Délivrances
(extraits de Given Away)
Jennifer Barber Dessins de LB Volle Traduit de l’américain par Emmanuel Merle
Ce
qui
reste
Délivrances
(extraits de Given Away)
Jennifer Barber Dessins de LB Volle Traduit de l’américain par Emmanuel Merle
Ce
qui
reste
Genèse Genesis La carte topographique pour le pouce
the contour map to the thumb
la carte fluviale pour la paume
the river map to the palm
le chapelet de galets pour la colonne
the string of pebbles to the spine
les joues des anges pour les genoux
the cheeks of angels to the knees
la pupille pour l’œil
the pupil to the eye
l’iris pour l’œil
the iris to the eye
l’œil l’œil plein de remords
the eye the eye full of remorse
Ailleurs Away
Au point du jour, l’herbe. Le psaume des impatiens, celui du loriot. La clameur du pas encore. Le fracas de ce qui a commencé. A la tombée de la nuit, le vent retournant les feuilles sur leurs tiges sombres.
At daybreak, the grass. The jewelweed psalm, the oriole’s. The clamor of not yet. The thunder of begun. At nightfall, the wind turning the leaves on their dark stems.
Cette heure This Hour Cette heure, de la pluie sur un champ fauché. Ta main sur ma cuisse, ta main emplie de la gravité des Chants de l’Ascension, mûre comme le fruit dans une prophétie de fin d’été. This hour, rain on a mown field. Your hand on my thigh, your hand full of the gravity in the Songs of Ascent, ripe as the fruit in a prophecy of summer’s end.
Verger Orchard Ouvrir les psaumes, laisser entrer des jours entiers entre s’allonger dans l’ombre d’une vallée et monter un chemin abrupt. S’ouvrir aux psaumes qui n’ont pas l’air de psaumes et à ceux qui en ont l’air, qui envoient des racines dans la rivière comme des pleurs entendus par hasard. Le poignet d’un psaume. Un vêtement déchiré. Le psaume du laboureur. Du guerrier. Du prisonnier. Celui du roi. Les graines d’un psaume perdu pour nous, perdu dans le temps sur une colline d’abricotiers donnant sur une cité avec ses ruelles, ses portes s’ouvrir aux psaumes comme les fleurs de papier plié s’ouvrent d’un coquillage posé dans un verre d’eau, se balançant, s’épanouissant.
Opening the psalms, letting in whole days between lying down in the shade of a valley and a path’s steep climb. Opening the psalms that don’t seem psalms and the ones that do, that send roots into the river like weeping overheard. The wrist of a psalm. A garment torn. The plowman’s psalm. The warrior’s. The prisoner’s. The king’s. The seeds of a psalm lost to us, lost in time on a hill of apricot trees overlooking a city with its alleys, its gates opening to the psalms the way folded paper flowers open from a shell dropped in a glass of water, swaying, blossoming.
Cantique des Cantiques Song of Songs Les amoureux, dans leur empressement, se sont rencontrés sur la colline, c’était la nuit, c’était l’aube, le soleil brillait sur le mur du jardin, sur les branches nouvelles et surprises des pommiers, c’était midi, c’était une après-midi pour les potins près du portail, l’amandier, le figuier, la lumière du printemps sur l’herbe, les appels des oiseaux qui les trahissent. Personne ne savait quoi dire aux amoureux dans leur désir.
The lovers, in their urgency, met on the hill, it was night-time, it was dawn, sun shone on the garden wall, on the startled, new branches of the apple trees, it was noon, it was afternoon for the gossips at the gate, the almond tree, the fig, the spring light on the grass, the betraying birdcalls. No one knew what to say to the lovers in their need.
Les auteures
Jennifer Barber Jennifer Barber est l’auteur de quatre recueils de poésie aux Etats-Unis : Vendaval, Rigging the Wind, Given Away, et Works on Paper. Sa poésie récente est souvent influencée par son étude de la bible hébreu. Elle est fondatrice et rédactrice en chef de la revue littéraire Salamander et elle enseigne la littérature américaine et anglaise à Suffolk University à Boston. Ses poèmes, traduit en français par le poète Emmanuel Merle, sont apparus en France dans Voix d’encre et la revue Rumeurs. Elle est actuellement en train de préparer une traduction américaine du recueil Ici en exil d’Emmanuel. Elle habite près de Boston, à Brookline, Massachusetts avec son mari, l’écrivain et traducteur Peter Brown.
LB Volle LB Volle est née à Houston, au Texas, elle a obtenu un diplôme en Beaux-Arts au Kansas City Art Institute. Elle a réalisé des dessins, des peintures et des impressions à partir de la flore à travers les États-Unis, la Scandinavie et l’Europe. Récemment, elle a participé à l’Exposition Art Biologic à la Limner Gallery à Hudson, N.Y., et présenté une performance in situ intitulée Circledale to Library Lane à Holbrook, N.Y. Au cours de son séjour à la Watershed Residency à Newcastle, Maine, elle a créé sur place des tableaux à l’encaustique. Après avoir réalisé des gravures comme résidente à la Guanlan Printmaking Base de Shenzen, elle a rejoint la Span and Dialogue: American Contemporary Print Exhibition à Guanlan, Chine. Son travail est réalisé en décidant d’un lieu spécifique, en choisissant des échantillons botaniques puis en dessinant leurs personnalités individuelles. Actuellement, elle possède un atelier à Sayville, New York et travaille à l’encaustique sur des panneaux en bois. Elle vit près de la Great South Bay avec son conjoint, le maître imprimeur Douglas Volle.
La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME
Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix
Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.
© Novembre 2016 — Poèmes de Jennifer Barber extraits de © Given Away, Kore Press, 2012 Dessins de LB Volle Traduction d’Emmanuel Merle La revue Ce qui reste pour la présente édition www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com
« S’ouvrir aux psaumes qui n’ont pas l’air de psaumes et à ceux qui en ont l’air, qui envoient des racines dans la rivière comme des pleurs entendus par hasard. » Jennifer Barber
Ce
qui
reste