Raymond Paccot l’utilise

‘Naked’ wine, without any additives at all, is through temperature control. Then you have a golden yellow Chasselas, with a slight aroma of aniseed and fresh hay, and strong acidity with a hint of bitterness. Cruchon explains that natural winemaking requires a different kind of approach. “One can’t expect as much precision from a sulphite-free wine. By adding sulphur, we preserve the wine. The wine is born at bottling. Then later, the sulphur

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Laura et Raymond Paccot et le chasselas Le Bérolon

aussi pour son savagnin, dont quelques barriques de 2017 étaient, cet hiver, sans sulfite : « Ce serait le cépage idéal pour un vin nature : ça ressemble toujours à un vin jaune d’Arbois ! » (voir lexique). Et puis, il y a un gamay, autre cépage qui paraît bien supporter le régime sans soufre.

on va désormais le dégorger le 1er décembre et le vendre pour les Fêtes ! C’est un vin de communication. » Sous l’impulsion de Corentin Houillon, chef de culture, qui a appris à vinifier auprès de son oncle, héritier spirituel du légendaire Pierre Overnoy, dans le

Jura – « père » des « vins nature » avec Jules Chauvet, dans le Beaujolais –, la cave abrite pas moins de six « vins nature ». Deux PetNat (l’autre à base de gamay), puis un chasselas et un gamay, enfin, deux «  vins oranges  » (voir lexique), un chardonnay et un pinot

gets oxidised before the wine. We do only one racking, so more carbon dioxide remains, which is perfectly acceptable for whites although a bit less so for reds. At bottling, you don’t know how the wine’s going to develop because it’s unfiltered, still contains its own natural yeasts, and gets stronger with age.” With the 2017 harvest, they expect to produce an organic Chasselas which would join their Altesse, a rich, powerful and tonic white, and Nihilo their red.

At Raymond Paccot’s winery in Féchy, we met his daughter, Laura, who has a diploma in viticulture and oenology from Changins. “I’ve been through a natural wine phase. Now, I’m going off them. They don’t express the terroir. Our Chasselas, Bérolon, is different because it’s matured in barrels. That gives it a certain fullness, with hints of spice”. Another innovation at the Féchy winery is their PetNat wine (natural sparkling

wine). It’s going to be marketed under the name Ipso Facto, in bottles sealed with metal crown caps rather than cork. They need to contain the uncontrollable impetuosity of the wine which is bottled before the alcoholic fermentation is completed – it has a 12% alcohol content after the malolactic fermentation - and goes ‘pop’ when opened! The spontaneous flavours of the Chasselas grapes, grown in the biodynamically farmed, and Demeter certified, vineyards of the

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© Bertrand Rey

Un pétillant triple zéro La cave de Féchy s’est lancé un autre défi : le PetNat (voir lexique). Il sera commercialisé sous le nom d’Ipso Facto (« par le fait même », en latin), dans un bouteille non pas à bouchon de liège, mais à couronne métallique. Car il faut retenir l’impétuosité incontrôlable de ce vin mis en bouteille avant que la fermentation alcoolique se soit achevée, titrant 12% volume, malo faite, et qui fait pschitt ! Les arômes primesautiers du chasselas issu du domaine cultivé en biodynamie et labellisé demeter, sont juste emprisonnés dans le flacon, entre moût frais et fruits exotiques. La version légèrement sucrée rappelle un Prosecco italien. « C’est un vin triple zéro : zéro levure, zéro sucre, zéro sulfite. Ca, ça parle aux gens ! », exulte le vigneron-encaveur. Au Domaine de la Ville de Morges, Marc Vicari fait aussi goûter, en primeur, un PetNat de chasselas, le premier élaboré en 2017. Le directeur du domaine explique : « Voilà un vin à la mode et simple à faire ! Il est facile, rapide, à vendre tout de suite :

« C’est un vin triple zéro : zéro levure, zéro sucre, zéro sulfite. Ca, ça parle aux gens ! » Raymond Paccot, vigneron-encaveur

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© Bertrand Rey

Œnologie

Le SO2 ? Changins s’en préoccupe ! Lors des journées techniques du salon Agrovina, à Martigny, à la mi-janvier, trois chercheurs de Changins ont abordé la problématique du SO2. Ramon Mira de Orduna Heidinger rappelle que le SO2 est une molécule naturelle. Le corps humain en « fabrique » notamment lorsqu’il s’agit de digérer la fondue au fromage ! Le scientifique souligne que la réduction excessive des sulfites dans le vin risque d’exercer un effet négatif sur la qualité et le style des vins. De son côté, Julien Ducruet s’intéresse depuis plusieurs années au moyen de limiter le SO2 à la mise en bouteille, en gérant l’oxygène pendant et après le conditionnement des vins. Quant à Pascale Deneulin, avec un candidat au bachelor, elle a mené une étude qui montre que les consommateurs sont prêts à payer 2 francs de plus un vin certifié bio par un label et 1 franc de plus pour un vin mentionnant « sans sulfites ajoutés ». PTs

Marc Vicari et Corentin Houillon devant un pupitre de remuage de PetNat u

gris. Au départ, la matière première est en biodynamie ; les 15 hectares du domaine sont en reconversion, avec labellisation demeter prévue pour 2021. A chacun, sa méthode de fermenter, en levures spontanées, « on relâche la technique ». Pour le gamay, parcelle 982, qui représente près de 5'000 bouteilles, « je travaille sur la réduction pour éviter l’oxydation », le grand ennemi dans la vinification sans SO2, explique Corentin Houillon : « je ne conçois le métier de vigneron que si je vais jusqu’au bout ». Et, au lieu de « vin nature », il préfère parler de « vin sain, sans intrant ni sulfite ».

Pour des amateurs jeunes, urbains et bios Si Raoul Cruchon dit ne pas voir de profil particulier chez les consommateurs de « vins nature » – « tous mes clients les goûtent, les aiment ou ne les aiment pas » –, Marc Vicari estime que « la marche est inexorable ; on est prêt à y aller, grâce à la biodynamie ! Ca n’est pas un effet de mode, mais une tendance qui s’installe ». Et de nouveaux clients découvrent ces vins, qui s’apprêtent à conquérir le marché international : le gamay « nature » de la Ville de Morges est à l’œnothèque de la Cité du vin à Bordeaux

et au Salon des Anonymes, dans la Loire, mais aussi sur les tables branchées de Zurich, comme, du reste, les vins nature de la Ville de Lausanne. Depuis 2013, cette dernière propose un chasselas « Tout nu » de l’Abbaye de Mont et un gamaret « Sans fard » du Château d’Allaman. Ces vins ont trouvé preneur auprès d’une clientèle « plutôt jeune, urbaine, soucieuse de sa santé et de l’environnement, qui privilégie le bio », indique l’œnologue Tania Gfeller, responsable des Vins de Lausanne. Les deux domaines en mains publiques font stand commun aux salons Divinum, à Morges (du 11

estate, are locked in the bottle in an aromatic blend of grape must and exotic fruit. The mildly sweet version is like an Italian Prosecco. “This is a triple zero wine,” gloats the winemaker, “zero yeast, zero sugar and zero sulphites. That’s what people want today!” At the Domaine de la Ville de Morges, the director Marc Vicari holds tastings of a Chasselas PetNat wine, first produced in 2017. “This wine is trendy and easy to make! It’s quick and simple and

ready for sale. We’re going to ‘degorge’ it on December 1st and sell it over the Christmas season.” Thanks to Corentin Houillon, the vineyard manager, who was initiated into winemaking by his uncle, the spiritual heir of the legendary Pierre Overnoy, in the Jura, there are no fewer than six natural wines in the cellar. Two PetNat wines (the other one is made from Gamay), a Chasselas, a Gamay, and two ‘orange wines’, one a Chardonnay and the other a Pinot Gris.

For young city-dwelling organic-wine lovers Raoul Cruchon reckons that naturalwine consumers have no distinctive profile, whereas according to Marc Vicari, “we’re moving forward in an inexorable trend, thanks to biodynamics! It’s not a fad, it’s actually taking root”. New clients are discovering these wines that are poised to conquer international markets. The Ville de Morges natural Gamay can be found at the

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© Bertrand Rey p Yannick

Passas dans sa nouvelle cave de Coinsins

au 16 avril) et Arvinis, à Montreux (du 25 au 30 avril). Autre domaine qui mise à fond sur la biodynamie et les vins nature, la Maison du Moulin. De Reverolle, où le jeune œnologue Yannick Passas, 33 ans, a repris les vinifications en 2011, la cave a déménagé à Coinsins en automne 2014. Dès ce printemps, à la tête d’une équipe de trentenaires dynamiques, il entend ouvrir un espace « vins et cuisine nature ». Le domaine s’étend sur près 20 hectares, dont une douzaine travaillés en propre, aux deux tiers dans le vallon de l’Aubonne et à Coinsins, sans compter les achats

de raisins pour une gamme de négoce conventionnelle. Yannick Passas dit vouloir convertir le domaine à la biodynamie et se soumettre au label demeter, tout en remplaçant le cuivre par des purins d’ortie et d’ail des ours. Cette année, il va planter des légumes entre les rangs des vignes de Coinsins… Il vendange son raisin « au PH » et non pas au degré de sucre, sépare drastiquement les jus au pressoir, travaille sur la turbidité des moûts, ne levure pas, utilise un parc de 115 barriques pour élever ses vins, lentement. « Je laisse le vin se stabiliser naturelle-

ment. Je ne mets plus de SO2, sauf à la mise en bouteilles ». Mais là encore, il s’efforce de rester dans la limite des 20 mg en rouge et 30 mg de SO total en blanc, tolérés par l’AVN, l’Association des vins naturels, française, alors que Bio Suisse tolère 100 mg, respectivement 120 mg, et le « code des bonnes pratiques  » de l’Interprofession des vins suisses (version 2000), 160 mg, respectivement 210 mg. Mais, dès 10 mg, l’étiquette doit obligatoirement mentionner «  contient des sulfites  » sans en spécifier la teneur exacte au moment de la mise en bouteille (et qui évolue ensuite avec le vieillissement).

Cité du Vin Oenothèque, in Bordeaux, and at the Salon des Anonymes in the Loire region as well as in trendy restaurants in Zurich, where one can also find some Ville de Lausanne natural wines. Since 2013, these include a “Tout nu” (stark naked) Chasselas from Abbaye du Mont and a “Sans fard” (no makeup) Gamaret from Château d’Allaman. Tania Gfeller, an oenologist in charge of Vins de Lausanne, points out that “these wines are popular among young,

health- and eco-conscious urban dwellers”. Another estate that is seriously focusing on natural wines is Maison du Moulin, in Coinsins. The winemaker, Yannick Passas, who heads a dynamic team of thirty-year-olds, will be opening a natural wine and food restaurant this spring. He wants to convert the estate to biodynamic agriculture and obtain the Demeter certification. He is already replacing copper fertilisers

with nettle and wild garlic slurry and this year, he is going to plant vegetables between the rows of the Coinsins vines. Yannick Passas harvests the grapes according to their PH rather than their sugar readings, strictly separates juices during pressing, monitors the turbidity of the grape must, does not add yeast, and lets the wine age slowly in the 100+ barrels in his winery. “I leave the wine to stabilise naturally. I add SO2 only at bottling”.

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Œnologie

Gilles Wannaz, pionnier vaudois du bio et du « vin nature » quand c'est possible !

© Philippe Dutoit

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Une sorte d’aventure… dans le temps La Maison du Moulin élève une batterie de vins originaux, comme ce gamaret 2014, Fructidor, surmaturé à la vigne ou ce chasselas 2014 élevé «  sous voile » (voir lexique). Dix barriques (!) dont le vin ne sera mis sur le marché qu’en 2020 ! « En vinification, on a trouvé la combine pour élaborer des vins réguliers. Mais ça reste une aventure ! On est un peu barjo. On veut faire du vin sans additif. Si tu dis aux gens ce qu’il y a dans une bouteille de vin, ils ne le boivent plus. » Quel recul sur ces vins ? Sans doute sont-ils appelés à être consommés en

flux tendu, ce qui peut ravir les restaurateurs. Mais, constate l’œnologue Richard Pfister, «  beaucoup de vins élevés en levures indigènes montrent un flou organoleptique les premiers mois de vinification, parfois jusqu’à un ou deux ans. Si la vinification a été maîtrisée et que la matière première est de qualité, ce flou disparaît petit à petit et laisse place à une belle complexité. » On a pu le vérifier chez Gilles Wannaz, à Chenaux (Lavaux), avec son « Gamay for ever » 2015, au nez un peu fuyant, mais au beau toucher de bouche, avec une magnifique finale épicée. Le vigneron-poète lui a collé l’étiquette de « sulfurum oust ». Pionnier vaudois de

A sort of adventure… over time La Maison du Moulin has produced a selection of original wines, such as their Gamaret 2014, Fructidor, made from grapes overmatured on the vines, or their Chasselas 2014 aged ‘under flor’. That’s ten barrels of wine that won’t be put on the market until 2020! “We’ve discovered an effective way of making the wine, but it’s quite an adventure! We’d like to make a wine with-

out additives. If you ever told people what’s in a bottle of wine, they’d stop drinking it.” The wine Gamay Forever, 2015, produced by Gilles Wannaz, in Chenaux (Lavaux), has a slightly elusive nose, a pleasant texture on the palate and a magnificently spicy finish. The wine-grower and poet has labelled it «Sulfurum Oust». One of the first Vaud winegrowers to have obtained the

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demeter depuis 2003, travaillant sur certains vins sans SO2 depuis 2000, il a aussi produit une syrah à la devise « Je suis belle et sans soufre ». Et propose, certes sans se passer de sulfites, son Tourlourou, un chasselas genre moscato d’Asti, et un chasselas oxydatif de dix ans d’âge (2004 en vente), « L’ombre jaune ». Dégustés sur place, ni le gamay 2000, ni la syrah 2002, au vieillissement respectable, ne trahissaient de défauts organoleptiques (voir lexique)… Gilles Wannaz se dit « agacé par la diabolisation du soufre, qui n’est pas reconnu contre-nature en biodynamie. Les vins sans sulfite ajouté son abstraitement séduisants, et, s’ils sont concrètement réussis, un vrai plaisir à déguster! ».

Demeter certification in 2003, he has been working on several sulphite-free wines since 2000 and has also produced a Syrah that carries the motto “I’m beautiful and sulphite-free”. Other offers, this time not sulphite-free, include his Tourlourou, a Chasselas resembling a Moscato dAsti, and L’ombre jaune, a ten-year-old oxidative Chasselas (on sale since 2004).

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Mode volatile ou tendance lourde ? Pour répondre à la question, on a confronté deux quadragénaires romands : la Genevoise Alessandra Roversi, spécialiste des tendances de l’alimentation, qui donne des cours à Gastrovaud, et le Vaudois Richard Pfister, œnoparfumeur, ont pu croiser le verre. Pour la première, le « vin nature » s’inscrit dans « la tendance du « low » qui va de travailler moins à manger du fromage au lait cru ». Il s’agit « d’une tendance de fond » qui associe « génération (les trentenaires), genre (les femmes) et culture », avec un accent mis « sur le goût, la fraîcheur, l’acidité », via un « nouveau mode de consommation par de nouveaux consommateurs ». A cette analyse comportementale, Richard Pfister oppose « l’importance de la qualité du produit, alors que le vin nature s’adresse le plus souvent à un consommateur pas très éclairé. Face à un consommateur éclairé, le vin nature a plus de mal. Car le vin nature n’arrive pas à conjuguer complexité et finesse, à moins d’être très précisément contrôlé et maîtrisé dans son processus ». Et l’œnologue rappelle que « si on ne fait rien en cave, on obtient du vinaigre ». Alessandra Roversi lui donne raison : « Bien sûr, un vin, ça n’est pas de la nature : aucun produit n’est nature ! L’agriculture d’aujourd’hui n’est pas nature, même sans intrant. Le vin est un produit de culture plus que de nature. Et les meilleurs producteurs font preuve de savoir-faire et non de laisser-faire. » Au final, Richard Pfister souligne que « la notion de goût est très personnelle »… « et surtout culturelle », lui rétorque Alessandra Roversi qui tire la comparaison vers la musique et ses multiples styles. « Le vin nature, ça parle d’émotion. Ca fait bouger les lignes du restaurateur au consommateur. » PTs

©Edouard Curchod

LEXIQUE Déviations aromatiques Les « vins nature » ont plus souvent des concentrations en molécules produites par les brettanomyces (levures appelées communément « brett’ »), ainsi que par certaines bactéries lactiques : l’éthyle phénol (odeur de sueur de cheval), l’éthyle gaïacol (odeur de sparadrap avec une touche fumée), l’acétyltetrahydropyridine (odeur de crotte de souris), l’acide isovalérique : (odeur de fromage rance avec une touche florale de violette). Levures naturelles Les levures indigènes (par opposition aux levures sélectionnées de type industriel), déclenchent la fermentation alcoolique. Les levures sont présentes sur la peau du raisin : plus il est traité, moins elles sont efficaces. Oxydation Les « vins nature » sont plus souvent sujets à des phénomènes d’oxydation chimique ou microbiologique qui se manifestent par l’acide acétique (odeur de vinaigre), l’acétate d’éthyle (odeur de vernis à ongles) et l’éthanal (odeur de pomme blette).

