Danièle Corre Muriel Bergasa
Ce qui nous fonde
Ce qui nous fonde Po è m e s d e
Da ni èl e Cor re Ph otog ra ph i e s d e
Mu r i el Bergas a
Le mot jailli s’étoile sur la page avec mille paysages, mille visages, qui attendaient le silence pour rappeler les îlots de douceur où nous avons fait halte et repris souffle pour faire face au jour, à ses violences, à ses non-sens, à ce qui divise et morcelle et lacère notre âme si petite.
Saisir la grâce de l’instant sans penser à sa fragilité extrême, à l’ébauche du geste qui la briserait, est-ce possible ? Plus vive dans sa sombre doublure, plus précieuse dans l’écrin qu’aucune main ne peut fermer.
Dans la forêt obscure du temps, tenir à distance les ronces qui nous ont lacérés, oser pourtant le regard sur les cicatrices qui disent la lame, la lutte, la plaie, l’invisible force qui court sous la peau.
En ville souvent la nuit oublie d’être silence et espace où accueillir les images qui nous fondent que sans cesse on réchauffe pour garder souffle et pied dans la houle du temps avec ses creux, ses cruautés, ses envols, ses renversements.
Pourquoi sourire à cette pluie fine qui m’arrête en pleine rue, dont personne ne se protège tant elle est voile sur les cheveux ? Elle chantonne à bouche fermée chemin des douaniers, courses sur la lande, espace qu’on avale avec le vent, la mer à nos pieds. Mais le sourire se fige sous la pluie perfide. Aux cheveux s’accrochent les griffes des genêts, les rires décloués des portes, des débris de falaise foudroyée.
Assez de couteaux, de machettes, d’outils tranchants dans mes poèmes, il est temps d’entourer ce qui blesse d’un linge épais, du lange inutile où l’on serra le nouveau-né autrefois en un janvier froid. Déposons le tout en haut de l’armoire et fermons la porte pour laisser venir les mots de feuilles et de prairies, de rivières et de lacs, où la parole s’ébroue en gouttes scintillantes, où les mains se posent sur des soirs paisibles.
Pays gris d’enfance vulnérable, déjà je m’éloigne. Revues les petites filles qui disposaient du monde, qui ont fait ce qu’elles ont pu. Le soleil sur la Moselle, sur les villages blanchis, offre gloire à la cité de fer qui assure mes fondations. Les usines se sont essoufflées, les jardins ouvriers ont gardé belle figure. Là-bas court quelqu’un connu en difficile saison, qui ne se retourne pas.
Les auteurs
Danièle Corre Née à Villeneuve-sur-Yonne, Danièle Corre a passé une partie de son enfance en Lorraine. Professeur de lettres, elle a mis en place des ateliers d’écriture poétique qu’elle anime en milieu scolaire, initiant ses élèves à la poésie contemporaine. Elle a reçu de nombreux prix dont le prix Max Jacob en 2007. De sa collaboration avec Sarah Wiame sont nés de nombreux livres d’artiste aux éditions Céphéides. Elue à l’Académie Mallarmé en octobre 2015, elle est membre du comité Aliénor qu’elle a présidé. Bibliographie Poésie L'arbre de mémoire, Éditions La Bartavelle, Prix Jean Follain 1999. De terre et d'eau, avec Sarah Wiame, peintre, Éditions Céphéides, 2001. Éclats, Éditions Céphéides, 2002. Sédiments, Éditions céphéides, 2002. De clairière en clairière, Éditions Poésie sur Seine, Grand prix de l'édition 2002. Rives, Éditions Céphéides, 2003. Bretagne, Éditions Céphéides, 2003. D'un pays sous l'écorce, Éditions Cahiers de poésie verte, Prix Troubadours 2004. Les Chants querelleurs, Éditions Céphéides, Prix Aliénor 2004.
Ils savent. Ils vont, Édition Mairie du 9eme, Prix Simone Landry 2004. Obstinément l'enfance, Éditions Aspect, 2005. Petit éclat de mot, Éditions Céphéides, 2005. Voix venues de la Terre, Éditions Jacques Brémond, Prix de Poésie des Jardins de Talcy 2005. Arbres en soi, Éditions Céphéides, 2006. Énigme du sol et du corps, Éditions Aspect, Prix Max Jacob 2007. Comme si jamais personne, Éditions Aspect, 2008. Proust, un enfant ébloui, Éditions Céphéides, 2009. Mille étoiles, coll. « comme si », avec Dominique Penloup, Livre Pauvre Daniel Leuwers, 2009. Ce sourire que le jour retient, Éditions Potentille, 2009. Femme de basalte, Éditions Céphéides, 2010. L’éventail des routes, Éditions Le Moulin à Lire, avec Dominique Moulin, 2010. Etrange déchirure, Éditions Le Moulin à Lire, 2011. De périls et de pollens, Livre-ardoise Editions Transignum, 2011. Routes que rien n'efface, Editions Aspect, 2012. La haute fenêtre, coll. Aumône, avec Bernadette Theulet-Luzié, éditions Livre Pauvre Daniel Leuwers, 2012. La nuit, le poème avec Danièle Marche. Éditions Céphéides, 2012. Où parle doucement l'âme des morts. Vietnam, avec des aquarelles de U. Fremde, Editions Aspect, 2012.
La nuit ne se tait pas, Éditions Tensing, 2013. Lorsque la parole s’étonne, Editions Aspect, 2016. Prose La vie seconde, Éditions Tensing, 2014. Ermeline ou les amants de Villeneuve, Editions des AVV, coll. Histoire en histoires, 2014. Coordination Sources, Atelier poésie jeunesse, Éditions L'Harmattan, 2012. Anthologies ou ouvrages collectifs Livre Pauvre-Livre Riche, Daniel Leuwers Somogy Éditions d’art, 2006. Poésies de langue française par Stéphane Bataillon, Sylvestre Clancier et Bruno Doucey. Éditions Seghers, 2008. Carnavalesques, choix de textes de langue française de poètes d’aujourd’hui, Éditions Aspect, Nancy, 2009, 2014. Femmes prétextes, Éditions Céphéides, 2010. Les très riches heures du livre pauvre, Daniel Leuwers, Gallimard 2011. Poésie de langue française, Jean Orizet, Cherche Midi 2013. Revues Diérèse, Friches, Concerto pour marées et silence, revue, Poésie/première, Poésie sur seine, Arpa, Cahiers de la rue Ventura, 7 à dire.
Muriel Bergasa Née en 1979 à Paris, photographie depuis son plus jeune âge. Après des études d’histoire de l’art, et de photographie, en 2009 a exposé à la Maison des étudiants de Cergy Pontoise avec l’artiste espagnol Miguel Elias pour une exposition commune intitulée Exils, errances, rencontres. Devenue professionnelle en 2012, elle exerce son œil pour les évènements de la vie culturelle et artistique, religieuse ou plus intime et familiale. A publié dans des journaux et revues en France et en Espagne (La Croix, CICC, Papeles del Martes…) et surtout photographie depuis plusieurs années les poètes et artistes du Cercle Aliénor à la Brasserie Lipp.
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Ralentir poème 1 Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix
Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéastre, etc).
Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1
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© Octobre 2017 — Poèmes de Danièle Corre Photographies de Muriel Bergasa La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363
« Pourquoi sourire à cette pluie fine qui m’arrête en pleine rue, dont personne ne se protège tant elle est voile sur les cheveux ? » Poèmes de Danièle Corre Photographies de Muriel Bergasa