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Premiers grands crus vaudois, entre lumière et ombre

1ers grands crus vaudois, entre lumière et ombre

2020 marquera le dixième millésime des 1ers grands crus, le sommet de la «pyramide» des vins vaudois. Une pointe effilée, puisqu’elle ne concerne que 250'000 bouteilles, soit moins d’un pour cent de la production vaudoise.

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Ces 1ers grands crus, seule dénomination du genre en Suisse – Genève a ses 1ers Crus, le Valais ses grands crus –, ont le mérite d’exister et d’être mis sous les projecteurs. A condition d’expliquer la démarche, ils sont indéniablement un atout pour l’Office des vins vaudois (OVV). Qui les promeut à Zurich, où s’est déroulé, début février, le 1er Salon des vins vaudois (s’il est le premier, c’est qu’il devrait avoir lieu chaque année…), en collaboration avec le label Terravin et ses producteurs, et au Swiss Wine Tasting, dont la plus récente édition a eu lieu en décembre dernier, à Zurich. Un poste au budget de l’OVV, de 70'000 fr., leur est dédié. Auprès du distributeur Manor comme de l’Ecole hôtelière de Lausanne – qui les sert à tour de rôle en apéritif dans son restaurant «Le Berceau des Sens» –, les 1ers grands crus tiennent leur rôle d’ambassadeurs vaudois: ça n’est pas rien! Partie prenante de l’opération, le Canton joue le jeu. Chaque hiver, le vin officiel du Conseil d’Etat 2020 marks the tenth year of Premier Grand Crus status, a classifi cation that is awarded to the very top Vaud wines. However, it concerns only 250,000 bottles, less than one per cent of Vaud production. These Premiers Grands Crus, the only classification of its kind in Switzerland, are to be welcomed and deserve to be promoted. est choisi parmi cette élite – pour 2020, et pour la deuxième fois, le Château La Bâtie, à Vinzel, vinifié par la Cave de La Côte –, au côté d’un Gruyère AOP – de la «Fromagerie gourmande» de Montricher.

Des rouges bien timides

En 2012, quand leur premier millésime (le 2011) avait été officiellement présenté, ils étaient 11, et exclusivement du chasselas. La législation viticole vaudoise de 2009 ne prévoyait que trois cépages: le chasselas, le gamay et le pinot noir. Jusqu’à ce jour, aucun gamay, aucun pinot, pourtant les deux cépages rouges traditionnellement cultivés dans le Pays de Vaud, n’a réussi à passer la rampe de la dégustation préliminaire des 1ers grands crus. Il a fallu attendre 2013 pour que, à la faveur d’un élargissement de la liste des cépages autorisés, les premiers rouges soient adoubés. Bingo! Trois... merlots de domaines vinifiés par

The Vaud Premiers Grand Crus: The Bright and Dark Side

Hammel (domaines de Crochet, à MontThey are undeniably an asset for the Office des Vins Vaudois (OVV). Every winter the State Council’s official wine is selected from among this elite group of wines: in 2020, Château La Bâtie, Vinzel, vinified by Cave de La Côte, was chosen for the second time, along with a Gruyère AOP, from the Fromagerie Gourmande in Montricher.

Reticent reds

In 2012, when the first 2011 vintages were officially presented, they comprised only 11 wines, all of which were Chasselas. The 2009 Vaud wine legislation only provided for three grape varieties: Chasselas, Gamay and Pinot Noir. To this day, not a Gamay nor a Pinot (even though these two varieties

Charles Rolaz, président de la commission des 1ers grands crus et directeur d'Hammel

Vincent Graenicher, vigneronencaveur à Tartegnin

sur-Rolle, du Châtelard, à Villeneuve et de la George, à Yvorne). Charles Rolaz, patron de la maison rolloise, est, aussi, le président de la commission des 1ers grands crus. Forte de 11 membres, elle est formée de représentants de la vitiviniculture vaudoise, dont une minorité de producteurs de 1ers grands crus, et de représentants de l’Etat (avec voix consultative).

Le deuxième arrivage de rouges est récent, puisqu’il s’agit des 2018 d’un petit domaine de La Côte, le Château Le Rosey, avec un brelan d’un garanoir en cuve, d’un garanoir en barriques et d’un gamaret en barrique. Ces cinq cépages (gamay, pinot, merlot, garanoir, gamaret) sont les seuls habilités au plus haut niveau. Au passage, Charles Rolaz s’étonne qu’en bientôt dix ans, si peu de dossiers de vins rouges vaudois aient abouti. Peut-être faut-il y trouver l’explication dans l’impossibilité de présenter des assemblages, souvent le vin rouge voulu comme le plus ambitieux par les producteurs…

Intransigeant sur la forme de la bouteille

Ce choix étriqué de rouges en 1ers grands crus est renforcé par le fait que Hammel ne mettra pas ses mer-

lots 2018 sur le marché en 1ers grands crus pour une raison cocasse. La maison rolloise figure bien dans la dernière brochure de l’OVV, avec trois rouges embouteillés dans le «demi-pot vaudois». Il s’agit d’une quantité limitée d’un millésime passé. Mais Hammel n’entend pas renoncer aux bouteilles de prestige qu’elle utilise pour ses vins rouges haut de gamme, un modèle bordelais. La commission, où le président Rolaz s’est récusé sur ce point, s’est montrée inflexible sur le contenant imposé aux 1ers grands crus: une bouteille «vaudoise», de 75 cl ou de 70 cl, ou le «demi-pot» de 70 cl, sinon la mention de 1er grand cru tombe! De son côté, le Château Le Rosey a opté pour une «vaudoise» opaque à 75 cl, adaptant, du coup, ce contenant à l’ensemble de sa gamme…

Démontrer la capacité de vieillissement

Ça n’est là qu’un détail d’un dossier qui en fourmille. Ainsi l’obturation, où le bouchon de liège (ce qu’exige la Baronnie du Dézaley…) n’est pas imposé, à côté du composite «diam» et de la capsule à vis. Pourtant, les 1ers grands crus militent pour démontrer que les vins tiennent dans la durée – une «mas-

ter class» d’anciens millésimes s’est tenue au 1er Salon des vins vaudois à Zurich. L’idée fait écho à l’opinion du philosophe anglais Roger Scruton, récemment décédé: «Pour apprécier ce vin (réd.: le bourgogne) à sa juste valeur, il faut le laisser vieillir au moins cinq ans, après quoi une étrange transformation a lieu dans la bouteille. Le raisin se retire peu à peu, laissant d’abord au premier plan le village, puis le vignoble, et enfin le sol lui-même» («Je bois, donc je suis», chez Stock).

Cette capacité de vieillissement est la pierre d’achoppement sur laquelle ont trébuché la plupart des 29 candidats recalés, ces huit dernières années. Pour être habilité à produire du 1er grand cru, ils doivent présenter à la dégustation cinq millésimes sur dix ans. A ce jour, en se basant sur les agréments obtenus à la fin de l’an passé par les 2018 actuellement mis sur le marché, 26 vins (dont 3 rouges) portent la mention 1er grand cru. La quantité de raisin récoltée pour ces vins avoisine les 200'000 litres de chasselas. Elle n’a guère évolué depuis 2011. Et une goutte de rouge, 4748 l de merlot en 2018, 4409 l en 2019, 2700 l de garanoir en 2018, la moitié moins en 2019, comme pour le gamaret, qui a passé de 1440 l à 675 l… sachant que le merlot risque fort de ne pas être commercialisé en 1er grand cru.