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PetNat Vin « pétillant naturel ». Une seule fermentation en bouteille (et non pas deux comme pour le champagne). Filtration ou dégorgeage avant bouchage définitif. Méthode dite « ancestrale », notamment pratiquée à Cerdon, dans le Bugey, entre Genève et Lyon. Stress hydroazoté Lorsque les vignes sont en reconversion biologique ou biodynamique, mais aussi en cas de concurrence avec l’herbe mal maîtrisée, les effets du « stress hydroazoté » peuvent se manifester dans le vin sous forme d’un vieillissement prématuré, dont un des marqueurs est l’aminoacétophénone (odeur à la fois de tilleul, d’aubépine et d’encaustique, conjuguée à un goût amer). Vin orange Méthode de vinification où les raisins macèrent puis fermentent avec leurs peaux dans un récipient fermé, à la manière des vins de Géorgie (qui existaient il y a plus de cinq millénaires) dans des jarres en argile (kvevris). L’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) n’a pas défini le

« vin orange », mais son procédé est inscrit au patrimoine immatériel par l'UNESCO. Vins sous voile « Vins dont la caractéristique principale est d’être soumis à une période de vieillissement biologique au contact de l’air par développement d’un voile de levures typiques sur la surface du vin, après fermentation alcoolique totale du moût. », selon l’OIV. Exemple le plus proche : le vin jaune du Jura. AVN Fondée en 2013, l’Association des vins naturels (AVN) regroupe une cinquantaine de vignerons de toute la France. Sur son site, lesvinsnaturels.org, sous « engagement », elle définit les conditions d’un « vin issu de la vinification naturelle ». Ce site Internet n’a pas été mis à jour depuis 2016, où l'AVN avait inscrit à l’ordre du jour de son assemblée annuelle un projet de labellisation « vinification naturelle ». Sources : OIV, Richard Pfister, PTs

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Grand Prix du Vin Suisse 2017

Très belle performance d’ensemble des vins vaudois En décrochant deux prix spéciaux – le très prestigieux titre de Cave Suisse de l’Année 2017 et le Prix Bio Suisse – et en remportant sept trophées, le canton de Vaud réussit une très belle performance d’ensemble au concours national.

« Nous n’avons jamais imaginé être couronnés Cave Suisse de l’Année » Alexandre Truffer Photos : VINUM

Christian et Julien Dutruy

L’édition 2017 du Grand Prix du Vin Suisse a vu quelques 2800 compétiteurs se soumettre au verdict d’un grand jury de dégustation au mois de juin. Si un tiers des concurrents a reçu une médaille d’or ou d’argent, seuls 78 vins ont été nominés pour la redégustation d’août confiée à un jury international. Dix-sept vaudois – et non seize comme annoncé dans la précédente édition puisque le rosé Speed Tasting de la maison Berthaudin est un fier représentant de La Côte – faisaient partie de

cette petite élite. Le 31 octobre, sept d’entre eux ont eu l’honneur de monter sur le podium érigé dans la grande salle du casino de Berne. Une fois venue l’heure des prix spéciaux, Reynald Parmelin a confirmé sa domination sur les vins bio helvétiques en venant chercher son cinquième sacre, tandis que Christian et Julien Dutruy ont été aussi surpris qu’émus par la remise du titre suprême, celui de Cave Suisse de l’Année 2017.

LES FRÈRES DUTRUY : Cave Suisse de l’Année 2017 « Nous sommes venus au gala avec les collaborateurs essentiels de l’entreprise dans l’idée de participer à une belle soirée pour clore une année bien remplie. Le trophée remporté avec le brut dès le début de la soirée nous a

Les Frères Dutruy the 2017 Swiss Winery of the Year With two special awards - the very prestigious title of Swiss Winery of the Year and the Swiss Organic Wine Award - and seven trophies, the Vaud canton achieved an excellent overall performance at the national competition.

Some 2,800 wines participated in the 2017 edition of Grand Prix du Vin Suisse, in June, and were rated by a grand tasting jury. One third of the competitors obtained gold or silver medals, but only 78 wines, including 17 from Vaud, were selected for a second tasting in August, evaluated by an international jury. On

October 31st, seven of them had the honour of mounting the podium, specially erected in the large hall of the Bern Casino. Reynald Parmelin picked up his fifth award, thus consolidating his dominant position in Swiss organic wines, while Christian and Julien Dutruy were both surprised and moved on being

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Grand Prix du Vin Suisse 2017 u Entouré de son équipe, Reynald Parmelin remporte son cinquième Prix Bio Suisse

libérés, mais nous n’avons jamais imaginé être couronnés Cave Suisse de l’Année », confirme Julien Dutruy qui avoue qu’avec deux nominés et sept crus médaillés sur huit vins présentés, il faisait sans doute partie des papables. Offrant le deuxième sacre au vignoble vaudois après celui du Domaine de la Ville de Morges en 2015, Les Frères Dutruy ont gravi pas à pas tous les échelons pour obtenir la récompense la plus convoitée en terres helvétiques. En 2005, Christian, né en 1975 et Julien, arrivé lors du millésime 1980, reprennent le domaine familial développé par Jean-Jacques Dutruy. Douze ans de travail acharné, des investissements considérables dans une cave ultramoderne, un soin minutieux apporté à tous les aspects du métier – de la pépinière à la communication – et des employés efficaces : tous ces aspects de l’épopée des Frères Dutruy sont déjà bien connus. Ajoutons-y un soutien sans faille de tous les membres de la famille pour obtenir la recette d’un succès qui commence en 2007, lorsque leur gamaret Les Romaines 2005 s’impose dans la catégorie « Autres cépages rouges purs » du concours national. Tandis que cette gamme de prestige créée par JeanJacques Dutruy s’étoffe, les vins des Frères Dutruy gagnent en complexité et en précision. Ce qui leur permet de s’assurer petit à petit une place de

choix sur les grandes tables de Suisse romande et dans les guides viticoles. « Le titre obtenu à Berne cet automne a provoqué d’importantes sollicitations médiatiques, mais aussi commerciales », précise Julien qui considère que, si leur cave apparaît plutôt bien positionnée dans les restaurants et chez les revendeurs romands, il reste encore une marge de progression importante Outre-Sarine. « Ce titre nous ouvre des portes, mais nous ne voulons pas foncer tête baissée, nuance toutefois l’œnologue de Founex. En termes de taille d’entreprise, nous avons atteint une certaine vitesse de croisière. La dépasser impliquerait sans doute de rogner sur la qualité, ce à quoi nous nous refusons. » Cultivant 25 hectares, les Frères Dutruy ont fait le choix de l’agriculture biologique. « Nous avons reçu la semaine passée, le certificat bio fédéral pour nos vignes. La cave devrait être labellisée l’an prochain. Par contre, nous voyons ce label comme une reconnaissance du travail effectué à la vigne, mais nous n’envisageons pas de nous en servir comme d’un outil de promotion en l’apposant sur nos bouteilles. »

awarded the highest honour, the 2017 Swiss Winery of the Year. Julien Dutruy admitted they had never imagined receiving the award, but it did start to seem possible when two of their wines were selected and seven out of the eight presented were awarded medals. Les Frères Dutruy have steadily worked their way up to become the second estate in Vaud, after Domaine de la Ville de Morges in 2015, to win the most coveted trophy in Switzerland. In 2005,

the family estate developed by JeanJacques Dutruy was taken over by his sons Christian, born in 1975 and Julien, a 1980 vintage. The recipe for success consisted of 12 years of dedicated work, substantial investments in a state-of-the-art winery, close attention to every aspect of the business, from the vineyards to communication, and efficient personnel. The Dutruy brothers have opted for organic farming on their 25 hectares. They recently informed us they had received

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REYNALD PARMELIN : cinquième étoile pour le roi du bio Outre la Cave Suisse de l’Année, le concours national délivre trois prix spéciaux  : les Vinissimo Rouge et

Blanc qui récompensent la meilleure cuvée de chaque couleur et le Prix Bio Suisse. Ce dernier est attribué pour la cinquième fois, en dix ans, à Reynald Parmelin. Célèbre pour ses bouteilles bleues, le producteur de La Côte a été le premier vigneron vaudois à obtenir le label Bio Suisse. Une certification qui date d’une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et où les concepts de développement durable et de réchauffement climatique étaient ignorés du grand public. Depuis 1994, beaucoup de choses ont changé, mais les orientations prises par le propriétaire du Domaine La Capitaine à Begnins ont payé. Son espace d’accueil, face au Léman et au Mont-Blanc, fait salle comble tous les week-ends et

the Federal Organic Certificate for their vineyards, and the winery should obtain certification by next year. They make the point that they consider the certificate as a reward for the work carried out in the vineyards, and do not intend to use it as a promotional tool on their labels. Reynald Parmelin: A Fifth Star for the Organic Wine Champion In addition to Swiss Winery of the Year, the national competition delivers three

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Doublé vaudois dans la catégorie chasselas: Les Fils Rogivue s'imposent devant Patrick Fonjallaz (à gauche) t

ses vins font partie des rares cuvées suisses à passer la frontière. Les Grand Prix du Vin Suisse 2009, 2010 et 2011 avaient vu le triomphe de son johanniter, un cépage hybride résistant aux maladies cryptogamiques comme le mildiou ou l’oïdium. Né de croisements complexes, ce raisin qui compte, entre autres, le riesling et le chasselas parmi ses aïeuls, donne naissance à un vin aromatique porté par un peu de sucre résiduel. Cette année, pas de légère onctuosité pour le vainqueur du Prix Bio Suisse, mais une douceur assumée pour cette Vengeance tardive 2016. « Ce vin existe depuis quinze ans, mais son nom a changé au fil des années. A l’époque où il s’appelait encore Vendange tardive, une cliente a

la langue qui a fourché. J’ai trouvé le lapsus amusant et rebaptisé ce pinot gris récolté fin novembre ou début décembre », précise Reynald Parmelin qui travaille ce vin de manière à obtenir 12° d’alcool et quelque 80 grammes de sucre résiduel par litre. « Il y a un petit changement avec le millésime qui a gagné à Berne, ajoute l’œnologue de La Côte. Le 2016 a passé un petit moment en barrique, ce qui n’était pas le cas du tout avant. » Et que les amateurs de vins secs se rassurent. Le domaine qui cultive plus d’une vingtaine d’hectares propose également des vins secs à l’image de son chasselas Premier grand cru de la Collection Agénor ou de son pinot noir, dont le millésime 2015 a remporté le Prix Bio Suisse en 2016.

other special prizes: the Vinissimo Red and White for the best wine in each of the colours and the Swiss Organic Award. For the fifth time in ten years the Organic prize went to Reynald Parmelin, the La Côte producer famous for his blue bottles, and the first wine maker in Vaud to receive the Swiss Organic logo. The choice of strategy for his Domaine La Capitaine, in Begnins has paid off. Every weekend, the reception area at his winery overlooking Lake Geneva

and Mont Blanc, is packed with visitors, and his wines are among the few exported from Switzerland in considerable quantities. His Johannniter, a hybrid grape resistant to fungal diseases such as powdery mildew or grey mould, triumphed at the Grand Prix du Vin Suisse in 2009, 2010 and 2011. A well-balanced sweetness characterises his Vengeance Tardive 2016, which won the 2017 Swiss Organic Award. Reynald Parmelin explains that this wine has existed for

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Deux Saint-Saphorin au sommet «  Lorsque nous avons repris le domaine de nos parents il y a une trentaine d’années, mon frère jumeau Jean-Daniel et moi n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur qui s’occuperait de la vigne et qui de la cave, explique Jean-Paul Rogivue. Nous avons donc décidé d’échanger nos places chaque année. Les millésimes impairs sont vinifiés par Jean-Daniel tandis que je m’occupe de la vigne. Et inversement les années paires. » Ce système permet aux deux vignerons de rester au courant des innovations en viticulture comme en œnologie. En ce qui concerne la dégustation, tout se fait à trois depuis que François – fils de Jean-Paul et représentant de la quatrième génération – a rejoint son père et son oncle il y a deux ans. « Les Fils Rogivue sont un domaine familial de 9,5 hectares qui produit 75% de blanc, essentiellement du Saint-Saphorin et du Dézaley. La production se monte à quelques 100'000 bouteilles par année commercialisées auprès d’une clientèle privée fidèle (55%) et de deux grossistes : Coop et Mövenpick », déclare l’heureux vainqueur de la catégorie chasselas du Grand Prix du Vin Suisse. Devançant trois autres chasselas de Lavaux et deux fendants, le Saint-Saphorin Bellevue 2016 s’impose devant 410 concurrents. « Ces récompenses exceptionnelles (le domaine

15 years but it has changed names. At the time when it was still called Vendange Tardive a client got her tongue in a twist and, finding that rather amusing, he decided to change the name of this Pinot Gris which is harvested end-November or beginning December. He aims for a 12% alcohol content and about 80 grams of residual sugar per litre. In all, the estate comprises more than 20 hectares of vineyards.

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Grand Prix du Vin Suisse 2017

avait été nominé en 2010 avec Les Fosses 2009, un autre Saint-Saphorin, et s’était classé deuxième en 2012 avec sa Cuvée Rogivue 2010, un effervescent élaboré par Xavier Chevalley) ne permettent pas seulement de confirmer que notre manière de travailler fonctionne, elle a aussi un impact sur les ventes. On parle ici de centaines de bouteilles plus que de milliers, mais il existe une clientèle qui s’intéresse aux vins primés et plusieurs d’entre eux nous ont déjà téléphoné ». L’élégance et la finesse des crus ensoleillés de Saint-Saphorin semblent avoir conquis les jurés du Grand Prix du Vin Suisse 2017 puisque le Bellevue 2016 des Fils Rogivue est suivi de près par le Saint-Saphorin La Rionde 2016 du domaine Patrick Fonjallaz. Darel Cedraschi, œnologue en charge des vinifications depuis 2015, explique que

la vinification de ce classique n’a pas été des plus évidentes. « La Rionde se compose aux deux tiers de notre production personnelle tandis que le solde est acheté à la vendange. En ce qui concerne la vinification, elle se déroule de manière traditionnelle avec un élevage en foudres de bois. La particularité du 2016 est que ce vin a eu besoin de plus de deux mois pour terminer ses fermentations. » Un travail de longue haleine qui a fini par payer comme se réjouit ce professionnel qui considère que « les concours ne doivent pas devenir une obsession, mais ils constituent tout de même un indicateur important pour notre profession. Tout comme le label Terravin qui orne la boutonnière de l’ensemble de notre production, label dont on aime à rappeler qu’il ne représente que cinq à six pour cent de la production vaudoise. ».

