et je saurai que je dors - Florence Valéro & Christine Mannaz-Dénarié

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...et je saurai que je dors Florence Valéro Christine Mannaz-Dénarié Ce

qui

reste



...et je saurai que je dors Poèmes extraits de Regarder ailleurs dans les yeux fermés

Florence Valéro Photographies

Christine Mannaz-Dénarié Ce

qui

reste


je tiens la poignée serrée aussi serrée que le rôdeur tient sa lampe d’une fenêtre à l’autre l’allumette craquée des lueurs la nuit ouvre ses geôles

je tiens la poignée serrée aussi serrée que le rôdeur tient sa lampe qui des deux filera le plus vite quand les étoiles nous auront rattrapés



le coussin ĂŠtouffe le bruit pour une seule oreille le sommeil entre par effraction


contre ce veilleur qui t’attend et fait tinter ses clÊs au nombre de tes tracas tu remontes le drap



les pensÊes des traces de pas qui s’effacent



tes yeux s’embusquent dans une question ils ont la taille du monde une couleur de feuille morte le saut d’un animal pris au piège


sur mon visage le temps lime le repos


personne ne viendra arracher une seule branche de ton souffle pas cette nuit où l’avenir donne des coups de nouveau né contre tes yeux fermés


pourquoi penser que la terre te couvre c’est le sommeil qui creuse et jette les fleurs transparentes de l’oubli



des respirations survivent sans cela les histoires ne dureraient pas longtemps


elle se faufile dans un jour me rattrape la main refermant le poing ma mĂŠmoire

elle arme ses bougies et dirige vers le ciel le toit d’une chapelle des visiteurs prolongent une veillÊe

sous mon coeur


Ă cette heure les pensĂŠes sont des biches qui gambadent un pressentiment Ă balles silencieuses


épinglée à ma vision une image plus je veux la noyer plus elle se révèle alors je la chasse comme un insecte volant mais elle a piqué quelque part mordu quelque chose


les étoiles sont à la nuit ce que les yeux sont au jour points de suture des mémoires le trajet de la colère à l’amour se noue avec une aiguille


ne plus diffĂŠrencier le scaphandrier du cosmonaute et je saurai que je dors


je défriche j’écarte la poussière j’habite la planète aux meubles abandonnés chez moi comme sur un territoire de respiration surveillée que je m’élève ou m’enfonce la buée des images effleure les parois de l’insomnie




la lumière se dissout dans un départ solitude pleine de portes dérobées les bruits patientent s’emmitouffler regarder ailleurs dans les yeux fermés



Les auteurs


Florence Valéro Florence Valéro est née en 1986 à Martigues. Elle vit actuellement à Paris où elle partage son temps entre son métier de comédienne et d’auteure. Elle a d’abord été publiée en revue, dans Le Journal des Poètes (2012). Son premier recueil, L ‘instant des fantômes, a été publié en 2013 aux Editions l’Herbe qui tremble, obtenant l’aide du CNL. Dernièrement, quelques poèmes de son second recueil Contre la tempe des pierres (sortie prévue en décembre 2016 aux Editions L’Arbre à Paroles) ont été publiés dans la revue Arpa pour le numéro spécial des 40 ans. Elle travaille actuellement à l’écriture d’un troisième recueil au titre provisoire : Regarder ailleurs dans les yeux fermés.


Christine Mannaz-Dénarié Apprentie compositrice et photographe, passionnée par la magie des images et des sons fixés, Christine Mannaz-Dénarié cherche à partager une expérience sensible avec le spectateur. Elle poursuit un travail photographique articulé autour du procédé de la surimpression, tout en composant des pièces électroacoustiques diffusées en concert ou à l’occasion d’installations, en région parisienne.


La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.


© Décembre 2016 — Poèmes de Florence extraits de Regarder ailleurs dans les yeux fermés (titre provisoire) Photographies de Christine Mannaz-Dénarié La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« ne plus différencier le scaphandrier du cosmonaute et je saurai que je dors » Florence Valéro

Ce

qui

reste


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