A ce stade, et malgré la timidité des rouges vaudois, on pourrait se demander si la mention 1er grand cru n’aurait pas dû être réservée au seul chasselas. Le vigneron-encaveur de Tartegnin, Vincent are traditionally grown in the Vaud canton) has succeeded in reaching the preliminary Premiers Grands Crus tasting. It was only in 2013, thanks to a broader list of authorised varieties, that the first reds were adopted. Three Merlots vinified by Hammel (from the Crochet estate, at Mont-sur-Rolle; Châtelard, at Villeneuve; and la George, at Yvorne). Charles Rolaz, the owner of the Rolle estate, is also the president of the Premiers Grands Crus Commission, which has 11 members made up of representatives of the Vaud wine industry, including a minority of Premiers Grands Graenicher, le pense: «C’est notre identité et notre savoir-faire de producteurs vaudois!» Le directeur des domaines et vignobles de Schenk à Rolle, Philippe Schenk, n’est pas loin de le penser aussi. Le groupe Schenk cumule des expériences différenciées en matière de chasselas. «Avec le Château de Chatagneréaz (réd.: le plus vaste domaine en 1er grand cru, avec 7 hectares inscrits en chasselas et 70'000 bouteilles sur le marché) et le Domaine de Autecour, nous avons une approche bordelaise d’une entité entièrement commercialisée en 1er grand cru. Tandis qu’avec le Château de Vinzel et le Domaine du Martheray, nous sommes plutôt dans une philosophie bourguignonne de parcellaire», explique Philippe Schenk. Et le Chablais? A Yvorne, ni le Clos du Rocher, ni le Château Maison Blanche n’en font partie. «On pourrait l’envisager», commente Philippe Schenk.

La démocratisation arbitrée par la dégustation

Dès le départ, la législation vaudoise, dont on dit qu’elle a été inspirée par la démarche de Clos, Domaines & Châteaux en 2004 plus sélective que l’AOC, s’est voulue démocratique, en défendant l’égalité des chances pour tous les terroirs vaudois. «Elle a réservé la mention 1er grand cru à tout domaine qui satisfait aux critères de sélection, basés sur la dégustation», rappelle Charles Rolaz. Ilfaut certes présenter un dossier historico-technique qui justifie le périmètre du

Philippe Schenk, directeur des domaines et vignobles de Schenk à Rolle

domaine, sous l’angle de la loi vaudoise, Crus producers, and State representatives (in a solely consultative capacity).

The next reds, from Château Le Rosey, a small estate in the La Côte region, appeared only recently, in 2018: a Garanoir matured in vats and a Garanoir and a Gamaret matured in barrels. The only varieties to be admitted at this highest level are Gamay, Pinot Noir, Merlot, Garanoir, Gamaret. Charles Rolaz has expressed surprise that so few red Vaud wines have passed the test over the last ten years. One explanation may be that blends, which are often the finest red wines produced, are not accepted.

Demonstrating ageing capacity

In the last eight years, ageing capacity was a major problem encountered by most of the 29 unsuccessful candidates. To qualify as a producer of a Premier Grand Cru, five vintages over a ten-year period must be presented at the tasting. To date, based on the authorisations obtained at the end of last year by the 2018 wines currently on the market, 26 (of which 3 reds) carry the Premier Grand Cru label. The volume of grapes harvested for these wines was close to 200,000 litres of Chasselas, roughly the same as in 2011. And just a drop of red: 17

Pierre Bouvier, propriétaire du Château Le Rosey, à Bursins 4,748 litres of Merlot in 2018; 4,409 litres in 2019; 2,700 litres of Garanoir (half as much in 2019); and Gamaret which went from 1,440 litres in 2018 to 675 litres in 2019. Note, the Merlot was very unlikely to be marketed as a Premier Grand Cru.

In view of this, and regardless of the reticence of Vaud reds, one might wonder whether the Premier Grand Cru label should not have been simply limited to Chasselas. Vincent Graenicher, the Tartegnin wine-grower agrees: “Chasselas is our identity and represents the know-how of the Vaud producers!” mais aussi un historique de bouteilles de cinq millésimes sur dix ans. Ensuite, rien n’interdit de ne soumettre qu’une quantité limitée de vin.

La législation fixe un calendrier pour chaque étape. Une fois le dossier de base accepté, la parcelle inscrite est contrôlée par des experts de la commission, sous l’angle de la viticulture, en production intégrée, et du rendement (0,8 litre au m2 pour le blanc, 0,64 litre au m2 pour les rouges). C’est la dégustation d’agrément, année après année, qui fait foi et permet de conserver son rang de 1er grand cru. Le candidat a deux chances: si son premier échantillon ne passe pas l’agrément, il peut se représenter. Avec le risque de rater un millésime et d’être bouté hors du cercle restreint. Dernier arrivé dans ce cénacle, Pierre Bouvier, dont le domaine est cultivé en biodynamie, défend le système: «Il s’agit de mettre en avant une qualité supérieure. Chaque année est différente, mais si le vin n’est pas excellent, on ne le présente pas, ou on ne le fait pas. J’aime l’idée que la mention soit remise sur le tapis! L’examen annuel crédibilise le système, plutôt que d’encourager à se reposer sur ses lauriers parce qu’on est devenu, une fois pour toutes, 1er grand cru.»

Sous la houlette de Philippe Herminjard, secrétaire de la Fédération vaudoise des vignerons et gérant de la marque de qualité Terravin, secrétaire de la commission des 1ers grands crus, ce sont les dégustateurs jugés les plus «capés» du label Terravin qui apprécient Philippe Schenk, the director of the Schenk estates and vineyards in Rolle, holds a similar opinion. In fact, the association Clos, Domaines et Châteaux, which brings together eleven estates that have premier Grand Cru recognition, do not bottle red wine.

Approval tasting assures democratic procedures

From the start, Vaud law has sought to be democratic and has defended equality of opportunity for all the Vaud vineyards. Charles Rolaz reminds us that it has reserved the Premier Grand les vins, tant pour l’étape initiale de l’acceptation que pour l’agrément annuel. Et c’est le service du chimiste cantonal qui prélève les échantillons en cave, avant ou après la mise en bouteille, au choix du producteur. On voit que tout le processus est méticuleusement encadré.

Des prix, reflets des régions

A Yvorne, Frédéric Deladoey, du Domaine de l’Ovaille, faisait partie de la vague initiale des 1ers grands crus. Le vigneron-encaveur d’Yvorne n’a peur de rien! Il est un de ceux à soumettre son vin le plus prestigieux aux concours, avec, l’an passé, une médaille d’or au Concours Mondial de Bruxelles à Aigle pour le 2017 (à l’instar du Château de Malessert et du Clos de l’Abbaye de la Commune d’Yvorne, pour le même millésime) et une médaille d’or et une place de finaliste avec le 2018 au Grand Prix du Vin Suisse. Il vend sa bouteille (de 2018) officiellement 31 francs. Au Swiss Wine Tasting à Zurich, c’était le seul chasselas 1er grand cru à passer la barre des 30 francs, contre deux entre 25 et 30 fr., cinq entre 20 et 25 fr., cinq entre 18 et 20 fr. et deux en-dessous. Le vigneron d’Yvorne explique cette exception parce que Moevenpick, gros client, le vend au prix de certains Dézaleys. Le Vuargnéran regrette, au passage, que les vins de Lavaux, et notamment les Dézaleys et Calamins n’aient pas joué le jeu du 1er grand cru jusqu’ici, à une ou deux exceptions près. Mais à Lavaux, Jean-François Neyroud-

Fonjallaz a tenté l’opération en faisant Cru label for every estate that meets the selection criteria, based on the tasting. A historical and technical document must be presented to justify the boundaries of the estate, as well as a record of the five vintages over ten years. The producers are free to submit any quantity. The law provides for a timetable for each procedural step. Once the preliminary document has been accepted, the plot in question is checked by experts with regard to: viticultural aspects, integrated production, and yield (0.8 litres per m2 for whites; 0.64 litres per m 2 for reds). Year after year, it is the ap-

classer son Chavonchin, vinifié en œuf de béton: après le millésime 2016, il y a renoncé. Non pas parce qu’il ne croit pas à la démarche des 1ers grands crus, mais parce qu’il était difficile de faire passer auprès de sa clientèle une différence de 10 francs par rapport à son Saint-Saphorin grand cru Le Magistrat, issu du même terroir. A Zurich, le Château de Chatagneréaz 2017 et le Domaine de Autecour 2017 étaient proposés à 16 fr. 50 et 15 fr. 50. Pour Philippe Schenk, «l’enjeu et la difficulté, pour un petit vigneron ou pour un grand domaine qui choisit de tout vendre en 1er grand cru, ne sont pas identiques.» A La Côte, les tenants des 1ers grands crus comparent le prix pratiqué pour les 1ers grands crus à la majorité des vins, vendus entre 8 et 12 francs. Malgré les frais à engager, le jeu en vaudrait la chandelle… ce que démontrent le nombre des 1ers grands crus à La Côte – plus de la moitié.