Les rouges vaudois jouent placés Gamaret et garanoir, respectivement quatrième et cinquième cépages rouges les plus plantés en Suisse, avaient pour la première fois de l’histoire du concours national une catégorie dédiée. Trois vins vaudois étaient qualifiés pour la finale : le Domaine de la Croix à Bursins, la Ville de Payerne et le Domaine de la Crosettaz à Gilly. Au final, seul ce dernier est monté sur le podium. Encadré par un Genevois et un Zurichois, le Désir Noir 2016 de Daniel et Xavier Bovy est comme l’indique ce dernier : « un mariage de 60% de garanoir et de 40% de gamaret vinifié en cuve inox. 2016 était une année compliquée à la vigne due à l’importante pression des maladies cryptogamiques. Heureusement, l’automne ensoleillé et sec a permis de terminer par de magnifiques vendanges. » Particularité

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Cave suisse de l’année 2017


amusante de cet assemblage, le garanoir faisait partie des premiers raisins récoltés mi-octobre tandis que la famille Bovy a laissé le gamaret patienter jusqu’au 4 novembre. Un pari réussi pour ce domaine familial de Gilly qui possède onze hectares de vignes « tous en appellation Tartegnin  », explique Xavier Bovy. Les deux merlots lémaniques qui pouvaient prétendre concurrencer l’armada tessinoise comptaient parmi les rouges les plus renommés et les mieux établis du vignoble vaudois. L’Apicius 2014 de Hammel échoue d’un rien au pied du podium tandis que Le Bernardin 2015 – qui fait partie de la gamme Bernard Ravet élaborée par Uvavins Cave de la Côte – s’intercale entre deux classiques du Tessin. Issu d’une sélection de parcelles réparties sur la plus grande appellation d’origine contrôlée vaudoise, ce merlot est élevé plus d’une année en barrique avant de patienter encore quelques saisons en bouteille. Régulièrement médaillé dans les compétitions régionales, nationales ou internationales, cette cuvée haut de gamme signée du grand cuisinier de Vufflens-le-Château se veut un hommage au travail minutieux des vignerons de La Côte. Le troisième trophée en rouge est gagné dans la catégorie gamay. Deux domaines vaudois régulièrement au sommet des compétitions régionales et nationales faisaient partie des six

finalistes. Si les Frères Dubois doivent se contenter d’un diplôme, Benjamin Morel du Château de Valeyres prouve encore une fois que son Gamay Confidentiel fait partie des grands rouges helvétiques. A noter que le millésime 2015 primé à Berne était aussi arrivé deuxième de la Sélection des Vins Vaudois 2017 (devant la Cuvée Origine, le gamay élevé en cuve de ce domaine des Côtes de l’Orbe). « 2015 était un millésime très riche, offrant de

belles maturités, surtout sur les parcelles sélectionnées pour la gamme Confidentiel. En ce qui concerne l’élevage, nous avons gardé la même ligne depuis 2004, tout en affinant chaque année le choix des barriques et des types de chauffe », explique Benjamin Morel qui estime que 2017 devrait offrir une qualité similaire, mais en affichant un profil aromatique plus élégant encore que le très ensoleillé et très opulent 2015.

The Rogivue Family’s Saint-Saphorin is a Winner The Saint-Saphorin Bellevue 2016, from Les Fils Rogivue, came first in the Chasselas category among 410 competitors, beating three other Chasselas from the Lavaux region and two Fendants. Jean-Paul Rogivue welcomed the victory commenting that, “These exceptional rewards (the estate obtained an

award in 2010 for Les Fosses 2009, another Saint-Saphorin, and in 2012 came second with their sparkling wine, Cuvée Rogivue 2010) not only confirm that our way of working functions well, but they also have an impact on sales. We’re talking about hundreds of bottles, not thousands, but still there’s a clientele out there that’s interested in buying wines that have won awards, and some of them

have already called us”. Les Fils Rogivue is a family estate of 9.5 hectares that produces 75% white, mainly Saint-Saphorin and Dézaley. Production amounts to 100,000 bottles a year sold to loyal private clients (55%) and two wholesalers, Coop and Moevenpick.

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Podiums en rouges : Daniel et Xavier Bovy du Domaine de la Crosettaz (2e gamaret/garanoir) et le duo Benjamin Morel et Frédéric Hostettler du Château de Valeyres (3e gamay)

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Rendez-vous

La Cave des Viticulteurs de Bonvillars a 75 ans, et pas une ride !

L’aventure débute le 20 mars 1943 : la cave de Bonvillars se mue en coopérative. Elle regroupe 88 membres, qui cultivent 22 hectares de vignes. En 1948, les pionniers construisent une cave, qu’ils n’auront cesse de moderniser. Jusqu’en 2014, année de l’inauguration de la nouvelle cave, un écrin rubis, que cette revue a présenté par l’image et le texte (n°46). Quelques années auparavant, en 2003, la cave de Bonvillars, en manque de liquidités, passe à deux doigts du dépôt de

bilan. L’année suivante, le trio gagnant de la coopérative, toujours en place, prend ses marques : Denis Taillefert, président, Sylvie Mayland, directrice et Olivier Robert, œnologue. Aujourd’hui, la Cave des Viticulteurs de Bonvillars compte cent sociétaires, qui cultivent cent hectares de vignes. La production de la coopérative équivaut à 900'000 bouteilles, dont les étiquettes viennent d’être « relookées » (v. Le Guillon, n°51).

q Denis

Taillefert, président, Sylvie Mayland, directrice et Olivier Robert, œnologue.

Trois quarts de siècle, ça n’est pas rien. La coopérative propose aux aficionados des vins vaudois une série de rendez-vous, tout au long de l’année. D’une présence printanière au musée des transports de Lucerne au marché aux truffes de Bonvillars, en octobre, en passant par la fête des Yodleurs d’Yverdon, en juin, il y en a pour tous les goûts. Le programme est très riche ; le plus commode est de le consulter sur le site de la coopérative : www.cavedebonvillars.ch (PB)

Arvinis à Montreux, 2e millésime La première mouture montreusienne d’Arvinis, l’an dernier, n’a pas tout à fait donné, en termes de fréquentation, les résultats escomptés. 18'000 entrées contre 22'000 sur le site de Morges, où se déroulèrent 21 éditions d’Arvinis. Ses organisateurs, avec en tête la présidente Nadège Fehlmann-Bonin, ont redessiné quelques-uns des contours de la manifestation. D’abord en rendant plus lisible, et donc plus fluide, le parcours des visiteurs.

Ensuite en proposant aux amateurs cinq visites thématiques, incluant chacune la dégustation d’une dizaine de vins. Au menu, le canton de Vaud et le chasselas, les merlots du Tessin, le Valais et ses spécialités, un Tour de Suisse et un Tour d’Europe et de Méditerranée. Ce nouveau programme a été concocté avec le très réputé sommelier Michele Caimotto (ancien de l’Hôtel de Ville de Crissier). Comme le veut la tradition, de nombreux ateliers rythmeront également le salon.

Enfin Arvinis 2018 accueille un hôte d’honneur plutôt méconnu en Suisse, la Moldavie, pourtant sixième producteur de vins européen! 200 exposants, dont une quarantaine de domaines vaudois, seront présents au centre de congrès 2m2c de Montreux, du mercredi 25 au lundi 30 avril. (PB) Toutes les informations sur : www.arvinis.ch

Divinum, autre salon du vin en terre vaudoise, se déroulera du 11 au 16 avril au Parc des Sports de Morges. 130 vignerons seront présents. Toutes les infos sur www.salon-divinum.ch

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Produit du terroir en fête

Le Pain Solstices illumine de la Fête du Blé et du Pain Le Pain Solstices ? Un ambassadeur d’un savoir-faire vaudois. Mieux : un nouvel emblème d’une tradition qui magnifie le terroir du Gros-de-Vaud. Ce nouveau fleuron réunit l’expérience et le talent des producteurs et artisans du « grenier de la Suisse ». C’est la première fois qu’un pain spécial est élaboré pour la Fête du Blé et du Pain. A Echallens, la recette inédite est l’œuvre commune des corporations d’agriculteurs, de meuniers et de boulangers. Pierre-Etienne Joye Photos : Sandra Culand

Du grain pourpre au façonnage du pâton marqué à l'emporte-pièce, en passant par l'élaboration de la farine et le pétrissage progressif 

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C’est un pain rondement rustique. Trois grains de blés farinés émergent sur le dessus. Ils rappellent le logo du spectacle à venir cet été à Echallens (15-26 août) : « Solstices ». Quand on le rompt, un léger craquement dévoile une mie ferme au ton brun-crème tirant sur un carmin clair. « Dansez, amis sur le pont, quand le moulin et sa mécanique font farine au son des musiques.

Debout, le premier mitron ! Chantons, chantons ! Le pain nous est bon. » scandait le chœur d’enfants en 1998, reproduisant fièrement les paroles d’Emile Gardaz. Vingt ans plus tard, pour sa quatrième édition, la Fête du Blé et du Pain d’Echallens s’offre donc un pain officiel, pour magnifier l’ardeur et l’engouement liés à l’esprit d’un tel événement.


pourpre Il est comment le petit nouveau ?

Ainsi trois métiers fondamentaux sont indissociables du succès de ce nouveau pain. On oublie parfois que le boulanger seul ne pourrait contribuer à la confection d’une belle miche craquante et odorante… La chaîne du pain partagé Déjà dans l’Antiquité, on avait Virgile et ses Géorgiques pour louer le tra-

« Je vous ferai du pain comme vous n'en avez jamais vu, et dans ce pain il y aura de l'amour et aussi de l'amitié » déclame Raimu dans la Femme du boulanger de Marcel Pagnol. Le Pain Solstices pourrait très bien être celui-là. Alors, il est grand ce petit ? Pas trop. C’est une miche tout en rondeur, avec une croûte foncée, sertie sur son front de trois gros grains d’épis de pâte légèrement poudrés de farine. Sa mie humide et aérée est parsemée de bulles alvéolées. La couleur du Solstices évoque le chocolat au lait ou le malt torréfié. C’est ce qui le différencie d’un pain bis habituel, plus serré. Quand on le déguste, c’est une légère note acidulée qui se décline en arômes agréables, suivis

de saveurs un brin poivrées, voire cacaotées. Ses qualités gustatives et sa texture ne sont pas éphémères : plus aérien qu’un pain noir courant, il conserve ses propriétés plusieurs jours, grâce à un pétrissage lent et une fermentation longue du pâton. A côté du traditionnel pain vaudois blanc ou mi-blanc (le Pain à la Croix) en perte de vitesse et de plus en plus marginal, le Solstices a le vent en poupe. Tranché sur la table du petit déjeuner ou rompu allégrement pour qu’il puisse se mouiller dans une soupe, le petit nouveau accompagne particulièrement bien les mets apéritifs et les fromages. Avec un verre de vin des vignobles vaudois, il sera encore meilleur… Pej

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Produit du terroir en fête

« Un esprit festif et populaire, avec des valeurs sûres, des choses simples accessibles à tout le monde. Les gens ont besoin de se retrouver, de se rassembler autour de ces valeurs en premier lieu. » Jacky Delapierre, président de la manifestation

vail des agriculteurs et la culture des champs. « Priez pour avoir des solstices humides et des hivers sereins, ô laboureurs ; de la poussière en hiver est signe d'épeautre très abondant, de récolte abondante ». L’esprit de la Fête du Blé et du Pain, ce n’est rien d’autre que tout cela. Il suffit de se replonger avec délectation dans les souvenirs de Charles Apothéloz, quand il évoque la genèse de la toute première fête paysanne du Gros-de-Vaud mise sur pied autour de la célébration du blé et du pain. C’était en 1978. Instigateur –parmi une brochette de passionnés– de cette liesse populaire et auteur du livret du spectacle, Charles Apothéloz raconte qu’un

soir, un paysan d’Echallens avait parlé de son métier, en souhaitant entendre narrer et chanter les travaux de la chaîne du pain partagé, de l’éleveur de blé à l’artisan boulanger. Le besoin d’exprimer une effervescence autour du bon pain avec tous les corps de métier concernés, comme une grande parabole. Le destin d’un grain de blé Cette fête est née de presque rien, poursuit le poète : « D’une rencontre et d’un besoin, celle d’un homme qui disait : je suis paysan, près d’Echallens, je laboure la terre, je sème le grain, je moissonne le blé tous les ans ; le meu-

nier moud la farine à son moulin, le boulanger pétrit la pâte, chaque jour, et son levain. Ainsi je fais ma vie belle en faisant ma part du pain, je me sens solidaire, ne suis pas seul, me sens bien. (…) Ainsi est née une fête, avec une harmonie et un grand chœur. » Un grand cœur tout court, cela coule de source. C’est encore aujourd’hui ce qui prévaut pour l’édition 2018 de cette Fête du Blé et du Pain. « Un esprit festif et populaire, avec des valeurs sûres, des choses simples accessibles à tout le monde, explique Jacky Delapierre, président de la manifestation. Les gens ont besoin de se retrouver, de

The Solstices Bread Loaf, the Hero of the Wheat and Bread Festival This is the first time that a special loaf of bread has been made for the Wheat and Bread Festival. The unique recipe was jointly created by farmers’ guilds, millers and bakers. The loaf is round and rustic. The three, flour-dusted wheat grains on the top are replicas of the logo of the Solstices Festival, the event that will take place this summer, in Echallens. When broken, this crunchy loaf reveals its creamy brown, faintly crimson crumb.

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Now in its the fourth edition, the Festival has created the official loaf to bolster popular enthusiasm. “What we need is a festive and popular atmosphere with simple, tried-and-trusted favourites that everyone can afford”, explains Jacky Delapierre, the event president. “Above all, people want to come together and share common values”. To enjoy bread and other affordable terroir produce and understand how it is transformed into foodstuffs thanks to

traditional know-how, you need the right mindset and an appreciation of a healthy lifestyle. “This festival must have coherence. The public must be able to share these values and take an interest in the wheat-to-bread transformation process, the relationship between the farmers, millers and bakers which is at the centre of our festival. “We are going to decorate the main street of Echallens with images showing the production chain from

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Produit du terroir en fête

Luc Polli, ultime maillon du Solstices Il est gestionnaire de la Maison du Blé et du Pain à Echallens depuis vingt ans. Luc Polli, digne représentant de la dynastie boulangère éponyme, c’est en quelque sorte l’âme de cet antre modèle. Inaugurée en 1989, la société abrite une boulangerie, un restaurant tea-room et un musée. Elle découle directement de l’enthousiasme généré par la première Fête du Blé et du Pain de 1978, comme un hommage aux gestes ancestraux du paysan, du meunier et du boulanger, avec les témoignages des anciens et la conservation des objets de jadis. Luc Polli est donc l’un des instigateurs et l’un des artisans qui a imaginé et conçu ce pain de la fête, le Pain Solstices. « C’est une première, précise le boulanger. Une manière de m’impliquer pleinement dans l’authenticité de la fête, avec la volonté d’abord personnelle de collaborer avec le Moulin d’Echallens et le monde agricole de la région du Gros-de-Vaud. » L’idée d’une nouvelle recette de pain tout exprès dévolu à l’édition 2018 de la Fête du Blé et du Pain a donc pour ainsi dire germé au mois de novembre 2016. Luc Polli caresse déjà l’envie de créer un pain insolite, original, à la mie foncée. D’autant qu’il sait qu’une variété de blé pourpre, régionale, existe au Moulin d’Echallens: le Vanilnoir (voir interviews ci-après). Le boulanger entreprend plusieurs essais avec de la farine issue de ce blé du cru : « Je cherchais une coloration soutenue. Le blé Vanilnoir, rouge pourpre pouvait convenir. Après quatre tests, deux résultats se sont avérés bluffants. Alors j’en ai gardé une version pour moi, un pain maison de couleur crème comme je le désirais. L’autre, le pain dédié à la fête, je l’ai soumis au meunier qui a retravaillé le mélange de farine pour assombrir la mie. ». Luc Polli ajoute que la recherche de la forme a été confiée au vice-président de la fête Laurent Magnin. Le pain a pris ensuite le nom du futur spectacle, « Solstices » et ses trois grains de blés façonnés sur le dessus sont inspirés du logo du spectacle. Une marque distinctive qui permet d’identifier le nouveau pain d’un seul coup d’œil. Le succès est au rendez-vous :

déjà star locale, le pain Solstices a obtenu la médaille d'argent au concours suisse des produits du terroir au début de l’automne passé à Courtemelon dans le Jura. Luc Polli espère maintenant que le Pain Solstices se pérennisera après la fête. « S’il continuera à avoir du succès sur le long terme ? Ça c’est le consommateur qui le dira. Ce pain, c’est dans tous les cas un défi magnifique qui est tombé à pic. On a pu travailler des matières premières différentes et une farine peu courante pour exciter et doper notre créativité. » Pej

Luc Polli, boulanger et gestionnaire de la Maison du Blé et du Pain, l'un des concepteurs du Pain Solstices p

the farm worker to the finished product. Cereal producers will display their flour products in the main square”. The leitmotif The leitmotif that runs through the whole event, the festival and the show,

