Comme pour la lampe - Julien Bosc & Magali Ballet

Page 1

C o m m e

p o u r

l a

l a m p e

Jul ie n B osc Mag al i B al l e t



Comme pour la lampe Poèmes de

Jul ien Bo sc Photographies de

Magal i Bal l et



des étoiles sur les vitres des fenêtres une brune de haute mer des arbres défeuillés — dévoilant lichens et boules de gui — un vol de corneilles une averse de petite neige qu’affolent des vents contraires les aboiements détestables des chiens de chasse et contre la clôture qui sépare deux pâturages un grand cerf mort


les dernières feuilles de chênes quand elles tombent dans un léger vent passager un bruit de papier que l’on froisse




de hêtres ou de chênes si deux branches mères s’élèvent légèrement en V j’y vois toujours les jambes d’une femme et si la mousse juste entre ces deux branches sa végétale toison pubienne — à tel point parfois inversant mentalement la position du demi corps que la métamorphose le cède au vrai


reste alors si d’humeur au désir à imaginer le tronc les mains le visage et pourquoi non la voix (avec laquelle poursuivant la promenade s’échangent d’amoureux mots timides)




la lune cette nuit une demie coquille de noix dans la mer d’huile au large


des poèmes mal formés non-viables mort-nés ou quasiment qui n’avaient pas lieu d’être ni lieu pour


« les pilotis d’un bas ciel gris » ainsi s’offrait hier le bois tout nu d’hiver


plus ou moins vite et longtemps passer puis repasser de l’ombre à la clarté ainsi d’une longue promenade à travers bois et forêts — miroir à peine déformant de l’âme et ses états (avec de surcroît ce grand air ô combien nécessaire)




de loin sous les nuages la plantation de mélèzes est d’un même beige blafard que les vieilles pailles mouillées mais pris par le soleil — celui-ci bas d’hiver dont la lumière est peut-être la plus épurée des quatre saisons — l’alchimie des spectres la transmue en grève lumineuse — avec ici les feuillus pour falaises ici les sapins telle la mer


des alternances de ciels bleus soleil nuages et pluies soudain une très brève averse de grêle puis le ciel gris le soir la nuit et comme pour la lampe éteindre le poème



entre le front la nuque le coup de hache d’un sombre hiver

dehors les bourgeons entrouverts et deux fleurs blanches dans un fruitier


corps mort que les oiseaux ou les fleurs avatars des miroirs dÊtendent dans une ultime tension des nerfs (serait-ce aussi cela un poème)


arrière-printemps gluant de chagrins et tourments et grosses mouches noires prisonnières des carreaux mensonges




Les auteurs


Julien Bosc Poète, Julien Bosc est l’auteur d’une douzaine de livres. En 2013, il a fondé une maison d’édition, le phare du cousseix, dédiée à la poésie contemporaine. Il vit et écrit dans le sud de la Creuse. Dernières parutions — Maman est morte, Rehauts, 2012 ;
 — De la poussière sur vos cils, la tête à l’envers, 2015 ;
 — Le corps de la langue, Quidam éditeur, 2016 ; — La Coupée, éditions Potentille, 2017.


Magali Ballet est née le 6 octobre 1970 en Avignon. Après avoir vécu dans le Lubéron, au bord de la Méditerranée, et en Limousin, elle décide en 2014 de s’installer en forêt de Tronçais en Auvergne. Là, elle poursuit son travail photographique argentique et numérique inspiré essentiellement d’une mémoire naturelle de « paysages de temps » Les images s’organisent en séries et unités de préoccupations : Logos, németon, nem, nemos, nemus, bois sacrés ; Lueurs ; Bruissement ; brumaire, In natura, Le grand nuy, au delà du violet, d’autres nuits, r o u g e, Sleeping trees, paysages d’absence, nuits, nuages, paysages soi. Ce travail fait l’objet, depuis 2001, d’expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger, d’éditions courantes, de livres d’artistes et de commandes. Dernières parutions — l’enclos du vent, éditions Isabelle Sauvage, collection ligatures, poèmes d’Erwann rougé. — L’appui du vent, livre d’artiste avec Odile fix et Erwann Rougé. — Les cheveaux de Tarkowski de Pia tafdrup, Editions Unes. tirages de tête. — Le travail photographique est présent à la galerie HorsChamp, Sivry-Courtry. — Travaux en cours : «paysages soi» sténopés panoramiques, photographies argentiques.


�� L a

revue

Ce

q u i r e s t e ��

Ralentir poème 1 Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéastre, etc).

Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1


…nous suivre…

© Novembre 2017 — Poèmes de Julien Bosc Photographies de Magali Ballet La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« des alternances de ciels bleus soleil nuages et pluies soudain une très brève averse de grêle puis le ciel gris le soir la nuit et comme pour la lampe éteindre le poème » Poèmes de Julien Bosc Photographies de Magali Ballet


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.