Conçu comme «faisable» partout dans le vignoble vaudois, le 1er grand cru, de par son statut exceptionnel, aurait pu gommer les inégalités entre les régions. Il n’en est rien, et les prix s’étalonnent selon la réputation établie. Néanmoins, force est de constater que trois lieux de production, AOC réputées avant 2009, Mont-sur-Rolle, Féchy et Yvorne, alignent chacun quatre 1ers grands crus (soit la moitié des chasselas). Malgré l’étude des terroirs menée au début de ce siècle dans le vignoble vaudois, personne n’a pris la responsabilité de cartographier le parcellaire vaudois, même proval tasting that has the final word, thus maintaining Premier Grand Cru rank and credibility. The candidate has two chances: if the first sample is not approved, he can apply again, but runs the risk of forfeiting a vintage and being expelled from the ‘inner circle’. Pierre Bouvier, a recent arrival in this exclusive circle, defends the system: “It’s a question of showcasing superior quality. Each year is different, but if a wine is not excellent, we don’t present it or don’t make it. I like the idea of distinction being put back on the table! An annual test makes the system credible au sens où l’entend l’Italien Alessandro Masnaghetti (qui a publié ses plans du Piémont, de la Valpolicella, du Chianti, mais aussi de Pauillac et bientôt de la Napa Valley. www.enogea.it).

Liberté est laissée à qui veut produire un peu de 1er grand cru ou faire reconnaître l’entier de son domaine, quitte à ne pas utiliser ce droit immédiatement. C’est l’inverse de ce qui s’est fait à la fin du XXe siècle en Alsace, où des périmètres de grand cru ont été délimités, avec des parcelles cultivées par plusieurs propriétaires. Une philosophie qu’appliquent aussi, en Allemagne, les producteurs cooptés par l’association «VDP, die Prädikatsweingüter». Au contraire de cette dernière, les 1ers grands crus vaudois ne sont ni un «club», ni une «amicale», quitte à s’affranchir de la tutelle de l’Etat pour lever des fonds afin d’assurer par eux-mêmes leur promotion.

L’épée de Damoclès d’une future législation

Dans les ombres d’un tableau, où les 1ers grands crus émergent comme les Dents du Midi dans une toile de Gustave Courbet, on ne sait pas quel avenir la législation réserve à cette spécialité vaudoise. En 2019, pour les vins dits de la «classe 1», avec 0,77% de vendange en 1ers grands crus, 78,5% en grand cru (soit cinq degrés Oechslé plus riche que la catégorie AOC) et 20,6% en AOC, la «pyramide» vaudoise ressemble à un losange dont la fine pointe est occupée par moins d’1% de 1ers grands crus (interdits de coupage) et la partie la plus large, par and discourages producers from resting on their laurels just because they have gained Premier Grand Cru status.”

Under the supervision of Philippe Herminjard, the secretary of the Vaud Wine-growers Federation, manager of the Terravin quality label, and Premiers Grands Crus Commission secretary, the most competent Terravin label tasters are given the task of appreciating the wines both at the preliminary stages and at the annual approval tasting. And it is the Cantonal Chemist department that oversees sample taking in the wine cellar, before or after bottling, whichever

les grands crus (coupés à 10% maximum en appellation village, sauf pour les AOC grand cru Dézaley et Calamin, pures), puis par l’AOC, censée figurer le socle de la pyramide. Ce losange retrouve une forme triangulaire sur le marché, par le jeu de l’assemblage 60% – 40% (et 10% de coupage généralisé), qui permet de quasiment doubler le «potentiel liquide» des lieux de production les plus réputés des AOC régionales.

Une nouvelle législation, dont la discussion a perdu de son urgence par la volonté des milieux vitivinicoles, tiendra-t-elle compte des spécificités des 1ers grands crus? Ou alors la pointe émergée de l’iceberg se fondra-t-elle dans une

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définition de grand cru plus étendue, the producer chooses. The whole process is most meticulously supervised.

Future legislation – the sword of Damocles

We do not know what future legislation might have in store for this Vaud speciality. In 2109, so-called ‘class 1’ wines, earmarked 0.77% of their harvest in Premiers Grands Crus, 78.5% in Grand Cru, and 20.6% in AOC. Thus, less than 1% is accounted for by Premiers Grands Crus (blending is forbidden), while Grands Crus (maximum 10% blended, except for pure AOC

Frédéric Deladoey et son fils Rémi, Domaine de l’Ovaille, à Yvorne

© Philippe Dutoit

liée à des périmètres géographiques à définir? Le jeu reste ouvert. «C’est une épée de Damoclès juridique», constate Charles Rolaz, conscient que le système «doit évoluer et que nous devons nous remettre en question»: «On n’a pas encore compris comment valoriser la diversité des cépages adaptés à nos sols, à nos expositions et à nos microclimats. On n’a pas encore trouvé le bon message pour le communiquer, non plus. Pourtant, les vins vaudois ont une richesse unique, avec des influences rhodaniennes, bourguignonnes et alsaciennes.»

Qui osera ouvrir la boîte de Pandore pour résoudre ce qui ressemble, depuis avant 2009 déjà, moins à une pyramide qu’à la quadrature du cercle?

Grand Cru Dézaley and Calamin), make up the largest volume, followed by AOC.

Would new legislation consider the specificities of Premiers Grands Crus, or might these be merged into an extended definition of Grand Cru, linked to geographical boundaries yet to be defined? We shall see.

1ers grands crus, millésime 2018

CHASSELAS La Côte (treize 1ers GC pour 20,27 ha) Les Cottes (1,7 ha), Domaine de Serreaux-Dessus, Begnins; *Au Fosseau (0,3 ha, Vinzel), Domaine de la Capitaine, Begnins; Château La Bâtie (2 ha), Vinzel; Château de Vinzel (0,6 ha, CDC); Château Saint-Vincent (0,5 ha, CDC), Gilly; *Château de Châtagneréaz (7 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; *Es Cordelières (3,3 ha, CDC), Vincent Graenicher, Mont-sur-Rolle; *Château de Mont (0,3 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; *Domaine de Autecour (1,4 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; Au Brez (0,57 ha), Kursner Vins, Féchy; *Domaine de Fischer (1 ha), Féchy; Château de Malessert (2 ha), Féchy; Domaine du Martheray (1 ha, CDC), Féchy. Lavaux (quatre 1ers GC pour 3,9 ha) Château de Montagny (0,5 ha, Villette), J. et M. Dizerens, Lutry; Dézaley La Gueniettaz (0,5 ha), Christophe Chappuis, Rivaz; Les Roches Plates (1,2 ha), Domaine du Burignon (Saint-Saphorin), Ville de Lausanne; *Château de Chardonne (1,7 ha , CDC). Chablais (six 1ers GC pour 10,32 ha) *Clos du Châtelard (2 ha, Villeneuve), Hammel, Rolle; *Clos de la George (2,5 ha, Yvorne), Hammel, Rolle; Clos de L’Abbaye (1,3 ha, CDC), Commune d’Yvorne; *L’Ovaille 1584 (2 ha, Yvorne), Hammel, Rolle; *L’Ovaille (2,3 ha), Frédéric Deladoey, Yvorne; Clos Maijoz, Commune d’Aigle (0,22 ha).

*Les 11 domaines présents dès le début, avec le millésime 2011. CDC: membre de l’Association Clos, Domaines et Châteaux – www.c-d-c.ch CÉPAGES ROUGES Un seul domaine pour 2018, Château Le Rosey (surface totale 4,5 ha) à Bursins, pour trois vins distincts: un garanoir, un garanoir barriques et un gamaret barriques. La brochure de l’OVV sur les caractéristiques détaillées des 1ers GC peut être téléchargée sur ce lien: www.ovv.ch/le-terroir-vaudois/premiers-grands-crus

Des cépages «étrangers» bien intégrés (2) Un duo bordelais: cabernet franc et sauvignon blanc

Dans le deuxième volet de notre série sur les cépages qui ont trouvé un second foyer en Pays de Vaud, nous nous sommes intéressés à deux variétés bordelaises qui ont connu un énorme succès international ces dernières décennies: le cabernet franc et le sauvignon blanc.