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is the Solstices Bread Loaf. It’s also the name of the show. This is the first time that a bread loaf has been created specially for the Wheat and Bread Festival in Echallens. It highlights the essential feature of the festival which is to celebrate the different professions that contribute

to making this universal food. “It’s also an opportunity to create awareness of the ancient Vanilnoir wheat variety, typical of our region. The new loaf is produced entirely in Vaud, the bread basket of Switzerland – which provides a third of the cereals cultivated in the country

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se rassembler autour de ces valeurs en premier lieu. » Manger du pain ou des produits du terroir à un prix abordable, comprendre ces denrées issues de la terre et d’un savoir-faire professionnel, c’est donc davantage un état d’esprit, un symbole du bien vivre et du bien manger. « Il faut donner une cohérence à cette fête, poursuit Jacky Delapierre. Le public doit ressentir ces valeurs, y percevoir du sens et une union forte. » L’union, c’est justement cette trilogie corporative qui scelle le destin du blé et du pain, au centre de la fête. « On va couvrir la grand-rue d’Echallens avec des toiles qui feront défiler tous les travaux de la chaîne, depuis le laboureur jusqu’au produit fini. La filière des céréaliers va investir la place centrale avec des créations à base de farine. » Un fil rouge plutôt pourpre Cette année, le défi a été de trouver un fil rouge qui puisse sublimer les deux aspects de la manifestation, la fête et le spectacle. Et ce lien conducteur,

– and has become a symbol of the festival and of the region. It’s a truly regional product. Let’s hope it outlasts the festival. The Solstices loaf has already become a flavoursome ambassador of the Vaud Canton - it has travelled to Japan and Canada - and the possibility of creating a brand identity is under consideration. In the meantime, local bakeries are playing the game and have been busy making the festival bread since last summer. This purplish brown Solstices loaf, with three grains of wheat as its emblem, has become the spirit and the engine of the festival. It is a round loaf with a dark crust. The crumb is moist and airy – far more so than our usual brown bread - and its colour is rather like that of milk chocolate or roasted malt. It has a mildly sour and pleasantly aromatic taste, with notes of pepper and chocolate. It keeps its fla-

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nous y voilà, c’est le Pain Solstices, qui a pris tout naturellement le nom du spectacle de la fête. C’est donc la première fois qu’un pain est créé exprès pour la Fête du Blé et du Pain d’Echallens. Une manière de surcroît de sublimer l’essence même de la fête, cette ode qui magnifie les métiers et les étapes successives de l’élaboration de cette nourriture universelle. « C’était aussi l’occasion de remettre en lumière une ancienne variété de blé, propre à la région, le Vanilnoir, renchérit Jacky Delapierre. Ce nouveau pain vaudois, issu directement du grenier de la Suisse -qui fournit le tiers des céréales cultivées dans le pays- devient lui-même symbolique et carrément un incontournable de la fête et d’une contrée. C’est vraiment un produit régional. On espère qu’il va perdurer après la manifestation. » Chevaliers du Bon Pain enthousiasmés Le Pain Solstices est d’ores et déjà un appétissant ambassadeur du can-

vour and texture for several days, thanks to the slow kneading and long fermentation of the dough. Compared to our white or semi-white bread (Pain à la Croix), whose popularity is gradually declining, the Solstices loaf is thriving. This innovative bread can be sliced for breakfast or broken into a soup and is perfect for aperitif canapés or as an accompaniment to cheese. It’s even better with a glass of Vaud wine! The show (15-26th August) The focus is on the four elements - earth, water, air and fire - that go into making bread, while the main actors of the farmto-table chain, the farmers, the millers and the bakers are the protagonists of the show. The intention of those who created the show was to bring people together and reinvent a local, Gros-de-Vaud my-

ton de Vaud. Il a dès lors notamment voyagé au Japon et au Canada… Des discussions sont même en cours quant à une éventuelle labellisation. Quant aux Chevaliers du Bon Pain, ils accueillent ce nouveau pain avec enthousiasme. «  C’est une bonne nouvelle pour l’image de la boulangerie vaudoise, à l’heure où le pain industriel prend toujours plus de place, se réjouit Yves Girard, chancelier à la Confrérie vaudoise des Chevaliers du Bon Pain. » En attendant, les boulangeries locales jouent le jeu, les fournils de la région crépitent et le pain de la fête y est déjà vendu depuis cet été. Avec sa mie brun pourprée et ses trois grains de blés en guise d’écusson, le Solstices est en tout cas l’esprit et le moteur de la fête. Il lui infuse tout son sens, comme pour confirmer encore une fois le sentiment de Charles Apothéloz : « Un grand bonheur au fond du cœur, quand on chante les labours, les semailles, le blé levé et menacé, et les moissons, les métiers, les meuniers, les boulangers. »

thology. It’s the story of three characters in the Middle Ages who are searching for food to put an end to the famine in their village. The place looks like Echallens in ancient times with a well-imagined medieval atmosphere and setting. Four ancient figures represent the four elements of nature as well as the grain that germinates, the rain that makes the ears of wheat grow, the mill that produces the flour and the heat that transforms the dough into bread. The epic story pays tribute to those involved in the wheat to bread process and reaches its climax when the different elements are assembled and the natural ball of energy, the bread loaf, is made. Fête du Blé et du Pain (Wheat and Bread Festival), 15-26th August 2018 www.echallens2018.ch

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Produit du terroir en fête

Une histoire de collaboration Sans le trio associatif agriculteur-meunier-boulanger, pas de pain. Encore moins l’émergence d’un petit nouveau. Avant les talents du bout de la chaîne, les as du pétrissage, du façonnage et de la cuisson parfaite, il y a ceux qui savent sublimer le grain, de la pousse au broyage. La parole à deux protagonistes liés de près à la première élaboration du Pain Solstices, Alexandre Fontannaz, agriculteur à Bettens, et Olivier Sonderegger, directeur de la coopérative Landi Gros-de-Vaud, dont fait partie le moulin artisanal d’Echallens. - Comment est né le grain Vanilnoir ? Alexandre Fontannaz : Cette variété de blé tendre à grains pourpres est le fruit d’un croisement réalisé en 2001 à l’Agroscope de Changins, entre une lignée de très haute qualité boulangère et une variété à grains pourpres. Il a été baptisé Vanilnoir en 2013, après plus de dix ans de sélection. Voilà pour la théorie. Le challenge, ça a été de faire découvrir une nouvelle sorte de blé qui n’avait jamais vraiment bien marché jusque-là, son assez faible rendement n’ayant pas trop intéressé la grande distribution. Olivier Sonderegger : Parmi les clients de notre coopérative agricole figure la maison du Blé et du Pain gérée par Luc Polli, qui souhaitait un pain avec une mie crème. Nous avons donc réactivé cette variété de blé particulier, pas si ancienne que ça en fin de compte, puisque le croisement a été fait au début des années 2000. Si le résultat n’a pas été vraiment abouti à l’époque, ce critère de couleur a par contre parfaitement collé avec le ton du spectacle et son côté moyenâgeux et rustique. Après les essais, les Chevaliers du Bon

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Pain et le comité de la fête ont validé le nouveau pain et bien sûr la farine qui le compose. - Quel est la particularité de cette variété de blé Vanilnoir? A.F. : L’épi Vanilnoir, on ne le reconnaît pas du premier coup d’œil quand on scrute un champ de blé. On observe une différence une fois seulement qu’il est épié, c’est-à-dire quand on distingue son épi. Celui du Vanilnoir n’est pas jaune doré, mais brun. Les semences aussi sont beaucoup plus foncées par rapport à celles des autres blés. J’ajoute que le fait d’avoir pu participer à un projet commun nous a beaucoup motivé. J’espère que ça va continuer !

p Mélanie

Sonderegger, responsable du Moulin d'Echallens et Amaury Leibundgut, meunier

O.S : Une belle poignée d’agriculteurs ont joué le jeu et ont effectué des semis au printemps 2017, alors qu’habituellement ils sèment à l’automne. Mais les bonnes conditions météo ont permis de récolter une cinquantaine de tonnes de Vanilnoir. On a réceptionné les lots en été, et après les avoir séchés, triés, et on a commencé à élaborer une mouture non intégrale, pour garder une partie de l’enveloppe. C’est grâce à elle que l’on va retrouver cette couleur foncée justement recherchée. Il n’y a aucun malt torréfié pour teinter la farine, comme on le ferait avec certains pains à mie sombre. La farine du Pain Solstices, elle est totalement naturelle… et c’est toute une aventure ! Propos recueillis par Pej

Alexandre Fontannaz, agriculteur à Bettens, cultivateur du blé tendre à grains pourpres p

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Produit du terroir en fête

Solstices: le pitch du spectacle

Tout tourne autour des fameux 4 éléments qui permettront de fabriquer du pain : la terre, l’eau, l’air et le feu. Les trois professions de base sont bien sûr à l’honneur dans le spectacle visuel et sonore : le paysan, le meunier et le boulanger. Les concepteurs de Solstices se veulent rassembleurs et se sont donné comme ambition de réinventer la mythologie du Gros-de-Vaud. Ils font évoluer au début du bas Moyen Age trois personnages à la recherche de vivres pour mettre un terme à la

famine qui sévit dans leur village. Le lieu évoque un antique Echallens réimaginé dans une ambiance et des décors fantastiques. Quatre figures archaïques représentent les quatre éléments de la nature, mais elles sont aussi censés symboliser le grain de blé qui germe, la pluie qui fait pousser l’épi, le moulin d’où sort la farine, et la chaleur qui cuit le pain. En rendant hommage aux métiers du blé et du pain, le conte épique atteint son apothéose dans l’assemblage des éléments et l’élaboration de « cette boule de nature et d’énergie qu’est le pain ». Pej

LA FÊTE DU BLÉ ET DU PAIN  Le spectacle en plein air est joué sur une scène de 2000 m2 à 8 reprises par 500 acteurs et figurants accompagnés de 200 chanteurs. « Solstices » est écrit par 4 auteurs : David Deppierraz, Denis Correvon, Stefania Pinelli et Yasmine Saegesser. La musique est l’œuvre de Daniel Perrin. Ses compositions sont dirigées par le chef de chœur Dominique Tille, et la mise en scène est signée Michel Toman. Un cortège aura lieu le dimanche après-midi 19 août, dans les rues du bourg. Y participeront notamment la Confrérie du Guillon et la Confrérie vaudoise des Chevaliers du Bon Pain. 40’000 spectateurs sont attendus. Le budget de la Fête du Blé et du Pain se monte à plus de 5 millions de francs.

QUAND? Du 15 au 26 août 2018, ouverture des portes à 19h LIEU DU SPECTACLE Place de Court-Champ, située à l’entrée sud du Bourg d’Echallens. TARIFS (CHF) Adultes de 70.- à 100.Enfants (6-15) de 35.- à 50.Maison du Blé et du Pain Place de l'Hôtel de Ville 5 1040 Echallens www.maison-ble-pain.com INFOS ET RÉSERVATION

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Relève en terre vaudoise

A l’aube d’une nouvelle ère Bien qu’ils n’aient pas la trentaine, ils ont pris les commandes de domaines viticoles emblématiques. Rencontre avec quelques-uns de ces jeunes qui feront le vin vaudois des trente prochaines années.

© Philippe Dutoit

Alexandre Truffer

MARJORIE BONVIN Badoux Vins – www.badoux-vins.ch En 2014, vous êtes devenue, à l’âge de 26 ans, la deuxième femme – dix ans après la neuchâteloise Janine Schaer – à obtenir la maîtrise fédérale de caviste. Pouvez-vous nous parler de votre situation professionnelle actuelle ? Je fais partie de l’équipe de cavistes de la maison Badoux, qui a pour tâche de transformer en vin le raisin reçu à la cave. En outre, depuis 2013, j’ai été nommée responsable de la vinification des domaines des Hospices Cantonaux (8 hectares sur Aigle et Villeneuve) et du Clos du Chillon (1,2 hectares). Je discute beaucoup avec Daniel Dufaux, le directeur de Badoux, et Philippe Meyer, le responsable des domaines du canton, mais j’ai carte blanche pour prendre les décisions à la cave.

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Deuxième femme à obtenir la maîtrise fédérale de caviste en Suisse romande, Marjorie Bonvin travaille pour la maison Badoux. Depuis 2013, elle est responsable de la vinification des cuvées des Hospices cantonaux d’Aigle et de Villeneuve ainsi que des crus du Clos de Chillon, attaché au célèbre château. Sous sa direction, certains chasselas de ces domaines à la réputation jusqu’alors plutôt mitigée se sont classés au sommet du Mondial du Chasselas (4e place ex aequo pour l’Aigle et le Villeneuve des Hospices cantonaux du millésime 2013 et 4e place et Prix de la Presse pour l’Aigle 2016). « Des résultats qui récompensent le travail de toute une équipe », explique cette professionnelle qui explique ne pas être née dans une famille vigneronne, mais avoir découvert la vigne avec son grand-père qui avait acheté quelques parcelles de peur de s’ennuyer à la retraite. « Depuis l’âge de huit ans, j’ai toujours su que je voulais faire ce métier. Comme je n’imaginais pas apprendre à faire du vin sans savoir cultiver de la vigne, j’ai commencé par faire un CFC de viticultrice avant de poursuivre par un apprentissage de caviste et de continuer par le brevet de caviste puis une maîtrise fédérale, une voie qui me semblait moins théorique que la filière d’œnologue ».

On parle beaucoup des œnologues, rarement des cavistes ou maîtrescavistes. Qu’est–ce qui les différencie ? Le caviste fait les travaux de cave qui sont décidés par l’œnologue ou le maître-caviste. Lorsqu’il a fallu choisir entre une formation d’ingénieur à Changins ou la filière brevet-maîtrise, j’ai opté pour la deuxième solution. Le concept d’alternance qui permet de mettre en pratique la moitié de la semaine ce que l’on a appris le lundi et le mardi m’intéressait plus qu’un cursus

100% scolaire. Malgré les différences dans la formation, le travail quotidien d’un œnologue et celui d’un maîtrecaviste se ressemblent beaucoup. L’Aigle Les Murailles est la plus importante marque de vin suisse, comment aborde-t-on un tel monument ? C’est un vin comme un autre. Tous les cavistes de Badoux travaillent sur Les Murailles, même les apprentis. Comme c’est une marque, nos clients apprécient de retrouver le même style

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Relève en terre vaudoise

chaque année, ce n’est donc pas sur ce vin que l’on réalise des expérimentations. Vous avez remporté le Prix de la Presse au Mondial du Chasselas 2017. Quel regard portez-vous sur ces concours ? Les prix récompensent un travail d’équipe, aussi bien à la vigne qu'à la cave. Les concours nous permettent de voir à quel niveau nos vins se situent par rapport aux autres producteurs, mais si le vin n’obtient pas de médaille, ce n’est pas grave. Bien entendu, remporter un prix spécial fait extrêmement plaisir et valide les choix de vinification opérés. Jeune et femme : ces attributs sont-ils des atouts ou des obstacles au niveau professionnel ? Même si chacun dit que le monde du vin commence à s’ouvrir, cela reste une profession relativement macho. Pour que l’on m’accepte, j’ai dû faire mes preuves. Tout le monde n’acceptait pas de voir arriver une petite gamine qui voulait tout révolutionner en cave. En 2016, quelqu’un m’a encore expliqué que les femmes n’avaient rien à faire à la cave. Et pourtant, je pense que les femmes, qui ont le palais souvent plus fin, et sont

plus minutieuses, apportent quelque chose de plus. Personnellement, je suis assez exigeante. Il faut que les travaux soient faits comme je le demande, sinon ça ne va pas. Dans ce contexte, l’obtention de la maîtrise fédérale m’a ouvert beaucoup de portes et m'a énormément aidée. Quelles sont vos ambitions pour le futur ? Plusieurs idées me trottent dans la tête. J’aimerais bien transmettre ma passion et mes connaissances. Sans forcément ouvrir ma propre cave, je voudrais également élaborer des vins qui portent ma signature. Dans le cadre de mon travail actuel, je réfléchis à une cuvée un peu folle pour le savagnin blanc que nous avons planté l’an passé sur les domaines des Hospices cantonaux.

a coïncidé avec plusieurs innovations, entre autres au niveau de la diversification des vins, mais ces évolutions ont été initiées par mon père. Il a planté les cépages qui donnent aujourd’hui naissance aux nouvelles cuvées comme le brut ou la syrah du Dézaley, tandis que j’ai poursuivi la diversification en introduisant le plant robert et le gewürztraminer.

JEAN DUBOUX Marc et Jean Duboux www.domaine-duboux.ch La reprise d’un domaine est-elle synonyme de continuité ou de renouveau ? Je suis revenu sur le domaine il y a cinq ans, mais la reprise au sens propre s’est faite en janvier 2017. Mon arrivée

© Philippe Dutoit

The Beginning of a New Era They are not even thirty years old but are already managing some of our leading wine estates. We met some of these young leaders who will be making our Vaud wines for the next thirty years. MARJORIE BONVIN Badoux Vins – www.badoux-vins.ch Marjorie Bonvin is the second woman in the French-speaking part of Switzerland to have obtained a Federal Diploma of Cellarman Studies. She has been working at Badoux Vins since 2013

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and oversees the vinification of the Hospices Cantonaux wines of Aigle and Villeneuve as well as the Clos de Chillon, that is attached to the famous Chateau. Under her management, some of the Chasselas wines of these estates have won top awards at the Mondial du Chasselas: a joint 4th place for the Aigle and Villeneuve Hospices Cantonaux 2013, and a 4th place and Press Prize for the Aigle 2016. There’s much talk about oenologists but very little about cellarmen or cellar

masters. How different are they? The cellarman carries out the work in the wine cellar as indicated by the oenologist or the cellar master. When I had to choose between Bachelor studies at Changins or the Federal Diploma, I opted for the latter. Although the studies are different, there is not much difference between the day-to-day work of an oenologist and that of a cellar master. You’re young and you’re a woman. Professionally speaking, is that an advantage or a hindrance?

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Au cœur de Lavaux, dominant un panorama féérique sur le lac et les Alpes, le caveau de la famille Duboux peut recevoir jusqu’à 80 personnes. Installé dans ce cadre convivial, on savoure les vins de ce petit domaine familial d’à peine trois hectares. A côté des classiques de Marc-Henri Duboux : le Riex, l’Epesses, le Calamin, le Dézaley et deux assemblages – rouge et rosé à base de pinot noir et de gamay – on peut découvrir les spécialités portant la patte de son fils Jean. Les variétés emblématiques de la Bourgogne et du Beaujolais restent à la base des trois blancs de noirs, deux bruts – l’un en assemblage, l’autre composé uniquement de pinot noir – et un vin tranquille, la Constance Ephémère 2015, une cuvée expérimentale qui varie à chaque millésime. Que les amateurs de rouge se rassurent: le plant robert et l’assemblage élevé en barrique ont de quoi les contenter. Et même si la syrah du Dézaley est produite en très faibles quantités, ils auront de quoi s’enthousiasmer.

Comment a réagi la clientèle lors du changement de génération ? Chaque fois que des clients venaient au domaine, mon père m’a présenté afin d’assurer cette transition. Je pense donc que la clientèle développée par mes parents devrait rester fidèle au domaine malgré les évolutions résultant du changement de génération. D’autant plus que, pour symboliser la douceur de la transition, nous allons garder le nom Marc et Jean Duboux pendant quelques années.

Even though people say that the world of wine is starting to open up, it’s still a relatively macho profession. To get accepted, I’ve had to prove myself. Not everyone was keen on seeing a girl wanting to revolutionise the wine cellar. Only two years ago someone told me the wine cellar was no place for women! JEAN DUBOUX Marc and Jean Duboux www.domaine-duboux.ch The tasting cellar at the Duboux family estate that lies at the heart of the Lavaux region commands a magical, panoramic

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view over the lake and the Alps and can accommodate eighty people. Here, in a convivial atmosphere, one can taste the production of this small, barely threehectare domain and, in addition to Marc-Henri Duboux’s classics, one can discover specialities that bear the mark of his son Jean. Does taking over an estate mean continuity or renewal? I came back to the estate five years ago, but actually took it over in January 2017. My arrival coincided with several innovations initiated earlier by my father. He had planted some grape varieties that

Quelle touche personnelle apportezvous au domaine familial ? Outre la diversité, j’apporte beaucoup de soin à notre Calamin Grand cru, qui est depuis très longtemps le vin phare du domaine. En ce qui concerne la commercialisation, j’ai intensifié le démarchage auprès des restaurants et je m’efforce de participer régulièrement à des manifestations, car rien de remplace le contact direct avec la clientèle.

CATHERINE CRUCHON Domaine Henri Cruchon www.henricruchon.com La reprise d’un domaine est-elle synonyme de continuité ou de renouveau ? Je pense que mon oncle et mon père ont beaucoup d’expérience et que j’ai beaucoup de choses à apprendre. Mais comme chaque millésime amène de nouveaux défis, il faut trouver de nouvelles approches œnologiques, ce qui laisse la possibilité aux nouvelles idées de s’exprimer. Il faut toutefois rester conscient que ces adaptions ne sont pas des révolutions. L’objectif du domaine est d’offrir une régularité dans l’excellence, ce qui exclut d’expérimenter des nouveaux concepts à tout moment.

are now producing new wines such as the Dézaley Brut or Syrah. I have continued with the diversification process and have introduced the Plant Robert and Gewürztraminer varieties. How do clients react to the generational change? To ensure a smooth changeover, my father always introduced me to the clients that came to the estate. So, despite the change, I believe that the clientele developed by my parents will remain loyal to our estate.

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U N S AV O I R - FA I R E R E C O N N U A U S E R V I C E D E N O S V I G N E R O N S D E P U I S 1 9 7 9

O s e z l ’e x c e p t io n ! Donne z u n e n o u v e l l e âm e à votre vin ! Vinifier son vin dans une cuve ovoïde en bois est une excellente opportunité de donner une nouvelle lettre de noblesse à l’un de vos nectars.

Les vins ainsi élaborés sont plus aboutis et naturellement plus expressifs car cette forme développe des arômes très fins avec une structure harmonieuse.

Schéma du mouvement des lies

La f o r m e o v o ï d e i n d ui t et fa c i li t e di fférent s mo uvements, p er c ep t i b l e s ( m ai n ti e n e n susp ensi o n des li es) o u i mperc eptible s ( m o uv e m e n t b ro wni en, vo rt ex ) lesq uels p a rt i ci p ent à l ’ é l ab o r ati o n de vi ns p lus co mp lex es. C h a q u e exé cu t i o n e st un objet d’art ! Réservez dès à prése nt vo t re cu ve d e 500, 800 ou de 1000 litres To nne l l e r i e Hü s l e r . Route Ind ust rie lle 1 . CH - 1806 St-Lé g ie r . T.021 926 85 85 . in fo@ tonneau-husl er.ch

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Relève en terre vaudoise

Le plus célèbre domaine de la région de Morges a été fondé en 1976 par Henri Cruchon, rejoint plus tard par ses deux fils, Michel, spécialiste de la vigne, et Raoul, œnologue de talent. Vinifiant la vendange de 42 hectares répartis sur une centaine de parcelle, l’entreprise se distingue par une gamme de vins très large dans laquelle se mêlent des cépages peu courants comme l’altesse, des variétés dites internationales comme le chardonnay ou la syrah et des classiques helvétiques, tels le chasselas ou le pinot noir, déclinés en sélections parcellaires. Depuis une dizaine d'années, le domaine s’est fait connaître par son intérêt pour la biodynamie et propose quelques vins arborant le label Demeter. Toujours à la pointe de la modernité, la cave propose aussi depuis peu des cuvées sans sulfites ajoutés. Cave familiale par excellence, l’entreprise a vu arriver en 2010 la troisième génération en la personne de Catherine, ingénieure-œnologue, qui vinifie la trentaine de cuvées du domaine en partenariat avec son père, Raoul.

Quelle touche personnelle apportezvous au domaine familial ? En ce qui concerne l’œnologie, nous travaillons en général en duo. Mais pendant les vendanges, je m’occupe plus spécifiquement des rouges tandis que mon

père est plus accaparé par les blancs. En outre, j’ai repris tout ce qui tourne autour de la communication numérique (site internet, réseaux sociaux).

CATHERINE CRUCHON Domaine Henri Cruchon www.henricruchon.com

company in 2010. Together with her father, Raoul, she is in charge of vinifying the thirty or so estate wines.

This well-known estate in the Morges region was founded in 1976 by Henri Cruchon, who was later joined by his two sons, Michel, a vineyard expert, and Raoul, a talented oenologist. Wine is made from the grapes harvested from 42 hectares of vineyards, divided into about 100 parcels, which means the company produces a remarkably broad range of wines. A third-generation oenologist, Catherine, joined the family

Does taking over an estate mean continuity or renewal?

As we are well-known for being a family estate, our clients are happy to see a third generation arrive on the scene. But since I look young, people often think I’m only eighteen or twenty and have only just finished my training.

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© Bertrand Rey

Comment a réagi la clientèle lors du changement de génération ? Comme nous sommes réputés pour être un domaine familial, les clients sont heureux de voir la troisième génération. Mais comme je parais assez jeune, les gens pensent souvent que j’ai dix-huit ou vingt ans et que je viens de terminer mon apprentissage. Quand ils m’entendent parler des vins que je vinifie depuis plusieurs années, il y a donc souvent une réaction de surprise…

I think my uncle and my father have a lot of experience and I have a lot to learn from them. But every vintage creates new challenges that call for new oenological approaches and innovative ideas.

suite de l'article p.45

How have clients reacted to the generational change?

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Le tabac transforme les pensées en rêves Victor Hugo

TABAC BESSON Magasin spécialisé dans la vente de tabacs, cigares et spiritueux Rue de Bourg 22 - 1003 Lausanne Tél. 021 312 67 88 tabacbesson@bluewin.ch www.tabac-besson.ch


En 1983, Daniel Marendaz crée la Cave de la Combe à Mathod. Cinq ans plus tard, il décide de se lancer dans l’aventure des effervescents. Pionnier de la bulle vaudoise à une époque où seule l’entreprise neuchâteloise Mauler était active dans l’élaboration de méthodes traditionnelles, Daniel Marendaz investit dans des machines qu’il rentabilise en réalisant la prise de mousse pour des tiers. Le 21e siècle coïncide avec le boom des effervescents et le domaine qui élaborait 12'000 bouteilles de bulles en 2005 flirte désormais avec les 70'000 cols. Si Daniel Marendaz reste aux commandes de la partie « bulles » pour des tiers, Valérie, sa fille, a repris les rênes du domaine familial de six hectares en 2016. L’arrivée de l’ingénieure-œnologue de 26 ans s’est accompagnée de changements importants à tous les niveaux. Père et fille ont fait coïncider le passage de témoin avec un rhabillage des étiquettes. Arrêt des herbicides, macérations plus longues, cuvée expérimentale et développement d’ateliers de dégustation font partie des marqueurs de cette transition.

VALÉRIE MARENDAZ Cave de la Combe Marendaz www.cave-combe.ch La reprise d’un domaine est-elle synonyme de continuité ou de renouveau ? La continuité est toujours au cœur de la reprise d’un domaine familial. Mais c’est aussi un challenge, car c’est l’occasion de mettre en place des inno-

VALÉRIE MARENDAZ Cave de la Combe Marendaz www.cave-combe.ch In 1983, Daniel Marendaz set up Cave de la Combe in Mathod. Five years later, he decided to go into sparkling wines. He invested in machines and made his business profitable by carrying out the carbonation process for third parties. In 2005 he was making 12,000 bottles of ‘bubbly’, whereas today the volume is Le Guillon

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vations, de faire de nouveaux essais et par là-même de créer en quelque sorte sa propre marque. Comment a réagi la clientèle lors du changement de génération ? Tout le monde se montre très content de voir que l’entreprise continue. De plus, je suis très heureuse, car les clients de mon père, et même ceux de mon grand-père continuent à appré-

© Philippe Dutoit

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cier les vins que je fais. Lors de nos portes ouvertes, ils se mélangent aux consommateurs de ma génération, ce qui est un symbole très positif. Quelle touche personnelle apportezvous au domaine familial ? Outre le renouvellement des étiquettes et des techniques de vinification, j’ai modernisé la communication du domaine. Nous n’avions ni site internet, ni présence sur les réseaux sociaux. Sans oublier, le développement des ateliers de dégustation, une activité qui commence à prendre une certaine ampleur.

close to 70,000. Daniel has remained at the head of the ‘sparkling’ division, while his 26-years-old oenologist daughter, Valerie, took over the management of the six-hectares family estate in 2016.

tunity to introduce innovations, carry out tests and experiments, and sort of create one’s own trademark.

Does taking over an estate mean continuity or renewal?

Everyone is happy to see the continuity of the company. Besides, I’m very happy that my father’s clients, and even my grandfather’s, continue to appreciate the wines I make.

Continuity is always the main focus when taking over a family estate. But it’s also a challenge, and provides the oppor-

How have clients reacted to the generational change?

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Lauriers de platine 2017

Un Aigle s’impose, c’est une première Eva Zwahlen Photos : Pascal Besnard

« Dans les vignes, nous travaillons le plus possible de manière biologique… » Jonas Dubois, résponsable des vignes et du verger au Domaine d'Aucrêt

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Ces dernières années, à chaque nouvelle édition des Lauriers de Platine, un Féchy remportait la mise. Suspense pour la dixième où figurait à nouveau un Féchy en finale. Mais la victoire est allée à un Aigle vinifié à Lavaux. « En fait, le 16 novembre, je voulais aller à Zurich, à Expovina où nous tenons toujours un stand…  », commente Michel Blanche, qui écoule, en effet, plus de la moitié de ses vins en Suisse alémanique. Mais comme les producteurs des autres vins finalistes, l’homme est resté dans sa maison, à attendre l’appel libérateur. La probabilité qu’il reçoive la distinction était relativement élevée, puisque, comme deux autres vignerons, il pouvait compter sur la présence, parmi les 16 finalistes, de deux vins : l’élégant, très agréable, Saint-Saphorin Grand Cru, ainsi que le puissant, très minéral, Aigle Grand Cru. Ce dernier s’est imposé sans faire de chichis : il a gagné à chaque tour de piste et cueilli donc au final la couronne de platine. L’a suivi le Féchy Délices de Pierrot de Pierre-Louis et Thierry Molliex, vainqueur en 2013. En troisième position s’est classé le Villette Les Echelettes de Jean-Daniel Porta, et en quatrième, l’Yvorne Grand Cru Domaine de la George des Celliers du Chablais.

Des moines à l’origine Le Domaine d’Aucrêt, qui déroule ses vignes en terrasses face au lac et aux Alpes à 630 m sur les hauts de Cully, a une longue histoire. Il était jadis propriété de la célèbre abbaye cistercienne d’Aucrêt à Palézieux, dont les moines participèrent au défrichement du Dézaley. En 1575, l’ancêtre de Michel, Nycolas Blanche reçoit Aucrêt comme fief. Depuis cette date, il reste possession de la famille. Et cela devrait continuer ! Le domaine compte aujourd’hui 10 hectares de vignes et cinq d’arbres fruitiers. Distillation et production de spiritueux constituent le deuxième pilier des Blanche, qui dans les années 1990 ont repris de nombreuses licences ainsi que la distillerie Daeppen. Aujourd’hui, Michel Blanche offre ses services de distillation « à façon » à Cully, Fey et Vullierens. L’équipe de Michel Blanche se compose du chef de cave Julien Frasnetti, qui vinifie les vins du domaine depuis quatorze ans, et de Jonas Dubois, un Français du sud, de Fitou, qui s’occupe

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Thierry Molliex (2e), Riccardo Mattei (Celliers du Chablais, 4e), Jean-Daniel Porta (3e) p

Remise du prestigieux diplôme à Michel et Cathy Blanche par le Conseiller d'Etat Philippe Leuba t

des vignes et des arbres fruitiers depuis six ans. Entre le sémillant Jonas, le réservé Julien et l’apaisant Michel, le trio fonctionne bien. Ensemble, ils racontent l’évolution de leur travail : «  Nous sommes revenus à toujours plus de simplicité; nous retournons aux origines. » C’est à Michel qu’ils doivent cette nouvelle orientation. « Dans les vignes, nous travaillons le plus possible de manière biologique, explique Jonas, qui laisse glisser de ses genoux son petit garçon qui s’impatiente. Mais nous ne recherchons pas les labels, qui nous limiteraient trop. Nous utilisons des engrais naturels et pas des herbicides. Notre objectif est d’avoir de très bons raisins sains. C’est le plus important. » Le chef de cave renchérit : « Quand on arrive à garantir la qualité du raisin, on a déjà gagné beaucoup. » Comment vinifie-t-il le chasselas (60% de la production, malgré la diversification)? De manière classique et très tranquillement, en cuve, à 16° au maximum. En tant que membre du jury Terravin, il apprécie l’auto-

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contrôle qualitatif « qui nous pousse vraiment plus loin ». Le vin couronné de platine vient d’ailleurs d’une parcelle de 6800 m2 louée à Aigle, « des vignes en gobelets de 40 ans que nous avons maintenant tirées sur fil ». Quant au breuvage primé très convoité, le maître du domaine l’a d’abord proposé à ses plus fidèles clients… Avenir aux portes de la cave Michel a 65 ans. C’est dire que les changements sont à la porte. Même si ses deux fils sont très attachés au domaine, ils ont suivi d’autres che-

mins professionnels. « Bon, lorsque j’ai évoqué l’idée de vendre certaines parcelles difficiles à travailler, l’un d’eux m’a menacé de s’en porter acquéreur », raconte en riant le sexagénaire. Pour l’heure, Julien Frasnetti et Jonas Dubois vont continuer à diriger les choses. «  En revanche, affirme Michel, moi je fais un peu le gardien du temple. Je transmets mon expérience, je discute avec les jeunes… Et je joue au vieux patriarche pour les dégustations importantes avant la mise en bouteilles. »

La crème de la crème des chasselas vaudois

Les 16 finalistes du millésime 2016 ont été sélectionnés parmi 769 vins distingués par le label d’or de Terravin. Le 16 novembre 2017, un jury d’œnologues, sommeliers et journalistes spécialisés a dégusté ces 16 chasselas par séries de 4 selon un système de coupe. Les trophées ont été décernés aux gagnants en présence du conseiller d’Etat Philippe Leuba dans le restaurant B. Violier, par les parrains de la manifestation, Brigitte Violier et le chef Franck Giovannini, le cuisinier de l’année 2018 de GaultMillau Suisse.