La tentation de lier l’arrivée des cépages dits internationaux – un terme inadéquat qui désigne des cépages français le plus souvent originaires de la Gironde – au réchauffement climatique est grande. Toutefois, comme le rappelle le Commandeur des Vins Vaudois José Vouillamoz qui cite ici un ouvrage du milieu du 19e siècle: «Dans le canton de Vaud, le malbec, le cabernet sauvignon ou encore le merlot ont été introduits dès 1837 sous le nom de Bordeaux à partir de la Savoie, ou directement de la ville de Bordeaux». Un demi-siècle plus tard, les ampélographes Burnat et Anken «précisent que les cépages appelés Plants de Bordeaux dans le canton de Vaud comprennent le cabernet Franc, le cabernet One is tempted to attribute the arrival of so-called ‘international’ grape varieties – an inappropriate term as it refers only to French varieties mainly from Gironde – to global warming. However, José Vouillamoz, the Commandeur of Vaud wines, referring to a mid-19th -century text points out: “In the Vaud canton, Malbec, Cabernet Sauvignon and Merlot were introduced in 1837 under the name Bordeaux, coming from the Savoie region or directly from the city of sauvignon et le carménère». L’histoire de l’encépagement du vignoble vaudois avant le monopole du triumvirat chasselas, pinot noir et gamay est encore à écrire, mais il est certain que les vignerons vaudois ont joué un rôle de pionnier dans la culture de ces variétés bordelaises sur sol helvétique. Pour mémoire, les cabernets ne font leur apparition en Valais qu’en 1862 et les premiers plants de merlot ont été plantés au Tessin en 1906.

Cabernet franc

Sans doute originaire des Pyrénées, le cabernet franc est l’aïeul d’une famille Bordeaux.” Half a century later, the ampelographers Burnat and Anken stated: “In the Vaud canton, the grape varieties called Plants de Bordeaux comprise Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon and Carmenere.”

Cabernet Franc

No doubt originating in the Pyrenees, Cabernet Franc is the ancestor of a very large family. DNA testing has shown that it is the father of Merlot en pleine croissance. Les analyses ADN ont démontré qu’il était le père du merlot (avec la magdeleine noire des Charentes), du carménère (avec le gros cabernet, luimême métissage de fer servadou et de txakoli) et du cabernet sauvignon (avec le sauvignon blanc). Le terme de cabernet est aussi fréquemment utilisé lors du baptême de nouveaux cépages. On peut donc désormais rencontrer dans le vignoble du cabernet dorsa, du cabernet dorio, du cabernet jura ou encore du cabernet cortis. En Suisse, les dernières statistiques font état de 74 hectares de cabernet franc (donc quinze en terres vaudoises) et de 65 hectares de cabernet sauvignon (y compris les cinq recensés

Cabernet Franc and Sauvignon Blanc

dans le Pays de Vaud). (with Magdeleine Noire des Charentes), of Carmenere (with Gros Cabernet, itself a cross between Fer Servadou and Txakoli) and Cabernet Sauvignon (with Sauvignon Blanc). The term Cabernet is often adopted when new grape varieties are baptised. Thus, in the vineyards, we can come across varieties such as Cabernet Dorsa, Cabernet Dorio, Cabernet Jura and Cabernet Corti. In Switzerland, recent statistics show 74 hectares of Cabernet Franc (of which Le Guillon 56_2020/1 23

Un rouge tardif qui aime lézarder au soleil

Travaillant cinq hectares de vignes dans le Chablais, Pierre-Alain Meylan a planté ses premiers greffons de cabernet franc il y a tout juste vingt ans. «A l’époque, je cherchais à me diversifier. J’avais apprécié plusieurs cabernets nés sur des coteaux crayeux de la Vallée de la Loire. Je me suis dit que le cépage pourrait très bien s’acclimater sur le Coteau de Verschiez composé de sols assez similaires.» La première récolte se fait en 2003. Grâce à la canicule, les raisins de cette variété de troisième époque atteignent une maturité parfaite. Les choix de vinification – cuvage long et élevage d’une dizaine de mois en barrique – métamorphosent ces baies en une spécialité puissante qui plaît beaucoup à la clientèle. «Plus de deux bouteilles sur trois partent chez des restaurateurs qui associent mon cabernet franc à des viandes rouges plutôt corsées, comme l’agneau ou la chasse», précise le vigneron d’Ollon qui ajoute que «du côté de la clientèle privée, il a beaucoup de succès auprès des femmes. Les hommes lui préfèrent en général le gamaret, plus souple.»

Lorsqu’on lui demande quelles sont les conditions nécessaires à l’élaboration d’un cabernet de qualité, Pierre-Alain Meylan rappelle que c’est un cépage tardif, dit de troisième époque. Ce qui signifie qu’il arrive à maturité plus de 36 jours après le chasselas. «Il nous est arrivé plusieurs fois de terminer les vendanges et de laisser passer quatre ou cinq jours avant d’aller ramasser le cabernet franc, confie notre propriétaire-encaveur. A la vigne, il ne donne pas trop de soucis. Il faut juste régler la récolte avec grand soin. Une fois la nouaison terminée, on trouve côte à côte des très belles grappes et d’autres, au teint plutôt clairet, qu’il faut absolument enlever. En 2019, nous avons dû enlever des grappes à trois reprises afin d’obtenir la qualité à laquelle nous avons habitué notre clientèle.»

Au pinacle des rouges vaudois

Arrivé au Domaine de Chantegrive au début des années 1980 après un séjour chez un producteur renommé de Châteauneuf-du-Pape, Alain Rolaz se rappelle s’y être découvert une passion pour l’élevage des rouges en barrique. «A cette époque, le domaine familial comptait beaucoup de chasselas et un peu de rouge, que l’on livrait à un négociant. Mon père avait un esprit très ouvert, nous avons rapatrié au domaine la vinification des rouges. En parallèle, nous avons commencé à diversifier le vignoble avec du gamaret, du garanoir et du dornfelder. Le cabernet franc est arrivé en 1998, suivi par une deuxième plantation en 2001.» Diolinoir, merlot et mondeuse noire viendront compléter cette liste qui se décline essentiellement dans la gamme Crescendo, où l'on re-

A l’époque, je cherchais à me diversifier. J’avais apprécié plusieurs cabernets nés sur des coteaux crayeux de la Vallée de la Loire. Je me suis dit que le cépage pourrait très bien s’acclimater sur le Coteau de Verschiez composé de sols assez similaires.

Pierre-Alain Meylan, vigneron-encaveur à Ollon

© Hans-Peter Siffert

trouve les vins élevés sous bois. «Le cabernet franc est un cépage costaud, franc et racé qui a longtemps été destiné à un assemblage dans lequel il faisait la paire avec le merlot. Cependant, depuis une petite dizaine d’années, je le vinifie aussi tout seul» confie Alain Rolaz qui confirme l’intérêt de la clientèle pour les monocépages. Les professionnels ne sont pas en reste, puisque le millésime 2015 du Cabernet Franc Crescendo a remporté la catégorie «Autres cépages rouges purs» de la Sélection des Vins Vaudois 2017. Une belle récompense pour une variété qui n’était pas le premier choix d’Alain Rolaz. «En 1998, je voulais planter du cabernet sauvignon, mais mon pépiniériste me l’a déconseillé. Il estimait que cette variété donnerait peut-être de très bons résultats les années exceptionnelles, mais qu’il ne mûrirait pas dans les millésimes plus traditionnels. Aujourd’hui, je ne regrette rien. En effet, même dans une

Le cabernet franc est un cépage costaud, franc et racé qui a longtemps été destiné à un assemblage dans lequel il faisait la paire avec le merlot.

Cependant depuis une petite dizaine d’années, je le vinifie aussi tout seul.

Alain Rolaz, domaine de Chantegrive, Gilly

15 hectares in the Vaud region) and 65 hectares of Cabernet Sauvignon (of which five in the Vaud region).

Pierre-Alain Meylan, who has five hectares of vines in the Chablais region, planted his first grafts 20 years ago. The first harvest was carried out in 2013 and thanks to the heat wave that year, these third maturity period grapes had reached perfect maturity. The vinification process that was chosen – long maturation and some ten months of barrel ageing – produced a powerful speciality which is much appreciated by consumers. Pierre-Alain Meylan points out that this late variety grape reaches maturity more than 36 days later than Chasselas. Alain Rolaz arrived at Domaine de Chantegrive at the beginning of the 1980s after spending some time working with a famous producer in Châteauneufdu-Pape where, he tells us, he had discovered a passion for maturing red wines in barrels. Cabernet Franc was introduced at Chantegrive in 1998, followed by a second planting in 2001. Diolinoir, Merlot and Mondeuse Noire were later added to the range. They are found mainly in his Crescendo line of wines, all aged in wooden barrels. His Cabernet Franc Crescendo 2015 was awarded first prize in the Other Pure Red Varieties category at Sélection des Vins Vaudois, 2017.