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BE DIFFERENT. BE SWISS.


Fête des Vignerons

Promotion de la Fête des Vignerons 2019

Un Tour de Suisse en + de 80 jours La référence à Jules Verne n’a échappé à personne. Le 29 janvier dernier, à Châteaud’Oex, la Confrérie des Vignerons a dévoilé au public une locomotive du MOB (Montreux-Oberland Bernois), estampillée « Fête des Vignerons 2019 » et deux ballons à air chaud, portant les couleurs de la célébration veveysanne. Et histoire d’appuyer le clin d’œil à l’auteur du « Tour du monde en quatrevingts jours », c’est à bord d’un bateau, une unité de la CGN, que l’Abbé-Président, François Margot, donnera le coup d’envoi de la vente des billets de la Fête, en septembre prochain. Texte et photos : Pascal Besnard Un tour de Suisse promotionnel a été lancé à Château-d’Oex, il durera plus de 80 jours, « avec une douzaine d’étapes pour délivrer la bonne parole, précise François Margot, notamment à l’OLMA de Saint-Gall, à la BEA bernoise, à la Foire du Valais ou à la Fête des vendanges de Neuchâtel. Nous ferons aussi de petites incursions dans les pays voisins ». Les deux ballons (dont un captif) seront visibles dans des manifestations majeures, comme le Festival de jazz de Montreux et Paléo. Et l’Abbé-président de préciser  : « Certes, la démarche est commerciale : il s’agit de promouvoir la vente des billets. Mais aussi de communiquer au sujet de la Fête des Vignerons, de son histoire, dans la ligne de son inscription en 2016 au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO. Pour qu’un fragment de mémoire s’implante dans l’esprit du plus grand nombre, pour les générations futures. On remarque aujourd’hui en Suisse allemande une certaine méconnaissance de la fête. En 1999, nous avons rapidement cessé,

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après la vente des derniers billets, de faire connaître la Fête en tant qu’institution. C’était sans doute une erreur. Et puis en faisant la promotion de l’événement, on en fait

p Deux ballons à air chaud pour promouvoir la Fête des Vignerons en Suisse

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Fête des Vignerons

aussi pour la région, pour les vins vaudois, pour Château-d’Oex, par exemple, ou le MOB. Avec une locomotive aux couleurs de la Fête des Vignerons 2019, on ne peut pas faire plus helvétique : la ligne du MOB évoque naturellement le lien entre Suisse romande et Suisse alémanique. » Urbi et Orbi A propos de lien, celui de proximité n’est pas oublié. « Il s’agit d’une double ouverture, Urbi et Orbi, explique en souriant François Margot. Orbi, c’est l’ouverture vers l’extérieur. Et Urbi, c’est en faveur de la ville, Vevey. Où on observe une vraie attente, mais aussi une certaine méconnaissance de ce qu’est véritablement la Fête des Vignerons. Si le monde politique y manifeste une certaine volonté de s’approprier la fête,

en termes de notoriété, il n’y a pas de divergences notables à signaler. Les autorités prennent ainsi les décisions de leur compétence, par exemple en matière d’autorisations données aux commerçants. Une convention sera également à négocier avec la ville de Vevey et le canton de Vaud pour la prise en charge de la sécurité. » Le geste du vigneron Dans le fond qu’est-ce qui distinguera vraiment la fête de 2019 de celles de 1977 et 1999 ? François Margot : « Elle sera marquée par la volonté de mettre plus que jamais le geste du vigneron au centre du spectacle. Une volonté traduite par Daniele Finzi Pasca. Les mots des vignerons seront embellis par sa poésie. Il n’y aura pas de ballet de machines agricoles, comme en 1977, mais qua-

rante vaches seront là pour le Ranz des vaches. Quelques chevaux de trait participeront au spectacle, mais il n’y aura pas de chevaux montés. Au cours du processus de création de la Fête, les membres du Conseil de la Confrérie des Vignerons sont invités à la table des auteurs. Daniele Finzi Pasca nous demande sur le champ ce que nous pensons des idées qui surgissent de la marmite de la création. Nous avons d’ores et déjà pu entendre plus d’une heure de musique. Nous lisons des textes, nous visualisons des images, des tableaux. Nous jouissons ainsi d’une vision assez claire du synopsis, mais tout n’est pas encore abouti. La Confrérie propose également ses propres idées, notamment sur le point essentiel du Couronnement des vignerons. Daniele Finzi Pasca s’adapte de bonne grâce à nos demandes. »

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L'Abbé-Président François Margot (à dr.) et le Directeur exécutif Frédéric Hohl, ont inauguré la locomotive du MOB estampillée "Fête des Vignerons 2019" p

Les vins de la fête Qui dit Fête des Vignerons, dit aussi vins de la Fête : « Ils porteront haut les deux appellations, Lavaux et Chablais, dans deux millésimes, 2017 et 2018. De belles quantités de 2017 ont déjà été achetées. Nous aurons sans doute besoin de 300-400'000 bouteilles. Deux maisons, Obrist et Badoux, pilotent l’opération, sous la conduite de Daniel Dufaux, président de la Commission des vins de la Fête. Les vins officiels seront proposés – pas imposés – aux restaurants de Vevey. Les producteurs des terroirs de Lavaux et du Chablais seront incités à

proposer leurs propres vins dans les restaurants que nous allons créer. Enfin nous avons la volonté de mettre en bouteilles deux vins de prestige, deux chasselas du millésime 2017, un Dézaley et un Yvorne. Dans ce but, des tonnes de raisin ont été achetées aux propriétaires des domaines qui sont examinés par la Confrérie dans la perspective du classement des vignerons-tâcherons et du couronnement des meilleurs d’entre eux. » Objectif ambitieux Un couronnement auquel devraient assister 360'000 personnes en tout, à raison de 20'000 spectateurs lors de

chacune des dix-huit représentations. L’Abbé-Président se déclare confiant : « 260'000 places ont trouvé preneur en 1999. Nous escomptons vendre 360'000 places, c’est un objectif ambitieux, mais réaliste. »

La Fête des Vignerons 2019 se déroulera du 18 juillet au 11 août 2019 à Vevey (18 représentations). www.fetedesvignerons.ch

The Winegrowers Festival (18th July – 11th August 2019) The reference to Jules Verne did not go unnoticed. On 29th January in Château d’Oex, the Winegrowers Guild revealed a Montreux-Bernese Oberland train to the public, stamped with the “Fête des Vignerons 2019” logo, and two hot-air balloons decorated in the colours of the Vevey event. Another allusion to the author of Around the World in Eighty Days is that the Winegrowers Festival president, François Margot, will kick off the ticket sales in September aboard a Lake Geneva CGN steamer. The promotional

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tour will last more than 80 days and will involve a dozen or so stops throughout Switerland, including the OLMA Swiss Agriculture and Food Fair in St. Gallen, the BEA Fair in Berne, the Valais Fair in Martigny, the Grape Harvest Festival in Neuchâtel, and some short visits to neighbouring countries. The two balloons will be on display at major events such as the Montreux Jazz and Paleo Festivals. The president points out that the aim is of course to promote ticket sales, but it is also to publicise the Winegrowers Festival

and its history together with its recent inscription on the UNESCO Intangible World Heritage list. The 2017 edition of the show, under the creative direction of Daniele Finzi Pasca, will highlight the manual day-to-day work of winegrowers. And a Winegrowers Festival also means a wine festival. The 2017 and 2018 Lavaux and Chablais appellations will be in the limelight with some 300-400,000 bottles standing ready for the 360,000 expected visitors, that is 20’000 people attending each of the 18 shows.

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Caves Ouvertes Vaudoises

myvaud.ch

19 – 20 mai 2018


Office des Vins Vaudois

Passages de témoin à l’Office des Vins Vaudois Pascal Besnard Le 1er mars dernier, Benjamin Gehrig a succédé à Nicolas Joss au poste de directeur de l’OVV. Titulaire d’un Bachelor of Science HES-SO en hôtellerie et professions de l’accueil obtenu à l’Ecole Hôtelière de Lausanne, Benjamin Gehrig a été assistant et responsable des affaires internationales de l’ECAL (Haute Ecole d’Art et de Design, Renens) avant de rejoindre l’Office des Vins Vaudois en 2012, en qualité de chef de projet. A ce titre, il a notamment assuré la promotion et le suivi des activités internationales et du programme événementiel de l’OVV. Il a également assumé la responsabilité du journal Vaud-Œnotourisme, des campagnes d’affichage et de la mise en place des partenariats. Benjamin Gehrig connaît fort bien les rouages et les acteurs du monde vitivinicole vaudois. Un nouveau président pour l’OVV à l’horizon 2019 Pierre Keller préside l’Office des Vins Vaudois depuis 2011 et tiendra encore fermement la barre de l’OVV durant toute l’année 2018. Mais dès janvier 2019 Michel Rochat prendra le relais. Diplômé HEC et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Michel Rochat a dirigé la Haute Ecole Vaudoise avant d’accéder, en 2008, à la direction générale de l’Enseignement supérieur du canton de Vaud. Deux ans plus tard, il a repris la direction générale de l’Ecole Hôtelière de Lausanne avant de devenir le CEO du Groupe EHL SA. L’EHL, qui fête cette année ses 125 ans, accueille aujourd’hui près de trois mille étudiants de plus de cent nationalités. Dans le cadre de leur formation, Michel Rochat a réservé une place de choix à la dégustation des grand crus

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q Benjamin Gehrig

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Michel Rochat

vaudois, qui se taillent la part du lion dans le carnotzet de l’Ecole hôtelière, réalisé en collaboration avec l’OVV et sur la carte du Berceau des Sens, restaurant gastronomique de l’EHL. « Il est temps de redonner un peu, beaucoup même, de ce que j'ai reçu », a déclaré Michel Rochat, début janvier

à Chardonne, lors de l'annonce officielle de sa nomination à la présidence de l'OVV. Malgré ses hautes fonctions à l'EHL, il a assuré qu'il trouverait le temps de s'occuper des vins vaudois. Il a notamment évoqué les très nombreux relais dont dispose l’Ecole Hôtelière de Lausanne dans le monde.

Leadership Transitions

at Office des Vins Vaudois (OVV)

On 1st March, Benjamin Gehrig succeeded Nicolas Joss as OVV director. After obtaining a Bachelor of Science HES-SO in Hotel Management and Hospitality from the Lausanne Hotel School, Benjamin Gehrig was in charge of International Affairs at ECAL before joining OVV as a project manager in 2012. Michel Rochat will replace Pierre Keller as OVV president in January 2019. A HEC and EPFL graduate, Michel Rochat was head of Haute Ecole Vaudoise, and then in 2008 became general director of Higher Education in the Vaud canton. In 2010, he took over as head at the Lausanne Hotel School, later moving on to the position of CEO at Groupe EHL SA.

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The International Federation of Wine Brotherhoods by Claude-Alain Mayor, Tabellion The Guillon Brotherhood is a member of the International Federation of Wine Brotherhoods (FICB) which was created in Paris in 1964 to coordinate the activities of its members in raising awareness of the winegrowing regions of the world, to promote consumption of their wines within reason, and foster friendly exchanges of information and experience about wine. Today, the FICB has some 150 Brotherhood members mainly from countries that have a winemaking tradition, but also from new producing countries. These new producers are supported through the promotion of the quality of their wine and

the dissemination of information about appropriate consumption habits and the matching of food and wine. Every year, the Brotherhoods organise convivial events on the topic of wine which bring together existing members and introduce new ones. Some dignitaries don costumes inspired by the middle ages or the Renaissance to show their attachment to age-old traditions, while their members wear typical insignia such as neckwear or medals. You will find more information at www.winebrotherhoods.org


Message du gouverneur Jean-Claude Vaucher

Le compagnon,

ambassadeur

du vin vaudois

La Confrérie du Guillon se porte à merveille. Elle jouit d’une notoriété qui s’est encore renforcée ces dernières années et qui inspire plus que jamais respect, confiance, voire admiration auprès de nos autorités. Nous attirons de plus en plus de convives et de personnalités de très haut rang qui apprécient nos ressats et soutiennent nos activités. Mais ce succès, nous le devons bien sûr, avant tout, à vous toutes et tous, chères Dames Compagnons et chers Compagnons, vous qui constituez l’ossature et le ciment de notre institution et qui restez toujours aussi fidèles à nos manifestations. Soyez-en vivement remerciés. Si mes frères de robe peaufinent et améliorent sans cesse la qualité de nos ressats, n’oublions jamais que le but ultime de notre mouvement n’est pas seulement d’organiser des soirées magistrales au Château de Chillon en mettant nos grands vins vaudois dans un écrin magnifique,

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mais bien d’en faire la promotion. Car malheureusement, le succès phénoménal de nos soirées est inversement proportionnel à la santé du marché du vin qui continue d’être vacillante et qui s’inscrit dans un climat général de baisse de la consommation. Ce phénomène n’est pas l’apanage des vins vaudois mais concerne tous les crus du pays qui représentent à peine 35 % de tous les vins consommés en Suisse. Il est vrai qu’à force de faire peur au consommateur avec Via Sicura, ou en brandissant sans cesse les effets néfastes de l’alcool sur la santé, ou en prônant un mode de vie spartiate basé sur le sacro-saint principe de précaution, tout est fait pour dissuader les citoyens de consommer un bon verre de vin, de faire bonne chère et de cultiver l’hédonisme et l’épicurisme. Encore une fois, devant tant d’adversité, la mission de notre Confrérie est nécessaire pour promouvoir nos grands vins

vaudois mais aussi pour faire front aux pisse-froids et autres prévisionnistes névrosés et marchands de malheur, afin de leur démontrer qu’il existe une autre manière d’aborder la vie en s’épanouissant dans un mode d’existence plus salutaire, plus convivial et surtout bien plus agréable. Alors, chères Dames Compagnons, chers Compagnons, vous qui êtes les meilleurs ambassadeurs des vins vaudois, ça n’est pas parce que notre Confrérie surfe de succès en succès que nous devons relâcher nos efforts afin de promouvoir une autre conception de la vie tout en défendant nos valeurs, nos traditions et notre patrimoine, pour le plus grand bien de nos vignerons. Poursuivons donc notre combat. La tâche est rude, les vents sont contraires, mais mobilisons-nous tous avec conviction pour que le panache et l’excellence de nos manifestations pérennisent notre chère Confrérie.