Sauvignon Blanc

An aromatic and superbly acid grape variety, Sauvignon Blanc became popular worldwide in the second half of the 20th century. It left its traditional territory in Val de Loire and Gironde to become the flagship of New Zealand wines and secured itself a choice position on all five continents. It only appeared in Switzerland at the beginning of the

année compliquée comme 2014, nous avons réussi à obtenir un vin de qualité. Bien entendu, cela implique un contrôle strict des récoltes. Afin de ne produire que 500 grammes au mètre, il faut diviser par deux le nombre de grappes et, parfois, faire une deuxième vendange en vert.» Quant à la vinification, elle suit un protocole similaire à tous les crus de la gamme Crescendo: fermentation malolactique en barrique et élevage d’un an en fût de chêne. Avec presque 95% de chasselas, l’encépagement était très traditionnel. J’ai immédiatement décidé de diversifier en plantant des rouges et deux spécialités blanches: le pinot gris et le sauvignon blanc.

Thierry Maurer, Domaine de Roliebot, Mont-sur-Rolle

Sauvignon Blanc

Cépage très aromatique doté d’une belle acidité, le sauvignon blanc a connu un développement planétaire durant la deuxième moitié du 20e siècle. Ce fils du savagnin blanc a quitté ses fiefs traditionnels du Val de Loire et de Gironde pour devenir le porte-étendard du vignoble néo-zélandais et se tailler une place de choix sur les cinq continents. En Suisse, il n’apparaît qu’au début des années 1990. Encore aujourd’hui, il demeure une variété secondaire qui ne couvre que 190 hectares du vignoble helvétique, dont 17 en terre vaudoise.

Une spécialité... qui le restera

En 2002, Chantal et Thierry Maurer reprennent le Domaine de Roliebot après avoir travaillé dix ans en parte-

© Bertrand Rey

nariat avec le père de Thierry. Cette exploitation de sept hectares à Montsur-Rolle appartenait à la famille depuis quatre générations déjà. «Avec presque 95% de chasselas, l’encépagement était très traditionnel, explique notre vigneron. J’ai immédiatement décidé de diversifier en plantant des rouges et deux spécialités blanches: le pinot gris et le sauvignon blanc.» Convaincu par la qualité des premiers sauvignons suisses (le canton de Genève a été pionnier en la matière) et désireux de commercialiser une variété encore confidentielle en Suisse, Thierry Maurer plante ses premiers greffons en 1993. Ce blanc aromatique, qui ne fait jamais de fermentation malolactique et qui passe plusieurs mois en barrique de deuxième ou de troisième passage, trouve rapidement son public. Bien que ce produit de niche se vende sans difficulté, le Montois considère que cette variété a aussi ses limites: «dans les terres très riches de la région, le sauvignon peut se montrer très vigoureux. De plus, dans les années chaudes, il donne naissance à des vins très riches.» Démonstration avec le 2018, qui arbore un petit sucre résiduel. «Cela peut plaire, poursuit Thierry Maurer, mais cela ne correspond ni à ce que je recherchais en le plantant, ni au style vif et tendu que j’aime donner à mes vins.» Si les coups de chaleur de Dame Météo modifient la silhouette du sauvignon blanc du Domaine de Roliebot, la clientèle semble évoluer en conséquence. «Ce vin est apprécié par une clientèle d’habitués qui ont adapté leur consommation depuis quelques années. Il a quelque peu perdu sa fonction première de vin de gastronomie à servir sur un poisson ou une entrée pour devenir un blanc d’apéritif très apprécié.»

92 points Parker

«Lorsque j’ai décidé d’introduire du sauvignon à Lavaux, je me suis tourné vers Jean Hutin qui avait fait des essais à Genève avec une dizaine de clones. En 1993, j’ai pu choisir celui qui me plaisait le plus afin de le planter sur une parcelle derrière l’hôpital de Lavaux. Afin de mieux comprendre ce cépage, je suis allé visiter des domaines – les Châteaux Malartic-Lagravière et Carbonnieux dans les Graves et Didier Dagueneau dans la Loire – reconnus pour leur savoir-faire. Au fil des ans, des surgreffages ont été faits à Saint-Saphorin, à Epesses, à Villette. Chaque vigne donnant des vins assez différents, je vinifie deux vins différents: le Buxus, la quintessence du sauvignon de Lavaux, et le Ribex, que l’on peut considérer comme un deuxième vin», explique LouisPhilippe Bovard qui a ajouté l’an passé à sa gamme le Hip et Hop, un mousseux réalisé avec les bourbes de sauvignon. Exporté à Londres, au Japon, aux EtatsUnis et désormais en Russie, le Buxus du Domaine Bovard a également été «parkerisé». Début 2019, Stephan Reinhardt a donné 92 points au millésime 2017. Cette reconnaissance récompense des choix viticoles et œnologiques judicieux. «Il y a aussi eu une part de chance, reconnaît Louis-Philippe Bovard. La première parcelle sur laquelle j’ai surgreffé du sauvignon était l’un des rares endroits de Lavaux à se composer de graves – ces graviers et galets mélangés à du sable – qui ressemblent énormément aux sols 1990s. Still today, it remains a secondary variety covering no more than 190 hectares of Swiss vineyards, of which 17 hectares in the Vaud region.

In 2002, Chantal and Thierry Maurer took over the Domaine de Roliebo after working for 10 years in partnership with Thierry’s father. The seven hectares of vineyards in Montsur-Rolle had belonged to the family for four generations. Inspired by the quality of the first Swiss Sauvignon wines, pioneered in the canton of Geneva, and keen to produce a variety that was relatively unknown in Switzerland, Thierry Pour réussir un bon sauvignon et à l’inverse du chasselas, il faut vendanger des raisins verts et surtout pas des beaux grains dorés.

Louis-Philippe Bovard, Cully

où naissent les grands sauvignons de Bordeaux. Je ne le savais pas au moment de la plantation, c’est l’étude des terroirs de Lavaux qui nous l’a appris. J’ai aussi pu bénéficier de l’expérience de grands spécialistes du sauvignon qui m’ont expliqué que les thyoles, les composés Maurer planted his first grafts in 1993. This aromatic white variety, which never undergoes malolactic fermentation and is put in second or third passage barrels for several months, rapidly found appreciative consumers. In the last few years, Thierry Maurer’s Sauvignon has become less of a gastronomic wine and more often enjoyed at aperitif time.

The Sauvignon Buxus from Domaine Bovard, Cully, is exported to London, Japan, USA and Russia. Stephan Reinhardt, from Rober Parker Wine Advocate, gave the 2017 vintage 92 points. This recognition certainly rearomatiques qui font la spécificité du sauvignon, sont très sensibles et qu’ils sont très rapidement brûlés par le soleil. En clair, pour réussir un bon sauvignon et à l’inverse du chasselas, il faut vendanger des raisins verts et surtout pas

des beaux grains dorés.» warded the sound choices made in the wine-making process. Louis-Philippe Bovard adds: “There was also an element of luck. The first parcel where I grafted some Sauvignon was one of the rare spots in Lavaux where the soil is made up of gravel and pebbles mixed with sand, which is very much like the soil composition which produces the great Sauvignons of Bordeaux. I wasn’t aware of that when I did the planting!”

Cinq questions à Nicolas Joss, directeur de SWP Comment relancer les vins suisses?

Entré en fonction comme directeur de Swiss Wine Promotion (SWP) à Berne, il y a moins d’un an (juillet 2019), le Vaudois Nicolas Joss s’attelle à relancer la vente des vins suisses par un programme exceptionnel, subventionné par la Confédération.

- Quels moyens l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a-t-il dégagés pour ce programme exceptionnel?

A fin 2019, nous avions engagé 300'000 francs, dont 70'000 fr. de l’OFAG, et pour 2020, on devrait pouvoir lever 1 million de francs, avec un co-financement proche des 40%. Sur le modèle de ce qui se fait dans le monde agricole, l’Office fédéral de l’agriculture couvre une partie des dépenses, le solde est à charge des partenaires ciblés, en l’occurrence la grande distribution et l’hôtellerie et la gastronomie. Ce programme spécial devrait se poursuivre jusqu’en automne 2021. Nommé «vins suisses sans hésiter», il s’ajoute à la subvention fédérale octroyée au budget annuel de SWP, de 2,9 millions de francs pour 2020, et renégociée chaque année.

- Quels sont les exemples concrets que le consommateur peut voir?

On a choisi le moyen le plus adéquat avec chaque partenaire de la grande distribution. Par exemple, chez Coop, les vins suisses sont mieux balisés dans les rayons, afin de les distinguer de l’offre étrangère, pour guider le consommateur dans ses choix. Chez Denner, le référencement national des vins suisses a été étendu et on peut mieux les identifier dans les rayons. Chez Spar et Top CC, on a créé un lien entre les vins suisses et des recettes de cuisiniers locaux (tel celui de l’Auberge de Rivaz). On propose aussi un concours qui emmènera les gagnants, professionnels de la restauration et clients lambdas, sur place, à Lavaux.

- Comment visez-vous les milieux de l’hôtellerie et de la restauration?

On travaille en partenariat avec GastroSuisse et ses 20'0000 établissements dans tout le pays. Dès Pâques, on va davantage communiquer sur les vins suisses. On favorisera, par des promotions, les liens entre distributeurs et l’HoReCa. On incitera les restaurateurs à mieux identifier les crus suisses sur les cartes des vins par des pictogrammes. On valorisera les restaurateurs qui vendent déjà des vins suisses, notamment par le biais du programme Swiss Wine Gourmet. Ce dernier, en collaboration avec la Semaine suisse du goût, référence déjà 1400 établissements, dont 15, grands ou petits, sont distingués chaque année depuis deux ans pour leurs efforts en faveur des vins suisses. Nous devons partir à la reconquête des établissements populaires, là où les vins suisses ont perdu le plus de parts de marché ces dernières années.

- N’y a-t-il pas un risque de n’encourager que le vin local, par exemple, à Zurich, le vin zurichois, alors que les deux tiers des producteurs sont en Suisse romande et les deux tiers des consommateurs outre-Sarine?

SWP fait la promotion de l’identité du vin suisse, sous le slogan «ce qui nous ressemble nous rassemble». Pour les vins suisses, on laisse au consommateur la liberté de choix dans la diversité de ce qui lui est proposé. Ensuite, c’est aux six régions viticoles d’agir. Une commission de coordination, qui réunit la direction de SWP et les offices cantonaux de promotion, favorise les échanges entre les régions pour éviter les collisions dans le message.

- Dans les rayons, une bouteille de Suisse est-elle suffisamment visible?

En novembre, nous avons relancé le logo dessiné par le fameux graphiste Tyler Brûlé, de l’agence zurichoise Winkreative en 2014. Tous les vignerons du pays peuvent l’utiliser gratuitement, selon une charte graphique, sur la capsule à vis, sur le côté du bouchon, sur l’étiquette ou la contre-étiquette des bouteilles et sur les emballages. Fait encourageant, déjà, des distributeurs exigent des producteurs qu’ils fassent fi gurer ce logo sur leurs bouteilles!

Propos recueillis par Pierre Thomas

Texte: Pierre-Etienne Joye Photos: Sandra Culand

Le miel vaudois, cet or si convoité

Les dernières années ont été délicates en matière de récolte de miel en Suisse. Le canton de Vaud n’est pas épargné. Mais la fascination pour les abeilles demeure intacte. Mieux, l’apiculture suscite de plus en plus de vocations. Pour des raisons gourmandes et aussi écologiques. Mais attention, élever des abeilles n’est de loin pas une sinécure.

«Espérons qu’on puisse bénéficier d’une belle floraison pour des miels parfumés qui garantissent notre réputation!» Ce souhait, énoncé calmement avec un brin d’amertume, c’est André Pasche qui l’exprime. Président sortant de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA), ce passionné a passé 10 ans au comité de l’organisation faîtière. Celui qui se dit fier de ses miels clairs et crémeux de fleurs de printemps «le miel préféré des femmes et des enfants», revient brièvement sur une année 2019 qu’il qualifie de catastrophique. Surtout au niveau du climat: «Il a fait trop froid quand les fleurs étaient là. La production de miel de printemps en a lourdement pâti et on n’a pas pu faire de miel de forêt. Une des pires saisons de ces 10 dernières années, avec d’autres très médiocres.»

Apiculteurs en herbe

Il n’empêche, l’apiculteur aux 50 colonies dispersées sur un vaste territoire compris entre Vinzel et Châteaux-d’Oex se veut confiant. Si tout se passe bien, le nouveau miel est attendu pour juin. «Ça reste un produit très recherché et on est actuellement en pénurie de miel autochtone» note André Pasche, qui se réjouit de l’engouement à la fois chez le consommateur et les apiculteurs en herbe. Mais c’est là qu’il relève le paradoxe: les nouveaux éleveurs d’abeilles sont en expansion, mais pour certains, le miel devient secondaire. Leur but est de garder des abeilles pour assurer la pollinisation, préserver la biodiversité avec un souci de garantir l’avenir de la planète. Une conscience écologique totalement louable qui comporte toutefois un risque et pas des moindres: l’effet inverse! A savoir que les abeilles ellesmêmes peuvent souffrir du manque d’expérience des novices en la matière. Notamment la propagation de maladies ou de parasites – varroa, frelon asiatique –. De sous-nutrition aussi. Si tout se passe bien, le nouveau miel est attendu pour juin. Ça reste un produit très recherché et on est actuellement en pénurie de miel autochtone

André Pasche, Président sortant de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA)

Le miel en chiffres En Suisse, comme dans le canton de Vaud, les producteurs de miel sont surtout des artisans qui possèdent en moyenne 5 à 15 ruches. Le pourcentage d’apiculteurs professionnels ou semi-pro est très faible (2%). Au niveau national, environ 20’000 personnes pratiquent l’apiculture et s’occupent de 180’000 colonies d’abeilles. Le canton de Vaud compte 18 sociétés régionales d’apiculture. Près de 1200 apiculteurs possèdent des ruches réparties sur tout le territoire vaudois. En haute saison, c’est-à-dire pendant la récolte, une colonie compte 50’000 abeilles en moyenne. Côté quantité, la récolte de miel suisse est de 3’600 tonnes par an, selon les conditions. Pour Vaud, la quantité totale de miel labellisé est estimée à 25 tonnes. Un cours cantonal d’apiculture de base est organisé par la FVA. Cette formation se déroule sur une période de 2 ans et est reconnue par la Société romande d’apiculture (SAR). Informations et inscriptions sur www.apiculture.ch PEJ

En haute saison, une colonie compte 50’000 abeilles en moyenne

Vaud Honey – a highly prized product

These last few years have been particularly challenging for beekeepers in Switzerland. The canton of Vaud has not been spared. Yet the fascination with bees has remained intact and more and more people are entering the profession, focusing either on the gastronomic or ecological aspects. However, beekeeping is no easy matter. André Pasche, the outgoing president of the Vaud Federation of Beekeepers’ Associations (FVA), who spent ten years on the organisation’s 34 committee says, not without a touch of bitterness: “Let’s hope for a beautiful flowering season, that will give us the perfumed honey to which we owe our reputation!” Enthusiastic, and proud of the clear and creamed spring-flower honey he produces – which according to him is a favourite with women and children – he goes back briefly to the year 2019 which he describes as catastrophic, especially with regard to climate: “It was too cold when the flowers came out. The production of spring honey was very badly affected, and we couldn’t make any forest honey. It was one of the worst seasons of the last ten years – and others had been very mediocre.”

Budding beekeepers

Nonetheless, with his 50 colonies dispersed across a vast territory from Vinzel to Châteaux-d’Oex, André Pasche remains upbeat. If all goes well, the new honey should be out by June. “It’s a very

Le métier nécessite un apprentissage compris entre 3 et 5 ans pour acquérir le minimum de bagage nécessaire pour s’occuper de colonies d’abeilles de manière correcte.