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Les Ressats de Grandgousier Pascal Besnard, échotier Edouard Curchod, photographe Grandgousier, mari de Gargamelle, père de Gargantua, grandpère de Pantagruel… l’esprit rabelaisien a régné sur le château de Chillon à l’automne dernier. L’esprit… mais question cuisine les deux maîtres queux qui se sont succédé aux fourneaux ont évité les outrances alimentaires des héros de François Rabelais pour offrir aux convives des plats raffinés, pour ne pas dire spirituels : Andy Zaugg, du restaurant soleurois Zum Alten Stephan, multirécidiviste en matière de ressats, et Philippe Gobet, MOF (Meilleur Ouvrier de France), chef exécutif de l’Ecole hôtelière de Lausanne, et pour la première fois aux commandes des cuisines à Chillon. L’un et l’autre auraient pu emprunter cette citation à Rabelais : Le grand Dieu fit les planètes et nous faisons les plats nets. Les crus, subtilement choisis par le Maître de Cave, exaltèrent à merveille les prouesses culinaires des deux précités. Et là, inutile de faire dans la retenue, citons sans modération François Rabelais, amateurs de fines bouteilles : L’appétit vient en mangeant, la soif s’en va en buvant… Courez tous après le chien, jamais il ne vous mordra ; buvez toujours avant la soif, et jamais elle ne vous adviendra… Boire est le propre de l'homme, boire vin bon et frais, et de vin, divin on devient… Jamais homme noble ne hait le bon vin. De la noblesse, il y en eut lors des ressats, avec l’intronisation du Prince héritier Aloïs von und zu Liechtenstein. La Confrérie du Guillon accueillit aussi deux ministres suisses : Johann Schneider Ammann, adoubé Compagnon d’honneur, et Ignazio Cassis, honoré en 2012, mais venu renouveler ses vœux en qualité de Conseiller fédéral.




Ressats

Vendredi 27 octobre Conseiller Olivier Viret Chef du centre de compétence vitivinicole vaudois Compagnon d’honneur Laurent Wehrli Syndic de Montreux, Conseiller national Compagnon Julien Bonnaud Thoiry Alexandre Boulard Féchy Chloé Curdy Paudex Vanessa Druz Pully Olivier Gaillard Lutry Florence Grocq Bex Raimondo Plia Montreux

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Samedi 28 octobre

Compagnon d’honneur André Schneider Directeur général de Genève Aéroport Compagnon juré Ursula Beutler Cheffe de gestion produits vin & vin mousseux chez Denner SA Compagnon Claude Anker Crissier Joël Born Préverenges Jérôme Duc Aigle Marc Freiss Mex VD Vivien Galland Lausanne Sylvain Rochat Aubonne Cyrille Roux Corcelles-Payerne

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1. Tirer au guillon ? Un jeu d’enfant pour Olivier Viret, nouveau conseiller (avec Christophe Romanens) 2. Laurent Wehrli, à trois doigts de monter en grade : il devient compagnon d’honneur 3. Chloé Curdy, arrière-petitefille du Gouverneur-fondateur, François Cuénoud 3

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4. Le geste sûr du caviste JeanPhilippe Mayor

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Ressats

Vendredi 3 novembre Compagnon d’honneur Jean-Philippe Rochat Président de MCH Beaulieu SA Compagnon majoral Cédric Destraz Président central de la FVJC Compagnon Norbert Emch Duillier Béatrice Gass Chardonne

Samedi 4 novembre Compagnon juré Loïc Bardet Directeur d’Agora Compagnon Pierre-Olivier Chave La Chaux-de-Fonds François Golay Saint-Légier Damien Hippenmeyer Yverdon-les-Bains Yann Krebs Vevey Raphaël Lebouc Noville Stefan Marx Bâle Yves Morel Fully Christian Neuhaus Villars-sur-Ollon Benoît Schoechli Sierre Patrick Stähli Laufon

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5. Ignazio Cassis, devenu Conseiller fédéral, renouvelle ses vœux 6. Entrée triomphale du cortège des conseillers 7. Visiteurs d’un soir à Chillon, les deux Vincent, Kucholl et Veillon 8. La dédicace de monsieur prix, Stefan Meierhans, ça n’a pas de prix ! 9. Echichens devient commune combourgeoise, son syndic, Daniel Meienberger est ravi

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Vendredi 10 novembre Compagnon majoral Marie-France Derkenne Présidente centrale des Gourmettes, 2016-2019 Compagnon Pierre Abrezol Chexbres Jean-Marc Demierre Blonay Valérie Dorier Cheseaux-sur-Lausanne Michel Ducommun Froideville Cédric Frossard Ollon VD Raymond Henne Blonay Valérie Marendaz Mathod Baptiste Monnard Jongny Philippe Musitelli Orbe Fabrice Neyroud Chardonne Gilles Porchet Bouloz Nicolas Rochet Chamby

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Samedi 11 novembre Commune combourgeoise Echichens Compagnon majoral Stefan Meierhans Surveillant des prix Compagnon Pascal Dessauges Naz Gilbert Fischer Chenaux Alain Flückiger Lausanne Sébastien Groux Corseaux John Brent Mötteli Arbon Philippe Pastor Ollon VD Frédéric Pittet Mézières VD Pierre-Yves Rochat Lavigny Curdin Thür Sion

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Ressats

Vendredi 17 novembre Compagnon d’honneur Françoise Jaquet Présidente du Club Alpin Suisse Paul Rabaglia Directeur général du Groupe Mutuel Compagnon majoral Michael Drieberg Directeur de Live Music Production Compagnon ministérial Laurent Neuenschwander Trompette de la Confrérie du Guillon Compagnon Adrien Charlet Gryon Boris Cuanoud Etoy Jacques Deschenaux Granges-Marnand Alain Garraux Préverenges Patrick Jordan Savigny Marc-Antoine Loutan Lavey-Village Jean-Marie Page Aubonne Jean-Marc Rudaz Lausanne Stephan Trachsel Carrouge

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10. Ascension réussie pour Françoise Jaquet, première de cordée à Chillon 11. Paul Rabaglia s’apprête à saisir, d’une main assurée, la coupe de la Confrérie 12. Laurent Neuenschwander rejoint la joyeuse troupe des trompettes 13. Michael Drieberg semble connaître la musique… il signe le livre d’or

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Les Gais Compagnons recrutent ! Pour compléter son effectif, le groupe vocal des Gais Compagnons du Guillon recrute de nouveaux chanteurs amateurs ou confirmés, souhaitant s'épanouir au travers de l'art choral populaire au sens noble du terme. Nous répétons les mercredis soirs à Yvorne de 20 h à 22 h. Aucune cotisation annuelle vis-à-vis de la société. Les candidatures sont mises à l'essai durant une année pour déterminer vos capacités à intégrer le groupe. Nous recherchons ténors 1, ténors 2, barytons et basses. Veuillez manifester votre intérêt auprès du Secrétaire Général du groupe : Claude Piubellini, avenue de Belmont 6A, 1009 Pully, 078 601 36 35, cpiub@sunrise.ch ou via notre site internet www.gaiscompagnonsduguillon.ch qui vous donnera de plus amples renseignements sur nos activités. 13

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SERVAGNIN MORGES GRAND CRU

Le vrai goût DU du SERVAGNIN Servagnin

LE VRAI GOÛT

DESCRIPTION Seules les vignes plantées en Pinot Noir, clone Salvagnin, situées dans le lieu de production Morges, ont droit à l’appellation Servagnin de Morges. La production maximale ne doit pas dépasser 50 hectolitres à l’hectare et son raisin doit atteindre un minimum de 82 degrés Oechslé. Vinifié obligatoirement en barrique de chêne, son élevage doit durer au moins 16 mois. Il ne peut pas être commercialisé avant le 1er avril de chaque année. La Commission du Servagnin, qui contrôle toutes ces normes, attribue l’appellation Servagnin de Morges après avoir jugé par une sévère dégustation que les qualités obtenues correspondent à la haute définition exigée. Les bouteilles ayant obtenu l’agrément portent la capsule rouge d’authentification Servagnin de Morges.

Association pour la promotion des Vins de Morges Case postale 72 1110 Morges 1 T 079 869 28 94 vinsdemorges@bluewin.ch www.vinsdemorges.ch


Ressats

Samedi 18 novembre Compagnon d’honneur Philippe Rebord Commandant de corps, Chef de l’Armée suisse Prince Aloïs von und zu Liechtenstein Prince héritier de la principauté de Liechtenstein Compagnon Alain Bassang Yvorne Alexandre Böhler Genève Stephan Frei Emmen Salvador H. Müller Andelfingen Christel Porchet Cheseaux-sur-Lausanne 14. La prière du vigneron, récitée par le Gouverneur Jean-Claude Vaucher 15. Le formel du tirer au guillon maîtrisé par le chef de l’Armée, Philippe Rebord (avec Philippe Bujard) 16. Un Prince adoubé à Chillon : Aloïs von und zu Liechtenstein

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Ressats

Vendredi 24 novembre Commune combourgeoise Bourg-en-Lavaux Compagnon d’honneur Johann Schneider-Ammann Conseiller fédéral Jean-Daniel Pasche Président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse Compagnon Daniel Aguet Pully Mirko Bortolotti Villeneuve Pierre-Alain Favre Wallbach François Grand Montreux Sylvie Nicolin Saint-Légier Hervé Payot La Conversion Daniel Savary Greifensee Nicola Thibaudeau Neuchâtel Alexander von Helmersen La Conversion 17

17. Alain Parisod, ultime syndic de Grandvaux, salue Bourg-en-Lavaux 18. La promotion du vendredi 24 novembre 19. Johann SchneiderAmmann concentré. Raoul Cruchon aussi. 20. Un Conseiller fédéral, entouré d’un Gouverneur et d’un Lieutenant-gouvernal : un trio de classe 21. Jean-Daniel Pasche arbore le sourire horloger, à 10 heures 10

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Samedi 25 novembre Compagnon d’honneur René Stammbach Président de la Fédération suisse de tennis Compagnon majoral Philippe Gobet Chef exécutif de l’Ecole hôtelière de Lausanne Compagnon Emmanuel Baechler Villars-le-Terroir Gabriel Buttay Thonon Christian Jayet Lausanne Sophie Minguet Anthy-sur-Léman Jean-Michel Mutzenberg Aigle Yves Oesch Neuchâtel

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Olivier Viret :

un Pacôme de Champignac parmi les Conseils

©Edouard Curchod

Claude Piubellini, prévôt Pour étoffer la fine équipe des chantres et clavendiers, nous recherchions un homme du sérail, au palais solide et à la verve affinée. Et c'est la perle rare que nous avons dénichée en la personne d'Olivier Viret, actuel chef du Centre de compétences vitivinicoles et cultures spéciales du canton de Vaud. Ennemi juré des champignons, principalement ceux qui s'attaquent aux cultures, il est un des pères du divico, cépage rouge résistant à l'oïdium, au mildiou et à la pourriture grise. Mais il a aussi contribué au développement d'autres nouveaux cépages mieux connus comme, entre autres, les fameux gamaret et garanoir, très appréciés du grand public. Cet ingénieur ayant gardé les pieds

sur terre saura nous faire partager sa passion de la vigne et du vin lors des ressats au château de Chillon. Il aura à cœur de glorifier nos plus grands crus vaudois avec la ferveur voulue et la malice qu'on lui connaît. Né à Bienne, marié et père de trois enfants, il entre ainsi dans la grande famille des Conseillers du Guillon, portant fièrement la robe parmi ses pairs. Adoubé en automne dernier par notre Gouverneur, cette année 2018 sera celle de son baptême du feu en tant que chantre où ses compétences devraient faire merveille. Bienvenue parmi nous, cher Olivier Viret !

Av e c l e s m a i n s . . . e t l e c œ u r !

www.henricruchon.com E c h i c h e n s ⅼ Va u d ⅼ S u i s s e


Propos de clavende

Les noix de Saint-Jacques poêlées, le jus des barbes au chasselas, le croustillant et la fondue de poireaux Claude Mani, héraut et ménestrel Quand j’ai lu sur ma feuille de route que je présenterai les Saint-Jacques, j’ai cru qu’il s’agissait d’une coquille ! Après vérification, il s’est avéré que non. Alors j’ai pris mon bâton de pèlerin et je me suis dit : « Il faut voir ; et d’abord, cette entrée, de quoi se compose-t-elle ? » En tout état de cause, il n’en va pas d’une entrée à la noix ! Mais bien d’un mollusque bivalve servant de symbole à une société pétrolière anglo-néerlandaise, et depuis plus longtemps encore à un pèlerinage bien connu en terre ibérique. Ce qui est tout à fait contradictoire, puisqu’un pèlerin qui se respecte ne marche pas – si j’ose dire – à l’essence, sauf à être à côté de ses pompes. Seuls les pérégrins sujets de sa gracieuse majesté, amateurs de sensations fortes mais qui rechignent à faire poussière commune avec ceux du continent effectuent le trajet… en… coquille de noix. Tous, selon la légende, s’éclairent à la voie lactée, qui leur trace le chemin ; cependant les plus précautionneux ont toujours en réserve quelques ampoules… sous les pieds. Mais laissons là nos dipodes à leur martyr(e), avec et sans e et revenons, par des propos plus scientifiques, à nos mollusques, que les savants nomment également pélécypodes. Mot barbare s’il en est que les Chaux-de-Fonniers confessant leur frilosité ont repris par une dérivation : « Sur le Pod, on s’les pèle aussi ». Les noix de ce soir – je veux dire, celles que nous dégusterons tantôt - sont parfaitement cuites à la poêle, à l’unilatérale.

que les Normands qui aiment jouer sur le vocabulaire appellent « godefiches » ; nom associé par Gustave Flaubert à Madame Bovary – ce qui nous amène à remettre à la page nos cours de littérature. Les bivalves sessiles filtreurs : c’est tout un programme. Tiens, à ce propos, j’ai connu un musicien dont la patronne, qui incarnait beaucoup plus que cela pour lui, se prénommait Cécile. S’est-il agi d’un dysfonctionnement des valves au moment des échanges ? Était-il mauvais filtreur, toujours est-il qu’elle a fini en sainte. (Sainte-Cécile). Je sais, je me dissémine ; je vais donc me délier de la moralité de SainteCécile, patronne des musiciens comme chacun le sait, pour m’attacher aux noix de Saint-Jacques ! Elles sont présentées dans une coquille, sur une onctueuse fondue de poireaux, que la sauce hisse. Elle est goûteuse, juste crémée, au poil ! Et pour donner encore dans la pilosité je me dois d’ajouter qu’elle est parfumée au jus des barbes au chasselas. Chasselas,… barbe, ça peut paraître rasoir. J’en vois que cela

rend dubitatifs. Pour couronner le tout, sans les couper en quatre, des cheveux d’ange de poireau frit donnent de la longueur en bouche, de la texture et du croustillant. Je ne sais pas si tout le monde appréciera de se voir contraint au cheveu sur la langue, mais je peux vous dire pour vous consoler, qu’on n’a tout de même pas osé la barbe à papa au dessert ! Je m’arrête là ; nous sommes à table, pas au barber shop ! Réjouissez-vous donc! le plat est génial, la présentation au top. Le pain feuilleté qui l’accompagne ajoute une variété de textures. Il ne reste plus aux Fanchettes qu’à mettre tout cela en musique sur un air connu : Les Saint-Jacques, les Saint-Jacques, Donnez-nous, donnez-nous Servez les coquilles, servez les coquilles. C’est si bon, c’est si bon !

Observez – cela n’a rien à voir – que bien qu’elles présentent de bons côtés, nos bilatérales, elles aussi, sont en passe d’être cuites.