Quentin Voellinger, nouveau président de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA)

Se former pour faire juste

A ce propos, le nouveau président de la FVA, Quentin Voellinger, est très clair: «Depuis quelques années, le spectre de la disparition des abeilles émeut. D’où le regain d’intérêt pour l’apiculture. Loin de moi l’idée de vouloir freiner cet élan, mais cette nouvelle sensibilisation à l’apiculture doit parfois être recadrée. Les gens flashent sans savoir qu’il y a énormément de boulot derrière. Pas mal de personnes se lancent comme s’ils adoptaient un animal de compagnie. Ce n’est pas du tout le cas, avertit cet sought-after product and there is currently a shortage of local honey”. He is delighted by the enthusiasm of both consumers and budding beekeepers. However, he points out a paradox: there are certainly increasing numbers of new beekeepers but, for some of them, honey is a secondary consideration. Their objective is to keep bees to ensure pollination and preserve biodiversity with a view to saving the future of the planet. An ecological concern that is completely praiseworthy, but which risks producing the opposite effect! The inexperience of novice beekeepers could hurt the bees exploitant d’une vingtaine de ruches à Puidoux et au Mont-sur-Lausanne.» D’où la nécessité de continuer à offrir des cours de formation. Responsable de la vulgarisation depuis trois ans au sein de la Fédération, Quentin Voellinger insiste sur un point: «il faut beaucoup informer, c’est notre rôle. Notamment sur le fait que le domaine de l’apiculture est vaste et complexe et que le métier nécessite un apprentissage compris entre 3 et 5 ans afin d’acquérir le minimum de bagage nécessaire pour s’occuper de colonies d’abeilles de manière correcte. by causing the spread of diseases and parasites, such as Varroa and Asian hornets, as well as undernourishment.

Training courses for novices

Quentin Voellinger, the new FVA president, who has some 20 hives in Puidoux and Le Mont-sur-Lausanne, is very clear about this: “For some years now, we have been worried by the threat of the disappearance of bees. Hence the renewed interest in beekeeping. I wouldn’t dream of slowing down this enthusiasm, but this new awareness needs to be put into perspective. People Et l’investissement est conséquent: surtout en temps, mais également en argent, en motivation. Plus de la moitié des débutants qui décident de se lancer abandonnent après 2 ans», poursuit le président de la FVA.

Du label vers le bio

Car c’est finalement bien de miel dont il est question. Dans le canton de Vaud, nombre de producteurs bénéfi cient du label «Miel du Pays de Vaud», enregistré depuis une vingtaine d’an-

nées et qui valorise le produit, mais dont often get excited about something and rush into it without realising that there’s a huge amount of work involved, rather like taking a new pet.” That is why it is essential to offer training courses. Quentin Voellinger, who has been information manager at the Federation for the last three years, insists that “information is vital and that’s our role. We need to inform people that beekeeping is a vast and complex field and to enter the profession an apprenticeship of three to five years is necessary to acquire the knowledge to look after bee colonies correctly. It also requires substantial investment 35

il a fallu revoir le cahier des charges pour le maintenir au goût du jour. Avec désormais une reconnaissance au niveau régional, le label étant enregistré comme marque de garantie depuis juin 2019. L’an passé, une septantaine de personnes produisaient du miel labellisé vaudois. Et le bio ? Si au niveau agricole environ 10% des structures produisent du bio, pour le miel à peine 2% des exploitations travaillent en bio. «Question de coût avant tout, en plus des contrôles supplémentaires pour la certification, explique Quentin Voellinger. Nous organisons également un cours sur ce sujet pour expliquer comment faire la conversion. Et je suis prêt à parier que d’ici une vingtaine d’années, les exigences pour la production biologique deviendront la norme. C’est finalement le consommateur qui va décider.»

Cuisiner le miel Il serait dommage d’utiliser un bon miel local, labellisé à tout va, qui, de surcroît, est estampillé «Miel du Pays de Vaud», pour faire la cuisine. Son degré de qualité est tel qu’un miel de fleurs, de printemps, de forêts, d’été, de montagne vaudois se déguste à sa juste valeur sans chichi. Carrément seul à la cuillère, sur une tartine légèrement beurrée ou alors en touche discrète sur un fromage de chèvre frais. Cependant, s’il vous reste des fonds de pots, râclez-les pour confectionner le fameux jambon au miel: on badigeonne le morceau choisi – précuit à l’eau – d’un mélange de miel, de vin blanc, de moutarde et de thym émietté. On le fait tourner à la broche une bonne heure et le tour est joué. Craquant et aromatisé à souhait, notre jambonneau. Et pourquoi pas le déguster en jouant la carte de la redondance, en savourant un verre d’hydromel – mélange d’eau et de miel fermenté – ou d’hypocras – vin rouge, miel, cannelle et gingembre –? En dessert, enfonçons le clou avec une part de nougat ou une tranche de pain d’épice. Royal et sacrément moyenâgeux. PEJ

in terms of time, money and motivation. More than half of the beginners give up after two years.”

From quality label to organic

In the Vaud canton, about 70 producers have been awarded the Miel du Pays de Vaud (Honey from the Vaud Region) label. What about organic honey? In agriculture in general about 10% of farms produce organic crops, in the case of honey, barely 2% of beekeeping is organic. Quentin Voellinger goes on to explain: “It’s above all a question of money, on top of the additional certification controls. We also organise a course to explain how to convert to organic farming. I’m convinced that 20 years from now the requirements applicable to organic production will become the norm. In the end, it’s the consumer who’ll decide.”

Honey in numbers

In Switzerland as a whole, and likewise in the Vaud canton, honey producers are mainly artisans with five to 15 hives. Only 2% of beekeepers are professional or semi-professional. It is estimated that at national level some 20,000 people are engaged in beekeeping, taking care of 180,000 bee colonies. There are 18 regional beekeeping associations. Approximately 1,200 beekeepers have hives spread across the entire Vaud region. In the high season, that is at the time of the honey harvest, an average colony comprises 50,000 bees. Swiss honey production is 3,600 tonnes per year. The total volume of branded honey produced in the Vaud region is estimated at 25 tonnes.

Interviews

Cathy Fournier, Anita Daout et Marie-Lucie Bonvin possèdent un rucher commun à Servion. Elles ont uni leurs forces voici 5 ans pour se donner le maximum de chances d’assouvir leur passion des abeilles. Toutes trois ont été coachées et ont suivi des cours. Leur récompense: du miel. Mais pas seulement. Réponses chorales ci-dessous.

Cathy Fournier, Anita Daout et Marie-Lucie Bonvin

- Comment vous sont venue l’idée et l’envie d’accueillir des abeilles?

En fait, c’est venu d’un film suisse «More than Honey», qui a connu un grand succès (ndlr: le documentaire de Markus Imhoof est sorti en 2012. Il suit des personnes qui vivent avec, pour et grâce aux abeilles, dans le contexte de leur possible extinction). Ça a été le déclic. On a eu envie de faire comme eux, dans une philosophie de respect mutuel entre l’insecte et l’humain. On s’est dit: on va le faire. Nous avons donc suivi les cours proposés par la FVA (Fédération vaudoise d’apiculture). L’aventure a réellement commencé au printemps 2015. Le président d’alors, André Pasche, nous a pris sous son aile pour nous dispenser les conseils nécessaires et son savoir-faire. Nous sommes aujourd’hui membre de la société d’apiculture du Jorat.

- Former une équipe, ça a été une évidence?

Complètement. A plusieurs on est plus fortes. Car il faut se rendre à l’évidence, c’est lourd d’avoir des ruches (3 au débuts, 5 actuellement). On est contentes de pouvoir s’entraider. Et il y a toujours au moins une de nous qui est présente s’il y a un pépin ou dans les moments chauds. Par exemple en période d’essaimage au printemps – lorsqu’un groupe d’abeilles s’échappe de la ruche pour former une nouvelle colonie –, lors des miellées – récoltes de miel –, ou le contrôle du varroa et les traitements nécessaires. Il y a tout un procédé à respecter dans chaque cas. L’union fait la force.

- Le bien-être de vos abeilles passe avant l’intérêt pour leur miel?

C’est lié. Mais le miel, il est d’abord à elles plus qu’à nous. Notre philosophie commune, c’est le respect de l’abeille avant tout. On n’est pas dans une optique de production. S’il n’y a pas assez de nourriture, donc de miel, on laisse cette alimentation aux abeilles. C’est un peu ce qui nous distingue de l’ancienne génération d’apiculteurs, plutôt un monde d’hommes, qui affirme volontiers qu’il faut considérer les abeilles comme du bétail. Nous, on se laisse guider par leur monde fascinant. Les abeilles nous enseignent énormément de choses sur la vie, la nature. - Votre miel, vous l’appréciez alors comme un cadeau…

C’est ça. Même pas 10 kg par ruche l’année passée à cause de la météo. Mais appréciable. Notre miel de printemps est d’une couleur jaune pâle. Il est compact, assez crémeux avec un caractère discret. Le colza domine. En revanche, celui de l’été est clairement plus puissant. On sent le mélange des fleurs, des arbres de la forêt et des pollens des champs. C’est ce miel d’été qui varie le plus d’année en année. On le sent: il y a un retour des abeilles par rapport à ce qu’on leur apporte. Le respect va dans les deux sens…

Propos recueillis par PEJ

Le servagnin a 600 ans... et se porte comme un charme!

Six siècles? Bigre... il ne date pas d'hier le servagnin de Morges! Son histoire nous renvoie à celle de la maison de Savoie, et à Marie, sixième des dix enfants de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre.

Marie de Bourgogne épouse, à l'âge de 21 ans, en 1401, Amédée Vlll, d’abord Comte puis Duc de Savoie. A cette époque, la majeure partie de l'actuel canton de Vaud est savoyarde, et la région en profite: c'est une période de prospérité, l'agriculture et la viticulture sont en plein essor.

Au début de l'an 1420, Marie attend son neuvième enfant. La Duchesse de Bourgogne redoute pour lui un destin funeste: elle a perdu cinq de ses huit premiers enfants et la peste sévit du côté de Chambéry. Elle se réfugie dans le bourg de Saint-Prex où naîtra le 7 août une petite Marguerite de Savoie, en parfaite santé. C’est pour les remercier que Marie de Bourgogne aurait offert aux gens de Saint-Prex, à l'automne 1420, quelques pieds de son cépage préféré. Il s'agit sans doute de la plus ancienne plantation de pinot noir de Suisse...

The story of Servagnin wine takes us back to the House of Savoy, and to Marie, the sixth of ten children born to Philippe le Hardi and Marguerite de Flandre.

In 1401, at the age of twenty-one, Marie de Bourgogne married Amédée Vlll, who was first Count, and later Duke of Savoy. At that time, most of what today constitutes the canton of Vaud belonged to Savoy. At the beginning of 1420, Marie was pregnant with her ninth child. The Duchess of

Au début, le nom salvagnin s'impose

Salvagnin, servagnin ou sauvagnin, le cépage d'origine bourguignonne est mentionné sous ces différentes orthographes dans les archives du 15e siècle.

De g. à dr. Raoul Cruchon, promoteur infatigable du servagnin, Félix Pernet, président sortant des Vins de Morges et Pierre-Alain Tardy, découvreur des derniers ceps du cépage bourguignon à Saint-Prex, dans les années 60

Servagnin‘s 600th Birthday

Mais après, le nom salvagnin s'impose en Bourgogne was anxious: she had lost five of her eight children and the plague had reached Chambéry. She therefore took refuge in the village of Saint-Prex and there, on August 7th, a perfectly healthy little Marguerite de Savoie was born. In the autumn of 1420, as a token of gratitude, Marie de Bourgogne presented the village with some vines of her favourite grape variety. That must have been the earliest planting of Pinot Noir in Switzerland. At first it was called Salvagnin. It was mainly grown in the Morges region, very much a minority grape as Chasselas reigned supreme.

The twentieth century was almost fatal for Salvagnin. After the two World Wars, there followed a period of over productivity. Since Salvagnin was a fragile and not very productive variety it was gradually replaced by other red varieties, especially Gamay. In 1963, Pierre-Alain Tardy, a young winegrower from Saint-Prex, decided to try and recover some Salvagnin plants. His 39

terre vaudoise, surtout dans la région de Morges. Il n'occupera dans le vignoble qu'une place minoritaire: le chasselas règne en maître.

Le 20e siècle sera presque fatal au salvagnin. Aux deux guerres mondiales succède une période marquée par un productivisme à outrance. Le salvagnin fragile et peu productif est peu à peu remplacé par d'autres cépages rouges, surtout par du gamay, costaud et généreux en termes de rendement.

En 1963, un jeune vigneron de SaintPrex, Pierre-Alain Tardy, se met en tête de retrouver quelques plants de salvagnin, rescapés des arrachages massifs. Ses premières prospections ne donnent rien. Mais quelques années plus tard, un certain Werner Kaiser, contremaître dans une entreprise de génie civil, lui explique qu'il a arraché une vigne avec son trax pour permettre l'exploitation d'une gravière à Saint-Prex. Il a récupéré trois pieds de vigne pour les replanter devant son poulailler! Deux sont morts, le troisième a résisté. Sur cette souche-mère Pierre-Alain Tardy va patiemment prélever de petits greffons et constituer peu à peu une modeste vigne de quelques centaines de pieds. L'expertise des anciens du village à qui le vigneron présente ses premiers raisins est formelle: oui, c'est bien le fameux salvagnin de Saint-Prex! L'engouement est rapide. Sous l'impulsion de quelques professionnels passionnés, dont le charismatique Raoul Cruchon, le salvagnin gagne du terrain. first efforts were fruitless. A few years later, however, Werner Kaiser, the foreman of a company starting operations on a gravel pit in Saint-Prex, informed him that his bulldozer had dug up three vine stocks which he had replanted in front of his chicken house! Two of them had died, one had survived. So, from that parent strain Pierre-Alain Tardy patiently harvested small grafts and built up a small vineyard of a few hundred grapevines. When he presented his first grapes to the elders of the village, they were adamant: these were definitely the famous Salvagnin grapes of Saint-Prex!

28'000 bouteilles de servagnin

Aujourd'hui, vingt vignerons produisent annuellement quelque 28'000 bouteilles de ce pinot noir historique, cultivé sur 37 parcelles représentant une surface un peu supérieure à cinq hectares.

Le nom salvagnin, terme générique vaudois désignant l'assemblage de pinot et de gamay, a été abandonné au profit de servagnin. La marque est protégée par les Vins de Morges et un rigoureux cahier des charges.

Raoul Cruchon, qui préside le 6ooe du servagnin, explique que «pour avoir le droit d’utiliser la marque Servagnin, le vin ne peut être issu que de raisins de salvagnin de Saint Prex de la sélection Tardy, cultivée dans le périmètre du lieu de production de Morges. Les rendements sont plafonnés à 50 hl/ha. Les moûts doivent titrer au minimum 82° Oechslé. La vinification doit se faire nécessairement dans des fûts en bois d’une contenance de 600 litres au maximum durant un minimum de neuf mois. L’ensemble de l’affinage doit durer au moins quatorze mois et la commercialisation ne peut intervenir qu’à partir du premier avril de l’année suivante.»

Et pas question de jouer les francstireurs lors de la commercialisation: la forme de la bouteille, le contenu de l'étiquette et la capsule d'authentification Rendez-vous 20 juin

Odyssée du Servagnin en Savoie 6 novembre Nuit du Servagnin au Château de Morges Tous les détails sur www.vinsdemorges.ch

sont imposés aux producteurs! Interest spread fast and driven by the enthusiasm of a number of wine-growers, Salvagnin gained momentum.

28,000 bottles of Servagnin

Today, twenty winemakers produce approximately 28,000 bottles a year of this historic Pinot Noir, grown on 37 parcels (5 hectares). Salvagnin, the name given to a blend of Pinot and Gamay in the Vaud region, was changed to Servagnin.

Raoul Cruchon, who presides over the 600th anniversary celebrations of Servagnin, explains that “in order to have the right to use the brand name Servagnin, the wine must be produced exclusively from the Tardy selection of Saint-Prex Salvagnin grapes and grown within the production area of Morges. The yields are limited to 50 hl/ha. The density of the grape-must must be at least 82° Oechsle. The vinification must be carried out for at least nine months in no larger than 600-litre wooden casks. The maturing process must take at least 14 months and the wine cannot be put on sale before April 1st of the following year.”

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