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Mais, je m’égare ! Et la faculté m’enjoint à recentrer le débat sur les bivalves sessiles (Ndlr : qui n’ont pas de pédoncule)

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Philippe Gobet, Chef exécutif, Ecole Hôtelière de Lausanne

Un col Pascal Besnard, échotier Photos : Edouard Curchod Un chef français pour des ressats placés sous l’étendard de François Rabelais… quoi de plus logique ? Mais en réalité Philippe Gobet ne ressemble guère aux personnages rabelaisiens. Et sa cuisine, élégante, raffinée est à des années-lumière des monceaux de victuailles engloutis par Grandgousier, Gargantua et Pantagruel. MOF – comprenez Meilleur Ouvrier de France – comme l’atteste son col tricolore, Philippe Gobet s’illustre par une simplicité qui l’éloigne du registre rabelaisien. Ses origines plutôt modestes n’y sont certainement pas étrangères. Benjamin d’une famille de neuf enfants, il vit son enfance au rythme des grandes tablées familiales. Sa maman est fine cuisinière, sa tante un véritable cordon-bleu. On se régale d’une cuisine qui mélange allégrement les plats lyonnais et les recettes piednoires. Un des grands frères de Philippe est chef cuisinier. « Mon frère revenait de temps en temps à la maison, concoc-

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tricolore à Chillon « J’ai découvert que les ressats constituent de grands moments de rassemblement. Les hôtes sont en véritable communion. J’aime les grandes tables, le partage. Cela me renvoie à ma jeunesse. »

ter un plat ou deux. C’est sans doute ce qui m’a donné envie de faire ce métier : pour moi, il représentait la réussite professionnelle ». Je n’avais pas encore la moindre idée des efforts à fournir ! Philippe a neuf ans quand sa maman décède. Son papa la rejoint un an après. La grande sœur va prendre en charge les plus jeunes au sein de la fratrie. Des guides Après un bac technologique, Philippe Gobet entame une formation de cuisinier. « Mon père était un grand travailleur. J’ai suivi son exemple : il fallait que je travaille dur pour obtenir quelque chose. J’ai eu la chance de rencontrer de véritables guides au cours de ma carrière ». A l’image de Georges Blanc, chez qui il entre en tant que commis. « J’y ai appris beaucoup. Par exemple que, lorsqu'on est disponible, on ne loupe rien. Il faut prendre le train qui passe. Dans ma vie j’ai beaucoup marché à l’instinct. Je fonctionne encore comme ça après plus de quarante ans de métier. »

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A vingt ans, Philippe ouvre un restaurant, Les Enfants Terribles, rue Mercière à Lyon. Etape suivante, à Paris, chez Joël Robuchon (MOF). « Un grand maître. Il m’a donné les outils, les clefs pour réussir. J’y ai passé quatorze ans, une étape essentielle pour moi ». Philippe Gobet accède au titre suprême, celui de Meilleur Ouvrier de France, en 1993. « Le concours est très exigeant. Mais je ne l’ai pas fait contraint. Pour moi l’effort devenait naturel ». Après une belle étape chez Alain Ducasse, Philippe Gobet est engagé par la célèbre Maison Lenôtre à Paris. A quarante ans il devient directeur des Ecoles Lenôtre. Un parcours de 18 ans et une rencontre, celle de sa future épouse, Marina, Suissesse née au Brésil. Une petite fille viendra couronner leur union. Destination la Suisse La Suisse devient une destination naturelle. Consultant culinaire, il rejoint la prestigieuse Ecole Hôtelière de

Lausanne. Après Lenôtre, une nouvelle école. « Ma grande sœur était professeure et directrice d’école. Elle m’a sans doute donné le goût de l’enseignement. Ce qui me caractérise, c’est la bienveillance. Parce que j’en ai beaucoup reçu dans l’enfance. Tu donnes ce que tu reçois. » Aujourd’hui Philippe dirige une équipe de près de cent personnes. A l’EHL, Philippe Gobet rencontre le directeur général Michel Rochat (*) « Un humaniste, un visionnaire, comme Georges Blanc, Joël Robuchon, Alain Ducasse et Gaston Lenôtre. » C’est Michel Rochat qui incite Philippe Gobet à relever le défi des ressats de la Confrérie du Guillon au château de Chillon. « Petit-fils de vigneron et frère d’une vigneronne dans le Beaujolais, je suis amoureux du vin. Le vin est fédérateur, il incite au partage. J’ai évidemment dit oui».

(*) Michel Rochat présidera l’Office des Vins Vaudois dès janvier 2019

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Soulevons le couvercle

Trio de Saint-Jacques sur une fondue de poireaux et sauce chasselas Ingrédients pour 4 personnes 12 noix de Saint-Jacques 500 g de blancs de poireaux 3 dl de chasselas 3 dl de fumet de poisson

4 échalotes grises 2 dl de crème liquide Sel de mer gros/baies roses 100 g de beurre frais

NOIX DE SAINT-JACQUES Décoquiller et séparer les barbes et le corail, nettoyer minutieusement de manière à retirer le sable. Dégorger les barbes dans une eau claire. Conserver les coquilles la plus creuses qui serviront de contenant. SAUCE CHASSELAS Faire suer les échalotes et les barbes de Saint-Jacques dans 50 g de beurre sans coloration, déglacer avec 50 cl de vin blanc. Réduire de moitié puis ajouter le fumet de poisson, réduire de moitié et ajouter la crème. Cuire à frémissement jusqu'à l'obtention d'une consistance onctueuse. Rectifier l'assaisonnement puis passer au chinois étamine. Ajouter 50 g de beurre, mixer et réserver au chaud. FONDUE DE POIREAUX Emincer 300 g de poireaux puis les blanchir dans une eau salée, rafraîchir

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Huile pour friture 2 cl d’huile d’olive Sel et poivre

et bien égoutter. Faire réduire la sauce chasselas à 1 dl, assaisonner et ajouter les poireaux, mélanger et réserver au chaud. POIREAUX FRITS Tailler le reste des poireaux en julienne, blanchir rafraîchir et bien les égoutter. Les faire frire à 140°C, égoutter sur papier absorbant et assaisonner. DRESSAGE ET FINITIONS Poêler les noix de Saint-Jacques avec un filet d’huile d’olive. Dans la coquille, mettre la fondue de poireaux, disposer 3 noix de Saint-Jacques et déposer dessus la julienne de poireaux frits. Ajouter un cordon de sauce Chasselas. Mettre au fond de chaque assiette le gros sel comme support puis la coquille remplie.


Pour accompagner ce plat, Samuel Boissy, chef sommelier de l’EHL a choisi un Calamin Grand Cru 2015 « Ilex », de chez Louis Bovard. Samuel Boissy met en avant

le côté minéral du calamin, dans un millésime chaleureux, 2015. Il présente des arômes de fruits très mûrs et en même temps un côté iodé que l’on retrouve dans les coquilles SaintJacques. Il est riche, rond et crémeux. Le vin et le plat sont en symbiose. C’est une belle alliance terre et mer… ou lac !

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Les Quatre heures du Vigneron

Saint-Prex,

berceau du servagnin et capitale du verre Pascal Besnard, échotier Photos : Edouard Curchod Après Denens, Nyon, Féchy, Mont-sur-Rolle, Morges, et Begnins, la Confrérie du Guillon a fait, à la fin de l’été dernier, une nouvelle fois escale sur la Côte, pour ses Quatre heures du Vigneron. Le bourg médiéval de Saint-Prex a servi d’écrin à ce grand moment de célébration et de partage, à la gloire des vins vaudois. Le syndic, Daniel Mosini, a évoqué l’histoire de la cité, bientôt huit fois centenaire (en 2034), et deuxième commune de Suisse à recevoir le prix Wakker (en 1973), pour la conservation exemplaire de son patrimoine. Saint-Prex est célèbre aussi pour sa verrerie, la dernière de Suisse en activité, qui produit plus de 130 millions de bouteilles par an. Et qui dit bouteilles, dit vins. Saint-Prex compte 33 hectares de vignes et c’est le lieu d’une renaissance, celle du servagnin, premier pinot noir cultivé en Suisse. Apporté par Marie de Bourgogne, fille de Philippe le Hardi et épouse d’Amédée VIII, Duc de Savoie, le cépage a été sauvé de l’oubli par les vignerons Pierre-Alain Tardy, Wener Kaiser et Raoul Cruchon. Les hôtes des Quatre heures de Saint-Prex, n’ont évidemment pas manqué de déguster ce fameux servagnin mais aussi la large palette de crus de divers cépages proposés par une quarantaine de producteurs de la région de Morges, emmenés par leur président, Félix Pernet. Avant de soumettre leurs papilles à l’exercice roboratif et savoureux du repas, concocté par la brigade du Club nautique de Morges placée sous le commandement de son capitaine, René Müller.

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1. Le syndic Daniel Mosini évoque les riches heures de sa commune 2. Ratatam 1er, bouffon de Saint-Prex, était évidemment de la fête 3. Un cru vaudois servi par notre préfet argovien, Albi von Felten 4. Bonne humeur et convivialité, les mots-clés des Quatre heures...

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Le salut du prévôt Claude Piubellini

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Bienvenue dans la chaude et riante cité de St-Prex, capitale vaudoise du verre vide… verre vide que les vignerons de cette région vous rempliront bientôt généreusement de leurs meilleurs crus malgré la difficulté de l'exercice : comment faire tenir 4 heures dans St-Prex ? St-Prex, dont la légende prête le nom à un évêque lausannois nommé Protasius, venu clapoter accidentellement dans une forêt proche et amené dans ce bourg alors nommé Basuges. Placé dans l’église pour la veillée funèbre, son cercueil ne put pas être déplacé le lendemain. On y vit un signe divin et le village fut renommé St-Protasius, devenu par la suite St-Pré, puis St-Prex. Va pour la légende. Passons à la réalité : lorsqu'en 1911, la verrerie s'y implante, cela entraîne une forte poussée de la population via une immigration de masse soute-

nue par l’UDC…, probablement l'Union Des Cavistes de l'époque... St-Prex est fondée en 1234 pour protéger la population locale contre les fréquentes attaques savoyardes, lesquelles n’ont pas vraiment cessé, mais se font désormais chaque matin via la CGN et retour le soir par le même chemin… Vous qui fréquentez nos 4 heures, vous appréciez la poésie qui se dégage du vin, car qu'est-ce qu'une bouteille pleine, sinon un recueil de verres ! Ajoutez deux verres à une bouteille et ils deviennent des verres de contact. Amis des vins vaudois, ne chassez pas le naturel, il reviendrait au goulot ! Aujourd’hui St-Prex nous accueille, St-Prex est belle et où l’hôtesse est belle, le vin est bon ! Aussi encore une fois, je le certifie et le proclame : loué soit le vin !

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Guillonneur de Zurich

De gauche à droite : Dégustation des chasselas dans la bonne humeur ! Nicolas Ecoffey et Suzanne Zenker en compagnie du vigneron et conseiller Thierry Maurer Le préfet du Cotterd de Zurich, Pascal Forrer, remet son prix à la gagnante, Chantal Ziegler

Dans le bastion Claude Piubellini, prévôt

Maison de maître patricienne rénovée et transformée en restaurant gastronomique, elle abritait autrefois le fondateur du Crédit Suisse, initiateur du percement du Gotthard et de l’EPFZ, entre autres… Et c’est pour rendre hommage au patronyme complet du grand homme que le préfet du cotterd, le sémillant Pascal Forrer, va proposer de grands crus vaudois « vom Glas » (au verre) à la cinquantaine d’invités qui se pressent ce soir à son guillonneur. Malgré le stress lié à la mise en place du matériel (verres, sets de table, documents pour le concours JeanLouis) qui n’est arrivé que le matin même, notre préfet aux nerfs d’acier a peaufiné sa soirée. Après les salutations d’usage aux conseillers ayant fait le voyage ainsi qu’au préfet hono-

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C’est dans le restaurant Belvoir, maison de la famille Escher vom Glas, dont Alfred fut le plus spectaculaire occupant, que le cotterd de Zurich a installé son dispositif ce vendredi 19 janvier. raire Hans Scharf, il passe la parole au prévôt pour le traditionnel salut de la confrérie, avant de lancer le non moins traditionnel concours de dégustation. Le chasselas en cinq régions Le légat du Guillon, André Linherr, commence par nous familiariser avec les cinq chasselas du millésime 2016 qui nous sont proposés. Pour la Côte, un Mont-sur-Rolle, domaine de Roliebot ; pour le Nord-Vaudois, un vin de Corcelles-sur-Concise, domaine de la Gourmandaz ; pour Lavaux, un Epesses La Crosse (Luc Massy) ; pour le Dézaley, un Marsens, du même domaine ; pour le Chablais, un Ollon Tastegrain, domaine Croix Duplex. Pour nous aider à les différencier, il cherche à nous faire reconnaître la typicité de chaque région et les points

importants à mettre en évidence. Epreuve de concentration et de grande modestie s’il en en est, car lorsque la présentation est terminée, les bouteilles nous sont servies dans un ordre différent qu’il faut maintenant découvrir. Délicat exercice, où chacun pense que son voisin a décodé le sésame, tant les regards furtifs sur la feuille d’à-côté sont parfois insistants. Chacun remet finalement sa copie et se déplace dans un salon parallèle pour y prendre l’apéritif, le fameux Mont-sur-Rolle, offert par le vigneron et conseiller Thierry Maurer. Un repas d’excellence servi avec le sourire Après un retour à table où tout a été mis en place par des serveurs zélés issus de l’école hôtelière voisine, le

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d’Alfred Escher repas de gala nous est servi. Il débute par un tartare de saumon à l’avocat, façon « sushi », accompagné par un sauvignon blanc 2016, domaine de Roliebot, présenté par le maître du domaine, Thierry Maurer, dont les vins souligneront l’entier du repas. Il a l’élégance de s’exprimer en allemand, permettant à chacun de suivre ses explications détaillées. Suit un médaillon de filet de veau en croûte de pommes et noix, sauce au vin corsée, légumes glacés et pommes de terre en terrine de fromage frais. Le pinot noir de Mont-sur-Rolle est le vin de circonstance pour accompagner dignement ce plat tout en finesse. Nous passons ensuite à un assortiment de fromages et son pain de poires accompagné d’un chasselas du millésime 2010, permettant de souligner le potentiel d’évolu-

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tion de notre cépage emblématique. Finalement une touche de douceur est apportée par une crème brûlée au chocolat, carpaccio d’ananas et glace au yogourt, divinement soutenue par un pinot gris 2016 peu sucré, mais très aromatique, mettant les saveurs au premier plan. Résultat du concours : cherchez la femme ! Notre préfet ayant contrôlé toutes les réponses et procédé aux vérifications d’usage avec le légat, la grille du concours de dégustation est dévoilée, amenant des grimaces chez certains et des sourires satisfaits chez d’autres. Il y a de quoi, car ce ne sont pas moins de dix personnes qui ont percé à jour le bonneteau de cinq chasselas, ce qui implique un tirage au sort pour les

départager. C’est finalement un main innocente sous contrôle d’huissier… ou plutôt de conseiller, qui désigne la charmante Chantal Ziegler grande gagnante sous les applaudissements de l’assemblée. Elle gagne ainsi une invitation pour deux personnes lors d’un prochain ressat au château de Chillon. Les autres lauréats se régaleront de leur côté d’un trio de crus vaudois sélectionnés. C’est finalement après quelques mignardises que chacun décide à regret de quitter le Belvoir qui les avait si bien accueillis. Ce n’est heureusement que partie remise et le préfet nous réserve encore de belles réunions pour régaler nos amis zurichois de grands vins vaudois.

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La colonne de Michel Logoz

Jalons sur la voie de la mondialisation du vin Même pour les paroissiens d’un vignoble de la taille d’un confetti sur la carte du monde, les prédictions à l’horizon 2050 sur le sort de la planète vin sont fertiles en réflexions. Laissons nos grands ténors disserter sur les nouvelles méthodes de production qui permettront de s’adapter au réchauffement climatique, à l’impact écologique. En se souvenant toutefois que si la notion de terroir est essentielle dans le monde du vin, elle dépend à 50 % du climat... Intéressons-nous de plus près au profil du « nouveau consommateur », à son approche du produit, son mode de consommation en relation avec son niveau de vie ! Si la croissance de la démographie sera déterminante (9 milliards d’habitants en 2050 !), les disparités de niveau de vie, les interdits religieux, les coutumes alimentaires et les affinités gustatives se révéleront très contrastés selon les régions, les peuples et les cultures... Dans les pays d’Europe à forte tradition vinique (dont la Suisse), la régression de la consommation déjà constatée depuis nombre d’années aura tendance à se stabiliser. Toutefois, elle sera caractérisée, ici comme ailleurs, par un profil de consommateur inconstant dans ses choix, peu fidèle dans ses achats, souvent occasionnels et impulsifs. Cette tendance, déjà largement observée, s’accompagnera d’un effet « génération », avec un accès des consommateurs au vin de plus en plus tardif. N’étant pas un produit alimentaire de première nécessité, le vin se déploie désormais dans un univers presque infini d’explorations, de découvertes sensorielles, au gré de recommandations, de voyages, de promotions. Le consommateur devra donc être étudié avec précision, segmenté, l’offre et la stratégie d’approche devant être de plus en plus adaptées à des groupes visés, à des familles d’individus de conditions de vie analogues. Gageons que les guides suprêmes des manœuvres engagées pour nos futures AOP, IGP et VDT (2022) ont déjà embarqué ces données prospectives dans leur collimateur de pilotage !

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